Table des matières
- Mercredi 27 janvier 1999
- Nomination de rapporteurs
- Traités et conventions - Adhésion de la France à la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des Nations Unies - Examen du rapport
- Traités et conventions - Accords portant aménagements du titre premier et application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco - Examen du rapport
- Traités et convention - Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs - Examen du rapport
- Mission d'information - Situation actuelle en république du Congo - Communication
Mercredi 27 janvier 1999
- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -
Nomination de rapporteurs
La commission a d'abord procédé à la nomination d'un rapporteur. Elle a désigné M. Paul Masson comme rapporteur sur le projet de loi n° 161 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières et sur le projet de loi n° 162 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière.
Traités et conventions - Adhésion de la France à la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des Nations Unies - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. André Dulait sur le projet de loi n° 62 (1998-1999) autorisant l'adhésion de la République française à la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées approuvée par l'Assemblée générale des Nations unies le 21 novembre 1947.
M. André Dulait, rapporteur, a d'abord rappelé que toutes les organisations internationales obéissaient à un droit particulier leur reconnaissant des privilèges et immunités destinés à garantir leur indépendance et leur bon fonctionnement, en particulier l'immunité de juridiction et des privilèges en matière fiscale. Parmi les organisations dont la France a reconnu les privilèges et immunités, il a cité les Communautés européennes, le Conseil de l'Europe, l'Organisation mondiale du commerce et l'Organisation des Nations unies.
Il a précisé qu'en revanche la France n'avait jamais ratifié la convention du 21 novembre 1947 sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des Nations unies, qui s'applique à diverses institutions appartenant au système des Nations unies telles que le Bureau international du travail, l'Organisation mondiale de la santé ou l'UNESCO.
M. André Dulait a considéré que cette absence de ratification ne reposait toutefois sur aucune opposition de principe à la convention, un projet de loi autorisant la ratification ayant même été déposé en 1957. Par ailleurs, a-t-il ajouté, la France a très largement fait application des dispositions de la convention au profit de l'UNESCO, dans le cadre de l'accord de siège conclu en 1954 avec cette organisation installée à Paris. En ce qui concerne d'autres organisations, notamment celles établies à Genève avec lesquelles la France entretenait des relations fréquentes, une pratique s'était établie tendant à reconnaître de facto leurs privilèges et immunités. Le rapporteur a alors indiqué que, sur la base de cette pratique administrative française, de nombreux fonctionnaires du Bureau international du travail ou de l'Organisation mondiale de la santé en poste à Genève avaient établi leur résidence en France tout en bénéficiant de l'exonération de l'impôt sur le revenu sur leurs émoluments prévue par la convention du 21 novembre 1947.
M. André Dulait, rapporteur, a exposé le changement d'attitude, en 1992, de l'administration fiscale française qui, se fondant sur l'absence de ratification de la convention du 21 novembre 1947, a contesté que des fonctionnaires d'institutions spécialisées des Nations unies ayant leur siège en Suisse puissent bénéficier, en France, des exonérations fiscales liées à leur statut de fonctionnaire international.
Précisant que près de 2.500 fonctionnaires internationaux se trouvaient dans cette situation, le rapporteur a retracé les démarches entreprises par les organisations internationales concernées auprès du Gouvernement français qui se sont traduites, dans un premier temps, fin 1993, par un moratoire sur les actions des services fiscaux en cours puis, dans un second temps, en avril 1995, par la décision du Gouvernement français d'engager le processus de ratification de la convention du 21 novembre 1947.
Abordant le projet de loi déposé au Sénat, M. André Dulait, rapporteur, a considéré qu'en permettant l'adhésion de la France à la convention du 21 novembre 1947, son adoption mettrait un terme à une situation incertaine sur le plan juridique et peu justifiée dans son principe. Il a estimé que cette adhésion clarifierait une fois pour toute le statut des organisations concernées en droit français, en relevant qu'aucune raison de fond ne pouvait justifier que, sur le plan fiscal, des fonctionnaires du Bureau international du travail ou de l'Organisation mondiale de la santé soient traités par l'administration française différemment des fonctionnaires de l'ONU, de l'UNESCO ou de l'Organisation mondiale du commerce. Il a en outre souligné que l'absence d'adhésion à la convention risquait d'encourager bon nombre de fonctionnaires internationaux résidant dans des départements français frontaliers à opter pour la résidence en Suisse. Il a en conséquence invité la commission à émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Robert del Picchia a signalé la concurrence s'exerçant entre des villes telles que Vienne et Genève pour accueillir le siège d'organisations internationales. Il a indiqué que cette concurrence se traduisait, dans les accords de siège, par des dispositions avantageuses comme le maintien du statut fiscal pour les personnels en retraite, y compris lorsqu'ils résident à l'étranger.
M. Christian de La Malène est revenu avec le rapporteur sur les raisons qui avaient pu justifier l'absence de ratification de la convention par la France depuis 1947.
M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur la notion d'institutions spécialisées des Nations unies auxquelles s'applique la convention proposée.
M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que les fonctionnaires de l'UNESCO, y compris les fonctionnaires français, bénéficiaient d'une exonération de l'impôt sur le revenu, et a estimé que la ratification de la convention s'inscrirait dans le sens d'une égalité de traitement pour l'ensemble des fonctionnaires internationaux.
A la suite de ces interventions, M. André Dulait, rapporteur, a précisé que l'absence de ratification de la convention n'avait pas entraîné de difficultés jusqu'au changement de pratique de l'administration fiscale. Il a en outre rappelé que les organisations internationales prélevaient, sur les émoluments de leurs fonctionnaires, un impôt interne.
La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.
Traités et conventions - Accords portant aménagements du titre premier et application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco - Examen du rapport
Puis la commission a examiné le rapport de M. Paul Masson sur les projets de loi :
- n° 60 (1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant aménagements du titre Ier de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963 ;
- et n° 61 (1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963.
M. Paul Masson, rapporteur, a d'abord souligné que les deux accords proposés s'inscrivaient dans le réseau très étroit des relations nouées entre notre pays et Monaco. Il a observé que depuis 1860, la France et la Principauté constituaient de fait un espace de libre circulation au sein duquel les ressortissants des deux Etats pouvaient circuler et s'établir sans visa. Il a rappelé que la convention de voisinage, signée en 1963, réglait le régime applicable aux étrangers en donnant notamment aux autorités consulaires françaises le pouvoir d'attribuer les visas aux étrangers désireux de se rendre à Monaco, après accord des autorités monégasques, et qu'elle prévoyait également la mise en place d'une coopération policière et judiciaire entre les deux parties.
Cette coopération, a ajouté M. Paul Masson, est loin de n'avoir qu'une valeur symbolique, les flux d'étrangers dans la Principauté ne pouvant être tenus pour négligeables. En 1997, 96 escales de croisière ont ainsi eu lieu, tandis que 3.683 mouvements de navire de plaisance étaient enregistrés ; les contrôles ont porté sur environ 30.000 passagers maritimes.
M. Paul Masson a ensuite indiqué que la mise en place de l'espace Schengen aurait pu, en toute logique, avoir pour conséquence le rétablissement des contrôles aux frontières avec Monaco qui n'est pas signataire des accords de Schengen ; elle supposait en effet que l'entrée des personnes aux frontières extérieures de l'espace de libre circulation commun ait lieu à des points de passage autorisés et contrôlés.
La convention de voisinage -a précisé le rapporteur- laissait au Gouvernement princier la responsabilité des contrôles aux frontières de Monaco mais l'absence de contrôles à la frontière franco-monégasque reportait de fait, depuis l'entrée en vigueur des accords de Schengen à la France, les frontières extérieures de l'espace Schengen aux frontières maritimes et aériennes de la Principauté dont le contrôle devait en conséquence être réorganisé. C'est pourquoi les aménagements apportés à la convention de voisinage de 1963 par les deux échanges de lettres proposés s'étaient révélés indispensables.
M. Paul Masson a alors indiqué que le premier échange de lettres s'articulait autour de trois lignes directrices :
- le rappel du principe de liberté d'entrée, de circulation et d'établissement entre les ressortissants des deux Etats signataires ;
- la distinction entre court et long séjour ;
- et l'intégration de la Principauté aux frontières de l'espace Schengen.
M. Paul Masson a ensuite observé que le fonctionnement des points de passage contrôlés conjointement par les autorités françaises et monégasques faisait l'objet du deuxième accord sous forme d'échange de lettres soumis à l'examen du Sénat.
Il a noté qu'en pratique, aucun effectif français ne serait affecté en permanence sur le territoire monégasque ; les autorités de la Principauté devront ainsi prévenir les services départementaux des Alpes-Maritimes de l'arrivée d'un hélicoptère provenant d'un territoire situé hors de l'espace Schengen ou d'un navire provenant d'un port non français ; les fonctionnaires français chargés des contrôles se rendront en temps utile dans les zones qui leur sont attribuées en suivant des itinéraires définis par arrangement administratif.
M. Paul Masson a conclu que, sauf à exposer la France aux critiques justifiées de nos partenaires, la Principauté ne devait pas représenter une faille aux frontières extérieures de l'espace Schengen. Dans la mesure où les deux accords permettaient de fixer les garanties nécessaires et d'exercer aux frontières monégasques un contrôle conforme aux dispositions des accords de Schengen, le rapporteur a invité la commission à donner un avis favorable aux deux présents projets de loi.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait a demandé des précisions sur les "bureaux communs nationaux juxtaposés" (BCNJ) et sur l'existence de telles structures à la frontière franco-italienne. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur le devenir de la monnaie monégasque, dont l'émission incombait à la France, à la suite de la mise en place de l'euro.
M. Paul Masson a relevé que les BCNJ, dont la formule avait été retenue pour le contrôle à la frontière extérieure monégasque, n'avaient pas lieu d'être aux frontières intérieures de l'espace Schengen. Cependant, a-t-il ajouté, des postes de liaison permettaient, dans le cadre d'accords bilatéraux entre Etats signataires des accords de Schengen, d'organiser une coopération policière et, en particulier, des contrôles mobiles sur une bande de quarante kilomètres de part et d'autre de la frontière.
M. Paul Masson a également précisé à l'attention de M. Robert del Picchia que seul le trafic des liaisons régulières par transbordeur entre les Etats de l'espace Schengen relevaient de cet espace et se trouvaient donc exonérés du contrôle aux frontières monégasques, les liaisons effectuées par d'autres navires étant considérées, a-t-il ajouté, comme navigation "hors Schengen".
Le rapporteur a en outre indiqué à M. Christian de La Malène que la Principauté, qui n'était pas membre de l'Union européenne, ne pouvait pas en conséquence adhérer aux accords de Schengen.
A M. Xavier de Villepin, président, qui s'interrogeait sur le statut réservé aux micro-Etats européens dans l'espace Schengen, M. Paul Masson a observé que cette question devait désormais s'apprécier dans le cadre de l'intégration de l'acquis de Schengen à l'Union européenne. Il a rappelé en particulier les incertitudes liées à la ventilation des dispositions des accords de Schengen entre le premier pilier communautaire et le troisième pilier intergouvernemental, s'agissant en particulier du "système d'information Schengen" et de la clause de sauvegarde. Sur ces deux points, le rapporteur a souhaité avec M. Xavier de Villepin, président, que la logique intergouvernementale puisse continuer à prévaloir.
La commission a alors approuvé les deux projets de loi qui lui étaient soumis.
Traités et convention - Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs - Examen du rapport
La commission a ensuite examiné le rapport de M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 135 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs.
M. Robert del Picchia, rapporteur, a tout d'abord rappelé que l'accident de Tchernobyl en 1986 avait fait prendre conscience de la nécessité d'inscrire dans le droit international toute une série de principes et de recommandations en matière de sûreté nucléaire qui avaient été progressivement mis au point par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). La convention de 1994 sur la sûreté nucléaire, a-t-il ajouté, était la traduction de cet état d'esprit et elle devait être complétée par une convention couvrant "l'aval" du cycle du combustible nucléaire, c'est-à-dire la gestion des déchets radioactifs, qui a finalement été adoptée à Vienne le 5 septembre 1997.
Cette convention du 5 septembre 1997, a précisé le rapporteur, s'applique aux déchets radioactifs proprement dits, c'est-à-dire ceux pour lesquels aucune utilisation ultérieure n'est prévue, ainsi qu'au combustible usé destiné au retraitement, mais elle ne concerne pas les déchets provenant de programmes nucléaires militaires.
M. Robert del Picchia a estimé que cette convention visait à promouvoir une "culture de sûreté nucléaire", en prévoyant notamment la réalisation d'études d'impact préalablement au choix du site d'une installation, la limitation au plus bas des expositions à la radioactivité et la mise en place d'un cadre législatif et réglementaire approprié. Il a également indiqué que la convention fixait plusieurs règles applicables aux mouvements transfrontières de déchets radioactifs, notamment le principe du consentement de l'Etat de destination, et la nécessité, pour cet Etat, de disposer de moyens administratifs et techniques appropriés pour assurer la sûreté de la gestion de ces déchets. Il a enfin précisé que la convention ne stipulait pas de régime de sanctions, mais un mécanisme souple de contrôle, fondé sur l'examen périodique par l'ensemble des parties de rapports produits par chaque Etat.
M. Robert del Picchia a ensuite relaté la part active prise par la France dans l'élaboration de la convention en soulignant que notre législation s'y conformait d'ores et déjà, si bien que l'adhésion à la convention n'appelait aucune modification législative ou réglementaire. Parmi les pays disposant de capacité nucléaire et n'ayant pas encore signé la convention, il a cité la Chine, l'Inde, le Japon, le Pakistan et les Pays-Bas, la Russie ayant récemment annoncé son intention de rejoindre les parties signataires. Il a rappelé, à cet égard, que la convention avait pour objectif principal d'améliorer graduellement la sûreté de la gestion des déchets radioactifs dans les pays les moins avancés à cet égard, notamment les pays de l'ex-bloc soviétique et les pays émergents.
Le rapporteur a par ailleurs évoqué les nouvelles orientations de la politique nucléaire allemande, en relevant les incidences d'un éventuel arrêt du retraitement du combustible nucléaire en matière de gestion des déchets radioactifs.
Considérant que la convention du 5 septembre 1997 constituait une pièce importante dans le dispositif international visant à renforcer la sûreté nucléaire, il a recommandé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait a souhaité savoir si la loi française de 1991, qui pose le principe du retour des déchets radioactifs dans leur pays d'origine, établissait un calendrier en la matière.
M. Christian de La Malène a demandé si la convention imposait la création d'une autorité de contrôle indépendante de l'Etat.
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur les raisons qui avaient conduit l'ONU à confier le contrôle du désarmement en Irak à l'UNSCOM et non à l'AIEA. Il a ensuite évoqué les implications des positions du Gouvernement allemand en matière d'énergie nucléaire, en se demandant en particulier quel pourrait être leur impact sur la position des pays d'Europe centrale et orientale en la matière.
M. Robert del Picchia, rapporteur, a alors apporté les précisions suivantes :
- si elle pose le principe du retour dans leur pays d'origine des déchets radioactifs, la loi française de 1991 ne fixe aucun calendrier précis, se contentant d'indiquer que les déchets étrangers ne peuvent être stockés au-delà de la durée nécessaire à leur retraitement ;
- la convention prévoit que les fonctions de contrôle doivent être séparées de celles de la gestion de combustible usé et de déchets radioactifs, mais elle n'impose pas la création d'une autorité de contrôle indépendante de l'Etat ;
- l'AIEA n'effectue des contrôles et vérifications qu'à la demande de l'Etat concerné, si bien qu'elle ne pouvait intervenir en Irak ; elle a en revanche mis ses capacités d'expertise technique à la disposition de l'UNSCOM ;
- si l'Autriche a renoncé à l'énergie nucléaire, plusieurs pays d'Europe centrale et orientale comme la République tchèque, la Slovaquie ou la Slovénie sont actuellement engagés dans des programmes électronucléaires indispensables à leurs besoins énergétiques et auxquels il leur serait difficile de renoncer.
La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.
Mission d'information - Situation actuelle en république du Congo - Communication
La commission a enfin entendu une communication de Mme Paulette Brisepierre sur la situation actuelle en république du Congo.
Mme Paulette Brisepierre a d'abord souligné que son déplacement au Congo, du 15 au 18 janvier dernier, avait été motivé par la volonté de se rendre compte sur place de la situation de nos compatriotes dans ce pays et, en particulier, du problème de l'insécurité sur lequel avaient circulé des informations contradictoires. Elle a indiqué qu'elle avait visité les quartiers sud de Brazzaville, les plus touchés par les derniers affrontements, et qu'elle avait pu constater la présence de nombreux groupes armés.
Mme Paulette Brisepierre a observé que, loin de manifester un sentiment anti-français, la population témoignait à l'égard de notre pays de la reconnaissance, notamment pour l'aide en vivres et en médicaments que la France a été la première à envoyer au Congo. Elle a insisté sur le problème des réfugiés, soit plus de 200.000 personnes déplacées, dont une partie seulement avait pu être accueillie par les habitants des quartiers nord de la capitale, relativement préservés des récents combats.
Abordant alors la situation de nos compatriotes sur place, Mme Paulette Brisepierre a noté que beaucoup de Français installés à Brazzaville ne souhaitaient pas quitter la capitale, car toute maison abandonnée se trouvait de facto livrée aux pillards, mais demandaient seulement un renforcement de la sécurité. A Pointe-Noire aussi, a ajouté Mme Paulette Brisepierre, l'eau et l'électricité avaient été coupées à la suite de l'occupation par la rébellion du barrage qui alimentait la ville ; cette situation difficile entretenait chez nos compatriotes un sentiment d'insécurité. En outre, si la population française à Pointe-Noire compte quelque 3.000 personnes, deux gendarmes seulement sont attachés à notre consulat sur place ; les responsables d'Elf ont toutefois indiqué, en réponse au sénateur, qu'ils mettraient à la disposition de la communauté française, dans la mesure du possible, les moyens dont disposait cette société pour assurer la sécurité de ses employés, dans l'hypothèse d'une aggravation de la crise. Mme Paulette Brisepierre a souhaité rendre hommage au personnel diplomatique français au Congo ainsi qu'aux militaires de la gendarmerie qui accomplissaient avec courage, et dans des conditions extrêmement difficiles, un travail exemplaire.
Mme Paulette Brisepierre a alors souligné la grande confusion qui régnait au Congo sur le plan politique. Elle a rappelé que la crise était alimentée par les combats et les rivalités entre les troupes régulières et les groupes armés se réclamant les uns de l'ancien Président Lissouba et, les autres, de l'ancien maire de Brazzaville, M. Kolelas.
Mme Paulette Brisepierre a indiqué qu'à son retour du Congo elle avait demandé, dans le cadre de la séance des questions au Gouvernement, un renforcement du dispositif de sécurité autour de la représentation française dans ce pays et qu'il lui avait été répondu par le ministre de la défense que le nécessaire avait été fait ; or, au moment même où ces propos étaient tenus, notre ambassade était attaquée et un gendarme tué. Compte tenu des incertitudes quant à l'évolution de la situation au Congo, Mme Paulette Brisepierre a estimé absolument indispensable un déploiement supplémentaire de forces de sécurité.
Après qu'un hommage général eut été adressé à Mme Paulette Brisepierre pour la résolution et le courage dont elle avait témoigné lors de sa visite au Congo, un débat s'est engagé entre les commissaires.
M. Paul Masson a souhaité savoir quelle était, dans la situation actuelle du Congo, la part des rivalités ethniques et celle des effets indirects liés à la crise en République démocratique du Congo, à l'intervention angolaise ou encore aux rivalités de personnes.
Mme Paulette Brisepierre a d'abord observé que M. Denis Sassou N'Guesso, au moment de son arrivée au pouvoir, avait trouvé une situation économique et financière désastreuse, dans la mesure en particulier où les recettes pétrolières avaient été hypothéquées pour plusieurs années. Elle a ajouté que si la France avait soutenu le nouveau Chef d'Etat, elle ne lui avait pas procuré les moyens suffisants et elle n'était pas parvenue à convaincre ses partenaires de l'Union européenne à débloquer les fonds communautaires promis au Congo. Mme Paulette Brisepierre a déploré la lenteur des initiatives prises et souligné la nécessité d'agir vite pour obtenir des résultats.
M. Xavier de Villepin, président, a observé pour sa part, que l'Union européenne était divisée sur le dossier congolais. Il a ajouté qu'il avait retiré le sentiment, lors de la mission de la commission qui s'était rendue sur place l'an passé, que M. Sassou N'Guesso ne pouvait s'appuyer sur une équipe gouvernementale solide. Il a par ailleurs évoqué les risques soulevés par l'instabilité du contexte régional et par la chute des cours du pétrole. Il a enfin vivement regretté certains débordements polémiques, en France même, sur la politique conduite par notre pays à l'égard du Congo. Mme Paulette Brisepierre a estimé, sur ce dernier point, que le seul moyen de prendre la juste mesure de la situation était de se rendre sur place.
Mme Paulette Brisepierre a ensuite précisé, à l'intention de M. Christian de La Malène, que le nécessaire renforcement du dispositif de sécurité français au Congo n'avait pas pour objet de rétablir l'ordre public dans ce pays, mais simplement d'assurer la sécurité de l'ambassade, de la Chancellerie et des autres bâtiments officiels français. Elle s'est également inquiétée, avec M. Xavier de Villepin, président, des risques évidents qu'entraînerait un retrait éventuel des forces angolaises, aujourd'hui présentes au Congo, pour la sécurité de ce pays.
M. Christian de La Malène a alors souligné les risques d'un désengagement de la France en Afrique. M. Xavier de Villepin, président, a observé, quant à lui, que, exception faite de la France, beaucoup de puissances se désintéressaient du sort de l'Afrique. Mme Paulette Brisepierre a ajouté que l'influence de la France sur ce continent représentait un atout majeur. Elle a également observé que la situation du continent dans son ensemble ne pouvait pas se confondre avec les crises chroniques qui sévissaient dans la région des grands lacs. M. Xavier de Villepin, président, a alors relevé que l'instabilité politique au Congo représentait un facteur très dissuasif pour les investisseurs français. Mme Paulette Brisepierre a regretté, à cet égard, les insuffisances du dispositif prévu par la France lorsque nos compatriotes sont confrontés à des situations d'urgence.
M. Robert del Picchia a noté, pour sa part, que les informations contradictoires sur le Congo pouvaient traduire des tentatives de manipulations émanant des différents bords de l'échiquier politique congolais. Il a également fait état, avec Mme Paulette Brisepierre, du remplacement de certains des éléments angolais par des militaires de nationalité cubaine.
M. Michel Caldaguès s'est étonné du paradoxe qui conduisait la France à intervenir dans une région comme le Kosovo où elle n'avait pas d'intérêts directs, et en revanche à ne pas disposer des moyens nécessaires pour protéger sa communauté dans un pays comme le Congo. Mme Paulette Brisepierre a estimé à cet égard que l'envoi de 50 militaires supplémentaires à Brazzaville et de 2 nouveaux gendarmes à Pointe-Noire était insuffisant.
Elle a enfin observé, à l'intention de M. Hubert Durand-Chastel, que Pointe-Noire restait aujourd'hui le poumon économique de l'ensemble du pays et que, si cette ville devait connaître de graves troubles, la situation au Congo connaîtrait alors une dégradation aux conséquences très lourdes pour l'avenir de ce pays.