AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DÉFENSE ET FORCES ARMÉES
Table des matières
Mercredi 2 février 2000
- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -
Nomination d'un rapporteur
La commission a d'abord désigné M. Paul Masson comme rapporteur sur le projet de loi n° 171 (1999-2000) autorisant la ratification des amendements à la constitution de l'Organisation internationale pour les migrations (OMI).
Mission d'information - Asie du nord-est et Japon - Communication
Puis la commission a entendu la communication de M. Xavier de Villepin, président, sur le déplacement qu'il a effectué, du 5 au 13 janvier 2000, en Asie du nord-est et au Japon.
M . Xavier de Villepin, président, a d'abord évoqué la situation en Chine populaire en rappelant que ce pays, fort d'une population de 1,268 milliard d'habitants, avait connu, depuis la mise en oeuvre de la politique de réforme par Deng Xiaoping, un remarquable essor économique. La Chine, a-t-il relevé, représentait ainsi 3,5 % du PIB mondial et occupait le deuxième rang des pays bénéficiaires des investissements internationaux. Il a observé que la croissance, au taux actuel de 7,1 %, s'était ralentie, et que le chômage et la dette publique avaient progressé. Cependant, a-t-il ajouté, les réformes n'avaient pas avancé sur le plan politique et l'on pouvait même observer un certain durcissement du régime, avec la répression conduite contre les membres de la secte Falun Gong et la campagne menée contre le Tibet et les chrétiens. Il a également noté que la Chine connaissait une certaine instabilité sociale.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné que les autorités de Pékin considéraient Taiwan comme une île rebelle. La Chine, a-t-il observé, se prévalait des précédents constitués par la réintégration de Hong Kong (1998) et de Macao (1999) pour réclamer la réunification de ce territoire de 36.000 km² et de 22 millions d'habitants, situé à 150 km de ses côtes. Il a relevé que l'île, dont l'identité chinoise ne faisait pas de doute, avait constitué une province de l'empire Mandchou jusqu'en 1895, date à laquelle le Japon l'avait occupée jusqu'en 1945. Il a constaté que Taiwan avait conservé de bonnes relations avec le Japon, comme en témoignait le succès emporté par ce dernier pays -contre Alsthom- pour le contrat portant sur la livraison à Taiwan d'un train à grande vitesse. Il a ajouté que, depuis la victoire en 1949 de Mao Tsé-toung en Chine continentale, l'île, d'abord sous la conduite de Tchang Kai-Shek, avait connu un destin séparé et une démocratisation progressive. En mars 1996, a-t-il noté, les élections présidentielles à Taiwan avaient réveillé une certaine agitation militaire en Chine.
Les prochaines échéances électorales prévues pour cette année ne devraient pas entraîner, a estimé M. Xavier de Villepin, président, une profonde modification des relations entre Taiwan et la Chine populaire dans la mesure où, d'après des sondages, une très large majorité de l'opinion taiwanaise manifestait son hostilité à une réunification, tant que le régime politique sur le continent n'aurait pas évolué. M. Xavier de Villepin, président, a alors évoqué les risques d'escalade que constituaient, d'une part, l'opposition entre le président taiwanais, qui réclamait, avec la Chine, des relations d'Etat à Etat, et les autorités de Pékin, pour qui Taiwan constituait une " province " et, d'autre part, l'installation de 300 missiles à courte portée à proximité des côtes taiwanaises. Observant que les préoccupations actuelles à Taiwan pouvaient rappeler le débat européen de 1983 sur les euromissiles, il a indiqué que les autorités taiwanaises aspiraient à la mise en place d'une défense antimissiles sur leur territoire. Il a conclu en estimant que les relations entre la Chine et Taiwan détermineraient, pour une large part, l'avenir stratégique de l'Asie.
M. Xavier de Villepin, président, a alors présenté la situation en Corée ; ce pays, divisé depuis le conflit de 1953 entre le sud et le nord, par une ligne de démarcation de 243 km de long tracée sur le 38e parallèle, demeurait confronté à la question de la réunification. Il a observé que la Corée du Nord, placée sous l'autorité d'un régime autocratique, paraissait profondément isolée et connaissait une situation alimentaire très alarmante. L'inquiétude suscitée par la mise en oeuvre d'un programme nucléaire à la fois civil et militaire en Corée du Nord, a-t-il ajouté, avait conduit les Etats-Unis à conclure un accord avec les autorités de Pyong Yang pour encadrer le développement d'un tel programme. La Corée du Sud, pour sa part, connaissait une évolution démocratique depuis 1993 et son économie, frappée par la crise de 1997, bénéficiait depuis l'an passé d'un mouvement de reprise ; le nouveau Président Kim Dae Jung, qui se rendra en France en mars prochain, peu avant les prochaines échéances électorales, prônait une politique d'ouverture vis-à-vis de la Corée du Nord. Il a noté que la présence économique française sur le marché coréen restait faible. Evoquant les perspectives de réunification, il a relevé que l'Italie avait récemment noué des relations diplomatiques avec la Corée du Nord.
M. Xavier de Villepin, président, a enfin évoqué la situation actuelle au Japon, en notant que, depuis l'éclatement de la " bulle financière ", en 1990, pas moins de dix plans de relance avaient été engagés ; une certaine reprise paraissait aujourd'hui amorcée, cependant le niveau de chômage avait augmenté, le déficit public représentait 9,4 % du PIB et l'endettement, 120 % du PNB. Il a insisté sur le phénomène de vieillissement de la population d'un pays qui compterait en 2005 plus de retraités que d'actifs. Il a par ailleurs évoqué la relative sclérose du parti dominant. L'environnement régional, a-t-il observé, était dominé par la menace chinoise et nord-coréenne. M. Xavier de Villepin, président, a précisé que la politique de défense japonaise reposait sur trois principes : le refus du nucléaire, la limitation des dépenses de défense à moins de 1 % du PIB et le maintien de simples forces auxiliaires de défense, ainsi que sur l'alliance avec les Etats-Unis -même si le Japon avait été déçu par le refus américain de ratifier le traité d'interdiction des essais nucléaires.
M. Xavier de Villepin, président, a conclu en indiquant que le rachat, par Renault, de 38 % du capital de Nissan constituait un pari certes risqué mais qui, s'il était gagné, permettrait de renforcer de manière très significative la présence française au Japon.
M. Xavier de Villepin, président, a ensuite répondu aux questions des commissaires.
Il a précisé à l'intention de M. Robert Del Picchia que notre pays n'entretenait pas de relations diplomatiques officielles avec Taiwan.
M. Aymeri de Montesquiou a observé que la reconnaissance de la Corée du Nord par l'Italie pouvait susciter une réaction négative de la part des autorités de Séoul. Il a souligné par ailleurs que la réunification des deux Corées représenterait un coût considérable. Après avoir remis en perspective le poids économique de la Chine, il s'est interrogé sur les investissements taiwanais sur le continent ainsi que sur les conséquences, pour l'emploi, de la reconversion des industries lourdes chinoises.
M. Xavier de Villepin, président, a précisé que la Corée du Sud, qui menait une politique d'ouverture vis-à-vis de la Corée du Nord, n'était pas nécessairement hostile à l'établissement d'une présence européenne, et notamment française, de l'autre côté du 38e parallèle. Après avoir rappelé l'essor économique de la Chine au cours des dernières décennies, il a évoqué l'extrême étroitesse des relations entre la Chine et Taiwan sur le plan économique, malgré les antagonismes politiques. Il a souligné, en outre, que la reconversion des industries lourdes, sur le continent, conduirait à de nombreux licenciements, qui aggraveraient encore le problème du chômage.
M. Jean Faure s'est, pour sa part, montré assez sceptique sur les perspectives de réunification entre les parties nord et sud de la péninsule coréenne. Il a observé que les visites touristiques des Coréens du sud de l'autre côté de la ligne de démarcation étaient très strictement encadrées. Les autorités chinoises, a-t-il ajouté, appliquaient désormais une grande rigueur pour refouler hors de leur territoire les réfugiés de Corée du Nord ; la population, privée de toute liberté et condamnée à vivre dans un climat de suspicion, endurait par ailleurs une terrible famine, qui affectait plus de 60 % des habitants. Il a également relevé que la Corée du Nord vendait des armes à différents pays du Moyen-Orient.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné que le pouvoir, en Corée du Nord, n'était pas à l'abri d'une crise politique ou sociale, et que la politique d'ouverture conduite par le Président de Corée du Sud apparaissait judicieuse.
M. Guy Penne a relevé que plusieurs pays africains avaient été conduits à nouer des relations diplomatiques avec Taiwan pour des raisons d'ordre économique. M. Xavier de Villepin, président, a rappelé à cet égard que Taiwan n'avait pas renoncé à obtenir un siège aux Nations unies.
Défense - Volontariats civils - Examen du rapport en deuxième lecture
La commission a ensuite procédé à l'examen en deuxième lecture du projet de loi n° 179 (1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national.
Après avoir rappelé que le projet de loi visait à mettre en place, sur une base volontaire, une formule capable de prendre le relais des actuelles formes civiles de service national, en particulier la coopération, l'aide technique, le service de sécurité civile et le service " ville ", M. Robert Del Picchia, rapporteur, a souligné que l'Assemblée nationale avait retenu, sans exception, tous les amendements que le Sénat avait adoptés en première lecture.
Parmi les principales améliorations apportées par le Sénat au projet de loi initial, il a cité :
- l'extension du volontariat civil aux classes d'âge qui ne relèvent pas du nouveau code du service national, à savoir les jeunes hommes nés avant le 1er janvier 1979 ayant satisfait à leurs obligations militaires et les jeunes filles nées avant le 1er janvier 1983, en vue de disposer d'un échantillon suffisant de candidatures durant la période de transition ;
- l'exonération fiscale des indemnités servies aux volontaires ;
- l'extension de leur couverture sociale à leurs ayants droit ;
- l'amélioration de la reconnaissance du volontariat par la délivrance d'un certificat d'accomplissement et la prise en compte du temps de volontariat pour la validation des acquis professionnels ;
- la reconnaissance législative des formes de droit privé de volontariat, notamment le volontariat de solidarité internationale instauré par le décret du 30 janvier 1995 ;
- divers aménagements techniques du fonctionnement du volontariat civil.
Le rapporteur a indiqué que l'Assemblée nationale avait confirmé ces différents amendements du Sénat et qu'elle avait, sur le fond, apporté les modifications suivantes :
- la possibilité de demander une prolongation du volontariat lorsqu'il a été interrompu pour cause de maladie ou de maternité ;
- la possibilité, avec l'accord de l'organisme d'accueil, d'exercer des activités d'enseignement en sus du volontariat ;
- la possibilité de partenariats avec la Commission européenne, dans le cadre du service volontaire européen ;
- l'extension des missions des volontaires aux actions de la France en matière de développement de la démocratie et des droits de l'homme ;
- le rappel de l'égale vocation des hommes et des femmes à accéder au volontariat civil.
M. Robert Del Picchia, rapporteur, a signalé que l'Assemblée nationale avait souhaité étendre le volontariat civil aux jeunes ressortissants des pays de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, leur candidature pouvant toutefois être écartée des fonctions inséparables de l'exercice de la souveraineté ou participant de l'exercice de prérogatives de puissance publique. Il a estimé que cette disposition devait s'analyser moins comme une ouverture d'un droit à des non-nationaux d'effectuer un volontariat civil français que comme la possibilité offerte aux services de l'Etat, aux entreprises, collectivités ou associations de recruter, lorsqu'ils le jugeront utile et opportun, de jeunes européens.
Le rapporteur a enfin exposé la modification opérée par l'Assemblée nationale à l'article 6, et visant à instaurer une période probatoire d'un mois au cours de laquelle le volontaire pourrait résilier son engagement, unilatéralement et sans préavis. Il a ajouté qu'un décret devrait préciser les modalités d'application de cette disposition en vue notamment d'éviter qu'elle pénalise abusivement les organismes qui auraient engagé des frais importants lors du recrutement de volontaires, par exemple dans le cas d'un volontariat à l'étranger.
A l'issue de son exposé, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a considéré que le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui confirmait largement les positions prises par le Sénat, ne modifiait pas l'équilibre d'un projet de loi sur lequel un très large accord s'était manifesté dans les deux assemblées. Il a rappelé l'urgence de la mise en place du volontariat civil, surtout à l'étranger, à quelques mois de la suspension de la conscription.
Tout en estimant nécessaire d'obtenir de la part du Gouvernement des éclaircissements sur les modalités d'application de certaines dispositions ajoutées par l'Assemblée nationale, en particulier la période probatoire d'un mois, il a proposé à la commission l'adoption conforme du projet de loi, afin de privilégier l'aboutissement rapide du processus législatif.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Guy Penne a observé que la position du Gouvernement au regard de l'ouverture du volontariat civil aux ressortissants européens avait évolué. Il s'est interrogé sur les restrictions qui pourraient être opposées à ces candidatures, en particulier sur celles d'entre elles liées à l'exercice de prérogatives de puissance publique. Enfin, il a souligné les difficultés d'application susceptibles d'intervenir du fait de la faculté de résiliation unilatérale ouverte aux volontaires durant la période probatoire d'un mois.
M. André Dulait a demandé des précisions sur la rémunération des volontaires civils provenant d'autres pays européens.
Evoquant la mise en oeuvre de la période probatoire d'un mois, M. Christian de la Malène a estimé que le décret d'application ne pouvait modifier la portée de la loi.
Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le rapporteur sur le régime fiscal des indemnités perçues par les volontaires.
A la suite de ces interventions, M. Robert Del Picchia, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :
- le projet de loi ouvre aux ressortissants européens un droit à se porter candidats à un volontariat civil, tout en renforçant le pouvoir discrétionnaire du ministre pour l'acceptation de ces candidatures ;
- les volontaires civils européens bénéficieront du même régime de rémunération que les volontaires français ;
- à la suite des amendements du Sénat, confirmés par l'Assemblée nationale, les indemnités de base comme les indemnités complémentaires des volontaires civils seront totalement exonérées d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale ;
- le Gouvernement étudie actuellement le moyen d'éviter les inconvénients que pourrait présenter l'application de la période probatoire d'un mois et fera connaître sa position d'ici la séance publique.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a alors approuvé sans modification le projet de loi modifié par l'Assemblée nationale.
Missions d'information et organisation des travaux de la commission - Echange de vues
Puis la commission a retenu le principe de deux missions ponctuelles, composées chacune de deux à quatre parlementaires, accompagnés d'un administrateur, au cours de l'année 2000. La première permettrait à une délégation de la commission de se rendre au Kosovo afin de rencontrer les responsables de la Mission intérimaire des Nations unies (MINUK) et les forces françaises déployées dans la province, la seconde permettrait à une délégation de la commission de se rendre en Syrie afin d'évaluer, notamment, l'évolution interne de ce pays et les enjeux régionaux dans le cadre des négociations de paix en cours.
M. Xavier de Villepin, président, a également évoqué avec MM. Guy Penne et Marcel Debarge la possibilité d'effectuer, le cas échéant, un déplacement dans deux pays d'Afrique dont l'évolution politique pourrait retenir l'attention de la commission.
La commission a ensuite désigné trois commissaires pour préparer des rapports d'information :
- M. André Boyer, rapporteur pour avis des crédits de la marine, sur l'avenir du groupe aéronaval ;
- M. Paul Masson sur la coopération européenne dans le domaine de l'immigration ;
- enfin M. Xavier de Villepin, président, sur le projet de défense antimissiles en cours de définition par les Etats-Unis.
M. Michel Pelchat a par ailleurs évoqué l'intérêt, pour la commission, de réfléchir au difficile positionnement international de l'Agence France-Presse (AFP) face à ses concurrents européens ou américains. M. Xavier de Villepin, président, est convenu de l'importance d'un tel thème, tout en soulignant son souci de préserver les domaines respectifs des commissions permanentes.
Enfin, M. Christian de la Malène, abordant l'actualité européenne, a estimé que la commission devait être attentive au débat en cours tendant à distinguer, au sein des traités européens, entre les normes juridiques les plus importantes, de niveau " constitutionnel ", dont les modifications relèveraient des procédures habituelles de ratification nationale et les autres dispositions qui ne relèveraient alors que des instances européennes. Ce projet, a relevé M. Christian de la Malène, avait au demeurant fait l'objet d'un avis négatif du Gouvernement français.
Enfin, M. Xavier de Villepin, président, ayant rappelé l'audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, par la commission, le jeudi 3 février, M. André Dulait a indiqué qu'il souhaiterait évoquer avec le ministre, les informations contenues dans un article de presse, que M. Xavier de Villepin, président, a estimé " choquant ", concernant la situation des services des visas de certains consulats.
Jeudi 3 février 2000
- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -
Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères
La commission a procédé à l'audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine a d'abord évoqué l'actualité européenne, en rappelant que la conférence intergouvernementale (CIG) s'ouvrirait le 14 février prochain. Dans cette perspective, a-t-il ajouté, chacun des Etats membres de l'Union européenne préciserait sa position sur les trois sujets à l'ordre du jour de la CIG : la repondération des voix au sein du Conseil, l'extension de la majorité qualifiée et le nombre de commissaires. S'il existait, comme le ministre des affaires étrangères l'a observé, un débat pour élargir les discussions à d'autres thèmes, il reviendrait au Conseil européen de Porto, en juin prochain, de se prononcer sur ce point.
Le ministre des affaires étrangères a souligné que les Quinze étaient parvenus, en décembre dernier, à Helsinki, à un compromis satisfaisant sur les conditions de l'élargissement de l'Union européenne, en décidant d'ouvrir les discussions pays par pays, et non par groupe de pays, comme cela avait été proposé initialement par certains Etats membres. En outre, il a relevé que les Quinze avaient reconnu la nécessité, comme l'avaient demandé la France, l'Italie et la Belgique, au lendemain de la conclusion du traité d'Amsterdam, d'engager une réforme des institutions, préalablement à l'élargissement, et avaient fixé à 2003 la date à partir de laquelle l'Union serait prête à accueillir les nouveaux Etats membres.
Evoquant alors le débat sur l'organisation future d'une Europe élargie, M. Hubert Védrine, après avoir rappelé que les progrès de la construction européenne avaient été souvent accomplis à l'initiative d'un groupe restreint de pays, a marqué, à cet égard, sa préférence pour une Europe à " géométrie variable ", plutôt que pour l'organisation d'un " noyau dur ", afin de laisser à chaque Etat membre qui le souhaiterait la possibilité de participer à des coopérations plus étroites dans différents domaines. Cet aspect de l'évolution institutionnelle était, de l'avis de M. Hubert Védrine, un élément crucial du projet européen, qui ne s'identifiait pas seulement à la mise en place d'un espace commercial.
Le ministre des affaires étrangères a commenté la position européenne vis-à-vis de l'Autriche, en rappelant que l'adhésion à l'Union européenne impliquait la reconnaissance des valeurs communes inscrites dans les traités, et qu'il était impossible, en conséquence, de ne pas réagir lorsqu'un mouvement politique, qui avait contesté ces valeurs et ces principes, s'apprêtait à participer à une coalition gouvernementale.
Abordant ensuite la situation du processus de paix au Proche-Orient, M. Hubert Védrine a estimé, s'agissant du volet israélo-syrien, qu'une solution sur l'ensemble des points en discussion demeurait possible. Selon le ministre des affaires étrangères, les discussions avec le Liban présentaient davantage de difficultés et un accord de paix devrait, en tout état de cause, éviter d'entériner une présence étrangère dans ce pays ; quant aux négociations entre Israël et les Palestiniens, elles n'avaient enregistré aucune véritable avancée sur les problèmes de fond, même si les deux parties manifestaient une volonté commune de progresser.
M. Hubert Védrine a indiqué, s'agissant de l'Irak, que l'adoption d'une nouvelle résolution, par le Conseil de sécurité des Nations unies, avait constitué un progrès certain, et il n'a pas exclu une évolution de la position irakienne dans le sens d'une plus grande ouverture.
Le ministre des affaires étrangères a alors abordé la situation en Côte-d'Ivoire en indiquant que la crise qui avait conduit à la chute du Président Konan Bédié avait fait l'objet d'une très grande attention de la part de la France et d'une constante concertation entre le Président de la République et le Gouvernement. Il a rappelé que notre pays avait condamné le coup d'Etat et que l'Union européenne et les pays du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) avaient engagé un dialogue avec la Côte-d'Ivoire, sur la base des accords de Lomé, pour favoriser le retour à une situation institutionnelle normale. Cette démarche, a-t-il ajouté, avait commencé à porter ses fruits. Il a précisé que le refus de la France d'intervenir dans les affaires intérieures d'un pays auquel nous attachent des liens étroits ne traduisait pas un désengagement vis-à-vis de l'Afrique, comme l'attestait le soutien accordé par notre pays pour assurer la pérennité des accords de Lomé, appuyer la constitution de forces de maintien de paix ou encore favoriser une solution au conflit dans la région des grands lacs.
Le ministre des affaires étrangères, après avoir évoqué la visite qu'il rendrait les 3 et 4 février en Russie où il serait reçu par M. Vladimir Poutine, Premier ministre et Président par intérim, a indiqué qu'il convenait de poursuivre un dialogue de fond avec la Russie, tout en rappelant à ce pays la nécessité de favoriser une solution politique au conflit en Tchétchénie.
A la suite de l'exposé de M. Hubert Védrine, un débat s'est engagé avec les commissaires.
M. Christian de La Malène s'est inquiété de ce que les documents publiés par la Commission et le Parlement européen sur les projets de réforme institutionnelle aillent au-delà des trois points définis lors du sommet d'Helsinki par le Conseil européen. Il a par ailleurs relevé l'initiative du Parlement européen tendant à rédiger une convention " constituante ", dont le contenu lui paraissait préoccupant.
M. Aymeri de Montesquiou s'est tout d'abord interrogé sur la place future que tiendrait la Grande-Bretagne au sein de l'Union européenne, ce pays semblant soucieux de préserver sa spécificité à cet égard. Il s'est par ailleurs enquis des perspectives électorales iraniennes concernant, en particulier, les candidats proches du Président Khatami.
M. André Dulait a interrogé M. Hubert Védrine sur l'évolution de nos relations avec la Libye. Il s'est ensuite inquiété de la polémique, née dans la presse, concernant les difficultés de certains services des visas, et a demandé quelles mesures seraient prises en la matière.
M. Pierre Mauroy a estimé qu'une coopération européenne " à la carte " permettrait de maintenir la dynamique du projet européen, la France ayant, à cet égard, un rôle essentiel à jouer. A propos de l'Autriche, M. Pierre Mauroy a fait remarquer que le mouvement spontané de réaction observé dans toute l'Europe semblait témoigner d'une prise de conscience politique européenne qui lui semblait très positive. M. Pierre Mauroy a ensuite demandé au ministre des affaires étrangères comment la France ou l'Europe entendait appuyer l'action du nouveau président indonésien dans sa volonté de développement et de réforme.
M. Paul d'Ornano s'est interrogé sur la réaction du gouvernement français à l'égard de la polémique récemment développée à Djibouti au sujet du meurtre du juge français, M. Borel.
M. Emmanuel Hamel a souhaité obtenir des précisions sur le programme de M. Joerg Haider et sur les dangers susceptibles d'en résulter pour la démocratie. Il s'est ensuite interrogé sur les conséquences de l'extension de la majorité qualifiée sur la souveraineté de la France.
Mme Paulette Brisepierre a souligné que, lors d'un récent déplacement au Proche-Orient, elle avait pu remarquer l'inquiétude des populations au sujet du déroulement du processus de paix. Elle a ensuite souhaité obtenir des informations concernant la situation au Cameroun après l'assassinat d'un de nos compatriotes, qui faisait suite à l'enlèvement d'un enfant français.
M. Xavier de Villepin, président, s'est inquiété de l'évolution négative de l'opinion publique britannique à l'égard de la construction européenne et s'est demandé si l'absence de participation de la Grande-Bretagne à l'Euro n'entraînerait pas des conséquences négatives pour l'Europe.
Il a ensuite interrogé le ministre sur les modalités de participation éventuelle de notre pays à une force de maintien de la paix de l'ONU en République démocratique du Congo.
Il a émis le voeu que le processus de paix actuellement en cours n'entraîne pas de conséquence négative pour la souveraineté et l'intégrité territoriale du Liban. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'avenir des populations palestiniennes installées dans ce pays.
M. Guy Penne a souhaité obtenir des précisions concernant une éventuelle réforme du mode d'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
M. Hubert Védrine a alors apporté les précisions suivantes :
- s'agissant de la réforme institutionnelle européenne, les trois sujets définis à Helsinki demeurent la priorité de la négociation dont l'aboutissement conditionne l'éventuel élargissement de l'ordre du jour de la Conférence intergouvernementale, qui sera conclue sous présidence française. Les propositions ambitieuses de la Commission ne constituent qu'un document de travail parmi d'autres, et les Etats feront in fine la décision ;
- le Premier ministre britannique témoigne d'une réelle volonté européenne, exprimée notamment dans la relance de l'Europe de la défense. Il est confronté à une certaine résistance de l'opinion publique quant à la participation de la Grande-Bretagne à l'Euro. Une absence durable de la Grande-Bretagne de la zone Euro finirait par représenter un risque pour ce pays lui-même ;
- le principe de fonctionnement de l'Union européenne à " géométrie variable " apparaîtrait moins discriminant que l'option du " noyau dur " pour les pays qui n'y appartiendraient pas. Au demeurant, les modalités des " coopérations renforcées ", telles que définies dans le Traité d'Amsterdam, rendent leur mise en oeuvre complexe ;
- l'extension de la majorité qualifiée suppose, pour la France, une repondération significative des voix au Conseil. Enfin, le compromis de Luxembourg reste toujours valable comme ultime recours ;
- en Iran, le Président en exercice bénéficie d'une grande popularité ;
- le Gouvernement reste très attentif à la sécurité de la communauté française au Cameroun ;
- la mise en oeuvre d'une opération de maintien de la paix de l'ONU en République démocratique du Congo suppose la mise en oeuvre préalable de l'accord de Lusaka. La France concourrait à cette force en fournissant une partie de la logistique ;
- le Gouvernement français entretient des relations normales avec Djibouti et n'entend pas prendre parti dans une polémique de presse concernant une affaire judiciaire en cours ;
- le problème palestinien est au coeur des négociations entre Israël, la Syrie et le Liban. Une solution définitive sur ce délicat dossier suppose néanmoins que les autres aspects du processus de paix aient abouti ;
- les avancées prudentes à l'égard de la Libye, depuis la décision du Conseil de sécurité de l'ONU, doivent prendre en compte les sensibilités liées aux attentats passés ;
- vis-à-vis de l'Indonésie, la France oeuvre, au sein de l'Union européenne, pour qu'une aide adaptée soit apportée à ce pays ;
- les difficultés rencontrées par les services des visas trouvent notamment leurs sources dans la réduction constante du budget du ministère des affaires étrangères jusqu'à une période récente, qui l'a conduit à recourir à une proportion excessive de personnels recrutés localement. Le sort de ces services fait l'objet d'une préoccupation constante et d'un contrôle permanent de la part du ministère des affaires étrangères. Un effort budgétaire important est d'ailleurs aujourd'hui entrepris pour la modernisation des consulats, les lieux d'accueil et les procédures de traitement des dossiers à domicile. Des redéploiements d'effectifs sont également en cours. L'Inspection générale des affaires étrangères reste par ailleurs mobilisée sur toutes les questions de fraude. M. Paul d'Ornano, avec M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que les sénateurs des Français de l'étranger avaient souligné auprès de l'auteur de l'article les efforts récemment mis en oeuvre par le ministère. Mme Monique Ben Guiga a indiqué qu'elle aurait préféré une présentation plus équilibrée de la situation de ces services ;
- aucun projet de réforme du mode d'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France n'est aujourd'hui à l'étude, a précisé le ministre. Toute réflexion sur cette question se ferait, en tout état de cause, dans une parfaite concertation.