Table des matières
- Mercredi 25 octobre 2000
- Projet de loi de finances pour 2001 - Audition de M. Jean-Yves Helmer, délégué général pour l'armement
- Nomination d'un rapporteur
- Mission d'information à l'étranger - Syrie (12 au 17 septembre 2000) - Compte rendu
- Traités et conventions - Ratification de la convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants - Examen du rapport
- Projet de loi de finances pour 2001 - Audition de M. Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie nationale
- Jeudi 26 octobre 2000
- Audition de M. Charles Josselin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération et de la francophonie
- Projet de loi de finances pour 2001 - Audition de M. Charles Josselin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération et de la francophonie
- Mission d'information à l'étranger - Kosovo (5 au 8 octobre) - Communication
Mercredi 25 octobre 2000
- Présidence de M. Xavier de Villepin, président
Projet de loi de finances pour 2001 - Audition de M. Jean-Yves Helmer, délégué général pour l'armement
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Yves Helmer, délégué général pour l'armement.
M. Jean-Yves Helmer, délégué général pour l'armement, a tout d'abord fait le point sur le déroulement, au cours de l'année 2000, des programmes d'armement.
S'agissant des programmes nationaux, il a mentionné les principaux événements intervenus depuis un an, à savoir :
- la clôture d'armement, à la fin du mois de septembre, du porte-avions Charles-de-Gaulle, qui a entamé sa traversée de longue durée de 2 mois ;
- l'admission au service actif du 2ème sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) (Le Téméraire) et de la 4ème frégate Lafayette ;
- la mise en orbite du satellite d'observation Hélios 1B ;
- la livraison de 12 Mirage 2000 et 4 Rafale ;
- la notification du contrat relatif au programme d'Armement Air-Sol Modulaire (AASM) ;
- la notification prochaine, dans le cadre du programme de nouveaux transports de chalands de débarquement (NTCD), du contrat de réalisation de deux bâtiments, confié en partenariat à la direction des constructions navales (DCN) et aux Chantiers de l'Atlantique ;
- la notification prochaine du contrat de réalisation du missile Air-sol à Moyenne Portée Amélioré (ASMP-A) ;
- le lancement du quatrième SNLE-NG ;
- la notification prochaine du marché relatif au véhicule de combat d'infanterie (VCI) ;
- la commande à venir de 44 chars Leclerc supplémentaires, avec une option pour les 52 suivants ;
- la notification, avant la fin de l'année, d'un contrat relatif au programme de satellite de télécommunications spatiales Syracuse III.
M. Jean-Yves Helmer a également évoqué les difficultés rencontrées sur le programme de missile balistique M51, pour lequel le devis proposé par la société EADS excédait de 7 milliards de francs, soit 40 %, l'engagement pris par l'industriel en 1998. Evoquant les négociations en cours, il s'est déclaré confiant sur une issue positive permettant une notification du contrat avant la fin de l'année.
S'agissant des programmes en coopération, il a mentionné la signature du contrat de production de l'hélicoptère NH 90, celle du contrat de réalisation, imminente, des frégates franco-italiennes Horizon, les intentions de commande, portant sur 225 appareils, exprimées à Farnborough au mois de juillet en faveur de l'A400M, ce qui permet de lancer le programme dans de bonnes conditions, et le choix britannique en faveur du missile air-air Meteor destiné à équiper le Rafale et l'Eurofighter.
Il a en revanche regretté l'échec de la coopération sur le programme de missile antichar de troisième génération à moyenne portée (AC3GMP), après les défections successives du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Belgique, alors que cinq pays avaient jusqu'à présent financé le développement de ce programme.
M. Jean-Yves Helmer a ensuite présenté les conditions ayant présidé à la gestion des crédits relevant de la DGA en 2000.
Après avoir signalé l'entrée en fonction du nouveau système d'informations financières unique pour l'ensemble de la DGA, il a précisé que le total des engagements pourrait atteindre 87,3 milliards de francs sur le périmètre géré par la DGA en 2000. Il a estimé que l'intégralité des crédits de paiement devrait être consommée, sans exclure, en fin d'exercice, une légère insuffisance qui pourrait entraîner un report de charges sur la gestion 2001.
Il a indiqué que le coût d'intervention de la DGA était stabilisé à 6,2 milliards de francs, soit une diminution de 22 % par rapport à 1996, et que la baisse des effectifs se poursuivait à un rythme désormais nettement ralenti.
S'agissant des études en amont et de la préparation de l'avenir, il a précisé que le plan prospectif à trente ans intégrait les travaux menés dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire, selon une approche capacitaire consistant à mettre en cohérence des capacités opérationnelles et des capacités technologiques avec des hypothèses de ressources financières.
M. Jean-Yves Helmer a précisé qu'en matière d'études en amont, un modèle de capacités technologiques pour 2015 avait été défini, quarante capacités technologiques ayant été identifiées. Ce travail permettra d'évaluer le niveau de ressources nécessaires, au demeurant supérieur au niveau actuel des crédits de recherche et de développement, et de procéder, le cas échéant, aux arbitrages nécessaires.
S'agissant des méthodes de conduite des programmes, M. Jean-Yves Helmer a fait valoir qu'à ce jour elles avaient permis une réduction des coûts supérieure à 57 milliards de francs, soit environ 10 % du montant des programmes d'armement en cours. Il a ajouté que la DGA mettait à présent également l'accent sur la réduction des délais de réalisation des programmes. En ce qui concerne les méthodes d'acquisition, il a insisté sur le recours accru par la DGA aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, et notamment l'ouverture, en 2001, d'un portail " armement " sur Internet, en partenariat avec l'industrie.
Le délégué général pour l'armement a estimé que le chiffre d'affaires de l'industrie française de défense avait évolué de façon satisfaisante en 1999 et qu'il serait en progression cette année pour sa part réalisée en France. Il a indiqué que les prises de commandes à l'exportation, après une diminution en 1999 où elles ne s'étaient élevées qu'à 30,5 milliards de francs, devraient se monter à plus de 45 milliards de francs en 2000, retrouvant ainsi un niveau proche de celui de 1998.
M. Jean-Yves Helmer a ensuite évoqué les restructurations industrielles marquées par la création d'EADS, le rachat de Racal par Thomson-CSF et le rapprochement de cette dernière avec la DCN pour assurer la maîtrise d'oeuvre des programmes à l'exportation et en coopération. Dans le secteur des armements terrestres, il a indiqué que Giat-Industries s'engageait dans un premier partenariat avec Renault véhicules industriels (RVI) afin de proposer une réponse commune à l'appel d'offres pour la réalisation du véhicule de combat d'infanterie (VCI). Enfin, chez les équipementiers, la SNECMA avait repris les activités aéronautiques des sociétés Labinal et Hurel Dubois, et Intertechnique se regroupait avec Zodiac.
M. Jean-Yves Helmer a ensuite évoqué la construction de l'Europe de l'armement, marquée par la consolidation des programmes en coopération, la montée en puissance de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) et la signature, en juillet 2000, par les six principaux pays producteurs d'armement européens, de l'accord faisant suite à la lettre d'intention (LOI) de 1998 qui visait à établir un cadre de coopération pour faciliter la constitution et le fonctionnement des entreprises transnationales de défense.
Il a indiqué qu'au vu des résultats de la conférence européenne d'engagement des capacités et des lacunes qu'elle ferait apparaître, la DGA proposerait à ses partenaires européens de nouvelles coopérations en matière de recherche et technologie, qui pourraient être définies lors d'une conférence d'engagement de capacités technologiques.
M. Jean-Yves Helmer a indiqué que la DGA réfléchissait aussi aux moyens de décloisonner les marchés nationaux, de façon à créer progressivement, et en modulant selon la nature des produits, un marché européen unique de l'armement, la démarche envisagée étant de définir des conditions concertées et harmonisées d'application de l'article 296 du traité instituant la Communauté européenne, qui permet aux Etats membres de prendre toute mesure relative à la production et au commerce d'armements qu'ils estiment nécessaire à la protection des intérêts essentiels de leur sécurité.
M. Jean-Yves Helmer a évoqué l'action régionale de la DGA et son souhait d'intégrer ses établissements dans leur environnement régional et de renforcer leur contribution au développement économique local.
Abordant le projet de budget pour 2001, le délégué général pour l'armement a estimé que la dotation de crédits de paiement du titre V permettrait de poursuivre les programmes prévus mais pourrait se caractériser par une légère insuffisance en fin d'année.
S'agissant des autorisations de programme, il a souligné que le volume disponible était désormais réduit, ce qui rendrait délicate la poursuite de la politique des commandes globales en 2001, dont l'intérêt est avéré.
Enfin, il a estimé que la baisse de 13,5 % des crédits du titre III de la DGA nécessiterait d'être corrigée en gestion, alors qu'en matière de personnel, la diminution de 1 341 postes budgétaires n'entraînerait qu'une diminution des effectifs réels de moins de 500 personnes.
A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon a interrogé le délégué général pour l'armement sur les chances du char Leclerc à l'exportation, notamment en Grèce et en Arabie Saoudite, sur le calendrier du programme de VCI, sur le niveau des crédits consacrés à la recherche et au développement et sur le montant des ressources nécessaires, dans la prochaine loi de programmation militaire, pour atteindre en 2015 le modèle d'armée prévu et maintenir nos capacités par rapport à nos principaux alliés, notamment le Royaume-Uni.
M. Christian de La Malène s'est interrogé sur la portée exacte de l'engagement du Premier ministre en faveur de l'avion A400M dans la mesure où aucun financement n'était inscrit dans le projet de loi de finances pour 2001. Il a par ailleurs demandé des précisions sur les perspectives d'exportation de matériels militaires vers la Turquie.
M. Xavier Pintat a souligné les inquiétudes suscitées par le désaccord persistant entre la DGA et les industriels sur les conditions de la poursuite du programme du missile balistique M51. Il a rappelé que l'interruption du programme entraînerait, outre des conséquences très négatives sur l'emploi, un retard du calendrier de renouvellement de la Force océanique stratégique. Il a souhaité savoir dans quelle mesure les divergences entre la DGA et les industriels avaient déjà pu être résorbées et à quelle hauteur se situait désormais l'écart entre les positions des deux parties. Il a demandé des précisions sur le calendrier des négociations en souhaitant que ces dernières puissent rapidement aboutir.
M. Michel Caldaguès a demandé des précisions sur les perspectives de fourniture d'équipements européens aux forces intégrées de l'OTAN.
M. Jean-Guy Branger s'est interrogé, s'agissant des pays susceptibles d'acheter le char Leclerc, sur les perspectives de vente du moteur français de préférence au moteur allemand MTU. Il s'est notamment vivement inquiété des propositions faites à l'Arabie Saoudite, qui ne semblent pas intégrer le moteur français alors que celui-ci pourrait avoir la préférence des Saoudiens. Il a également regretté la vente du fabricant des boîtes de vitesse du char Leclerc à une société allemande. Enfin, il a demandé des précisions sur les perspectives de remotorisation par un industriel français du char russe T72.
M. Xavier de Villepin, président, a souhaité obtenir des précisions sur le financement de l'avion A400M et sur la part qui serait directement à la charge du budget de la défense, et notamment de l'armée de l'air. Il a interrogé le délégué général pour l'armement sur les perspectives d'exportation du Rafale et notamment sur le rôle d'EADS, impliqué à la fois dans le Rafale et l'Eurofighter, et sur l'éventuelle participation du ministère de la défense à la définition d'un standard adapté à l'exportation. Il a par ailleurs demandé si une nouvelle recapitalisation interviendrait prochainement en faveur de GIAT-Industries, et si ce dernier pouvait espérer conclure des alliances avec d'autres industriels européens de l'armement terrestre. Il a enfin demandé des précisions sur les enjeux du rapprochement entre Thomson-CSF et DCN.
En réponse à ces différentes interventions, M. Jean-Yves Helmer a apporté les précisions suivantes :
- le char Leclerc est proposé à l'exportation en Grèce, en Arabie Saoudite et enfin en Turquie, marché qui offre de bonnes perspectives ;
- outre un intérêt pour le char Leclerc, la France a renforcé au cours de ces dernières années ses relations avec la Turquie dans le domaine de l'armement, comme en témoignent des choix récents et les projets de vente de bâtiments d'occasion et d'hélicoptères ;
- l'avancement du processus administratif de préparation et de notification du marché permet d'espérer une date très proche pour la commande du VCI ;
- une vigoureuse augmentation des crédits de recherche et développement sera nécessaire au cours de la prochaine loi de programmation militaire afin d'augmenter nos capacités technologiques en rapport avec nos ambitions en matière de capacités militaires, et pour préserver les capacités industrielles dans une période qui sera marquée par le passage du développement à la fabrication de nombreux nouveaux matériels ;
- la prochaine loi de programmation militaire devrait prévoir un niveau de crédits d'équipement supérieur au niveau actuel en vue de réaliser nos objectifs de capacités et de tenir notre rang dans l'Europe de la défense ;
- s'agissant du financement de l'A400M, le Premier ministre a récemment annoncé que la loi de finances rectificative pour 2000 pourrait permettre à la France de concrétiser les engagements qu'elle avait pris au titre du programme A400M ;
- s'agissant du programme M51, la DGA n'a pas accepté telles quelles les propositions de l'industriel qui dépassaient très largement l'engagement initial qu'il avait pris. Pour autant, les travaux de développement ne sont pas arrêtés. Du fait du retard pris par EADS dans ses engagements contractuels, son plan de charge est assuré jusqu'à la fin de l'année. D'autre part, à la suite de négociations quotidiennes, les bases d'un compromis entre la DGA et les industriels sont en cours d'établissement. Il est raisonnable d'envisager que ces travaux aboutissent avant la fin du mois de novembre, ce qui permettra la continuation de la phase de développement, sans préjudice pour le programme ;
- la France s'efforce d'accentuer la présence des industriels français et européens sur les contrats d'équipement des forces intégrées de l'OTAN, par exemple pour le programme de surveillance du champ de bataille ou le renouvellement des satellites de télécommunications de l'OTAN ;
- la participation d'EADS aux programmes Rafale et Eurofighter ne modifie en rien la détermination du gouvernement français à soutenir le Rafale à l'exportation ;
- en ce qui concerne le développement, pour le Rafale, d'un standard à l'exportation différent du standard prévu pour l'armée française en matière de radar et de moteur, la DGA discute avec les industriels des évolutions souhaitables, en tenant compte des besoins de l'armée de l'air et de la Marine ;
- une recapitalisation de Giat-Industries sera nécessaire en 2001 ;
- si une alliance globale de Giat-Industries avec un autre industriel européen est difficilement envisageable, il est en revanche nécessaire d'étudier des alliances plus limitées, portant sur des secteurs d'activité bien déterminés ;
- le rapprochement avec la DCN permet à Thomson-CSF de renforcer sa position sur le marché des équipements de bâtiments et des systèmes de combat ; la DCN pourra pour sa part bénéficier de l'expérience et du savoir-faire de Thomson-CSF à l'exportation ;
- le moteur français du char Leclerc s'avère aujourd'hui fiable et très performant, ainsi que l'atteste l'utilisation du Leclerc au Kosovo. La France soutient le moteur français dans tous les cas où le client n'a pas exprimé de souhait différent.
Nomination d'un rapporteur
Puis la commission a désigné M. André Boyer comme rapporteur sur leprojet de loi n° 19 (2000-2001) autorisant l'approbation du protocole relatif aux zones et à la vie sauvages spécialement protégées à la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin de la région des Caraïbes.
Mission d'information à l'étranger - Syrie (12 au 17 septembre 2000) - Compte rendu
Puis la commission a entendu le compte rendu d'une mission effectuée par une délégation de la commission en Syrie, du 12 au 17 septembre 2000.
M. Serge Vinçon a d'abord relevé que la délégation sénatoriale, composée également de MM. André Dulait et André Rouvière, avait souhaité, au cours de son déplacement, prendre une juste mesure des changements potentiels en Syrie à la suite de l'arrivée au pouvoir de M. Bachar al-Assad en juin dernier. Il apparaissait important, a-t-il ajouté, de mieux cerner les positions du nouveau chef d'Etat, compte tenu de l'influence qu'exerce la Syrie dans une région qui connaît aujourd'hui un climat de tension exacerbé. Il a relevé que la délégation avait pu rencontrer le Premier ministre syrien et plusieurs des membres du gouvernement, notamment le ministre de la défense et la vice-ministre des affaires étrangères, et qu'elle s'est également rendue sur le Golan.
S'interrogeant en premier lieu sur la perspective d'une ouverture politique, M. Serge Vinçon a estimé que l'on pouvait créditer le nouveau chef de l'Etat syrien d'une disposition plutôt favorable aux réformes. Avant d'accéder à la fonction suprême, M. Bachar al-Assad avait été l'un des principaux animateurs de la lutte contre la corruption. Cependant, le Président syrien n'a pris, jusqu'à présent, aucune initiative qui traduise un tournant par rapport aux orientations antérieures du régime ; il devait en effet compter avec un système politique plutôt conservateur, fondé, d'une part, sur le rôle dominant du parti Baas et, d'autre part, sur l'influence déterminante de l'armée. Ce système politique présentait une réelle efficacité dont témoignait le bon déroulement du processus de transition, mais il apparaissait difficilement réformable ; en effet, une ouverture du régime conduirait à remettre en cause les intérêts de l'élite politique actuelle, dominée par la communauté alaouite qui constitue aujourd'hui le principal soutien du chef de l'Etat.
M. Serge Vinçon a ajouté que la complexité de la société syrienne pouvait aussi constituer un frein à des transformations trop rapides. Le Président Hafez al-Assad avait su préserver la stabilité et l'unité d'un pays caractérisé par la pluralité des confessions religieuses. Il avait, en effet, conduit une politique qui combinait un encadrement étroit de la population et un certain pragmatisme : il avait encouragé, par exemple, l'expression d'un islam modéré. Le maintien des équilibres actuels pouvait ainsi conduire le pouvoir à privilégier un certain immobilisme, même si l'on ne pouvait exclure pour l'avenir l'émergence, au sein de l'opinion publique, d'un mouvement favorable au changement.
Abordant alors la question des réformes économiques, M. Serge Vinçon a d'abord observé que l'économie syrienne se trouvait soumise à plusieurs contraintes : la rareté de l'eau, en premier lieu : ainsi la sécheresse répétée des trois dernières années s'était traduite par une réduction de 8 % du PIB en 1999. Les ressources en pétrole, ensuite, dont la vente assurait plus de la moitié des recettes d'exportations, devraient être épuisées d'ici dix ans. Enfin, l'accroissement démographique, de l'ordre de 3,5 % par an, figurait parmi le plus élevé du monde. M. Serge Vinçon a précisé à ce propos que la présence de plusieurs centaines de milliers de travailleurs syriens au Liban constituait un exutoire indispensable à l'économie syrienne. Il a relevé que si la Syrie avait connu une certaine ouverture économique au cours des dix dernières années, en raison notamment de l'affaiblissement des liens avec l'ancien bloc soviétique, les changements avaient cependant présenté une portée limitée. En effet, la Syrie connaissait de nombreux facteurs de rigidité liés à l'opacité des comptes publics.
M. Serge Vinçon a, enfin, évoqué les orientations du nouveau chef d'Etat dans le domaine de la politique étrangère.
S'agissant des négociations de paix avec Israël reprises en décembre 1999 et suspendues en janvier 2000, il a noté que la possibilité historique de parvenir à un accord de paix, après un demi-siècle de conflits, avait en apparence buté sur une appréciation divergente concernant une bande territoriale de moins de 20 km². En effet, depuis 1990, Israël, a-t-il observé, avait beaucoup évolué sur la question du Golan et admettait aujourd'hui le principe d'un retrait de ce territoire. La négociation était cependant compliquée par la référence des deux parties à deux frontières différentes. Cette divergence avait pour arrière-plan un enjeu économique majeur pour Israël : le lac de Tibériade lui procure en effet le tiers de sa consommation d'eau. Les discussions sur les autres questions à l'ordre du jour avaient connu des progrès réels et M. Serge Vinçon a relevé notamment que les interlocuteurs de la délégation avaient confirmé l'accord de leur pays pour la mise en place d'une force multinationale sur le Golan après sa restitution à la Syrie. Si, sur le plan technique, un accord n'était donc pas impossible, il s'était cependant heurté à des considérations de caractère politique. La signature effective d'un accord de paix, a précisé M. Serge Vinçon, présenterait certaines inconnues sur le plan intérieur dans la mesure où le régime avait fondé sa légitimité sur une position d'intransigeance vis-à-vis d'Israël. Dès lors, les autorités syriennes ne pouvaient se permettre de signer un accord qui n'apparaîtrait pas comme une victoire et fixaient, pour condition préalable à la reprise des discussions, la reconnaissance par Israël de la ligne du 4 juin 1967. Israël refusait pour sa part de se lier les mains sur un point crucial de la négociation. Dans ces conditions, la reprise des négociations apparaissait improbable à court terme.
M. Serge Vinçon a observé à ce propos que la Syrie observait une certaine retenue face à l'aggravation de la tension entre Israéliens et Palestiniens. Il a noté que Damas n'avait aucun intérêt à provoquer un conflit avec l'Etat hébreu et a rappelé par ailleurs la réserve des dirigeants syriens à l'égard de la personnalité de M. Yasser Arafat.
Evoquant ensuite les relations avec le Liban, M. Serge Vinçon a relevé que la présence syrienne dans le pays du cèdre revêtait un caractère militaire (avec le déploiement de quelque 30.000 hommes) mais aussi économique comme en témoignait la multiplicité des échanges entre les deux pays. Il a ajouté que, même si la Syrie se défendait de toute ingérence dans les affaires intérieures libanaises, son influence sur la vie politique restait indéniable. Si le retrait des forces israéliennes du sud du Liban en juin dernier avait introduit une nouvelle donne, les personnalités syriennes rencontrées par la délégation avaient cependant réitéré la position traditionnelle de leur pays : les forces syriennes étant présentes sur le sol libanais à la demande des autorités de ce pays, elles se retireraient lorsque le gouvernement libanais en aurait fait la demande.
M. Serge Vinçon a conclu en observant que la Syrie redoutait de se laisser enfermer dans un tête-à-tête avec Israël et les Etats-Unis, qui soumettrait Damas à une pression trop forte. C'est pourquoi, a-t-il ajouté, les autorités syriennes souhaitaient une plus grande implication de l'Union européenne dans le cadre du processus de paix et comptaient sur la France pour favoriser cette évolution. Il a souligné que les relations entre nos deux pays s'étaient réchauffées au cours des dix dernières années et qu'il convenait de faire fructifier aujourd'hui l'image très positive de la France, en préservant une coopération culturelle dynamique et en renforçant notre présence économique. Il a relevé que l'avenir de nos relations dépendait pour une large part de la plus grande ouverture de la Syrie sur le monde extérieur. Il a estimé, enfin, que, même si les signes de changements tardaient à venir, il apparaissait opportun que la France manifeste au nouveau Président sa confiance et son soutien dans une période où il devait encore conforter son autorité.
A la suite de l'exposé de M. Serge Vinçon, M. André Dulait a relevé que les positions très favorables au changement exprimées devant la délégation par le ministre syrien du Plan, sont demeurées très isolées. Il est revenu en outre sur l'étroitesse des liens tissés par la Syrie avec le Liban, en évoquant l'intensité des flux commerciaux entre les deux pays. Enfin, il a noté que, même si les relations entre la Syrie et la Turquie se sont récemment apaisées, Damas reste préoccupée par le rapprochement entre les autorités turques et israéliennes, ainsi que par les projets turcs d'aménagement de l'Euphrate.
M. André Boyer, après avoir souligné que les voies de pénétration commerciale vers la Syrie passaient traditionnellement par le port de Beyrouth, dont les infrastructures avaient beaucoup souffert de la guerre, s'est interrogé sur l'organisation actuelle des échanges entre la Syrie et le reste du monde. M. Serge Vinçon a précisé à cet égard que si le Liban reste une porte d'accès vers la Syrie, les autorités de Damas ont favorisé le développement de deux grands ports sur le territoire syrien, à Lattaquié et Tartous.
A M. Paul Masson qui l'interrogeait sur les manifestations de la présence française en Syrie, M. Serge Vinçon, après avoir souligné les marques d'intérêt pour la France rencontrées par la délégation pendant son déplacement, a rappelé que le français est la deuxième langue étrangère pratiquée en Syrie. Il a souligné l'importance de nos institutions culturelles et le rôle du lycée français de Damas dans la formation des élites syriennes. Enfin, il a observé que la France est devenue en 1999 le premier partenaire économique de la Syrie. Il a également précisé, à l'intention de M. Hubert Durand-Chastel, qu'à la suite de la visite du Président de la République à Damas en 1996, les autorités syriennes ont libéré un terrain, occupé auparavant par l'armée, afin de permettre la construction de nouveaux locaux pour le lycée français. Il a regretté à cet égard que les travaux, sous la responsabilité de la partie française, n'aient pas encore commencé.
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur la position syrienne face au retrait des forces israéliennes du sud du Liban. Il a également demandé des précisions sur les relations entre la Syrie et le Hezbollah. M. Serge Vinçon a indiqué que la Syrie aurait souhaité que le retrait israélien intervienne dans le cadre d'un accord de paix global. Il a ajouté que les interlocuteurs de la délégation n'avaient pas souhaité s'exprimer sur les rapports entre la Syrie et le Hezbollah. Il a ajouté que la transformation de ce mouvement libanais comme force politique classique pouvait être remise en cause par l'aggravation de la situation actuelle au Proche-Orient.
Enfin, M. Serge Vinçon a indiqué à M. Christian de La Malène que le nationalisme arabe, dont la Syrie était historiquement l'un des plus ardents promoteurs, ne trouvait pas réellement de traduction pratique, compte tenu, notamment, des relations très distantes entre Damas et Bagdad.
La commission a alors autorisé la publication de cette communication sous forme de rapport d'information.
Traités et conventions - Ratification de la convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants - Examen du rapport
La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 448 (1999-2000) autorisant la ratification de la convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants.
M. Xavier Pintat, rapporteur, a indiqué que, dans le cadre des efforts entrepris par la communauté internationale en faveur de la réduction progressive du travail des enfants dans le monde, l'Organisation internationale du travail (OIT) avait élaboré une convention destinée à obtenir des résultats significatifs dans l'élimination des formes les plus inacceptables de travail des enfants.
Le rapporteur a rappelé que l'OIT évaluait à 250 millions le nombre d'enfants âgés de 5 à 14 ans astreints au travail dans le monde, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Face à ce phénomène, le droit international et les législations nationales n'ont, jusqu'à présent, eu qu'un impact limité. L'une des conventions fondamentales de l'OIT, la convention n° 138 adoptée en 1973, pose le principe d'un âge minimal pour l'accès à l'emploi, normalement fixé à 15 ans, mais elle autorise de nombreuses dérogations et n'a, jusqu'à présent, été ratifiée que par 100 Etats membres de l'Organisation. Certains pays, comme l'Indonésie, le Brésil, le Kenya ou la Tanzanie, ont mis en oeuvre des programmes nationaux visant à résorber le travail des enfants alors que les Etats-Unis et l'Union européenne ont établi des systèmes de préférences commerciales prenant en compte le travail des enfants.
Après avoir remarqué que la réduction du travail des enfants pouvait difficilement être imposée par des instruments internationaux et nécessitait la prise en compte de l'environnement économique, culturel et social des pays en développement, M. Xavier Pintat a souligné qu'en adoptant en juin 1999 la convention n° 182 sur l'élimination des pires formes de travail des enfants, l'OIT avait adopté une démarche se voulant plus pragmatique afin d'obtenir plus rapidement des résultats concrets. Il a précisé que l'objet de la convention était de concentrer l'effort des pays signataires sur les pires formes de travail des enfants qui comportent toutes les formes modernes d'esclavage, comme la servitude pour dette et le travail forcé, l'exploitation sexuelle des enfants, l'utilisation de ceux-ci dans des activités illicites et les travaux susceptibles de nuire à leur santé, à leur sécurité et à leur moralité. Concernant cette dernière catégorie d'activités, M. Xavier Pintat, rapporteur, a cité les travaux dangereux mettant en contact les enfants avec des substances toxiques, à l'origine d'accidents ou de maladies respiratoires, ou encore certaines formes de pêche consistant à faire plonger des enfants sans équipements.
En conclusion, M. Xavier Pintat, rapporteur, a estimé que le recul de l'âge d'entrée au travail exigeait des conditions globales qui ne s'affirmeraient que progressivement, au rythme de l'accession des pays considérés au développement économique, mais qu'il était pour autant indispensable de s'attaquer de manière urgente aux formes de travail des enfants les plus attentatoires à la dignité humaine. Il a alors invité la commission à émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail.
A l'issue de cet exposé, M. Christian de La Malène s'est interrogé sur la possibilité d'inclure, dans les accords commerciaux, des clauses en excluant le bénéfice pour les produits ou services impliquant le travail des enfants.
M. Xavier Pintat, rapporteur, a précisé que les pays industrialisés avaient tenté de favoriser des dispositions relatives au travail des enfants, et plus généralement au respect de certaines normes sociales, dans les accords commerciaux internationaux, notamment au sein de l'Organisation mondiale du commerce, mais que ces propositions se heurtaient à la vive opposition de beaucoup de pays en développement qui y voyaient une forme de protectionnisme.
La commission s'est ensuite prononcée pour l'adoption du projet de loi.
Projet de loi de finances pour 2001 - Audition de M. Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie nationale
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Pierre Steinmetz,directeur général de la gendarmerie nationale.
M. Pierre Steinmetz a tout d'abord souligné que le projet de budget de la gendarmerie, qui s'élève à 23.776 millions de francs, en progression de 2,6 % par rapport au budget voté pour 2000, permettait de respecter les objectifs de la loi de programmation, conformément à la priorité accordée par le Gouvernement aux questions de sécurité intérieure. L'augmentation de 580 postes budgétaires, a-t-il ajouté, traduit la mise en oeuvre de la cinquième annuité de la loi de programmation militaire, ainsi que la création d'emplois de sous-officier dans le prolongement des décisions prises au mois de février dernier. Ce renforcement des effectifs de la gendarmerie s'accompagne par ailleurs de mesures catégorielles (pour un montant de 30 millions de francs) en faveur des cadres en charge de la mise en oeuvre des réformes, à travers notamment l'augmentation du contingent de primes de qualification pour les sous-officiers et pour les officiers brevetés, et l'attribution de 5.000 points supplémentaires de nouvelle bonification indiciaire (NBI) au titre de la " politique de la ville ".
M. Pierre Steinmetz a observé en outre que les crédits de la gendarmerie consacrés aux personnels de réserve augmentaient de 58 % par rapport à la dotation inscrite au budget 2000 ; les réservistes de la gendarmerie représenteront en effet, en 2002, la moitié de l'ensemble des réservistes.
Le directeur général de la gendarmerie nationale a souligné ensuite la progression de 347 millions de francs des crédits consacrés à l'activité et au fonctionnement courant des formations afin de renforcer la capacité opérationnelle des brigades et de permettre aux unités de faire face aux surcoûts de fonctionnement induits par le redéploiement de la gendarmerie en zone périurbaine décidé par le conseil de sécurité intérieure en 1999. Abordant alors la dotation destinée aux équipements, il a relevé que l'augmentation de 1,02 % des autorisations de programme par rapport à la loi de finances 2000 permettrait, compte tenu de la nouvelle marge de manoeuvre procurée par l'achèvement du déploiement du réseau Rubis, d'acquérir les matériels destinés au service quotidien des unités (véhicules, gilets pare-balles à port discret), d'assurer le renouvellement des matériels informatiques et de fournir un effort significatif en matière de mobilier de bureau et de matériel de couchage. Il a observé qu'en matière d'infrastructure, 787 unités logement seraient mises en chantier par l'Etat et que le titre VI permettrait de subventionner la construction de 680 unités logements par les collectivités locales, soit le double des années précédentes.
M. Pierre Steinmetz a indiqué, par ailleurs, que la gendarmerie poursuivait les efforts entrepris pour accroître son efficacité. En premier lieu, aux termes des décisions du conseil de la sécurité intérieure, la gendarmerie opère un redéploiement de ses effectifs en vue de renforcer les unités périurbaines sensibles qui connaissent un accroissement notable de leurs charges de travail. Ainsi, le nombre de gendarmes redéployés vers les unités périurbaines de 28 départements prioritaires et sensibles s'élève à 800 en 1999 et 700 en 2000. Par ailleurs, a-t-il ajouté, les postes de gendarmes supplémentaires accordés à la gendarmerie permettent, outre le renforcement des départements à fort déficit en effectif, de créer 60 pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) en 2000, puis 20 en 2001 et 2002, de consolider les moyens des centres opérationnels de groupement (COG) avec la mise en place de 130 gendarmes supplémentaires pour chacune des années 2000 et 2001 et de renforcer les unités les plus chargées. La déconcentration de l'élaboration des tableaux des effectifs autorisés (TEA), a-t-il observé, donne au commandant de légion la possibilité de procéder, sous plafond de ses effectifs, à des rééquilibrages entre unités. 443 postes ont été déplacés à ce titre en 2000.
M. Pierre Steinmetz a également souligné que la gendarmerie nationale cherchait à rationaliser son dispositif en zone de police nationale. Il a confirmé que toute dissolution de brigade territoriale restait soumise à un examen au cas par cas, sous l'égide du préfet et en étroite concertation avec les élus intéressés, et a réaffirmé le principe général du maintien d'une brigade par canton.
Evoquant l'organisation du service, M. Pierre Steinmetz a souligné que l'objectif recherché par la gendarmerie visait à privilégier une plus grande adaptation aux réalités locales. Il a indiqué, à titre d'exemple, qu'en matière d'ouverture des locaux et d'horaires de renvois d'appel vers les centres opérationnels (COG), les attentes du public différaient beaucoup selon les lieux et souvent selon les périodes. Dans ces conditions, il a estimé naturel que les échelons locaux aient la liberté de fixer, dans le respect des directives générales données par l'administration centrale, les modalités d'exécution du service. De même, dans le domaine des nouveaux modes de fonctionnement et de l'organisation de la complémentarité entre brigades d'un même secteur, la situation locale doit guider les choix opérationnels, sous réserve que les délais d'intervention soient conformes aux besoins du service public. M. Pierre Steinmetz a noté que cette plus grande déconcentration s'effectuait dans un esprit de large concertation, tant au sein de l'Arme qu'avec les élus pour mieux répondre aux attentes du public.
A la suite de l'exposé de M. Pierre Steinmetz, M. Paul Masson, après avoir souligné les efforts que poursuivait la gendarmerie pour adapter ses moyens à l'évolution des missions qui lui étaient dévolues, a attiré l'attention du directeur général sur deux interrogations que soulevait la dotation prévue pour l'Arme. En premier lieu, il a souhaité savoir si l'effectif prévu de 16.000 gendarmes adjoints à l'échéance de la loi de programmation pourrait être atteint alors même que les créations annuelles de postes de volontaires demeurent inférieures aux objectifs. En second lieu, il a demandé des précisions sur les propositions du groupe de travail chargé, en mai dernier, par le ministre de la défense, de déterminer les améliorations souhaitables au dispositif indemnitaire dont bénéficient les personnels de la gendarmerie. Il s'est interrogé, en outre, sur l'articulation de ces travaux avec ceux consacrés à la condition militaire dans son ensemble.
Par ailleurs, M. Paul Masson s'est interrogé sur les orientations souhaitées par la gendarmerie dans le cadre de la future loi de programmation en matière d'effectifs et d'équipements, mais aussi d'emplois. Il a demandé à cet égard, des précisions sur la contribution de la gendarmerie à la mise en place d'une force de police européenne. Enfin, il a invité le directeur général à dresser un premier bilan de la fidélisation des escadrons de gendarmerie mobile.
M. Serge Vinçon s'est interrogé sur les conditions de mise en place d'une indemnité compensatrice pour charge de travail pour la gendarmerie. Il s'est réjoui par ailleurs de la création d'un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie à Saint-Amant-Montrond.
M. Robert Del Picchia a souhaité savoir quelles étaient les perspectives d'intégration des gendarmes adjoints qui souhaitaient poursuivre une carrière au sein de la gendarmerie. Il a également demandé des précisions sur le rôle que jouaient les civils au sein de l'Arme.
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur les rôles respectifs de la gendarmerie et de l'armée de terre au Kosovo, en particulier pour les opérations de maintien de l'ordre. Il a demandé au directeur général s'il jugeait nécessaire une formation spécifique pour l'armée de terre dans ce domaine. Il a, par ailleurs, souhaité obtenir des précisions, d'une part, sur la qualité des volontaires recrutés par la gendarmerie, d'autre part, sur les conditions de renouvellement du parc des hélicoptères de la gendarmerie et son financement, et enfin, sur les besoins de la gendarmerie en matière d'infrastructures.
En réponse aux commissaires, M. Pierre Steinmetz a apporté les précisions suivantes :
- les objectifs de recrutement des gendarmes adjoints ont pu, jusqu'à présent, être remplis dans des conditions relativement satisfaisantes. Le taux de sélection est de l'ordre de 1 pour 2,5 et la moitié environ des volontaires possède un niveau de formation équivalant au baccalauréat. Le taux de renouvellement des contrats au terme d'une année s'établit actuellement à environ 65 %. Le nombre de gendarmes adjoints recrutés en moyenne chaque mois par la gendarmerie, de l'ordre de 500 en 2000, s'élèvera à 700 en 2001, ce qui représente un effort important pour l'Arme. Après la période de confirmation que constitue, pour les volontaires, la première année de leur engagement, la gendarmerie a intérêt à encourager les gendarmes adjoints qui ont donné satisfaction à renouveler leur contrat afin de tirer le meilleur parti de leur expérience. Du reste, une deuxième période de formation est aujourd'hui envisagée à la suite du premier renouvellement du contrat pour mieux adapter les gendarmes adjoints à leurs fonctions. Par ailleurs, la gendarmerie a prévu de faciliter l'accès des gendarmes adjoints à une carrière professionnelle au sein de l'Arme, non pas en ouvrant un concours spécifique, mais en tenant compte, notamment dans le cadre des épreuves de sélection aux emplois de sous-officiers, des appréciations des commandants d'unité sur les intéressés. Si l'on ne dispose pas encore du recul suffisant pour juger de la qualité des gendarmes adjoints, les appréhensions qu'avait pu susciter leur recrutement semblent largement infondées ;
- les conclusions du groupe de travail instituées dans le cadre du Conseil de la fonction militaire gendarmerie seront présentées le jeudi 26 octobre 2000 ; les propositions pourraient porter, d'une part sur la revalorisation des différentes indemnités catégorielles et, d'autre part, sur la mise en place d'une compensation financière pour charge militaire, dans la mesure où la loi relative à la réduction du temps de travail n'est pas compatible avec la condition militaire ; le ministre de la défense a, par ailleurs, indiqué que l'application des 35 heures à la fonction publique civile, rendait nécessaires une réduction de la charge de travail mais aussi l'adoption de mesures particulières pour les militaires ;
- les orientations de la future loi de programmation pour la gendarmerie sont en cours d'élaboration. En matière d'effectifs, les réflexions portent sur différents facteurs liés aux évolutions démographiques, à l'accroissement du réseau autoroutier, aux modifications législatives, à certains transferts de missions liés au partage des tâches entre la police et la gendarmerie, aux besoins de formation des personnels en gendarmerie départementale et en gendarmerie mobile, ainsi qu'au développement des interventions extérieures. Dans le domaine des équipements, la future loi de programmation devra accorder une attention particulière à l'immobilier ;
- s'agissant des opérations extérieures, la gendarmerie apparaît bien placée pour assurer le relais avec l'armée de terre chargée d'intervenir dans un contexte d'affrontement, afin de permettre le retour à l'ordre civil. De même, elle peut contribuer à préparer le transfert des responsabilités en matière d'ordre public d'une administration internationale vers les autorités nationales du pays concerné. D'une manière générale, la gendarmerie a vocation à prendre la suite de l'armée de terre, même si cet ordre est naturellement réversible. Afin de faire face à des évolutions toujours imprévisibles, il est cependant utile que certaines unités de l'armée de terre reçoivent une formation qui les rende aptes à réagir de façon adaptée aux mouvements de foule. Le moment auquel la gendarmerie succède à l'armée de terre ne peut pas être prédéterminé, mais il doit être fixé par le responsable en charge de la sécurité sur le terrain, qui est le mieux à même de juger de l'évolution de la situation ;
- la contribution française à la mise en place d'une force de police européenne dont le principe a été arrêté par le Conseil européen de Feira en juin dernier n'a pas encore été fixée. Une force de 5.000 hommes, dont 1.000 projetables dans un délai rapide, doit être constituée. Le premier niveau d'intervention devrait vraisemblablement reposer sur des forces de statut militaire, tandis que les effectifs appelés à intervenir dans un deuxième temps pourraient réunir des gendarmes et des policiers. Une compagnie multinationale opère déjà en Bosnie et réunit trois pelotons composés respectivement de représentants de la gendarmerie, de la garde civile et des carabiniers ;
- la fidélisation des escadrons de gendarmerie mobile a permis un renforcement de la sécurité dans des zones sensibles. Les personnels intéressés ont le sentiment de fournir un travail utile et intéressant, même si le degré de satisfaction dépend, dans une certaine mesure, des conditions d'exercice de ces missions, et notamment de la situation du cantonnement. Il semble que la durée de la fidélisation, fixée aujourd'hui à 6 mois, soit trop longue ;
- le parc d'hélicoptères de la gendarmerie composé de 30 Ecureuil et de 12 Alouette fait l'objet d'un renouvellement progressif ; le programme porte actuellement sur le remplacement de 8 Alouette et se poursuivra sans doute dans le cadre de la future loi de programmation militaire.
M. Pierre Steinmetz a enfin indiqué à l'intention de M. Paul Masson qu'un reconditionnement des escadrons de gendarmerie mobile s'imposait au terme de leur mission de fidélisation avant qu'ils ne soient réaffectés à d'autres activités. D'une manière générale, la mission de maintien de l'ordre dévolue aux escadrons de gendarmerie mobile requiert un effort de formation qui doit encore être renforcé.
Jeudi 26 octobre 2000
Présidence de M. Xavier de Villepin
Audition de M. Charles Josselin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération et de la francophonie
La commission a entendu M. Charles Josselin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération et de la francophonie, sur la situation en Côte d'Ivoire et sur les crédits d'aide au développement.
M. Charles Josselin a tout d'abord indiqué aux sénateurs les derniers éléments en sa possession concernant la situation en Côte d'Ivoire. Il a rappelé que, d'après les premiers résultats disponibles, M. Laurent Gbagbo avait été élu président, avec quelque 60 % de suffrages contre 32 % à son rival, le général Robert Gueï, sachant que le taux de participation s'était élevé à 36 %. Il a émis des doutes quant à la volonté de la majorité du peuple ivoirien à voir organiser un nouveau scrutin. Le ministre délégué a estimé que l'enjeu le plus important désormais serait l'organisation des élections législatives auxquelles il souhaitait que la totalité des sensibilités politiques du pays soit admise à participer. C'est à l'issue de cette échéance que l'on pourrait s'assurer que la Côte d'Ivoire aurait renoué définitivement avec la démocratie.
Mme Paulette Brisepierre et MM. Robert Del Picchia et Guy Penne se sont alors inquiétés de la situation de nos compatriotes résidant dans le pays.
M. Charles Josselin a souligné qu'aucun incident n'avait été déploré les concernant. Les ressortissants français avaient été bien préparés par l'ambassade à une situation de crise et l'îlotage avait bien fonctionné.
M. Xavier de Villepin, président, a souhaité avoir des précisions sur l'état de l'opinion publique ivoirienne sur la tenue de nouvelles élections présidentielles et s'est demandé si, d'ici les législatives, la Côte d'Ivoire ne risquait pas de connaître une grave période de turbulences.
M. Charles Josselin a alors indiqué que l'ancien Président Konan Bédié, n'avait pas, pour sa part, demandé de nouvelles élections, souhait jusqu'à présent formulé par le seul Alassane Ouattara et ses partisans. Il a par ailleurs ajouté que la Constitution ivoirienne, qui avait été approuvée largement et démocratiquement, avec le soutien de M. Alassane Ouattara, était la cause, par son interprétation rigoureuse sur la question de l'ivoirité, de l'exclusion de ce dernier du scrutin présidentiel. Par ailleurs, a-t-il précisé, le taux de participation, de l'ordre de 36 %, était comparable à d'autres scrutins africains.
Projet de loi de finances pour 2001 - Audition de M. Charles Josselin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération et de la francophonie
M. Charles Josselin a ensuite présenté les crédits de la coopération internationale et du développement dans le projet de loi de finances pour 2001. Il a indiqué que ce budget permettrait le maintien des moyens de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) à hauteur de 9,285 milliards de francs, soit 42 % du budget du ministère des affaires étrangères. Ces moyens permettront de faire vivre un " portefeuille " de 503 projets dans les pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) financée soit sur le fonds d'action à la coopération (FAC), soit sur le fonds de solidarité prioritaire (FSP), qui a pris sa succession depuis le 1er janvier 2000. Ce budget implique la présence sur le terrain de près de 2000 coopérants, qui fournissent une expertise technique de haut niveau et qui constituent un avantage comparatif réel de la coopération française aux yeux des bailleurs de fonds étrangers. Ces moyens financiers permettront également de conserver les 160.000 élèves des 270 établissements de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE), 22.221 étudiants étrangers boursiers en France, 150 établissements culturels, 220 alliances françaises et 27 centres de recherche.
Le ministre a indiqué que l'effort de la France en matière d'aide publique au développement, notamment en Afrique, serait en légère augmentation grâce à un accroissement des dotations en autorisations de programme du FSP, de l'AFD, en raison notamment de missions nouvelles dans les secteurs de la santé et de l'éducation, ainsi que des moyens d'intervention du titre IV.
Le projet de budget pour 2001 est en outre marqué par le souci d'améliorer l'efficacité de l'aide au développement en échappant aux récurrences et en finançant surtout des actions nouvelles, en contribuant à la réussite de l'initiative " pays pauvres très endettés " et à la lutte contre le sida. La France continuera par ailleurs de mettre l'accent sur les thématiques essentielles que sont la promotion de l'état de droit, de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la décentralisation, du développement durable et de l'intégration régionale, notamment à la suite des accords de Cotonou.
Le lien entre les crédits de coopération culturelle et d'aide au développement sera renforcé afin d'intégrer l'aide au développement dans l'ensemble de la politique de promotion de la France à l'étranger par une politique culturelle dynamique. En 2001, les efforts viseront à augmenter l'offre de formation supérieure en France, à apporter une réponse appropriée aux situations de crise, en particulier dans les Balkans et en Algérie où a été entreprise la réouverture progressive du lycée d'Alger et de plusieurs établissements culturels, à améliorer la qualité de notre présence culturelle dans les grands pays développés et à accompagner la préparation des pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne et les positions technologiques et scientifiques de la France dans les pays émergents d'Asie et d'Amérique latine, notamment au Brésil.
Deux ans après la réforme du dispositif français de coopération et la fusion des ministères des affaires étrangères et de la coopération, le premier bilan est positif. La réforme a permis un rapprochement des méthodes des politiques d'aide au développement et de coopération culturelle autour d'une culture de projet. L'effort de fusion des instruments de gestion et des personnels devra être poursuivi. Un progrès sensible du travail interministériel a pu être constaté grâce au comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) réunissant le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères, mais aussi presque tous les autres ministères qui, d'une manière ou d'une autre, sont impliqués dans des projets d'aide au développement. En outre, la réforme du FAC est entrée dans les faits, le rôle de l'AFD comme opérateur pivot de la coopération française a été consolidé, la ZSP a été mise en place et a permis au FSP d'agir au Maghreb, au Laos, au Cambodge et au Vietnam ainsi qu'au Liban ou dans les Balkans. Des accords-cadres de partenariat, fixant une stratégie de lutte contre la pauvreté, ont commencé à être signés.
M. Charles Josselin a enfin évoqué les grands chantiers qu'il souhaitait mener à bien pour améliorer notre politique de coopération. Il a cité à cet égard la généralisation de l'approche stratégique, le renforcement de la capacité d'évaluation (avec, en particulier, l'élaboration d'un tableau de bord de l'aide internationale), la réforme de l'assistance technique, une meilleure prise en compte de la dimension européenne et multilatérale de l'aide au développement (un prochain conseil des ministres européen chargé du développement devrait déterminer les nouvelles bases de la politique de l'Union dans ce domaine) ainsi que l'amélioration des procédures de concertation entre bailleurs de fonds, la poursuite de la déconcentration à travers la responsabilisation des chefs de poste, en particulier pour la gestion de certains crédits. Le ministre délégué a également appelé de ses voeux un renforcement de la formation à la coopération internationale et une valorisation du savoir-faire français dans le cadre des discussions internationales sur le développement.
A la suite de l'exposé du ministre, Mme Paulette Brisepierre a regretté le déséquilibre entre les ambitions louables affichées par le ministre et les moyens budgétaires dont il disposait. Après avoir rappelé la réduction des crédits dévolus au fonds de solidarité prioritaire (FSP), alors même que la zone couverte par notre coopération s'était étendue, elle s'est inquiétée des risques de dispersion de notre aide. Elle a souhaité savoir si l'enveloppe du FSP servirait au financement de projets dans les Balkans. Enfin, elle a demandé des précisions sur les moyens de mieux articuler l'aide française aux contributions multilatérales.
M. Guy Penne a d'abord déploré la régulation budgétaire de l'ordre de 110 millions de francs qui avait touché cette année les crédits du ministère des affaires étrangères. Il a attiré l'attention du ministre délégué sur les conséquences négatives de la hausse du dollar sur les moyens de fonctionnement de nos postes à l'étranger. Il a regretté la faiblesse des subventions de fonctionnement prévues au chapitre 36-30 du projet de budget pour le ministère des affaires étrangères. Rappelant l'exemple d'Edufrance, il s'est demandé si une formule de cofinancement avec le ministère de l'éducation nationale ne devrait pas s'appliquer pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Il a souligné que la rigidité de certaines structures administratives constituait un frein aux évolutions souhaitables. Enfin, après avoir relevé l'augmentation de l'effort consacré aux contributions obligatoires, il s'est étonné de l'insuffisance des moyens dévolus à nos actions de coopération.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial pour les crédits de l'aide publique au développement, a d'abord souligné la lourdeur du système institutionnel constitué par la DGCID. Il a également rappelé les nombreuses difficultés liées aux disparités de statuts des personnels en poste à l'étranger. Il a en outre constaté la décrue constante de nos moyens de coopération. M. Michel Charasse a ensuite interrogé le ministre délégué sur le décompte des sommes qui avaient été allouées aux Balkans en 1999 et en 2000. Il a également observé que le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE avait récemment fait état de la réduction de l'aide publique française au développement, qui était en effet passée de 10,4 milliards de dollars en 1982 à 8,4 milliards de dollars en 1998 (soit à peine 0,6 % du budget). Il est revenu de nouveau sur les dysfonctionnements de l'aide provenant de l'Union européenne dont le financement est pourtant assuré pour près du quart par la France. Il s'est inquiété de la tendance à laisser des responsabilités importantes à des organisations de caractère privé dans les actions de coopération. Il a dénoncé l'inertie dans la reconduction, d'une année sur l'autre, de certains crédits d'aide dont l'efficacité n'était pas avérée. M. Michel Charasse a par ailleurs regretté que la nouvelle organisation du fonds de solidarité prioritaire ne permette pas une réelle information sur les projets financés. Enfin, il s'est interrogé sur l'intérêt du rôle joué par le Haut Conseil pour la coopération internationale.
M. Robert Del Picchia a demandé au ministre des précisions sur l'évolution des programmes de TV5 et la couverture du continent américain par la chaîne francophone.
M. André Dulait a fait part de ses préoccupations sur la question des recrutés locaux. Il a par ailleurs demandé des informations complémentaires sur la zone de solidarité prioritaire dont les contours paraissaient quelque peu flexibles. Enfin, il a souhaité connaître la liste des postes actuellement occupés par des volontaires du service national et s'est interrogé sur la façon dont ces emplois pourraient être pourvus à l'avenir.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a estimé que les perspectives d'évolution de l'assistance technique paraissaient particulièrement sombres. Elle a souligné que la France disposait, avec ses coopérants, d'une capacité d'expertise remarquable qui constituait, aux yeux même des autres bailleurs de fonds, une garantie pour la bonne utilisation de l'aide publique. Elle a craint que les nouveaux modes d'organisation de la coopération conduisent à démotiver ces personnels. Elle a précisé à cet égard que 350 postes d'assistants techniques n'étaient pas pourvus faute de candidats. Elle a rappelé que les coopérants français représentaient un appui indispensable pour développer notre présence économique dans les pays concernés. Revenant sur le mouvement de mécontentement au sein des personnels de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, elle a regretté la réduction de moitié du nombre de postes d'expatriés, destinée à préserver les rémunérations des emplois qui avaient pu être sauvegardés. Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souligné les difficultés liées au recrutement des enseignants résidents pour lesquels les candidatures se raréfiaient. Elle a estimé qu'un cofinancement impliquant le ministère de l'éducation nationale était devenu indispensable pour l'agence pour l'enseignement français à l'étranger.
M. Xavier de Villepin, président, a critiqué l'opacité des actions conduites par l'Union européenne en matière d'aide au développement. Il a demandé, par ailleurs, des éclaircissements sur les conditions de désignation du Haut commissaire pour les réfugiés par le secrétaire général des Nations unies. Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur la capacité d'investissement de la DGCID.
En réponse aux commissaires, M. Charles Josselin a d'abord indiqué que le nombre d'assistants techniques s'était effectivement réduit de 2.979 à 2.563 entre 1999 et 2000. Il a ajouté qu'une partie de ces postes n'avait pu être pourvue et que cette situation pouvait justifier pour le ministre de l'économie et des finances une diminution des postes budgétaires. Il a estimé que l'insuffisance du nombre de postulants pour ces emplois traduisait une crise de confiance plus générale sur l'efficacité de l'aide au développement. Il a souligné en outre les difficultés liées à une meilleure utilisation des capacités d'expertise locale.
Mmes Paulette Brisepierre et Monique Cerisier-ben Guiga, ainsi que M. Guy Penne, ont alors mis en avant le problème lié à la limitation du temps de séjour des coopérants. Le ministre délégué a reconnu que dans certains cas, des dérogations pourraient être admises. Il a ajouté que certains assistants techniques n'étaient pas réintégrés dans leur administration d'origine dans des conditions satisfaisantes. M. Michel Charasse a alors estimé qu'il convenait de montrer en la matière une certaine souplesse en distinguant les emplois de haute technicité, pour lesquels des dérogations apparaissaient opportunes, des missions de caractère purement administratif qui requéraient au contraire une rotation plus rapide des agents.
M. Charles Josselin a apporté en outre les précisions suivantes :
- les rares augmentations d'effectifs dont avait bénéficié le ministère des affaires étrangères avaient principalement bénéficié aux services des visas des postes consulaires ;
- le nombre des volontaires du service national (VSN) s'élève à environ 2.500 pour le ministère des affaires étrangères (parmi lesquels 250 à 300 VSN travaillent au sein des ambassades) et à 4.000 pour le ministère de l'économie et des finances ; les postes occupés par les VSN seront progressivement pourvus par des volontaires civils ; un centre d'informations rattaché au ministère des affaires étrangères vient d'être mis en place dans cette perspective ; la question de l'encadrement de ces volontaires reste toutefois posée ;
- l'effet change est intégralement pris en compte pour les rémunérations des expatriés ainsi que pour les contributions obligatoires ; il ne l'est pas en revanche pour le fonctionnement des postes dont les moyens ont été réduits de 80 à 90 millions de francs en 2000 à la suite de la hausse du dollar ; les financements supplémentaires nécessaires seront procurés par des reports de charges sur l'année 2001 ;
- l'augmentation de la majoration familiale pour les résidents et l'accroissement de 15 % de l'indemnité d'expatriation destinée à remplacer la prime de cherté de vie seront financés par une réduction du nombre de postes d'expatriés ; cette revalorisation doit en effet être conduite à enveloppe constante ; il apparaît opportun de nouer le dialogue avec le ministère de l'éducation nationale pour favoriser un système de cofinancement de l'AEFE.
M. Guy Penne a alors réitéré la demande formulée au nom des sénateurs représentant les Français établis hors de France pour être associés à la réflexion de fond sur l'organisation de l'AEFE. M. Charles Josselin a réservé un accueil favorable à ce souhait.
Le ministre délégué à la coopération et à la francophonie a alors jugé utile de mieux évaluer les dépenses liées à la reconstruction dans les Balkans. Revenant alors sur la mesure de régulation décidée cette année sur le budget du ministère des affaires étrangères, il a indiqué qu'elle avait porté à hauteur de 80 millions de francs sur les crédits de la DGCID et à hauteur de 30 millions de francs sur la coopération en matière de défense. Il a évoqué, par ailleurs, les lourdeurs des procédures de financement de l'Union européenne en matière d'aide au développement. Il a noté à cet égard qu'il existait un reliquat d'un montant de 9,5 milliards d'euros non dépensés au titre du fonds européen de développement. Il a indiqué en outre qu'une évaluation du programme MEDA avait été demandée par la présidence française de l'Union européenne. Il a regretté enfin la rotation trop rapide des cadres de l'Union européenne chargés de la coopération.
M. Michel Charasse a souligné l'excessive concentration des décisions au niveau des instances communautaires bruxelloises. Il a déploré l'état d'esprit de certains fonctionnaires européens qui semblaient ignorer que la France était le principal contributeur du fonds européen de développement.
M. Charles Josselin a alors apporté les compléments de réponse suivants :
- la France continue de figurer au premier rang du groupe des sept pays les plus industrialisés pour l'aide publique au développement ; une connaissance approfondie de l'impact de cette aide apparaît cependant désormais indispensable ; de même l'action des ONG doit rester soumise à une évaluation vigilante ;
- l'information fournie aux représentants du Parlement au sein du comité stratégique du fonds de solidarité prioritaire pourrait être utilement complétée par des fiches projets qui permettraient une appréciation plus précise sur les actions conduites en matière d'aide au développement ;
- le budget du Haut conseil pour la coopération internationale a été simplement reconduit en 2001 ; le dialogue entre les pouvoirs publics et cette institution doit se poursuivre dans le souci de servir les objectifs de la coopération française ;
- la capacité d'investissement de la DGCID doit tenir compte du coût important que représente la construction d'un établissement scolaire (de l'ordre de 100 à 150 millions de francs) ; deux chantiers importants seront ouverts en 2001 pour les lycées français de Milan et de Moscou ; les établissements conventionnés et gérés par les parents d'élèves bénéficient pour leur part d'une subvention de l'ordre de 30 millions de francs ;
- les conditions de désignation du Haut commissaire pour les réfugiés tiennent compte de plusieurs facteurs parmi lesquels les contributions financières des différents Etats.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné à ce propos qu'il conviendrait sans doute de prendre en considération d'autres aspects tels que la participation aux opérations de maintien de la paix pour lesquelles la France fournit un effort important.
M. Charles Josselin a conclu sur la situation de TV5 dont les conditions de diffusion sur le continent américain n'apparaissaient pas satisfaisantes ; il a indiqué à cet égard qu'une négociation s'ouvrirait très prochainement afin de définir une nouvelle répartition des responsabilités pour la diffusion de la chaîne dans cette partie du monde.
Mission d'information à l'étranger - Kosovo (5 au 8 octobre) - Communication
La commission a ensuite entendu une communication de M. Xavier de Villepin, président de la mission d'information qu'il a effectuée avec M. André Boyer et M. Christian de La Malène, du 5 au 8 octobre derniers, au Kosovo.
M. Xavier de Villepin, président, a tout d'abord précisé qu'au cours de son séjour, la délégation avait rencontré M. Bernard Kouchner, représentant spécial du Secrétaire général des Nations-unies, ses collaborateurs de la Mission intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK), le général Ortuo, commandant de la KFOR, ainsi que les unités françaises stationnées au Kosovo, et enfin des personnalités albanaises, dont M. Ibrahim Rugova, et serbes.
Evoquant la situation du Kosovo, 15 mois après la fin de l'opération " force alliée " de l'OTAN, il a indiqué que l'essentiel des réfugiés kosovars albanais avait regagné la province alors que, parallèlement, des dizaines de milliers de Serbes avait rejoint la Serbie. Il a souligné l'acuité, pour les Kosovars albanais, de la question du millier de personnes détenues en Serbie et de celle des personnes disparues, dont le nombre avoisinait 3.000, alors qu'inversement, la population d'origine serbe, répartie entre l'extrême nord de la province et une quinzaine d'enclaves, revendiquait le retour de ses propres réfugiés.
S'agissant de la situation économique, il a estimé qu'au-delà d'une reconstruction active et d'un redémarrage du secteur agricole, le chômage demeurait massif, les zones de populations serbes étant, pour leur part, sinistrées.
M. Xavier de Villepin, président, a ensuite évoqué le bilan de la présence internationale déployée au Kosovo depuis juin 1999 en application de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies.
En ce qui concerne la KFOR, forte de 46.000 hommes originaires de 39 pays différents, dont 5.500 soldats français, il a considéré qu'elle était parvenue à obtenir une amélioration de la sécurité générale tout en demeurant confrontée à des difficultés : des opérations de maintien de l'ordre pour lesquelles les contingents n'étaient pas toujours préparés, ce qui rendait d'autant plus pertinent le projet de force européenne de police projetable, et la prévention des violences interethniques, qui exigeait une présence et une surveillance extrêmement vigilantes.
Il a également indiqué que la KFOR avait supervisé le désarmement et la transformation de l'UCK en unité de protection civile dépourvue d'armements, le corps de protection du Kosovo. Il a souligné, à ce propos, les difficultés de reconversion des membres de l'ex-UCK dans la vie civile et l'influence toujours grande des anciens responsables de maquis, alors que la nouvelle unité peine quelque peu à s'adapter à ses missions.
M. Xavier de Villepin, président, a en outre précisé que l'on pouvait tirer un bilan positif de l'engagement au Kosovo de l'état-major du Corps européen, qui avait assuré durant six mois le commandement de la KFOR.
Il a ensuite abordé l'action de la MINUK qui, dans ses différentes composantes, emploie environ 5.000 agents internationaux au Kosovo.
Il a précisé que le souhait de M. Bernard Kouchner, d'associer autant que possible des Kosovars à l'administration intérimaire, s'était traduit par l'instauration d'un conseil administratif intérimaire, où siègent trois représentants albanais et un représentant serbe, et d'un conseil transitoire consultatif représentant les partis politiques, les confessions religieuses, les minorités ethniques et les acteurs économiques et sociaux. En outre, des élections municipales seront organisées le 28 octobre pour désigner les 30 municipalités du Kosovo et, bien qu'ayant refusé de participer au scrutin, la communauté serbe sera représentée par des conseillers désignés par M. Bernard Kouchner.
Evoquant les responsabilités de la MINUK, M. Xavier de Villepin, président, a souligné les lacunes et insuffisances unanimement signalées dans l'action de la police internationale, qui compte aujourd'hui plus de 4.000 hommes souvent peu préparés aux tâches qui les attendent au Kosovo. La reconstruction du système judiciaire se heurte également à des difficultés qui ont justifié l'appel à des magistrats étrangers, en particulier pour les affaires les plus sensibles, au moment où se développent dans la province des activités mafieuses.
M. Xavier de Villepin, président, a détaillé les aides allouées par l'Union européenne, qui s'élèvent à 360 millions de francs en 2000, tout en soulignant que la perspective d'une assistance financière à la République fédérale de Yougoslavie laissait envisager une probable diminution des flux financiers vers le Kosovo.
M. Xavier de Villepin, président, a estimé que l'effort consenti par la communauté internationale, comme en témoignent les effectifs civils et militaires sur place et le montant de l'aide, s'avérait massif alors que les perspectives de sortie de la crise n'étaient guère évidentes. Prenant l'exemple du contingent français à Mitrovica, il a insisté sur l'implication considérable des agents internationaux civils ou militaires, dans l'administration et la vie courante du Kosovo.
Il s'est inquiété du manque de signes encourageants en vue d'une issue politique au conflit, la réconciliation entre les deux communautés albanaise et serbe n'étant pas prête de se réaliser. Il a relevé l'absence de limitation dans le temps assignée à la présence internationale par la résolution 1244.
Evoquant les changements politiques en cours à Belgrade, il a observé que ceux-ci avaient été plutôt mal accueillis par la classe politique albanaise kosovare, qui voyait dans le maintien de l'isolement de la Yougoslavie le meilleur moyen de promouvoir l'indépendance du Kosovo. Il a toutefois estimé que la perspective d'établissement d'un dialogue entre la MINUK et les nouveaux responsables yougoslaves permettait d'espérer un règlement de la question des prisonniers albanais en Serbie et d'envisager le retour des réfugiés serbes au Kosovo, ce qui favoriserait un apaisement des tensions entre communautés. En revanche, il s'est déclaré préoccupé quant à la position que devrait définir la communauté internationale face au souhait de Belgrade de faire valoir sa souveraineté sur le Kosovo. Il a également souligné l'incidence qu'aurait l'avenir du Montenegro, qui conditionne celui de la fédération yougoslave, sur le futur statut du Kosovo dans la mesure où la résolution 1244 prévoit une autonomie substantielle dans le cadre de la République fédérale de Yougoslavie et non de la République de Serbie.
Il a conclu en mentionnant les multiples incertitudes pesant sur l'évolution des Balkans où la présence internationale semble désormais durable.
M. Christian de La Malène, après avoir rendu hommage à l'action des Français, civils et militaires, présents au Kosovo, a souligné l'absence de perspective de règlement politique du conflit. Il a relevé l'ambiguïté de la résolution 1244, qui rappelait l'intangibilité des frontières de la République fédérale de Yougoslavie, tout en prônant une autonomie substantielle pour le Kosovo, et qui préconisait la coexistence des différentes communautés alors que celles-ci sont, de fait, séparées. Il a également évoqué le coût considérable de la présence de la KFOR. Il s'est demandé si l'on pourrait éviter la solution de la partition ou de la " cantonnisation ", que la communauté internationale a jusqu'à présent toujours écartée.
M. Robert Del Picchia a demandé des précisions sur le financement de l'assistance internationale au Kosovo, sur la réalité du désarmement de l'UCK et sur l'organisation des élections municipales.
M. Philippe de Gaulle a évoqué la possibilité d'une partition du Kosovo et s'est interrogé sur l'attitude des pays voisins dans le conflit.
M. Michel Caldaguès a remarqué que la présence durable de militaires français conduisait à réduire d'autant la capacité de projection des forces de nos armées et s'est demandé si une diminution de notre participation n'était pas souhaitable.
A la suite de ces interventions, M. Xavier de Villepin, président, a apporté les précisions suivantes :
- la charge financière de chaque contingent national incombe, en pratique, aux pays concernés, les organisations internationales ne contribuant que marginalement au financement de la KFOR ;
- malgré de nombreuses saisies d'armement, il est probable qu'un nombre encore important d'armes et de munitions reste disséminé dans la province ;
- les élections municipales du 28 octobre prochain sont organisées par l'OSCE ;
- il serait souhaitable que l'engagement de l'armée française, dans un type d'opérations dont la nature est de moins en moins militaire, soit limité dans le temps.
La commission a ensuite autorisé la publication de cette communication sous forme de rapport d'information.