Table des matières

  • Mercredi 4 novembre 1998
    • Nomination de rapporteur
    • Traités et conventions - Accord Communauté européenne-Etats-Unis du Mexique (Pjl n°3) : Examen du rapport
    • Traités et conventions - Convention internationale pour la répression des attentats (Pjl n°4) : Examen du rapport
    • PJLF99 - Ministère de la défense (forces terrestres) : Examen du rapport pour avis
    • PJLF99 - Ministère de la défense (Marine) : Examen du rapport pour avis
    • PJLF99 - Ministère de la défense (Air) : Examen du rapport pour avis
    • PJLF99 - Ministère de la défense (Gendarmerie) : Examen du rapport pour avis
  • Jeudi 5 novembre 1998
    • Construction européenne - Sommet de Pörtschach : audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Mercredi 4 novembre 1998

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président

Nomination de rapporteur

La commission a d'abord désigné M. Robert Del Picchia comme rapporteur sur lesprojets de loi :

- n° 32 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières ;

- n° 33 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières ;

- et n° 34 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hongroise.

Traités et conventions - Accord Communauté européenne-Etats-Unis du Mexique (Pjl n°3) : Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. André Rouvière sur le projet de loi n° 3 (1998-1999) autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats-Unis du Mexique, d'autre part.

M. André Rouvière a tout d'abord évoqué les évolutions récentes intervenues sur le plan politique au Mexique, en particulier l'instauration d'un réel pluralisme qui s'est manifesté, en 1997, par la perte de la majorité absolue à la chambre des députés pour le Parti révolutionnaire institutionnel au pouvoir depuis 1929. Il a relevé en revanche l'impasse dans laquelle se trouve le règlement du conflit du Chiapas. Il a par ailleurs décrit la situation économique du Mexique, qui s'est bien relevé de la grave crise financière de 1995, notamment grâce à la mise en oeuvre de l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA), mais qui se trouve désormais affecté par les répercussions des crises asiatique et russe.

Abordant la diplomatie du Mexique, le rapporteur a souligné la prépondérance de la relation bilatérale avec les Etats-Unis, avec lesquels le Mexique réalise 80 % de son commerce extérieur, tout en relevant que le Mexique demeure cependant très attaché à sa souveraineté et le marque parfois en affichant des positions éloignées de celles de Washington, par exemple sur Cuba. Il a poursuivi en précisant que le renforcement des liens avec l'Amérique latine constitue la deuxième priorité du Mexique, le dialogue avec l'Europe étant pour sa part considéré comme une opportunité de diversification politique et économique.

M. André Rouvière, rapporteur, a ensuite présenté l'accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et le Mexique, signé le 8 décembre 1997, qui s'avère beaucoup plus ambitieux que l'accord-cadre de 1991 qui ne concernait que la coopération. Le nouvel accord ajoute au dialogue politique et aux actions classiques de coopération un objectif de libéralisation bilatérale, progressive et réciproque des échanges de biens et de services, d'abolition également progressive et réciproque des obstacles aux mouvements de capitaux et d'ouverture réciproque des marchés publics.

Le rapporteur a insisté sur l'intérêt s'attachant, pour la France, à la ratification de cet accord, notamment en vue de développer des échanges économiques encore trop réduits. Il s'est réjoui que le Sénat soit appelé à se prononcer en séance publique sur cet accord, au moment même où le Président de la République effectuera, au Mexique, une visite d'Etat, qui devrait permettre de réaffirmer les liens politiques et culturels unissant les deux pays. Il a invité la commission à donner un avis favorable au projet de loi.

A la suite de l'intervention du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a fait observer que malgré la concurrence d'autres partis politiques, le Parti révolutionnaire institutionnel avait bien traversé les crises qui l'ont affecté et qu'il sera sans doute appelé à demeurer une force politique majeure au Mexique. Il a par ailleurs souligné les écarts considérables de revenus au Mexique et la persistance de la pauvreté, qui toucherait plus de 40 % de la population. Il a enfin rappelé le renforcement considérable des liens économiques entre le Mexique et les Etats-Unis depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité savoir si l'accord euro-mexicain pourrait indirectement favoriser les exportations de produits agricoles américains, notamment le maïs, en Europe.

M. André Rouvière, rapporteur, a précisé que l'accord ne concernait que le Mexique et qu'il ne pouvait donc avoir d'effet sur les exportations des autres membres de l'ALENA, à savoir les Etats-Unis et le Canada. Il a par ailleurs indiqué que les produits agricoles figureraient selon toute vraisemblance au rang des produits sensibles qui peuvent faire l'objet de mesures particulières dans le cadre de l'accord.

M. Xavier de Villepin, président, a évoqué le désir des pays d'Amérique latine, notamment l'Argentine, d'exporter davantage de produits agricoles en Europe. Il a considéré que ce thème devrait être abordé lors du sommet Union européenne-Amérique latine qui se déroulera à Rio en juin 1999.

M. Christian de La Malène s'est interrogé sur l'influence que pourrait exercer le Mexique sur la communauté hispanophone des Etats-Unis. M. André Rouvière, rapporteur, tout en soulignant le poids de cette communauté aux Etats-Unis, a considéré que les deux pays étaient tenus d'observer une réciproque prudence sur leurs questions de politique intérieure respectives. M. Xavier de Villepin, président, a observé que cette prudence s'était révélée sur le thème de l'exception culturelle, notion que le Mexique hésite à reprendre à son compte.

La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

Traités et conventions - Convention internationale pour la répression des attentats (Pjl n°4) : Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. André Rouvière sur le projet de loi n° 4 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention du 12 janvier 1998 pour la répression des attentats terroristes à l'explosif.

Le rapporteur a tout d'abord remarqué que la convention du 12 janvier 1998, élaborée dans le cadre de l'ONU, constitue une étape importante dans l'élaboration du droit international de la répression des attentats terroristes, qui doit être prochainement complété par des accords internationaux relatifs au terrorisme nucléaire et au financement du terrorisme international.

M. André Rouvière, rapporteur, a rappelé l'importance croissante de la menace terroriste, tout particulièrement pour les pays d'Europe occidentale, régulièrement choisis comme cibles d'attentats de plus en plus meurtriers. Il a, par ailleurs, estimé que l'attentat au sarin commis dans le métro de Tokyo en mars 1995 paraissait attester que les mouvements terroristes pouvaient désormais accéder à des armes de destruction massive.

Abordant ensuite le contenu de la convention du 12 janvier 1998, le rapporteur a commenté le champ d'application de cette convention. Il a noté que la définition retenue pour les engins explosifs était susceptible de s'appliquer à de très nombreuses hypothèses d'attentats, y compris nucléaires, bactériologiques et chimiques.

L'objet de cette convention est, pour l'essentiel, a précisé le rapporteur, de renforcer la coopération judiciaire entre Etats en facilitant l'extradition des auteurs d'attentats. La convention se réfère donc au principe "extrader ou juger", selon lequel le pays auquel est adressée une demande d'extradition doit, s'il n'accède pas à cette demande, "soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale".

Par ailleurs, M. André Rouvière, rapporteur, a estimé que les clauses de la convention du 12 janvier 1998 destinées à encourager la coopération technique entre Etats parties pourraient contribuer à la prévention des attentats, bien que l'objet de cette convention soit avant tout d'assurer la punition des auteurs d'actes terroristes.

En conclusion, le rapporteur a estimé que l'efficacité de la convention du 12 janvier 1998 était subordonnée à son universalité. Il a, à cet égard, remarqué l'absence, parmi les signataires, des Etats généralement mis en cause dans le terrorisme international. M. André Rouvière, rapporteur, a donc jugé souhaitable que, en procédant au plus vite au dépôt de ses instruments de ratification, la France encourage par son exemple la ratification de nombreux pays, qui illustrerait la détermination de la communauté internationale à punir comme ils le méritent les auteurs d'attentats terroristes.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Robert Del Picchia est revenu, avec M. Michel Caldaguès, sur les conditions d'entrée en vigueur de la convention du 12 janvier 1998. M. André Rouvière, rapporteur, a rappelé que la France souhaite, en étant le premier pays signataire à déposer ses instruments de ratification, montrer son engagement dans la lutte contre le terrorisme international.

A la demande de M. Paul Masson, le rapporteur a commenté le champ d'application de la convention, conçu pour s'appliquer à de nombreux types d'attentats terroristes. M. Paul Masson ayant relativisé l'incidence réelle probable de la convention du 12 janvier 1998 sur la prévention du terrorisme international, M. André Rouvière a estimé que l'adhésion de nombreux pays à une telle convention illustrerait néanmoins la détermination de la communauté internationale à réprimer le terrorisme. M. Jean-Claude Gaudin a fait observer que les conventions internationales relatives à la répression des attentats terroristes pouvaient améliorer les rapports entre les pays concernés par le terrorisme international. Le rapporteur a également souligné l'importance des clauses de la convention relatives à la coopération technique entre Etats ainsi qu'à l'extradition.

A la demande de M. Philippe de Gaulle, M. André Rouvière, rapporteur, a commenté la portée de la stipulation autorisant un pays à opposer un refus à une demande d'extradition qui serait motivée par des motifs d'ordre racial, religieux ou politique.

M. Paul Masson ayant commenté la définition du terrorisme contenue dans le code pénal français, M. André Rouvière a indiqué que la France devrait prochainement, en conséquence de la ratification de la convention du 12 janvier 1998, étendre le champ d'application de l'article 421-1 du code pénal à la détention ou l'emploi de substances radioactives.

A la demande de M. Aymeri de Montesquiou, M. André Rouvière, rapporteur, a précisé qu'Israël ne figurait pas, à ce jour, parmi les signataires de la convention.

M. Xavier de Villepin, président, a estimé que les attentats commis en août 1998 contre les ambassades américaines de Nairobi et Dar-es-Salam justifiaient une réflexion sur la protection des ambassades et consulats français. Il a par ailleurs relevé que la convention du 12 janvier 1998 n'autorisait pas les répliques unilatérales aux attentats terroristes.

La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

PJLF99 - Ministère de la défense (forces terrestres) : Examen du rapport pour avis



La commission a alors procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Serge Vinçon sur les crédits du ministère de la défense, inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 (forces terrestres).

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis,
a tout d'abord présenté un bilan des réformes en cours dans l'armée de terre dans le cadre de la professionnalisation des forces et de la restructuration de leur implantation territoriale.

Le rapporteur pour avis a rappelé que l'objectif de la professionnalisation est de permettre à l'armée de terre de remplir un "contrat opérationnel" destiné à privilégier la projection. Dans cet esprit, a-t-il poursuivi, les restructurations ont pour objet de parvenir à un dispositif au format réduit, fondé sur des structures opérationnelles modulaires, conçues en fonction des opérations envisagées.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a commenté l'ampleur des restructurations mises en oeuvre par l'armée de terre pendant la période de transition, et a rendu hommage aux personnels concernés par la dissolution de régiments ou d'établissements militaires.

Le rapporteur pour avis a ensuite fait observer que l'année 1999 constituerait une étape décisive des restructurations, puisqu'à la fin de cette année auront été supprimés la moitié des postes militaires concernés par les déflations d'effectifs prévus par la programmation. C'est de surcroît en 1999, a-t-il relevé, que les 1.387 premiers volontaires du service national rénové seront affectés à l'armée de terre.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a estimé que les deux premières années de la professionnalisation appellent un bilan nuancé. A l'actif de ce bilan, il a inscrit la déflation maîtrisée et équilibrée des effectifs d'officiers et sous-officiers. Il a ensuite relevé que, si l'armée de terre a, à ce jour, réussi à doubler les recrutements de militaires du rang engagés sans que le niveau moyen de cette catégorie n'en soit affecté, on peut néanmoins s'interroger sur la possibilité de maintenir des flux importants d'engagements une fois tarie la ressource du service national obligatoire, compte tenu de la forte proportion d'engagements souscrits à l'issue du service militaire.

Le rapporteur pour avis a alors regretté que l'insuffisante montée en puissance des effectifs civils conduise l'armée de terre à affecter des militaires du rang engagés aux fonctions de soutien qui devraient être réservées aux personnels civils, ce qui pourrait, selon lui, altérer la capacité des forces terrestres à remplir leur "contrat opérationnel".

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué le déficit en appelés lié à la réforme du service national, commentant successivement l'incidence de la libéralisation des reports pour études ou formation professionnelle, et les conséquences des nouveaux reports désormais attribués aux jeunes gens titulaires d'un contrat de travail.

Abordant alors le contenu du projet de dotation de l'armée de terre pour 1999, M. Serge Vinçon a noté que l'augmentation prévue en 1999 (+ 2,6 % en francs courants) permettrait de "lisser" les diminutions observées en 1998, sans pour autant constituer, selon lui, un véritable effort pour l'armée de terre.

Le rapporteur pour avis a estimé que l'augmentation des crédits d'équipement (+ 6,5 % en francs courants) traduit, au mieux, une stabilisation du titre V, dans la logique définie par la "revue des programmes", plutôt qu'un réel effort budgétaire.

Après avoir commenté les conséquences sur les principaux programmes terrestres de la "revue des programmes", M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a relevé l'évolution contrastée des autres postes du titre V. Il a insisté sur les charges pesant, pendant la période de transition, sur d'autres postes tels que les infrastructures et les crédits destinés à l'environnement du combattant, en dépit des économies résultant des déflations d'effectifs. Le rapporteur pour avis a souligné que l'insuffisance des moyens consacrés à l'entretien programmé des matériels a affecté la disponibilité technique opérationnelle des matériels, désormais réduite à 75 % pour les matériels terrestres.

L'évolution des crédits de fonctionnement inspire, quant à elle, à M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, une réelle inquiétude, car leur stabilité en 1999 par rapport à la précédente dotation recouvre, selon lui, d'importantes tensions sur les postes autres que les rémunérations.

A cet égard, le rapporteur pour avis a fait observer que l'ensemble des dépenses liées aux rémunérations et aux charges sociales de l'armée de terre dépasserait en 1999 le seuil, jamais atteint à ce jour, de 80 % du titre III des forces terrestres. Cette évolution tient, a poursuivi M. Serge Vinçon, d'une part, à l'augmentation des effectifs de militaires du rang engagés, et, d'autre part, à l'application aux personnels de l'armée de terre des diverses mesures de revalorisation des rémunérations de la fonction publique.

Le rapporteur pour avis a fait observer que les tensions observées sur les autres postes du titre III résultent de la rigidité des dépenses de rémunérations. Il a successivement commenté les économies réalisées sur le chapitre alimentation ou sur les crédits destinés à l'entretien des casernements, ou sur les moyens affectés à l'activité des forces. A cet égard, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, s'est inquiété des conséquences, sur la motivation des personnels militaires et sur les capacités opérationnelles de l'armée de terre, de la réduction des objectifs d'activité décidée pour 1999.

Le rapporteur pour avis a, par ailleurs, estimé que les hypothèses retenues à l'égard du volontariat dans les armées (rémunération assise sur le SMIC, accès au dispositif de reconversion à la vie civile) du fait de l'assimilation, selon lui contestable, du volontariat aux "emplois-jeunes", contribueraient à aggraver les charges pesant sur les crédits de fonctionnement des armées.

En conclusion, donnant acte au Gouvernement de la non-reconduction, en 1999, de l'"encoche" constatée en 1998 sur les crédits d'équipement de la défense, élément de nature à justifier un avis favorable sur le budget de la défense, le rapporteur pour avis a néanmoins exprimé de vives réserves quant à la possibilité, à titre III inchangé, de poursuivre la professionnalisation sans altérer les conditions de sa réalisation.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Christian de La Malène a souligné la difficulté de financer simultanément les coûts de la professionnalisation et des besoins qui demeureront, à beaucoup d'égards, ceux d'une armée mixte jusqu'en 2002. Il a constaté que les déflations d'effectifs mises en oeuvre depuis 1997 ne permettaient pas d'atteindre l'objectif d'une meilleure disponibilité des forces terrestres. M. Christian de La Malène a également relevé, avec M. Serge Vinçon, que la "revue des programmes" revenait à mettre en cause les prévisions établies par la loi de programmation sans requérir l'approbation du Parlement.

M. Christian de La Malène a, par ailleurs, contesté la logique tendant à effectuer sur certains postes du titre V des économies que la réduction du format de l'armée de terre ne suffit pas à justifier.

M. Emmanuel Hamel a alors estimé que la situation internationale ne justifie aucunement une diminution des crédits militaires, alors même que le produit national permet, selon lui, un effort plus substantiel en faveur de notre outil de défense. Il a indiqué qu'il ne saurait, en conscience, approuver un budget aussi insuffisant malgré ses réticences à ne pas voter les crédits militaires.

A cet égard, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a rappelé que la majorité sénatoriale avait rejeté le budget de la défense dans le cadre du projet de loi de finances pour 1998, en raison de la forte réduction des crédits d'équipement alors constatée. Il a observé que la reprise du titre V du budget de la défense, même si celle-ci ne traduit qu'un rattrapage incomplet, pourrait justifier le vote du budget de la défense, assorti toutefois de vives réserves. M. Serge Vinçon a rappelé que les armées avaient été associées à la "revue des programmes" et que les économies qui en résultaient ne leur avaient pas été imposées dans les mêmes conditions que l'"encoche" de 1998.

M. Xavier de Villepin, président, a estimé nécessaire d'assurer la cohérence des positions de la majorité sénatoriale à l'égard du budget de la défense.

MM. Paul Masson et Serge Vinçon, rapporteur pour avis, sont alors revenus sur les conséquences opérationnelles de la nouvelle baisse des objectifs d'activité des forces prévue en 1999, en contradiction avec les besoins d'une armée professionnelle.

M. Philippe de Gaulle a ensuite commenté, avec le rapporteur pour avis, les insuffisantes ouvertures de postes civils pour la professionnalisation de l'armée de terre et les conditions de recrutement des volontaires.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a alors rappelé les difficultés auxquelles l'armée de terre est confrontée du fait de l'augmentation du nombre de bénéficiaires de reports d'incorporation, conséquence des modifications intervenues dans le code du service national.

M. Xavier de Villepin, président, est revenu sur les conséquences opérationnelles susceptibles de résulter des économies réalisées sur les activités des forces. Il a jugé contestable l'assimilation faite entre les "emplois-jeunes" et les volontariats dans les armées, en contradiction, selon lui, avec l'esprit du lien armées-Nation.

Le rapporteur pour avis a ensuite commenté, à la demande de M. Xavier de Villepin, président, les modifications intervenues en 1998 en matière de rémunération des personnels en opérations extérieures.

M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé que la commission ne voterait sur l'ensemble des crédits de la défense pour 1999 qu'après avoir entendu tous ses rapporteurs pour avis.

PJLF99 - Ministère de la défense (Marine) : Examen du rapport pour avis



Puis la commission a examiné le rapport pour avis de M. André Boyer sur les crédits de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 (marine).

M. André Boyer, rapporteur pour avis,
a indiqué que la marine disposerait en 1999 d'un budget s'élevant à 34 milliards de francs, en progression de 4 % par rapport à 1998.

Il a détaillé l'évolution des crédits du titre III, qui se monteront à 12,9 milliards de francs et diminueront de 1,4 %, la progression des dépenses de rémunération et de charges sociales étant compensée par une réduction de 12 % des dépenses de fonctionnement provenant à la fois de la réduction du format de la marine, de l'effet de la baisse des cours du dollar et du pétrole sur les crédits relatifs aux produits pétroliers, d'un nouveau transfert de 150 millions de francs de crédits d'entretien programmé des matériels du titre III vers le titre V mais aussi d'économies supplémentaires imposées sur le fonctionnement courant. Il a présenté l'évolution des effectifs, conforme à la loi de programmation militaire 1997-2002, ce qui se traduira par la suppression de 213 postes d'officiers-mariniers et de 3.240 postes d'appelés alors que seront parallèlement créés 21 postes d'officiers, 861 postes de civils et 140 postes de volontaires.

Après avoir précisé que les crédits du titre V s'élèveront à 21 milliards de francs, soit 7,5 % de plus qu'en 1998, M. André Boyer, rapporteur pour avis, a cité les principaux bâtiments qui seraient retirés du service actif en 1999 alors que parallèlement seront admis au service actif le 2e sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG), la quatrième frégate de type La Fayette et le porte-avions Charles de Gaulle, ainsi que deux avions de guet aérien Hawkeye.

Le rapporteur pour avis a ensuite commenté les principales décisions prises à l'issue de la "revue de programmes", à savoir le retard de mise en place de la capacité air-sol du Rafale, la réduction de 5 % des dépenses d'entretien programmé des matériels, l'optimisation du programme SNLE-NG, la livraison du quatrième sous-marin étant décalée d'un an et celle du missile M 51 avancée de deux ans afin de permettre aux deux programmes de se rejoindre en 2008, la recherche de modes d'acquisition moins coûteux pour les nouveaux chalands de débarquement et le troisième Hawkeye et enfin, le retrait du porte-avions Foch dès l'admission en service actif du Charles de Gaulle. Il a observé qu'en revanche des programmes importants tels que la frégate Horizon, l'hélicoptère NH 90 et le sous-marin d'attaque futur n'avaient pas été affectés par la revue de programmes.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite présenté un premier bilan de la mise en oeuvre de la professionnalisation. Il a précisé qu'en matière de recrutement d'engagés par le biais de contrats courts de deux ans, les objectifs quantitatifs avaient été atteints alors que certaines difficultés pouvaient apparaître au plan qualitatif, en raison du profil de ces engagés, recrutés parmi les jeunes en grande difficulté d'insertion professionnelle. Il s'est surtout montré inquiet devant les difficultés à pourvoir la totalité des postes de civils créés dans la marine, qui représentent la principale source de remplacement des appelés du contingent. Il a rappelé que priorité était donnée, pour occuper ces postes, à des personnels civils de la défense, en particulier de la direction des constructions navales (DCN), volontaires pour une mutation. Il a constaté que le flux de candidatures s'était tari dès 1998, ce qui avait porté le taux de postes vacants à plus de 10 % des effectifs budgétaires. Il a également observé que, faute de crédits suffisants, il était difficile de développer la sous-traitance pour pallier ce déficit de personnel. Il a considéré que seul un élargissement des possibilités de recrutement externe pourrait permettre une poursuite convenable de la professionnalisation.

Le rapporteur pour avis a ensuite souligné la gestion de plus en plus tendue imposée sur les crédits de fonctionnement courant et sur ceux d'entretien programmé des matériels. Il a noté que la marine devait faire face, avec des moyens réduits, à des coûts d'entretien élevés, ce qui conduisait à espacer les carénages, à diminuer la valeur des travaux ou à abandonner l'entretien préventif, au risque d'accroître l'indisponibilité des bâtiments. Il a insisté sur l'importance qui s'attache à une réduction du coût des opérations menées par la DCN, grâce notamment à la contractualisation, pour faire face à ces difficultés.

Enfin, il a évoqué l'évolution des capacités opérationnelles de la marine, en considérant que la décision de désarmer le Foch dès l'année 2000 consacre l'abandon de la notion de "quasi-permanence" du groupe aéronaval, qui avait suscité beaucoup de scepticisme lors de l'examen de la loi de programmation. Il a estimé que la marine se trouverait donc privée, durant la période d'entretien du Charles de Gaulle, de sa capacité de projection essentielle, ce qui confère une acuité particulière à la question de la construction d'un second porte-avions. Il a à ce propos fait allusion aux perspectives ouvertes par la décision des Britanniques de mettre à l'étude la construction d'un groupe aéronaval composé de deux bâtiments.

En conclusion, M. André Boyer, rapporteur pour avis, a considéré que les réductions de crédits opérées dans le cadre de la revue de programmes n'affectent que ponctuellement la marche vers le nouveau modèle de la marine, justifiant un avis favorable sur le projet de la défense pour 1999. Il a toutefois évoqué les principales questions qui conditionnent son proche avenir : le recrutement de personnels civils en nombre suffisant pour mener à bien la professionnalisation, la réussite de l'adaptation de la DCN, la préservation des capacités opérationnelles, en particulier la projection aéronavale, et la compression des moyens de fonctionnement provoquée par l'accroissement des dépenses de rémunérations et de charges sociales, alors que la loi de programmation a doté le titre III de moyens constants de 1997 à 2002.

A la suite de cet exposé, M. Charles-Henri de Cossé Brissac a interrogé le rapporteur sur l'état des contacts établis avec les Britanniques en vue d'une éventuelle coopération pour la construction d'un second porte-avions.

M. Philippe de Gaulle a souhaité obtenir des précisions sur la situation du bâtiment école Jeanne d'Arc.

M. Christian de La Malène a demandé si le porte-avions Foch serait définitivement désarmé et il a vivement déploré que, si tel était le cas, le France ne soit plus en mesure de disposer d'un groupe aéronaval opérationnel en permanence.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- les Britanniques vont mettre à l'étude la construction de deux porte-avions à propulsion classique proches, par leurs caractéristiques, notamment leur tonnage et leur capacité d'embarquer des avions à long rayon d'action, des porte-avions français : dans ces conditions, la question de la construction d'un second porte-avions français pourrait être éventuellement abordée dans une perspective de coopération franco-britannique ;

- la "mise en sommeil" du Foch, prévue par la loi de programmation en vue d'une réactivation lors du "grand carénage" du Charles de Gaulle, est apparue comme une solution coûteuse, à la fois au titre du maintien à quai du bâtiment et des adaptations qui auraient été nécessaires pour accueillir, le moment venu, les avions de guet aérien Hawkeye et le Rafale ; aussi la décision a-t-elle été prise de désarmer le porte-avions Foch dès l'admission au service actif du Charles de Gaulle ;

- après une indisponibilité due à des avaries, la Jeanne d'Arc a repris son activité au cours de l'été 1998.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin formulé une observation sur les succès enregistrés à l'exportation par la construction navale française, notamment pour la vente de sous-marins Scorpène au Chili. Il a considéré que la question de l'adaptation de la DCN conditionnait pour une large part l'avenir de la marine nationale.

PJLF99 - Ministère de la défense (Air) : Examen du rapport pour avis



La commission a alors examiné le rapport pour avis de M. Jean-Claude Gaudin sur les crédits du ministère de la défense, inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 (air).

M. Jean-Claude Gaudin, rapporteur pour avis, a tout d'abord constaté que le projet de loi de finances pour 1999, en ce qui concerne la défense, n'efface pas "l'encoche" effectuée l'an passé, bien qu'il permette une légère remontée des ressources, par rapport à l'étiage de 1998.

M. Jean-Claude Gaudin a en conséquence relevé que cette troisième annuité de la programmation militaire, sur le strict plan budgétaire, n'est pas conforme à ce que le Parlement a voté il y a deux ans. Depuis, a rappelé le rapporteur pour avis, les conclusions de la revue des programmes, proposée par le Gouvernement et dont les résultats ont été approuvés par le Président de la République, ont conduit à obtenir, pour l'ensemble du budget défense, 20 milliards d'économies supplémentaires sur les quatre années restant à courir de la période de programmation et 20 milliards supplémentaires après cette période. Le projet de budget de l'armée de l'air pour 1999 est donc la troisième annuité d'une programmation révisée, qui entend toutefois confirmer la loi de 1996 dans ses objectifs majeurs.

Pour l'armée de l'air, le rapporteur pour avis a précisé que la revue de programmes permet une économie de 3,9 milliards de francs sur quatre ans, grâce aux décisions suivantes :

- l'arrêt du programme de missile de croisière Apache, dans sa version interdiction de zone ;

- et l'aménagement de cinq programmes ou catégories d'équipements dans leur échéancier ou dans leur contenu, à savoir : le décalage des livraisons des Rafale air, entraînant une diminution de 25 à 23 du nombre d'appareils livrés à fin 2005 ; le retrait par anticipation, en 2001, de deux escadrons Jaguar au lieu d'un en 2002 et un en 2003, ce qui entraînera une réduction temporaire des capacités de notre aviation de combat ; la réduction de quelque 5 % des crédits d'entretien programmé des matériels ; la réduction de quelque 5 % également des crédits d'infrastructure opérationnelle dans le cadre des restructurations en cours ; le retrait, dès 2001, de la composante de transmissions nucléaires ASTARTE.

Abordant les crédits du titre III, M. Jean-Claude Gaudin a précisé que, à structures constantes, c'est-à-dire hors transferts de crédits d'un titre à l'autre, ils ne progressent globalement que très légèrement de 0,4 %, pour s'élever à 15,5 milliards. Cette évolution traduit des évolutions contraires au sein des principales structures du titre III : une hausse substantielle (près de 3 %) des rémunérations et charges sociales, liée à la professionnalisation et en particulier à la revalorisation des traitements des militaires techniciens de l'air (MTA) et à celle du point d'indice de la fonction publique ; une réduction non moins substantielle des crédits de fonctionnement courant (- 5,2 %) par rapport à 1998.

Si une part importante de cette diminution est liée mécaniquement à la réduction des effectifs induits par la professionnalisation (moins 7.000 postes en 1999), le rapporteur pour avis a précisé qu'elle ne s'y limite pas ; l'armée de l'air qui a déjà, au sein de chaque base aérienne, effectué de gros efforts de productivité, devra accroître encore son effort. Or des limites existent, d'autant que le recours à la sous-traitance en remplacement des appelés du contingent pour les activités de soutien requiert une dotation adaptée.

Les crédits d'équipement du titre V, de 20,3 milliards, progresseront pour leur part de 5,6 % par rapport à 1998, exercice où ils avaient été amputés de 11 % par rapport à 1997. La force aérienne de combat, a-t-il précisé, recevra notamment, comme prévu, 22 Mirage 2000-5 de défense aérienne ainsi que leurs missiles associés MICA, et 12 Mirage 2000 D d'attaque au sol. L'armée de l'air recevra également son premier Rafale biplace. Enfin des financements sont prévus pour l'amélioration des capacités de conduite des opérations aériennes.

Le rapporteur pour avis a souligné que la programmation, ainsi révisée, entend confirmer les objectifs majeurs votés par le Parlement en 1996. En ce qui concerne la professionnalisation, celle-ci se déroule dans de bonnes conditions pour l'armée de l'air : la fin du processus est proche puisque l'armée de l'air se situe à 7 % de la cible de 71.000 personnes en 2002. Quelque 4.500 MTA ont déjà été recrutés depuis deux ans, 2.371 postes seront ouverts en 1999. En 1999 et pour la première fois, l'armée de l'air ouvrira 211 postes de volontaires, correspondant aux emplois-jeunes créés dans le secteur public civil. En outre, 304 postes de civils sont créés pour l'armée de l'air ; un déficit existe toujours sur ce point, comme l'an passé, pour ce qui concerne les ouvriers d'Etat. La gestion des départs des officiers et sous-officiers s'est par ailleurs effectuée dans de bonnes conditions en 1998, grâce au dispositif incitatif mis en place par la loi de 1996 sur les mesures d'accompagnement de la professionnalisation.

S'agissant par ailleurs de la modernisation des équipements de l'armée de l'air en vue du modèle 2015, l'armée de l'air disposera bien, a précisé M. Jean-Claude Gaudin, sous réserve du retrait anticipé de deux escadrons de Jaguar, d'une flotte adaptée d'avions de combat de génération intermédiaire. Le rapporteur pour avis a sur ce point mis en avant deux questions.

Concernant le Rafale tout d'abord, et tout en se félicitant de la décision de principe d'une commande groupée et ferme de 21 appareils pour l'armée de l'air, il a relevé que l'autorisation du lancement de cette commande est encore attendue, alors qu'elle devrait favoriser des économies de fabrication et constituerait également un signal positif à l'export.

Il convient par ailleurs de prendre en compte, a précisé M. Jean-Claude Gaudin, le poids financier que représentera, pour le budget de L'armée de l'air, l'entrée en phase de fabrication du Rafale, à partir de 2002. A enveloppe constante, cette contrainte ne serait évidemment pas compatible avec un développement excessif du titre III, notamment du poste rémunérations et charges sociales. En d'autres termes et dans une telle hypothèse, la réussite des programmes d'équipement à long terme risquerait d'être conditionnée, a estimé le rapporteur pour avis, après 2002, à la conduite d'une revue d'effectifs, à l'instar de ce qui vient d'être fait pour les programmes d'équipements.

S'agissant ensuite du futur avion de transport, le rapporteur pour avis a précisé que l'acquisition d'un nouvel appareil n'est plus conditionnée à la réalisation du seul programme européen ATF, puisque trois offres sont attendues : celle de l'ATF, celle de Lockheed Martin et celle enfin d'Antonov. Il reste, a estimé M. Jean-Claude Gaudin, que les performances de l'appareil, tout comme l'enjeu industriel, plaident fortement en faveur du choix du projet européen.

Enfin, le rapporteur pour avis a évoqué l'entretien programmé des matériels et le maintien en condition opérationnelle des aéronefs aujourd'hui en dotation dans l'armée de l'air. Il a rappelé que, en 1997, une vingtaine de Mirage 2000 et, en 1998, une trentaine ont été ou sont immobilisés, par impossibilité de procéder aux réparations ou contrôles nécessaires. L'origine de cette situation n'est pas, a estimé le rapporteur pour avis, de nature principalement financière : des lenteurs et des retards, liés à des procédures de passation de contrats ou d'appels d'offres, retardent les commandes et sont souvent à l'origine de ces immobilisations forcées alors même que les crédits sont disponibles. Il serait souhaitable que le projet de structure intégrée réunissant la DGA et les états-majors soit mis en oeuvre pour remédier à ces situations.

En conclusion, M. Jean-Claude Gaudin a observé que, pour apprécier le projet de budget de l'armée de l'air -et de la défense en général- il fallait aux parlementaires changer de référence : à la loi de programmation votée en 1996 se substitue partiellement, désormais, la revue de programmes conduite, elle, par le seul Gouvernement. Tout nouvel exercice de même nature qui viendrait à nouveau affecter cette programmation révisée discréditerait définitivement, a estimé le rapporteur pour avis, toute logique de programmation militaire par les élus de la Nation, et réduirait à rien la loi votée en 1996. C'est sous cette réserve, et au bénéfice des observations apportées au cours de l'exposé, que le rapporteur pour avis a donné un avis favorable aux crédits de l'armée de l'air pour 1999.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Christian de La Malène a relevé les efforts financiers considérables que l'armée de l'air devrait fournir, à l'issue de la présente loi de programmation, pour se doter du Rafale et de l'ATF si d'aventure le titre III continue à augmenter.

M. Xavier de Villepin, président, a fait part de son inquiétude, pour l'industrie aéronautique française, d'une concrétisation du projet de rapprochement entre DASA et British Aerospace au détriment d'Aérospatiale. Il s'est interrogé sur la possibilité pour l'Eurofighter de concurrencer le Rafale, en dépit des performances et des capacités différentes entre les deux avions. Il a enfin estimé que le projet européen ATF réunissait toutes les conditions opérationnelles et les caractéristiques industrielles requises pour justifier son choix par les armées européennes concernées.

PJLF99 - Ministère de la défense (Gendarmerie) : Examen du rapport pour avis



Enfin, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Paul Masson, sur les crédits du ministère de la défense, inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 (gendarmerie).

M. Paul Masson, rapporteur pour avis, a d'abord rappelé les principaux éléments du contexte dans lequel il convient d'apprécier le projet de budget de la gendarmerie pour 1999 : un accroissement des effectifs dans un cadre financier peu favorable, la nécessité de recruter des volontaires pour atteindre le format fixé par la loi de programmation, l'évolution des missions de la gendarmerie qui la met au contact de milieux très différents, notamment dans les zones périurbaines, enfin l'adaptation devenue indispensable des méthodes afin de mieux faire droit à l'impératif de déconcentration.

M. Paul Masson, rapporteur pour avis, a alors abordé le projet de budget de la gendarmerie pour 1999, en soulignant d'abord que la dotation destinée au fonctionnement des formations serait réduite de 99 millions de francs ce qui aurait pour effet de transférer, en cas de nécessité, certaines charges liées à l'activité quotidienne des brigades, de l'Etat vers les collectivités territoriales. Il a souligné par ailleurs la modestie de l'enveloppe allouée aux infrastructures ; les crédits affectés aux loyers, au sein du titre III, ne permettent pas en particulier de prendre en compte les conséquences liées aux éventuels redéploiements et au recrutement des volontaires ; par ailleurs, au titre VI, la subvention destinée aux collectivités locales pour la construction des infrastructures ne répond qu'à la moitié des besoins. Le rapporteur pour avis a ainsi estimé qu'une logique purement budgétaire avait supplanté, s'agissant de la gendarmerie, l'objectif stratégique fixé par la loi de programmation.

M. Paul Masson, rapporteur pour avis, s'est ensuite interrogé sur les conditions de l'augmentation des effectifs de la gendarmerie. Il a d'abord relevé que le recrutement des volontaires se présentait dans un contexte incertain : d'une part, en effet, le volontariat supporte un certain nombre de contraintes qui lui sont propres (affectation géographique à prédominance rurale, garantie du seul hébergement et non du logement), d'autre part, le volontariat se trouve en concurrence avec d'autres formules mises en oeuvre dans le cadre des emplois jeunes, qu'il s'agisse des adjoints de sécurité recrutés par la police nationale, ou des agents locaux de médiation sociale employés par les collectivités locales. Dans la mesure où la rémunération assurée aux emplois jeunes apparaît plus attractive que celle qui est prévue pour les futurs gendarmes adjoints, le rapporteur a jugé indispensable, pour favoriser le recrutement des volontaires, qu'un complément de salaire puisse être apporté sous la forme d'une indemnité de sujétion de police. Il a indiqué qu'un décret allant dans ce sens avait été soumis à la signature du Premier ministre mais que le taux retenu, soit 13,7 % de la solde de base, ne rendrait véritablement attractive la rémunération proposée qu'au grade de maréchal des logis et aspirant.

M. Paul Masson, rapporteur pour avis, s'est par ailleurs demandé si les 800 volontaires recrutés dès cette année s'ajouteraient aux 3.000 volontaires prévus pour 1999, ou anticipaient sur les recrutements à venir l'an prochain ; il a souhaité que l'ambiguïté sur ce point puisse être levée lors du débat en séance publique sur le projet de budget de la défense.

Le rapporteur pour avis a enfin abordé la question de la réorganisation de la gendarmerie. S'il a reconnu la légitimité du principe des redéploiements, il a exprimé de nombreuses réserves sur la méthode choisie. Il a d'abord observé que l'organisation des unités de la gendarmerie devait s'apprécier dans une double perspective : d'une part, la nécessité de renforcer les effectifs dans les zones périurbaines, comme l'avait d'ailleurs rappelé M. Michel Alloncle dans un récent rapport d'information sur le rôle de la gendarmerie dans les banlieues, d'autre part une meilleure répartition des forces de police et de gendarmerie selon les principes posés par la loi d'orientation relative à la sécurité de 1995.

Après avoir rappelé les principales orientations arrêtées par le Conseil de sécurité intérieure du 27 avril dernier, M. Paul Masson, rapporteur pour avis, a observé que la procédure choisie avait donné le sentiment d'une inversion des étapes normales -le choix des brigades concernées par les dissolutions ayant précédé la mise en place de la concertation-. Il a également estimé que les décisions en la matière ne pouvaient reposer sur de simples considérations statistiques en matière de crimes et de délits et qu'il convenait de prendre en compte d'autres éléments, notamment le contexte démographique ainsi que les nécessités liées à la sauvegarde des services publics et à la sécurité du territoire. Il a enfin souligné que la présence d'une brigade par canton devrait rester une référence et qu'aucune adaptation ne serait acceptable si elle revenait à allonger les délais d'intervention au-delà de la demi-heure.

M. Paul Masson, rapporteur pour avis, a alors appelé de ses voeux la mise en place d'une véritable consultation des élus organisée à la base et non pas depuis Paris, tout en observant que le dossier se présentait désormais dans un contexte très délicat, dans la mesure où la procédure choisie par le gouvernement avait cristallisé les oppositions.

Le rapporteur pour avis a conclu qu'une extrême vigilance s'imposerait dans les mois à venir sur la mise en oeuvre des réformes, qu'il s'agisse du recrutement des volontaires ou des redéploiements, et sur les conditions d'exécution d'un budget évalué au plus juste et qui pourrait subir les aléas de la conjoncture. Il a ajouté que les crédits prévus, au titre III en particulier, compromettaient un équilibre fragile compte tenu de l'accroissement des missions. Il a surtout souligné que l'avis favorable qui pourrait être donné aux moyens d'évoluer de la gendarmerie ne saurait en aucun cas être interprété comme un accord sur la procédure choisie pour les redéploiements. Il a souhaité enfin qu'un débat sur le thème de la réorganisation des structures de la gendarmerie puisse être organisé au Sénat.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Xavier de Villepin, président, a approuvé les conclusions de M. Paul Masson et il a souhaité que la commission puisse auditionner, au début de l'année prochaine, M. Guy Fougier qui doit remettre ses conclusions sur l'organisation des redéploiements en décembre 1998. Il s'est par ailleurs étonné des contradictions, au sein de la majorité nationale, sur ce thème, tout en soulignant que l'adaptation des moyens de la gendarmerie aux réalités de la délinquance demeurait un objectif nécessaire.

M. Emmanuel Hamel a alors évoqué avec M. Xavier de Villepin, président, la possibilité, pour les rapporteurs pour avis de la commission sur le budget de la défense, de faire part, au Président de la République et au Premier ministre, de leurs vives préoccupations sur l'évolution des crédits militaires.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin rappelé que la commission ne voterait sur l'ensemble des crédits de la défense pour 1999 qu'après avoir entendu tous ses rapporteurs pour avis.

Jeudi 5 novembre 1998

- Co-Présidence de MM. Xavier de Villepin, président, et Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Construction européenne - Sommet de Pörtschach : audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

La commission a entendu, en commun avec la délégation pour l'Union européenne, M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

Après avoir félicité M. Michel Barnier pour sa récente élection à la présidence de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Pierre Moscovici a présenté un bilan de la réunion informelle des chefs d'Etat et de gouvernement de Pörtschach. Il a noté que cette réunion avait été marquée, du côté allemand, par un engagement européen désormais plus déterminé encore, selon le ministre délégué, à rapprocher l'Europe des préoccupations de ses citoyens. M. Pierre Moscovici a commenté la reprise de relations étroites et régulières entre le gouvernement français et le nouveau gouvernement allemand, citant à cet égard la mise en place d'un groupe de travail dans la perspective du prochain sommet franco-allemand de Postdam.

Le ministre délégué aux affaires européennes a alors estimé qu'à Pörtschach s'était manifestée l'aspiration des Quinze à une réorientation profonde de la construction européenne, qu'il s'agisse de ses aspects économiques et sociaux, des politiques communes, de la sécurité ou des institutions de l'Union.

Ainsi, a poursuivi le ministre délégué, la volonté de coordonner les positions des membres du Conseil de l'euro s'est-elle exprimée lors de la réunion informelle de Pörtschach, au cours de laquelle s'est manifesté un sentiment général de confiance inspiré des effets bénéfiques de l'euro, "bouclier protecteur des turbulences monétaires internationales". A cet égard, le ministre délégué a jugé souhaitable de parvenir à un équilibre satisfaisant entre "l'euro-onze" et la Banque centrale européenne dans le cadre d'une expression commune des Etats de la zone euro dans les enceintes internationales (G7/G8-FMI).

M. Pierre Moscovici a ensuite évoqué l'approfondissement de la réflexion en cours sur la coordination des politiques économiques. Il a estimé que la relance des grands travaux d'Essen devrait être inscrite à l'agenda européen afin de consolider la croissance européenne. Il s'est également prononcé en faveur du renforcement de la procédure définie à Luxembourg susceptible d'amorcer une certaine convergence sur les questions d'emploi. Le ministre délégué a, par ailleurs, relevé la volonté du nouveau gouvernement allemand de faire progresser l'harmonisation fiscale au sein de l'Union, au cours de la présidence allemande du premier semestre 1999.

La négociation de l'Agenda 2000 s'inspire aussi, a poursuivi M. Pierre Moscovici, du souci d'aboutir à une Europe plus solidaire, et serait l'une des principales priorités de la future présidence allemande. Selon le ministre délégué, la négociation de ce dossier ne manquera pas de susciter quelques difficultés pour la France, qui bénéficie pleinement de la politique agricole, principale politique commune de l'Europe. M. Pierre Moscovici a précisé, sur ce point, que la France entendait défendre ses intérêts nationaux, qui visent à préserver la politique agricole commune en évitant tout désengagement financier de l'Union, les positions du gouvernement français et du Chef de l'Etat étant, à cet égard, parfaitement cohérentes. Mais la France défendra également, a relevé le ministre délégué, l'intérêt communautaire, qui conduit à éviter des dépenses incompatibles avec la discipline budgétaire de l'Union économique et monétaire. M. Pierre Moscovici a estimé que les Quinze devraient reconduire l'effort consenti dans le cadre "du paquet Delors II", le niveau de développement de l'Union européenne ne justifiant pas, a-t-il souligné, un accroissement de la dimension redistributrice des finances communautaires.

Le ministre délégué a alors abordé la réflexion en cours, dans le domaine de la sécurité intérieure, sur la définition d'une politique commune en matière de visas, d'asile et d'immigration, sujets inscrits à l'ordre du jour du Conseil informel des ministres de l'intérieur et de la justice de Vienne, le 29 octobre dernier. M. Pierre Moscovici a estimé que les différences sensibles subsistant sur ces questions entre les Etats membres conduiraient à des avancées très progressives dans ce domaine. Le sommet spécial prévu au cours de la prochaine présidence finlandaise (du second semestre 1999) atteste la priorité très forte attachée par les Quinze à ces problèmes.

Quant à la politique étrangère et de sécurité commune, une réflexion avait été engagée, a noté M. Pierre Moscovici, lors du conseil informel de Pörtschach sur la définition d'une véritable politique européenne de défense. Le ministre délégué a observé la "montée en puissance d'un débat" dont les prochaines étapes seraient la réunion ministérielle des pays membres de l'UEO des 16-17 novembre 1998, ainsi que le sommet de l'Alliance atlantique de Washington, en avril 1999.

S'agissant enfin des aspects institutionnels de la construction européenne qui constituent l'une des priorités de la présidence autrichienne, M. Pierre Moscovici a commenté les avancées accomplies à Pörtschach en vue d'améliorer le fonctionnement pratique des institutions, en ce qui concerne notamment la question de la subsidiarité. Le ministre délégué a souligné la cohérence des positions allemande et française sur la nécessité de réformer les institutions avant les prochains élargissements.

M. Pierre Moscovici a alors évoqué la perspective de la ratification par la France du traité d'Amsterdam, dont la procédure était désormais lancée. Il a rappelé le calendrier retenu afin que le processus de ratification soit achevé au début de l'année 1999, faisant observer que la France serait l'un des derniers Etats à ratifier le traité d'Amsterdam. Le ministre délégué a relevé que le projet de loi de révision constitutionnelle avait tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, et limitait de ce fait son objet à une modification de l'article 88-2 de la Constitution, afin d'autoriser par avance les transferts de compétences nécessaires en vue de passer à la majorité qualifiée dans le domaine de l'immigration, des visas et de l'asile.

M. Pierre Moscovici a également commenté les propositions formulées au sein de la délégation pour l'Union européenne du Sénat afin d'étendre le contrôle parlementaire prévu par l'article 88-4 de la Constitution aux 2e et 3e piliers.

Le ministre délégué a, par ailleurs, exprimé des réserves sur l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité des projets d'actes de droit communautaire, ainsi que sur la mise en oeuvre d'un contrôle parlementaire sur la négociation des traités.

Tout en relevant les lacunes du traité d'Amsterdam dans le domaine institutionnel, le ministre délégué a plaidé pour la ratification de celui-ci. Il a jugé souhaitable de ne pas bloquer les prochains élargissements au nom de la réforme institutionnelle, tout en reconnaissant qu'il convenait aujourd'hui d'être "exigeants" sur le plan institutionnel.

A la suite de l'exposé du ministre, M. Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, a d'abord souligné que la délégation, outre le rôle de veille parlementaire qu'elle continuera d'exercer sur les questions européennes, assurera un suivi particulier de chacun des Etats candidats à l'adhésion à l'Union européenne. Il a ajouté que la délégation demeurerait un lieu de débats et souhaitait renforcer son rôle d'explication et de sensibilisation pour les questions européennes, notamment vis-à-vis de l'opinion publique.

Revenant sur le sommet de Pörtschach, M. Michel Barnier s'est réjoui du retour à l'esprit originel qui avait présidé à l'institution du Conseil européen. Il a souligné, en particulier, que cette instance devait constituer le principal lieu d'impulsion pour déterminer les orientations de l'Union. Il a ajouté que la convergence politique conjoncturelle de la plupart des gouvernements représentés à Pörtschach ne signifie évidemment pas que la construction européenne puisse être l'affaire d'une seule sensibilité politique.

Le président de la délégation a souhaité ensuite obtenir des précisions sur l'évolution possible du Conseil "affaires générales" de l'Union européenne, dont le fonctionnement ne paraît pas satisfaisant. Il a par ailleurs demandé au ministre délégué chargé des affaires européennes son appréciation sur la proposition faite par M. Mario Monti, membre de la Commission européenne, d'ouvrir la possibilité d'un financement par endettement, dans le respect des critères fixés à Maastricht, d'une véritable politique d'investissements pour l'Union européenne.

Il s'est également interrogé sur les conditions dans lesquelles un certain nombre d'Etats candidats à l'élargissement, qui n'ont pas été retenus dans le premier groupe de pays avec lesquels allaient s'engager les négociations relatives aux adhésions, pourraient finalement participer à ce processus. M. Michel Barnier a par ailleurs demandé quelle était la position du gouvernement français sur la prochaine désignation du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune. Il a souhaité également connaître l'apport du pacte européen pour l'emploi par rapport aux autres dispositions déjà adoptées dans ce domaine, notamment dans le cadre du Conseil européen d'Amsterdam.

Evoquant enfin la ratification du traité d'Amsterdam, M. Michel Barnier a souhaité que la révision constitutionnelle puisse être l'occasion de réduire le fossé qui s'est creusé entre l'opinion publique et la construction européenne. Il a observé que l'adoption de résolutions, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, n'a en rien modifié l'équilibre de nos institutions. Il a estimé qu'il convenait de prévoir, dès maintenant, les conditions dans lesquelles la France serait amenée, d'ici cinq ans, à accepter le passage à la majorité qualifiée pour certaines questions liées à la libre circulation des personnes. Enfin, il a souligné que la nécessité d'une réforme institutionnelle préalable à l'élargissement devait être rappelée par le Parlement, soit dans le cadre d'une résolution, soit dans celui d'un article additionnel.

M. Daniel Hoeffel a souhaité savoir si le montant consacré aux fonds structurels pourrait être reconduit au même niveau, alors même que le processus d'élargissement ferait apparaître de nouveaux besoins. Il s'est demandé notamment si une aide pouvait être versée au titre des fonds structurels à certains pays candidats à l'adhésion européenne. Il a enfin interrogé le ministre délégué sur les moyens de relancer une politique de grands travaux dans un contexte de maîtrise des dépenses communautaires.

M. Christian de La Malène s'est étonné de l'optimisme manifesté par M. Pierre Moscovici en indiquant, s'agissant de la crise financière, que les économies européennes, indépendamment de l'euro, présentaient, de toute façon, moins de vulnérabilité que les économies des pays asiatiques. Il s'est également inquiété des conditions dans lesquelles s'engageait la négociation de l'"Agenda 2000", en soulignant que la France ne devait pas annoncer prématurément un éventuel accord pour augmenter sa contribution. Enfin, il s'est interrogé sur la manière dont la France pourrait faire prévaloir l'idée d'un préalable institutionnel.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité savoir quelles seraient les conséquences, pour la législation française, d'un rapprochement des politiques fiscales européennes.

M. Pierre Mauroy a d'abord estimé que le sommet de Pörtschach justifiait en effet un certain optimisme. Il a souligné que dans la période récente, malgré d'incontestables efforts, la construction européenne avait souffert d'une absence d'impulsion. Il a relevé à cet égard la dimension trop exclusivement économique des initiatives adoptées. Il s'est donc félicité que le dernier Conseil européen informel ait marqué une réappropriation de la construction européenne par les responsables politiques. Il a toutefois regretté que les questions institutionnelles n'aient pas été au centre des débats, alors même que la France ne devait pas endosser vis-à-vis des pays candidats la responsabilité de retards dans le processus d'élargissement.

M. Alain Peyrefitte a souhaité connaître la position du Gouvernement vis-à-vis des propositions de la Commission en matière de financement de la politique agricole commune.

Mme Danielle Bidard-Reydet a interrogé le ministre délégué sur les mesures concrètes destinées à appliquer le pacte pour la croissance et l'emploi.

M. Jean-Pierre Fourcade a attiré l'attention sur les asymétries des systèmes sociaux européens, notamment dans le choix des politiques de prélèvements. Il a insisté en conséquence sur la nécessité de mieux coordonner également les politiques sociales. Par ailleurs, il a relevé que le rôle protecteur de l'euro dépendait beaucoup du rapport entre cette monnaie et le dollar. Il s'est interrogé, à cet égard, sur la possibilité de mettre en place un système de fluctuation coordonnée des devises. Revenant sur le programme des grands travaux communautaires, M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur leurs effets quantitatifs en matière de réduction du chômage européen. Il a souhaité que puissent être considérés d'autres mécanismes plus efficaces, relatifs notamment aux conditions de taxation des bas salaires.

M. Hubert Haenel a interrogé le ministre délégué sur les progrès concrets réalisés dans le domaine de la coopération judiciaire, ainsi que sur un éventuel projet, envisagé dans le cadre communautaire, de démilitarisation du statut de certaines forces de sécurité. Enfin, il s'est demandé si le projet de TGV-Est pourrait bénéficier d'une contribution au titre des grands travaux.

M. Emmanuel Hamel s'est interrogé sur les moyens dont dispose le gouvernement français pour mieux faire valoir auprès de la Commission les fortes réserves qu'inspirent certains dysfonctionnements communautaires. Par ailleurs, compte tenu de l'importance des enjeux soulevés, il a estimé nécessaire que le traité d'Amsterdam soit soumis par référendum au peuple français.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité connaître le sentiment du ministre délégué sur les conditions de mise en oeuvre de l'euro dans le contexte de la crise asiatique ainsi que sur le rôle de la Banque centrale européenne. Il s'est interrogé par ailleurs sur la signification et les perspectives ouvertes par l'évolution récente des positions britanniques en matière de sécurité européenne. Enfin, il a souligné l'importance d'entreprendre une véritable réforme des institutions européennes ; il a rappelé, à cet égard, l'initiative qui avait été prise conjointement par la France, l'Italie et la Belgique et a insisté sur l'opportunité d'un article additionnel au projet de loi de ratification du traité d'Amsterdam, qui pourrait être élaboré par le Gouvernement en concertation avec le Parlement et qui permettrait de souligner solennellement la nécessité d'une réforme institutionnelle.

En réponse aux sénateurs, M. Pierre Moscovici a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant du contexte politique, il convenait simplement de prendre acte de la convergence des orientations de la plupart des gouvernements des différents Etats de l'Union ;

- s'agissant des réformes institutionnelles pouvant être faites le plus rapidement, la présidence autrichienne a fait la proposition suivante : le Conseil "affaires générales" pourrait être subdivisé en deux instances, la première consacrée aux questions de politique étrangère et de sécurité commune, la seconde aux affaires communautaires proprement dites ; aucune décision définitive n'a été encore arrêtée en la matière, et la réflexion se poursuit, le ministre estimant qu'elle devrait déboucher sur une évolution pragmatique ;

- la nécessité de relancer les grands travaux pouvait conduire à réfléchir sur de nouveaux modes de financement, dans le cadre des disciplines fixées à Maastricht ;

- les négociations d'élargissement, avec le premier groupe des six pays retenus pour l'élargissement de l'Union, débuteront le 10 novembre prochain ; les négociations avec d'autres pays candidats pourraient s'ouvrir à la fin de l'année 1999 et, dans ce cadre, la France n'acceptera pas que soient exclus des pays qui lui sont traditionnellement proches ;

- la désignation du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune ne pourra intervenir qu'après la ratification du traité d'Amsterdam et le titulaire devra avoir un profil politique, conception partagée par le Président de la République et le Premier ministre ;

- la priorité accordée à l'emploi pourrait se traduire par une meilleure prise en compte des références quantitatives fixées lors du Conseil européen de Luxembourg tout en assurant un contrôle effectif des performances des Etats dans ce domaine ; cette question constitue l'un des thèmes de discussion du groupe de travail franco-allemand et le prochain sommet de Vienne pourrait enregistrer les premiers résultats dans ce domaine ;

- la révision constitutionnelle ne devrait pas fournir l'occasion d'une modification des rôles respectifs de la loi et du règlement et les compétences particulières de l'exécutif dans le domaine de la négociation des traités devraient être préservées ;

- la nécessité d'une réforme institutionnelle doit être rappelée, même s'il faut éviter vis-à-vis de nos partenaires européens candidats à l'adhésion d'utiliser l'expression de "préalable institutionnel à l'élargissement" ; un effort d'explication apparaît nécessaire à cet égard afin de souligner l'intérêt pour les pays candidats eux-mêmes de rejoindre une Union dont le fonctionnement aura été amélioré ; un article additionnel au projet de loi de ratification du traité d'Amsterdam constitue sans doute le cadre le plus adapté pour rappeler le principe d'une telle réforme institutionnelle ;

- s'agissant des fonds structurels, la programmation sur la période 2000-2006 s'inscrit dans le cadre d'une Union formée par quinze Etats-membres ; dans ce cadre, les dépenses nécessaires à la préparation de l'élargissement revêtent un aspect résiduel ;

- le rôle de "bouclier" joué par l'euro apparaît manifeste si l'on tient compte des graves conséquences de la crise asiatique sur une économie aussi puissante que celle du Japon ;

- aucune position n'a été arrêtée sur la contribution française au budget communautaire, même si la nécessité d'une évolution ne peut être exclue ;

- s'agissant du financement de la politique agricole commune, le rapport de la Commission a présenté plusieurs formules ; la France pour sa part a marqué son opposition, d'une part à un éventuel écrêtement des soldes et d'autre part au principe même d'un cofinancement de la politique agricole commune ;

- les discussions sur l'Agenda 2000 s'avéreront sans doute difficiles ; les décisions en la matière seront prises à l'unanimité et aucun recours au compromis dit de Luxembourg n'est envisagé à ce stade ;

- dans le domaine fiscal, l'harmonisation, dans le cadre d'une procédure de décision à l'unanimité, devrait porter principalement sur la fiscalité des entreprises et celle de l'épargne ; un code de bonne conduite doit être adopté, notamment afin d'éliminer l'existence de paradis fiscaux en Europe ; la France a déjà pris sa part dans l'effort commun de convergence ; la nécessité d'un rapprochement dans le domaine des prélèvements sociaux s'avère plus délicate ;

- la question de la parité euro-dollar relève, pour beaucoup d'Etats européens, de la compétence exclusive de la Banque centrale européenne ;

- la coopération judiciaire peut se traduire par des rapprochements en matière de droit pénal, de droit civil et aussi de droit des entreprises ;

- la question du statut des forces de sécurité relève de la seule compétence des Etats-membres et il n'y a sur ce sujet aucune discussion en cours au sein des institutions européennes ;

- l'évolution des positions britanniques sur les questions de défense européenne ne pourra s'apprécier que sur le moyen terme mais elle marque, pour l'heure, une attitude plus ouverte, dont le ministre délégué s'est félicité, dans la perspective de la construction d'une identité européenne de sécurité et de défense.

Jeudi 5 novembre 1998

- Co-Présidence de MM. Xavier de Villepin, président, et Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Construction européenne - Sommet de Pörtschach : audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

La commission a entendu, en commun avec la délégation pour l'Union européenne, M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

Après avoir félicité M. Michel Barnier pour sa récente élection à la présidence de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Pierre Moscovici a présenté un bilan de la réunion informelle des chefs d'Etat et de gouvernement de Pörtschach. Il a noté que cette réunion avait été marquée, du côté allemand, par un engagement européen désormais plus déterminé encore, selon le ministre délégué, à rapprocher l'Europe des préoccupations de ses citoyens. M. Pierre Moscovici a commenté la reprise de relations étroites et régulières entre le gouvernement français et le nouveau gouvernement allemand, citant à cet égard la mise en place d'un groupe de travail dans la perspective du prochain sommet franco-allemand de Postdam.

Le ministre délégué aux affaires européennes a alors estimé qu'à Pörtschach s'était manifestée l'aspiration des Quinze à une réorientation profonde de la construction européenne, qu'il s'agisse de ses aspects économiques et sociaux, des politiques communes, de la sécurité ou des institutions de l'Union.

Ainsi, a poursuivi le ministre délégué, la volonté de coordonner les positions des membres du Conseil de l'euro s'est-elle exprimée lors de la réunion informelle de Pörtschach, au cours de laquelle s'est manifesté un sentiment général de confiance inspiré des effets bénéfiques de l'euro, "bouclier protecteur des turbulences monétaires internationales". A cet égard, le ministre délégué a jugé souhaitable de parvenir à un équilibre satisfaisant entre "l'euro-onze" et la Banque centrale européenne dans le cadre d'une expression commune des Etats de la zone euro dans les enceintes internationales (G7/G8-FMI).

M. Pierre Moscovici a ensuite évoqué l'approfondissement de la réflexion en cours sur la coordination des politiques économiques. Il a estimé que la relance des grands travaux d'Essen devrait être inscrite à l'agenda européen afin de consolider la croissance européenne. Il s'est également prononcé en faveur du renforcement de la procédure définie à Luxembourg susceptible d'amorcer une certaine convergence sur les questions d'emploi. Le ministre délégué a, par ailleurs, relevé la volonté du nouveau gouvernement allemand de faire progresser l'harmonisation fiscale au sein de l'Union, au cours de la présidence allemande du premier semestre 1999.

La négociation de l'Agenda 2000 s'inspire aussi, a poursuivi M. Pierre Moscovici, du souci d'aboutir à une Europe plus solidaire, et serait l'une des principales priorités de la future présidence allemande. Selon le ministre délégué, la négociation de ce dossier ne manquera pas de susciter quelques difficultés pour la France, qui bénéficie pleinement de la politique agricole, principale politique commune de l'Europe. M. Pierre Moscovici a précisé, sur ce point, que la France entendait défendre ses intérêts nationaux, qui visent à préserver la politique agricole commune en évitant tout désengagement financier de l'Union, les positions du gouvernement français et du Chef de l'Etat étant, à cet égard, parfaitement cohérentes. Mais la France défendra également, a relevé le ministre délégué, l'intérêt communautaire, qui conduit à éviter des dépenses incompatibles avec la discipline budgétaire de l'Union économique et monétaire. M. Pierre Moscovici a estimé que les Quinze devraient reconduire l'effort consenti dans le cadre "du paquet Delors II", le niveau de développement de l'Union européenne ne justifiant pas, a-t-il souligné, un accroissement de la dimension redistributrice des finances communautaires.

Le ministre délégué a alors abordé la réflexion en cours, dans le domaine de la sécurité intérieure, sur la définition d'une politique commune en matière de visas, d'asile et d'immigration, sujets inscrits à l'ordre du jour du Conseil informel des ministres de l'intérieur et de la justice de Vienne, le 29 octobre dernier. M. Pierre Moscovici a estimé que les différences sensibles subsistant sur ces questions entre les Etats membres conduiraient à des avancées très progressives dans ce domaine. Le sommet spécial prévu au cours de la prochaine présidence finlandaise (du second semestre 1999) atteste la priorité très forte attachée par les Quinze à ces problèmes.

Quant à la politique étrangère et de sécurité commune, une réflexion avait été engagée, a noté M. Pierre Moscovici, lors du conseil informel de Pörtschach sur la définition d'une véritable politique européenne de défense. Le ministre délégué a observé la "montée en puissance d'un débat" dont les prochaines étapes seraient la réunion ministérielle des pays membres de l'UEO des 16-17 novembre 1998, ainsi que le sommet de l'Alliance atlantique de Washington, en avril 1999.

S'agissant enfin des aspects institutionnels de la construction européenne qui constituent l'une des priorités de la présidence autrichienne, M. Pierre Moscovici a commenté les avancées accomplies à Pörtschach en vue d'améliorer le fonctionnement pratique des institutions, en ce qui concerne notamment la question de la subsidiarité. Le ministre délégué a souligné la cohérence des positions allemande et française sur la nécessité de réformer les institutions avant les prochains élargissements.

M. Pierre Moscovici a alors évoqué la perspective de la ratification par la France du traité d'Amsterdam, dont la procédure était désormais lancée. Il a rappelé le calendrier retenu afin que le processus de ratification soit achevé au début de l'année 1999, faisant observer que la France serait l'un des derniers Etats à ratifier le traité d'Amsterdam. Le ministre délégué a relevé que le projet de loi de révision constitutionnelle avait tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, et limitait de ce fait son objet à une modification de l'article 88-2 de la Constitution, afin d'autoriser par avance les transferts de compétences nécessaires en vue de passer à la majorité qualifiée dans le domaine de l'immigration, des visas et de l'asile.

M. Pierre Moscovici a également commenté les propositions formulées au sein de la délégation pour l'Union européenne du Sénat afin d'étendre le contrôle parlementaire prévu par l'article 88-4 de la Constitution aux 2e et 3e piliers.

Le ministre délégué a, par ailleurs, exprimé des réserves sur l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité des projets d'actes de droit communautaire, ainsi que sur la mise en oeuvre d'un contrôle parlementaire sur la négociation des traités.

Tout en relevant les lacunes du traité d'Amsterdam dans le domaine institutionnel, le ministre délégué a plaidé pour la ratification de celui-ci. Il a jugé souhaitable de ne pas bloquer les prochains élargissements au nom de la réforme institutionnelle, tout en reconnaissant qu'il convenait aujourd'hui d'être "exigeants" sur le plan institutionnel.

A la suite de l'exposé du ministre, M. Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, a d'abord souligné que la délégation, outre le rôle de veille parlementaire qu'elle continuera d'exercer sur les questions européennes, assurera un suivi particulier de chacun des Etats candidats à l'adhésion à l'Union européenne. Il a ajouté que la délégation demeurerait un lieu de débats et souhaitait renforcer son rôle d'explication et de sensibilisation pour les questions européennes, notamment vis-à-vis de l'opinion publique.

Revenant sur le sommet de Pörtschach, M. Michel Barnier s'est réjoui du retour à l'esprit originel qui avait présidé à l'institution du Conseil européen. Il a souligné, en particulier, que cette instance devait constituer le principal lieu d'impulsion pour déterminer les orientations de l'Union. Il a ajouté que la convergence politique conjoncturelle de la plupart des gouvernements représentés à Pörtschach ne signifie évidemment pas que la construction européenne puisse être l'affaire d'une seule sensibilité politique.

Le président de la délégation a souhaité ensuite obtenir des précisions sur l'évolution possible du Conseil "affaires générales" de l'Union européenne, dont le fonctionnement ne paraît pas satisfaisant. Il a par ailleurs demandé au ministre délégué chargé des affaires européennes son appréciation sur la proposition faite par M. Mario Monti, membre de la Commission européenne, d'ouvrir la possibilité d'un financement par endettement, dans le respect des critères fixés à Maastricht, d'une véritable politique d'investissements pour l'Union européenne.

Il s'est également interrogé sur les conditions dans lesquelles un certain nombre d'Etats candidats à l'élargissement, qui n'ont pas été retenus dans le premier groupe de pays avec lesquels allaient s'engager les négociations relatives aux adhésions, pourraient finalement participer à ce processus. M. Michel Barnier a par ailleurs demandé quelle était la position du gouvernement français sur la prochaine désignation du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune. Il a souhaité également connaître l'apport du pacte européen pour l'emploi par rapport aux autres dispositions déjà adoptées dans ce domaine, notamment dans le cadre du Conseil européen d'Amsterdam.

Evoquant enfin la ratification du traité d'Amsterdam, M. Michel Barnier a souhaité que la révision constitutionnelle puisse être l'occasion de réduire le fossé qui s'est creusé entre l'opinion publique et la construction européenne. Il a observé que l'adoption de résolutions, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, n'a en rien modifié l'équilibre de nos institutions. Il a estimé qu'il convenait de prévoir, dès maintenant, les conditions dans lesquelles la France serait amenée, d'ici cinq ans, à accepter le passage à la majorité qualifiée pour certaines questions liées à la libre circulation des personnes. Enfin, il a souligné que la nécessité d'une réforme institutionnelle préalable à l'élargissement devait être rappelée par le Parlement, soit dans le cadre d'une résolution, soit dans celui d'un article additionnel.

M. Daniel Hoeffel a souhaité savoir si le montant consacré aux fonds structurels pourrait être reconduit au même niveau, alors même que le processus d'élargissement ferait apparaître de nouveaux besoins. Il s'est demandé notamment si une aide pouvait être versée au titre des fonds structurels à certains pays candidats à l'adhésion européenne. Il a enfin interrogé le ministre délégué sur les moyens de relancer une politique de grands travaux dans un contexte de maîtrise des dépenses communautaires.

M. Christian de La Malène s'est étonné de l'optimisme manifesté par M. Pierre Moscovici en indiquant, s'agissant de la crise financière, que les économies européennes, indépendamment de l'euro, présentaient, de toute façon, moins de vulnérabilité que les économies des pays asiatiques. Il s'est également inquiété des conditions dans lesquelles s'engageait la négociation de l'"Agenda 2000", en soulignant que la France ne devait pas annoncer prématurément un éventuel accord pour augmenter sa contribution. Enfin, il s'est interrogé sur la manière dont la France pourrait faire prévaloir l'idée d'un préalable institutionnel.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité savoir quelles seraient les conséquences, pour la législation française, d'un rapprochement des politiques fiscales européennes.

M. Pierre Mauroy a d'abord estimé que le sommet de Pörtschach justifiait en effet un certain optimisme. Il a souligné que dans la période récente, malgré d'incontestables efforts, la construction européenne avait souffert d'une absence d'impulsion. Il a relevé à cet égard la dimension trop exclusivement économique des initiatives adoptées. Il s'est donc félicité que le dernier Conseil européen informel ait marqué une réappropriation de la construction européenne par les responsables politiques. Il a toutefois regretté que les questions institutionnelles n'aient pas été au centre des débats, alors même que la France ne devait pas endosser vis-à-vis des pays candidats la responsabilité de retards dans le processus d'élargissement.

M. Alain Peyrefitte a souhaité connaître la position du Gouvernement vis-à-vis des propositions de la Commission en matière de financement de la politique agricole commune.

Mme Danielle Bidard-Reydet a interrogé le ministre délégué sur les mesures concrètes destinées à appliquer le pacte pour la croissance et l'emploi.

M. Jean-Pierre Fourcade a attiré l'attention sur les asymétries des systèmes sociaux européens, notamment dans le choix des politiques de prélèvements. Il a insisté en conséquence sur la nécessité de mieux coordonner également les politiques sociales. Par ailleurs, il a relevé que le rôle protecteur de l'euro dépendait beaucoup du rapport entre cette monnaie et le dollar. Il s'est interrogé, à cet égard, sur la possibilité de mettre en place un système de fluctuation coordonnée des devises. Revenant sur le programme des grands travaux communautaires, M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur leurs effets quantitatifs en matière de réduction du chômage européen. Il a souhaité que puissent être considérés d'autres mécanismes plus efficaces, relatifs notamment aux conditions de taxation des bas salaires.

M. Hubert Haenel a interrogé le ministre délégué sur les progrès concrets réalisés dans le domaine de la coopération judiciaire, ainsi que sur un éventuel projet, envisagé dans le cadre communautaire, de démilitarisation du statut de certaines forces de sécurité. Enfin, il s'est demandé si le projet de TGV-Est pourrait bénéficier d'une contribution au titre des grands travaux.

M. Emmanuel Hamel s'est interrogé sur les moyens dont dispose le gouvernement français pour mieux faire valoir auprès de la Commission les fortes réserves qu'inspirent certains dysfonctionnements communautaires. Par ailleurs, compte tenu de l'importance des enjeux soulevés, il a estimé nécessaire que le traité d'Amsterdam soit soumis par référendum au peuple français.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité connaître le sentiment du ministre délégué sur les conditions de mise en oeuvre de l'euro dans le contexte de la crise asiatique ainsi que sur le rôle de la Banque centrale européenne. Il s'est interrogé par ailleurs sur la signification et les perspectives ouvertes par l'évolution récente des positions britanniques en matière de sécurité européenne. Enfin, il a souligné l'importance d'entreprendre une véritable réforme des institutions européennes ; il a rappelé, à cet égard, l'initiative qui avait été prise conjointement par la France, l'Italie et la Belgique et a insisté sur l'opportunité d'un article additionnel au projet de loi de ratification du traité d'Amsterdam, qui pourrait être élaboré par le Gouvernement en concertation avec le Parlement et qui permettrait de souligner solennellement la nécessité d'une réforme institutionnelle.

En réponse aux sénateurs, M. Pierre Moscovici a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant du contexte politique, il convenait simplement de prendre acte de la convergence des orientations de la plupart des gouvernements des différents Etats de l'Union ;

- s'agissant des réformes institutionnelles pouvant être faites le plus rapidement, la présidence autrichienne a fait la proposition suivante : le Conseil "affaires générales" pourrait être subdivisé en deux instances, la première consacrée aux questions de politique étrangère et de sécurité commune, la seconde aux affaires communautaires proprement dites ; aucune décision définitive n'a été encore arrêtée en la matière, et la réflexion se poursuit, le ministre estimant qu'elle devrait déboucher sur une évolution pragmatique ;

- la nécessité de relancer les grands travaux pouvait conduire à réfléchir sur de nouveaux modes de financement, dans le cadre des disciplines fixées à Maastricht ;

- les négociations d'élargissement, avec le premier groupe des six pays retenus pour l'élargissement de l'Union, débuteront le 10 novembre prochain ; les négociations avec d'autres pays candidats pourraient s'ouvrir à la fin de l'année 1999 et, dans ce cadre, la France n'acceptera pas que soient exclus des pays qui lui sont traditionnellement proches ;

- la désignation du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune ne pourra intervenir qu'après la ratification du traité d'Amsterdam et le titulaire devra avoir un profil politique, conception partagée par le Président de la République et le Premier ministre ;

- la priorité accordée à l'emploi pourrait se traduire par une meilleure prise en compte des références quantitatives fixées lors du Conseil européen de Luxembourg tout en assurant un contrôle effectif des performances des Etats dans ce domaine ; cette question constitue l'un des thèmes de discussion du groupe de travail franco-allemand et le prochain sommet de Vienne pourrait enregistrer les premiers résultats dans ce domaine ;

- la révision constitutionnelle ne devrait pas fournir l'occasion d'une modification des rôles respectifs de la loi et du règlement et les compétences particulières de l'exécutif dans le domaine de la négociation des traités devraient être préservées ;

- la nécessité d'une réforme institutionnelle doit être rappelée, même s'il faut éviter vis-à-vis de nos partenaires européens candidats à l'adhésion d'utiliser l'expression de "préalable institutionnel à l'élargissement" ; un effort d'explication apparaît nécessaire à cet égard afin de souligner l'intérêt pour les pays candidats eux-mêmes de rejoindre une Union dont le fonctionnement aura été amélioré ; un article additionnel au projet de loi de ratification du traité d'Amsterdam constitue sans doute le cadre le plus adapté pour rappeler le principe d'une telle réforme institutionnelle ;

- s'agissant des fonds structurels, la programmation sur la période 2000-2006 s'inscrit dans le cadre d'une Union formée par quinze Etats-membres ; dans ce cadre, les dépenses nécessaires à la préparation de l'élargissement revêtent un aspect résiduel ;

- le rôle de "bouclier" joué par l'euro apparaît manifeste si l'on tient compte des graves conséquences de la crise asiatique sur une économie aussi puissante que celle du Japon ;

- aucune position n'a été arrêtée sur la contribution française au budget communautaire, même si la nécessité d'une évolution ne peut être exclue ;

- s'agissant du financement de la politique agricole commune, le rapport de la Commission a présenté plusieurs formules ; la France pour sa part a marqué son opposition, d'une part à un éventuel écrêtement des soldes et d'autre part au principe même d'un cofinancement de la politique agricole commune ;

- les discussions sur l'Agenda 2000 s'avéreront sans doute difficiles ; les décisions en la matière seront prises à l'unanimité et aucun recours au compromis dit de Luxembourg n'est envisagé à ce stade ;

- dans le domaine fiscal, l'harmonisation, dans le cadre d'une procédure de décision à l'unanimité, devrait porter principalement sur la fiscalité des entreprises et celle de l'épargne ; un code de bonne conduite doit être adopté, notamment afin d'éliminer l'existence de paradis fiscaux en Europe ; la France a déjà pris sa part dans l'effort commun de convergence ; la nécessité d'un rapprochement dans le domaine des prélèvements sociaux s'avère plus délicate ;

- la question de la parité euro-dollar relève, pour beaucoup d'Etats européens, de la compétence exclusive de la Banque centrale européenne ;

- la coopération judiciaire peut se traduire par des rapprochements en matière de droit pénal, de droit civil et aussi de droit des entreprises ;

- la question du statut des forces de sécurité relève de la seule compétence des Etats-membres et il n'y a sur ce sujet aucune discussion en cours au sein des institutions européennes ;

- l'évolution des positions britanniques sur les questions de défense européenne ne pourra s'apprécier que sur le moyen terme mais elle marque, pour l'heure, une attitude plus ouverte, dont le ministre délégué s'est félicité, dans la perspective de la construction d'une identité européenne de sécurité et de défense.