Travaux de la commission des affaires économiques
Mercredi 28 septembre 2005
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. Gérard César, vice-président. -
Nomination de rapporteurs
La commission a tout d'abord procédé à la désignation en qualité de rapporteur de M. Marcel Deneux sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission), M. Charles Revet sur le projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports (sous réserve de son dépôt sur le Bureau du Sénat) et de M. Gérard César sur le projet de loi d'orientation agricole (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).
Communication de M. Jean-Pierre Elkabbach, président-directeur général de Public Sénat
Puis la commission a entendu une communication de M. Jean-Pierre Elkabbach, président-directeur général de Public Sénat, qui était accompagné de M. Rémi Tomaszewski, secrétaire général, Mme Mireille Thibault, directrice de l'antenne et des programmes, M. Philippe di Nacera, rédacteur en chef, et M. Jean-Marc Boero, secrétaire général adjoint, chargé du développement et des partenariats.
M. Jean-Pierre Elkabbach a présenté à la commission les orientations de Public Sénat et ses perspectives dans le cadre de sa diffusion sur la télévision numérique terrestre.
Cette communication a été suivie d'un débat avec la commission, à partir des questions posées par MM. Gérard Cornu, Gérard César, Philippe Dominati, Jean-François Le Grand, Dominique Mortemousque et Pierre André.
Agriculture - Loi d'orientation agricole - Audition de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la Pêche, sur le projet de loi d'orientation agricole
La commission a procédé ensuite à l'audition de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le projet de loi d'orientation agricole.
En préambule, M. Dominique Bussereau a tout d'abord indiqué que le Sénat examinerait le texte à partir du 2 novembre, l'Assemblée nationale débutant quant à elle son examen à compter du 5 octobre. Après avoir rappelé que les grandes lois agricoles des années 1960 avaient permis la modernisation de l'agriculture française, M. Dominique Bussereau a souligné que le projet de loi répondait, d'une part, aux nouvelles attentes de la société vis-à-vis de l'agriculture et, d'autre part, à la diversité croissante des formes d'exploitation et au développement de nouvelles fonctions agricoles, comme l'aménagement de l'espace et la préservation des paysages et de l'environnement.
Il a rappelé que l'un des objectifs du projet de loi était d'adapter l'agriculture française, aujourd'hui deuxième productrice mondiale de produits transformés, aux évolutions du contexte international, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'Union européenne, en particulier la réforme de la politique agricole commune (PAC), mise en place en 2003. Il a souhaité insister sur les atouts de notre agriculture et sur les nouvelles opportunités de développement ouvertes par la demande croissante de produits agricoles à l'échelle planétaire et l'émergence de débouchés non alimentaires. Il a souligné que l'ensemble de la production agricole et agroalimentaire occupait jusqu'à 13 à 14 % de la main-d'oeuvre dans certaines régions françaises.
Indiquant que le projet de loi comportait un nombre relativement peu important d'articles, puisqu'il s'agissait d'une loi d'orientation, il a déclaré que ses services travaillaient d'ores et déjà à l'élaboration des ordonnances et des textes réglementaires nécessaires à une application rapide de ce texte, après son adoption.
M. Dominique Bussereau a alors précisé l'architecture et les principales mesures du projet de loi organisé autour de cinq titres, trois d'entre eux - les titres I, II et IV - ayant pour ambition d'améliorer l'efficacité économique des exploitations.
Tout en prenant en compte la diversité croissante des exploitations, le titre I encourage leur inscription dans une démarche d'entreprise, sans remettre en cause le principe de la responsabilité personnelle définie par les lois fondatrices des années 1960. A cette fin, il a créé le fonds agricole, qui permettra de distinguer la valeur patrimoniale de la valeur économique de l'exploitation, et le bail cessible qui permettra la transmission globale de l'exploitation hors du cadre familial, en prévenant les risques de son démembrement. Cette promotion de la forme sociétaire des exploitations va de pair avec l'élaboration de conditions fiscales favorables. Il est ainsi prévu :
- que l'association d'un membre ne faisant par partie du cercle familial à une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) n'entraînera plus le basculement des associés sous le régime de l'impôt des sociétés, ceux-ci conservant un statut fiscal de type personnel ;
- que soit supprimée, dans le cadre de la discussion de ce projet de loi, la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants ;
- et enfin que soit créé, à l'article 6 du projet de loi, un mécanisme fiscal d'incitation à la transmission progressive des exploitations.
Par ailleurs, l'article 5 assouplit le contrôle des structures et devrait aboutir à dispenser un quart des dossiers du passage en commission départementale d'orientation agricole (CDOA). Enfin, l'article 9 améliore les conditions de vie des exploitants en introduisant un crédit d'impôt pour remplacement.
Le titre II tend à sécuriser les revenus agricoles. Il promeut le développement de nouvelles activités agricoles et forestières, dans la perspective du développement du recours à la biomasse et au bois-énergie pour lutter contre l'effet de serre. Il renforce en outre l'organisation des filières :
- en élargissant les missions des interprofessions, qui pourront désormais intervenir dans la promotion de nouveaux débouchés ou la gestion des crises ;
- en promouvant la contractualisation ;
- et en dotant la coopération agricole de moyens modernisés. Sur ce dernier point, M. Dominique Bussereau a rappelé que le rapport remis par M. François Guillaume, député, avait suscité un large débat.
Dans cette même perspective de garantie du revenu, ce titre prévoit des outils de gestion des risques climatiques ou conjoncturels. A cette fin, il encourage le développement de l'assurance-récolte et relève les plafonds de la déduction pour investissements (DPI) et de la dotation pour aléas (DPA). M. Dominique Bussereau a rappelé, enfin, que ces mesures s'accompagneraient, dans le PLF pour 2006, d'une diminution de 20 % de la taxe sur le foncier non bâti (TNFB) pour un montant de 140 millions d'euros, l'Etat compensant aux communes cette diminution de leurs ressources. Le Gouvernement s'est assuré que cette diminution bénéficierait aux seuls exploitants agricoles.
Afin de répondre aux attentes environnementales et sanitaires, le titre III complète le dispositif de sécurité sanitaire des aliments en confiant l'évaluation du risque lié aux fertilisants et produits sanitaires à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), ce qui permet d'éviter la création d'une agence supplémentaire. Il tend également à améliorer la lisibilité des signes de qualité pour le consommateur et à créer un institut de la qualité. Par ailleurs, le texte encourage le maintien de l'agriculture biologique, au moyen d'un crédit d'impôt, pour un coût budgétaire de 18 millions d'euros. Enfin, ce titre ouvre la possibilité d'insérer, dans certaines zones fragiles, des clauses environnementales dans les baux ruraux.
Le titre IV tend à simplifier l'environnement administratif des exploitations, notamment en rationalisant les mécanismes de paiement des aides communautaires par la création d'une Agence unique de paiement (AUP) pour les aides du premier pilier de la PAC, et en autorisant le Gouvernement à moderniser par ordonnance la loi sur l'élevage de 1966.
Enfin, le titre V adapte à l'outre-mer les dispositions du présent projet de loi et apporte des modifications tendant à améliorer la prise en compte des particularités des territoires d'outre-mer en matière de gestion du foncier.
M. Dominique Bussereau s'est ensuite félicité que l'intervalle entre l'adoption du projet de loi par le Conseil des ministres, le 18 mai 2005, et sa discussion au Parlement ait favorisé les échanges entre le monde agricole, les parlementaires et le Gouvernement, ce qui permettait d'envisager l'enrichissement du texte initial sur des points importants, tels la protection du foncier et l'emploi. Rappelant que la question du foncier agricole avait été largement traitée par la loi relative au développement des territoires ruraux, mais aussi analysée dans de nombreux rapports, en particulier celui de M. Thévenot au nom du Conseil économique et social, il a indiqué que le projet de loi améliorerait la prise en compte de la destination agricole des terrains dans les documents d'urbanisme.
Concernant l'emploi, il a précisé qu'il s'agissait autant d'alléger le coût total de l'emploi que d'en améliorer la rémunération et la stabilité, ce qui passerait par la création d'un contrat « jeune saisonnier agricole », par une incitation à la conversion de contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI) et par une mesure en faveur des groupements d'employeurs. Il a fait valoir que le projet de loi reprenait des mesures suggérées par le rapport de M. Jacques Le Guen pour améliorer la situation du travail saisonnier.
Il a déclaré que le Gouvernement aborderait dans un esprit ouvert les autres sujets soulevés par les parlementaires lors de l'examen du texte, et a évoqué des améliorations pour les salariés agricoles et pour les zones de montagne.
Il a enfin souhaité justifier le recours aux ordonnances, tout en faisant valoir, d'une part, que celui-ci serait plus limité que le prévoyait le texte initial du projet de loi, puisqu'il porterait sur sept articles et non sur onze, deux demandes d'habilitation étant en outre restreintes, et, d'autre part, qu'il s'engageait à associer les parlementaires à l'élaboration de ces ordonnances. Il a enfin précisé que le Gouvernement avait déclaré l'urgence sur ce texte afin que celui-ci, dont l'examen avait été retardé à la suite du referendum du mois de mai et de la formation d'un nouveau Gouvernement, puisse être adopté avant la fin de l'année, ce qui répondait aux attentes des agriculteurs.
Un débat s'est alors engagé avec les commissaires. Après avoir souligné que le projet de loi, à l'instar de la loi relative au développement des territoires ruraux, se devait de prendre en compte la diversité des types d'agricultures qui caractérisait aujourd'hui le monde rural, ce qui supposait que les parlementaires puissent enrichir sur différents aspects le texte initial, M. Jean-Paul Emorine, président, s'est félicité du choix du Gouvernement de recourir à la procédure d'urgence, qui permettrait de mettre en oeuvre le nouveau cadre juridique et économique particulièrement attendu par les agriculteurs à la suite de la réforme de la PAC. Rappelant qu'il s'était prononcé dès 1998, dans son rapport sur l'avenir de la PAC rédigé avec M. Marcel Deneux, en faveur d'une généralisation de l'assurance-récolte, ila regretté que le projet de loi ne reconnaisse à ce dispositif qu'un caractère facultatif. Le risque existait en effet que certains, en particulier les jeunes agriculteurs, n'y souscrivent pas, ce qui limiterait son assiette et obligerait l'Etat à assurer une part importante de son financement.
M. Dominique Bussereau, notant que le succès déjà enregistré par l'assurance-récolte dans le domaine des grandes cultures dépassait les prévisions, a indiqué que le Gouvernement prévoyait, dans le PLF pour l'année 2006, de porter à 30 millions d'euros sa participation à ce dispositif, contre 20 millions d'euros en 2005.
Abondant dans le sens de M. Jean-Paul Emorine quant à la nécessité du caractère obligatoire de l'assurance-récolte, M. Gérard César, rapporteur, reprenant une préoccupation de M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances qui ne pouvait assister à l'audition, s'est interrogé sur la dotation que le Gouvernement prévoyait d'attribuer, dans le projet de loi de finances pour 2006, au Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA). Il a souhaité obtenir des précisions sur l'équilibre que dessinait le texte, dans le cadre du bail cessible prévu par son article 2, entre les intérêts des bailleurs, des preneurs, ainsi que sur le rôle dévolu aux Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) dans ce dispositif. Il s'est enfin inquiété des difficultés éprouvées par les services du ministère de l'agriculture à dresser le bilan de l'état d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux.
Indiquant tout d'abord que l'existence du FNGCA n'était nullement remise en cause par le projet de loi, M. Dominique Bussereau a indiqué que le dispositif d'assurance-récolte était bien appelé à se substituer à terme au FNGCA. Il a ensuite mis en valeur le fait que le bail cessible s'inscrivait dans un cadre contractuel et n'interdisait en rien le recours au bail rural classique. Il a déclaré que le Gouvernement entendait favoriser un juste équilibre entre preneurs et bailleurs. Il a noté qu'une réflexion était engagée avec les représentants du notariat quant aux frais d'enregistrement applicables à ce nouveau type de baux visant à réduire les coûts en cas d'enregistrements multiples. Concernant l'application de la loi sur le développement des territoires ruraux, il a précisé que sur les 75 décrets requis, six avaient été publiés, deux étaient en cours de publication, trois faisaient l'objet de concertations auprès des instances communautaires, quarante-neuf faisaient actuellement l'objet de consultations interministérielles et quinze étaient en cours de rédaction. Il a attiré l'attention de la commission sur la difficulté inhérente à la nature interministérielle de la majorité des décrets d'application attendus. Il s'est enfin engagé à transmettre régulièrement à la commission un bilan précis de l'état d'avancement de ces décrets.
M. Gérard César, rapporteur, l'interrogeant sur l'opportunité de la diminution de 20 % de la TFNB pour les exploitants agricoles prévue dans le projet de loi de finances pour 2006, M. Dominique Bussereau a rappelé que cette mesure constituait la première étape de la réalisation de l'engagement pris par le Président de la République à Murat en octobre 2004 de supprimer totalement cette taxe, tout en prévoyant une prise en charge progressive et totale par l'Etat du manque à gagner des communes. Il a reconnu que cette mesure ne faisait pas l'unanimité, en particulier au sein de la commission des finances du Sénat. Il a précisé que cette mesure n'affecterait en rien le financement des chambres d'agriculture. Il a enfin déclaré qu'il conviendrait d'étudier les conditions d'inscription des taxes locales dans le plafond de 60 % des revenus que le Gouvernement entendait définir pour l'imposition maximale des contribuables.
M. Jean-Paul Emorine, président, s'étant fait l'écho de l'attente des maires après la création des zones de revitalisation rurale (ZRR), qui concernent près d'un tiers de l'ensemble des communes rurales, M. Dominique Bussereau a annoncé en réponse que le décret relatif aux ZRR devrait être pris dans les prochains jours.
Après avoir remercié le ministre d'avoir modifié l'intitulé du projet de loi en substituant « orientation » à « modernisation », M. Marcel Deneux s'est interrogé sur le paradoxe entre l'hostilité des agriculteurs à une complexité administrative croissante, illustrée par le rejet par une majorité d'entre eux du référendum sur la constitution européenne, et la nécessité d'une action des pouvoirs publics pour mettre en oeuvre un texte tel que le projet de loi. Estimant que les spécificités de l'agriculture s'opposaient à ce que ce secteur fasse l'objet d'une libéralisation intégrale, il a souligné à ce titre la pertinence de la création d'un nouvel office par le projet de loi, s'interrogeant à cet égard sur l'absence de féculents dans son champ de compétence. Rappelant que certains de ses collègues et lui-même avaient attiré l'attention, voici plusieurs années, sur la mise en place de mécanismes d'assurance récolte à l'étranger, il a préconisé un suivi de leur évolution en vue éventuellement de s'en inspirer, tout en mentionnant les limites d'un tel système. Après avoir fait observer la nécessité de modifier le nom de l'Institut national des appellations d'origine (INAO), il a émis des doutes sur la bonne communication des mesures concernant la TFNB auprès des quelque 3,8 millions de bailleurs. Mettant en garde le ministre contre une trop grande complexité du mécanisme de défiscalisation des huiles végétales pures autoconsommées par les agriculteurs comme carburant agricole, il a préconisé de s'inspirer de la Belgique, où l'huile de colza pure est proposée dans les stations-service de la même façon que les carburants traditionnels. Reconnaissant qu'il fallait, s'agissant de l'amélioration génétique, réviser la loi de 1966 sur l'élevage, il a toutefois souhaité que l'Etat conserve en ce domaine la définition des orientations stratégiques. S'interrogeant sur les suites données à une étude ministérielle menée en matière d'agroforesterie, il a espéré que la réforme de la coopération, tout en s'inspirant de l'esprit du rapport du député François Guillaume sur le sujet, n'en transcrive pas pour autant l'ensemble des dispositions de façon exhaustive. Questionnant le ministre quant aux suites données au rapport Pory sur les chambres d'agriculture, il a indiqué pour conclure qu'il souscrivait à l'esprit du projet de loi, insistant sur l'importance croissante de la valorisation des débouchés non alimentaires de l'agriculture.
Puis après le remplacement, à la présidence de la réunion, de M. Jean-Paul Emorine, président, par M. Gérard César, rapporteur, M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, a apporté les précisions suivantes :
- en ce qui concerne les huiles végétales, il a convenu que le dispositif de défiscalisation prévu par le projet de loi devait rester simple et lisible, ajoutant qu'il s'inscrivait dans le programme plus global de développement des biocarburants soutenu par le Président de la République et le Gouvernement. Citant les exemples d'agriculteurs et d'automobilistes procédant d'ores et déjà d'eux-mêmes à l'incorporation d'huiles végétales dans leurs machines agricoles et véhicules de transport, il a rappelé la nécessité d'encadrer de telles pratiques en raison des risques qu'elles pouvaient engendrer ;
- s'agissant des dispositions relatives à l'élevage, il a souligné que le projet de loi en fixait les grands principes (pilotage du dispositif par la profession, mise en place du service universel, accès aux services d'amélioration génétique pour les éleveurs), confirmant que la stratégie continuerait à relever de l'Etat ;
- pour ce qui est des chambres d'agriculture, il a indiqué que les mesures retenues dans le projet de loi ne provenaient que pour partie de celles préconisées par le rapport Guillaume, qu'elles faisaient suite à des échanges approfondis avec l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) et qu'elles étaient susceptibles de faire l'objet d'améliorations.
Après avoir félicité le ministre pour son projet de loi, M. Bruno Sido s'est prononcé contre l'idée de rendre obligatoire le recours à l'assurance-récolte, estimant que le bénéfice des indemnisations par le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) devrait être réservé aux seuls agriculteurs ayant souscrit à ce mécanisme assurantiel. Jugeant que la disposition du projet de loi tendant à dispenser de cotisation le conjoint non exploitant agricole constituait une importante avancée, il a estimé qu'il était nécessaire en ce domaine d'aligner le régime agricole sur celui des autres secteurs économiques, attirant par ailleurs l'attention sur l'existence d'exploitations agricoles dépourvues d'exploitants agricoles. Craignant que les agriculteurs hésitent à requérir les services d'entretien des voiries communales du fait qu'ils ne paieraient plus la TFNB, il a mis en garde contre les effets pervers pour le monde agricole d'une suppression complète de cette taxe. S'alarmant des difficultés rencontrées par de nombreux exploitants pour recruter des travailleurs saisonniers, qui les obligent à employer leur main-d'oeuvre bien au-delà des horaires légaux de travail lors des périodes d'intense activité, il s'est félicité de ce que le projet de loi y remédie en aménageant leur statut. Insistant également sur la nécessité de concevoir un système de défiscalisation des huiles végétales aisément applicable, il a souligné l'efficacité supérieure, tant économiquement qu'écologiquement, d'une utilisation directe des huiles sur leur estérification.
Après avoir remercié le ministre d'être venu présenter son projet de loi, M. Dominique Mortemousque a souhaité voir rappelée l'importance de l'agriculture dans notre pays. Faisant état du sentiment de malaise affectant aujourd'hui le monde agricole, il a plaidé pour que lui soit données des perspectives d'avenir, en ce qui concerne tout particulièrement l'évolution de la PAC. Il s'est dit d'avis que le déséquilibre traditionnel entre producteurs et distributeurs n'était pas inéluctable si les interprofessions parvenaient à s'organiser efficacement. Regrettant l'inflation des contraintes administratives encadrant les activités de production, il a prôné une adaptation des normes règlementaires aux réalités du terrain et une responsabilisation des acteurs concernés. Constatant que la plupart de nos partenaires européens avait procédé à une baisse des charges afin d'améliorer la compétitivité de leurs exploitants sur le marché mondial, il a appelé à une clarification des engagements de l'Etat en matière de compensation aux communes de la suppression progressive de la TFNB. Jugeant favorablement le mécanisme de déduction pour investissements (DPI) et de dotation pour aléas (DPA), il a enfin fait part du souhait des représentants des retraités agricoles d'être auditionnés par le ministre.
Notant la volonté d'ouverture du Gouvernement quant à des dispositions concernant la montagne, M. Thierry Repentin s'est dit perplexe, s'agissant des indemnités compensatrices de handicap naturel (ICHN), sur l'incohérence de l'inéligibilité d'agriculteurs qui, quoique installés dans le bas des vallées, exploitent des parcelles situées sur les versants. Remarquant que ces indemnités avaient été ouvertes, sous certaines conditions, aux exploitants pluriactifs, il a souhaité connaître les conclusions d'une étude ministérielle menée sur le sujet et ses perspectives d'évolution. Faisant état des demandes de juxtaposition d'AOC avec le label montagne, il a indiqué que la Fédération nationale des AOC (FNAOC) y était hostile pour des raisons de clarté et de lisibilité des signes qualité. Jugeant que les mesures annoncées par le ministère en charge de l'écologie concernant le loup n'apaiseraient pas les éleveurs concernés, il a appelé à un débat parlementaire sur le sujet. Disant sa défiance face au recours aux ordonnances dans le projet de loi, il a interrogé le ministre sur leur maintien s'agissant du statut du fermage et de l'organisation des chambres d'agriculture. Puis il l'a questionné sur la valorisation des droits incorporels dans le fonds agricole et l'entrée dans le secteur marchand des quotas et droits à prime. Il a relayé l'attente par de nombreux maires du décret opérant une distinction entre communes rurales et urbaines. Soulignant que la suppression progressive de la TFNB ne constituait pas une revendication des exploitants agricoles, dont il a rappelé qu'ils ne la payaient pas le plus souvent, il a dit craindre qu'une telle mesure ne leur soit finalement préjudiciable auprès de l'opinion publique et ne profite in fine qu'aux propriétaires fonciers. Appelant à une révision des bases de la taxe afin d'y apporter plus de lisibilité, il s'est interrogé sur la possible instauration, dans les intercommunalités à fiscalité propre et à compétence économique, d'une TFNB unique, à l'instar de ce qui existe déjà pour la taxe professionnelle, permettant ainsi de reconnaître le rôle économique des exploitants agricoles sans changer pour autant le montant des prélèvements auxquels ils sont soumis.
Félicitant le ministre pour le titre du projet de loi consacré à la simplification administrative, dont il a estimé que l'ensemble du Gouvernement devrait s'inspirer, M. Daniel Dubois a fait état de l'impatience des producteurs laitiers concernant la publication du décret sur les sociétés laitières et a souhaité en connaître le calendrier de parution. Il a également plaidé pour un assouplissement des contrôles administratifs dont sont l'objet les exploitants agricoles.
Mme Adeline Gousseau s'est inquiétée des conséquences de l'attaque de chrysomèle sur le maïs dans le département des Yvelines, rapportant les craintes des producteurs bio de perdre leur label en raison des traitements occasionnés de ce fait comme du fait de la prévention des risques de grippe aviaire. Evoquant les zones périurbaines, elle s'est également alarmée des difficultés de circulation qu'y rencontrent les exploitants pour faire circuler leurs matériels agricoles.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, a apporté aux intervenants successifs les éléments de précision suivants :
- s'agissant de la suppression des cotisations des associés non exploitants agricoles, il a souligné que la mesure s'élevait à 20 millions d'euros et qu'elle devrait permettre de lever l'un des freins à l'apport de capitaux extérieurs en agriculture ;
- en ce qui concerne la suppression progressive de la TFNB, il a cité l'exemple de la Dordogne, où la mesure représenterait pour certains exploitants jusqu'à 8 points de revenu, ce qu'il a jugé non négligeable. Il a par ailleurs convenu que l'idée d'une TFNB unique était conforme à la logique de la taxe professionnelle unique, et qu'elle méritait par conséquent d'être développée ;
- pour ce qui est de la saisonnalité, il a également fait référence à la Dordogne et à un accident s'y étant récemment produit, symptomatique selon lui des difficultés à recruter des travailleurs saisonniers ;
- désireux de promouvoir, à travers le projet de loi, un certain modèle d'agriculture prenant en considération aussi bien la production que l'emploi, la sécurité sanitaire et alimentaire, l'utilisation de l'espace ou encore le tourisme, il a estimé que la France avait su se moderniser et devait faire valoir ses spécificités face à des modèles de nature plus radicalement libérale ;
- reconnaissant que beaucoup restait à faire en matière de simplification administrative, il a tenu à préciser que le monde agricole avait également sa part de responsabilité dans la complexification institutionnelle et règlementaire. Rappelant qu'il avait fait publier un guide du contrôle et tenté d'en échelonner l'exercice sur le terrain, il a indiqué que le Premier ministre lui avait récemment donné mandat de supprimer une dizaine de formulaires ;
- se disant prêt à recevoir les représentants des exploitants retraités déjà reçus à son cabinet le 21 septembre dernier afin de débattre du problème des pensions agricoles, il a convenu qu'il restait beaucoup à faire en ce domaine, au vu de la modicité de bon nombre d'entre elles ;
- ouvert à des enrichissements du projet de loi en ce qui concerne la montagne, il a jugé nécessaire de faire évoluer la législation communautaire relative à l'éligibilité aux ICHN, tout en soulignant les contraintes liées au coût de financement et au prix des terres agricoles. Indiquant que l'utilisation concomitante d'une AOC et du label montagne ne pouvait bénéficier à des produits dont l'extension de l'appellation n'était pas entièrement située en zone de montagne, il a rappelé que l'une des dispositions du projet de loi avait justement pour objet de régler de telles difficultés. Il s'est dit par ailleurs stupéfait par l'augmentation du nombre d'attaques de troupeaux de montagne par des loups ;
- confirmant qu'il souhaitait recourir aux ordonnances pour réviser le statut du fermage et l'organisation des chambres d'agriculture, il a précisé, s'agissant du premier point, qu'il ne s'agissait en rien d'une réforme radicale, mais simplement d'un toilettage ;
- expliquant que, seuls, des droits à paiement unique seraient intégrés au fonds agricole, du fait que l'ensemble des autres droits étaient exclus du secteur marchand, il a souligné que ce dispositif, entièrement lié aux règles de la PAC, n'était assuré de ce fait que jusqu'en 2013 ;
- s'agissant du décret relatif aux sociétés laitières, il a annoncé sa publication prochaine ;
- conscient des risques liés aux attaques de chrysomèle, il a assuré avoir mobilisé son ministère sur le sujet ;
- il a reconnu l'importance des problématiques liées aux zones périurbaines et au rôle des SAFER, expliquant que la recherche d'espaces en périphérie des villes pour construire de nouveaux logements risquait de réduire l'emprise des terres agricoles.
M. Gérard César, rapporteur, a remercié le ministre d'avoir pris le temps de répondre aux questions successives des différents intervenants.