Table des matières
- Mardi 21 octobre 2003
- Mercredi 22 octobre 2003
- Collectivités territoriales - Responsabilités locales - Examen du rapport pour avis
- Groupe de travail commun sur la péréquation - Communication
- Collectivités territoriales - Responsabilités locales - Examen du rapport pour avis - Suite
- Groupe d'étude sur l'énergie - Déplacement aux Etats-Unis - Communication
- Commerce international - Organisation mondiale du commerce - Audition de M. Pascal Lamy, membre de la Commission européenne
Mardi 21 octobre 2003
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, vice-président. -
Télécommunications - Obligations de service public des télécommunications - Examen des amendements
La commission a examiné les amendements sur le projet de loi n° 421 (2002-2003) relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.
Après les interventions de Mmes Marie-France Beaufils et Odette Terrade et de M. Gérard Larcher, rapporteur, la commission a émis un avis défavorable à la motion n° 1 de Mme Marie-France Beaufils, M. Yves Coquelle et des membres du groupe communiste républicain et citoyen tendant à opposer la question préalable.
Au titre Ier (avant l'article 1er), après les interventions de Mme Marie-France Beaufils et Odette Terrade, elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 29 de Mmes Marie-France Beaufils et Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen.
A l'article 1er, (articles L. 35 à L. 35-7 et L. 36-7 du code des postes et télécommunications ; article 51 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ; organisation du service universel), après un large débat sur le contenu et l'évolution du service universel, au cours duquel sont intervenus M. Gérard Larcher, rapporteur, Mmes Marie-France Beaufils et Odette Terrade, MM. Philippe Leroy, Gérard César, président, François Gerbaud, Jean Pépin, François Fortassin, Jean-Paul Emorine et Pierre-Yvon Trémel, la commission s'est prononcée contre les amendements n° s 30 à 40, 82 et 83 de Mmes Marie-France Beaufils et Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen ; n° s 84 à 97 et 98 rectifié de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée ; n°s 15 à 21 de MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido ; n° 14 de MM. Pierre Laffitte et François Fortassin et n° 114 de M. Bernard Fournier.
Elle a émis un avis favorable aux amendements n°s 22 de MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido, 41 de Mmes Marie-France Beaufils et Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, 100 de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Elle s'en est remise à la sagesse du Sénat sur les sous-amendements n°s 121 et 122 de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, à l'amendement n° 5 de la commission.
A l'article 2 (coordination avec l'évolution européenne du droit du service universel), après une intervention de M. Pierre-Yvon Trémel, la commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 42 à 53 de Mmes Marie-France Beaufils, Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen ; n°s 99, 101 à 103 de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Après l'article 2 (suppression du monopole de TDF ; loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986), après une intervention de M. Pierre Hérisson, la commission s'est déclarée défavorable aux sous-amendements n°s 115 à 117 de M. Bernard Fournier à l'amendement n° 8 de la commission, à l'amendement n° 23 de MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido, et favorable au sous-amendement n° 118 du Gouvernement à l'amendement n° 8 de la commission tendant à insérer un article additionnel.
Au titre II (avant l'article 3), après une intervention de Mme Marie-France Beaufils, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 81 de Mmes Marie-France Beaufils, Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen.
A l'article 3 (articles 29, 29-1 et 33 à 34 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; pérennisation du statut de fonctionnaire de France Télécom), après les interventions de Mme Marie-France Beaufils et de M. Pierre-Yvon Trémel, la commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 54 à 61 de Mmes Marie-France Beaufils, Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, aux amendements n°s 104, 106, 107 de Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée ; favorable aux amendements n°s 105 rectifié de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et des membres du groupe socialiste apparenté et rattachée, 26 rectifié du Gouvernement. Au sujet de l'amendement n° 106, M. Gérard Larcher, rapporteur, a fait valoir la nécessité d'ouvrir le champ de la négociation sociale plutôt que de légiférer sur des questions telles que le mode de rémunération des fonctionnaires de France Télécom.
Après l'article 3, la commission s'est prononcée en faveur du sous-amendement n° 14 à l'amendement n° 27 du Gouvernement présenté par M. Gérard Larcher ainsi qu'à l'amendement n° 27 du Gouvernement tendant à insérer un article additionnel.
A l'article 4 (loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; code du travail) (Dispositions à caractère social), après une intervention de M. Pierre-Yvon Trémel, la commission s'est déclarée défavorable aux amendements n°s 62 à 64 de Mmes Marie-France Beaufils, Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, 108 et 109 de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
A l'article 5 (loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; loi n° 93-923 du 13 juillet 1993 ; possibilité de détention minoritaire du capital de France Télécom par l'Etat), après une intervention de Mme Marie-France Beaufils, la commission a émis un avis défavorable aux amendements n°s 65 à 70 de Mmes Marie-France Beaufils, Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen et n° 110 de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
A l'article 6 (loi n° 90-568 du 2 juillet 1990) (coordination juridique et suppression de dispositions obsolètes), la commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s 71 à 74 et 76 à 79 de Mmes Marie-France Beaufils, Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, n° 111 de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et des membres du groupe socialiste apparenté et rattachée.
Au titre IV (avant l'article 7), la commission s'est prononcée contre l'amendement n° 80 de Mmes Marie-France Beaufils, Odette Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
A l'article 7 (dispositions transitoires), la commission s'est déclarée défavorable à l'amendement n° 112 de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste apparenté et rattachée.
A l'article 8 (application à Mayotte), la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 113 de MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste apparenté et rattachée et un avis favorable à l'amendement n° 119 du Gouvernement.
Après l'article 8, après les interventions de M. Gérard Larcher, rapporteur, et de MM. Pierre Hérisson et Pierre-Yvon Trémel, la commission a décidé de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 24 de MM. Pierre Hérisson, Bruno Sido et s'en est remise à la sagesse du Sénat pour l'amendement n° 25 de M. Paul Blanc tendant à insérer un article additionnel.
Sur l'intitulé du projet de loi, la commission a statué contre l'amendement n° 28 de Mmes Marie-France Beaufils, Odette Terrade et des membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Mercredi 22 octobre 2003
- Présidence de M. Gérard César, de M. Jean-Paul Émorine, vice-présidents, puis de M. Hilaire Flandre, doyen d'âge. -
Collectivités territoriales - Responsabilités locales - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Georges Gruillot sur le projet de loi n° 4 (2003-2004) relatif aux responsabilités locales.
Après avoir relevé que de nombreux sujets abordés par le projet de loi concernaient directement le champ des compétences de la commission des affaires économiques, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a indiqué que son rapport, qui porte sur 35 des 126 articles du texte, soit plus du quart, examinerait successivement le chapitre 1er du titre Ier, consacré au développement économique et au tourisme, le titre II, qui contient les dispositions relatives au développement des infrastructures, aux fonds structurels et à la protection de l'environnement, et le chapitre III du titre III, qui traite du logement social et de la construction.
Abordant les quatre articles du chapitre relatif au développement économique et au tourisme, il a souligné que, pour l'essentiel, ils prolongeaient et amplifiaient des dispositifs institués par les articles 102 et 103 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
Il a ainsi indiqué que l'article 1er confortait le rôle de « chef de file » de la région en matière de coordination des interventions économiques en lui attribuant l'exercice de la responsabilité du développement économique, à travers notamment un « schéma régional de développement économique », et surtout la compétence de déterminer les aides pouvant être accordées aux entreprises dans la région et d'en définir le régime, les départements, les communes et leurs groupements conservant la faculté de participer au financement de ces aides dans le cadre d'une convention passée avec la région. Il a précisé qu'un mécanisme de sauvegarde pouvait toutefois permettre, dans certaines conditions de forme et de délai, à une collectivité territoriale de s'affranchir d'un refus d'intervention ou d'une carence de la région en passant une convention avec l'Etat pour compléter les dispositifs d'aides existants. Il a ajouté que le texte procédait par ailleurs à la suppression de la notion juridique « d'aide indirecte » pour respecter les dispositions communautaires en matière d'aides d'Etat.
Après avoir précisé que cet article 1er organisait en outre les relations entre les collectivités publiques nationales et les instances européennes pour respecter les prescriptions communautaires relatives au droit de la concurrence, en définissant les responsabilités de chacun en cas de suspension ou de récupération d'une aide économique indûment accordée à une entreprise, il a annoncé qu'il proposerait à la commission d'adopter quelques amendements qui, sans remettre aucunement en cause la logique générale de la nouvelle organisation « coiffée » par la région, rappelleraient cependant comment les départements et les communes peuvent continuer à intervenir, de manière autonome, dans le champ économique sur leur territoire.
Puis M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a présenté l'article 2, qui transfère à la région, compte tenu de ses nouvelles responsabilités, des instruments de développement économique relevant aujourd'hui de l'Etat : crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) et du dispositif d'encouragement au développement des entreprises nouvelles (EDEN), et divers crédits actuellement mis en oeuvre par l'Etat au niveau déconcentré, notamment dans le cadre de sa participation aux contrats de plan Etat-région. Il a indiqué que le transfert, d'un montant évalué à 238 millions d'euros, se ferait dans des conditions prévues par une loi de finances, et que l'Etat conserverait cependant des moyens financiers, à travers un fonds de solidarité économique, pour pouvoir intervenir de manière exceptionnelle.
En ce qui concerne l'article 3, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a relevé qu'il attribuait à la région la charge de l'animation de la politique du tourisme et au département le classement et l'agrément des équipements et organismes de tourisme, dans le respect des normes nationales. Après avoir souligné que, dans le prolongement de l'article 103 de la loi du 27 février 2002, la région devenait ainsi le pivot de la politique du tourisme, l'Etat ne conservant qu'un certain nombre de fonctions régaliennes, il a indiqué qu'il proposerait un amendement confiant la responsabilité du transfert du classement et de l'agrément des équipements et organismes de tourisme aux régions plutôt qu'aux départements, lesquels ont fait savoir par leur association qu'ils n'en souhaitaient pas l'attribution.
S'agissant de l'article 4, il a également annoncé que, plutôt que de s'en remettre à l'habilitation demandée pour modifier par ordonnance la législation relative au rôle, au statut, à la commercialisation et au financement des offices de tourisme, il soumettrait un amendement qui, pour l'essentiel, autorise toutes les communes et groupements de collectivités territoriales à créer un office de tourisme sous forme d'établissement public industriel et commercial, cette faculté n'étant aujourd'hui réservée qu'aux stations classées et aux communes littorales.
Abordant alors le chapitre 1er du titre II relatif à la voirie routière, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a indiqué que l'article 12 constituait le socle de ce volet routier puisqu'il fondait le transfert d'une partie du réseau routier national aux départements. Précisant les modalités de cette nouvelle étape de décentralisation routière, il a expliqué qu'un décret définirait d'abord les contours du réseau routier ayant vocation à rester dans le domaine public national, des arrêtés préfectoraux devant ensuite constater dans chaque département le transfert du réseau national secondaire. Il a précisé qu'entre 15.000 et 20.000 kilomètres de voies nationales devaient ainsi revenir aux départements, tandis qu'environ 10.000 kilomètres demeureraient propriété de l'Etat. Il a ajouté que cet article réaffirmait le rôle de l'Etat comme garant de la cohérence et de l'efficacité de l'ensemble du réseau routier, et consacrait ses attributions en matière de sécurité, d'information des usagers et de connaissance statistique des réseaux. De même, a-t-il poursuivi, cet article conforte le droit de regard donné aux régions en matière de coordination des investissements routiers, en particulier dans le cadre des schémas régionaux de transports.
Puis il a indiqué que :
- l'article 13 prévoyait, dans chaque département d'outre-mer, le transfert intégral du réseau routier national soit au département, soit à la région, à l'issue d'une concertation entre ces deux collectivités ;
- l'article 14 rendait possible l'instauration par les collectivités publiques de péages sur les routes express, que celles-ci soient données en concession ou gérées en régie, et autorisait l'Etat à percevoir des péages sur les autoroutes et les ouvrages d'art qu'il gère en régie, alors que cela n'était jusqu'à présent possible qu'en cas de concession ;
- l'article 15 complétait la liste des fonctionnaires et agents habilités à constater et à réprimer les infractions à la police de la conservation du domaine public routier en y adjoignant les agents des départements, les agents de la collectivité territoriale de Corse et les agents des régions d'outre-mer ;
- l'article 16 tendait à donner une nouvelle définition des routes à grande circulation et à renforcer les obligations inhérentes à ce statut, notamment en permettant à l'Etat de garantir, une fois réalisé le transfert des routes nationales concernées aux départements, le délestage du trafic et le passage des transports exceptionnels ou des convois militaires ;
- l'article 17 visait à intégrer dans le régime législatif des plans d'urgence deux types de dispositifs à caractère réglementaire destinés à assurer la continuité du réseau routier en cas de crise : les plans de gestion de trafic et les plans d'action en cas d'intempéries ;
- l'article 18 prévoyait que les collectivités territoriales apportant des fonds de concours à des opérations d'aménagement conduites sur le réseau routier national pourraient bénéficier du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) dès lors qu'au moins la moitié du coût total de l'opération serait supportée par les collectivités territoriales et leurs groupements ;
- l'article 19 confirmait, pour les opérations routières inscrites aux contrats de plan Etat-région, les engagements financiers des collectivités territoriales et de l'Etat jusqu'au terme de ces contrats et dans les conditions qu'ils fixent, sauf en ce qui concerne les aménagements de sécurité dont le financement est transféré de l'Etat aux départements dans les conditions prévues au III de l'article 89 de la présente loi ;
- l'article 20 abrogeait les décrets impériaux du 12 avril 1856 et du 23 juillet 1866 relatifs à l'entretien de la voirie de Paris, aujourd'hui caducs ;
- l'article 21 prévoyait un dispositif transitoire et optionnel pour la maîtrise d'ouvrage des opérations d'investissement en cours sur le réseau national transféré.
S'agissant du chapitre II du titre II, consacré aux grands équipements, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a relevé que l'article 22 organisait le transfert aux collectivités locales de l'aménagement, de l'entretien et de la gestion de la très grande majorité des aérodromes civils du pays, qui appartiennent actuellement à l'Etat, à l'exception des aéroports les plus importants, notamment ceux d'Aéroports de Paris. Il a expliqué que si les collectivités pourraient, dans les trois années qui viennent, présenter des demandes pour prendre en charge ces aérodromes, ceux-ci seraient transférés en tout état de cause au 1er janvier 2007, la région étant la collectivité attributaire par défaut. Il a ajouté qu'en cas de candidatures concurrentes de plusieurs collectivités territoriales, le préfet organiserait une concertation en vue d'aboutir à une candidature unique et qu'à défaut d'accord, le préfet désignerait la collectivité attributaire, c'est-à-dire, en pratique, la région.
Après avoir précisé que l'article 23 permettrait au Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures modifiant le livre du code de l'aviation civile traitant de la sûreté des vols et de la sécurité de l'exploitation des aérodromes, il a indiqué que l'article 24 prévoyait un processus similaire de transfert devant s'achever le 31 décembre 2005, de l'Etat aux collectivités territoriales de ses compétences sur les ports d'intérêt national. Il a souligné que si les collectivités territoriales étaient a priori chacune compétente pour un type de port - les régions pour les ports de commerce, les départements pour les ports de pêche et les communes pour les ports de plaisance -, le transfert s'effectuerait cependant sur la base du volontariat et de la souplesse. Toutefois, a-t-il ajouté, en cas de concurrence ou, au contraire, d'absence de candidatures, les transferts seront décidés par l'Etat, après que celui-ci aura initié une procédure de concertation entre les collectivités ayant concurremment déposé une demande. Il a ajouté que l'article 25 prévoyait, par voie d'ordonnances prises dans le délai d'un an après la publication de la loi, l'actualisation et l'adaptation des dispositions législatives relatives à la police des ports maritimes et aux voies ferrées portuaires, ainsi que la transposition en droit interne de dispositions communautaires.
Abordant le volet fluvial du projet de loi, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a indiqué que l'article 26 complétait le régime de décentralisation du domaine public fluvial introduit par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels. Rappelant que cette loi avait reconnu l'existence d'un domaine public fluvial propre aux collectivités territoriales, il a expliqué que celui-ci pouvait être constitué à partir du classement des voies d'eau relevant de leur domaine privé, ou par le transfert de voies d'eau du domaine public fluvial de l'Etat réalisé soit directement, soit au terme d'une expérimentation de six ans. Ajoutant que cet article 26 déterminait aussi les conditions d'une décentralisation des ports intérieurs, il a souligné que, comme pour les voies d'eau, les différentes collectivités territoriales pourraient être candidates à ce transfert, un droit de priorité étant toutefois reconnu à la région, et précisé qu'un décret établirait une liste des ports d'intérêt national ne pouvant faire l'objet d'un transfert.
Puis, après avoir relevé que l'article 27 affirmait la compétence départementale en matière de construction et de gestion d'infrastructures de transports ferrés ou guidés de voyageurs, il a enfin souligné que l'article 28 avait pour objet de transférer aux régions la propriété des biens de l'Etat dont l'exploitation a été concédée à des sociétés d'aménagement régional, actuellement au nombre de quatre, et de substituer par conséquent les régions à l'Etat dans les droits et obligations exercés en tant qu'autorité concédante.
S'agissant du chapitre III du titre II, relatif aux transports dans la région Ile-de-France, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a indiqué que les articles 29 à 34 régionalisaient l'établissement public appelé syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) en « retirant l'Etat du jeu ». Il a ainsi souligné que l'autorité organisatrice que continuerait à être le STIF serait désormais un établissement public territorial regroupant, à l'exclusion de l'Etat, l'ensemble des collectivités territoriales de la région, et présidé par un membre du Conseil régional, normalement son Président. Il a ajouté que de nouvelles compétences seraient dévolues au STIF, au titre desquelles il a notamment cité l'organisation et le financement des transports scolaires, responsabilité relevant toujours de l'Etat dans cette région, et l'organisation du transport public fluvial de personnes.
Observant que ce retrait de l'Etat emportait de lourdes conséquences financières, il a précisé qu'en contrepartie du transfert, le projet de loi prévoyait que les charges nouvelles résultant des nouvelles dispositions seraient compensées chaque année par l'Etat aux collectivités territoriales intéressées selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Il a en outre souligné que la RATP avait obtenu qu'il soit explicitement garanti que les charges de retraite de la régie continueraient à être financées par l'Etat.
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a ensuite abordé le chapitre IV du titre II, constitué du seul article 35 consacré aux fonds structurels européens. Précisant que cet article visait à consacrer l'expérience de décentralisation de la gestion de ces fonds actuellement conduite en Alsace, il a souligné qu'il s'agissait d'une décentralisation « à la carte » dans la mesure où seules les collectivités locales qui en auront fait la demande pourront se voir confier par l'Etat la fonction d'autorité de gestion et d'autorité de paiement de certains programmes communautaires. Il a observé que si les régions devraient être prioritaires, l'Etat pourrait cependant confier cette mission aux départements, aux communes ou à leurs groupements, voire à un groupement d'intérêt public, dans l'hypothèse où la région manifesterait le souhait de ne pas bénéficier de ce transfert de compétences.
S'agissant enfin du chapitre V du titre II, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a relevé que les articles 36, 37 et 38 constituaient les seules dispositions du texte en matière d'environnement et ne portaient que sur la décentralisation de la compétence d'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers, confiée aux départements et, pour l'Ile-de-France, à la région. Il a indiqué que l'objectif poursuivi était de favoriser une meilleure implication des collectivités territoriales dans cet exercice de réflexion et de prospective sur les moyens à mettre en oeuvre pour organiser la collecte et l'élimination des déchets ménagers en respectant des normes très largement fixées au niveau communautaire.
Enfin, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a examiné le chapitre III du titre III, consacré au logement social et la construction. Il a expliqué les conditions, prévues par l'article 49, dans lesquelles l'Etat pourrait déléguer aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux départements la gestion des aides à la pierre en faveur du logement social :
- les EPCI de plus 50 000 habitants et dotés d'un programme local de l'habitat (PLH) pourront, s'ils le souhaitent, passer une convention de délégation avec l'Etat, d'une durée de six ans, pour être chargés de la gestion et de la répartition des aides à la pierre, telles que les prêts à la construction des logements sociaux ou les aides à la réhabilitation du parc locatif privé, dans le cadre d'une enveloppe complètement fongible, ce qui offre une marge de manoeuvre non négligeable aux collectivités délégataires ;
- les départements se voient également reconnaître une telle faculté pour les territoires non couverts par une convention passée entre l'Etat et les EPCI.
Après avoir précisé que, pour la répartition des crédits, le projet de loi organisait parallèlement une procédure de déconcentration aux préfets de région, qui auront la charge de répartir entre les collectivités délégataires et les départements les enveloppes régionales qui leur seront attribuées, il a souligné que la convention de délégation préciserait notamment les conditions de financement des actions programmées, les modalités d'adaptation des aides de l'Etat en fonction de circonstances locales particulières et les modalités de délégation de tout ou partie du quota préfectoral d'attribution de logements sociaux, les objectifs en matière de politique de l'habitat étant, quant à eux, précisés dans le programme local de l'habitat.
Il a également indiqué que le projet ouvrait un droit général à tous les types de collectivités territoriales pour apporter des aides au logement, indépendamment ou en complément de celles versées par l'Etat, et qu'il substituait au comité départemental de l'habitat un comité régional de l'habitat, doté des mêmes prérogatives et chargé, notamment, d'assister le préfet dans sa mission de répartition des crédits entre les départements.
Puis, après avoir relevé qu'il complétait la loi de 1990 relative au droit au logement, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a présenté l'article 50, qui décentralise aux départements la gestion et le financement des fonds de solidarité pour le logement (FSL), lesquels accordent des aides aux ménages en difficulté pour le maintien dans le logement, et qui en élargit les missions aux personnes éprouvant des difficultés à payer leurs factures d'eau, d'énergie et de services téléphoniques. Observant qu'en raison de cette décentralisation, il appartiendrait au conseil général d'élaborer le règlement intérieur du Fonds, lequel précisera les modalités d'octroi des aides, il a souligné la possibilité ouverte par l'article de créer des démembrements locaux des FSL : tout EPCI ayant passé une convention de délégation au titre de l'article 49 pourra ainsi, de droit, obtenir la constitution d'un fonds intercommunal et en assurer la gestion.
Il a ensuite indiqué que l'article 51 organisait le transfert, par arrêté préfectoral, des biens meubles et immeubles affectés aux logements sociaux étudiants à la commune ou, le cas échéant, au groupement de communes, la gestion de ces logements étant assurée par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) dans le cadre d'une convention passée avec la collectivité territoriale attributaire. A cet égard, observant qu'en raison du transfert de compétence, les collectivités locales seraient chargées d'assurer l'entretien et les travaux de réhabilitation de ce patrimoine, il a rappelé que la commission des affaires culturelles avait montré qu'il était en bien mauvais état pour déplorer que ce transfert soit dès lors susceptible de présenter une charge financière importante pour les finances locales.
Enfin, il a souligné que l'article 52 prévoyait de limiter aux communes de moins de 10.000 habitants la faculté de bénéficier de l'aide gratuite de l'Etat pour l'instruction des actes d'application du droit des sols.
En conclusion, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, s'est déclaré entièrement solidaire des grandes orientations proposées par un projet de loi qu'il a jugé assez équilibré, et dont il a estimé qu'il conjuguait avec bonheur l'approfondissement de la décentralisation et la préservation du rôle de l'Etat dans un certain nombre de domaines relevant, à l'évidence, de l'intérêt général et d'une nécessaire politique de cohésion nationale. S'agissant de secteurs susceptibles d'être décentralisés et n'ayant cependant pas été abordés par le texte, tels l'eau ou le handicap, il a précisé qu'ils devraient faire l'objet de projets législatifs ultérieurs. Puis, après avoir indiqué qu'il proposerait un certain nombre d'amendements pour améliorer ou préciser le texte, il a souligné avoir travaillé en très étroite coordination avec les rapporteurs des autres commissions saisies sur ce projet de loi, et notamment M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois saisie au fond. Enfin, il a précisé que le Gouvernement avait multiplié les réunions avec les rapporteurs dans un souci d'information et de concertation préalable.
A l'issue de cette intervention, un large débat s'est engagé.
M. Bernard Piras a tout d'abord fait, au nom du groupe socialiste, une déclaration de portée générale quant à l'inopportunité d'engager le débat sur la décentralisation, objectif qui recueille toutefois un accord général, tant que des indications précises n'auront pas été apportées par le Gouvernement sur les moyens financiers qui accompagneront les transferts de compétence. Témoignant de l'inquiétude manifestée à cet égard par les élus locaux, et se référant aux engagements pris en plusieurs occasions par le Premier ministre, il a indiqué que son groupe avait écrit à celui-ci comme au Président du Sénat pour leur demander le report de l'examen du projet de loi tant que le financement de la décentralisation ne serait pas précisé.
En réponse, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a rappelé que les nouvelles dispositions constitutionnelles garantissaient la compensation intégrale de tout transfert de charges, dans le cadre de lois de finances. Il a ainsi souligné que le projet de budget pour 2004 organisait d'ores et déjà le transfert du revenu minimum d'insertion, et que le projet de loi de finances pour 2005 règlerait l'essentiel des autres transferts prévus par le projet de loi de décentralisation. Il a ajouté qu'en tout état de cause, l'expérience de la décentralisation des années 1982-1983, à laquelle il avait eu l'honneur de participer en tant que président de conseil général, démontrait que ces transferts généreraient en définitive des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales, car elles répondent mieux, en raison de leur proximité, aux besoins de la population, et assurent un service de meilleure qualité que ne le faisait l'Etat dans les domaines concernés.
Après que M. Bernard Piras a indiqué que son inquiétude portait précisément davantage sur l'évolution des financements ultérieure au transfert que sur la compensation immédiate de celui-ci, M. Daniel Raoul a déploré l'absence de toute précision sur les modalités d'évaluation du transfert de charges, telle que la durée des références prises en compte ou le contenu des lignes budgétaires concernées, prenant en exemple l'importance des régulations budgétaires décidées chaque année sur certaines d'entre elles.
Puis M. Francis Grignon ayant quant à lui soulevé la question des transferts de personnels, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a indiqué que les articles 88 et 89 du projet de loi posaient les principes de la compensation des transferts de compétence, soulignant que l'année 2002 serait susceptible de constituer une des bases de référence, et que les articles 77 et suivants organisaient les transferts de personnels. Il a ajouté qu'il proposerait, en particulier pour les transferts de grands équipements, des amendements permettant aux collectivités d'obtenir toutes les informations nécessaires relatives à leur état.
Soulignant les réserves que lui inspirait ce texte, Mme Évelyne Didier a estimé qu'il posait directement la question du rôle de l'Etat en matière de service public. S'agissant du financement, elle a considéré que le triste état du patrimoine transféré, notamment s'agissant des routes nationales, du logement social et du logement étudiant, laissait à penser que l'Etat opérait un transfert des besoins bien davantage que des compétences. Elle a ajouté que, la proximité rendant les citoyens beaucoup plus exigeants à l'égard des pouvoirs publics, les collectivités territoriales auraient des contraintes supplémentaires qui ne seront pas sans incidence sur le niveau des impôts locaux. Enfin, après avoir également exprimé ses interrogations quant aux années de référence qui seront retenues pour calculer la compensation et quant à la situation des personnels des services décentralisés, elle a souligné que le grand absent du texte était la péréquation, alors même que chacun sait que toutes les collectivités territoriales ne sont pas égales au regard des capacités de financement.
Estimant qu'il appartenait au Sénat de défendre les intérêts des collectivités territoriales, M. Daniel Reiner a considéré que si la décentralisation constituait un objectif partagé sur tous ses bancs, le présent texte répondait moins à celui-ci qu'à la volonté de l'Etat de se libérer de charges budgétaires qu'il ne peut plus assumer. Observant que si l'expérience de 1982-1983 devait servir à éviter la répétition des difficultés passées, la situation actuelle était différente en ce que le principe de République décentralisée était désormais inscrit dans la Constitution. Toutefois, a-t-il ajouté, certaines déclarations d'intention s'avèrent insuffisantes dès lors que ne sont précisés ni les outils fiscaux qui feront l'objet d'une décentralisation pour respecter la nécessité d'une prépondérance de la fiscalité dans les budgets des collectivités territoriales, ni la nature et les modalités de la péréquation, qui doivent être définis au préalable pour fixer le degré d'acceptation par les collectivités locales des transferts proposés par l'Etat. Enfin, soulignant que la décentralisation devait également avoir pour résultat de rendre plus lisible la répartition des compétences entre les divers niveaux de collectivités, il a contesté que le présent projet de loi y parvienne, pointant à cet égard son article 101 qui lui semble permettre en définitive à chaque collectivité d'exercer n'importe laquelle des compétences décentralisées.
M. Gérard César, président, a indiqué que le ministre de l'intérieur et le ministre délégué aux libertés locales s'étaient engagés à apporter toutes les précisions nécessaires, au début des débats en séance publique, pour apaiser les différentes interrogations relatives à la compensation, et rappelé que le rapport au fond était assuré par la commission des lois.
M. Philippe Leroy a estimé que ce train de mesures constituait un progrès par rapport aux premières lois de décentralisation, en ce qu'il comportait des transferts réels et importants de compétences, par exemple en matière de voirie, d'aéroports et de ports, tout en n'exagérant pas le nombre de domaines transférés afin d'éviter tout risque, notamment au plan financier. A ce sujet, tout en soulignant l'intérêt des nouvelles garanties constitutionnelles, il a toutefois estimé que la loi pourrait utilement fixer les « règles du jeu » techniques, par exemple en précisant la composition, les compétences et les modalités de travail de la commission consultative d'évaluation des charges afin que le rôle de celle-ci soit plus effectif qu'il ne le fut dans le passé. Enfin, observant qu'en matière de logement, le projet de loi organisait non une décentralisation, mais une déconcentration des pouvoirs de l'Etat, qui conserve la « maîtrise du jeu », il s'est interrogé sur la possibilité qu'il y aurait à opérer un réel transfert de compétences.
Tout en estimant que le texte apportait une utile classification des domaines de compétences des différentes collectivités territoriales et procédait à une clarification dans la transparence, M. Pierre Hérisson s'est inquiété des effets des définitions des normes en matière de routes nationales sur les investissements des collectivités locales, estimant qu'il convenait cependant d'éviter les situations de conflit et de conserver la cohérence au plan national des déplacements routiers. Par ailleurs, s'agissant des plans départementaux d'élimination des déchets, il a rappelé les difficultés qui prévalaient pour chaque décision d'implantation d'infrastructure, notamment à l'approche d'échéances électorales, et à fait part de ses interrogations quant au maintien du rôle du préfet, notamment au travers des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE).
Relevant que ce projet de loi répondait à l'aspiration des citoyens à davantage de proximité, M. Jean-Paul Émorine a estimé que, dans le cadre des nouvelles dispositions constitutionnelles, il offrait plus de garanties que la précédente décentralisation, sans même parler de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), en matière financière, et qu'en confiant un certain nombre de responsabilités nouvelles au département, il effectuait un choix judicieux dans la mesure où cette collectivité constitue un meilleur échelon de visibilité pour les citoyens que la région.
Abondant en ce sens, M. Jean Pépin a considéré qu'en outre, c'est au plan départemental que pouvait s'effectuer correctement la péréquation entre les communes. Observant que les vingt années écoulées depuis la décentralisation de 1982-1983 avaient démontré la capacité des collectivités territoriales à bien gérer les finances publiques, et même à mieux le faire que l'Etat, en raison de leur proximité avec les citoyens, il a souligné que la mise en oeuvre de la compensation financière des transferts de compétence prendrait nécessairement davantage de temps que la décision politique de ces transferts. Grâce à la garantie constitutionnelle, a-t-il ajouté, cette compensation pourrait être appliquée dans le cadre des lois de finances : à cet égard, il a jugé indispensable de trouver d'autres pistes de financement fiscal que les quatre taxes traditionnelles, qui ont aujourd'hui atteint leurs limites, et de réfléchir à d'autres solutions que la seule taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Concluant que la démocratie de proximité était une garantie de bonne gestion et de satisfaction des besoins publics, il a estimé que le projet de loi était un « acte de foi et d'utilité » et s'est déclaré confiant quant aux capacités des collectivités territoriales à obtenir les financements nécessaires.
Tout en relevant que tout un chacun était favorable dans l'absolu à la décentralisation, M. Gérard Le Cam a manifesté son désaccord envers le caractère libéral du projet de loi et ses conditions financières. Il a ainsi exprimé ses craintes quant aux conséquences des dispositions proposées sur l'Etat, le service public et le rôle des fonctionnaires, ainsi que sur l'aménagement du territoire, relevant à cet égard l'absence de tout mécanisme de péréquation. A titre d'exemples, il a déploré le fait que les excédents de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) aient été captés par l'Etat au lieu d'être transférés aux régions afin de soutenir le commerce rural, et que les dispositions en matière de voirie puissent conduire à faire peser sur un département pauvre des charges collectives sans que la région ne soit contrainte d'organiser un dispositif de péréquation.
Après que M. Joseph Kerguéris a estimé que l'examen de l'article 24 pourrait donner l'occasion de répondre aux difficultés que connaissent certaines communes dans la gestion de leur port de plaisance, infrastructure qui devrait pouvoir être transférée au département lorsque le volume et la nature des investissements sont disproportionnés, notamment en raison d'impératifs de gestion touristique, M. Hilaire Flandre a indiqué que la lecture du rapport annuel du préfet sur les flux financiers dans la région entre l'Etat et les collectivités territoriales donnait une exacte appréciation des enjeux en la matière.
Observant que les décideurs locaux étaient à l'évidence plus concernés que le grand public par ce second acte de la décentralisation, M. Gérard Bailly a considéré que, pour répondre à leurs attentes, il était indispensable de simplifier et de clarifier les mécanismes en définissant, en chaque domaine, un interlocuteur unique et précisément identifié. Confirmant cette impérieuse nécessité, M. Jean-Paul Émin a justement exprimé le regret que le volet logement n'apporte pas la simplification espérée et s'est déclaré partisan d'un rôle plus important du département en la matière. A ce sujet, après avoir rappelé que l'Association des régions de France (ARF) et l'Association des départements de France (ADF) avaient souhaité une véritable décentralisation, M. Jean-Paul Alduy a relevé que l'arbitrage avait été rendu en faveur de l'Association des maires de France (AMF), qui ne revendiquait qu'une simple délégation, et que l'attribution des compétences entre communes et EPCI, d'une part, et départements, d'autre part, dépendait de l'existence d'un plan local de l'habitat considéré comme réel par le préfet. Ayant cependant estimé que la question des agréments demeurait confuse et que la délégation ne s'accommodait pas du maintien du contingent préfectoral de logements sociaux, il a indiqué qu'il déposerait plusieurs amendements sur ce volet logement.
En réponse à ces divers intervenants, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis, a souligné que son expérience du premier acte de décentralisation lui confirmait que ce mouvement était indispensable pour faire évoluer la société française. S'agissant du financement de la réforme, après avoir rappelé que la Constitution apportait désormais de solides garanties, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, il s'est interrogé sur le rôle possible du comité des finances locales. Estimant que l'Etat devait conserver ses responsabilités en matière d'intérêt général, de sécurité, de définition des normes, de cohérence générale, et qu'il convenait d'éviter l'explosion du pays en une kyrielle de petites baronnies définissant leurs propres règles, il a toutefois considéré qu'il ne pouvait exercer correctement des compétences sur tout et qu'une gestion décentralisée des deniers publics était le plus souvent une garantie de leur bonne utilisation. Observant qu'avec ce mouvement, l'Etat pourrait mieux se concentrer sur ses prérogatives régaliennes tout en dépensant moins, il a estimé que la définition claire et lisible des blocs de compétences entre collectivités territoriales avait constitué le souci essentiel des rédacteurs du projet de loi.
Puis, pour répondre plus précisément à diverses interrogations, il a par ailleurs notamment indiqué :
- que la commission des lois devait, selon ses informations, déposer un amendement permettant d'examiner, dans le cadre d'une « clause de revoyure », les évolutions des dotations prévues pour compenser les transferts de charges ;
- qu'il proposerait un amendement permettant aux départements, qui sont dotés de services techniques, d'être consultés par les services de l'Etat en matière de normes applicables au réseau des routes nationales, étant cependant précisé que leur évolution dépendait désormais largement des décisions de l'Union européenne ;
- qu'il suggérerait également un amendement organisant la concertation entre les collectivités territoriales pour la mise en place du plan départemental d'élimination des déchets, qui est parfois délicat à mettre en oeuvre en pratique ;
- que le montant total des compétences transférées avoisinait les 13 milliards d'euros, à raison de 8 pour les départements, 4 pour les régions et 1 pour les communes ;
- que l'attribution des routes nationales serait effectuée par décret en Conseil d'Etat ;
- que si la décentralisation portuaire fixait un schéma général, le texte favorisait cependant une grande souplesse dans l'attribution des compétences et que, dans certains cas, le recours à des groupements de collectivités serait sans doute la méthode retenue ;
- que de manière générale, si la clarification des compétences était à l'évidence l'un des objectifs majeurs du texte, l'existence d'un certain degré de souplesse était toutefois nécessaire pour permettre des adaptations aux cas d'espèce ;
- que la délégation des compétences en matière de logement aux communes et à leurs groupements, dès lors que le préfet avait jugé de la validité d'un plan local de l'habitat, était un choix politique en faveur de la plus grande proximité.
A l'issue de cet échange, la commission a procédé à l'examen des amendements présentés par M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis.
A l'article 1er (compétences de la région en matière de développement économique), la commission a adopté six amendements rédactionnels ainsi que :
- à l'issue d'un débat dans lequel sont intervenus, outre le rapporteur pour avis, MM. Gérard Bailly, Joseph Kerguéris, Philippe Leroy et Daniel Reiner, un amendement fixant aux chambres consulaires un délai de trois mois pour adresser leur avis sur le projet de schéma régional de développement économique, délai à l'issue duquel cet avis sera réputé favorable ;
- un amendement précisant le délai dans lequel le conseil régional doit adresser au représentant de l'Etat dans la région un rapport relatif aux aides et régimes d'aides mis en oeuvre sur son territoire par les collectivités territoriales et leurs groupements au cours de l'année civile précédente, et limitant le contenu de ce rapport aux seuls aides et régimes d'aides prévus par le chapitre unique du titre premier du livre cinquième de la première partie du code général des collectivités territoriales (CGCT) ;
- un amendement rappelant que les communes et les départements peuvent accorder librement les aides prévues, respectivement, par le titre V du livre II de la deuxième partie et le titre III du livre II de la troisième partie du CGCT, c'est-à-dire les aides destinées à protéger les intérêts économiques et sociaux de leur territoire, telles que celles ayant pour but d'assurer le maintien des services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural lorsque l'initiative privée est défaillante ou absente, ou encore celles destinées aux entreprises en difficulté pour protéger les intérêts économiques et sociaux de la population départementale.
La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 2 (transfert de crédits d'Etat aux régions).
A l'article 3 (répartition des compétences dans le domaine du tourisme), outre deux amendements rédactionnels, la commission, après les interventions de MM. Gérard Bailly et Jean Pépin, a adopté un amendement confiant à la région, plutôt qu'au département, la responsabilité de l'agrément ou du classement des équipements et organismes de tourisme.
A l'article 4 (habilitation à modifier par ordonnance la législation relative aux offices de tourisme), la commission, après les interventions de MM. Gérard Bailly et Jean Pépin, a adopté un amendement tendant, pour l'essentiel, à autoriser les communes autres que les stations classées et les communes littorales, ainsi que leurs groupements, à créer des offices de tourisme sous forme d'établissement public industriel et commercial (EPIC), afin d'ouvrir à tous les communes et groupements la gamme des statuts possibles.
A l'article 12 (transfert aux départements de certaines routes nationales), la commission a adopté deux amendements, le premier, après une intervention de M. Daniel Raoul, pour permettre aux collectivités territoriales de définir, conjointement avec l'Etat, les actes de recherche dans le domaine des règles de l'art et de participer à la définition des normes et des dispositions techniques découlant de ces recherches, et le second pour imposer aux préfets de communiquer aux conseils généraux toutes les informations dont ils disposent sur la voirie nationale destinée à leur être transférée.
La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 13 (transfert du réseau routier national dans les départements et régions d'outre-mer).
A l'article 14 (institution de péages sur la voirie routière), elle a adopté un amendement rédactionnel et un amendement de coordination.
Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 15 (agents territoriaux habilités à constater et à réprimer les infractions à la police de la conservation du domaine public routier), de l'article 16 (définition et statut des routes à grande circulation) et de l'article 17 (intégration dans le régime législatif des plans d'urgence des plans de gestion de trafic et des plans d'action en cas d'intempéries).
A l'article 18 (éligibilité au FCTVA des fonds de concours versés à l'Etat par les collectivités territoriales et leurs groupements pour des opérations d'aménagement du domaine public national), après les interventions de MM. Gérard Bailly et Hilaire Flandre, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer la disposition selon laquelle l'apport des collectivités territoriales à l'opération routière doit représenter au moins la moitié de son coût total, et visant à rendre éligibles au FCTVA les cofinancements consentis par une collectivité territoriale pour des opérations réalisées sur le domaine routier d'une autre collectivité territoriale ainsi que les dépenses directement effectuées par une collectivité sur le domaine d'une autre.
Groupe de travail commun sur la péréquation - Communication
Interrompant alors momentanément son examen des amendements au projet de loi n° 4 (2003-2004) relatif aux responsabilités locales, la commission a entendu la communication de M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire, sur les conclusions du groupe de travail commun sur la péréquation.
M. Jean François-Poncet, président, a présenté les conclusions du groupe de travail commun sur la péréquation.
Il a tout d'abord rappelé que la commission des finances, la commission des affaires économiques et la délégation sénatoriale à l'aménagement et au développement durable du territoire avaient créé, au début du mois de juillet 2003, un groupe de travail commun de neuf membres sur la péréquation entre les départements. Il a précisé que le groupe l'avait chargé d'assurer sa présidence et avait désigné en qualité de rapporteur M. Claude Belot, membre de la commission des finances.
A la veille d'une nouvelle et importante étape de la décentralisation, il a estimé que le problème de la péréquation était devenu incontournable si l'on voulait éviter que les fractures qui marquent le territoire ne prennent une ampleur qui finirait par devenir inacceptable, et qui contreviendrait clairement à l'article 72-2 de la Constitution érigeant l'égalité entre collectivités en principe constitutionnel.
M. Jean François-Poncet, président, a indiqué que le rapport se composait de deux parties dont une annexe qui restitue l'ensemble des données rassemblées par un expert fiscal dont la compétence en matière de finances locales est reconnue par tous, le cabinet Michel Klopfer.
Après avoir rappelé que la loi « Pasqua » comportait un chapitre sur la péréquation et que la loi « Voynet » avait, quant à elle, maintenu ce chapitre sans que les dispositions concernées en soient pour autant appliquées, M. Jean François-Poncet, président, a déclaré que le groupe de travail avait essayé de réaliser une étude originale avec un instrument objectif permettant l'estimation la plus impartiale possible des inégalités entre départements.
Pour ce faire, il a précisé qu'il convenait de tenir compte des recettes et des charges et que, s'agissant de ces dernières, celles retenues avaient été les charges obligatoires des départements, c'est-à-dire les collèges, la voirie, les personnes âgées, l'enfance et la famille, le revenu minimum d'activité, les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et les handicapés. Cette évaluation, a-t-il ajouté, a abouti à l'élaboration d'un indice synthétique classifiant les départements.
Puis M. Jean François-Poncet, président, a souligné que le groupe de travail avait souhaité mesurer l'effet péréquateur de deux dotations : la dotation de fonctionnement minimale (qui bénéficie à 24 départements) et la dotation de péréquation, qui constituent, à elles deux, 58 % de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Il a relevé que l'étude révélait que ces dotations avaient un faible effet péréquateur.
Ensuite, M. Jean François-Poncet, président, a indiqué que le groupe de travail avait souhaité ouvrir des perspectives « sans se heurter à des obstacles infranchissables ». A cet égard, il a jugé qu'il devrait être possible de privilégier la péréquation dans la répartition de l'augmentation de la DGF dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité et ceci sur une durée de cinq ans.
M. Jean François-Poncet, président, a enfin déclaré que le groupe de travail n'avait pas encore tranché sur le point de savoir où il convenait de placer le « curseur » de la péréquation en considérant que cette question ferait l'objet d'un débat lors de la discussion sur la nouvelle architecture de la DGF.
Après les interventions de MM. Gérard Bailly, Dominique Braye, Charles Guéné et Daniel Reiner, la commission a décidé d'autoriser la publication des conclusions du groupe de travail sous la forme d'un rapport d'information.
Collectivités territoriales - Responsabilités locales - Examen du rapport pour avis - Suite
A l'issue de cette audition, la commission a repris l'examen des amendements présentés par M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis du projet de loi n° 4 (2003-2004) relatif aux responsabilités locales.
A l'article 19 (confirmation des engagements financiers conclus au titre des contrats de plan dans le domaine routier), la commission a adopté, après un débat auquel ont participé, outre le rapporteur pour avis, MM. Gérard Bailly, Hilaire Flandre et Daniel Reiner, un amendement précisant que les engagements financiers pris par l'Etat et les collectivités territoriales dans le cadre du volet routier des contrats de plan Etat-région sont valables jusqu'à l'achèvement des travaux commencés à la date du transfert, cet achèvement se matérialisant par la remise de l'ouvrage.
Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 20 (abrogation des décrets impériaux du 12 avril 1856 et du 23 juin 1866 relatifs à l'entretien de la voirie de Paris) et de l'article 21 (dispositif transitoire et optionnel en matière de maîtrise d'ouvrage d'opérations d'investissement en cours sur le réseau national transféré).
A l'article 22 (décentralisation des aéroports), la commission a adopté un amendement soumettant le représentant de l'Etat dans le département à l'obligation de communiquer aux collectivités ou groupements sollicitant le transfert de compétence toutes les informations dont il dispose sur l'aérodrome concerné.
Elle a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 23 (habilitation à légiférer par ordonnances en matière aéroportuaire).
A l'article 24 (décentralisation des ports maritimes d'intérêt national), la commission a adopté cinq amendements rédactionnels ainsi que :
- un amendement soumettant le représentant de l'Etat dans le département à l'obligation de communiquer aux collectivités ou groupements sollicitant le transfert de compétence toutes les informations dont il dispose sur le port maritime concerné ;
- un amendement autorisant le transfert éventuel à la région des ports maritimes départementaux existant à la date d'entrée en vigueur de la loi ;
- un amendement prévoyant, par coordination avec les dispositions du projet de loi, le transfert à la collectivité territoriale de Corse des plans d'eau des ports d'Ajaccio et de Bastia, dont le domaine portuaire terrestre a déjà été décentralisé en application de l'article 15 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse.
Puis elle a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 25 (habilitation à légiférer par ordonnances en matière portuaire).
A l'article 26 (transfert de cours d'eau, canaux, lacs, plans d'eau et ports intérieurs), la commission a adopté deux amendements visant à déplacer une disposition destinée à être insérée dans le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, un amendement tendant à imposer au représentant de l'Etat dans le département de communiquer aux collectivités territoriales et aux groupements intéressés qui en font la demande toutes les informations dont il dispose sur le domaine public fluvial susceptible de leur être transféré, un amendement ayant pour objet de supprimer le transfert automatique de propriété qui était envisagé pour les trois régions ayant accepté, sur le fondement de la loi de décentralisation du 22 juillet 1983, un transfert de gestion des voies d'eau nationales, et à leur permettre de rejoindre le dispositif d'expérimentation, enfin un amendement rédactionnel.
Elle a ensuite émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 27 (compétence départementale en matière de construction et de gestion d'infrastructures de transports ferrés ou guidés de voyageurs).
A l'article 28 (transfert aux régions de la propriété des ouvrages de l'Etat concédés aux sociétés d'aménagement régional), la commission a adopté un amendement précisant que le représentant de l'Etat dans la région communique à la région tous les renseignements lui permettant de solliciter le transfert en connaissance de cause.
Puis elle a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 29 (création du Syndicat des transports d'Ile-de-France -STIF-), de l'article 30 (ressources du nouvel établissement public) et de l'article 31 (nouvelle compétence du STIF en matière d'élaboration et de révision du plan de déplacements urbains (PDU) de la région d'Ile-de-France).
A l'article 32 (nouvelle compétence du STIF en matière de transport scolaire et de transport des élèves et étudiants handicapés), la commission a adopté un amendement de coordination.
A l'article 33 (entrée en vigueur des articles 29 à 32 du projet de loi), elle a adopté un amendement précisant qu'avant l'entrée en vigueur de la réforme, le représentant de l'Etat dans la région communiquera aux collectivités territoriales membres du STIF toutes les informations en sa possession concernant le syndicat.
Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 34 (modalités d'application du chapitre III du titre II du projet de loi).
A l'article 35 (décentralisation expérimentale des fonds structurels), elle a adopté un amendement qui affiche l'égale vocation des différents niveaux de collectivités territoriales à bénéficier, si l'Etat le juge utile, d'une délégation globale de compétences pour la gestion des fonds structurels.
A l'article 36 (transfert aux départements de la compétence d'élaboration du plan d'élimination des déchets), la commission a adopté deux amendements, l'un précisant que les collectivités locales et leurs groupements exerçant la compétence d'élimination et de traitement des déchets sont associés à l'élaboration du plan d'élimination des déchets, et l'autre indiquant que les associations agréées de consommateurs et, dans la région d'Ile-de-France, les conseils généraux, sont membres de la commission consultative participant à l'élaboration du plan.
A l'article 37 (modalités de mise en oeuvre et conditions de révision des plans d'élimination des déchets), elle a adopté, après une intervention de M. Daniel Reiner, un amendement précisant les conditions dans lesquelles pouvait s'exercer le pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le département en matière d'élaboration ou de révision d'un plan d'élimination des déchets ménagers.
Après l'article 37, la commission a adopté un article additionnel de cohérence concernant la demande de nouvelle délibération ou de mise en révision d'un plan régional d'élimination des déchets industriels spéciaux (PREDIS) par le préfet.
Puis elle a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 38 (dispositions transitoires).
A l'article 49 (délégation des aides à la pierre aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale -EPCI-), la commission a, outre deux amendements rédactionnels, adopté :
- un amendement permettant à tous les EPCI, sans condition de seuil démographique, de conclure une convention de délégation pour la gestion des aides à la pierre, M. Daniel Raoul ayant exprimé les réserves du groupe socialiste ;
- deux amendements prévoyant que les montants des droits à engagement sur lesquels l'Etat s'engage dans le cadre des conventions de délégation ne sont pas prévisionnels mais fermes, sous réserve des dotations ouvertes en loi de finances ;
- quatre amendements précisant que les conventions de délégation, pour les EPCI et les départements, fixent l'échéancier de versement des crédits de paiement et que cet échéancier contribue également à la détermination du montant des crédits de paiement versé chaque année aux collectivités délégataires ;
- un amendement tendant à prévoir que le programme local de l'habitat fixe les conditions de mise en place d'un dispositif d'observation de l'habitat, M. Daniel Raoul indiquant qu'il serait opportun d'examiner dans quelle mesure il pourrait être procédé à une harmonisation du périmètre du programme local de l'habitat et de celui du schéma de cohérence territorial ;
- un amendement précisant les conditions dans lesquelles les collectivités locales peuvent apporter des aides pour l'amélioration de l'habitat aux propriétaires occupants ;
- un amendement visant à permettre aux collectivités locales concernées par l'article 49 de conclure une convention avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, par laquelle celle-ci leur délèguerait la gestion des concours financiers qu'elle affecte aux opérations de renouvellement urbain, et précisant que le préfet de département est le délégué territorial de l'Agence.
A l'article 50 (décentralisation des fonds de solidarité pour le logement -FSL- et élargissement de leurs missions), la commission a, outre un amendement de clarification rédactionnelle, adopté :
- un amendement de précision énumérant les personnes morales devant être associées à l'élaboration et à la mise en oeuvre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, ainsi qu'un amendement de coordination avec ce dernier ;
- un amendement permettant aux départements de confier la gestion du FSL à un groupement d'intérêt public.
A l'article 51 (transfert aux communes et aux EPCI des opérations de construction, de reconstruction et d'équipement des locaux destinés au logement des étudiants), la commission a adopté :
- après une intervention de M. Daniel Reiner, un amendement visant à limiter le transfert des logements étudiants aux seules communes et seuls EPCI qui en font la demande ;
- un amendement prévoyant que, dans les cas où les collectivités locales demandent cette compétence, le transfert des biens meubles et immeubles appartenant à l'Etat et affectés au logement des étudiants sera effectué à titre gratuit ;
- un amendement précisant que la convention de gestion de ces logements passée entre une collectivité locale et le centre régional des oeuvres universitaires dresse un diagnostic de l'état des logements et prévoit un programme de travaux.
Puis elle a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 52 (aide gratuite de l'Etat à l'instruction des actes d'application du droit des sols).
Enfin, la commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié, le groupe socialiste votant contre.
Groupe d'étude sur l'énergie - Déplacement aux Etats-Unis - Communication
Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Marcel Deneux, vice-président, la commission a tout d'abord entendu la communication de M. Jean Besson, au nom du groupe d'étude sur l'énergie, sur le déplacement aux Etats-Unis effectué en septembre, par celui-ci.
M. Jean Besson a, tout d'abord, rappelé que son intervention dressait le bilan d'une mission réalisée aux Etats-Unis dans le cadre du groupe d'étude de l'énergie, en compagnie des sénateurs Jacques Valade, vice-président de ce groupe, et Alex Türk, laquelle avait pour objet d'étudier le secteur électrique américain.
Présentant les principales conclusions de cette étude, il a indiqué que la gigantesque panne qu'a connue l'est américain le 14 août 2003 était liée à la surcharge d'une ligne à haute tension, combinée à un court-circuit provoqué par la chute d'un arbre, lesquels avaient entraîné une mise hors tension des centrales nucléaires et la privation d'électricité pendant 40 heures pour 50 millions de consommateurs. Cet événement illustre, a-t-il observé, outre un manque de coordination des opérateurs électriques, un défaut de souplesse et une vétusté du réseau de transport qui nécessiteraient des investissements évalués de 50 à 100 milliards de dollars. Il s'est déclaré convaincu de ce que la fiabilité et la sécurité électriques dépendent des modalités techniques de l'organisation du marché, de sa régulation et de sa capacité à garantir le financement des investissements que nécessite l'évolution de la demande, tant en termes de production que de transport, quel que soit son degré d'ouverture à la concurrence.
Evoquant le mouvement de libéralisation entamé en 1978, M. Jean Besson a souligné qu'il avait abouti à la création de plusieurs systèmes électriques aux Etats-Unis, dans le cadre des règles fixées par chaque Etat. Vingt-quatre d'entre eux, après avoir entrepris une réforme de ce secteur, ont enregistré des résultats contrastés, caractérisés par des échecs lorsque le système ne permet pas d'assurer l'adéquation de l'offre et de la demande (comme en Californie) et le succès dans les Etats où la coopération des opérateurs et les modes de régulation assurent la fluidité, la transparence et la fiabilité du système (à l'instar du Texas et de la Pennsylvanie). Globalement, a déclaré M. Jean Besson, les Etats s'efforcent désormais de tirer les leçons de la crise et de corriger les erreurs commises par le passé.
Puis il a identifié les problèmes principaux qui se posent sur le marché électrique américain :
- la diversité des règles applicables dans chacun des Etats ;
- la complexité de la régulation, la Federal Energy Regulatory Commission ne disposant que d'un pouvoir limité puisque certains réseaux échappent à sa compétence ;
- la faible intégration des réseaux, constitués autour de trois pôles régionaux (Est, Ouest et Texas) peu reliés entre eux ;
- le manque d'indépendance des gestionnaires des réseaux de transport d'électricité par rapport aux entreprises de production qui constituent souvent des monopoles naturels ;
- la faiblesse des investissements dans les infrastructures de transport entraînant des goulets d'étranglement malgré une surcapacité globale de production ;
- enfin, la difficulté de réaliser de nouvelles capacités de production, pourtant justifiées par les perspectives de croissance de la demande.
M. Jean Besson a souligné que, dans ce contexte, certains Etats avaient organisé un système électrique leur donnant satisfaction, à l'instar du Texas qui a ouvert son marché à la concurrence, dans le cadre d'une réglementation conséquente, et du grand réseau Pennsylvania, Jersey, Massachussets (PJM) dans lequel sept Etats ont constitué une entité électrique cohérente qui dessert 25 millions de consommateurs, lesquels ont été peu touchés par la panne d'août 2003.
Il a remarqué également que la Californie réorganisait son système, à la suite de cette crise, due notamment à la conjonction de plusieurs facteurs : la rigidité des prix et de l'offre qui avait vraisemblablement permis une manipulation du marché par les producteurs, des conditions climatiques défavorables à cause de la sécheresse, un prix élevé du gaz et une forte demande. Cet Etat, a-t-il souligné, est désormais soucieux de renforcer la régulation du marché, de mettre en service de nouvelles capacités de production et de restructurer le réseau de transport.
Comparant la situation européenne à celle précédemment décrite, M. Jean Besson s'est réjoui que l'Europe ait évité certains écueils notamment grâce à l'indépendance dont jouissent les gestionnaires de réseaux de transport et au fait que ces gestionnaires ont à la fois la charge de la gestion des flux d'électricité et la propriété des lignes électriques, ce qui permet une meilleure programmation des investissements.
Après avoir souligné que le développement d'interconnexions entre Etats européens renforcerait la sécurité du réseau, M. Jean Besson a évoqué la panne survenue en Italie le 28 septembre dernier et s'est gardé de tout triomphalisme ou d'excès d'optimisme, avant d'insister sur le fait qu'aux Etats-Unis comme en Europe, on rencontrait des difficultés similaires face au défi de la sécurisation du système électrique. Il a cité, à ce titre, les réticences que suscite la construction des nouvelles lignes à très haute tension, observant toutefois que l'Europe avait, par rapport aux Etats-Unis, la chance de disposer d'un outil de production plus concentré et d'un maillage plus serré de son réseau de transport.
Commerce international - Organisation mondiale du commerce après la Conférence de Cancùn - Audition de M. Pascal Lamy, membre de la Commission européenne
- Présidence de M. Gérard Larcher, président et de M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union Européenne-
Enfin, la commission a procédé, conjointement avec la délégation du Sénat pour l'Union européenne, à l'audition de M. Pascal Lamy, membre de la Commission européenne chargé du commerce, sur les perspectives des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce après la Conférence de Cancùn.
Après avoir rappelé que le Commissaire Pascal Lamy était accueilli conjointement par la commission des affaires économiques et par la délégation pour l'Union européenne, M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union Européenne, a évoqué les récents travaux du Sénat sur l'OMC à travers un rapport d'information de M. Jean Bizet, préalablement à la Conférence de Cancùn, puis, postérieurement à la Conférence, un rapport d'information des trois sénateurs présents à Cancùn, MM. Jean Bizet, Michel Bécot et Daniel Soulage et, enfin, une question orale avec débat en séance plénière du Sénat, le 14 octobre 2003.
Estimant regrettable que l'Europe se soit retrouvée face aux pays les plus pauvres en position d'accusée, au même titre que les Etats-Unis, M. Hubert Haenel a souligné qu'il était extrêmement paradoxal que l'Union européenne ait été la seule à multiplier les concessions depuis Doha - de la réforme de la politique agricole commune à l'initiative « tout sauf les armes » ou à ses efforts sur l'accès aux médicaments - sans en retirer aucun crédit auprès des pays les plus pauvres, notamment africains. En conséquence, il a interrogé M. Pascal Lamy sur les actions de communication à mener pour remédier à ce problème préoccupant.
Après avoir salué la qualité du rapport d'information de M. Jean Bizet, présenté préalablement à la Conférence de Cancùn et, plus généralement, l'implication du Sénat dans la construction européenne, M. Pascal Lamy a qualifié la Conférence de Cancùn d'échec. En effet, a-t-il indiqué, celle-ci n'a pas permis de confirmer l'échéance de la fin 2004 pour le cycle de négociations, et l'échec a été tel qu'il a même empêché tout début de négociation.
Abordant la question des causes de cet échec, il a récusé toute « théorie du complot », et avancé deux hypothèses possibles.
S'agissant de la première hypothèse, celle de l'incident de parcours, M. Pascal Lamy a expliqué que l'équilibre entre les éléments positifs et négatifs de la négociation avait basculé du mauvais côté de la balance pour la plupart des acteurs.
Il a d'abord jugé que les Etats-Unis ne voulaient pas faire de concession sur le problème du coton, en année préélectorale. Au sujet du G21, composé notamment de la Chine, de l'Inde, des Philippines, du Brésil, d'autres pays émergents et de la plupart des pays d'Amérique latine, il a jugé que celui-ci avait une « mère agricole » et un « père politique ». Une « mère agricole », a-t-il observé, car la plupart des membres de ce groupe ont intérêt à une suppression des subventions à l'agriculture et, un « père politique », car ce groupe est un peu le reflet de la coalition anti-américaine et une réincarnation du groupe des 77. M. Pascal Lamy, tout en s'interrogeant sur la longévité de cette alliance, a suggéré que celle-ci « grisée » par son succès politique, avait pu estimer qu'elle n'avait pas intérêt à entrer dans une phase de négociation active.
A propos du G90, qui réunissait pour l'essentiel les pays Afrique - Caraïbes - Pacifique (ACP) et les pays les moins avancés, il a rappelé que ce groupe avait directement fait échouer la négociation au moment où les « sujets de Singapour » (investissements, concurrence, marchés publics, facilitation des échanges) étaient abordés. M. Pascal Lamy a expliqué cette réaction par la volonté des pays les plus pauvres de ne pas laisser au G21 le monopole de la représentation du Sud contre le Nord.
Après avoir fait valoir que l'Union européenne, quant à elle, avait beaucoup fait pour que les discussions avancent -en réformant la politique agricole commune, puis en acceptant de limiter le champ de la négociation sur les sujets de Singapour-, M. Pascal Lamy a conclu que selon cette « thèse de l'accident », il serait possible de se rencontrer à brève échéance pour donner une nouvelle chance à la négociation.
Abordant la seconde explication, plus structurelle, M. Pascal Lamy a évoqué l'idée selon laquelle le jeu de la négociation, tel qu'il a été mené depuis cinquante ans, est en train de changer : Cancùn incarnerait, dans cette perspective, l'échec d'un modèle désormais inadapté.
A l'appui de cette thèse, il a cité quelques exemples :
- les pays du G90, qui disposent de préférences commerciales sur le marché européen ont-ils intérêt à un abaissement généralisé des tarifs douaniers, qui diminuerait l'avantage relatif que leur procure le système des préférences ?
- les pays ayant des protections en matière textile ont-ils intérêt à des réductions tarifaires, alors qu'ils savent que la Chine, qui dispose d'avantages comparatifs colossaux, prendra la plus grosse part des bénéfices de cette ouverture, et qu'elle en profitera beaucoup plus qu'un pays comme l'Ile Maurice ?
- l'OMC a peu de moyens avec 500 fonctionnaires, contre 2 000 pour l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) par exemple, et fonctionne selon un mode assez « rudimentaire ». Avec 148 pays et 5 représentants par pays en moyenne, et avec un principe « un État, une voix », il est impossible de rédiger un texte en assemblée plénière, si bien que l'on compense cette incapacité par des dispositifs informels et des « facilitateurs ». En outre, a-t-il ajouté, que le Président de la Conférence ait pu stopper la négociation sans consulter quiconque officiellement est le signe d'un vrai problème de fonctionnement global.
Concluant sur cette question, M. Pascal Lamy a estimé que l'explication de l'échec empruntait aux deux thèses.
S'agissant des conséquences à tirer de la Conférence, il s'est montré dubitatif sur la possibilité d'un redémarrage de la négociation sur la base du dernier texte en discussion à Cancùn, comme l'ont récemment demandé les pays de l'APEC (Coopération économique Asie-Pacifique). En tout état de cause, a-t-il insisté, l'Union européenne doit repenser sa position à partir de quatre questions de fond, qui ont été posées à la Commission, au Conseil, et au Parlement européen :
- Première question : les deux piliers qui déterminent l'équilibre de la position européenne - oui à l'ouverture des échanges, mais à condition de règles du jeu transparentes et acceptées par tous - sont-ils maintenus ?
- Deuxième question : l'Europe doit-elle continuer à donner la priorité au multilatéralisme par rapport au bilatéralisme ?
- Troisième question : quelle est la contribution de l'ouverture des échanges au développement ? Cette question doit conduire à un réexamen de la question des préférences et de leurs effets.
- Quatrième question : comment le fonctionnement de l'OMC peut-il être amélioré ?
M. Pascal Lamy a enfin fait valoir que d'autres acteurs devaient modifier leurs positions.
Un large débat s'est ensuite instauré.
Répondant à M. Hubert Haenel sur l'attitude des pays pauvres, il a d'abord estimé qu'il était plus facile pour les pays du Sud de mettre en avant une opposition Nord-Sud globale. Ainsi, sur la question du coton, a-t-il expliqué, attaquer uniquement les États-Unis constituerait pour les pays d'Afrique une position diplomatiquement difficile à tenir et trop déséquilibrée, alors mêmes que les américains soutiennent davantage leurs producteurs que les européens.
M. Pascal Lamy a ensuite estimé que l'accord agricole du 14 août dernier entre l'Europe et les Etats-Unis avait pu donner aux pays pauvres le sentiment que l'Europe et les États-Unis étaient d'accord pour conduire la négociation sur la base de leurs propres positions, alors même que cet accord avait été passé à la demande des pays pauvres.
En conclusion, M. Pascal Lamy a rappelé que les positions à l'OMC étaient motivées par des intérêts principalement, sinon exclusivement, mercantilistes, et a estimé illusoire d'espérer la bienveillance des pays les plus démunis pour les gestes importants accomplis envers eux par l'Union européenne.
Après avoir félicité M. Pascal Lamy pour sa défense de l'Union européenne à Cancùn, M. Marcel Deneux l'a interrogé sur la pertinence d'une réforme du rôle et du fonctionnement de l'ensemble des organisations internationales visant à adopter une vision globale et non sectorielle des problèmes. Relativisant la notion d'échec à Cancùn, en mettant en avant l'accord sur l'accès aux médicaments, il a ensuite posé deux questions, sur l'avenir de la clause de paix et sur la position des Etats-Unis en 2004, compte tenu de leur échéance électorale.
M. Jean Bizet a d'abord adressé ses félicitations à M. Pascal Lamy, pour la clarté de son discours et le maintien de l'unité européenne observés à Cancùn, ainsi que pour sa participation, essentielle, à l'accord sur les médicaments. Celui-ci constitue une avancée importante, a-t-il ajouté, même si des actions doivent encore être menées, en matière de prévention, de distribution et de prescription des médicaments.
S'interrogeant sur d'éventuelles erreurs de l'Union européenne à Cancùn, il a estimé nécessaire de faire preuve d'humilité. A cet égard, il a déploré que l'accord agricole du mois d'août, au demeurant nécessaire, n'ait pas fait l'objet, en Europe et en France, de suffisamment d'explications, peut-être en raison de la période estivale.
A propos des conséquences de la Conférence, il a interrogé M. Pascal Lamy sur l'opportunité d'une évolution de l'OMC vers un fonctionnement par « cercles » et une remise en cause du principe « un pays/une voix ». Il a également exprimé ses réserves sur une transformation de l'OMC en « succursale de l'Organisation des Nations unies ».
Relevant que les Etats-Unis avaient annoncé la reprise des négociations bilatérales avec l'Australie, M. Jean Bizet s'est interrogé sur les bénéfices que l'Union européenne pouvait retirer de son ouverture à l'Est dans l'hypothèse d'un développement du bilatéralisme.
A propos de la négociation agricole, enfin, il a demandé à M. Pascal Lamy quand prenait fin la clause de paix agricole -fin 2003 ou fin 2004- et quelles conséquences aurait celle-ci sur l'agriculture. Il a également fait part de ses inquiétudes sur le risque qu'avec le temps, les acquis de l'accord de Luxembourg sur la politique agricole commune ne s'émoussent, ce qui pourrait conduire à faire à nouveau « payer » l'agriculture européenne.
M. Xavier de Villepin, après avoir émis des craintes sur l'éloignement des pays d'Amérique latine par rapport à l'Europe, a demandé à M. Pascal Lamy s'il était possible que les Etats-Unis réalisent rapidement la zone de libre-échange avec l'Amérique latine.
Après avoir félicité M. Pascal Lamy pour sa conduite des négociations, M. Louis Le Pensec a posé trois questions, relatives à l'impact des Organisations non gouvernementales dans l'échec de Cancùn, à l'avenir de l'accord agricole avec les Etats-Unis, et à l'analyse par le groupe des 90 de l'échec de Cancùn.
Exprimant son souhait d'une plus grande transparence et d'une plus large association de la société civile, M. Hilaire Flandre a demandé si l'émergence du G21, qui représente la moitié de la population mondiale, n'était pas motivée par le souci des pays concernés de protéger une industrie émergente. Il s'est également interrogé sur l'établissement de liens entre les différentes structures de l'ONU - Organisation mondiale de la Santé (OMS), Organisation internationale du Travail (OIT), Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO)... - pour éviter que, par dépit, certains pays ne fassent échouer des négociations commerciales sur des sujets qui pourraient être discutés ailleurs.
Enfin, M. Lucien Lanier a interrogé M. Pascal Lamy sur la responsabilité des Etats-Unis dans l'échec de Cancùn, et sur l'importance de leur place dans les négociations à venir.
En réponse aux différents intervenants, M. Pascal Lamy a exposé les éléments suivants :
- il existe actuellement un « archipel d'organisations internationales » qui ne sont pas reliées entre elles, comme s'il y avait des ministères ou des agences mondiales, mais pas de Gouvernement. L'OMC, pour sa part, dispose d'une visibilité plus forte, notamment grâce à son organe juridictionnel de règlement des différends. Certes, les règles strictement commerciales ne doivent pas prendre le pas sur les autres règles, mais celles-ci ne sont pas suffisamment contraignantes à l'heure actuelle ;
- un regroupement de toutes les organisations internationales, dont l'OMC, sous l'égide de l'ONU, est une idée séduisante, mais l'ONU n'est pas vraiment un modèle de gouvernance ;
- s'agissant de l'OMC, la mise en place d'une « géométrie variable » par pays est effectivement pertinente, même si elle s'oppose à l'idée d'universalité qui s'attache au droit. Toutefois, il existe déjà un accord plurilatéral, et non multilatéral, en matière de réglementation des achats publics ;
- les premières négociations bilatérales post-Cotonou sont en cours avec l'Afrique, et visent à transformer les préférences en accords de libre-échange « OMC compatibles » ;
- la clause de paix agricole devrait prendre fin au 31 décembre 2003, même s'il y a un débat entre juristes sur ce point. D'ores et déjà, sur le sucre, le Brésil et l'Australie ont engagé une procédure contre l'Union européenne. S'agissant des conséquences de la fin de la clause de paix, certains considèrent que cela ne changera rien à l'équilibre actuel de la discussion, d'autres pensent qu'elle constituera une incitation à négocier, du fait de la multiplication des contentieux ;
- à propos de la suite des négociations, il n'est pas certain que la tenue d'élections aux États-Unis soit un obstacle dirimant car le rapport de forces est relativement équilibré entre les agriculteurs américains favorables à la libéralisation et les autres ;
- l'élargissement à l'Est ne pose aucune difficulté pour 2004 puisque les nouveaux adhérents sont en accord avec les quinze et à Cancùn, les conseils des ministres se tenaient d'ailleurs à vingt-cinq ;
- l'accord avec les Etats-Unis a certes été tardif, mais la réforme de la politique agricole commune l'a elle-même été. En outre, les « marketing loans » et l'aide alimentaire américaine font partie de l'accord du 14 août, même s'ils ne font pas l'objet d'indication chiffrée. La question de la caducité de cet accord n'est pas tranchée ;
- sur le débat multilatéralisme/bilatéralisme, il faut rappeler que l'Europe a conclu beaucoup d'accords bilatéraux. Il n'est pas certain, au demeurant, que les négociations lancées par les Etats-Unis aboutissent à des accords, car il s'agit de discussions très difficiles ;
- s'agissant de l'accord de Luxembourg sur la PAC, l'Union européenne n'est pas réellement confrontée au risque de « payer deux fois » car une bonne négociation agricole conduirait plutôt à « encaisser deux fois », c'est-à-dire à obtenir une réforme de la politique agricole américaine pour le prix de la réforme de la PAC ;
- le G21 n'est pas un groupe de circonstance, car le ciment de ce groupe est politique. L'Union européenne doit continuer à entretenir de bonnes relations avec l'Amérique latine. Quant à la création d'une zone de libre-échange avec l'Amérique latine, elle comporte un volet agricole très délicat et ne devrait pas intervenir dans un délai rapproché ;
- le rôle des ONG a été très important, à la hauteur des moyens qu'elles ont engagés en envoyant à Cancùn plus de 2 000 représentants et certaines d'entre elles avaient des services de presse sept fois plus importants que celui de l'Union européenne. Ces ONG ont préparé les documents des pays africains et leur ont offert une assistance technique très pointue ;
- le G90 ne s'est pas exprimé collectivement depuis Cancùn. On n'a entendu que quelques déclarations isolées, pas très encourageantes sur l'OMC, comme celles du Président Wade récemment à Strasbourg ;
- il n'est pas sûr que les États-Unis souhaitaient un échec à Cancùn et n'auraient pas préféré une négociation globale, dans laquelle aurait été intégrée la question du coton, au lieu de la traiter isolément. Pour l'avenir, la clé du succès n'est pas dans la main des États-Unis mais dans beaucoup de mains, et il convient de se demander incidemment si les parties prenantes à l'OMC partagent encore un intérêt commun et un « affectio societatis » à poursuivre les négociations.