AFFAIRES ECONOMIQUES ET PLAN
Table des matières
Mercredi 2 juin 1999
- Présidence de M. Jean-Marc Pastor, vice-président. -
Traités et conventions - Avenant à la concession concernant la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une liaison fixe à travers la Manche - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Désiré Devavelaere sur le projet de loi n° 326 (1998-1999), portant approbation d'un avenant à la concession concernant la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une liaison fixe à travers la Manche, signée le 14 mars 1986.
M. Désiré Debavelaere a d'abord déclaré que l'avenant dont le projet de loi proposait l'approbation insérait dans le contrat de concession un accord intervenu entre les Etats concédants et les concessionnaires, prévoyant une prolongation de 34 ans de la durée de la concession, de 2052 à 2086.
Il a indiqué que l'accord stipulait aussi le versement par les concessionnaires, à partir de 2052, d'une somme totale, incluant toutes les formes d'imposition sur les sociétés, égale à 59 % des bénéfices avant impôt.
Le rapporteur a précisé que l'avenant permettrait l'émission et la distribution de bons de souscription d'actions aux actionnaires présents dans l'entreprise préalablement à la conversion d'une partie de la dette en actions afin de limiter la dilution du capital.
Après avoir brossé brièvement l'historique de la réalisation du projet franco-britannique Eurotunnel, et évoqué le rôle des différents intervenants, M. Désiré Debavelaere a rappelé que le besoin total de financement de l'opération avait évolué d'un montant estimé à 49 milliards de francs en 1987 à un montant de 105 milliards de francs en 1994, compte tenu des contraintes nouvelles liées notamment à la sécurité, des retards et des révisions à la baisse des perspectives de trafic.
Le rapporteur a relevé que la dette accumulée -de l'ordre de 80 milliards de francs- avait engendré en 1994 des intérêts de l'ordre de 6 milliards de francs alors qu'en 1987, ces frais financiers avaient été estimés à 2 milliards. Au mois de septembre 1995, a-t-il ajouté, le groupe Eurotunnel " jetait l'éponge " et suspendait le paiement des intérêts de la plus grande partie de sa dette.
M. Désiré Debavelaere a ensuite mis l'accent sur l'évolution du cours du titre Eurotunnel de 1987 à 1994 avant de rappeler qu'une négociation, engagée à partir de l'automne 1995 avec les représentants des quelque 200 banques prêteuses, avaient abouti à un plan de restructuration de la dette approuvé le 10 juillet 1997 par l'Assemblée générale des actionnaires d'Eurotunnel et le 29 janvier 1998 par l'ensemble des banques constituant le syndicat bancaire.
Le rapporteur a signalé que ces discussions avaient bénéficié de l'assistance de deux mandataires ad hoc désignés par le président du tribunal de commerce de Paris, M. Robert Badinter et Lord Wakeham.
Après avoir précisé le contenu du plan de restructuration de la dette -portant sur un montant de l'ordre de 77 milliards de francs- le rapporteur a indiqué qu'il s'était traduit par une diminution d'environ 40 % des charges financières d'Eurotunnel.
D'autre part, a-t-il ajouté, la mise en oeuvre du plan a entraîné d'importants mouvements sur le titre. Au 31 décembre 1998, le capital d'Eurotunnel se répartissait de la manière suivante :
- 40,9 % entre les mains de 556.000 actionnaires individuels français ;
- 6,8 % entre les mains de 141.000 actionnaires individuels anglais ;
- 10 % entre les mains de 2.250 investisseurs institutionnels français ;
- 6,3 % entre les mains de 490 investisseurs institutionnels anglais ;
- 36 % entre les mains d'autres comptes.
Parallèlement à l'amélioration de la structure d'endettement, le rapporteur a relevé les bons résultats commerciaux enregistrés récemment. Les produits d'exploitation ont ainsi augmenté de 26 % en 1998 et de 18 % au premier trimestre 1999 ; 20 millions de personnes et 11 millions de tonnes de fret ont traversé le tunnel sous la Manche en 1998, contre 15 millions de personnes et 6 millions de tonnes de fret en 1997. Les navettes tourisme d'Eurotunnel ont, pour leur part, transporté 3,35 millions de voitures et 96.324 autocars, soit des progressions respectives de 45 % et de 49 % par rapport à 1997.
M. Désiré Debavelaere a estimé que l'accord sur la prolongation de la durée de la concession devrait faciliter la mise en oeuvre du plan de restructuration financière et assurer la survie de l'entreprise en réduisant la charge annuelle d'amortissement, en améliorant le bénéfice après impôt et en permettant sans doute d'avancer la date à laquelle un premier dividende pourrait être versé aux actionnaires.
Puis le rapporteur a signalé que les mesures proposées, si elles ont été approuvées par la majorité des actionnaires d'Eurotunnel, ne recueillaient pas pour autant l'unanimité.
Certains petits épargnants, a-t-il ajouté, qui avaient parié sur le " chantier du siècle ", considèrent aujourd'hui qu'ils ont perdu les deux tiers de leur " mise " et appellent peu ou prou de leurs voeux un mécanisme d'indemnisation publique.
Après avoir souligné que le caractère mixte du groupe réduisait la marge de manoeuvre des Etats, le rapporteur a relevé que les exigences anglaises sur le prélèvement des bénéfices d'Eurotunnel à compter de 2052 étaient encore supérieures et que l'accord intervenu ne laissait guère de place à une solution alternative crédible.
En conclusion, M. Désiré Debavelaere a mis l'accent sur les incertitudes liées à la situation financière délicate du groupe, ainsi qu'à l'impact de la suppression probable du " duty free " à compter du 1er juillet 1999.
Puis il a proposé à la commission d'adopter le projet de loi sans modification.
M. François Gerbaud s'est inquiété des conséquences de la suppression éventuelle du " duty free " sur les aéroports.
En réponse à M. Ladislas Poniatowski, le rapporteur a indiqué qu'en 2086 les deux Etats français et britannique reprendraient possession de l'ouvrage en mettant fin à la concession.
Après les interventions de MM. Jean-Marc Pastor, président, Louis Besson, Marcel Deneux, François Gerbaud et Daniel Piras, la commission, suivant les conclusions de son rapporteur, a approuvé le projet de loi qui lui était soumis.