AFFAIRES ECONOMIQUES ET PLAN

Table des matières


Mercredi 20 octobre 1999

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président. -

PJLF pour 2000 - Nomination des rapporteurs pour avis

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à la désignation de ses rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2000. Ont été nommés :

M. Gérard César Agriculture

- M. Alain Gérard Pêche

- M. Henri Revol Développement rural

- M. Bernard Dussaut Industries agricoles et alimentaires

- M. Francis Grignon Industrie

- M. Jean Besson Energie

- M. Jean-Marie Rausch Recherche

- M. Jean-Jacques Robert PME, commerce et artisanat

- Mme Odette Terrade Consommation et concurrence

- M. Michel Souplet Commerce extérieur

- M. Jean Pépin Aménagement du territoire

- Mme Janine Bardou Plan

- M. Georges Gruillot Routes et voies navigables

- M. Jean-Pierre Plancade Logement

- M. Jacques Bellanger Urbanisme

- M. Charles Ginesy Tourisme


M. Jean Bizet Environnement

- M. Georges Berchet Transports terrestres

- M. Jean-François Le Grand Aviation civile et transport aérien

- Mme Anne Heinis Mer

- M. Pierre Hérisson Technologies de l'information et Poste

- M. Rodolphe Désiré Outre-mer

- M. Gérard Larcher Ville.

Nomination de rapporteur

Puis la commission a nommé M. Jean-François Le Grand rapporteur du projet de loi n° 484 (1998-1999), portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.

Energie - Modernisation et développement du service public de l'électricité - Désignation de candidats pour faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire

La commission a ensuite procédé à la désignation de sept candidats titulaires et de sept candidats suppléants, appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Ont été désignés comme candidats titulaires : MM. Jean François-Poncet, Henri Revol, Philippe François, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Henri Weber et Pierre Lefebvre, et comme candidats suppléants : MM. Georges Berchet, Jean Besson, Dominique Braye, Jean Huchon, Gérard Larcher, Gérard Le Cam et Ladislas Poniatowski.

Organisme extraparlementaire - Comité local d'information et de suivi du laboratoire souterrain de Burre

La commission a ensuite décidé de reporter à l'ordre du jour de la réunion de commission du mardi 26 octobre la désignation des candidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein du Comité local d'information et de suivi du laboratoire souterrain de Bure.

Organisme extraparlementaire - Fonds d'intervention pour les aéroports et les transports aériens - Désignation des candidats

Puis la commission a désigné M. Jean François-Poncet en qualité de candidat titulaire proposé à la nomination du Sénat pour siéger au sein du comité de gestion chargé de donner un avis sur l'emploi des crédits inscrits sur les chapitres relatifs aux plates-formes aéroportuaires du fonds d'intervention pour les aéroports et les transports aériens.

Audition de M. Thierry Desmarest, président-directeur général de Totalfina

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Thierry Desmarest, président-directeur général de Totalfina.

M. Thierry Desmarest
a, tout d'abord, déclaré que la fusion Totalfina et d'Elf répondait au dessein de combiner des forces complémentaires, afin de créer le 4e groupe pétrolier mondial, d'une capitalisation boursière de 600 milliards de francs. Ce groupe, a-t-il précisé, aura une production de 2,1 millions de barils d'équivalent pétrole par jour (MBEP/J), une capacité de raffinage de 2,4 MB/J et des réserves de 9.600 MBEP. La constitution de cette nouvelle entreprise, a-t-il ajouté, dotera l'industrie française d'un nouvel atout, puisque la production de Totalfina et d'Elf correspondra approximativement à la consommation nationale de produits pétroliers et de gaz naturel, tandis que l'accroissement du résultat net par action obtenu par la mise en oeuvre des synergies avoisinera 6 % à l'horizon 2002.

Le président directeur général de Totalfina a fait valoir que le nouveau groupe jouirait d'un réel potentiel d'accroissement en termes de productivité et de rentabilité, grâce à la combinaison des points forts communs à ses deux composantes (taux élevé de succès dans l'exploration, réserves importantes, utilisation des nouvelles technologies), et à leurs implantations géographiques très complémentaires (en Amérique latine et en Asie pour Totalfina et en Afrique pour Elf).

M. Thierry Desmarest a précisé que les réserves du nouveau groupe se répartissaient en quatre parts équivalentes entre l'Europe, l'Afrique, le Moyen-Orient et le reste du monde et correspondaient actuellement à 13 ans d'exploitation. Evoquant les perspectives de développement de Totalfina et d'Elf, il a indiqué que la croissance annuelle de leur production totale était estimée à 5 % par an, d'ici à 2005, soit le double de celle prévue pour les autres grandes compagnies pétrolières, tout en maintenant un faible coût d'exploitation de champs pétrolifères qu'elles possèdent du fait de l'importance de leur taille.

Il a souligné que la fusion dans l'aval pétrolier permettrait également au groupe d'atteindre une position de premier rang en Europe (avec 15 % de la capacité totale de raffinage du sous-continent) et sur le marché africain et améliorerait sa rentabilité dans le secteur du raffinage.

Il a indiqué que le nouveau groupe occuperait la première place en France dans le secteur de la chimie, avec 100 milliards de francs de chiffre d'affaires annuel, et atteindrait une bonne position mondiale tant en matière de chimie de spécialité (chimie du soufre et du fluor notamment) qu'en ce qui concerne les produits intermédiaires (résines et peintures en particulier).

M. Thierry Desmarest a souligné sa volonté de développer les activités de l'amont et de consolider les positions de l'entreprise dans l'aval tant en Europe qu'en Afrique, avant de préciser que la croissance dans le domaine de la chimie se concentrerait sur les créneaux à fort potentiel, un désengagement progressif étant opéré par rapport au secteur de la santé.

Abordant la question de l'amélioration de l'organisation du nouveau groupe, M. Thierry Desmarest a déclaré que 4.000 réductions de postes, dont la moitié en France, étaient envisagées, sur trois ans, mais souligné que le processus devait s'opérer sans licenciements et dans le respect de la politique sociale à laquelle Totalfina est attaché.

Il a enfin observé que les résultats de l'offre publique d'échange étaient " très positifs ", les titres d'Elf étant échangés à une parité supérieure de 9,6 % à celle offerte lors du lancement de la première offre, au mois de juillet 1999. Les dirigeants du nouveau groupe se sont, a-t-il ajouté, engagés à accroître -à environnement constant- le résultat net de plus de 20 % par an dans les années à venir et préparent actuellement sa nouvelle organisation de structure, dans l'attente de la décision des autorités communautaires chargées du contrôle des concentrations.

M. Jean François-Poncet, président, a alors interrogé l'orateur sur les avantages d'un nouveau gain de taille pour des groupes déjà très importants. Celui-ci lui a répondu que du simple fait des synergies créées par la fusion, le résultat net annuel du nouveau groupe augmenterait de 30 %. Il a ajouté que les petites entités industrielles étant plus vulnérables que les grands groupes face à des tentatives de prise de contrôle inamicales, il était essentiel d'atteindre une " masse critique " suffisamment importante.

Sur une seconde question de M. Jean François-Poncet, président, relative aux perspectives de développement de l'exploitation pétrolière en Iran et en Asie Centrale, M. Thierry Desmarest a déclaré, d'une part, que Total avait joué un rôle précurseur en signant des contrats avec Téhéran dès 1995, et avait même obtenu du Président des Etats-Unis, grâce au soutien des autorités françaises et européennes, d'être dispensé de l'application de la loi d'Amato qui sanctionne les entreprises de toutes nationalités qui effectuent des investissements dans les pays que les Etats-Unis suspectent de soutenir des activités terroristes. Il a indiqué, d'autre part, en ce qui concerne l'Asie centrale, que Totalfina et Elf étaient respectivement implantés au Kazakhstan et en Azerbaïdjan, mais que le transport des produits pétroliers hors de ces zones était difficile, notamment à cause des troubles chroniques qui affectent certains Etats de la région. Il a précisé que plusieurs projets de pipeline étaient actuellement à l'étude, parmi lesquels le projet prévoyant la traversée de la Turquie, celui débouchant sur la Mer noire et celui permettant l'utilisation des pipelines iraniens débouchant sur le Golfe arabo-persique.

Après avoir souligné les inquiétudes suscitées par l'éventualité d'une cession de certaines activités d'Atochem, M. Ladislas Poniatowski s'est interrogé sur les perspectives d'alliance de Totalfina-Elf avec des groupes italiens et espagnols. Puis, il a souhaité connaître les conditions dans lesquelles Totalfina exerce ses activités aussi bien dans les Etats concernés par la " loi d'Amato " -sur le but réel de laquelle il a émis des fortes réserves- que dans ceux où les droits de l'homme ne sont pas réellement garantis.

M. Thierry Desmarest a indiqué, en réponse, que son groupe avait choisi de ne pas tenir compte des multiples mesures d'embargo édictées, à des titres divers, par les Etats-Unis, mais appliquait scrupuleusement les décisions prises par les Nations Unies, l'Union européenne et le Gouvernement français et que, s'agissant des pays où les droits de l'homme n'étaient pas respectés, Totalfina s'employait à conserver une attitude exemplaire dans le cadre de ses activités, d'une part en appliquant des mesures de protection sanitaire ou de préservation de l'environnement analogues à celles qui prévalent en Europe et, d'autre part, en veillant à ce que les populations résidant à proximité des installations bénéficient concrètement des retombées économiques de celles-ci.

En ce qui concerne les activités d'Atochem, M. Thierry Desmarest a précisé qu'il avait confié à un groupe de travail le soin de faire le bilan des atouts et des perspectives de croissance du pôle chimique, qui représente 28 % des capitaux employés et plus de la moitié des effectifs du nouveau groupe.

Il a enfin répondu que les perspectives d'alliance avec l'Ente nazionale Idrocarburi (ENI) n'étaient pas un sujet d'actualité et qu'elles étaient compliquées par l'importante participation de l'Etat Italien dans ce groupe, et indiqué, par ailleurs, qu'il suivait avec attention l'évolution du marché espagnol.

A M. Louis Althapé qui souhaitait connaître l'avenir du Centre Jean Fégères et des sociétés de développement créées par Elf en Béarn, M. Thierry Desmarest a répondu que le centre d'études de Pau serait maintenu, même si sa productivité devait impérativement croître, au même titre que celle des autres services centraux d'Elf. Il a ajouté que le nouveau groupe était soucieux de soutenir les activités de diversification dont sont chargées les sociétés de développement dans le Béarn.

Après avoir donné quelques précisions à M. Jean Boyer sur les perspectives de croissance de la production gazière en Azerbaïdjan, le président de Totalfina, interrogé par M. Henri Revol sur les modalités de constitution du " management " du groupe, a souligné que dans la composition des nouvelles équipes, un équilibre serait recherché entre les personnels issus de chacune des sociétés fusionnées.

A une seconde question de M. Henri Revol sur les perspectives d'évolution du cours du baril de pétrole, et sur le faible impact des baisses de prix du brut sur le prix des carburants à la pompe, M. Thierry Desmarest a répondu que les compagnies pétrolières pouvaient accroître l'offre de façon à satisfaire la demande avec un prix se situant autour de 15 dollars le baril, lequel permettrait aux producteurs de l'OPEP d'équilibrer leurs comptes. Il a, en outre, rappelé que 81 % du prix des carburants correspondant à des taxes, une baisse du prix du pétrole ne pouvait avoir qu'un effet modique sur le prix des carburants à la pompe.

M. Jean-Marc Pastor ayant observé que les réorganisations des grands groupes industriels -dont la justification économique n'était pas forcément évidente- se traduisaient toujours par des suppressions d'emplois, M. Thierry Desmarest a souligné que le rapprochement qu'il avait réalisé ne donnerait lieu à aucun licenciement, avant d'observer qu'il ne serait pas raisonnable de refuser d'envisager des restructurations qui apparaissent comme inévitables, dans un contexte de concurrence internationale.

Répondant enfin à M. Jean Huchon qui s'inquiétait de la disparition des stations-service en milieu rural, le président-directeur général de Totalfina a estimé que ce problème résultait de la concurrence faite aux petits détaillants par les grandes surfaces, et considéré qu'une voie possible passait par la constitution de " points multi-activité " qui assureraient des revenus plus importants aux détaillants.

Environnement - Gestion des déchets ménagers - Audition de M. Alain Strebelle, sous-directeur des produits et des déchets au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement

Dans le cadre des auditions sur la gestion des déchets ménagers, la commission a ensuite procédé à l'audition de M. Alain Strebelle, sous-directeur des produits et des déchets au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. Alain Strebelle
, sous-directeur des produits et des déchets au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a rappelé, à titre liminaire, que la loi du 3 juillet 1992 avait consacré le passage d'une mono-collecte et d'un mono-traitement des déchets ménagers à une approche multifilière. Il a indiqué que pour parvenir à l'objectif de mise en décharge des seuls déchets ultimes à partir du 1er juillet 2002, les collectivités territoriales avaient dû engager une planification au niveau départemental pour la collecte et le traitement des déchets ménagers. Il a reconnu que l'échéance du 1er juillet 2002 était ambitieuse.

Il a précisé qu'à la suite d'un bilan dressé à mi-parcours en 1997 par la nouvelle majorité gouvernementale, et à l'issue de la consultation d'un groupe d'experts et d'un groupe d'élus locaux, un programme d'action avait été décidé dès 1998.

Avant tout, a-t-il indiqué, la circulaire de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement du 28 avril 1998 a, d'une part, fourni le cadre d'un rééquilibrage des modes de gestion des déchets ménagers et assimilés et, d'autre part, tracé les grandes lignes de réorientation des plans départementaux d'élimination des déchets. M. Alain Strebelle a souligné que s'il appartenait au Préfet d'arrêter ce document, il revenait aux élus locaux de le mettre en oeuvre.

M. Alain Strebelle a rappelé que, par la suite, le Gouvernement avait présenté en Conseil des ministres, le 26 août 1998, un programme permettant de réaliser les objectifs définis par le législateur en 1992, aux conditions définies par la circulaire du 28 avril 1998. Il a indiqué que ce programme comprenait à la fois des dispositions techniques, juridiques, financières et fiscales. Il a abordé, notamment, la réforme du cadre juridique, économique et fiscal de la gestion des déchets ménagers. A cet égard, il a précisé que l'abaissement du taux de TVA à 5,5 % sur le service public d'élimination des déchets était effectif depuis le 1er janvier 1999. En outre, les nouveaux barèmes de soutien aux collectivités locales d'Eco-Emballages ont fait, selon M. Alain Strebelle, l'objet d'un agrément en date du 11 juin 1999. Il a rappelé, à cet égard, qu'Eco-Emballages assurait 95 % du soutien aux collectivités territoriales.

Précisant que les nouvelles conditions de rachat de l'énergie électrique produite par les usines d'incinération d'ordures ménagères avaient été actées en mai 1999, il a souligné la complexité de ce problème, compte tenu de la libéralisation prochaine du marché de l'électricité en France.

Après avoir rappelé qu'une mission sur les conditions techniques et financières de rachat de l'énergie issues du traitement des déchets avait été confiée au Conseil général des mines, conjointement par la ministre de l'environnement et le secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Alain Strebelle a fait état des réticences du service du Trésor public à apporter son assistance aux collectivités à partir du 1er janvier 2000, pour le recouvrement amiable ou contentieux de la taxe de la redevance. Il a conclu sur ce point en indiquant que l'article 71 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale avait rendu effectif le fractionnement du service public d'élimination des déchets.

M. Alain Strebelle a ensuite abordé les questions de prévention et de valorisation. Après avoir fait état d'une série de mesures prises pour assurer une gestion efficace des déchets du BTP, il a fait observer qu'une circulaire conjointe des ministres chargés de l'environnement et de l'équipement demanderait prochainement au Préfet d'organiser la planification de l'élimination de ces déchets. Il a, par ailleurs, indiqué que beaucoup de chantiers avaient été ouverts sur la mise en place de filières spécifiques pour l'élimination de produits en fin de vie (piles et accumulateurs, pneumatiques, emballages plastiques agricoles...). A cet égard il a indiqué qu'à l'horizon de 2002, environ 2 millions de tonnes devraient sortir du service public d'élimination des déchets grâce à la mise en place de ces filières. Il a convenu que certains problèmes de collecte se révélaient plus importants dans les zones rurales à habitat dispersé.

M. Alain Strebelle a considéré qu'il rencontrait des difficultés dans l'application de la réglementation sur le traitement des déchets, notamment en matière d'incinération et de décharge. Il a, à cet égard, précisé que les actions se poursuivaient sur les incinérateurs non conformes à la réglementation en vigueur, huit étant encore en infraction. Il a conclu en soulignant la détermination du Gouvernement, et notamment de la ministre de l'environnement, à mettre en oeuvre les dispositions de la loi de 1992 et les orientations de la circulaire d'avril 1998.

M. Jean-Paul Emorine a fait état des difficultés rencontrées par les élus locaux dans le choix du traitement à adopter pour obtenir des déchets ultimes acceptés en décharge. Il a ensuite considéré que le mécanisme de la taxe, s'il paraissait injuste, s'avérait plus pratique et moins cher pour le contribuable. Il a, enfin, souhaité qu'il ne soit pas fait de distinction entre les villes et les zones rurales, notamment en ce qui concerne l'obligation pour les entreprises de reprendre certains matériaux.

Mme Janine Bardou, après avoir rappelé que son département avait fait le choix d'une usine de tri-compostage et d'un centre d'enfouissement, a dit ses interrogations face à la multiplication des études portant sur la capacité géologique du lieu destiné à accueillir ce centre d'enfouissement. Soulignant que la collecte s'avérait coûteuse dans une zone d'habitat dispersé, elle a, enfin, précisé que, face à l'échéance fixée par la loi, la fermeture prochaine d'un grand nombre de décharges constituerait un cap difficile pour certaines collectivités.

M. Dominique Braye, après avoir rappelé que la loi de juillet 1992 était très ambitieuse, s'est interrogé sur le coût croissant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Ainsi, alors que cette taxe devrait diminuer au fur et à mesure de la baisse de la pollution, l'orateur a regretté que la TGAP soit aujourd'hui un impôt sur le rendement puisqu'elle contribuait à financer la politique de l'emploi du Gouvernement. Il a insisté sur le fait que le bilan de 1997 sur l'application de la loi de 1992 correspondait à un changement dans la politique du ministère de l'environnement ce qui posait de graves difficultés d'adaptation à certaines collectivités. Il a donné l'exemple du département des Yvelines, qui connaît une surcapacité de ces installations de traitement. Il a émis le souhait que la politique des déchets ménagers soit coordonnée à un échelon régional. Il a ensuite regretté que le monopole de fait assuré par Eco-Emballages conduise parfois à des refus de partenariat dès lors qu'il s'agissait d'une commune et non d'une structure intercommunale. Il a, en revanche, approuvé le fait que le coût du traitement du déchet ménager soit facturé au consommateur.

M. Jean Bizet a souligné certaines incohérences de la politique de collecte et de traitement des déchets, d'une part, en matière de recouvrement de la redevance et, d'autre part, dans le fait que le plan départemental soit arrêté par le Préfet, mais mis en oeuvre par les élus. Il a ensuite regretté que la TGAP constitue la variable d'ajustement du déficit public et s'est interrogé sur la part exacte de la taxe de mise en décharge au sein de la TGAP. Il a ensuite considéré que les critiques émises à l'encontre des incinérateurs avaient contribué à jeter, à tort, le discrédit sur l'ensemble de cette filière. Il s'est demandé si le Gouvernement avait l'intention de maintenir l'échéance du 1er juillet 2002.

M. Roger Rinchet a souhaité que la réglementation sur le traitement des déchets ménagers soit mise en oeuvre avec une certaine souplesse, compte tenu des difficultés de mise en oeuvre rencontrées par les collectivités locales.

Après avoir souligné que l'environnement constituait aujourd'hui la préoccupation majeure des structures intercommunales, M. Jean-Paul Emin s'est interrogé sur l'état d'avancement de la réglementation européenne sur les déchets ménagers dans les différents pays d'Europe.

M. Alain Strebelle a observé que les contraintes géologiques et techniques pesaient fortement sur le choix entre décharge et incinérateur dans un grand nombre de départements. Il a ajouté que, malgré la baisse des aides de l'ADEME aux collectivités locales, cet organisme avait un rôle d'expertise essentiel. Il a pensé que même si la ministre accordait sa préférence au système de la redevance, le mécanisme de la taxe comportait également certains avantages. Il a reconnu que s'il ne fallait pas distinguer fondamentalement les zones urbaines des zones rurales, il était nécessaire de prendre en compte les habitats collectifs denses ou au contraire dispersés pour mieux les aider.

Puis, M. Alain Strebelle a rappelé que si, pour 1998, la taxe affectée à l'ADEME s'élevait à 920 millions de francs, 1.842 millions de francs de subventions avaient en réalité été consacrés au traitement des déchets ménagers en raison des reports de crédits des années précédentes. Après avoir estimé que 950 millions de francs avaient pu être dégagés jusqu'à présent par l'ADEME en faveur des collectivités territoriales, il a précisé que celle-ci espérait pouvoir mobiliser plus d'1,2 milliard de francs à la fin de l'année. Il a néanmoins reconnu qu'une part de la TGAP ne serait pas affectée à ces opérations.

M. Jean François-Poncet, président, a souligné que la TGAP avait crû sans que soient pour autant augmentés les crédits budgétaires affectés aux opérations de traitement des déchets.

M. Alain Strebelle a rappelé qu'en 1992 le coût de la politique de traitement des déchets ménagers et assimilés avait été estimé à 60 milliards de francs pour les collectivités locales. Après avoir précisé que de 1992 à 1998, les collectivités locales avaient investi 20 milliards de francs dans ce secteur, il a considéré que 17 milliards seraient investis de 1999 à 2001.

Répondant à M. Dominique Braye sur le respect de l'échéance de 2002, M. Alain Strebelle a reconnu que la totalité des investissements prévus ne serait pas effectuée à cette date. Il a précisé que la baisse du taux de l'ADEME n'avait pas eu de véritable impact sur les investissements des collectivités territoriales. Il a, par ailleurs, estimé que, globalement, le coût résiduel du traitement des déchets ménagers et assimilés à la charge des collectivités territoriales était en baisse. Il a ensuite indiqué que les préfets de région organisaient déjà la coordination des plans départementaux, ces derniers ne respectant pas toujours les frontières administratives.

Puis M. Alain Strebelle a estimé qu'Eco-Emballages devait, en raison de son cahier des charges, assurer sa mission, tant en faveur des structures intercommunales que vis-à-vis des communes.

M. Alain Strebelle a considéré qu'il était difficile d'appliquer souplement une réglementation aussi stricte que celle relative au traitement des déchets ménagers et assimilés. Il a jugé qu'il faudrait beaucoup de temps et de communication pour gommer la mauvaise image de l'incinération. Il a conclu que l'échéance du 1er juillet 2002 était non négociable et qu'à cette date, 85 à 90 % des collectivités territoriales seraient engagées dans une procédure de traitement des déchets ménagers et assimilés.

Environnement - Gestion des déchets ménagers - Audition de M. Jacques Pélissard, député du Jura, président de la Commission environnement de l'Association des Maires de France

Puis la commission a entendu M. Jacques Pélissard, député du Jura, président de la commission environnement de l'Association des maires de France.

M. Jacques Pélissard, député du Jura, président de la commission environnement de l'Association des maires de France,
a, tout d'abord, noté que depuis le vote de la loi du 13 juillet 1992, la France était dotée d'un dispositif " complet et cohérent " reposant sur la complémentarité des différentes filières de traitement des ordures ménagères. Il a, en outre, observé que contrairement aux prévisions pessimistes élaborées par le passé, le coût de traitement moyen des ordures par personne était désormais stabilisé entre 300 et 420 francs par an, selon l'étude de l'Agence pour le développement de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et de l'Association des maires de France (AMF).

Evoquant l'incidence des dernières mesures prises par l'Etat, il a, tout d'abord, indiqué que l'effet positif de la baisse de la TVA applicable aux collectivités co-contractantes des organismes agréés avait été en partie compensé par l'incidence négative de la diminution des aides de l'ADEME ; puis il a regretté que les collectivités locales ne bénéficient d'aucun cadre juridique stable pour réaliser leurs investissements et déploré les " dérobades de l'ADEME ", qui n'avait pas respecté les engagements pris antérieurement.

S'agissant du bilan de la politique de traitement des déchets par les collectivités locales, M. Jacques Pélissard a précisé que le coût total de l'application de la loi du 13 juillet 1992, initialement estimé à 12 milliards de francs, s'élevait à 60 milliards de francs. Il a estimé que la loi avait entraîné une rupture dans la conception monolithique du service public de traitement des ordures ménagères, et permis de dépasser la " logique de salubrité publique et d'élimination finale des déchets " pour traiter les déchets ménagers comme une " matière première secondaire ", pouvant avoir une valeur positive.

Parmi les causes expliquant la lenteur du démarrage du processus de réforme du traitement des déchets, il convient, a-t-il déclaré, de retenir :

- les délais de mise en place des structures intercommunales ;

- la lenteur de la mise en oeuvre du dispositif de valorisation des emballages ;

- le calendrier électoral avec les élections municipales de 1995 ;

- l'élaboration " cahoteuse " des plans départementaux d'élimination des déchets.

Abordant la situation des collectivités locales situées en zone rurale au regard des obligations de traitement des déchets à échéance 2002, il a indiqué que la plupart des départements ruraux constituent des syndicats mixtes de traitement, mais que, dans certaines zones rurales, aucun contrat n'avait été passé avec des sociétés agréées pour la collecte sélective des emballages ménagers. Il a, en outre, indiqué que même si l'organisation intercommunale n'était pas assez développée dans certaines zones rurales pour permettre de collecter des volumes suffisants de déchets -seul gage de la rentabilité des installations- le parc de déchetteries permettait désormais de desservir 55 % de la population, 61 % des nouvelles déchetteries ayant été créées en zone rurale.

En ce qui concerne les prévisions d'investissement des collectivités locales pour 1999, 2000 et 2001, M. Jacques Pélissard a déclaré que celles-ci s'élevaient respectivement à 4, 8,7 et 4,4 milliards de francs selon l'Association des maîtres d'oeuvre des réseaux de chaleur et d'énergie (AMORCE) et à 4,5, 7,2 et 7 milliards de francs selon l'ADEME. Il a regretté que la faible progression des subventions attribuées à l'ADEME ne permette pas à celle-ci de faire face à la hausse, bien plus rapide, des charges d'investissement supportées par les collectivités locales.

Puis, M. Jacques Pélissard a fourni des éléments sur l'importance respective de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) et de la taxe pour l'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) pour la rémunération du service de traitement des déchets. La TEOM, appliquée dans 13.666 communes, a concerné 45,3 millions d'habitants et rapporté 15,6 milliards de francs soit 344 francs par habitant en 1993. En 1996, la REOM, appliquée à 11.926 communes, a concerné 8,1 millions d'habitants et rapporté 1,42 milliard de francs soit 177 francs par habitant. Si aucune commune de plus de 20.000 habitants n'a recours à la REOM, on note une forte progression du nombre des groupements à fiscalité propre qui y recourent.

M. Jacques Pélissard a ensuite déclaré que l'application de la loi sur l'intercommunalité du 12 juillet 1999 conduirait à interdire aux communes de lever la taxe, si elles n'assurent pas elles-mêmes la collecte, et constaté que les nouvelles orientations retenues par le Gouvernement en 1998 avaient pour effet d'entraîner une révision des plans départementaux qui obligeait les communes concernées à suspendre la mise en oeuvre des schémas globaux d'élimination des déchets dans l'attente d'une clarification des orientations départementales.

S'agissant de l'impact des mesures financières et fiscales adoptées en 1999, il a estimé que dans le cas d'un service géré en délégation, l'effet négatif de la baisse des aides de l'ADEME réduisait de 35 % l'effet positif de la baisse de la TVA, et que pour une collectivité qui passe des marchés publics pour l'exploitation des équipements, cet effet négatif absorbait la moitié de l'effet positif consécutif à la baisse de la TVA. Il a ajouté que la non-affectation de la TGAP induisait une réduction des moyens de l'ADEME, empêchant celle-ci de répondre de façon satisfaisante à la forte augmentation des projets des collectivités locales. Le nouveau décalage que nous constatons pour 2000 entre l'augmentation prévue et importante des investissements des collectivités et la faible augmentation du budget de l'ADEME risque de provoquer une nouvelle révision à la baisse de la grille des aides de l'ADEME.

Concluant, M. Jacques Pélissard a indiqué que l'échéance 2002, fixée par la loi pour la fermeture des décharges publiques, ne pourrait être que partiellement atteinte et que l'Etat devait, en conséquence, maintenir le niveau de ses aides aux collectivités locales.

Répondant à M. Pierre Hérisson qui l'interrogeait sur l'incidence relative de la réforme fiscale sur les services délégués ou gérés en régie, M. Jacques Pélissard a indiqué que le coût du service délégué se rapprochait de celui du service en régie du fait de l'abaissement du taux de TVA.

Il a, en outre, indiqué que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité, une communauté de communes n'avait plus intérêt à déléguer la collecte à un syndicat qui la gérerait en régie pour des raisons liées au montant de la DGF, alors même qu'elle pouvait déléguer cette collecte à une personne privée.

Présidence de MM. Jean Huchon, puis de Jean-Marc Pastor, vice-présidents. -

Environnement - Gestion des déchets ménagers - Audition de M. Pierre Radanne, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Radanne, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

M. Pierre Radanne, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
, a tout d'abord estimé que la loi du 13 juillet 1992 sur les déchets avait renouvelé la politique française en la matière, le législateur prévoyant d'interdire progressivement la mise en décharge, sur une période de dix ans, permettant à même échéance aux collectivités de s'équiper en installations de retraitement et de valorisation, grâce notamment à l'aide des fonds issus de l'instauration de la taxe de mise en décharge par cette même loi. Il a relevé cependant l'ambiguïté de la définition des " déchets ultimes ", seuls autorisés, à terme, à être mis en décharge, et dont le contenu avait varié au cours du temps : résidus d'incinération ou résidus des opérations de collecte sélective et de recyclage. Il a rappelé que la circulaire d'avril 1998 définissait désormais le déchet ultime en fonction des spécificités locales de traitement et des capacités techniques et financières des collectivités locales considérées. M. Pierre Radanne a toutefois indiqué que l'objectif national retenu visait à la valorisation de la moitié des déchets ménagers (emballages et déchets fermentescibles) par recyclage.

Le président de l'ADEME a indiqué que cette politique de valorisation des déchets avait de facto entraîné un transfert de compétences des communes, responsables traditionnellement de la collecte, vers des structures intercommunales, mieux à même de gérer la mise en oeuvre d'opérations de collecte sélective, de construction de déchetteries et autres usines d'incinération.

M. Pierre Radanne a indiqué que la loi de 1992 avait, en outre, fixé un cadre départemental de planification du traitement des déchets, à travers des plans départementaux d'élimination des déchets et que la circulaire précitée d'avril 1998 incitait à la révision de ces plans, ce qui impliquait l'élaboration prochaine d'une deuxième vague de plans départementaux.

M. Pierre Radanne a estimé que les investissements des collectivités locales avaient été, dans un premier temps, très progressifs, s'établissant à un niveau inférieur aux attentes initiales de l'administration -4 milliards de francs par an-, immédiatement après les élections municipales de 1995. Il a rappelé que le besoin total estimé d'investissements pour remplir les obligations fixées par la loi de 1992 s'élevait à 60 milliards de francs pour les déchets ménagers et à 30 milliards de francs pour les déchets industriels. Il a précisé que, de 1992 à la fin 1998, 16 milliards de francs seulement avaient été engagés pour la mise en place d'infrastructures de valorisation et de traitement des déchets ménagers.

M. Pierre Radanne a considéré qu'une deuxième phase s'était ouverte à partir de 1998, avec une forte accélération des investissements des collectivités locales et qu'une enquête régionale identifiant les projets en cours d'élaboration montrait que 20 milliards de francs d'investissement étaient programmés pour les années 1999 à 2001.

M. Pierre Radanne a estimé que la proximité des échéances municipales de mars 2001 accélérerait encore la concentration des opérations sur les deux années à venir, les investissements annuels atteignant maintenant le double de ceux de la période précédente, soit environ 7 milliards de francs.

Le président de l'ADEME a indiqué que l'établissement public n'avait pu que constater l'inadaptation du système de financement public à cette brusque accélération, les taux élevés d'aide pratiqués jusqu'alors -jusqu'à 50 % des investissements, sauf pour l'incinération où ce taux est de 10 %- n'étant pas soutenables en période d'investissements massifs. Fin 1998, les estimations de l'ADEME pour les années 1999 à 2001 faisaient état d'une demande d'argent public de 7 milliards de francs, alors que les 800 millions de francs de taxe annuels ne permettaient de couvrir qu'une enveloppe de 2,4 milliards de francs d'investissement sur ces trois années.

M. Pierre Radanne a indiqué que le conseil d'administration de l'ADEME avait en conséquence modifié, le 12 mai 1999, les taux d'aide accordés par l'établissement public. Modulée pour apporter un soutien plus important en milieu rural, l'aide couvre désormais 20 à 30% du montant de l'investissement pour les déchetteries et la collecte sélective, 30 à 40 % du montant pour la valorisation des déchets fermentescibles et 5 % pour les installations d'incinération, qui sont, par ailleurs, fortement capitalistiques.

M. Pierre Radanne a fait le point des récents changements intervenus dans le financement de la politique de gestion des déchets française : la loi de finances pour 1999 a intégré le produit de l'ancienne taxe de mise en décharge perçue par l'ADEME à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), la revalorisation du barème de soutien de l'entreprise Eco-Emballages et la baisse du taux de TVA sur le service des déchets pour les communes ayant conclu un contrat de tri multimatériaux avec cette société.

M. Pierre Radanne a dressé le bilan de l'application de la loi de 1992 en indiquant que :

- l'objectif en termes de collecte sélective des emballages pouvait être atteint en 2002, la moitié de la population française étant déjà couverte par un tel processus ;

- l'incinération, fortement poussée dans un premier temps car permettant de récupérer l'énergie dans le cadre de la cogénération, voit ses coûts augmenter pour mettre aux normes le parc d'usines existant du fait des exigences nouvelles sur le traitement des fumées ;

- les objectifs en termes de traitement des déchets industriels banals des grandes entreprises pouvaient être atteints ;

- en matière de déchets fermentescibles, des progrès doivent être faits en ce qui concerne leur valorisation, pour que la fiabilité et la valeur agronomique du compost permettent de trouver de réels débouchés pour ce produit ;

- pour certains produits spécifiques comme les pneus, l'électronique, les véhicules hors d'usage ou certains déchets toxiques, l'essentiel des progrès reste à accomplir, par la mise en place de filières dédiées de récupération de ces produits en fin de vie.

M. Pierre Radanne a estimé que la politique de valorisation des déchets s'était avérée plus coûteuse qu'initialement envisagé, le recyclage aussi bien que l'incinération ayant un coût trois fois supérieur à la mise en décharge traditionnelle. Il a considéré que la baisse des coûts et l'accroissement de la fiabilité des matières résiduelles étaient deux défis restant à relever. Il a jugé que des progrès devaient également être accomplis s'agissant de la récupération des déchets des petites entreprises, un risque d'engorgement des filières gérant les ordures ménagères étant à craindre au-delà de 2002.

Il a souligné que l'ADEME était désormais liée par des contrats avec plus de soixante départements, ainsi qu'avec certaines régions, dont la région Ile-de-France.

En conclusion, M. Pierre Radanne a mis en avant les risques de constitution de file d'attente résultant de l'accroissement des demandes d'aides émanant des collectivités locales et jugé que certains dossiers ne pourraient vraisemblablement pas être traités d'ici à 2002, faute de crédits disponibles de la part de l'Etat. Il a regretté que le phénomène d'accélération précédemment décrit ne se soit pas accompagné d'un effort proportionnel pour les dotations budgétaires de l'ADEME.

M. Jean Bizet a estimé que l'Etat ne savait pas faire face, en effet, à l'augmentation des besoins d'investissements des collectivités locales en matière de déchets. Il s'est enquis de l'impact de la mise en place de la TGAP sur le fonctionnement de l'ADEME, et des moyens à mettre en oeuvre pour encourager le développement des nouvelles technologies de traitement des déchets, en particulier la thermolyse. Il s'est demandé si l'échelle des pays et des bassins de vie n'était pas la plus pertinente en termes de gestion de déchets. Enfin, il a souhaité savoir quel financement bancaire innovant pourrait être mis en oeuvre pour soutenir les programmes d'investissements des collectivités locales en la matière.

M. Pierre Hérisson, après avoir rappelé les inquiétudes du Sénat quant aux conséquences de la TGAP, s'est interrogé sur la situation de l'entreprise Eco-Emballages, société de droit privé en situation de monopole avec laquelle les collectivités étaient tenues de contractualiser pour accéder au bénéfice du taux réduit de TVA pour la collecte des déchets. Il a souligné qu'un tel système n'était pas sans entraîner de réserves chez nos partenaires européens. Il a jugé que les petites entreprises devraient être soutenues lors de la mise en place de filières de traitement de leurs déchets, jugeant qu'elles ne devraient pas être moins bien traitées que les grandes entreprises qui s'étaient en réalité débarrassées de ce problème sur les collectivités locales, moyennant, certes, un soutien financier aux filières de recyclage.

Il a souligné les surcoûts entraînés pour les collectivités par la mise en conformité des installations d'incinération, regrettant le caractère polémique de certaines mises à l'index récentes. Il a jugé qu'une part plus importante de la TGAP pourrait être affectée à la mise aux normes de ces installations. Il a enfin souhaité qu'une clarification intervienne entre la collecte sélective des emballages stricto sensu et celle des journaux et papiers.

M. Jean-Paul Emorine a jugé le discours du président de l'ADEME parfois exagérément optimiste s'agissant du respect des objectifs fixés par la loi de 1992. Il a en particulier souligné que la baisse des taux d'intervention de l'ADEME amènerait les collectivités locales à reporter certains projets afin de ne pas augmenter la fiscalité locale dans la perspective des prochaines échéances municipales.

M. Pierre Radanne a tout d'abord indiqué que la suppression, au bénéfice de la TGAP, de l'ancienne taxe de mise en décharge avait corrélativement provisoirement interrompu la gestion partenariale de ces fonds. Il a relevé qu'un décret attendu pour la fin de l'année devrait reconstituer un comité de gestion paritaire comprenant les représentants de l'Association des maires de France, des professionnels et des industriels concernés, et au sein duquel l'Etat serait minoritaire. Il a considéré que la mise en place de la TGAP n'avait pas eu d'incidence budgétaire pour l'ADEME, mais qu'au contraire, elle avait accru la souplesse d'utilisation des crédits en permettant des transferts financiers entre ses différentes activités, 300 millions de francs ayant ainsi été reportés en 1999 vers la politique de valorisation des déchets.

M. Pierre Radanne a indiqué que la thermolyse était déjà mise en oeuvre par certaines installations pilotes, dont il faudrait évaluer le fonctionnement, la place de cette technologie dans la politique française de gestion des déchets restant toutefois à déterminer.

Il a estimé que les collectivités locales pourraient organiser territorialement la collecte des déchets des petites entreprises même si ces dernières devaient, à son sens, en garder la responsabilité. Il a jugé que le pays était sans doute une échelle optimale pour le ramassage des déchets dans le secteur industriel.

M. Pierre Radanne a jugé que les contrats territoriaux permettaient d'inciter à une intégration accrue de la politique des déchets sur un territoire, soulignant que les dépenses de logistique qui entrent pour moitié dans le coût de traitement des déchets, seraient ainsi optimisées.

En ce qui concerne les financements bancaires innovants susceptibles d'être mobilisés au bénéfice des collectivités locales, il a indiqué que l'ADEME avait mis en place un fonds de garantie pour les dépenses relatives à la maîtrise de l'énergie qui, cumulé avec les garanties déjà apportées par la SOFARIS, permettaient à une entreprise d'accéder au crédit bancaire grâce à une garantie publique de 70 % de son emprunt. Il a relevé l'important effet de levier de ce mode d'intervention par rapport à une simple subvention. Il a indiqué que l'ADEME étendrait bientôt à l'ensemble de ses politiques la mise en place de tels instruments.

M. Pierre Radanne a considéré qu'à l'échéance de 2002, le législateur aurait le choix entre trois solutions :

- appliquer strictement la loi de 1992, ce qui reviendrait à condamner les maires pratiquant des mises en décharge ;

- alourdir la taxation des pratiques à décourager, hypothèse qui semble la plus probable  ;

- renoncer à l'objectif fixé en 1992 d'interdiction de mise en décharge, ce qui semble improbable.

S'agissant du devenir du produit de la taxe de mise en décharge, il a relevé que la mise en place de la TGAP avait rendu le dispositif pérenne.

M. Pierre Radanne a estimé que le système mis en place autour de la société Eco-Emballages, de philosophie anglo-saxonne, lui semblait transitoirement bon.

En conclusion, il a insisté sur les importants problèmes de financement posés à l'ADEME par le brusque décollage des investissements des collectivités locales.

Environnement - Gestion des déchets ménagers - Audition de MM. Dominique Pin, directeur général de SITA (Suez-Lyonnaise des Eaux), président d'honneur de la Fédération nationale des activités des déchets et de l'environnement (FNADE), et Denis Gasquet, directeur général de CGEA-Onyx (Vivendi), vice-président de la FNADE

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Dominique Pin, directeur général de SITA (Suez-Lyonnaise des Eaux), président d'honneur de la Fédération nationale des activités des déchets et de l'environnement (FNADE), et Denis Gasquet, directeur général de CGEA-Onyx (Vivendi), vice-président de la FNADE.

Présentant les activités au groupe SITA, M. Dominique Pin a indiqué que depuis le rachat des actifs non américains de Browning-Ferries Industries (BFI) en avril 1998, le groupe était devenu leader du marché de la gestion des déchets en Europe, en y réalisant 85,4 % de son chiffre d'affaires consolidé et que ce marché domestique naturel lui offrait des occasions de croissance importantes. Parallèlement, a-t-il ajouté, SITA dispose de deux implantations en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est où, malgré les turbulences monétaires, s'offrent des perspectives de développement très intéressantes. Présent dans une vingtaine de pays, SITA emploie 45.000 personnes, et son chiffre d'affaires consolidé s'élève à 17,35 milliards de francs, dont 50,2 % réalisé hors de France.

M. Denis Gasquet a rappelé que SITA et Onyx étaient les deux seules entreprises à caractère international, dans le secteur des déchets, et constituaient ainsi un élément important pour la diffusion du " savoir-faire " français. Il a rappelé que le chiffre d'affaires d'Onyx, filiale de Vivendi s'élevait à 26,5 milliards de francs et que le portefeuille d'activités de l'entreprise couvrait toutes les filières de traitement de déchets, réparties pour 45 % sur les services aux collectivités locales et 55 % sur les services aux entreprises. En dehors d'une implantation forte en Europe -13,2 milliards de francs de chiffre d'affaires-, M. Denis Gasquet a évoqué le renforcement de la présence d'Onyx en Amérique du Nord, rendu possible par des opérations d'acquisitions et de développement interne, ainsi que des développements stratégiques futurs en Asie et en Australie. Il a ainsi jugé que la part de l'international allait continuer à croître dans l'ensemble des activités de l'entreprise, qui était désormais présente dans 25 pays et employait 55.000 personnes.

Présentant les activités de la Fédération nationale des activités des déchets de l'environnement (FNADE), M. Denis Gasquet a indiqué qu'une réflexion importante, associant l'ensemble des professionnels concernés, était menée, sur l'évolution des filières de traitement des déchets. Il a regretté la faiblesse des statistiques permettant d'apprécier la croissance des gisements de déchets, alors que cet élément conditionne le bon dimensionnement des équipements à mettre en place.

Répondant à une question de M. Michel Bécot sur les arbitrages à opérer entre les différentes filières de traitement et l'importance des évolutions technologiques dans le secteur, M. Dominique Pin a insisté sur la nécessaire complémentarité des trois filières de valorisation (recyclage, valorisation biologique et énergétique) et de la filière d'élimination en décharge, et l'intérêt qu'il y avait à tirer le meilleur parti de chacune d'elles. Il a estimé qu'après l'achèvement de la modernisation du système français de gestion des déchets, le taux de valorisation atteindrait 75 % pour l'ensemble des déchets banals et près de 70 % pour les seuls déchets municipaux, ce qui était compatible avec les objectifs fixés au niveau communautaire. En ce qui concerne l'incinération, il a souligné que les entreprises, prestataires de service, se devaient d'appliquer les traitements les plus sûrs, en s'interrogeant sur les moyens à trouver pour financer le coût de la recherche et de l'innovation.

M. Dominique Pin a ajouté qu'en matière de valorisation biologique, notamment le compostage, il fallait privilégier une démarche de qualité déterminant les interactions entre les systèmes industriels, les pratiques agricoles et la santé publique pour obtenir un produit de qualité. Il a considéré que le développement de cette filière supposait le maintien de l'incinération ou de la mise en décharge de la part de produit qui ne pourrait pas être utilisée en agriculture.

M. Denis Gasquet a considéré que l'absence de réglementation sur certains sujets risquait d'interrompre tout effort de recherche et de mise au point de nouveaux procédés, par application trop stricte du principe de précaution. Il a regretté ainsi que la France n'ait pas anticipé sur la future directive européenne en mettant en place une réglementation limitant les émissions de dioxines des usines d'incinération des ordures ménagères.

Répondant à M. Jean Bizet qui s'interrogeait sur le sens à donner à l'application du principe de précaution, M. Dominique Pin a regretté que certaines prises de position dogmatiques jettent le doute sur tels ou tels procédés de traitement de déchets. Il a considéré qu'il fallait en ce domaine concilier la nécessaire rigueur des normes imposées par les pouvoirs publics avec une augmentation raisonnable du coût supporté par le contribuable -soulignant, à ce sujet, tout l'intérêt de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification intercommunale, qui permettait de privilégier l'approche intercommunale plus économique en termes de gestion.

M. Dominique Pin a jugé que la valorisation des déchets industriels et commerciaux, et notamment des emballages, était très insuffisante du fait de l'inapplication du décret du 13 juillet 1994, de la baisse des aides de l'ADEME en direction du secteur concurrentiel et de l'absence d'un dispositif de soutien comme Eco-emballages. Pour encourager le développement du recyclage de ce type de produits, il s'est déclaré favorable à un système d'exemption de TGAP pour les refus de tri sous réserve d'un taux de récupération minimum.

Répondant à M. Jean-Marc Pastor qui s'interrogeait sur les choix des pays scandinaves en ce qui concerne le traitement des déchets et sur l'intérêt des nouvelles techniques de traitement, telles que la pyrolyse ou la thermolyse, M. Dominique Pin a indiqué que les pays d'Europe du Nord avaient un taux de recyclage matière plus élevé qu'en France et que le développement de l'incinération privilégiait la valorisation énergétique à travers les réseaux de chaleur.

S'agissant des nouvelles techniques de traitement des déchets, M. Denis Gasquet a jugé que celles-ci n'étaient pas toujours présentées de façon complète, notamment en ce qui concerne l'élimination du " charbon de déchets " qui nécessite un traitement complémentaire, en particulier sur les fumées par des procédés chimiques lourds. Il a considéré que ces nouvelles techniques en étaient encore au stade expérimental, et qu'il était difficile d'apprécier leur impact réel sur l'environnement. Il convient donc, a-t-il souligné, d'être prudent s'agissant de techniques innovantes, les opérateurs, en tant que prestataire de service, se devant d'assurer un traitement des déchets à un coût stable et dans des conditions techniques et sanitaires les plus fiables possible.

Enfin, évoquant les décharges internes des entreprises, M. Dominique Pin a fait remarquer qu'elles n'étaient pas soumises à la TGAP alors que les centres de stockage collectifs acquittaient une taxe de 120 francs la tonne pour les déchets industriels spéciaux et de 60 francs la tonne pour les déchets industriels banals.

Il a considéré qu'il s'agissait d'un cas d'inégalité devant l'impôt, introduisant une distorsion de concurrence inacceptable entre le traitement collectif et le traitement interne de ces déchets. Il a souligné, de plus, que cette situation allait à l'encontre de la politique de réduction de mise en décharge des déchets et rappelé que de nombreux sites orphelins, recensés aujourd'hui, étaient constitués d'anciennes décharges internes non résorbées.

Environnement - Gestion des déchets ménagers - Audition de M. Bernard Herodin, directeur financier d'Eco-Emballages

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Herodin, directeur financier d'Eco-Emballages.

M. Bernard Herodin, directeur financier d'Eco-Emballages, a dressé le bilan de l'activité de son entreprise en indiquant qu'au 30 septembre 1999 Eco-Emballages avait signé 620 contrats concernant 15.152 communes regroupant 33 millions d'habitants. Il a estimé qu'ainsi, 22 millions d'habitants étaient desservis par un système de collecte sélective. Après avoir relevé que parmi ces contrats 20 % concernaient des communes rurales, 70 % des communes de zones semi-rurales et 3 % des zones purement urbaines, il a indiqué qu'Eco-Emballages souhaitait pouvoir couvrir l'intégralité du territoire d'ici 2002.

Il a ensuite souligné qu'avec 2.200 tonnes valorisées, et un taux de valorisation des emballages ménagers égal à 75 %, Eco-Emballages avait atteint, dès 1999, les objectifs fixés par la directive européenne pour 2002, aussi bien en termes de taux de valorisation globale qu'en termes de taux de valorisation par matériau. Il a indiqué que le recyclage du papier carton et des plastiques avait connu une forte progression en 1999, atteignant respectivement 159.000 et 55.000 tonnes.

Abordant ensuite le bilan financier de l'année 1999 et la réforme des barèmes, il a relevé que pour la première fois les dépenses de soutien à la collecte et au tri -soit 653 millions de francs- avaient dépassé les recettes qui s'élevaient à 505 millions de francs. Observant que l'équilibre n'avait pu être atteint cette année que grâce aux reports des recettes des années précédentes, il a jugé que dans le cadre des engagements pris en 1992, le barème producteurs devait augmenter. Il a, enfin, souligné que le nouveau barème avait été élaboré dans le souci d'augmenter les recettes et de mieux prendre en compte les objectifs de prévention et de réduction à la source fixés par la directive européenne en prévoyant en particulier :

- une contribution au poids du matériau afin de favoriser la diminution des tonnages ;

- une contribution par unité d'emballage, afin de lutter contre la multiplication du nombre d'emballages et leur miniaturisation.

Il a ainsi relevé, à titre d'exemple, que le barème pour l'an 2000 serait de 0,7 centime par kilo pour le verre et 48,6 centimes par kilo pour le papier carton et que la contribution forfaitaire s'élèverait à 0,65 centime par emballage, au lieu d'un centime dans le barème actuel.

En ce qui concerne le nouveau barème de soutien aux collectivités territoriales, M. Bernard Herodin a rappelé que la signature d'un " contrat de programme" supposait un engagement réciproque, des collectivités territoriales s'engageant sur des objectifs de collecte sélective et un plan de sensibilisation des habitants, et d'Eco-Emballages assurant un soutien financier au fonctionnement du dispositif et une garantie de reprise des déchets. Il a ensuite indiqué que ce nouveau barème poursuivait six objectifs :

- une meilleure prise en compte des habitants et des coûts observés sur le terrain ;

- une incitation à la performance des rendements à la tonne triée ;

- une réponse adaptée à la montée en charge des programmes avec un appui renforcé dans la phase de démarrage ;

- une aide aux opérations de communication et de sensibilisation à la collecte sélective des déchets ;

- un soutien financier dédié à l'embauche de 3000 " ambassadeurs du tri " dans le cadre du dispositif national " emploi-jeune " ;

- une meilleure prise en compte du contexte local par un soutien différencié selon les types d'habitats.

Répondant à M. Jean-Marc Pastor, qui l'interrogeait sur les capacités financières d'Eco-Emballages à répondre aux demandes croissantes des collectivités locales en matière de collecte sélective et de tri, M. Bernard Herodin a indiqué qu'il n'y aurait pas de problème de couverture de coûts, puisque le barème producteurs serait périodiquement ajusté en fonction de l'augmentation des dépenses de soutien aux collectivités territoriales, et que la prévision de recettes pour 2000 était évaluée à 1 milliard de francs. Il a souligné qu'Eco-Emballages avait développé des outils d'analyse du cycle de vie des produits selon le type d'emballage pour aider à la conception d'emballages prenant mieux en compte la protection de l'environnement.

En réponse à M. Louis Moinard, qui soulignait que, bien souvent, la mise en place d'une collecte sélective s'accompagnait d'une hausse de la redevance difficilement explicable aux contribuables, M. Bernard Herodin a insisté sur l'importance des campagnes d'information et de sensibilisation à mener auprès des populations concernées et rappelé que le nouveau barème prévoyait un soutien au démarrage pendant les trois premières années du contrat, calculé en fonction du nombre d'habitants et non de la tonne triée.

Interrogé également sur l'intérêt de taxer les journaux et prospectus gratuits, qui sont estimés à 50 kg par habitant et par an, M. Bernard Herodin a indiqué qu'Eco-Emballages participait au groupe de travail sur le courrier non adressé chargé de faire des propositions, tant sur le principe d'une contribution volontaire et son champ d'application que sur les circuits à mettre en oeuvre pour assurer la collecte, le tri et la valorisation des produits en cause.

A M. Rémi Herment, qui l'interrogeait sur les capacités d'Eco-Emballages à intervenir dans les petites communes rurales, M. Bernard Herodin a précisé, qu'au-delà de stricts critères de rentabilité, l'entreprise se trouvait investie d'une mission de service public, pour permettre aux industriels et à l'ensemble des collectivités locales de respecter les obligations communautaires relatives au traitement des emballages.