Actes du colloque Vive la Loi


Loi et contrat

M. Bernard TEYSSIE, Président honoraire, Université de Paris II

Loi et contrat... Question classique aux déclinaisons connues : quelle place la loi laisse-t-elle au contrat ? Faut-il, réduisant l'impératif à l'essentiel, laisser à l'accord des parties tout loisir de se déployer, le cas échéant par exclusion de normes légales conçues comme supplétives ? Et lorsque survient quelque loi nouvelle faut-il admettre qu'elle trouve immédiatement application, y compris aux contrats en cours d'exécution ? Question renouvelée, dans le champ des relations de travail, lorsque, face à la loi, se dresse le contrat collectif, fruit de l'accord des partenaires sociaux. Celui-ci ne doit-il pas être préféré à la loi ? Si loi il doit y avoir, ne doit-elle pas être précédée, sur le thème visé, d'un contrat collectif dont le législateur se bornera à reprendre les termes ? Si loi il y a eu, ne doit-elle pas laisser aux partenaires sociaux le soin, dans le cadre par elle tracé, de donner traduction aux orientations définies ? Par-delà le débat sur l'adaptation de la norme à des réalités sociales ou économiques supposées mieux connues par les partenaires sociaux que par un législateur trop souvent nourri des seules informations, suggestions et propositions d'administrations centrales peu familières de ces réalités, l'enjeu, en vérité, est de pouvoir. Qui édicte la norme, gouverne la Cité. En confier l'élaboration aux partenaires sociaux revient à réduire d'autant les pouvoirs du Parlement et du Gouvernement, donc à amoindrir la capacité d'action de ceux, pourtant issus du suffrage universel, qui ont reçu la charge de l'intérêt général alors qu'est accrue celle des défenseurs d'intérêts particuliers. Reste cependant qu'à l'esprit de conquête qui peut animer les partenaires sociaux, Parlement et Gouvernement n'opposent pas toujours une ferme résistance. La tentation de laisser aux premiers le soin d'édicter (I), inspirer (II), mettre en oeuvre la norme sociale (III) peut être forte, que ce soit au nom d'une conception de l'Etat réduit à ses seules fonctions régaliennes ou par souci de laisser aux partenaires sociaux le soin de fixer des normes dont l'aptitude à provoquer protestations et manifestations n'est pas toujours négligeable. Eviter aux pouvoirs publics d'être placés, d'emblée, en première ligne peut paraître sage. Mais la sagesse n'est parfois que l'habit de cour du renoncement...

I. Le contrat bloque la loi

Forme suprême d'amputation des pouvoirs du législateur au profit des partenaires sociaux, une initiative de ces derniers paralyse le processus dans lequel il s'était engagé (ou était sur le point de s'engager). Parfois automatique dès lors que les partenaires sociaux ont manifesté leur intention de contracter (A), cette paralysie suppose, en d'autres circonstances, l'accord préalable des pouvoirs publics, libres, s'ils en ont la volonté, de conserver la maîtrise de l'édiction de la norme (B).

1. Blocage automatique

L'innovation, ici, est venue de Bruxelles, singulièrement de l'article 3 de l'Accord sur la politique sociale joint au traité du 7 février 1992 sur l'Union européenne aujourd'hui devenu, par la vertu du traité d'Amsterdam, l'article 138 du traité instituant la Communauté européenne. Avant d'aller plus loin dans le processus normatif, la Commission doit consulter les partenaires sociaux européens sur l'orientation possible d'une action communautaire en matière sociale ; si, passée cette étape, elle estime qu'une telle action est souhaitable, elle doit à nouveau les consulter, cette fois sur le contenu de la proposition envisagée. A chaque étape de ce processus de consultation, les partenaires sociaux peuvent informer la Commission de leur décision de négocier, sur le thème considéré, un accord collectif de niveau communautaire. Si tel est le cas, la Commission, pendant une période de neuf mois, et ce de manière automatique, est empêchée de poursuivre l'oeuvre législative qu'elle avait entreprise. Ce n'est qu'au terme de cette période (susceptible de prorogation, mais avec son accord), et en cas d'échec de la négociation engagée, que le processus d'élaboration d'un texte de caractère législatif peut reprendre son cours. Ce dispositif a puissamment contribué à l'émergence d'un droit conventionnel communautaire marqué, entre autres, par les accords du 14 décembre 1995 sur le congé parental, du 6 juin 1996 sur le travail à temps partiel et du 18 mars 1999 sur le travail à durée déterminée.

2. Blocage non automatique

L'exclusion de la loi au profit du contrat est parfois subordonnée à l'accord des pouvoirs publics. Illustration en est encore offerte par le droit communautaire. L'article 137, § 3, du traité instituant la Communauté européenne (issu de l'article 2 de l'Accord sur la politique sociale joint au traité de Maastricht) autorise chaque Etat à confier aux partenaires sociaux (et il s'agit alors des partenaires sociaux nationaux), à leur demande conjointe, le soin de procéder à la transposition des directives prises en matière sociale. Ce dispositif fut, par exemple, utilisé en Belgique pour la transposition de la directive n° 94/45/CE du 22 septembre 1994 concernant l'institution, en vue d'informer et de consulter les travailleurs, d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises et les groupes de dimension communautaire, opérée par la convention collective de travail n° 62 du 6 février 1996. Il ouvre la voie, sous le contrôle des pouvoirs publics (garants de la transposition de la norme communautaire dans le cadre national), à la construction d'un dispositif conforme, dans le respect des prescriptions de la directive, aux traditions et pratiques nationales auxquelles sont attachés les partenaires sociaux. Mais parce qu'il ne s'agit que de transposition, encore est-il permis de soutenir que la loi communautaire a dessiné les contours du contrat collectif... sauf à observer que ladite loi n'est peut-être, elle-même, que le fidèle écho d'un accord collectif de niveau communautaire.

II. Le contrat dessine la loi

Le contrat collectif signé par les partenaires sociaux nourrit parfois un texte législatif (A). Encore son absorption par ce dernier n'est-elle pas nécessairement reprise servile : le législateur, ne serait-ce qu'au titre de la distinction lorsqu'elle a lieu d'être de ce qui relève de la loi ou du décret, peut s'inspirer de l'accord intervenu sans en reprendre tous les termes. Il en va différemment lorsqu'il se borne à annexer à la loi le texte du contrat acceptant alors de n'y rien changer (B).

1. Le contrat intégré à la loi

Il peut arriver que les partenaires sociaux, en quête d'innovation, concluent un accord contra legem : son application est impossible tant que le dispositif légal n'a pas été modifié ; si le législateur, désireux d'accompagner les partenaires sociaux, entend les autoriser à emprunter les voies nouvelles qu'ils ont affirmé vouloir explorer, le plus expédient est qu'il reprenne à son compte les termes de l'accord. Ainsi fit la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 lorsqu'elle reprit, en son article 6, à titre expérimental, les dispositions de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 tendant à autoriser la conclusion d'accords collectifs, dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, avec les représentants élus du personnel, voire avec des salariés « ordinaires » mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives. Ainsi vient de le faire la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, fortement inspirée, en son titre II, relatif au dialogue social, de la Position commune du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation (qui, si elle traduisait un accord, n'avait point, cependant, revêtu la forme d'un accord collectif au sens des articles L. 131-1 et suivants du Code du travail). Par le jeu de dispositions conçues comme définitives, elle permet la conclusion, dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, d'accords collectifs négociés par les représentants élus du personnel au comité d'entreprise, à défaut par les délégués du personnel et, en l'absence de tout représentant élu du personnel, par des salariés « ordinaires » mandatés en ce sens par des organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan national.

Indépendamment des circonstances dans lesquelles l'accord ne peut trouver traduction qu'avec le relais de la loi, son intégration dans un texte de caractère législatif assure l'application à tous, avec la force éminente qui y est attachée, de l'ensemble des stipulations que le Parlement reprend à son compte. Les partenaires sociaux trouvent là consécration de leur oeuvre ; le législateur y trouve l'instrument d'une simplification du travail parlementaire et la quasi garantie de la quiétude sociale (singulièrement lorsque l'accord dont les termes sont repris fut signé par l'ensemble des organisations syndicales représentatives ou, du moins, par les plus importantes d'entre elles). De l'accord national interprofessionnel sur l'emploi du 20 octobre 1986 naquit ainsi la loi n° 86-1320 du 30 décembre 1986 relative aux licenciements pour motif économique ; de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle est né le titre I de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004.

Mais s'il trouve assurément intérêt à pareille formule, le législateur doit prendre garde à n'être point transformé en greffier, uniquement chargé d'inscrire dans la loi, sous la dictée des partenaires sociaux, les stipulations d'accords par eux arrêtés. De la retranscription à la subordination le chemin, parfois, est bref. Les clauses de l'accord peuvent donner l'image d'un Parlement sous contrôle : contrôle léger lorsqu'il est stipulé que « si les dispositions législatives et réglementaires n'étaient pas en conformité avec celles du présent accord, les parties signataires conviennent de se réunir pour examiner les conséquences de cette absence de conformité », mais contrôle bien réel lorsqu'il est ajouté que « les parties signataires... demandent à être associées à la préparation des dispositifs législatifs et réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre du présent accord » ; contrôle rigoureux lorsqu'est introduite dans l'accord national interprofessionnel du 24 mars 1990 relatif à l'emploi précaire d'où sortira la loi n° 90-613 du 12 juillet 1990 une clause aux termes de laquelle l'existence même de l'accord est « subordonnée à l'adoption de l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires nécessaires à son application, à l'exclusion de toutes autres modifications du régime du contrat de travail à durée déterminée et du travail temporaire actuellement en vigueur ».

A cette contractualisation de la loi dans le domaine social la commission que présidait Michel de Virville a proposé de donner un caractère systématique, le processus législatif s'organisant en trois temps :

1) le ministre du Travail soumettrait au Parlement un « pacte de négociation fixant les conditions dans lesquelles la négociation collective serait appelée à se saisir de tel ou tel domaine déterminé de droit du travail » ; il indiquerait notamment « les règles intangibles, devant garder leur caractère impératif et à l'inverse, celles qui pourraient être réexaminées par la négociation collective » ;

2) dans le cadre ainsi défini, « les partenaires sociaux pourraient ouvrir des négociations, d'abord au niveau interprofessionnel, pour fixer les règles communes applicables à l'ensemble des branches et pour préciser comment ces dispositions générales seraient susceptibles d'être remplacées, complétées ou amendées par la négociation de branche ou d'entreprise » ;

3) un projet de loi « reprenant le pacte de négociation initialement présenté au Parlement et les règles définies par l'accord interprofessionnel » serait soumis au vote des députés et des sénateurs.

Au delà du quotidien, pareille proposition intéresse l'équilibre des pouvoirs dans la Cité. Avant de lui donner traduction, il faut précisément mesurer l'érosion supplémentaire qu'elle est susceptible d'infliger à l'autorité réelle d'un Parlement qui peine déjà à redéfinir (si ce n'est à la marge) le contenu des projets de loi issus des services des ministères. Adoptée, elle provoquerait une modification profonde de l'équilibre des pouvoirs entre le Parlement et les partenaires sociaux mais aussi entre ces derniers et le Gouvernement. Un pas a néanmoins été franchi dans cette direction à l'occasion de l'élaboration et de la discussion du texte qui allait devenir la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Dans l'exposé des motifs du volet du projet de loi relatif au dialogue social, le Gouvernement a pris « l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative en droit du travail. Par conséquent, il saisira officiellement les partenaires sociaux, avant l'élaboration de tout projet de loi portant réforme du droit du travail, afin de savoir s'ils souhaitent engager un processus de négociation sur le sujet évoqué par le Gouvernement ». Ce que le ministre du Travail a confirmé au cours des débats parlementaires : « Avant toute réforme de nature législative touchant aux relations du travail, le Gouvernement s'engage... à donner la priorité à la négociation collective. Nous demandons en quelque sorte aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités, s'ils le souhaitent, avant d'entreprendre quelque démarche législative que ce soit ». Comme il n'est guère concevable que, de l'acte négocié, le législateur ne reprenne pas les termes, une étape importante pourrait être bientôt franchie, si l'engagement pris est tenu, dans la voie de la contractualisation du droit du travail... dont le renvoi pur et simple à l'accord, annexé à la loi, constitue la forme la plus achevée.

2. Le contrat annexé à la loi

Renonçant aux fonctions de greffier au profit de celles de copiste (voire d'archiviste mâtiné d'alchimiste), le législateur, dont n'est plus alors attendue que la transmutation du contrat en loi, se borne parfois à donner valeur légale à l'accord des partenaires sociaux par la grâce d'un texte de quelques lignes auquel le contrat collectif est purement et simplement annexé. Si le législateur français n'a, pour l'instant, que rarement retenu cette formule, elle commence, en revanche, à s'installer au niveau communautaire.

Annexe à la loi française. - De la technique de l'annexe, illustration est fournie par la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 « relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle ». Elle donne force légale aux « droits nouveaux ouverts par les clauses de l'accord national interprofessionnel » du 10 décembre 1977 sur la mensualisation tel qu'annexé à ladite loi. Outre que le renvoi à l'accord, joint au texte législatif, traduit une quasi renonciation du Parlement à l'écriture de la loi, il emporte amputation du droit dont ordinairement il dispose, de modifier le dispositif par lui établi. Son pouvoir de révision ne peut s'exercer que sur les quelques lignes dont il est l'auteur. Il ne saurait atteindre l'accord annexé à celles-ci. Bien qu'il ait désormais acquis force légale, il demeure un accord. OEuvre des partenaires sociaux, il ne peut être modifié que par eux. A supposer qu'ils le révisent, le législateur, s'il entend poursuivre dans la voie déjà empruntée, n'aura d'autre choix que de modifier la loi pour la rendre applicable à l'accord révisé ; à défaut, il privera de force légale la version révisée de l'accord.

Annexe à la loi communautaire. - Une fois conclu un accord collectif de niveau communautaire, la mise en oeuvre peut en être opérée soit par recours aux procédures propres aux partenaires sociaux et aux Etats membres, soit - dans les matières relevant de l'article 137 du traité de Rome - par décision du Conseil sur proposition de la Commission. Or, lorsque cette dernière formule est retenue - ce qui est souvent le cas - la Commission, bien qu'elle ait, en principe, le droit de s'écarter des termes de la convention, ne s'y est jamais hasardée : afin d'éviter tout conflit avec les signataires de l'accord, elle se borne à reprendre, sans rien y changer, le texte de celui-ci, annexé à la proposition de décision (en pratique, jusqu'à présent, de directive) transmise au Conseil. Quant à ce dernier, bien qu'il ait le droit d'amender la proposition qui lui est présentée, il ne l'a, pour l'instant, jamais fait. De l'oeuvre des partenaires sociaux, la décision du Conseil, auquel l'accord est annexé, constitue le très fidèle reflet.

III. Le contrat affadit la loi

La loi organise son propre repli lorsque, renonçant à l'impératif, elle admet que les dispositifs par elle établis puissent recevoir adaptation par voie conventionnelle (A) ou même être écartés (B).

1. Aménagement contractuel de la norme

Bien que le Code du travail français soit plus accoutumé aux fulminations impératives qu'aux aménagements conventionnels, la voie leur est parfois ouverte... et a été récemment élargie. Dans des circonstances où seuls étaient admis les aménagements apportés par convention de branche, la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 a ouvert la voie à des modifications opérées par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement, qu'il s'agisse de fixer le montant de l'indemnité de fin de contrat due au titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée, d'évincer celle normalement due au titulaire d'un contrat de travail temporaire, de réduire le délai dans lequel une modification de la répartition de la durée du travail d'un travailleur à temps partiel doit lui être notifiée, etc.

Ce repli de la loi, par elle-même organisé, constitue l'instrument d'une adaptation de la norme à des réalités économiques et sociales variables selon les secteurs d'activité mais aussi selon les entreprises, voire les établissements. Ses mérites sont incontestables mais le risque d'un émiettement de la norme sociale ne l'est pas moins. Encore est-il ici cantonné, ce qui n'est pas toujours le cas.

2. Écriture contractuelle de la norme

Il y a écriture contractuelle de la norme dès lors qu'après que le législateur a affiché un objectif, il laisse les partenaires sociaux libres de le réaliser selon les modalités qu'il leur plaît d'adopter. Le dispositif légal est, dans sa totalité, susceptible d'être écarté, sous réserve que l'objectif fixé soit atteint. Illustration en est fournie par les dispositions de la directive n° 94/45/CE du 22 septembre 1994 « concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs ». Sous réserve d'établir une procédure ou de créer une instance de représentation du personnel assurant effectivement l'information et la consultation des travailleurs présents sur le territoire des Etats destinataires de la directive sur les questions à caractère transnational intéressant lesdits travailleurs, les parties à l'accord par lequel doit être en principe assurée la réalisation de cet objectif (à savoir la direction centrale de l'entreprise ou du groupe et un groupe spécial de négociation) sont libres de retenir les solutions qui leur paraissent les plus pertinentes. Le fait qu'elles doivent traiter certains thèmes, telle la composition de l'instance créée (si tel a été le choix opéré), n'altère pas le propos dès lors qu'elles demeurent libres d'adopter les solutions qu'elles jugent les mieux adaptées à leur situation.

La volonté de permettre une écriture conventionnelle de la norme est également présente dans les directives n° 2001/86/CE du 8 octobre 2001 relative à l'implication des travailleurs dans la société européenne et n° 2003/72/CE du 22 juillet 2003 traitant de cette même implication dans la société coopérative européenne ainsi que dans la directive n° 2001/14/CE du 11 mars 2002 tendant à harmoniser les dispositifs nationaux relatifs à l'information et à la consultation des travailleurs lorsqu'elle invite les Etats à « confier aux partenaires sociaux au niveau approprié, y compris au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, le soin de définir librement et à tout moment par voie d'accord négocié les modalités d'information et de consultation des travailleurs ».

La pression ainsi exercée pour que, une fois le cap fixé par le législateur, les modalités selon lesquelles l'objectif assigné sera atteint soient librement déterminées par voie contractuelle, est d'autant plus perceptible en France qu'elle se manifeste dans un domaine où les pouvoirs publics ne sont, traditionnellement, guère portés à laisser une large place au contrat, fût-il collectif. Car tel est bien l'un des enseignements majeurs des rapports de la loi et du contrat dans le champ des relations de travail : le droit communautaire, inspiré de pratiques nationales fort éloignées de la tradition française, invite à laisser au contrat, y compris dans des Etats qui n'y étaient pas nécessairement portés, un rôle majeur contre la loi, au coeur de la loi ou en aval de la loi. Il traduit la conviction que la norme sociale est moins l'affaire des politiques que des partenaires sociaux. Encore faut-il, pour que ce mode d'élaboration ou d'application de la norme se révèle pertinent que soient présents au niveau interprofessionnel, dans les branches, les entreprises, des partenaires sociaux aptes à nouer des relations équilibrées. L'étiolement, en France, du tissu syndical peut, sur ce terrain, nourrir quelque inquiétude. Mais ouvrir le champ offert au contrat peut aussi porter un espoir : celui que l'encouragement à négocier et l'importance attachée au fruit de la négociation contribuent, à terme, à restituer aux partenaires sociaux un surcroît de vigueur. Tant il est vrai que le pire n'est jamais sûr...

M. Jean-Paul DELEVOYE

Je vous remercie.

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