POLITIQUES DU PATRIMOINE, DU MONDIAL AU LOCAL



Actes des colloques organisés au Sénat sous le Haut patronage de Christian Poncelet, Président du Sénat (2002 / 2003)

TABLE RONDE : QUELLES NOUVELLES STRATÉGIES D'EXPLOITATION, DE GESTION ET DE PROMOTION DU PATRIMOINE ?

A. ALLOCUTION : LA FONDATION DU PATRIMOINE, PAR ALAIN PACONTIN, PRÉSIDENT DE LA FONDATION DU PATRIMOINE

N'ayant pas été prévu au programme, je vous remercie vivement de me laisser vous présenter brièvement les grands axes de nos moyens et perspectives. Cette fondation privée, à but non lucratif, créé par l'État en 1996, a pour but l'aide à la sauvegarde et la valorisation du patrimoine. À travers cette fondation, l'État encourage le citoyen à prendre en main une partie du patrimoine dont lui-même ne peut pas s'occuper.

Pour se faire, certains moyens nouveaux et significatifs ont été donnés. Nous avons par exemple l'autorisation d'exercer le droit régalien de labelliser et de défiscaliser des travaux qui relèvent d'un particulier soumis à l'impôt. Un million de labels ont déjà permis des travaux défiscalisés et validés par l'ABF. De plus, grâce à un amendement initié par le sénateur Yann Gaillard et voté au Sénat à l'unanimité, un pourcentage du fruit de ces successions vacantes placées par l'État nous sera attribué. Ce décret complète notre champ d'action. Auparavant, via le label, seuls des propriétaires privés susceptibles de défiscaliser bénéficiaient de notre soutien. Désormais, le patrimoine non privé fera aussi partie de nos compétences. Notre aide à la restauration du patrimoine privé ou communal est soutenue par les deux tiers des régions. Par exemple, la région Nord-Pas-de-Calais met à notre disposition un million d'euros par an.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre-et-Loire et Maire de Chinon

Cher Président, nous sommes très contents d'avoir entendu des propos aussi concrets. Effectivement, cette disposition que nous avons votée peut nous aider. Nous ferons circuler la documentation sur votre fondation. Nous apprécions la collaboration que notre région développe avec vous. Maintenant, je demande à Monsieur Houssard d'intervenir.

B. ALLOCUTION, PAR YVAN HOUSSARD, DIRECTEUR DE LA SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT AUX MÉTIERS D'ART (S.E.M.A)

La problématique de l'animation du patrimoine passe par un regard porté sur les liens existants entre le patrimoine et les métiers du patrimoine. Les métiers d'art font l'objet d'une valorisation actuellement significative. Les ateliers et les expositions proposés à l'occasion des journées des métiers d'art ont attiré plus de 500 000 personnes. Les villes qui évoquent leur patrimoine le rattachent toujours aux savoir-faire. J'en profite pour signaler qu'à Lectoure, un artisan d'art a réinventé le bleu de Lectoure qui avait disparu. Cet intérêt pour les métiers d'art, dans ce contexte de standardisation de la production est lié à une volonté de renouer avec le geste d'une consommation intelligente. Les produits du terroir répondent à un souci de traçabilité.

Avec l`Archipel des métiers d'art mené en Languedoc-Roussillon, nous avons tenté de faire des métiers d'art une force économique sur un territoire doté de belles villes mais avec peu d'industries. L'adhésion des maires et des préfets a été facilitée du fait que la S.E.M.A pouvait proposer les financements.

Il a fallu faire comprendre aux élus qu'il fallait parfois faire passer l'analyse de l'intérêt général par la mesure concrète des retombées engendrées par la sphère du privé, souvent rattachée à l'initiative et au talent individuel. Nous avons travaillé sur des villes dotées de savoir-faire mais qui souffraient de l'industrialisation. Grâce à cette opération, Saint-Quentin-la-Pouterie, qui avait perdu tous ses potiers comporte maintenant dix-sept céramistes, soixante emplois, deux classes, un hôtel et un restaurant. Le même travail a été mené sur vingt-deux villes, dont Pézenas qui s'efforçait déjà de valoriser les métiers d'art. L'opération s'est attachée à remettre les artisans d'art au coeur de la ville. C'est ainsi que peu à peu un réseau s'est constitué, surtout autour de petites communes.

Pour intégrer ce réseau dans le contrat de plan état/région, l'aide du préfet a été déterminante. La finalité économique de l'opération passait par l'identification de la région en tant que ressource en métiers d'art. Cette reconnaissance de la région par les touristes et les acheteurs des grands magasins devaient les inciter à en acheter ou en distribuer les produits. L'opération a permis de créer plus de 300 emplois directs. Nous voulions étendre cet archipel à tout le bassin méditerranéen. Mais à l'époque, le passage des frontières a rendu difficile l'extension de ce réseau à l'Italie du nord et à la Catalogne. La SEMA et les dispositions européennes vont certainement permettre de réaliser ce lien entre Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Perpignan peut être notre trait d'union avec la Catalogne. L'idée est de réaliser en Europe un maillage territorial cohérent de pôles de métiers d'art choisis pour leurs richesses patrimoniales et leur hospitalité, le tout régi par une charte de qualité. De l'étranger, il sera plus facile d'identifier et de faire connaître cet arc méditerranéen que telle ou telle autre ville. En cela nous rejoignons cette notion de nouveaux territoires du patrimoine.

Il est essentiel qu'une méthodologie et des règles maintiennent l'équilibre du réseau et l'intégration de nouveaux membres doit enrichir et non menacer son identité. C'est pourquoi l'adhésion des villes est soumise aux exigences de la charte de qualité. La diversité et le grand nombre d'interlocuteurs - collectivités, conseil général, régions, préfectures de région, organisations professionnelles, chambres des métiers, etc. - constituent l'une des plus grandes difficultés de cette initiative. Mais nous sommes parvenus à la réaliser grâce à de la détermination, du courage, de la pugnacité et beaucoup d'organisation.

C. ALLOCUTION PAR DOMINIQUE TREMBLAY, DIRECTEUR DE LA MISSION VAL DE LOIRE, PATRIMOINE MONDIAL

L'inscription du Val de Loire sur la liste du patrimoine mondial de L'UNESCO a été précédée de longs débats. Le plan Loire grandeur nature de Michel Barnier a permis de dépasser les polémiques en amorçant une nouvelle démarche sur la valorisation du patrimoine.

Le Val de Loire est un site de grande superficie : il fait 280 kilomètres de long, couvre deux régions, concerne quatre départements, six agglomérations, soixante communes, un million d'habitants avec en son milieu, un parc naturel. C'est au titre des paysages culturels vivants que le Val de Loire a été inscrit au patrimoine mondial. Les critères de cette inscription concernent le patrimoine monumental mais aussi le fruit de l'interaction entre l'homme et son environnement au cours du temps. La notion de paysage culturel vivant est transversale puisqu'elle recouvre les différents aspects du patrimoine évoqués depuis ce matin. Cette inscription aurait pu être comprise comme la consécration d'un passé reconnu sur laquelle se reposer. La population a choisi de la considérer comme le point de départ d'un travail de valorisation à réaliser.

La structure imaginée pour atteindre ce but devait être adaptée à la complexité du territoire et concilier trois exigences :

Une première exigence devait garantir une démocratie représentative. Elle a donné lieu à la création d'une conférence territoriale.

Une deuxième exigence se rapportait à une démocratie participative puisqu'un grand nombre d'acteurs - économiques, touristiques, culturels, environnementaux - étaient concernés dans leur activité par cette inscription. Un comité de développement a ainsi vu le jour.

La troisième exigence concernait une efficacité opérationnelle d'où l'idée de créer une mission inter régionale sous forme d'un syndicat mixte rassemblant les deux régions.

La conférence territoriale est présidée par le préfet de la région Centre, autrement dit, l'autorité de l'État sur la Loire - les régions, départements, agglomérations, les grandes collectivités maîtres d'ouvrage, le Parc naturel régional, etc. Le comité de développement est un lieu de rencontre entre tous les différents acteurs, lors de réunions annuelles et de groupes de travail, sollicité à travers des appels à projets ou à contribution. Le syndicat mixte créé, présidé et cofinancé par les deux régions de sensibilité politique différente, porte une structure d'ingénierie territoriale que j'anime, qui fédère et coordonne l'ensemble des acteurs. Ce projet de valorisation est né en 2002. La structure s'est mise en place dans le courant de cette même année et les objectifs prioritaires ont été validés en décembre 2002.

Le premier de ces objectifs était la mobilisation de toutes les collectivités territoriales.

Pour y parvenir, nous avons élaboré une charte d'engagement Val de Loire, patrimoine mondial . Cette charte rappelle les principes de cette inscription, en précise la portée ainsi que

les dispositifs et cible un certain nombre d'engagements de principe. Portée par les principales collectivités du Val de Loire, la charte est maintenant soumise aux cent soixante communes. Nous espérons leur adhésion et celle de la majorité des organisations représentatives de la vie civile avant la fin de l'année.

Le second objectif porte sur l'utilisation du label. L'état a déposé à l'INPI 25 ( * ) la marque Val de Loire, patrimoine mondial . L'utilisation de ce label renvoie à une double exigence de protection et de diffusion. La mission, par délégation de l'État, est chargée de gérer ce label. Un cahier des charges de l'utilisation du label a été récemment validé par la conférence territoriale.

Le troisième objectif nous conduit vers un travail portant aussi bien sur la traduction dans des référentiels paysages de l'inscription que sur l'exemplarité du Val de Loire en termes d'aménagement des entrées de ville, comme par exemple pour la limitation de la publicité. La mise en lumière et la labellisation des grandes manifestations culturelles seront aussi concernées.

Le quatrième objectif vise l'inscription et le développement d'un tel projet dans un cadre international. Avec l'UNESCO, les collectivités et l'État, nous voulons créer un institut international de gestion et de valorisation du patrimoine. Cet institut sera un lieu d'échanges, de capitalisation des expériences, de formation et de recherches sur la problématique patrimoniale appliquée aux grands fleuves, à l'échelle internationale. Val de Loire, patrimoine mondial a mobilisé cinq universités autour de ce projet. Une première instance de préfiguration devrait suivre l'étude de faisabilité qui s'achève.

Le cinquième objectif porte sur la communication. Nous faisons en sorte que tous les habitants s'approprient l'inscription, pour qu'elle dynamise les actions entreprises. Nous aimerions utiliser cette inscription au titre de paysage culturel vivant pour valoriser d'autres aspects de notre patrimoine que celui des châteaux. C'est en cela que le Val de Loire, au-delà de son patrimoine traditionnel est aussi un nouveau territoire du patrimoine. Il doit se faire connaître dans le monde entier, par des éléments patrimoniaux originaux, naturels ou liés directement à l'histoire des hommes.

Enfin, dans un souci d'éducation et de dialogue permanent avec toutes les générations et les cultures, nos deux derniers objectifs se rapportent à la sensibilisation des scolaires et à la qualité de l'accueil. Cette inscription ne doit pas être un motif d'autosatisfaction. Au contraire, elle doit nous conduire à une démarche de qualité qui doit s'enrichir de l'international et qui doit s'inscrire dans la durée. C'est alors que nous créerons la valeur ajoutée à notre patrimoine qui rime désormais avec un vaste ensemble de ressources humaines et où la culture rejoint parfaitement la sphère économique et sociale. Je vous remercie.

Yves Dauge , Sénateur d'Indre et Loire, Maire de Chinon

Nous allons conclure avec Madame Yang et Monsieur Alduy.

* 25 INPI : Institut national de la propriété industrielle

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