Les Parlements dans la société de l'information
Palais du Luxembourg, 18 et 19 novembre 1999
DEUXIÈME SOUS-PARTIE - LES PARLEMENTAIRES DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
I. ARTICLE DE MME HÉLÈNE FALCH FLADMARK, MEMBRE DE PARLEMENT NORVÉGIEN
Nous en sommes, cet automne, à célébrer le trentième anniversaire d'Internet. En octobre 1969, un chercheur de l'UCLA tentait de se connecter à l'Institut de Recherche de Stanford, à travers ce qui était alors connu sous le nom d'Arpanet. Ce premier essai se traduisit, au moment d'entrer le G de LOGIN, par un panne généralisée du système. Mais si l'enfant eut une naissance difficile, il est devenu, 30 ans plus tard, plus vigoureux que n'aurait pu l'imaginer aucun de ses parents. En 1969, l'Arpanet n'était pas autre chose que quatre supercalculateurs connectant entre elles les institutions de recherche américaines. Aujourd'hui, plus de 225 millions de personnes dans le monde entier peuvent envoyer et recevoir des messages électroniques.
Ce réseau géant d'information a d'ores et déjà entraîné des transformations dans la vie quotidienne des individus, dans leur vie professionnelle, dans les nouvelles pratiques commerciales, enfin et surtout, dans la vie politique. Jusqu'à présent, nous n'avons été témoins que de faibles signes des changements que peut susciter l'Internet dans les structures du pouvoir, ainsi que dans la manière dont sont régis les États. Mais il est certain que les individus et les groupes disposent avec lui d'un instrument unique pour mener le combat en faveur de leur cause, quelle qu'elle soit. Les modalités traditionnelles d'exercice du pouvoir sont mises au défi. À mesure que se développent les technologies et les facilités d'accès à Internet, il devient de plus en plus difficile d'empêcher la libre circulation de l'information. Il est de notoriété publique que le mouvement zapatiste au Mexique utilise le Net pour atteindre des sympathisants dans le monde entier. De même, les combattants de la liberté et les mouvements clandestins en Chine font un usage actif de l'Internet. Par exemple, l'organisation chinoise Falun Gong, aujourd'hui interdite, a pu rassembler durant quelques heures des milliers de participants, en avril dernier, grâce à la messagerie électronique. Le parti démocratique chinois survit et croit en grande partie grâce aux possibilités de diffusion de l'information que lui offre l'Internet.
L'Internet a aussi des effets sur la vie politique des démocraties occidentales stables, comme celle de mon pays, la Norvège. Pour vous donner un aperçu de l'impact qu'ont les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication sur ma vie de membre du Parlement norvégien, il me faut d'abord dresser un tableau général du monde de l'Internet en Norvège, et plus particulièrement, des politiques menées par le Parlement et les partis à l'égard de ce nouvel instrument.
1. Le Cyberespace norvégien
Si l'on rapporte le nombre d'utilisateurs de l'Internet à sa population, la Norvège se classe au septième rang mondial. L'ensemble constitué par les pays nordiques se situe parmi les pays du bloc de tête en termes d'utilisation de l'Internet. Il est intéressant de souligner qu'il n'est plus un outil réservé aux plus jeunes et aux plus prospères dans la seule sphère commerciale d'aujourd'hui. De plus en plus de centres du troisième âge offrent, dans leur bouquet de services, l'accès à Internet, et le Gouvernement a lancé un programme visant à fournir cet accès à tous les élèves des écoles élémentaires.
Comme dans la plupart des pays, l'Internet a été introduit en Norvège par les chercheurs. La première connexion à Arpanet hors des États-Unis fut même le fait de mon pays, en 1973. Un réseau inter universitaire reliant tous les établissements d'enseignement supérieur est en fonction depuis 1987. En 1993, l'accès à Internet a été pour la première fois commercialisé, et c'est en 1995-96 que l'accessibilité et le taux d'utilisation de l'Internet ont explosé. Dans la plupart des cas, c'est d'abord notre vie professionnelle qui nous a mis en contact avec Internet, et aujourd'hui encore l'adresse électronique de la majorité des utilisateurs est celle de leur entreprise. Mais nous sommes désormais de plus en plus nombreux à y avoir accès à domicile.
La Norvège « officielle » a commencé tôt, par comparaison aux autres pays, à utiliser les médias électroniques. J'ai ainsi pour la première fois découverte la messagerie électronique en 1992, alors que je travaillais au ministère de l'Environnement. Le premier site Gouvernemental officiel a été lancé en août 1995. Le but était, à l'époque, d'améliorer la transparence de l'appareil d'État, et de faciliter l'accès à l'information. Aujourd'hui, différentes voies vers l'interactivité sont explorées, par exemple les comptes rendus d'auditions, ou encore les groupes de discussion autour de problèmes spécifiques. Un site web de discussion libre sur les questions liées aux NTIC a été inauguré au début de cette année. En 1999, la page d'accueil du site officiel enregistrait plus d'un million et demi de hits. Ce chiffre, dans un pays qui ne dépasse pas les cinq millions d'habitants, donne une idée de l'ampleur qu'a pris l'usage d'Internet en Norvège.
Aujourd'hui, tous les journaux, nationaux et régionaux, ont une version électronique en ligne, et quelques titres n'existent que sur le Net. Les chaînes de télévision les plus importantes, celles qui ont une couverture nationale, utilisent également de plus en plus l'Internet, à la fois pour informer leur public, mais aussi, de plus en plus, pour recueillir ses réactions - et susciter l'interactivité lors de la diffusion des programmes.
2. Le Cyber Parlement
Le Parlement norvégien s'est mis en ligne pour la première fois le 8 mai 1996. L'événement fut soigneusement planifié. Le premier document publié simultanément en version papier et sur le web était un rapport très controversé sur les services secrets. Depuis, tous les débats, tous les rapports sont, aussi rapidement que possible, rendus publics sur Internet. Le site web du Parlement a été conçu - et est utilisé par le public - comme une « fenêtre ouverte ». Son objectif est de faciliter l'accès à l'information sur le Parlement, d'en renforcer les effets - en même temps que d'aider les individus et les groupes à mieux faire usage de leurs droits démocratiques. Le site est utilisé par le grand public, les avocats, les journalistes, les conseillers en information, les organisations, les officiels, les étudiants et les élèves de l'enseignement scolaire, sans oublier les hommes politiques et leurs conseillers. La fréquentation du site a été, dès les premiers jours, en constante augmentation, mais elle varie considérablement selon les périodes de l'année. Comme il est logique, le site web devient plus actif lorsque la tension monte entre les parlementaires.
Il existe, depuis 1998, un service administratif d'information par courrier électronique. Toutefois, les possibilités dont dispose le public pour entrer en contact par ce moyen avec un homme politique sont variables. Les membres du Parlement et les groupes politiques ont tous leur propre adresse électronique, mais tous ne l'utilisent pas. L'administration estime qu'environ 100 des 265 parlementaires utilisent personnellement leur messagerie électronique.
Lorsque la messagerie fut introduite au Parlement, il y eut débat : fallait-il rendre publiques les adresses électroniques des parlementaires ? De crainte d'un harcèlement par e-mail, il fut décidé de ne pas donner à celles-ci trop de publicité. La question se pose à nouveau, alors qu'un nombre croissant de parlementaires, parmi lesquels je me range, souhaite faire un usage de l'Internet plus résolument tourné vers le public. Il est probable qu'on en viendra ainsi à la publication sur le site des adresses électroniques de ceux des parlementaires qui ne s'y opposent pas.
Bien entendu, cela rendra les hommes politiques plus vulnérables à des attaques massives dirigées contre leur messagerie, mais l'administration a les moyens de parer à de telles attaques, grâce à l'utilisation de filtres. Ce fut le cas en janvier, lorsque, durant quelques heures, des milliers d'étudiants envoyèrent le même message à tous les parlementaires. Ces messages, avant d'être arrêtés, faillirent provoquer une panne totale du système. L'installation d'un filtre obligea les étudiants à déployer un peu plus d'ingéniosité pour parvenir jusqu'à nous (c'est-à-dire qu'ils ne pouvaient plus se contenter d'appuyer sur le bouton d'un site web), mais ils ne furent pas totalement stoppés. Je crois qu'il est important de mentionner le dilemme entre censure et protection contre les attaques. Il est également intéressant de souligner que cette première manifestation électronique massive, lancée par quelques étudiants hors du cadre habituel des syndicats, prit très vite l'ampleur d'une protestation nationale - et qui eut véritablement un impact sur les décideurs. Les étudiants n'obtinrent pas entièrement ce qu'ils voulaient aussi vite qu'ils le souhaitaient, mais ils firent accélérer les choses. En comparaison de la quasi rituelle manifestation annuelle organisée, dans les formes traditionnelles, par les permanents des syndicats étudiants, cette web-manifestation réunit un nombre énorme de participants, et eut des effets plus tangibles.
Néanmoins, le courrier électronique n'est pas encore le moyen le plus répandu pour entrer en contact avec les hommes politiques. Les appels téléphoniques restent encore quatre fois plus fréquents que les messages électroniques pour adresser une question ou une réclamation au Parlement.
3. Les partis dans le Cyberespace
La formation à laquelle j'appartiens, le parti libéral « Venstre », fut le premier parti norvégien à entrer dans le cyberespace, avec l'inauguration de son site web en 1995. À présent, en 1999, tous les grands partis ont leur page d'accueil. Que Venstre ait été prompt à faire usage des technologies modernes pour resserrer le lien entre les hommes politiques et leurs électeurs, je l'interprète comme une conséquence naturelle de l'histoire du parti. Je suis une représentante du plus vieux parti de Norvège. Venstre fut fondé en 1884, pour militer en faveur d'un contrôle démocratique sur le Gouvernement, pour promouvoir une société plus ouverte, et pour lutter contre les tendances bureaucratiques de l'époque. La liberté d'information et d'expression a toujours représenté un enjeu capital pour le parti.
Compte aussi le fait que Venstre soit le plus petit parti de Norvège. Car du même coup, l'Internet a été pour lui le moyen de tirer le meilleur parti de ses maigres ressources, tant en hommes qu'en capital. Ce sont des raisons à la fois pratiques et idéologiques qui conduisirent le parti à utiliser, parallèlement à l'ouverture de son site web, un serveur Intranet propre pour l'information et la discussion en interne. Il s'agissait de favoriser une circulation horizontale de l'information, grâce à laquelle chaque membre du parti pourrait communiquer sans se heurter aux barrières qui s'érigent parfois au sein de toute structure organisée.
L'Internet constitue, bien sûr, un canal d'information efficace, mais il me semble plus important de souligner qu'il a contribué à créer un nouvel espace de débat. Des discussions animées s'y tiennent, sur différents sujets, auxquelles participe, sur un pied d'égalité avec les parlementaires et les autres dirigeants politiques, la base du parti. Avec cette conséquence que davantage de membres prennent part à l'élaboration de la ligne politique du parti, et que ce débat public livre aux dirigeants politiques une perception essentielle de l'atmosphère générale du parti. Le serveur Intranet fut connecté directement à Internet en 1997, et fait, depuis, partie intégrante du web de Venstre. Une portion de l'Intranet a été ouverte au public, si bien que les non-membres peuvent prendre part aux discussions. Et de fait, le site de Venstre a reçu les commentaires les plus élogieux dans une compétition informelle qui opposait les sites des différents partis : il fut déclaré le plus ouvert et le plus utile au public.
Je pense qu'à l'heure actuelle, tous les partis en Norvège font un tel usage de l'Internet. Mais à ma connaissance, Venstre est, parmi les plus petites formations, celle qui utilise Internet le plus activement. Ainsi à Oslo, mon parti, ainsi que le parti de la gauche socialiste - qui se range également parmi les plus petites formations - ont, cette année, pris l'initiative de mettre en ligne leur programme pour les élections locales. Par le biais du Net, le public pouvait suivre le processus électoral et donner son point de vue sur différents sujets. La messagerie électronique s'est également révélée un outil très utile pour les petits partis, dans la mesure où elle permet d'accroître l'efficacité de leur politique de communication. Le groupe d'études que j'ai dirigé l'an dernier m'en fournira une illustration : nous sommes parvenus à mettre en place un nouveau plan d'action pour l'éducation en n'organisant que quatre vraies réunions. Au lieu de perdre beaucoup de temps et d'argent en déplacements, nous avons, grâce à la messagerie électronique, tenu des discussions et des réunions virtuelles. Ceci, dans un pays où les distances sont importantes, est d'une valeur inestimable.
4. Cyberélections
Les élections générales de 1997 furent, à maints égards, les premières élections au cours desquelles Internet joua un rôle important. Mais ce n'est véritablement qu'à l'occasion des élections locales de l'année écoulée qu'il est devenu un élément naturel de la campagne - et a été utilisé à grande échelle par les partis et les médias. Comme je le disais tout à l'heure, tous les partis ont une activité sur le Net, et, si on les compare à ce qu'ils étaient lors de la campagne de 1997, leurs sites étaient plus étoffés et généralement plus interactifs cette année. Quelques partis avaient investi des moyens importants pour mettre en ligne des vidéos en direct et mettre en oeuvre toutes les technologies disponibles. Pourtant, il me semble que les partis qui, plutôt que de miser sur la technologie, firent porter leur effort sur les services de réponse en ligne, le dialogue interactif, la simplicité et la clarté de la mise en page, furent peut-être mieux récompensés.
En plus des sites propres des partis, les chaînes nationales et la plupart des journaux avaient dédié un site aux élections. Ils y proposaient des informations sur les partis, les commentaires d'analystes politiques, des sondages informels, ainsi que des questionnaires qui devaient permettre aux internautes d'identifier le parti défendant les positions les plus proches des siennes. Au cours des traditionnelles interviews des dirigeants politiques à la télévision, le public était invité à poser ses questions par e-mail. Mais ce qui compta peut-être davantage fut le fait qu'un public plus important avait, en 1999, accès à Internet, et qu'un plus grand nombre le considéra, pendant la campagne électorale, comme un moyen naturel d'information et de discussion. Mon parti a ainsi vu doubler, entre les élections de 1997 et celles de cette année, le nombre de questions reçues par courrier électronique.
5. L'utilisation d'Internet pour un membre du Parlement norvégien
Je dois tout d'abord avouer n'être pas un élément totalement représentatif du Parlement norvégien - c'est un point qui pourra avoir son importance lorsque nous en viendrons à traiter de l'utilisation d'Internet. Plus encore, s'agissant de la question qui nous occupe, importe le fait que mes 33 ans font de moi une élue plus jeune que la plupart des autres parlementaires. Ma formation est également quelque peu atypique, puisque je suis le seul ingénieur diplômé de l'Assemblée, et je crois être l'une des rares à avoir utilisé activement Internet au cours de ma carrière professionnelle, avant de devenir une femme politique à plein temps, en 1997. En tant que fonctionnaire au ministère de l'environnement, et, plus encore, comme éditeur de l'Encyclopédie Nationale Norvégienne, j'utilisais la messagerie et Internet plus fréquemment qu'un employé moyen de l'époque.
Il fut tout naturel pour moi d'inclure l'utilisation d'Internet dans mes prévisions de campagne pour les élections générales de 1996-97. Je fus l'une des premières, parmi les membres du personnel politiques, à avoir mon propre site web, que je lançai à l'occasion de cette campagne. A ma connaissance, je suis toujours la seule à posséder mon nom de domaine ( helene.venstre.no ). Mon dessein en créant ce site web était de me donner une tribune où exposer mes réflexions et mes orientations politiques, en même temps que d'offrir au public la possibilité d'y réagir. Depuis que j'ai obtenu un siège au Parlement en 1997, j'utilise ce site pour faire connaître mes discours, mes articles, mes chroniques, et, au-delà, comme un lieu où l'on peut s'adresser à moi.
Durant la campagne électorale, j'ai également utilisé la messagerie, mais en veillant très attentivement à ce que chaque message envoyé, par moi ou par mon équipe de campagne, soit personnellement adressé, et en prohibant les envois en nombre. J'ai par exemple fait circuler la nouvelle de la création de mon site en envoyant des cartes de visite électroniques pointant sur ma page d'accueil. J'ai d'abord envoyé ces cartes à mes amis et connaissances, en les chargeant de les diffuser à leur tour. Je ne saurais dire combien de voix j'ai gagnées grâce à Internet, mais il est hors de doute que son utilisation m'a offert l'opportunité de me présenter comme un candidat alternatif, jeune, moderne. Quelques-uns de mes collègues de Venstre qui faisaient campagne pour les élections locales cette année-là tirèrent parti de mon expérience et créèrent leur propre site web.
Il m'est difficile d'analyser les modifications qu'a pu introduire Internet dans les habitudes de travail des parlementaires, dans la mesure où il a accompagné toute ma vie politique. Surtout, il me semble que nous ne sommes pas encore en mesure de prévoir les changements qu'Internet doit apporter en politique. L'adaptation du public à ce nouvel outil a été remarquablement rapide, mais jusqu'à présent, il n'a pas beaucoup changé les choses - mise à part la possibilité de communiquer différemment.
Ma vie quotidienne de représentante politique est très occupée, et aux prises, plus que d'autres, avec le phénomène de la surcharge d'information. Internet et la messagerie me permettent de filtrer cette information, et de rester au fait sur les sujets que je choisis. Je suis abonnée à plusieurs services sur Internet, qui me fournissent tout l'éventail des informations dont j'ai besoin, depuis les nouvelles internationales, en passant par les locales, jusqu'au service d'information de Venstre. Bien évidemment, je n'ai pas le temps, comme à l'époque où j'étais éditeur de l'Encyclopédie Nationale Norvégienne, de parcourir le Net pour rassembler l'information. Mais il m'est utile de savoir où chercher, et trouver, celle dont j'ai besoin très rapidement. Dans mon travail quotidien au Parlement, pour écrire mes discours, réagir aux communications du Gouvernement ou aux projets de loi, j'utilise la page d'accueil du Gouvernement et l'Intranet du Parlement.
La vie des hommes politiques est marquée par un grand nombre de déplacements. Je passe peu de temps assise à mon bureau, et il peut s'avérer difficile de me joindre. Les quelques minutes de calme que je passe face à mon portable, chez moi ou dans un web café, où que je me trouve, pour relever ma boîte aux lettres, représentent par conséquent un moyen très sûr pour rester informée. Ainsi, au cours d'un voyage aux États-Unis, voici quelques mois, je consultais ma boîte aux lettres d'un jour sur l'autre, ce qui me permettait d'organiser mes rendez-vous, de discuter de problèmes politiques avec mes collègues du parti, et de me tenir informée de ce qui se passait dans mon pays.
Comme la plupart des gens, c'est la messagerie que j'utilise le plus. Je préfère même les messages électroniques au téléphone et aux lettres. Cela me laisse la liberté de répondre quand j'en ai le temps, et cette forme de correspondance autorise un échange plus informel, que je préfère. Pour moi, la messagerie est vraiment le moyen le plus efficace de rester en contact avec les membres du parti, les autres organisations, et les parlementaires. Il me suffit d'un décompte rapide pour constater que de plus en plus de personnes étrangères à ce cercle professionnel utilisent la messagerie pour entrer en contact avec moi. Le mois dernier, la moitié de ces messages d'approche émanait d'organisations, un tiers d'individus, et le reste était constitué de messages de propagande de provenance diverse. J'encourage le contact par courrier électronique en répondant aux demandes par e-mail, quand cela est possible. Si bien qu'une approche très formelle peut se transformer en une discussion très informelle. C'est pour moi un moyen de donner au public une image plus chaleureuse du parlementaire.
La messagerie électronique est aussi un support pour l'échange en réseau. J'appartiens à plusieurs réseaux informels, au sein desquels les contacts se font exclusivement par courrier électronique. Ils sont constitués pour la plupart de jeunes gens actifs au plan politique, mais qui ont adopté une attitude distante à l'égard des partis institutionnels. Je trouve les discussions intéressantes, et considère ce type de forum comme des lieux où de nouvelles idées, de nouvelles pensées, ont plus de chance d'émerger que dans beaucoup d'organismes institutionnels.
Mais l'Internet est aussi, bien sûr, un outil très utile pour les organisations traditionnelles, comme mon parti. En tant que représentante d'un parti minoritaire, tant au Parlement qu'au Gouvernement, me revient la lourde tâche d'informer ses membres. Un petit parti a d'autant plus de mal à se faire entendre que les médias ne rendent pas toujours compte de tout ce qui a présidé à une décision ou à un choix politique. Pour satisfaire ce besoin d'information, mon groupe parlementaire envoie, par courrier électronique, une lettre d'information hebdomadaire sur abonnement, et à adopter une politique de réponse rapide et systématique à toute question émanant d'un membre du parti.
Un épisode des dernières élections donnera une idée de l'utilité d'une telle démarche. L'une de mes collègues du parti, qui faisait campagne dans la région la plus au nord du pays, envoya un appel à l'aide sur Intranet. Elle devait participer, le soir même, à un panel de discussion sur l'éducation, et avait besoin d'informations sur les initiatives prises en ce domaine par le Gouvernement et par le groupe parlementaire Venstre. Comme je suis la porte-parole du parti pour l'éducation, je pus lui donner toutes les réponses qu'elle demandait, et même des indications sur la manière de retrouver les textes pertinents publiés sur Internet. Elle trouva tout ce qu'elle recherchait en moins d'une heure, et m'en fut véritablement reconnaissante.
6. Remarques pour conclure
Ainsi que je l'ai déjà marqué, il est difficile de tirer des conclusions sur la question des changements que les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont appelées à introduire dans les Parlements. Certes, les nouvelles technologies ont été très rapidement adoptées, tant par les hommes politiques que par leurs électeurs, mais il n'en est pas encore résulté de grands changements. Pourtant, on peut percevoir quelques signes qu'il me paraît utile de relever :
L'Internet offre aux individus un instrument d'importance dans leur activité politique, ainsi que j'ai eu l'occasion de m'en rendre compte avec la manifestation virtuelle que j'évoquais, comme avec les réseaux de discussion par courrier électronique auxquels je participe. Je crois qu'à l'avenir, les organisations et les partis traditionnels auront à compter avec ces mouvements nouveaux, et mieux adaptés. Cela aura bien sûr également un impact sur l'activité parlementaire.
En Norvège, une préoccupation croissante sur l'avenir de la démocratie telle que nous la connaissons se fait jour. La faible participation aux élections locales de l'année écoulée a contribué, avec le fait que les partis attirent de moins en moins d'adhérents, à susciter ce débat. Je ne partage pas cette inquiétude. Je pense au contraire qu'il est fascinant de constater que l'intérêt pour la politique est plus vif que jamais, mais emprunte d'autres canaux que les voies traditionnelles de l'activité politique. Il reviendra aux partis, et au système politique dans son ensemble, de prendre en compte ces transformations. Mais je crois que personne, à l'heure actuelle, n'est en mesure, face à cette gageure, de proposer une réponse adéquate.
La facilité d'accès aux données constitue un autre aspect de la société de l'information. Grâce à elle, un public plus large peut prendre part aux débats qui animent le Parlement, et à ceux qui ont cours sur la politique du Gouvernement. On peut ainsi espérer qu'un public mieux informé fera des hommes politiques plus incisifs.
Au cours des dernières années, c'est sur la technologie, et la rapidité de son développement, que l'accent a été mis. A mon avis, il est temps à présent de se concentrer sur les effets à attendre de cette technologie, tant sur les individus que sur les sociétés. D'où l'importance de cette conférence. J'espère qu'elle nous apportera quelques réflexions dignes d'intérêt sur la société de l'information et ses effets à venir sur les Parlements. Mais il me semble aussi prudent d'admettre que nous ne savons pas encore de quoi cet avenir sera fait.