Les Parlements dans la société de l'information



Palais du Luxembourg, 18 et 19 novembre 1999

V. INTERVENTION DE M. HENRI LE ROY, AGORANET

« J'ai entendu dans cette enceinte un grand nombre d'orateurs faisant état de leur scepticisme quant à l'utilisation de l'Internet dans la vie politique. Je crois qu'il est urgent de jeter un pont entre les praticiens de l'Internet, d'un côté, et les sceptiques de l'autre. Peut-être l'initiative Agoranet pourrait-elle en tenir lieu.

Agoranet, www.agoranet.org , est une initiative privée, développée en dehors de toute structure officielle ou institutionnelle. En réalité, elle est née d'un concours de circonstances, plus précisément d'une conversation avec Antoine Emery, qui fut attaché parlementaire, et dont il est ressorti que l'Internet était dominé par les sites marchands. Nous avons donc décidé de rencontrer une dizaine de parlementaires pour leur proposer de participer à un forum sur Internet : ce fut la première édition d'Agoranet. Chaque député a donc rédigé une contribution sur le thème de son choix, et les internautes les ont interpellés comme ils le souhaitaient. Pour la deuxième édition, nous avons fait appel à une vingtaine de parlementaires et avons choisi un thème connu, en l'occurrence la modernisation de la vie politique.

À ce stade, Agoranet présente incontestablement quelques vertus. D'abord, contrairement aux oracles qui nous promettaient des tombereaux d'injures et d'inepties, les interventions du public étaient de grande qualité. Ensuite, Agoranet a largement dépassé nos frontières, ce qui démontre le caractère planétaire des débats de société. De même, Agoranet a permis l'expression d'idées générales émanant du grand public mais aussi le déroulement d'échanges de spécialistes, sur la sécurité alimentaire par exemple. Enfin, les internautes sont très vite sortis du cadre qui leur était fixé et ont interpellé directement les élus, ce qui démontre qu'ils sont demandeurs d'un réel échange sur la politique.

Néanmoins, les limites d'un forum sont vite atteintes. Soit l'Internet devient un média, sans doute moins puissant, en termes d'audience, que la presse ou la télévision, comme le disait hier Dominique Wolton. Soit l'Internet devient un moyen d'action, en particulier à l'échelle locale (la commune ou le département) ou sur une échelle sectorielle (les Français de l'étranger, les professions indépendantes, etc.). En réalité, la principale faiblesse d'Agoranet est son caractère général et informel : nous devons trouver un moyen, pour aller plus loin, et mieux organiser l'information, peut-être en nous inspirant des outils de droit déjà développés dans le monde de l'entreprise. Mais une réponse immédiate est peut-être fournie par le modèle du portail, qui permet d'organiser l'information selon une classification thématique. On peut par exemple imaginer un portail dédié aux professions indépendantes, c'est-à-dire à un groupe d'individus qui n'ont d'autre point commun que leur statut, mais qui sont confrontés aux mêmes problèmes de retraite, de santé, de fiscalité, etc.

À mes yeux, la question de savoir si Internet va changer la vie démocratique n'a plus lieu d'être. Internet s'est imposé comme un outil quasi-universel, qu'il faut absolument apprendre à utiliser. Bien sûr, Internet présente certains risques, comme dans l'exemple de la manifestation étudiante virtuelle citée par Hélène Fladmark hier. Mais nos étudiants français, en mai 1968, écrivaient aussi sur les murs, des slogans comme « l'anarchie, c'est l'ordre moins le pouvoir ». Je crois que l'Internet nous donne aujourd'hui le pouvoir de mettre en ordre l'inévitable part d'anarchie qui réside dans toutes les sociétés humaines. »

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