Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise 2005
Palais du Luxembourg, 25 janvier 2005
Allocution d'ouverture Christian PONCELET, président du Sénat
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des Finances du Sénat, monsieur le secrétaire général, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, chers amis,
J'ai ouvert hier après-midi, à l'occasion du forum franco-indien - et je salue l'un des éminents représentants du Parlement indien - la troisième édition de la Semaine de l'entrepreneur. Auparavant, j'aimerais présenter à toutes et à tous, au nom du Sénat, tous mes souhaits de cordiale bienvenue ici, au Sénat. Le Sénat est une institution qui s'ouvre vers l'extérieur, hier vers la culture, aujourd'hui vers l'entreprise avec la clôture des 8 èmes Masters de la création d'entreprise ce matin, dans l'hémicycle. Débutent aujourd'hui les 6 èmes Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise et je suis heureux de vous recevoir les uns et les autres. Je souhaite que vous conserviez un excellent souvenir de votre passage au Sénat. Si c'est le cas, sachez que vous êtes d'ores et déjà invités à y revenir.
La parution en juin dernier d'un rapport d'information du Sénat sur la délocalisation des industries de main d'oeuvre m'a mis sur la piste du thème de ces Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise. Le prochain référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe a conforté mon choix. En effet, les termes de « délocalisation » et de « mondialisation » sont très souvent associés, le premier étant considéré comme la conséquence inéluctable du second. En outre, comment envisager aujourd'hui le développement national et international de l'entreprise sans tenir compte de l'environnement européen ? Telle est l'une des premières questions qui vient à l'esprit.
La mondialisation est aujourd'hui au coeur de tous les débats. Nous ne raisonnons plus maintenant au niveau régional, nous raisonnons au niveau mondial. Ce phénomène, dont les prémisses remontent à la nuit des temps, focalise aujourd'hui toutes les attentions en raison du nouvel espace économique et financier mondial en marche, de l'accélération des moyens de transport, de l'explosion des nouvelles technologies et de l'indispensable prise en compte des facteurs sociaux. Il est vrai qu'aujourd'hui, avec les moyens de télécommunication que nous possédons, ce qu'il se passe dans le monde entier, à l'instant, est connu dans le monde entier. On ne peut plus ignorer certains événements, ce qui nous a permis de manifester, immédiatement, notre solidarité à l'égard des populations d'Asie meurtries par la catastrophe de décembre dernier.
Cette mondialisation suscite des comportements et des stratégies souvent contradictoires. Certaines entreprises cherchent à s'adapter et font du monde, leur nouvelle zone de prospection, de production et de distribution. D'autres, par contre, se replient sur les marchés locaux, sur des niches, et ignorent le reste de la planète. Ils cherchent un « créneau » qui va alimenter leur activité. Aucune entreprise multinationale ou très petite entreprise, en passant par les PME ou PMI, ne peut rester indifférente à ce bouleversement, au risque de disparaître.
Le débat sur la mondialisation donne lieu à des réactions qui sont trop souvent réductrices. Or la globalisation de l'économie ne saurait expliquer à elle seule les bouleversements quant à la répartition des salaires et des revenus, quant aux dommages subis par certains salariés, et les stratégies d'entreprises. La situation de l'entreprise dans une économie mondialisée dépend aussi de son secteur d'activité et de sa position plus ou moins concurrentielle en termes de prix ou de spécialisation. S'il y a un domaine qui est confronté à la mondialisation, sur le plan économique, c'est bien le domaine textile. En tant qu'originaire des Vosges, je peux en témoigner.
L'actionnaire et le salarié n'auront certainement pas la même vision de la mondialisation et de ses effets. Les différences du développement économique, social et juridique déterminent en partie les choix de l'entreprise en matière de délocalisation ou de restructuration. Certains délocalisent une partie de leur activité. Cette partie délocalisée va être profitable ; elle permettra d'équilibrer la partie non-délocalisée éventuellement.
Certes, la mondialisation correspond à la diffusion de la libéralisation économique. Pourtant, il existe, dans tous les pays, des protections plus ou moins déguisées. Derrière l'uniformisation mondiale apparente, subsistent de nombreux particularismes dont l'entreprise ne peut s'affranchir au risque d'échouer. Les chefs d'entreprise indiens, ici présents, qui sont nos invités d'honneur depuis hier et auxquels je renouvelle toute notre solidarité, ne me démentiront pas.
Lorsque j'ai initié, il y a six ans, presque jour pour jour, la première opération du Sénat en direction des entreprises, que n'ai-je entendu ? Non pas de mes collègues sénatrices ou sénateurs qui ont toujours considéré, dans leur grande sagesse, les entrepreneurs comme le ciment de la prospérité de notre Nation. En effet, qui crée la vraie richesse, qui crée le vrai emploi ? C'est l'entreprise. L'emploi qui est financé à partir d'un prélèvement sur le produit de l'impôt est fragile. La richesse, il faut la créer, même s'il nous faut réfléchir à sa répartition avec équité. Nous pouvons tomber d'accord sur la répartition équitable des fruits de l'arbre, mais si personne ne prend la précaution d'entretenir l'arbre, il ne donnera pas de fruit et personne n'aura rien. Ce raisonnement est élémentaire. En France, nous avons beaucoup d'imagination pour répartir. Et nous savons répartir. Pour produire, c'est un petit peu plus difficile. Il y a moins d'imagination. Il faut essayer de pallier cette insuffisance.
Pourquoi le Sénat ne devait-il pas s'intéresser à l'économie de la France ? En 2005, la réalité a donné raison au Sénat. Les 200 stages d'immersion dans l'entreprise auxquels ont participé mes collègues sénateurs de toutes tendances en est la preuve. Nous sommes la première institution au monde qui envoie ses élus en stage dans l'entreprise. De cette manière, l'élu va pouvoir connaître, appréhender parfaitement la vie de l'entreprise. Par conséquent, connaissant bien ce sur quoi il va légiférer, il sera en mesure de mieux légiférer. Les entreprises et institutions créées au Sénat, par les sénateurs, sont devenues le premier élément du capitalisme en France. Nous sollicitons les projets qui ont été élaborés, nous interrogeons les investisseurs. Les deux sont mis en présence. Certains projets qui n'auraient pas pu se concrétiser vont être réalisés grâce à des apports financiers privés. Nous ne faisons pas appel à l'impôt pour cela. Le club.sénat.fr est le seul lieu de réflexion sur l'économie numérique en connexion directe avec le législateur, club qui accueillera cette année quatre des plus grands chefs d'entreprise mondiaux dans le secteur des technologies de l'information. Je pense aussi aux rencontres bimensuelles avec les grands capitaines d'industrie.
Ce qui paraissait un pari insensé est devenu une réalité incontestée : l'entreprise a maintenant droit de cité au Sénat. La France est un grand peuple d'entrepreneurs. Nous leur avons rendu hommage ce matin puisque 500 créateurs d'entreprise ont siégé dans l'hémicycle du Sénat et que sept d'entre eux ont pu poser une question au gouvernement. J'adresse donc mes remerciements les plus chaleureux à l'ensemble des intervenants des tables rondes qui vont débuter dans quelques minutes.
Vous l'avez compris, les entrepreneurs sont des personnages importants de notre société. Si le Sénat a contribué modestement à changer l'esprit du temps, il le doit non pas seulement à son Président, ce serait prétentieux de ma part, mais en premier lieu à l'ensemble des sénatrices et sénateurs qui ont adhéré à cette démarche. Après une période de réflexion, d'hésitation, chacun y souscrit et apporte sa contribution à la réussite des différentes opérations que nous lançons dans différents domaines. Je pourrais parler de la culture, du sport, de la recherche et de l'entreprise, sujet qui nous préoccupe présentement.
Je remercie donc mes collègues, et notamment ceux présents, qui ont effectué depuis six ans des stages d'immersion en entreprise, afin de mieux comprendre les difficultés, les attentes, les espoirs et toutes celles et tous ceux qui participent à la prospérité de notre Nation.
Nous considérons que, pour favoriser la prospérité et générer les richesses, la formule « il n'y a qu'à faire ceci, il faut que l'on fasse cela » n'a aucune application courante. Je n'oublie pas que nous avons été aidés dans notre quête par un grand nombre de partenaires, dont le Salon des entrepreneurs. Ainsi, la Semaine des entrepreneurs, qui a démarré hier, est une oeuvre commune du Sénat de la République et du Salon des entrepreneurs. Le Salon ouvrira ses portes demain, au Palais des Congrès, à Paris. Je vous invite à vous y rendre comme je le ferai moi-même demain matin. Samedi, un grand débat se tiendra dans l'hémicycle du Sénat sur le thème : « dix défis pour l'emploi de demain ». Plusieurs ministres, dont le Premier ministre, y participeront. Ils seront interrogés, en direct, comme nous le faisons lors de nos Questions d'actualité.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite des débats riches, denses et passionnants dans l'intérêt de notre pays, bien évidemment.
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Christian PONCELET,
Président du Sénat