L'évolution du rôle du Parlement dans le processus budgétaire
Palais du Luxembourg, 24 et 25 janvier 2001
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REMERCIEMENTS
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AVANT-PROPOS
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I - INTRODUCTION
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1. OUVERTURE DU COLLOQUE par M. Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français
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2. PEUT-ON VRAIMENT BIEN CONTRÔLER QUELQU'UN
QUE L'ON SOUTIENT ? par M. Christian Poncelet, Président du Sénat français
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3. LES PARLEMENTS CONSTITUENT UN ÉLÉMENT ESSENTIEL DU PROCESSUS BUDGÉTAIRE par M. Donald Johnston, Secrétaire Général
de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques
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1. OUVERTURE DU COLLOQUE par M. Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français
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II - LES PARLEMENTS, LA DÉMOCRATIE ET LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE
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III - L'EFFICACITÉ DES PARLEMENTS DANS LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE
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1. LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE AU PARLEMENT SUÉDOIS : ATTENTES ET EXPÉRIENCES GÉNÉRÉES PAR LES RÉFORMES DES ANNÉES 1990 par M. Mats Odell, Vice-président de la commission des Finances du Parlement suédois
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2. QUELS SONT LES BESOINS DES PARLEMENTS POUR RÉELLEMENT CONTRÔLER LA PRÉPARATION ET L'EXÉCUTION DU BUDGET ?par M. Che Shik Chang Président de la Commission spéciale du budget et des comptes publics
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3. COMMENT LES PARLEMENTAIRES TRAVAILLENT-ILS AVEC VOTRE ARGENT ? par M. Edward Davey membre de la Commission du Trésor Chambre des communes du Royaume-Uni
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1. LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE AU PARLEMENT SUÉDOIS : ATTENTES ET EXPÉRIENCES GÉNÉRÉES PAR LES RÉFORMES DES ANNÉES 1990 par M. Mats Odell, Vice-président de la commission des Finances du Parlement suédois
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IV- PRINCIPES DE RESPONSABILITÉ PRISE EN COMPTE DE LA PERFORMANCE DANS LA PRÉPARATION DU BUDGET, ET NOUVEAUX PRINCIPES DE GESTION
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1. LES BUDGETS DEVRAIENT DAVANTAGE TENIR COMPTE DE : L'AVENIR par M Geert Van Maanen Secrétaire général Ministère des Finances des Pays-Bas et Président du Groupe de travail des Hauts responsables du budget de l'OCDE
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2. LES ORGANES DE CONTRÔLE ET LEURS RELATIONS AVEC LE PARLEMENT
par Mme Maria K. Aula Présidente de la Commission des finances du Parlement finlandais
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3. L'EXEMPLE HONGROIS par M Imre Szekeres, Président de la commission des Finances du Parlement hongrois
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4. L'IMPACT DES CONTRAINTES DE L'UNION EUROPEENNE par M. Giorgio Benvenuto Président de la commission des Finances Chambre italienne des Députés
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1. LES BUDGETS DEVRAIENT DAVANTAGE TENIR COMPTE DE : L'AVENIR par M Geert Van Maanen Secrétaire général Ministère des Finances des Pays-Bas et Président du Groupe de travail des Hauts responsables du budget de l'OCDE
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V - LA SURVEILLANCE MULTILATÉRALE DES FINANCES PUBLIQUESET LE POUVOIR POLITIQUE
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VI - LES PARLEMENTS PEUVENT-ILS AMÉLIORER LEUR RÔLE DE SURVEILLANCE BUDGÉTAIRE ? ÉVOLUTIONS RÉCENTES
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1. RENFORCER LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR L'EXÉCUTIF par M Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français
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2. LA PROCÉDURE PARLEMENTAIRE D'APPROBATION ET DE CONTRÔLE DU BUDGET EN Espagne par M. Joaquin Almunia, Président de la commission du Budget, Chambre espagnole des Députés
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1. RENFORCER LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR L'EXÉCUTIF par M Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français
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A - DÉCLARATION GÉNÉRALE COMMUNE Adoptée à l'unanimité
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B - REMARQUES FINALES par M. Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français
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MINUTES DU SÉMINAIRE
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ANNEXES
REMERCIEMENTS
Cette publication fait suite à la première réunion des Présidents des commissions parlementaires des finances des pays Membres de l'OCDE, qui s'est tenue les 24 et 25 janvier 2001. Elle rassemble l'ensemble des travaux réalisés par les délégués. L'OCDE adresse ses chaleureux remerciements à Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat de la République française, pour avoir pressenti la nécessité d'aborder ce sujet et pour sa généreuse proposition d'accueillir cette manifestation. L'OCDE remercie également le personnel et les services du Sénat, et tout particulièrement Fabrice Robert, Céline Finon et Alain Hortal, ainsi qu'Elsa Pilichowski, Mike Ruffner, Hélène Leconte et Jennifer Gardner, de l'OCDE, pour leur conduite de l'organisation et la coordination de cet événement. L'OCDE remercie enfin Allen Schick pour sa grande perspicacité et son irremplaçable contribution.
Les services de l'OCDE se sont chargés des traductions des textes originaux comme suit :
- pour le français, les interventions de Mme Aula, MM. Violante, Schick, Odell, Chang, Davey, Fantozzi, Van Maanen, Szekeres, Benvenuto et Wynn ;
- pour l'anglais, les interventions de MM. Poncelet, Lambert et Bouvier ;
- le texte espagnol de M. Almunia a été traduit dans les deux langues.
AVANT-PROPOS
Mesdames, messieurs,
La première réunion du groupe des présidents des commissions budgétaires parlementaires de l'OCDE, à l'aube du XXI e siècle, a constitué une étape dans un processus de réappropriation de leur souveraineté budgétaire par les Parlements des grandes démocraties industrielles.
La genèse de cette réunion est éclairante à cet égard. D'un côté, le Service de la Gestion publique de l'OCDE avait fait mûrir l'idée de principe d'une telle réunion, qui lui paraissait s'imposer alors que les responsables exécutifs des finances publiques se réunissaient déjà depuis longtemps. D'un autre côté, Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat, effectuait des travaux en vue de la réforme de la procédure budgétaire en France, parallèlement à l'initiative prise par Laurent Fabius et Didier Migaud à l'Assemblée nationale.
L'OCDE constatait donc l'esquisse d'un retour des parlements sur la scène budgétaire, tandis que le Sénat de la République française prenait une part concrète à ce retour. C'est ainsi que cette première réunion s'est tenue au Palais du Luxembourg. Le présent ouvrage en retrace les actes et travaux.
Le rôle des parlements dans le processus budgétaire est difficile. Il est fondamental, car les parlements ont souvent été institués pour consentir à la levée de l'impôt au nom des peuples qu'ils représentent. Les parlements doivent être suffisamment informés pour autoriser les dépenses et recettes publiques en toute connaissance de cause. Mais ils ne doivent pas s'immiscer dans la gestion. Les parlements doivent contrôler l'action des gouvernements. Mais ils doivent leur en laisser la responsabilité.
C'est à la définition de ce rôle que les parlementaires et autres responsables des questions budgétaires se sont attelés au cours de cette réunion.
I - INTRODUCTION
1. OUVERTURE DU COLLOQUE par M. Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français
C'est un grand honneur et un grand bonheur pour moi d'introduire les travaux de la première réunion des présidents et hauts responsables des commissions budgétaires des pays membres de l'OCDE.
Satisfaction d'abord, parce que l'OCDE est une organisation réunissant habituellement les exécutifs des grandes démocraties industrielles, et rarement les parlements. C'est pourquoi Monsieur le secrétaire général, sur proposition de votre service de la gestion publique, lorsque vous m'avez proposé d'accueillir cette première réunion, j'ai accepté d'enthousiasme. Je remercie donc très chaleureusement Donald Johnston, lequel dans un instant nous précisera l'objet de nos travaux.
Satisfaction aussi, parce que le sujet qui occupera nos travaux tout au long de ces deux jours me tient particulièrement à coeur, tant il est au coeur même du rôle des parlements dans la procédure budgétaire. Vous verrez au cours de nos travaux combien ce sujet fait la une de l'actualité, après avoir été marqué longtemps par une certaine inertie. Je suis aussi sincèrement heureux que Christian Poncelet, Président du Sénat de la République française, et qui a été mon prédécesseur pendant 12 ans, et aux côtés duquel j'ai travaillé comme rapporteur général pendant 3 ans et demi, ait accepté d'accueillir chez lui cette conférence. Il a témoigné, et témoigne encore, de sa volonté de voir affirmer dans la mission parlementaire, le domaine du contrôle du gouvernement.
Permettez-moi enfin, de souhaiter, quelle que soit l'austérité du sujet traité, que nous puissions travailler dans un climat de simplicité et de convivialité. L'objectif de cette conférence est aussi de mieux nous connaître les uns les autres.
Cet après midi la présidence de la séance sera assurée par mon collègue Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, véritable « numéro deux » de notre commission.
Excellents travaux à tous. La parole est au Président Christian Poncelet.
2. PEUT-ON VRAIMENT BIEN CONTRÔLER QUELQU'UN
QUE L'ON SOUTIENT ? par M. Christian Poncelet, Président du Sénat français
Permettez-moi tout d'abord de vous adresser à tous, mes voeux de plus cordiale bienvenue au Sénat de la République française que j'ai l'honneur de présider. Je sais que certains d'entre vous ont fait un long voyage pour être ici parmi nous aujourd'hui et je leur adresse, tout spécialement, mes voeux de bon séjour dans notre pays.
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici aujourd'hui et ce, pour trois raisons au moins.
En premier lieu, cette réunion est co-organisée par le Sénat français et l'Organisation pour la coopération et le développement économique qui a davantage pour habitude de travailler avec les exécutifs nationaux. Je me réjouis donc que la réunion d'aujourd'hui soit la première d'une longue série associant les représentants des Parlements de l'OCDE et je félicite mon collègue et ami Alain Lambert d'en avoir pris l'initiative.
En second lieu, je suis particulièrement satisfait que cette réunion sur le thème du contrôle budgétaire ait lieu au Sénat, c'est-à-dire dans une chambre haute. En effet, il eût été légitime de penser, s'agissant du processus budgétaire, que ce colloque soit organisé par une des chambres basses de l'OCDE, lesquelles ont, en matière budgétaire, une prééminence naturelle liée au consentement à l'impôt.
Or, je vois dans le fait que cette réunion a lieu au Sénat, un symbole intéressant. Je considère en effet, qu'en cette matière, les chambres hautes ont un rôle particulier à jouer, du moins pour ce qui est des régimes parlementaires. En effet, dans de tels régimes les chambres basses ont pour mission première de soutenir leur gouvernement. Sans qu'il y ait soumission des unes aux autres, il est en tout cas nécessaire que s'établisse, en permanence, une étroite harmonie de pensée entre le gouvernement en place et la majorité des députés qui le soutiennent. C'est de cette harmonie que dépend le bon fonctionnement d'un régime parlementaire. Mais dans ces conditions le contrôle parlementaire, et le contrôle budgétaire en particulier, sont toujours des exercices difficiles, car peut-on vraiment bien contrôler quelqu'un que l'on soutient ?
Je dis cela sans esprit de polémique car cette contradiction, inhérente au fonctionnement du régime parlementaire, est valable quelque soit la couleur politique du gouvernement en place.
C'est pourquoi je considère que les chambres hautes ont un rôle spécifique à jouer en matière de contrôle budgétaire, distinct de celui des chambres basses, mais distinct également des autorités de contrôle extérieures au Parlement, telles que par exemple les Cours des comptes. Le contrôle budgétaire, tel que je le conçois est moins un contrôle de la régularité budgétaire qu'un contrôle de l'opportunité budgétaire, c'est-à-dire une vérification de l'adéquation des moyens budgétaires aux besoins de l'action de l'État. Pour toutes ces raisons, j'ai souhaité, lors de mon élection à la présidence du Sénat, faire du contrôle la seconde nature du Sénat français. Je pense avoir été entendu par les deux présidents des commissions disposant de pouvoirs spéciaux en la matière, qu'il s'agisse aussi bien de la commission des affaires sociales, que de celle des finances et je tiens à saluer ici le travail effectué, loin des feux médiatiques, par Alain Lambert.
Enfin, je me réjouis que cette première réunion ait lieu au Sénat français, car comme vous le savez peut-être, le Parlement français est en train de travailler à une réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui est en quelque sorte notre « Constitution financière ». Cette constitution, très restrictive à l'égard des droits budgétaires des parlementaires, méritait en effet d'être modifiée. La situation en France a considérablement changé depuis 1958, et loin des débordements démagogiques de la V e République, l'expérience la plus récente des pays de l'OCDE montre que les pays où les droits budgétaires des parlementaires sont les plus faibles ne sont pas nécessairement ceux dans lesquels les finances publiques sont les mieux gérées.
C'est pourquoi une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale par le rapporteur général du budget, M. Didier Migaud. Elle sera examinée dans les jours qui viennent par une commission spéciale présidée par le Président de l'Assemblée nationale, M. Raymond Forni. Alain Lambert et moi-même sommes impliqués directement dans ce processus qui devrait déboucher, je l'espère, sur une réforme significative d'ici à la fin de l'année. Sachez donc que ce que vous direz ici aujourd'hui inspirera directement la réflexion des parlementaires français et des sénateurs en particuliers.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite de très fructueux débats.
3. LES PARLEMENTS CONSTITUENT UN ÉLÉMENT ESSENTIEL DU PROCESSUS BUDGÉTAIRE par M. Donald Johnston, Secrétaire Général
de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques
J'ai le plaisir de vous accueillir à la première réunion des Présidents et Hauts responsables des Commissions parlementaires des pays Membres de l'OCDE.
Je tiens tout d'abord à adresser mes sincères remerciements à M. Christian Poncelet et à M. Alain Lambert pour avoir accepté de co-parrainer cette manifestation importante qui vient à point nommé.
Comme vous le savez sans doute, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) regroupe les pays développés attachés à la démocratie et à l'économie de marché ; elle a été créée pour faire progresser les politiques intergouvernementales et élaborer des recommandations au sujet des meilleures pratiques. Les pays de l'OCDE sont à l'origine des deux tiers des biens et services produits à l'échelle mondiale. L'Organisation compte à présent 30 pays Membres, depuis l'adhésion de la République slovaque à la fin de l'année 2000. En outre, l'OCDE s'emploie à élargir la participation à ses travaux et les pays Membres considèrent qu'un élément important de la mission de l'OCDE consiste à s'engager dans un dialogue sur les politiques et un échange d'expériences avec les pays non membres. De fait, l'OCDE entretient des relations avec 70 pays non membres, notamment dans le cadre de vastes programmes de coopération avec la Russie, la Chine et le Brésil. Nous organisons de plus en plus fréquemment des réunions et des consultations importantes en dehors de l'OCDE. Les exemples les plus récents sont la grande conférence qui a été organisée par l'OCDE la semaine dernière à Dubaï pour examiner les principaux défis que soulève la nouvelle économie et qui a réuni des décideurs des pays Membres de l'OCDE, des pays de la région et au-delà, du secteur des entreprises et d'autres parties prenantes, ainsi que le Congrès mondial des systèmes productifs locaux qui s'est tenue cette semaine.
La mission de l'OCDE consiste à aider les responsables de l'élaboration des politiques à s'attaquer aux problèmes économiques, sociaux et de gouvernance que pose une économie mondialisée. Pour s'acquitter de sa mission, l'Organisation s'appuie de plus en plus sur l'expérience d'un large éventail d'acteurs, notamment les organisations non gouvernementales, la société civile ainsi que les gouvernements et les Parlements.
La réunion d'aujourd'hui constitue un événement exceptionnel et important pour l'OCDE. C'est l'une des premières réunions officielles à laquelle participent des parlementaires des pays Membres sous les auspices de l'Organisation. Depuis quelques années, l'OCDE, qui s'intéressait traditionnellement aux administrations centrales ou à l'exécutif, se soucie de plus en plus des structures de gestion publique et privée. Le dialogue sur des problèmes de gouvernance comme la transparence, la responsabilité, la réceptivité et les politiques anticipatives, a rapidement fait apparaître que les Parlements constituent un élément essentiel du schéma d'ensemble. Toutefois, en tant qu'ancien parlementaire, je suis convaincu que les gouvernements doivent renforcer leur crédibilité vis-à-vis de l'opinion publique en renforçant le pouvoir « réel » des Parlements. L'érosion de ce pouvoir, peut, dans certains cas, expliquer la présence accrue des ONG dans les débats sur les politiques publiques.
Des Parlements bien informés et compétents sont à même de doter les pays de lois et de politiques cohérentes et d'assurer ainsi un contrôle démocratique légitime sur les politiques et les actions de l'exécutif. C'est en raison du rôle qu'ils jouent de ce fait dans la gouvernance, que j'attache une très grande importance à l'amélioration de la qualité des relations de l'Organisation avec les Parlements.
Nous vivons une époque où les Parlements modifient en profondeur leurs méthodes de travail. L'aspect le plus important peut-être du contrôle parlementaire, qui suscite un très grand intérêt, est le processus d'établissement du budget - thème de cette réunion. De nombreux pays Membres de l'OCDE bénéficient actuellement d'une période de relative bonne santé budgétaire, comme l'atteste la contraction du déficit budgétaire qui avoisinait 4 pour cent du PIB en moyenne en 1995 et a été ramené à moins de 1 pour cent du PIB en 1999. Cependant, l'arrière goût amer des grands déficits structurels, les inquiétudes suscitées par les bouleversements économiques à court et à moyen terme et le double défi qui résulte de la nécessité de trouver les financements requis pour répondre aux besoins futurs d'une population vieillissante et de s'attaquer aux menaces qui pèsent sur l'environnement, sont autant de facteurs qui poussent les pays Membres à ne pas cesser d'améliorer leurs mécanismes de gouvernance.
Auparavant, l'élaboration des politiques et le processus budgétaire étaient trop souvent déconnectés. De ce fait, l'argent ne manquait pas pour financer les nouvelles initiatives tandis que l'on ne se souciait guère d'imposer une discipline budgétaire. Face à cela, les Parlements ont pris l'initiative de concevoir de nouveaux mécanismes prévoyant que, dans la plupart des pays de l'OCDE, aucune politique ne saurait maintenant être définie sans que ses conséquences budgétaires aient été évaluées et examinées. De ce fait, le budget est devenu dans de nombreux pays un instrument essentiel d'élaboration des politiques. Cependant, bien souvent, les techniques budgétaires et de gestion étaient considérées comme relevant de procédures internes, du seul ressort de l'exécutif, et ne laissaient guère de place à l'intervention du législatif. Mais avec le temps, on en est venu de plus en plus à reconnaître que les techniques modernes qui ne bénéficient pas l'aval du Parlement sont vouées à l'échec. Aider à mieux faire comprendre cet impératif, serait peut-être une contribution que nous serions en mesure d'apporter.
L'OCDE s'efforce de renforcer ses relations avec les Parlements. Je me suis attaché à rencontrer les parlementaires aussi souvent que possible, que ce soit à Paris ou à l'occasion de visites officielles dans les capitales. L'Organisation a contribué activement à l'analyse des questions de réforme de la réglementation et lors du récent examen de l'Italie, le Secrétariat a travaillé en étroite concertation avec le Parlement italien. Nous chercherons lors des futurs examens à encourager ce genre de collaboration. Par ailleurs, nous avons récemment publié une enquête sur les Parlements qui vous a été remise avec les autres documents pour la réunion.
Cette conférence constitue une bonne occasion d'élargir les connaissances de l'Organisation et de renforcer ses contacts avec les institutions parlementaires. J'espère que les travaux vous seront utiles. Nous sommes prêts à donner suite à vos suggestions quant à la manière dont l'OCDE pourrait jouer un rôle plus actif, non seulement dans ce domaine mais aussi dans d'autres secteurs de vos activités.
Je vous remercie et vous souhaite à nouveau la bienvenue.
II - LES PARLEMENTS, LA DÉMOCRATIE ET LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE
1. EXPOSÉ LIMINAIRE par M. Luciano Violante, Président de la Chambre italienne des Députés
Je voudrais remercier le Président de la Commission des finances du Sénat français et les hauts responsables de l'OCDE ainsi que sa section de la gestion publique de m'avoir invité à ouvrir un aussi important échange entre les plus importants organismes représentatifs ou parlementaires spécialisés dans les questions budgétaires au sein des pays membres de l'OCDE.
Je considère cette invitation à la fois comme un honneur et comme un défi en raison de son caractère innovateur ainsi que de son excellente et exhaustive préparation.
Les études comparatives déjà réalisées par l'OCDE, nous permettent d'aller au-delà d'un simple échange d'expériences et nous fixent deux objectifs :
- Comprendre les changements qui sont en cours dans nos pays et identifier les exigences qui en découlent ;
- Identifier les principes nécessaires pour l'adaptation des procédures budgétaires à ces nouvelles exigences.
La fonction première des Parlements au sens large est liée au consensus en matière de fiscalité et de contrôle sur l'équilibre budgétaire.
Avec le temps, la session budgétaire a intégré de nouveaux éléments, mais constitue toujours l'un des temps forts dans l'agenda annuel des Parlements. La fonction cruciale du processus budgétaire explique entre autres le rôle clé joué par vos commissions représentatives dans les différents Parlements et bien souvent au sein du système politique dans son entier.
À l'origine, le budget a été l'instrument utilisé par les Parlements pour exercer un contrôle sur la mise en application des politiques législatives des gouvernements.
Au fil du temps ils ont assumé diverses caractéristiques en fonction des objectifs poursuivis par les politiques budgétaires.
Lorsque la réduction du déficit était la principale priorité politique, le budget est devenu le principal instrument de contrôle et d'orientation en ce qui concerne les politiques législatives.
Cette tendance s'est accentuée dans les années 90 en raison de l'interaction de divers facteurs :
- La réduction du déficit est devenue la préoccupation majeure des décideurs politiques et des acteurs économiques ;
- La nature restrictive des politiques budgétaires a réduit le pouvoir exercé par les lobbies et les groupes de pression ;
- Les procédures de prise de décision ont été déterminées principalement par la relation entre le Parlement et l'exécutif ;
- Des considérations d'ordre interne ont prévalu car l'impact de la globalisation des marchés était encore limité ;
- Les processus budgétaires ont été dominés par la nécessité de contrôler l'équilibre budgétaire. Pour cette raison, ce sont les gouvernements qui ont défini les limites de la sphère d'action des Parlements et non pas le contraire. La détermination des ordres de grandeur des totaux budgétaires relevait nécessairement et partout de la responsabilité des gouvernements.
À l'heure actuelle, en raison de la croissance économique en général, et particulièrement en raison de l'expansion impressionnante de la globalisation, on assiste au début d'une nouvelle phase et de nouvelles exigences se profilent à l'horizon auxquelles les processus budgétaires doivent répondre.
Le glissement des principales politiques législatives aux mains de décideurs qui se trouvent hors du circuit Parlement - gouvernement constitue la caractéristique la plus évidente de la phase actuelle.
Il y a trois facteurs principaux :
- La croissance économique aggrave la pression exercée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Parlement par les demandes formulées par des intérêts sectoriels organisés ;
- La présence d'autorités supranationales impose au budget des contraintes et des objectifs qui n'ont pas été choisis dans les forums traditionnels de la souveraineté nationale ;
- Les autorités internes, régionales ou locales connaissent une importance accrue dans tous les pays développés en réaction à la globalisation et également en raison des difficultés croissantes auxquelles les gouvernements centraux doivent faire face dans la gestion de processus de plus en plus complexes et conflictuels.
En raison de ces facteurs, les négociations conduites dans les forums supranationaux et dans le cadre des relations avec les autorités locales autonomes et les principaux groupes de pression économiques et sociaux jouent un rôle plus grand dans les politiques budgétaires.
La régulation et la répartition des ressources publiques se trouvent en fait au coeur des négociations avec tous les autres pouvoirs, tant au niveau supranational ou avec les pays individuels qu'avec les autorités locales, les organismes régulateurs et les groupes de pression organisés.
Les processus sont loin d'être simples et parfois même impossible à maîtriser.
Intéressons-nous aux exemples suivants :
- La tenue de négociations intergouvernementales sous l'égide de diverses organisations internationales comme le FMI ou les organisations supranationales continentales (au premier rang desquelles l'Union Européenne mais également le MERCOSUR et l'ALENA, etc..) pour assurer la compatibilité de la régulation des finances publiques avec le fonctionnement sans à-coup d'économies ouvertes ;
- Les accords en vue de la répartition territoriale des ressources entre le gouvernement central et les autorités régionales et locales ;
- Les différentes formes de consultation et de concertation entre le pouvoir politique et les partenaires sociaux, les pouvoirs économiques, et les représentants des principaux groupes de pression en vue de la répartition des avantages et des désavantages ;
- Les relations entre le pouvoir politique et les organes technocratiques investis de fonctions indépendantes pour la régulation de l'économie et des marchés (les banques centrales et les autres autorités indépendantes par exemple).
Le rôle croissant joué au plus haut niveau de la définition des orientations par ces nouveaux acteurs est le reflet de profondes transformations des relations entre politique, économie et société. C'est pourquoi, il n'est ni possible ni souhaitable de proposer un modèle qui renverra les processus de prise de décision au tandem formé par le gouvernement et le Parlement. Il faut néanmoins continuer à sauvegarder les conditions préalables essentielles de la démocratie :
- un débat public sur les différents choix fondamentaux en matière de gouvernance : des approches sectorielles fragmentées et des négociations sans fin à tous les niveaux diluent la signification globale des décisions, et rendent difficile la tenue d'un débat public sérieux sur l'avenir de nos sociétés ;
- la réaffirmation des principes de responsabilité : dans des processus de décision d'une complexité croissante, de plus en plus influencés par des éléments technocratiques, il est indispensable d'identifier les responsabilités des différents acteurs ayant participé à la prise de décisions et les raisons qui les fondent ;
- l'évaluation du résultat des politiques publiques : il existe une tendance largement répandue à rechercher le consensus en annonçant dans les médias des décisions qui n'ont pas encore été prises.
La totale sauvegarde de ces valeurs ne peut-être garanties que par les organes représentatifs généraux, c'est-à-dire le Parlement et le gouvernement.
La question politique qui se pose à nous au cours de cette nouvelle phase peut donc être formulée dans les termes suivants : de quelle façon les organes essentiels de la démocratie - le Parlement et le gouvernement - peuvent-ils reprendre le contrôle des choix politiques majeurs sans pour autant approuver mécaniquement des décisions prises par d'autres ou prises à d'autres niveaux ?
Je répondrai ainsi : en créant un terrain d'entente politique, le processus budgétaire peut devenir un outil essentiel pour les différents processus de prise de décision.
Dans le processus budgétaire, le Parlement et le gouvernement interagissent en premier lieu l'un avec l'autre, mais ils interagissent également avec tous les systèmes des pouvoirs externes.
La session budgétaire parlementaire représente peut-être Tunique procédure parmi les nouvelles formes de gouvernance globale (supranationale, technocratique et à large participation) qui entre dans le champ de compétence du gouvernement et du Parlement réunis.
Seul le processus budgétaire est capable de fixer un cadre global en matière de choix de gouvernance et de politique dans chacun des secteurs d'une manière concrète et fiable.
Sans un tel processus, il ne pourrait y avoir de réel débat politique sur le bien-fondé des choix proposés par le gouvernement ou par les forces s'exprimant au Parlement, sur les alternatives possibles, sur la cohérence des diverses lignes d'actions poursuivies dans différents secteurs, sur les responsabilités assumées par les différents décideurs ou sur les perspectives à moyen et long terme de chacun des pays.
C'est la raison pour laquelle le rôle des processus budgétaires parlementaires ne va ni diminuer ni redevenir celui de simples procédures comptables, comme le souhaiteraient certains experts, pour le moins dans mon pays.
Les études conduites par l'OCDE indiquent que la majorité des principales démocraties doivent encore comprendre cette nouvelle fonction du processus budgétaire en matière de gouvernance globale, et qu'elles persistent à déployer de lourdes procédures budgétaires qui ne sont pas toujours capables de faire le lien entre les décisions en matière de politique globale pour l'avenir d'un pays, et le tandem constitué par le Parlement et le gouvernement, expression de la souveraineté populaire.
C'est pourquoi il est nécessaire, pour ce pesant appareil des procédures budgétaires, de se recentrer vers de nouvelles tâches, axées davantage sur la qualité que sur la quantité.
Les nouvelles procédures doivent pouvoir se concentrer sur les ressources, les objectifs et les résultats finaux de l'action publique et assurer la cohérence parmi la multiplicité des politiques et des décideurs.
Il est de l'intérêt supérieur des Parlements d'aller dans cette direction afin de ne pas perdre le contrôle de la politique générale et des décisions principales, au moins en ce qui concerne en premier lieu l'élaboration des politiques et par la suite l'évaluation des résultats.
Il est également de l'intérêt supérieur des gouvernements d'utiliser la force politique unificatrice des Parlements pour créer un terrain d'entente parmi les différents organismes et secteurs. Ce qui vient par exemple à l'esprit, ce sont ces ministères individuels qui font partie du gouvernement, mais tentent d'éluder les orientations de politique générale dans le but de contourner les contrôles et les principes de cohérence générale de l'action gouvernementale.
C'est pourquoi il est désormais de l'intérêt supérieur des gouvernements et des Parlements de travailler en tandem et de forger un nouvel équilibre dans le processus budgétaire.
En définitive, leurs rôles respectifs dépendent de la capacité à définir une vision globale permettant à la politique d'accomplir son irremplaçable tâche de synthèse et ainsi de faire concurrence aux pouvoirs dotés d'autres formes de légitimité.
La vue d'ensemble des expériences budgétaires figurant dans les études de l'OCDE est à cette fin particulièrement utile.
Elles soulignent des tendances significatives visant à améliorer la qualité et la cohérence des nouveaux systèmes de gouvernance ainsi que la transparence et la responsabilité globale qui en découlent.
Il est possible de détecter au moins trois indications concrètes :
- La première a trait au renforcement des instruments de l'information parlementaire. À la place des formes traditionnelles de documentation surabondante et analytique, on fait maintenant appel à un nouveau type d'information rationalisée axée sur les aspects politiques pertinents. Cette nouvelle information n'est pas limitée à la description détaillée de postes individuels. Elle doit au contraire fournir en premier lieu des données pour que le Parlement puisse prendre position sur le cadre global des choix fondamentaux. Ce type d'information doit être en premier lieu assuré par le gouvernement et ensuite par l'ensemble des entités qui exercent des fonctions publiques ou sont d'importance publique dans les divers secteurs. En outre, il devient de plus en plus important que ce type d'information fasse l'objet de vérifications de la part d'entités neutres (par exemple des services parlementaires, des organismes spécialisés dans l'audit financier, etc..) et par l'établissement de lien stable entre les Parlements et les principaux instituts de recherche en économie, en affaires sociales et en statistiques.
- On peut trouver la seconde indication dans la tendance à l'amélioration des documents de programmation ou d'orientation, au détriment des formats traditionnels comptables ou analytiques. Dans les documents de programmation, les choix sont accompagnés d'une description adéquate des raisons qui les motivent ce qui rend possible l'évaluation du degré de cohérence entre les contraintes et les objectifs. Ce type de document met en lumière le contexte général dans lequel s'insèrent les choix individuels. Ainsi, ils :
a) rendent possible la prise de décisions individuelles sur la base du contexte général ;
b) placent dans le champ de compétence du Parlement la tâche de définir les niveaux supranational, local ou social ;
c) assurent une vision à moyen et à long terme de l'évolution des politiques publiques au sens large, en fournissant des repères spécifiques aux décisions fixant les priorités en matière d'orientation et au contrôle des résultats.
- La troisième indication a trait à l'évaluation de la répartition des ressources publiques entre les divers centres, en fonction du rapport entre les objectifs et les résultats. Cela rend possible l'adoption d'une approche globale du cycle entier de prise de décision jusqu'à l'évaluation des résultats en modelant en conséquence les relations entre le Parlement et le gouvernement. Il s'agit d'identifier les objectifs concrets dès l'origine, de vérifier leur faisabilité et de désigner avec précision les sphères de responsabilités. De nouveaux objectifs sont définis chaque année à l'aune des résultats accomplis l'année précédente et des correctifs appropriés sont adoptés si les résultats n'ont pas été atteints.
En conclusion, j'estime qu'une réunion politique à haut niveau comme celle-ci ne devrait pas s'attarder sur les diverses modalités techniques des processus budgétaires mais devrait tenter de répondre à la principale question politique qui se pose : quelle est aujourd'hui la principale fonction des procédures budgétaires et quelles pourraient être les évolutions ou les lignes d'actions qui assureraient au mieux leur fonctionnement dans les différents pays ?
C'est la thèse que j'ai souhaité vous soumettre et j'espère pouvoir la confronter avec d'autres indications possibles lors du prochain cycle de discussions. Ce n'est qu'à l'issue de notre débat qu'il sera éventuellement possible d'avancer des conclusions qui pourront aider chacun d'entre nous à acquérir une meilleure compréhension de nos propres expériences en les comparant avec d'autres points de vue.
2. LES PARLEMENTS NATIONAUX PEUVENT-ILS RETROUVER UN RÔLE EFFECTIF DANS LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE ?par M, Allen Schick, Université du Maryland (États-Unis)
Deux phénomènes contemporains influent sur les travaux du Parlement dans le domaine du budget. Il s'agit d'une part des efforts déployés pour discipliner les finances publiques en limitant les montants budgétaires globaux et d'autre part, des efforts pour élargir le rôle du Parlement dans la politique en matière de recettes et de dépenses. Selon que ces évolutions se révèlent être complémentaires ou contradictoires, cela déterminera le rôle budgétaire des Parlements nationaux au cours des années à venir. Selon un scénario, le Parlement pourrait renforcer la discipline budgétaire en assumant la responsabilité des montants budgétaires globaux ; selon un autre scénario, il compromettrait la discipline en bombardant le budget présenté par le gouvernement d'amendements parlementaires qui auraient pour effet de réduire les recettes ou d'accroître les dépenses.
Les premiers éléments indiquent que l'on s'oriente vers la première voie mais l'histoire budgétaire et certaines recherches contemporaines donnent à penser que c'est l'autre scénario qui prévaudra. Dans plusieurs pays, le Parlement national vote à présent l'enveloppe budgétaire globale, en sus de son action traditionnelle concernant les recettes et les dépenses. Si cela est encore exceptionnel, il y a de bonnes raisons de penser que cette façon de procéder s'étendra à de nombreux pays au cours de la prochaine décennie. Les règles du type Maastricht et d'autres efforts déployés pour stabiliser les finances publiques pourraient pousser les gouvernements nationaux et les Parlements à encadrer les décisions budgétaires en fixant au préalable les montants globaux. Lorsque cela se produira, les travaux du Parlement en matière budgétaire se dérouleront parallèlement à ceux du gouvernement et cela pourrait se traduire soit par une plus grande coopération, soit par une plus grande rivalité entre les deux branches. Dans certains pays, la nouvelle responsabilité du budget global dont est investi le Parlement lui conférera une plus grande indépendance dans le domaine de la politique budgétaire ; dans d'autres, le Parlement se comportera davantage comme un partenaire que comme un adversaire. Il est probable que les relations conflictuelles prédomineront dans les régimes présidentiels et les relations de coopération dans les régimes parlementaires. Cependant, d'autres variables comme le système de partis pourraient intervenir pour inciter à la coopération au sein des gouvernements où le pouvoir est formellement divisé et susciter des frictions dans les pays où le pouvoir est formellement partagé.
L'activisme du Parlement peut conduire à une orientation entièrement différente, cependant - non pas à une plus grande discipline budgétaire mais à des budgets dans lesquels la pression en faveur d'un accroissement des dépenses et d'une diminution des impôts entraîne des déficits chroniques et une augmentation progressive de la part du revenu national dépensée par le gouvernement. Aussi improbable que cela puisse paraître aux défenseurs contemporains de l'activisme du Parlement, il en est allé autrement pendant des siècles et ce, dans de nombreux pays : le Parlement a volontairement cédé le pouvoir budgétaire à l'exécutif parce qu'il acceptait le point de vue selon lequel les parlementaires ne peuvent réprimer leur inclinaison politique à diminuer les impôts et à accroître les dépenses. Les Parlements ont confié le pouvoir budgétaire au gouvernement parce qu'ils n'avaient pas confiance en leur capacité de prendre des décisions financières responsables. Cette attitude est corroborée par d'éminents spécialistes qui établissent une corrélation entre la capacité du Parlement d'amender le budget et les résultats de l'exécution du budget. Par exemple, dans un rapport qui a une grande influence, publié par la Commission européenne, Jorgen Von Hagen a constaté qu'il existe des données empiriques solides à l'appui de l'hypothèse selon laquelle la limitation du pouvoir d'amendement du Parlement et d'autres règles renforcent la discipline budgétaire et se traduisent par des déficits et un endettement public relativement faibles. Il y a de bonnes raisons de contester cette conclusion, mais sa validité importe moins que son acceptation.
Bien qu'il existe des exceptions notables, les Parlements nationaux sont d'une manière générale plus actifs aujourd'hui en matière budgétaire qu'ils ne l'étaient au cours la période qui a suivi la seconde guerre mondiale. Une étude de l'OCDE de 1998 a fait apparaître que, dans plus de la moitié des pays sur lesquels a porté l'enquête, les Parlements jouent un rôle budgétaire plus important qu'il y a une décennie. De nombreux éléments témoignent de cet activisme parlementaire : création de nouvelles commissions investies d'attributions législatives ou de fonctions de contrôle ; augmentation du nombre des agents s'occupant des questions budgétaires ; fort accroissement du flux de documents relatifs au budget du gouvernement aux parlementaires ; et vigilance accrue des auditeurs indépendants ou parlementaires s'agissant de l'opportunité et de l'efficacité des dépenses. Toutefois, renforcer les capacités institutionnelles ne garantit pas en soi que les parlementaires adopteront une position indépendante à l'égard du budget. Pour ce faire, il faut aussi qu'ils aient la capacité politique de rejeter les éléments essentiels du budget présenté par le gouvernement.
Lorsqu'ils s'occupent de budgets et d'autres questions, les Parlements connaissent une tension entre l'intérêt personnel des membres qui est de promouvoir leurs carrières ou d'apporter des avantages à leurs électeurs et l'intérêt collectif de l'institution qui est de produire des textes législatifs solides et cohérents. En tant qu'individus, les membres tendent à favoriser la hausse des dépenses consacrées à des objets déterminés ; en tant que représentants de l'institution, ils ont pour impératif d'adopter des montants globaux prudents en ce qui concerne les recettes et les dépenses. De nombreuses variables influencent la manière dont les parlementaires résolvent ces pressions contradictoires, notamment la discipline des partis, le système électoral, les règles budgétaires et les relations entre le gouvernement et le Parlement. Du fait que ces variables diffèrent selon les pays, la façon dont le Parlement traite les questions budgétaires diffèrent également. Les Parlements du type Westminster résolvent généralement les tensions entre les différentes parties du budget et l'enveloppe globale en limitant sévèrement le pouvoir des parlementaires de modifier le budget du gouvernement ; les Parlements du type Congrès laissent en général à leurs membres une grande latitude pour réviser le budget et prendre leurs propres décisions concernant les recettes et les dépenses. Les Parlements européens se situent généralement entre ces deux extrêmes ; ils permettent aux parlementaires de modifier le budget mais limitent les changements qu'il est possible d'apporter à l'enveloppe globale.
Si le rôle des Parlements dans le processus budgétaire diffère, on peut discerner trois étapes dans leur évolution :
- conquête par le Parlement du pouvoir de lever l'impôt et d'autoriser les dépenses ; développement des moyens et processus gouvernementaux pour élaborer et exécuter le budget ; et
- mise en place d'une procédure budgétaire parlementaire.
Les deux premières étapes coïncident dans les pays qui n'ont adhéré à la démocratie que récemment ; elles sont séparées par des générations ou des siècles dans les pays qui possèdent une longue tradition démocratique. Dans ces pays, la première étape s'est déroulée dans le cadre des efforts entrepris pour bâtir un Parlement national indépendant ; la seconde s'est produite lors de la mise en place des institutions administratives. La troisième phase est en cours dans certains pays mais n'a pas encore commencé dans beaucoup d'autres. Elle pourrait ne jamais se produire dans les pays qui assignent un rôle passif au Parlement en matière budgétaire.
Ces différentes phases sont décrites dans la section ci-après. Mon objectif n'est pas de faire un historique du processus budgétaire mais d'éclairer les rôles actuels des Parlements démocratiques et d'expliquer les raisons pour lesquelles certains d'entre eux ne sont peut-être pas en mesure d'adopter une attitude plus active et plus indépendante. Les Parlements sont des institutions ancrées dans la tradition ; pour les amener à changer, il ne suffit pas de greffer des pratiques nouvelles sur les anciennes, mais il faut repenser leur place. Il en est assurément ainsi pour ce qui est des procédures parlementaires, car les nouvelles responsabilités doivent être adaptées pour tenir compte des procédures d'autorisation des crédits budgétaires existant de longue date et des relations politiques avec le gouvernement.
La Section 1 contient une étude des deux premières phases et explique les raisons pour lesquelles les Parlements nationaux - qui ont conquis le pouvoir en s'appuyant sur le principe qu'il était de leur ressort de contrôler les finances publiques - ont cédé l'initiative budgétaire au gouvernement, conférant ainsi aux ministres et aux fonctionnaires l'essentiel des prérogatives financières qu'ils avaient précédemment arrachées à la Couronne. À la Section 2, on analyse les facteurs qui ont affaibli de nombreux Parlements contemporains concernant la législation fiscale du processus d'autorisation des crédits budgétaires. La Section 3 examine les efforts récents d'un certain nombre de pays pour instituer des procédures budgétaires parlementaires. Cette évolution n'est pas encore achevée et son extension à des pays qui limitent actuellement l'initiative budgétaire du Parlement est problématique. La section finale présente les différents scénarios envisageables concernant le rôle futur des Parlements nationaux en matière budgétaire.
a) Autorisation des crédits budgétaires par le Parlement et budgets établis par l'exécutif
Certains Parlements nationaux, dont l'existence remonte à des centaines d'années, disposaient de pouvoirs financiers plus importants il y a des siècles que ce n'est le cas aujourd'hui. Cette anomalie est au coeur du débat sur le rôle budgétaire des Parlements contemporains. Pour faciliter l'explication, il convient de faire une distinction entre les autorisations de crédits et les budgets. Avant que les gouvernements ne préparent les budgets, les Parlements démocratiques ouvraient des crédits. Ce rappel historique est important pour deux raisons : premièrement, il indique que les Parlements ont exercé un pouvoir financier avant les gouvernements ; deuxièmement, il tend à montrer que les pratiques budgétaires se sont développées parce que l'action des Parlements est apparue comme un moyen inadapté de contrôler les ressources et les dépenses. Il existe des différences d'un pays à l'autre, mais le schéma est quasi universel : les Parlements autorisent des crédits, les gouvernements établissent des budgets. La présente section décrit l'histoire des autorisations de crédits et des budgets telle qu'elle s'est déroulée en Angleterre et en France, deux des premiers pays à imposer un contrôle par le Parlement des deniers publics. Ces pays ont dû lutter de la même manière pour limiter l'appétit de la Couronne en matière d'impôts et de dépenses, mais ils ont résolu le problème différemment. L'Angleterre a proscrit l'initiative parlementaire, ce que n'a pas fait la France. Chaque pays a servi de modèle à de nombreux autres pays, y compris à ceux qui n'ont jamais été dirigés par des monarques.
En Angleterre, la lutte pour la prééminence du Parlement remonte à la Grande Charte de 1215 lorsque le Roi Jean a conclu un pacte avec les barons aux termes duquel il s'engageait à ne lever aucun impôt sans leur consentement. Mais loin de régler la question, ce grand événement a marqué le début d'un conflit qui a duré presque cinq siècles entre la Couronne et les représentants du peuple. Le Roi possédait plusieurs avantages dans cette lutte : le fait que ses propres revenus étaient confondus avec les recettes fiscales, le pouvoir de réunir le Parlement et le droit affirmé de dépenser comme il le souhaitait. Toutefois, lorsque ses ressources étaient épuisées ou insuffisantes, comme en période de guerre, le Roi devait faire appel au Parlement pour reconstituer sa trésorerie. Au fil du temps, le Parlement a obtenu des concessions en échange de l'apport des ressources financières nécessaires. L'une de ces concessions a consisté à séparer les ressources de la Couronnes des deniers publics, une autre a été d'insister pour que l'argent ne soit dépensé qu'à des fins autorisées. Pour faire respecter leur volonté, les Communes ont mis au point la tactique consistant à voter les crédits vers la fin de la session, une fois que la Couronne avait déjà dépensé une partie de ses propres ressources. Dans la mesure où il ne pouvait pas être certain que des fonds lui seraient attribués, le Roi était incité à faire preuve de prudence dans la gestion des dépenses et à se plier aux volontés des Communes. Au fil du temps, cependant, ce moyen de contrôler les dépenses publiques a contribué au déclin du pouvoir du Parlement. En votant les crédits, alors que l'exercice financier était déjà en cours, le Parlement en est venu à approuver simplement des dépenses déjà engagées. Lorsque le gouvernement a remplacé la Couronne comme ordonnateur des dépenses, l'ouverture ex post de crédits est devenue un exercice mécanique plutôt qu'un moyen de contrôler les finances publiques.
Les Communes ont limité leur pouvoir d'une autre manière encore en adoptant en 1706 un Règlement intérieur qui, sous réserve de quelques modifications de forme, est toujours en vigueur aujourd'hui :
La Chambre des Communes n'acceptera de demandes de sommes d'argent pour un service public ni n'adoptera de motion qui la conduirait à se prononcer par un vote sur une subvention ou sur une charge imposée aux recettes publiques... que sur recommandation de la Couronne.
Selon Erskine May, l'éminent spécialiste du Parlement, cette disposition a codifié « la pratique constitutionnelle qui avait été instaurée bien avant l'adoption de ce règlement intérieur... c'était le résultat naturel des relations constitutionnelles entre la Couronne et le Parlement au moment où la pratique a été établie ». Dans la mesure où l'objectif de la législation fiscale était de restreindre les pouvoirs de la Couronne, cela n'aurait pas eu de sens pour les Communes de voter des crédits qui n'avaient pas été demandés. Avec le transfert du pouvoir financier de la Couronne au gouvernement, les Communes se sont retrouvées privées, de par leur règlement intérieur, du droit d'initiative en matière de dépenses et pour des raisons de Realpolitik, de la possibilité de refuser les fonds requis. Sa célèbre souveraineté financière a été réduite à un rituel vide.
En France, l'acquisition par le Parlement du pouvoir financier s'est déroulée à peu près selon le même schéma qu'en Angleterre, avec cependant quelques différences notables. Les monarques français ont insisté pour disposer du pouvoir de lever des impôts et d'engager des dépenses sans limite, tandis que les organes législatifs, composés initialement des classes privilégiées, mais élargis au cours des siècles de manière à représenter le peuple, ont affirmé leur pouvoir de contrôle des deniers publics. Pendant de longues périodes entre le 15ème et le 18ème siècle, le Roi a eu l'avantage parce qu'il convoquait rarement les États Généraux, qui constituaient l'Assemblée législative. De fait, cet organe ne s'est pas réuni une seule fois au cours des 175 années qui se sont écoulées de 1674 à 1789. Un autre facteur qui compliquait la situation tenait à la pratique du Roi consistant à confondre les deniers publics avec sa propre cassette. Le Roi n'avait aucun scrupule à cet égard car il revendiquait un droit absolu à utiliser tout l'argent comme il le souhaitait.
À la différence de l'Angleterre, où le pouvoir du Parlement s'est affirmé progressivement de manière essentiellement pacifique, en France il a fallu une révolution pour établir le principe selon lequel aucun impôt ne pouvait être levé sans le consentement de l'Assemblée nationale. À la différence de la Chambre des Communes qui a limité son pouvoir en matière financière, l'Assemblée nationale n'a pas limité son pouvoir de lever des impôts ou d'ouvrir des crédits. De plus, elle a affirmé un rôle plus direct concernant l'examen de la manière dont les crédits ouverts sont dépensés. Un décret de 1791 a proclamé que « L'Assemblée examine et vérifie définitivement les comptes de la nation ». Un bureau des comptes, sous la direction de l'Assemblée, était chargé d'examiner les dépenses.
Au cours des deux siècles qui se sont écoulés depuis la Révolution, la France a connu plusieurs bouleversements politiques qui ont eu des incidences sur les relations financières entre le gouvernement et le Parlement. Un problème récurrent est celui de la compétence de l'Assemblée nationale pour adopter une position indépendante à l'égard des crédits budgétaires. Le pays est passé par plusieurs phases dans les relations entre le Parlement et le gouvernement, avec des périodes de domination du Parlement suivies par des changements qui ont limité son indépendance. Ainsi, en réaction à l'exercice indépendant » certains diraient irresponsable - du pouvoir financier par l'Assemblée nationale sous la Troisième République avant la guerre, la Constitution de la Cinquième République limite l'indépendance du Parlement.
Le budget : faciliter et limiter l'action du Parlement. Jusqu'à présent, nous avons évité d'employer le mot budget parce que pendant la période au cours de laquelle le contrôle par le Parlement des finances publiques s'est mis en place, il n'existait pas de budgets officiels. Il est généralement admis que ce terme a été utilisé pour la première fois pour décrire les pratiques financières du gouvernement en Angleterre au 18ème siècle, plus d'un siècle après que le Parlement eut définitivement assuré son pouvoir en matière de fiscalité et de dépenses. Le terme budget a été utilisé pour la première fois dans les documents officiels français au début du 19ème siècle ; son usage s'est ensuite étendu rapidement à d'autres pays développés. L'une des premières définitions formelles est apparue dans une loi française de 1862 qui décrivait le budget comme « un document qui prévoit et autorise les recettes et les dépenses annuelles de l'État... » Cette définition contient en germe les deux conceptions rivales de la pratique budgétaire. Selon la première, le budget constitue un plan pour une période future, normalement l'exercice financier à venir, alors que selon l'autre conception, il s'agit d'une décision portant autorisation des recettes et des dépenses futures. En tant que plan, le budget est un ensemble de propositions qui n'a pas d'autre poids collectif que l'influence que le gouvernement possède pour orienter les actions du Parlement ; en tant que décision d'autorisation, le gouvernement peut lever des impôts et engager des dépenses, sous réserve de l'approbation du Parlement, sur la base des recettes et des dépenses prévues dans le budget. En tant que proposition, le budget n'empiète pas expressément sur la primauté du Parlement en matière financière ; en tant que décision d'autorisation, il s'impose au Parlement ou supplante les préférences de celui-ci.
Les gouvernements ont budgétisé leurs recettes et leurs dépenses avant de se doter d'un système budgétaire en bonne et due forme. Plus exactement, ils regroupaient les recettes et les dépenses dans un document unique qui était transmis au Parlement à intervalles périodiques. Cependant, à mesure que les gouvernements se sont développés au cours du 19ème siècle, il est devenu de plus en plus souhaitable de coordonner les prélèvements sur leurs ressources financières en préparant des budgets globaux. Plutôt que de prévoir ou d'autoriser les recettes ou les dépenses de façon parcellaire, le budget permettait au gouvernement de présenter au Parlement un tableau exhaustif des finances publiques. La formalisation des procédures budgétaires a coïncidé avec d'autres grandes réformes de l'administration publique, comme la professionnalisation de la fonction publique, la normalisation des comptes et la bureaucratisation des opérations gouvernementales.
La formalisation du processus budgétaire n'a pas seulement rationalisé l'administration publique, elle a aussi modifié l'équilibre en matière de pouvoir financier entre les gouvernements et les Parlements. Le fait que les décisions gouvernementales relatives au budget précèdent l'intervention du Parlement a eu pour effet de soumettre à des restrictions ou à une forte influence du gouvernement la législation fiscale et les autorisations de crédits budgétaires. Même les Parlements qui ont conservé le pouvoir juridique de s'écarter du budget du gouvernement se sont retrouvés politiquement subordonnés à ses injonctions. Il est devenu courant dans les pays développés d'évaluer les décisions du Parlement concernant les recettes et les dépenses à la lumière des recommandations budgétaires de l'exécutif. Le budget est devenu l'étalon universel pour mesurer l'action du Parlement. Le budget a provoqué une révolution copernicienne dans le domaine des finances publiques. La suprématie du Parlement, qui avait été difficilement acquise au terme de siècles de lutte, a été abandonnée sur le champ de bataille des budgets exécutifs.
Il était admis dans tous les pays que l'élaboration du budget est une fonction exécutive effectuée par l'exécutif, et non par le Parlement. Seul l'exécutif avait l'organisation et la capacité pour coordonner les demandes de dépenses de ses divers départements et organismes ; il était le seul qui pouvait assurer la mise en oeuvre effective des dépenses par ces entités. De fait, les efforts de certains Parlements pour renforcer leur capacité d'examiner les plans de dépenses du gouvernement se sont heurtés à une forte opposition dans certains pays car on estimait que cela revenait à empiéter sur les responsabilités de l'exécutif. Stourm indique que l'éminent économiste français Léon Say s'est montré hostile aux efforts de l'Assemblée nationale pour créer une Commission permanente chargée d'examiner le budget du gouvernement :
La Commission du budget souhaite se substituer à l'administration et préparer le budget elle-même au lieu de se contenter de le recevoir aux fins de contrôle. Le Président de la Commission du budget est devenu dans une certaine mesure le Premier Lord du Trésor... Les adversaires du pouvoir ministériel voient immédiatement les bénéfices qu'ils pourraient retirer de cette nouvelle institution.
Le point de vue de Say, qui exprimait les sentiments de l'époque, était que le Parlement avait pour fonction de contrôler les finances publiques, c'est-à-dire de voter les crédits qui constituent la limite des dépenses autorisées. Il n'avait pas pour tâche de planifier et de coordonner les finances publiques.
Dans la plupart des pays développés, les parlementaires ont accueilli favorablement les nouvelles pratiques budgétaires car elles apporteraient ordre et cohérence à la législation fiscale et aux autorisations de crédits budgétaires. Les parlementaires disposaient à présent d'une vue d'ensemble de la manière dont s'articulaient les différentes parties du budget et du montant total des recettes et des dépenses. De plus, les normes de bonnes pratiques budgétaires ont été codifiées sous la forme d'un ensemble de principes qui ont été acceptés dans la plupart des pays. Ces principes comprenaient l'annualité des décisions budgétaires, le caractère exhaustif des comptes budgétaires et la spécificité des objets de dépense. Seuls quelques Parlements nationaux ont résisté à l'extension rapide de la notion de budget. Les objections les plus fortes sont venues du Congrès des États-Unis, qui a senti que le fait de confier à l'exécutif le pouvoir budgétaire affaiblirait son pouvoir en matière d'impôts et d'ouverture de crédits. C'est en 1921 que le Congrès a accepté que le budget soit préparé par l'exécutif, plus tard que tous les grands pays européens et seulement après que les coûts de la première guerre mondiale eurent montré la nécessité de maîtriser les finances publiques. Lorsque le Congrès a pris cette décision, certains experts politiques ont prédit que le nouveau pouvoir budgétaire du Président annonçait la fin de la primauté du Parlement.
Pour quelles raisons le processus budgétaire, qui était considéré comme renforçant le contrôle des finances publiques exercé par le Parlement, s'est-il transformé en un moyen de soumettre le Parlement ? La réponse tient moins à une question de pouvoir juridique qu'à des raisons politiques. Le budget présenté au Parlement est le résultat d'un long processus d'organisation, de suivi et de contrôle des finances publiques. Préparer le budget et surveiller son exécution exigent l'intervention d'un grand nombre de spécialistes qui se trouvent au ministère des Finances ou dans un organisme analogue au sommet de l'administration. Les compétences de ce ministère s'étendent à tous les départements ministériels et organismes publics et consistent à traiter de grandes quantités de données financières et opérationnelles. Pour bien faire son travail, le ministère des Finances doit aussi évaluer les demandes et les intérêts politiques, ainsi que l'efficacité des dépenses. Lorsque le budget est présenté, le ministère des Finances a une connaissance très approfondie des finances publiques et le Parlement une connaissance très limitée en dehors de ce que le gouvernement souhaite qu'il sache. Cette asymétrie d'informations met le Parlement dans une position de grande faiblesse. Même avec des commissions permanentes et son propre personnel spécialisé, le Parlement n'est pas de taille à rivaliser avec le gouvernement. S'ils peuvent quelque peu compenser ce handicap en procédant à un examen minutieux des prévisions de dépenses, les parlementaires acquièrent rarement une connaissance approfondie de la manière dont les deniers publics sont dépensés et des conséquences d'une augmentation ou d'une réduction des crédits qui ont été budgétisés par le gouvernement.
Le développement considérable de l'État, qui a commencé au cours des dernières décennies du 19ème siècle et s'est accéléré pendant la plus grande partie du 20ème siècle, a encore diminué l'influence du Parlement. Avec ce développement du rôle de l'État, les postes budgétaires ont été regroupés dans des catégories plus larges. Par exemple, au lieu d'indiquer les crédits correspondant à chaque poste de la fonction publique, le budget présente une estimation des dépenses pour chaque catégorie d'emplois ou groupe d'emplois. Dans certains pays, la consolidation a été encore plus loin de sorte qu'une somme unique figure pour toutes les dépenses du personnel. Cette consolidation rend le budget plus facile à manier mais a aussi pour effet de réduire le contrôle du Parlement sur les différents articles. Un autre sous-produit de l'expansion de l'État a été que le budget est apparu davantage comme un énoncé de programmes et d'objectifs publics que comme un instrument de contrôle financier. Le budget est également devenu un moyen de guider et de stabiliser l'économie et les montants globaux ont acquis une signification budgétaire qui transcende les différents objets de dépense. Dans certains pays, le budget est aussi devenu le moyen pour lequel le gouvernement gère ses entités et activités administratives et les pousse à améliorer l'efficacité. Aussi louables qu'aient pu être ces transformations, elles ont subordonné le contrôle des finances publiques à des objectifs budgétaires plus larges. Du point de vue juridique, peu de choses ont changé, politiquement presque plus rien n'était pareil.
b) Le déclin des Parlements nationaux
Les spécialistes d'aujourd'hui évoquent régulièrement le déclin des Parlements nationaux, non seulement dans le domaine budgétaire mais aussi en ce qui concerne l'ensemble de leurs attributions législatives. Ils s'accordent à reconnaître que ce déclin s'est produit malgré le fait que les Parlements modernes sont mieux organisés et disposent de davantage de ressources que précédemment A leur avis, ce déclin n'est guère imputable au fonctionnement interne du Parlement mais à trois phénomènes extérieurs qui ont privé les Parlements de leur indépendance et du contrôle :
- la montée de partis politiques disciplinés qui fixent le programme législatif et imposent aux parlementaires de voter selon la ligne du parti ;
- l'énorme escalade des dépenses publiques qui s'est accompagnée d'un recul des dépenses consacrées à l'administration et à la sécurité au profit des dépenses liées aux prestations sociales et aux garanties de ressources ;
- le renforcement des groupes d'intérêts et des dispositifs politiques corporatistes. Conjointement, ces évolutions réduisent de nombreux Parlements au statut de clubs de débat qui jouissent d'une grande liberté pour délibérer mais pas pour décider. Bien qu'il s'agisse d'une large généralisation qui néglige des différences importantes dans les cultures et les structures politiques, l'hypothèse du « déclin des Parlements » semble s'appliquer à la plupart des pays de l'OCDE.
Au cours des 100-150 dernières années, les positions des partis se sont stabilisées dans de nombreux pays et les partis solidaristes, organisés pour faire respecter la discipline politique, sont devenus la norme. Dans un grand nombre de Parlements, la seule marge dont disposent les membres pour exprimer leur indépendance réside dans les propositions de lois d'initiative parlementaire auxquelles le gouvernement ne prête que peu d'intérêt. Les accords en matière budgétaire sont conclus en dehors du Parlement, au sein du gouvernement ou par les fonctionnaires du parti, puis ratifiés au sein de celui-ci. Les arrangements budgétaires extra-parlementaires prévalent dans les régimes majoritaires où le budget est imposé au Parlement par diktat du gouvernement, et dans les régimes de coalition où les partis représentés au sein de la coalition gouvernementale négocient un accord qui encadre les travaux parlementaires pour la durée du gouvernement. Dans certains pays, le budget est négocié par le biais de canaux mis en place spécialement par les partis, parallèlement au processus budgétaire gouvernemental. Au Japon, le Parti libéral démocrate qui domine la vie politique possède des comités permanents qui examinent le budget du ministère des Finances et prennent des décisions définitives qui sont ensuite transmises à la Diète. Le rôle des partis est particulièrement prééminent lorsque le gouvernement prend des initiatives importantes ou prépare un budget qui est adopté lors d'un scrutin unique. Un observateur perspicace des Parlements nordiques a constaté que :
« ... la pénétration des rouages internes des assemblées par les partis politiques solidaristes limite sensiblement l'efficacité de l'activité parlementaire. En bref, le contrôle par les partis aboutit généralement à ce que la fonction législative des assemblées c'est-à-dire l'élaboration de propositions qui sont ultérieurement adoptées- soit aujourd'hui placée en position de subordination... »
Un second facteur de déclin du Parlement tient à la vaste expansion de la taille de l'État. Dans les pays de l'OCDE, la croissance annuelle des dépenses publiques au cours de la période 1960-1980 a été en moyenne supérieure d'un point de pourcentage à celle du PIB. L'essentiel de la hausse des dépenses est due aux prestations sociales qui doivent être versées indépendamment de la situation financière du gouvernement ou des autres pressions qui s'exercent sur le budget. À mesure que l'État s'est développé passant d'un rôle de gardien chargé de préserver l'ordre intérieur et de protéger les citoyens contre les menaces extérieures à un rôle où sa principale responsabilité dans le domaine financier consiste à assurer le bien-être économique de la population, le rôle traditionnel des Parlements consistant à limiter l'exercice du pouvoir n'était plus bien adapté. L'État en expansion appelait une autonomisation et non des restrictions, et cette autonomisation nécessite un apport stable de ressources financières au gouvernement. Un État développé a besoin de ressources financières sûres, qui ne dépendent pas du bon vouloir du Parlement ou ne sont pas mises en péril par une impasse budgétaire imputable au Parlement. Si le développement des prestations sociales affaiblit l'exécutif- lui aussi tenu par les engagements pris par ses prédécesseurs - cela est encore plus préjudiciable à la capacité des Parlements, car les ceux-ci financent généralement les programmes de transfert de ressources dans le cadre de législations permanentes lesquelles, à la différence des dépenses budgétaires classiques, ne demandent pas une autorisation périodique du Parlement.
L'expansion de l'État compromet la capacité du Parlement de contrôler l'exécutif, non seulement parce qu'il y a beaucoup plus à examiner, mais aussi parce que les transferts effectifs de pouvoir de ministres élus au profit de fonctionnaires non élus qui travaillent dans de grandes administrations à l'abri des regards, sont difficiles à pénétrer. Malgré des innovations comme l'ombudsman et l'augmentation des effectifs du personnel qui travaille pour les parlementaires, il n'est pas possible à ceux-ci de contrôler un État qui est devenu si grand et si actif. Plus important, le développement de l'État a éveillé l'intérêt pour les performances et les résultats plutôt que pour le respect de la légalité et le contrôle de l'opportunité des dépenses publiques. Les citoyens veulent que le gouvernement fasse davantage pour eux, et non qu'il soit entravé par des législateurs pingres.
La croissance de l'État a eu des incidences sur le pouvoir du Parlement d'une autre manière encore. Bien que l'on considère généralement que ce sont les parlementaires qui ajoutent au budget, ce sont les hauts fonctionnaires qui sont essentiellement à l'origine de l'extension des limites des programmes. Pendant des décennies, le budget présenté par le gouvernement a proposé régulièrement des créations de programmes et des augmentations des dépenses supérieures au rythme de hausse des prix ou de progression de l'activité économique. Les gouvernements ont aussi proposé régulièrement, et les Parlements ont adopté, des augmentations des impôts pour financer l'expansion incessante des programmes. Comme il a été noté précédemment, la contribution du Parlement à l'augmentation des dépenses a été en général marginale. Cette augmentation des dépenses traduisait donc également une modification de l'équilibre des pouvoirs entre le Parlement et le gouvernement.
Le troisième coup porté à la capacité des Parlements est dû à la multiplication et l'activisme des groupes d'intérêts. Tous les pays démocratiques comptent un nombre beaucoup plus grand de groupes actifs politiquement qu'il y a une génération, mais ils font valoir une distinction essentielle entre les modes pluralistes et corporatistes s'agissant des relations entre ces groupes et le gouvernement. Le modèle pluraliste, qui est le plus évident aux États-Unis, restreint les intérêts défendus par les groupes ; le modèle corporatiste élargit ces intérêts. Dans les sociétés pluralistes, le nombre même de groupes leur impose d'adopter une vision étroite de leurs intérêts ; en conséquence, les pressions qu'ils exercent sur les parlementaires (et d'autres acteurs politiques) concernent généralement des questions marginales qui peuvent être réglées en augmentant ou en diminuant légèrement les impôts ou les dépenses. Le pluralisme a pour impact budgétaire de dissuader les parlementaires de s'intéresser au tableau d'ensemble. Le Parlement marginalisé est occupé à examiner un grand nombre d'amendements qui peuvent susciter beaucoup d'attentions sur le plan politique mais n'entament pratiquement pas les programmes budgétaires du gouvernement. Dans les sociétés corporatistes, les principales politiques gouvernementales sont élaborées en consultation avec des conglomérats de groupes qui représentent un large éventail d'intérêts. Il peut y avoir un conglomérat de groupes représentant l'industrie, un autre représentant les travailleurs, un autre les municipalités, etc. Dans certains cas, le gouvernement maintient des relations permanentes officielles avec ces « partenaires sociaux » et n'agit qu'après avoir débattu des initiatives gouvernementales avec eux. Mais une fois que le gouvernement et les intérêts corporatistes sont parvenus à un accord, le Parlement n'a aucun rôle à jouer ou doit suivre.
Déclin du rôle budgétaire du Parlement .
Les paragraphes précédents traitent de la place générale des Parlements et institutions publiques modernes, sans insister particulièrement sur leur pouvoir budgétaire. Cependant, un Parlement ne peut influencer la politique financière s'il a été marginalisé en tant qu'institution concourant à l'élaboration des politiques. L'enquête de l'OCDE de 1998 à laquelle il a été fait référence précédemment confirme que les Parlements contemporains sont perçus comme jouant un faible rôle en matière budgétaire. Le tableau I récapitule les réponses des pays à la série de questions suivantes :
Le Parlement adopte-t-il généralement le budget présenté par le gouvernement ? Combien d'amendements au budget (nombre et montant) sont-ils généralement proposés par le gouvernement et les membres de l'opposition au sein du Parlement ?
La plupart des pays ont répondu que le Parlement n'apporte pas de modifications, ou seulement des modifications mineures au budget présenté par le gouvernement. Parmi les pays dans lesquels de nombreux amendements sont adoptés par le Parlement, la plupart d'entre eux ont indiqué qu'ils ne modifiaient cependant pas sensiblement le budget présenté par le gouvernement.
Dans certains pays, l'essentiel des amendements adoptés émane du gouvernement lui-même ou de parlementaires qui lui sont affiliés. Cela indique que collaborer avec le gouvernement plutôt que s'opposer à lui constitue pour un Parlement la méthode la plus productive d'exercer une influence. Après avoir présenté le budget, le gouvernement peut accepter ou proposer des amendements, pour contrecarrer l'opposition ou récompenser des membres loyaux en faisant sien leurs propositions. Dans certains pays, des négociations approfondies qui sont menées discrètement entre le gouvernement et les principaux responsables du Parlement donnent au Parlement l'occasion d'influencer marginalement le budget.
L'enquête de l'OCDE indique que les limitations de l'influence du Parlement tiennent davantage à des considérations politiques qu'à des restrictions formelles de son pouvoir d'amender le budget. Le tableau 2 établi à partir de l'enquête regroupe les auto-évaluations effectuées par les pays en ce qui concerne les restrictions auxquelles sont confrontés leurs Parlements. En mettant en évidence des facteurs politiques plutôt que juridiques, les données tendent à montrer que même si les règles budgétaires étaient modifiées pour ménager un rôle plus important au Parlement, les conditions politiques sous-jacentes risquent d'exclure tout changement important de comportement de la part du Parlement. Un corollaire à cette conclusion est que l'impact des efforts déployés pour conférer des pouvoirs au Parlement sera différent suivant les pays. En fonction de facteurs politiques, les modifications qui incitent le Parlement à jouer un rôle plus actif en matière budgétaire dans certains pays pourraient l'inciter dans d'autres pays à continuer à faire preuve de passivité.
L'enquête de l'OCDE invitait chaque pays à communiquer de brèves réponses sans les accompagner d'analyses ou d'explications. Il est possible d'ajouter certains des détails en se référant à une étude publiée il y a un quart de siècle sur le rôle budgétaire de six Parlements européens. Dans The Power of the Purse ; A Symposium on the Role of European Parliaments in Budget Decisions , David Coombes et ses collègues sont d'une manière générale parvenus à la conclusion que le Parlement est aujourd'hui marginalisé en matière budgétaire. Les paragraphes ci-après, tirés directement de cette étude, évaluent le rôle budgétaire du Parlement dans quatre pays.
En Allemagne, note K.H. Friauf, le gouvernement et sa majorité parlementaire ne sont pas considérés comme identiques sur le plan politique. Il existe une séparation des pouvoirs entre les deux qui permet au Bundestag d'exprimer sa propre volonté. Le Bundestag peut modifier le budget présenté par le gouvernement sans poser la question de confiance. Toutefois, Friauf constate que si le gouvernement accepte souvent les adjonctions au budget proposées par le Bundestag, « le montant total des dépenses supplémentaires votées par le Parlement est généralement insignifiant quand on le rapporte au volume total du budget ». Dans la mesure où les conclusions de Friauf concernaient essentiellement les années Adenauer, il y aurait peut-être lieu de les réexaminer à la lumière des événements plus récents, en particulier depuis l'unification de l'Allemagne, période au cours de laquelle le Bundestag a été appelé à se prononcer sur des augmentations des impôts et des réductions de certains programmes sociaux. Le mécontentement suscité par ces mesures et l'affaiblissement de la coalition gouvernementale ont peut-être accru l'influence du Parlement en matière budgétaire.
A. Dupes commence son article sur le contrôle parlementaire du budget en France en notant que « en France, comme dans de nombreuses autres démocraties représentatives, le déclin du Parlement est devenu l'un des thèmes favoris des spécialistes des sciences politiques... L'idée que l'examen du budget par le Parlement doit aujourd'hui être considéré comme un rituel sans importance est partagée par de nombreux spécialistes et des responsables politiques de toutes tendances... Aujourd'hui, tout le pouvoir réel est passé à l'exécutif; le débat sur le budget n'est rien de plus qu'une conversation et le rôle du Parlement est limité à l'enregistrement des décisions gouvernementales. » Dans la suite de son analyse, Dupes atténue cette conclusion sévère en faisant valoir que l'Assemblée nationale peut modifier le budget. Il décrit la distinction établie par l'Assemblée entre les crédits votés, qui sont les dépenses autorisées pour l'exercice en cours, les services votés, qui correspondent aux crédits nécessaires pour mener à bien les activités approuvées au cours de l'exercice suivant et les mesures nouvelles qui représentent les initiatives proposées pour l'exercice suivant. Ce dispositif institutionnalise la méthode du budget par reconduction, car il invite le Parlement à se concentrer sur les ajustements apportés à la base des dépenses autorisées. L'établissement du budget par reconduction est une donnée de la vie budgétaire, qu'il soit ou non formalisé dans les règles de procédure. La question qui se pose est celle de savoir si en établissant le budget par reconduction, le Parlement se borne à enregistrer le budget présenté ou s'il le modifie. Une caractéristique du système français laisse penser que le Parlement exerce une influence limitée : les services votés du budget général sont approuvés en bloc et non par poste ou par chapitre. Malgré cette pratique, Dupes conclut ainsi : « Il serait contraire à la vérité de prétendre que le Parlement français n'est rien de plus qu'une chambre d'enregistrement des décisions budgétaires. De manière constructive ou non, le vote du budget donne au Parlement l'occasion d'imprimer sa marque ».
Cette conclusion surprenante est ouvertement contestée par P. Lalumière, un autre participant au colloque, qui note que la Constitution de 1958 de la Cinquième République « réaffirme le pouvoir de décision du Parlement en matière budgétaire, tout en multipliant les restrictions juridiques à l'exercice de ce pouvoir... En fait, le fonctionnement effectif des institutions budgétaires trahit un déclin important de l'influence du Parlement ». Selon Lalumière, « les débats budgétaires ne fournissent plus aux assemblées parlementaires l'occasion d'exercer une influence réelle sur les choix proposés et donc sur l'activité gouvernementale. La majorité des observateurs admettent aujourd'hui que l'institution parlementaire a vu son rôle s'effacer de cette manière... ».
Nulle part le déclin du Parlement en matière budgétaire n'est plus visible qu'en Grande-Bretagne. J. Molinier récapitule le processus par lequel la Chambre des Communes, berceau de la démocratie budgétaire, a perdu toute influence formelle sur les recettes et dépenses :
L'émergence de deux grands partis de masse, cohérents et disciplinés, jouissant d'un soutien national et se succédant au pouvoir a entraîné en pratique un transfert au profit du Cabinet de ce qu'il y avait d'essentiel dans le pouvoir financier et les autres pouvoirs exercés précédemment par la Chambre des communes. Après avoir dépouillé la monarchie de ses prérogatives financières, le Parlement à son tour a été dépouillé de ses compétences financières par le Cabinet... Aujourd'hui, la Chambre des communes n'est guère en mesure de participer efficacement à l'élaboration du budget.
Le Parlement britannique se distingue d'autres Parlements nationaux en ce que sa réussite et son déclin en matière budgétaire se sont produits beaucoup plus tôt que dans d'autres pays, et l'amenuisement de son rôle budgétaire a été plus important. C'est un modèle que peu de Parlements ont imité et que la plupart ont rejeté. Néanmoins, on retrouve des éléments de l'expérience britannique dans les nombreux pays qui ont cherché à éviter le sort qu'a connu la Chambre des Communes.
En Italie, l'instabilité gouvernementale et les négociations et conflits permanents entre les partenaires de la coalition donnent au Parlement de multiples occasions d'agir en matière budgétaire. Le problème n'y est toutefois pas la faiblesse du Parlement vis-à-vis du gouvernement, mais que l'un et l'autre voient leur situation compromise par l'instabilité politique et la rigidité financière. V. Onida décrit la réalité du processus budgétaire italien en ces termes :
Le système budgétaire est dominé par le principe d'un strict contrôle parlementaire. Ce principe est conçu pour imposer des restrictions rigoureuses aux dépenses gouvernementales et veiller à ce que celles-ci soient respectées. En réalité cependant, le contrôle parlementaire est vidé de toute signification. Cette contradiction apparente s'explique très vraisemblablement par le fait que le type de contrôle parlementaire pour lequel ce système a été conçu... est très différent du contrôle que les assemblées souhaitent réellement exercer.
Onida relève une évolution importante dans la pratique parlementaire en cours dans de nombreux pays de l'OCDE : « la tendance croissante à ce que les décisions concernant le montant global et l'utilisation particulière des dépenses ne soient plus prises dans le cadre du budget annuel mais à l'occasion des procédures d'adoption des lois ordinaires qui nécessitent et prévoient des dépenses dans des secteurs particuliers pendant un nombre déterminé d'années, souvent pendant de nombreuses années. » Cette observation est confirmée par un autre participant au colloque qui constate : « une partie importante du budget national correspondant à des dépenses prédéterminées ou découlant de lois adoptées il y a de nombreuses années échappe en pratique à tout contrôle ». Bien que cela ne soit pas dit, la plupart de ces lois concernent des droits à prestations sociales qui affaiblissent non seulement le contrôle par le Parlement des deniers publics mais aussi la capacité du gouvernement de réguler les résultats budgétaires à court terme. On peut soutenir que les Parlements ne peuvent reprendre le contrôle des finances publiques si le budget lui-même échappe à tout contrôle.
c) Restaurer la compétence du Parlement en matière budgétaire
Dans le passé lointain, les Parlements ont exercé leur pouvoir de contrôle des deniers publics pour acquérir leur indépendance en tant qu'institutions souveraines. La compétence des Parlements de se prononcer sur les impôts et dépenses et de faire respecter leurs décisions par les monarques et les fonctionnaires leur a conféré un rôle actif dans l'élaboration des programmes et des politiques gouvernementales. Le budget peut-il être à nouveau le levier qui permet à des Parlements renaissants de reconquérir les pouvoirs budgétaires abandonnés au cours du siècle écoulé ? Le Symposium international des 24 et 25 janvier 2001 a été organisé en partant du postulat que les organes parlementaires se préparent à nouveau à jouer un rôle central dans le processus budgétaire. Toutefois, ce n'est pas en revenant à la fonction de contrôle qui était si bénéfique aux Parlements dans le passé que ceux-ci retrouveront leur hégémonie dans le domaine des finances publiques. Si les citoyens souhaitent peut-être un contrôle accru du gouvernement, ils veulent aussi davantage de programmes et de prestations de la part de celui-ci. Ils veulent que les écoles soient bien dotées en enseignants et que les paiements de sécurité sociale et d'autres versements arrivent en temps voulu. Si le contrôle budgétaire fait obstacle à ces objectifs largement partagés, il sera écarté par des parlementaires et des hauts fonctionnaires résolus les uns et les autres à donner satisfaction aux citoyens.
Le problème pour les Parlements contemporains est que, dans le passé, ils ont lutté pour prendre le contrôle du processus budgétaire afin de représenter le peuple. Aujourd'hui, la population ne veut pas qu'ils jouent le rôle de contrôleurs, car cela aurait pour effet de limiter le flux d'argent et de programmes. En conséquence, les parlementaires doivent définir un nouveau rôle, celui qui consiste à promouvoir la discipline budgétaire, à améliorer l'affectation des deniers publics et à stimuler les entités administratives afin qu'elles gèrent leurs activités plus efficacement. Ces nouveaux rôles nécessitent :
1) - un renforcement des moyens et des ressources des Parlements pour leur permettre de traiter les questions budgétaires ;
2) - des modifications des procédures budgétaires gouvernementales et parlementaires pour promouvoir la discipline budgétaire, l'efficience allocative et l'efficacité opérationnelle ;
3) - l'élaboration de nouveaux instruments pour concilier les engagements à long terme tels que les prestations sociales et d'autres dépenses « incompressibles » avec les objectifs budgétaires à court et moyen terme, et,
4) - une redéfinition des relations avec le gouvernement qui tienne compte de la forte influence qu'exercent les partis politiques et les groupes d'intérêts sur le comportement du Parlement.
Réformer le Parlement pour que celui-ci joue un rôle budgétaire renouvelé est le plus facile des changements requis, bien qu'il puisse susciter des conflits au sein du Parlement et entre celui-ci et le gouvernement. Une mesure consiste à élargir le rôle des commissions permanentes qui s'occupent du budget. Ces commissions sont autorisées à examiner les prévisions de dépenses, à recueillir des éléments d'appréciation, à demander des informations sur le budget, et à recommander au Parlement une action. Dans les pays où le Parlement peut modifier le budget, ces commissions recommandent également des modifications des plans budgétaires présentés par le gouvernement. Toutefois, il existe des différences importantes quant à la manière dont ces commissions sont structurées pour examiner le budget. Dans un premier schéma, cette responsabilité est confiée en totalité à la Commission des finances ou à la commission du budget ; un autre schéma consiste à répartir les compétences entre plusieurs commissions sectorielles. La première formule facilite la tâche de coordination et favorise la cohérence de l'action budgétaire du Parlement ; la seconde offre plus de possibilités aux intérêts sectoriels d'influencer le budget. La première favorise l'examen du budget sous l'angle des finances publiques, la seconde favorise une orientation vers les programmes. Le modèle centralisé facilite la discipline budgétaire, le second peut rendre plus difficile le maintien de la discipline.
Un Parlement bien équilibré doit avoir une double perspective, l'une axée sur les programmes et l'autre sur les finances publiques ; les deux considérations doivent être combinées pour arrêter la position du Parlement au sujet du budget. En conséquence, une troisième formule a acquis une certaine faveur ces dernières années : il s'agit de permettre aux commissions sectorielles d'examiner les parties du budget relevant de leur compétence et de recommander au Parlement une action dans le cadre d'une enveloppe budgétaire globale déterminée par la Commission des finances. Comme on le verra ci-après, certains pays ont formalisé ce dispositif en mettant en place un processus en deux étapes dans lequel le Parlement vote d'abord l'enveloppe budgétaire globale, les commissions sectorielles formulant ensuite des recommandations compatibles avec le montant total convenu.
Une action parlementaire responsable et efficace en matière budgétaire implique que le Parlement dispose d'informations adéquates sur les activités financières au moyen de fonds publics et les résultats des programmes publics. Il a également besoin d'informations sur les incidences que les changements apportés au budget présenté par le gouvernement sont susceptibles d'avoir sur les activités et les résultats des programmes. Il n'a pas toujours été facile d'obtenir ces types d'informations, parce que le processus budgétaire dans de nombreux pays est toujours axé sur les moyens à mettre en oeuvre avec des estimations détaillées des montants affectés au personnel, au matériel, aux fournitures, aux missions et à d'autres postes. Dans le passé, les efforts déployés pour imprimer au budget une orientation plus programmatique n'ont pas été couronnés de succès. Parmi les échecs bien connus, on mentionnera les systèmes de planification, programmation et préparation du budget (États-Unis), la gestion des dépenses publiques (Canada), les budgets de programmes (Suède), la rationalisation des choix budgétaires (France) et l'analyse et l'examen des programmes (Royaume-Uni). Il est très peu probable que le Parlement adopte une orientation programmatique si le gouvernement ne le fait pas.
Les réformes qui ont échoué prévoyaient toutes des mesures pour rationaliser les pratiques budgétaires au sein du gouvernement. Le Parlement n'était pas directement concerné, bien que les tenants des réformes aient généralement soutenu que celui-ci tirerait également avantage d'informations budgétaires plus abondantes. Les réformes actuelles s'attachent explicitement aux informations communiquées au Parlement, et encore plus important, à la forme et au contenu des prévisions de dépenses et des autorisations de crédits. Sous l'impulsion de la Nouvelle-Zélande, qui considère désormais les prévisions de dépenses et les autorisations de crédits non plus sous l'angle de ressources mises en oeuvre mais sous l'angle des résultats, plusieurs pays sont parvenus à la conclusion que la mise en oeuvre réussie de la réforme budgétaire au sein du gouvernement est conditionnée par une modification de la manière dont le Parlement prend les décisions en matière budgétaire. Si cette thèse paraît judicieuse, elle soulève une question essentielle : le Parlement sera-t-il mieux à même d'influencer le budget et de maintenir la responsabilité pour les dépenses et les résultats s'il dispose d'informations sur les programmes et les résultats, parallèlement aux rapports d'analyse et d'évaluation ? A priori, la réponse paraît évidente : il est toujours plus intéressant pour le Parlement de disposer de ce type d'informations que de données sur les différents postes de dépenses. Toutefois, le verdict se fait encore attendre car les parlementaires aguerris depuis des générations par la pratique consistant à examiner le détail des ressources mises en oeuvre risquent d'être désavantagés par les complexités d'un budget orienté vers les programmes et écrasés par le volume d'informations qui leur sera communiqué. À cet égard, il convient de mentionner que la plupart des pays développés n'ont pas suivi la tendance à la budgétisation axée sur les performances. La plupart se sont contentés d'introduire davantage de données sur les performances dans leurs budgets, mais se sont bien gardés de supprimer les données sur les ressources et de restructurer fondamentalement les prévisions de dépenses et les autorisations de crédits.
L'un des changements intervenus en ce qui concerne les données budgétaires et la structure du budget comporte le passage de la comptabilité et de la budgétisation sur la base du système de la gestion à un système sur la base des droits constatés. Plus d'une demi-douzaine de pays sont à la pointe de ce mouvement, notamment l'Australie, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, l'Islande et la Suède. L'impulsion pour le passage à un budget établi sur la base des droits constatés a été donnée par les accords de Maastricht dont la mise en oeuvre repose sur l'application de normes comptables internationalement acceptées et par la conversion du FMI - pour ses statistiques financières publiques - à la méthode des droits constatés. En ce qui concerne l'impact potentiel sur le comportement du Parlement, il faut faire une distinction entre la comptabilité sur la base des droits constatés et la budgétisation sur la base des droits constatés. Si seule la base comptable était modifiée, l'effet sur l'action du Parlement serait limité. Le Parlement disposerait de données sur les coûts qui compléteraient les prévisions de dépenses classiques. Toutefois, si le gouvernement établissait le budget sur la base des droits constatés, l'impact pourrait être réellement sensible, car la forme et le contenu des prévisions de dépenses et des autorisations de crédits seraient également modifiés.
Les informations communiquées sont également enrichies dans certains pays par le renforcement des capacités des institutions de contrôle à fournir une assistance au Parlement. Si les relations entre l'institution de contrôle et le Parlement diffèrent suivant les pays, dans certains l'institution de contrôle rend compte directement au Parlement, dans d'autres c'est une entité entièrement indépendante, et dans quelques pays elle relève du gouvernement - ces organismes se montrent plus actifs depuis une décennie dans l'examen des performances financières et des résultats des programmes des ministères et organismes publics. La liste des pays qui exigent des états financiers vérifiés augmente d'année en année, de même qu'augmente (bien qu'ils soient moins nombreux) la liste des pays qui sont en train d'étendre la fonction d'audit aux résultats des programmes de fond.
Pour utiliser efficacement l'avalanche d'informations, les Parlements modernes ont recruté du personnel, investi dans les technologies de l'information et professionnalisé leurs activités. On observe une tendance marquée à accroître les effectifs des agents qui travaillent pour les commissions permanentes, afin qu'ils puissent analyser le grand volume d'informations communiquées et aider les parlementaires à examiner les propositions de l'exécutif, à élaborer d'autres solutions et des amendements et à examiner les résultats. L'accroissement des effectifs employés par les Parlements n'est pas limité aux activités budgétaires, mais c'est dans ce domaine que certains des changements les plus spectaculaires devraient vraisemblablement se produire. Un nombre croissant de Parlements, bien qu'encore peu nombreux, en viennent à considérer qu'ils ne peuvent donner un avis indépendant sur le budget s'ils ne disposent pas de personnel spécialisé pour les aider dans cette tâche. La question pour ces Parlements n'est pas de savoir s'il faut créer un poste ici ou là, mais de mettre en place un organisme budgétaire parlementaire distinct. Bien qu'il ne constitue que rarement un modèle pour d'autres Parlements, le Congrès des États-Unis l'est peut-être dans ce domaine. Le Congressional Budget Office, créé il y a 25 ans, est aujourd'hui très apprécié pour ses analyses objectives et ses projections budgétaires rigoureuses. Comptant plus de 200 spécialistes choisis sur une bas non partisane, ce service exerce une influence considérable sur la politique budgétaire des États-Unis. D'autres Parlements nationaux pourraient suivre cet exemple, mais leurs organismes budgétaires seront probablement de taille plus modeste.
Réformer le mode de fonctionnement du Parlement ne garantit pas en soi que celui-ci assumera un rôle plus important ou plus efficace. Le Parlement doit aussi définir sa place dans le schéma général des institutions publiques. Les trois tendances mentionnées dans la précédente section qui expliquent le déclin des Parlements ne vont pas s'inverser. Les dépenses publiques ne devraient pas baisser en proportion du PIB pas plus que la part du budget affecté aux prestations sociales se réduire. Les partis politiques ne vont pas disparaître même si leur capacité de faire respecter la discipline est peut-être affaiblie, et le nombre de groupes d'intérêts devrait augmenter au cours des prochaines années même si les arrangements corporatistes céderont peut-être la place à des modes de fonctionnement plus pluralistes. Dès lors, comment un Parlement peut-il adopter une position véritablement indépendante alors qu'il est lié par les prestations sociales, obligé de respecter la ligne par les dirigeants des partis et soumis aux pressions de groupes résolus à protéger leurs intérêts ? La réponse est que cela n'est pas facile. Cependant, la meilleure façon peut-être d'aborder cette question consiste à examiner les tâches budgétaires spécifiques auxquelles les Parlements peuvent participer. Trois de ces tâches : discipline budgétaire, amélioration de l'affectation des ressources, et efficience opérationnelle - ont été brièvement mentionnées précédemment. L'examen successif de chacune de ces tâches permettra d'apporter des précisions sur le « créneau » sur lequel les Parlements contemporains pourraient se concentrer.
Avant d'y procéder, il conviendrait d'examiner le rôle classique du Parlement de frein à l'exercice de son pouvoir par le gouvernement. À l'évidence, ce rôle subsiste dans la plupart des pays mais moins solidement qu'auparavant. Sur le plan juridique, la doctrine du contrôle n'a pas été remise en cause. Ramenée à ses éléments essentiels, elle signifie que le gouvernement ne peut pas dépenser plus que ce à quoi il est autorisé par la loi ou pour d'autres objets que ceux qui ont été approuvés. De facto, cependant, le contrôle n'a plus le même sens aujourd'hui qu'autrefois. De plus, les programmes de prestations sociales sont généralement institués par des législations permanentes qui ne précisent pas ou ne limitent pas les montants à dépenser.
Actuellement, l'activité budgétaire du Parlement concerne autant l'élaboration des politiques que le contrôle de l'action de l'exécutif. Cela implique un examen plus intégré du budget que ce que la plupart des Parlements sont prêts à entreprendre, ainsi que la capacité de préciser dans la loi ou par d'autres moyens les résultats requis de ceux qui dépensent les deniers publics. Certains Parlements ont cherché à conserver une fonction de contrôle en abandonnant le contrôle ex ante des dépenses au profit d'une responsabilité ex post pour les dépenses et les résultats. Cependant, compte tenu du fait que les informations sur les performances et l'audit des performances sont encore peu développés dans la plupart des pays, on ne peut pas être certain que les Parlements soient prêts à assurer cette nouvelle tâche.
S'il participe à l'élaboration des politiques, le Parlement devra contribuer au maintien de la discipline budgétaire en donnant la priorité dans ses décisions à l'enveloppe budgétaire globale avant d'examiner les différentes parties. La Suède, la République tchèque et quelques autres pays ont instauré un processus budgétaire en deux étapes impliquant des décisions du gouvernement et du Parlement. Dans la première étape, des décisions sont prises sur les montants globaux ainsi que sur les montants alloués aux principaux secteurs. Les montants globaux sont préparés par le gouvernement et transmis au Parlement pour examen et dans quelques pays, pour approbation. Quelques mois après l'achèvement de la première étape, le gouvernement présente les prévisions des dépenses et celles-ci sont votées en respectant la règle selon laquelle la somme de tous les montants autorisés ne peut dépasser les montants globaux adoptés au cours de la première étape. Respecter l'enveloppe globale suppose des informations adéquates concernant le coût des programmes et l'impact potentiel des modifications apportées aux politiques. Cela nécessite également des contrôleurs au sein de l'exécutif et du Parlement pour maintenir la discipline face aux pressions en faveur de dépenses. Dans les Parlements qui répartissent le budget entre plusieurs commissions sectorielles, ce rôle de garantie incombe à la commission du budget qui surveille ce que fait chacune des autres commissions. Le prix du respect de la discipline dans cette matière est que cela suscite des tensions entre les commissions parlementaires qui luttent pour obtenir une part du budget.
Pour contribuer à améliorer l'affectation des deniers publics, il faut que le Parlement adopte une perspective axée sur les programmes et qu'il soit prêt à transférer des fonds des activités de faible priorité et les moins efficaces aux activités de priorité plus élevée et les plus productives. Toutefois, il faut reconnaître que cela est une tâche très difficile, en particulier pour des parlementaires habitués à une politique de distribution. Il n'est jamais facile pour les Parlements de redistribuer les crédits ; cependant, compte tenu de la détermination de nombreux pays à réduire ou stabiliser les dépenses publiques, la seule façon de dégager des ressources pour les priorités nouvelles sera de les soustraire à des activités plus anciennes. La redistribution risque d'être extrêmement difficile dans le cas des prestations sociales, pour lesquelles les citoyens sont programmés pour attendre du gouvernement des prestations comme un droit institué par la loi. Néanmoins, un certain nombre de pays de l'OCDE ont été obligés pour des raisons de force majeure budgétaire de réduire ces versements même si cela ne s'est fait généralement qu'à la marge. À mesure que le vieillissement de la population accroîtra encore les pressions qui s'exercent sur le budget, l'avenir laisse à présager que de vigoureux efforts seront menés pour réduire les prestations.
Les efforts en vue de réduire les charges budgétaires imposées par la législation permanente peuvent se révéler ardus pour une autre raison encore. Un grand nombre de pays établissent une distinction entre la législation et le budget ou les autorisations de crédits. La première établit le droit et les politiques, le second fournit les ressources financières. Modifier les montants consacrés aux prestations sociales implique - outre de budgétiser moins de ressources pour ces programmes - que soient modifiées les lois sous-jacentes. Il faut qu'il y ait un lien entre l'action du Parlement sur le budget et les actions concernant ces lois. Certains gouvernements en sont venus à établir des budgets globaux qui combinent recettes, dépenses et modifications des lois en vigueur. Les États-Unis ont mis en place depuis 1980 un processus de conciliation qui permet au Congrès d'utiliser son budget pour modifier la législation concernant les recettes et les prestations. Ce processus de conciliation n'est pas utilisé chaque année, mais seulement lorsque des changements importants sont apportés à la politique budgétaire.
Enfin, les Parlements peuvent participer au mouvement actuel d'amélioration de la qualité et de l'efficience des services publics en ouvrant des crédits en fonction des attentes et des résultats. Un Parlement qui récompense ou ignore les mauvais résultats obtiendra de mauvais résultats. Les Parlements devraient être à l'avant-garde pour exiger de meilleures informations sur les performances, recourir aux indicateurs de performance lorsqu'ils autorisent des crédits et préciser à l'avance les résultats attendus des organismes publics.
d) Rôle futur des Parlements : les différents scénarios envisageables
À l'avenir, les Parlements disposeront de davantage de ressources pour s'acquitter de leurs responsabilités budgétaires. Ils disposeront de personnels, de commissions et d'informations. Mais en auront-ils la volonté ? La réponse sera différente dans chaque pays en fonction des instruments utilisés en matière budgétaire. Cependant, pour les besoins de l'analyse, on peut esquisser deux scénarios totalement différents : un scénario dans lequel le Parlement dispose de ressources mais ne joue aucun rôle ; dans l'autre scénario, il a un rôle à jouer mais pas de moyens financiers. On pourrait appeler le premier scénario, sur le mode plaisant « le cauchemar de l'athée ». C'est l'histoire de l'athée qui a fait inscrire sur sa pierre tombale : « Tout habillé, mais nulle part où aller ». Par conséquent, une voie pour les Parlements serait de disposer de toutes les ressources possibles mais sans savoir quoi en faire. Bien entendu, ils pourraient persévérer dans les attitudes du passé et apporter ici ou là des ajustements mineurs, tout en s'attribuant le mérite d'aider leurs électeurs et de promouvoir leur carrière politique. Ce rôle est analogue à celui qu'ont joué de nombreux Parlements dans le passé récent. Peut-être le fait de disposer de personnels et d'avoir des attributions en matière budgétaire élargira-t-il le point de vue et l'ambition du Parlement et l'amènera-t-il à apporter des changements plus importants au budget ?
Dans le second scénario, le Parlement se transforme en institution budgétaire, qui prépare des budgets dans le cadre du budget établi par le gouvernement. Plutôt que d'ajuster le budget à la marge, le Parlement utiliserait ces ressources supplémentaires et son rôle élargi pour contester les politiques et les priorités que le gouvernement lui a présentées. Mais un Parlement résolu à assumer ce rôle bénéficiera-t-il des appuis politiques indispensables pour soutenir ses ambitions ? Le système politique pourra-t-il supporter les multiples conflits et tensions qui surviendront certainement lorsque le Parlement suivra sa propre voie en matière budgétaire ? Qui disparaîtra en premier : la discipline des partis ou la volonté du Parlement d'avancer de manière indépendante ?
Aucun des deux scénarios n'est particulièrement attrayant ; ils sont aux antipodes l'un de l'autre et les Parlements devront trouver une voie médiane. Tel est le défi auquel sont confrontés les bâtisseurs du Parlement contemporain : pas davantage qu'il n'est possible d'abandonner le passé n'est-il possible de refuser l'avenir.
Tableau 1
POUVOIR DU PARLEMENT DE MODIFIER LE BUDGET
PRÉSENTÉ PAR LE GOUVERNEMENT
PAYS |
RÉPONSE |
Allemagne |
|
Australie |
|
Autriche |
|
Belgique |
|
Brésil |
|
Canada |
|
Chili |
|
Corée |
|
Danemark |
|
Espagne |
|
États-Unis |
|
Finlande |
|
France |
|
Hongrie |
|
Irlande |
|
Islande |
Le Gouvernement dispose presque toujours d'une majorité au Parlement, et cette majorité consulte généralement le Gouvernement avant de modifier le budget. |
Italie |
|
Japon |
|
Norvège |
|
Nouvelle-Zélande |
|
Portugal |
|
République tchèque |
|
Royaume-Uni |
|
Suède |
|
Suisse |
|
Turquie |
|
Source : OCDE, « Le rôle des parlements » (1998). Adapté des réponses des pays à la question 2.1 : « Existe-t-il des restrictions à la capacité du Parlement de modifier le projet de budget proposé par le Gouvernement ? Dans l'affirmative, quelle forme ces restrictions prennent-elles ? » |
Tableau 2
MODIFICATION PAR LE PARLEMENT DES PROJETS DE BUDGET
PRÉSENTÉS PAR LE GOUVERNEMENT
PAYS |
RÉPONSE |
Allemagne |
|
Australie |
|
Autriche |
|
Belgique |
|
Brésil |
|
Canada |
|
Chili |
|
Corée |
|
Danemark |
|
Espagne |
|
États-Unis |
|
Finlande |
|
France |
|
Hongrie |
|
Irlande |
|
Islande |
|
Italie |
|
Japon |
|
Norvège |
|
Nouvelle-Zélande |
|
Portugal |
|
République tchèque |
|
Royaume-Uni |
|
Suède |
|
Suisse |
|
Turquie |
|
Source : OCDE, « Le rôle du Parlement » (1998). Adapté des réponses des pays à la question 2.2 : « En règle générale, le Parlement adopte-t-il le projet de budget présenté par le Gouvernement ? Combien d'amendements au budget... sont-ils finalement proposés par le Gouvernement et par les membres de l'opposition au Parlement ? Combien de ces amendements sont-ils généralement approuvés ? » |
Tableau 3
MODIFICATIONS DU RÔLE DU PARLEMENT DANS LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE PENDANT LA PÉRIODE 1988-98
PAYS |
RÉPONSE |
Allemagne |
|
Australie |
|
Autriche |
|
Brésil |
|
Canada |
|
Chili |
|
Corée |
|
Espagne |
|
Finlande |
|
Hongrie |
|
Irlande |
|
Italie |
|
Japon |
|
Norvège |
|
Nouvelle-Zélande |
|
Portugal |
|
Royaume-Uni |
|
Suède |
|
Suisse |
|
Source : OCDE, « Le rôle du Parlement » (1998). Adapté des réponses des pays à la question 2.2. « Le Parlement joue-t-il un rôle plus actif dans le processus budgétaire qu'il y a dix ans ? Dans l'affirmative, pour quelles raisons ? » |
III - L'EFFICACITÉ DES PARLEMENTS DANS LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE
1. LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE AU PARLEMENT SUÉDOIS : ATTENTES ET EXPÉRIENCES GÉNÉRÉES PAR LES RÉFORMES DES ANNÉES 1990 par M. Mats Odell, Vice-président de la commission des Finances du Parlement suédois
J'ai personnellement connu - à l'époque où j'étais ministre des transports et des communications, de 1991 à 1994 - la difficulté que la poursuite d'une politique économique peut représenter pour un gouvernement minoritaire. Notre gouvernement de coalition était en pratique dépendant du soutien du parti populiste Nouvelle Démocratie . Cela était difficile pour plusieurs raisons sur lesquelles je ne m'étendrai pas ici, mais l'une d'entre elles tenait à l'existence de conflits internes au sein du groupe parlementaire de Nouvelle Démocratie . Vers la fin de la législature, le groupe était si divisé qu'il était impossible de prévoir quelles seraient leurs actions ; il était donc impossible au gouvernement de prédire le résultat d'un vote de la Chambre dans les cas où Nouvelle Démocratie pouvait faire pencher la balance.
La seconde condition qui a été à l'origine des réformes était liée à l'économie. Au cours de la dernière décennie, la Suède a connu une détérioration spectaculaire - puis un rétablissement - de son équilibre budgétaire. Après avoir connu les plus grands surplus budgétaires des pays de l'OCDE lors de la fin des années 80, la Suède a connu les plus grands déficits parmi les pays Membres au début de la décennie suivante. Ces énormes déficits budgétaires étaient accompagnés d'une augmentation massive de la dette de l'État. Le niveau de la dette a quasiment doublé en cinq années seulement. À la fin des années 90, le budget a retrouvé l'équilibre. Cela illustre la vulnérabilité des systèmes financiers, qui comme celui de la Suède, sont très sensibles aux fluctuations des cycles économiques et connaissent de forts niveaux de prélèvements et de dépenses.
Nombreux sont ceux qui pensaient que le processus budgétaire n'était pas en lui-même assez solide pour empêcher la détérioration des finances publiques et appelaient à une réforme. En outre, il existait un large consensus sur la nécessité d'améliorer la capacité d'un gouvernement minoritaire à faire voter son budget par le Parlement.
Au début des années 90, une Commission parlementaire a été nommé pour examiner les divers aspects du fonctionnement du Riksdag et notamment le processus budgétaire. La Commission a relevé la nécessité d'une meilleure coordination parlementaire et d'une amélioration des conditions de prise de décision à long terme. Dans l'ancien processus budgétaire, les autorisations de crédit étaient examinées au cas par cas et l'examen du budget était divisé entre diverses commissions sans que la coordination institutionnelle soit obligatoire. Les dépenses totales ne faisaient jamais l'objet de décisions explicites mais étaient le fruit de centaines de décisions prises sur chacune des demandes d'autorisation de crédits et n'étaient donc que la somme d'une myriade de décisions isolées.
La Commission a présenté ses résultats en 1993 et le Riksdag a adopté ses propositions en 1994, mais l'histoire ne s'arrête pas là. Le Gouvernement a également pris des initiatives pour réformer le processus budgétaire y compris une proposition de loi budgétaire qui a été adoptée par le Riksdag en 1996. Le nouveau processus budgétaire a été appliqué pour la première fois en 1996 lors de la préparation du budget pour l'année 1997.
L'adoption d'un cadre budgétaire pluriannuel et d'un processus budgétaire hiérarchisé constituaient les éléments phares des réformes. L'introduction d'un projet de Loi de printemps en matière de politique fiscale permet au Parlement de débattre et d'approuver les agrégats clé du cadre budgétaire. Le processus budgétaire a été rendu plus complet par l'intégration d'éléments qui n'étaient pas auparavant inclus dans le budget, principalement dans le domaine de la sécurité sociale. Le principe de budgétisation brut (séparant les recettes et les dépenses et comptabilisant pleinement chacune d'entre elles) a été adopté pour augmenter la transparence de certaines transactions, encore une fois principalement dans le domaine de la sécurité sociale. Toutes les autorisations de crédits ouvertes ont été abolies, ce qui a amélioré la discipline budgétaire et la capacité du Riksdag à contrôler l'évolution des finances publiques pendant l'année fiscale en cours. En outre, l'année fiscale qui démarrait précédemment en juillet, correspond dorénavant à l'année civile. La base juridique de la budgétisation a été renforcée par l'adoption d'une loi sur le budget et de mesures additionnelles dans le règlement interne du Riksdag en rapport avec le processus budgétaire. Concrètement, il a souvent s'agit de la codification de pratique qui faisait précédemment l'objet de décision administrative ou de simple tradition.
Aperçu du processus budgétaire
La Suède utilise un cadre budgétaire pluriannuel comme base de son processus budgétaire annuel. L'horizon est de trois ans, c'est-à-dire le prochain budget et les deux années suivantes. Le cadre budgétaire pluriannuel assure le lien entre les objectifs de politique fiscale du Gouvernement dans un contexte macro-économique et leur application dans un contexte opérationnel. Il fonctionne sur trois plans successifs. Le premier plan représente l'articulation des objectifs de la politique fiscale du Gouvernement en termes macro-économiques. Au second plan, un seuil maximal de dépenses totales basé sur certaines hypothèses économiques traduit ces objectifs. Au troisième plan, le seuil de dépenses totales est rendu plus opérationnel par la fixation de plafonds de financement indicatifs pour chacun des 27 secteurs de dépenses dans lesquels seront mobilisés des crédits.
Lorsqu'un cadre budgétaire pluriannuel est instauré, la mise à jour des données pour la troisième année du cycle constitue le point de départ de l'exercice budgétaire annuel. Le cadre budgétaire pluriannuel offre donc un « ancrage » au processus budgétaire annuel et encourage la discipline. La Suède avait eu recours à des prévisions pluriannuelles avant les dernières réformes mais celles-ci n'étaient pas contraignantes, chaque année débutant par la préparation de nouvelles prévisions pluriannuelles sans référence directe aux prévisions précédentes.
Le processus budgétaire du Riksdag débute au mois d'avril avec la présentation du projet de politique fiscale de printemps du Gouvernement, qui contient les propositions en matière de plafonds de dépenses du gouvernement central pour la troisième année du cadre pluriannuel. Dans ce projet de loi, en plus des propositions de plafonds de dépenses, le gouvernement présente pour chacune des années du cycle budgétaire de trois ans une affectation préliminaire de dépenses pour les 27 secteurs de dépenses différents. Ces décisions guident le gouvernement lors de la préparation du projet de loi budgétaire au cours de l'été.
Le plafond de dépenses totales couvre tous les secteurs de dépenses du budget du gouvernement central à l'exception des intérêts de la dette. Il couvre en outre le régime national de retraite complémentaire (ATP), qui n'est inclus dans aucun des 27 secteurs de dépenses et ne fait pas non plus partie du budget du gouvernement central. Comme il est difficile d'évaluer avec un degré de certitude raisonnable l'évolution des dépenses avec trois années d'avance, le plafond de dépenses est porté à un niveau légèrement supérieur aux évaluations pour les différents secteurs de dépenses. La marge du budget offre la possibilité de prendre des décisions futures en matière de dépenses sans dépasser le plafond. Cependant l'utilisation de la marge budgétaire entraîne une augmentation des dépenses du gouvernement central et pour que l'équilibre budgétaire soit maintenu, il faut qu'une augmentation des recettes corresponde à ces dépenses.
Le Gouvernement présente son projet de loi sur le budget de l'année budgétaire suivante le 20 septembre, soit quelques jours après l'ouverture de la session du Riksdag. Le projet de loi sur le budget doit être complet car il n'est pas possible de soumettre d'autres propositions budgétaires au cours de l'automne. Le budget du gouvernement central couvre l'ensemble des dépenses qui peuvent avoir un impact sur les besoins du gouvernement central en matière d'emprunts.
Le projet de loi sur le budget contient également des propositions sur la façon dont doivent être menées les activités du gouvernement central dans différents domaines. L'étendue de ces activités est déterminée par le montant des fonds affectés à environ 500 autorisations de crédits dans le budget du gouvernement central. Les décisions sur ces autorisations de crédits sont valables pour une période d'un an.
Le projet de loi sur le budget contient également des prévisions sur les recettes du gouvernement central. Ces prévisions tiennent compte des effets de toute proposition de réforme des impôts et charges soumises par le Gouvernement dans son projet de loi.
Une fois par an, au début de l'automne, les membres du Riksdag peuvent présenter des propositions sur toute question relevant de la compétence du Parlement.
Les partis d'opposition peuvent présenter dans leurs motions, des propositions alternatives à celles du Gouvernement. Habituellement les partis d'opposition donnent une présentation globale de leurs propositions budgétaires alternatives dans des motions spéciales sur la politique économique. Dans ce contexte, les partis présentent leurs propositions portant sur un seuil de dépenses totales et sur la façon dont ces dépenses devraient être réparties entre les différents secteurs de dépenses. Les partis présentent également un aperçu des changements en matière d'impôts et de charges qu'ils souhaitent mettre en oeuvre et sur la façon dont les différentes propositions de réformes devraient être financées.
Le bureau du budget du Riksdag - qui ne doit être comparé ni en taille ni en attributions avec le bureau du budget du congrès américain - épaule les partis d'opposition pour la préparation de leurs propositions budgétaires alternatives. Le bureau du budget évalue l'impact financier des éléments que les partis veulent intégrer à leurs propositions alternatives. La comparaison des chiffres présentés dans les propositions des partis d'opposition avec les chiffres présentés dans le projet de budget devrait être possible puisque que le bureau du budget applique les mêmes normes que le ministère des finances en matière de réalisation des prévisions.
Le Riksdag utilise la procédure décisionnelle de modélisation lors de l'examen du projet de loi sur le budget. Cela signifie que le Riksdag prend d'abord une décision sur la taille globale du budget, c'est-à-dire la dépense totale du gouvernement central et sur la manière de la répartir entre les 27 différents secteurs de dépenses. La dépense est fixée au moyen de cette décision et les niveaux déterminés pour chacun des secteurs de dépenses servent ensuite de limite à ne pas dépasser au stade ultérieur de finalisation du budget. Le Riksdag détermine également dans cette décision, quels sont les impôts et charges qui doivent être mis en vigueur. Cela permet d'évaluer le niveau de recettes du gouvernement central pour la prochaine année fiscale.
Tous les cadres de dépense (des différentes parties) et les modifications d'impôt sont traités comme un « paquet » unique et les propositions alternatives sont comparées les unes avec les autres à titre de « paquets » uniques. Le Riksdag choisit alors l'un de ces paquets dans une décision unique. Les partis d'opposition ne peuvent pas former une majorité sur une simple question budgétaire pour rejeter une proposition. Ils doivent s'entendre sur un ensemble complet de propositions. Ceci afin d'éviter des tergiversations au Parlement. Il est habituellement plus aisé de trouver une majorité pour des nouveaux programmes ou une augmentation des autorisations de crédit plutôt que pour des mesures de rigueur.
Après la détermination des cadres globaux pour différents secteurs de dépenses, les autorisations de crédit sont examinées de manière plus détaillée au sein des différentes commissions du Riksdag. Celles-ci doivent toutes demeurer à l'intérieur des cadres précédemment fixés.
Le Riksdag a donc un important rôle dans la phase décisionnelle du processus budgétaire, mais il a également un rôle à jouer lors de la mise en oeuvre du budget et à la suite de l'année fiscale. Au cours de l'année fiscale le Riksdag reçoit au moins deux fois par année des rapports du Gouvernement sur l'évolution des finances publiques ; nous surveillons la façon dont le Gouvernement respecte les restrictions budgétaires. Nous décidons également des budgets supplémentaires. Le rôle a posteriori du Riksdag est important mais, comme beaucoup de mes collègues, je crois que le Riksdag doit être plus performant en ce qui concerne le suivi et l'évaluation des décisions antérieures.
Les auditeurs parlementaires sont l'instrument le plus important du Riksdag en matière de contrôle des finances publiques. Les auditeurs sont composés de 12 membres (ou anciens membres) du Riksdag assistés d'un secrétariat. Nous avons récemment décidé de réformer ce mécanisme de contrôle. Nous avons atteint un large consensus parmi tous les partis politiques représentés au Riksdag pour la mise en place d'une nouvelle autorité en matière d'audits au printemps 2003.
Conclusion
Comme je l'ai dit au début, la Suède a connu des gouvernements minoritaires. Les gouvernements successifs ont recherché l'appui des partis d'opposition pour faire passer leur budget au Parlement. Les négociations entre le Gouvernement et un ou plusieurs partis d'opposition sont devenues une composante naturelle du processus budgétaire. Le parlement suédois joue en conséquence un rôle plus significatif dans le processus budgétaire que dans beaucoup d'autres pays.
Que retirons-nous jusqu'à maintenant du nouveau processus budgétaire ? Je dirais que les principales conclusions sont positives. Les changements ont permis l'adoption par le Riksdag d'une approche plus générale et plus coordonnée envers le budget, en se concentrant non seulement sur les détails mais également sur les agrégats. Ils nous ont également permis d'augmenter notre capacité à débattre du budget dans un cadre pluriannuel. Le niveau des dépenses du gouvernement central est déterminé pour les trois années à venir par la fixation des plafond de dépenses. Somme toute, l'identification des différences entre la politique économique du gouvernement et celle de l'opposition est devenue plus aisée. La discipline budgétaire a également été améliorée.
Le nouveau processus budgétaire comporte cependant des désavantages. Sa longueur est l'un d'entre eux. Il semble qu'au Riksdag nous traitons des questions budgétaires tout au long de l'année. La phase de l'automne est devenue presque la réplique de la phase de printemps. L'objectif était de concentrer le processus dans le temps et de consacrer le printemps aux agrégats et aux questions à long terme mais cela n'a pas été vraiment le cas. Trop de détails sont abordés lors de la session de printemps ce qui entraîne une répétition des discussions sur les mêmes questions au printemps et à l'automne.
Le plafond total de dépenses entraîne un autre désavantage. La soi-disant marge budgétaire était trop réduite pour remplir sa fonction. Avec le soutien de la majorité au Riksdag, le Gouvernement a utilisé la marge pour des nouvelles dépenses, ce qui a entraîné une situation amère lorsqu'il a dû prendre des mesures à court terme afin d'éviter de dépasser le plafond. Le Gouvernement a donc diminué les dépenses par exemple en faveur de l'aide au développement international, mesure qui a fait l'objet de critiques de la part de l'opposition y compris des chrétiens-démocrates. A notre avis, les mesures du Gouvernement sont empreintes de désespoir et de mauvaise planification.
Ces défauts sont cependant actuellement examinés par le Riksdag et le Cabinet et je suis certain que nous serons capables de trouver des solutions à ces problèmes.
Mesdames et Messieurs, ce n'est qu'un bref aperçu de la recette suédoise du processus budgétaire, lequel n'est pas trop épicé mais bien équilibré. Elle rejoint à la fois la nécessité délibérée pour le Gouvernement d'utiliser le budget comme mesure pour mettre en oeuvre sa politique et le droit démocratique bien établi du Parlement d'influencer le contenu du budget. Cela permet aussi d'atteindre l'équilibre entre l'exigence d'une discipline budgétaire et la nécessité de faire face aux dépenses imprévues après la fixation du budget.
Mais en fin de compte, nous avons tous à affronter le même dilemme : les ressources sont limitées. Il faut fixer des priorités entre les différents besoins. Suivant la formule d'Esaias Tegnér, prêtre et poète suédois du XIX e siècle : « Il y a une grande pénurie d'argent sur terre et il y a une grande pénurie de prêtres au paradis ».
2. QUELS SONT LES BESOINS DES PARLEMENTS POUR RÉELLEMENT CONTRÔLER LA PRÉPARATION ET L'EXÉCUTION DU BUDGET ?par M. Che Shik Chang Président de la Commission spéciale du budget et des comptes publics
Assemblée nationale coréenne
Avant de commencer, je voudrais remercier le Sénat français et l'OCDE d'avoir pris l'initiative d'organiser la présente réunion, sans précédent, des Présidents des Commissions parlementaires des finances des pays Membres de l'OCDE.
C'est pour moi un grand honneur de présenter brièvement quelques vues sur le thème principal du présent Symposium - les méthodes permettant aux parlements d'exercer un contrôle efficace sur les procédures de planification et d'exécution du budget.
De tout temps, le Parlement a eu un rôle à jouer parce que les dirigeants avaient besoin d'un assentiment populaire sur la fiscalité. C'est pourquoi il ne peut y avoir de vraie démocratie que si le Parlement examine réellement les plans budgétaires de l'Exécutif et supervise l'exécution des plans approuvés.
Cependant, dans de nombreux pays, l'Exécutif est devenu extrêmement puissant et le Parlement manque des ressources et des capacités qui lui permettraient de contrôler efficacement le processus budgétaire. Dans les pays en développement tout particulièrement, où la séparation des pouvoirs est encore insuffisante, le Parlement approuve souvent sans discussion toutes les exigences de l'Exécutif.
Pour rendre les Parlements plus à même de procéder à un contrôle efficace du processus budgétaire, un certain nombre de conditions doivent être remplies.
Il faut tout d'abord que le pouvoir du Parlement soit au moins aussi fort, voire plus grand, que le pouvoir de l'Exécutif. Ceci constitue une condition absolument nécessaire, notamment dans les pays n'ayant qu'une brève expérience de la démocratie. Si le Parlement ne dispose pas d'un pouvoir suffisant, aucun système de contrôle du budget ne peut fonctionner efficacement.
Je souhaite vous faire part d'un certain nombre d'innovations institutionnelles que le Parlement coréen a mises en oeuvre à ce sujet.
La plus importante d'entre elles est l'enquête et l'audit auxquels le Parlement soumet l'Exécutif à longueur d'année. Certes, il est vrai que tous les Parlements soumettent l'Exécutif à une enquête et à un audit lorsque certains problèmes particuliers se posent qui appellent l'attention du Parlement. Toutefois, ce qui est intéressant dans le cas de la Corée est que cet exercice couvre toutes les questions et intervient régulièrement, au début de la session annuelle d'automne.
Au titre de cet exercice, le Parlement est en droit d'exiger des responsables de l'Exécutif qu'ils lui fournissent toutes les informations nécessaires, par écrit ou oralement. Cet exercice permet en outre au Parlement de procéder à une enquête préliminaire sur les questions budgétaires avant que ne soit lancée, ultérieurement au cours de Tannée, la procédure budgétaire proprement dite.
La seconde innovation institutionnelle prise par le Parlement coréen consiste en ce que ce dernier non seulement examine minutieusement les plans budgétaires pour Tannée à venir, mais évalue en outre dans quelle mesure les plans budgétaires de Tannée précédente ont été dûment exécutés.
L'examen après exécution fournit certaines informations fort utiles qui peuvent servir à évaluer les différentes propositions budgétaires.
En troisième lieu, le Comité d'audit et d'inspection, qui relève directement du Président, présente au Parlement son rapport sur les comptes des différents départements de l'Exécutif. Ce rapport est très utile en ce qu'il permet d'évaluer l'exécution du budget de Tannée précédente et d'évaluer les propositions budgétaires pour la nouvelle année.
Le Parlement coréen a le droit d'exiger de l'Exécutif toute information concernant l'évaluation des plans budgétaires. C'est ainsi que le Commission spéciale du budget, que je préside, demande généralement à être informé sur plus de 5 000 points chaque année.
Il est une autre condition importante à tout contrôle parlementaire efficace : il s'agit des compétences. Les membres du Parlement doivent disposer des compétences techniques et des capacités pour acquérir et utiliser les informations nécessaires, ce qui à son tour exige de disposer d'organismes d'appui. Le Parlement coréen est doté de capacités importantes d'analyse budgétaire.
Il existe en premier lieu un Bureau parlementaire de la politique budgétaire, spécialisé et composé de 40 personnes. En second lieu, la Commission spéciale du budget bénéficie du soutien d'analystes budgétaires et de conseillers juridiques. En troisième lieu, chaque membre du Parlement a ses propres assesseurs en matière politique, dont les salaires sont versés par le Parlement. Enfin, les partis politiques dotés du statut de négociateur reçoivent des fonds pour faire appel à des analystes de la politique.
Le Parlement a en outre besoin de la coopération d'experts extérieurs, afin d'améliorer la qualité de ses décisions et de dégager un consensus politique à leur sujet. Le Parlement coréen fait un large appel à des experts extérieurs. Il organise en outre un certain nombre d'auditions publiques, encore que les débats y sont souvent plutôt superficiels.
De surcroît, les plans budgétaires élaborés par l'Exécutif doivent faire l'objet d'analyses avantages-coûts approfondies de la part de la Commission parlementaire du budget avant que les plans ne soient définitivement mis au point. On sait bien que les différentes branches de l'Exécutif manoeuvrent pour obtenir de plus grands budgets, ce qui impose des évaluations équilibrées des coûts et avantages de leurs propositions. De surcroît, de nombreux projets gouvernementaux mettent enjeu des sommes importantes, ce qui fait qu'il est très coûteux d'y mettre fin en milieu du processus. Il en est de même de la promulgation de lois qui impliquent de fortes dépenses.
Malheureusement, les analyses coûts-avantages des plans budgétaires menées dans le Parlement coréen ne sont pas assez approfondies, et en tant que Président actuel de la Commission du budget, je suis résolu à y remédier. À mon avis, sans une analyse coûts-avantages approfondie, il n'est pas possible de contrôler efficacement le budget.
Une évaluation réelle des plans budgétaires doit parallèlement s'accompagner d'un contrôle efficace de l'exécution du budget, comprenant même des visites sur le terrain. À cette fin, depuis juin 2000, la Commission du budget du Parlement coréen a pour mission d'oeuvrer tout au long de l'année et pas seulement à l'occasion de l'évaluation du budget.
Enfin, nous nous efforçons d'introduire un système de budget fondé sur la performance (budgétisation axée sur les résultats). Le système budgétaire actuellement en cours en Corée classe les plans budgétaires selon leur nature matérielle et/ou le département dont ils relèvent, afin de faciliter le contrôle de l'exécution du budget.
C'est pourquoi, l'efficacité dans l'exécution du budget se verra renforcée si on établit un lien entre les évaluations des performances budgétaires et les décisions déterminant quels sont les projets qui doivent bénéficier d'un appui budgétaire et le montant de l'appui à apporter. Chaque agence gouvernementale verra ses responsabilités renforcées pour atteindre des objectifs spécifiques.
Comme vous le savez, dans le système du budget fondé sur les performances, les évaluations du budget exécuté se font essentiellement à partir des résultats du budget planifié.
De surcroît, une fois que le système fondé sur la performance sera mis en place, les membres du Parlement seront davantage incités à avoir une vision plus large et à ne pas se cantonner aux besoins de leurs électeurs.
Dans le système actuel, les membres du Parlement soucieux de leur électorat font souvent campagne en faveur de dépenses budgétaires au profit de leur circonscription, sans tenir compte des incidences sur l'ensemble de la société.
Dans cette communication j'ai avancé les réformes nécessaires pour améliorer le contrôle par le Parlements de la planification et de l'exécution du budget.
Avant de terminer, je souhaiterais faire deux propositions aux pays Membres de l'OCDE.
Je suggère tout d'abord que nous mettions en place un réseau d'informations entre les Commissions des finances des Parlements des pays Membres et que nous intensifions leurs relations. Il sera ainsi plus aisé de normaliser les principaux indicateurs budgétaires, ce qui facilitera la comparaison internationale et permettra de tirer des leçons des expériences respectives.
Je propose également que les Commissions des finances des pays Membres encouragent des échanges bilatéraux et multilatéraux de personnel. On approfondira ainsi notre compréhension réciproque et nous pourrons ainsi partager nos connaissances.
À cet égard, le Parlement coréen accueillera toujours avec plaisir la visite des présidents et des membres des Commissions des finances des Parlements des pays Membres.
Je souhaite conclure en remerciant à nouveau le Sénat français et l'OCDE pour avoir organisé ce remarquable symposium et m'avoir invité à partager mes vues avec toutes les personnes présentes dans cette salle.
Je vous remercie.
3. COMMENT LES PARLEMENTAIRES TRAVAILLENT-ILS AVEC VOTRE ARGENT ? par M. Edward Davey membre de la Commission du Trésor Chambre des communes du Royaume-Uni
RÉSUME DES RECOMMANDATIONS
Proposition 1 : Création du Bureau des contribuables (« office of the taxpayer ») :
- pour offrir des conseils indépendants aux membres du Parlement et aux Commissions parlementaires spécialisées dans le contrôle des dépenses publiques et des propositions de mesures fiscales ;
- Dirigé par le « Contrôleur général des contribuables » (Taxpayers Investigator General) nouveau fonctionnaire de la Chambre des communes, disposant des plus hautes autorisations d'accès aux documents gouvernementaux.
Proposition 2 : Projet de loi de finances parlementaire visant à réformer le processus d'octroi des crédits budgétaires en :
- Incitant les membres du Parlement à examiner les projets budgétaires en les dotant de nouveaux pouvoirs d'amendement, en remplaçant l'initiative budgétaire de la Couronne par un système de droit de veto gouvernemental et en mettant un terme à la convention constitutionnelle qui transforme automatiquement un amendement au budget prévisionnel en vote de censure ;
- Obligeant les parlementaires siégeant dans les Commissions spécialisées à faire rapport au Parlement s'agissant des projets de budgets et des Accords de service public ;
- Habilitant les parlementaires et les Commissions spécialisées à proposer des amendements pour des « transferts » de crédits neutres et des augmentations de dépenses ;
- Impliquant directement les parlementaires dans le débat budgétaire avant sa finalisation dans le cadre du calendrier du nouveau budget, par la réforme du processus d'établissement des crédits budgétaires et la révision radicale du règlement intérieur du Parlement en plaçant les instructions relatives au budget dans un cadre législatif.
Proposition 3 : Projet de loi d'information budgétaire visant à améliorer l'information fournie aux parlementaires en :
- Exigeant que tous les documents budgétaires respectent les critères de transparence les plus stricts et soient soumis à l'examen du Bureau des contribuables;
- Restructurant et élargissant le champ des budgets prévisionnels afin d'inclure une plus grande proportion du budget annuel et d'affiner les distinctions entre les différents types de dépenses (par exemple versements d'intérêts, sécurité sociale, paiement au titre de la dette, achats de biens, achats de services, etc.) ;
- Exigeant des liens directs et détaillés entre les états prévisionnels et les résultats des politiques pour montrer le bien fondé des dépenses individuelles et pour faire correspondre les intrants de dépenses aux objectifs gouvernementaux en se fondant sur les Accords de service public ;
- Introduisant des budgets provisoires pour les deux années suivantes en matière de dépenses sectorielles ;
- Introduisant des budgets prévisionnels pluriannuels, englobant les programmes s'étendant sur plus d'une année.
Proposition 4 : Mettre fin au contrôle du ministère des Finances sur ses propres définitions comptables :
- Rendre le comité des normes comptables responsable de la définition des normes comptables du secteur public ;
- Chercher à adopter à plus long terme les normes de l'UE et de l'OCDE en matière de définition comptable du secteur public.
Proposition 5 : Introduction d'audit et de validation indépendants des évaluations du gouvernement en :
- Rendant le Bureau d'audit national (National Audit Office) responsable de l'audit de l'évaluation des résultats des secteurs ministériels.
Proposition 6 : Soumettre l'ensemble des dépenses à un audit parlementaire plus poussé en :
- Rendant le Bureau d'audit national (NAO) responsable de l'audit de tous les deniers publics qui échappent actuellement aux autres auditeurs publics ;
- Créant de nouvelles sous-commissions des finances et de l'audit pour chaque Commission ministérielle sectorielle.
Proposition 7 : Élargir le rôle de la Commission des comptes publics (Public Accounts Commission):
- Porter les émoluments de son Président et de ses membres au niveau des émoluments ministériels ;
- Transfert de la compétence en matière de nomination à la Commission des comptes publics à une nouvelle Commission de la Chambre des communes.
Proposition 8 : Promouvoir des mesures basées sur les faits par un audit systématique des :
- Progrès du gouvernement sur les recommandations du Bureau d'audit national et de la Commission des comptes publics ;
- Résultats des dépenses gouvernementales globales.
Proposition 9 : Réforme du processus d'adoption de la loi de finances, y compris :
- La séparation des questions portant sur les aspects techniques de la fiscalité des questions de politique fiscale, en ayant recours à deux types de projet de loi budgétaire - projet de loi de finances et projet de loi relatif aux aspects techniques des mesures fiscales (ce dernier étant publié à l'état de projet et soumis à consultations);
- Exigence législative aux fins d'accompagner les projets de loi en matière fiscale de rapports sur les coûts de respect des obligations fiscales indiquant la méthodologie utilisée.
Proposition 10 : Nouvelle Commission de la Chambre des Lords sur la simplification de la fiscalité :
- Entreprendre un examen continu et systématique de l'ensemble des lois du Parlement et des directives de l'UE en matière de fiscalité, dans le but de soumettre des recommandations relatives à la simplification du système fiscal.
1 INTRODUCTION
Commission spécialisée sur la procédure (Subsides budgétaires), 1980-81 :
« ... le contrôle parlementaire des dépenses du gouvernement est un mythe... »
Commission spécialisée sur la procédure, 1997-98 :
« ... si ce n'est pas un mythe constitutionnel, cela en est très proche... »
Réforme parlementaire
La réforme du Parlement est devenue l'une des priorités politiques. Au moment où une législature, marquée par d'importantes réformes constitutionnelles, arrive à son terme, c'est la Chambre des communes qui se trouve maintenant sous le feu des projecteurs 1 ( * ) .
Le présent document se penche sur la réforme de la fonction historique centrale du Parlement : le contrôle des demandes du gouvernement en matière de mesures fiscales et de dépenses. Il ne fait guère de doute qu'une réforme de cette ampleur doit être au coeur de toute modernisation significative du Parlement.
Les appels en faveur d'une réforme du Parlement ne sont pas nouveaux 2 ( * ) , tout comme le désir de renforcer le contrôle du Parlement sur le budget du gouvernement 3 ( * ) . Pourtant, à la notable exception près de l'action du Bureau d'audit national, les réformes de fond mises en application sont peu nombreuses, notamment dans le domaine de la responsabilité financière.
La nécessité d'entreprendre des réformes au niveau de la Chambre des communes est cependant devenue plus aiguë. De nombreuses caractéristiques du pouvoir parlementaire ont évolué sous l'emprise de forces allant de la décentralisation aux exigences provenant d'une pression médiatique constante. Bien que la formation de la Commission sur la modernisation de la Chambre des communes ait témoigné de la reconnaissance de ce besoin de réforme, l'attention a principalement été portée, à ce jour, sur des questions insignifiantes et consensuelles. Il est à craindre que le Parlement accepte des réformes modestes qui ne sont pas axées sur son rôle historique central en matière de contrôle budgétaire. Si tel devait être le cas, l'importance du Parlement dans la vie quotidienne nationale continuerait inévitablement à décliner.
Signification du contrôle budgétaire
C'est en plaçant le contrôle budgétaire dans le contexte de l'une des questions les plus controversées dans la politique britannique moderne, celle du rôle de la Grande-Bretagne en Europe, que l'on saisit sans doute le mieux sa signification. Puisque la Chambre des communes n'a manifestement pas réussi à demander des comptes aux gouvernements successifs en matière budgétaire, certains critiques eurosceptiques ont lié ces échecs de la « démocratie » et de « la souveraineté parlementaire » à la question européenne. Bien qu'il faille certainement réformer l'Union Européenne, il y a sans doute quelque ironie à constater que le renforcement le plus significatif de la démocratie et de la souveraineté parlementaire britanniques ne pourra provenir que de réformes entreprises par la Chambre des communes elle-même.
Le présent texte soutient donc que les membres du Parlement du Royaume-Uni constituent eux-mêmes la principale menace qui pèse à l'heure actuelle sur leur propre souveraineté. Bien que la Chambre des communes soit en théorie investie du rôle historique de contrôle des propositions de mesures fiscales et de dépenses du gouvernement, les membres du Parlement se bornent en pratique à approuver le budget de l'exécutif. En effet, en comparaison, nombreux sont les membres des autorités locales qui jouent un rôle plus actif dans l'établissement de leur budget respectif. Les membres de nombreux parlements étrangers s'impliquent par ailleurs beaucoup plus dans un réel contrôle budgétaire.
Les membres du Parlement britannique n'ont malheureusement pas fait montre jusqu'ici d'un grand d'intérêt pour un réel contrôle des finances. Si l'on veut assurer la réussite de la réforme visant à « mettre les parlementaires au service des deniers publics », les changements doivent s'axer sur la revitalisation de l'intérêt des parlementaires pour le budget, en introduisant de nouvelles obligations et de nouvelles incitations à leur endroit.
Il y a de nombreux obstacles à l'avènement de ces parlementaires d'un type nouveau qui s'engageraient dans un contrôle approfondi et détaillé des finances publiques. Les chefs de file de la majorité parlementaire voient d'un mauvais oeil les députés de base qui présentent des amendements sur des questions relevant du gouvernement. De même, les députés de l'opposition sont peu incités à présenter des amendements au budget car ils ont à affronter des contraintes procédurales et des chances de succès fort limitées.
Ne disposant que de très peu de ressources pour réaliser un examen approfondi des propositions en matière de mesures fiscales et de dépenses, les députés individuels tirent plus de prestige et d'autorité de leurs apparitions médiatiques ou de leur présence dans leurs circonscriptions. Pourtant, si l'on souhaite modifier la conduite du Parlement, il faut que les députés eux-mêmes modifient d'abord la leur. Il faudra pour cela recourir à la carotte et au bâton.
Propositions de réforme
Ce document commence par décrire la réalité actuelle du contrôle parlementaire du budget pour faire apparaître l'ampleur de son échec. Il étudie comment les législatures des autres pays s'acquittent de leur tâche en matière de responsabilité financière. Enfin, il propose plusieurs réformes radicales. Ces propositions reflètent certaines des idées exposées dans le récent rapport du Comité de liaison de la Chambre des communes « Shifting the Balance : Select Committees and the Executive « 4 ( * ) , et le récent rapport de la Commission spécialisée sur la procédure intitulé « Procedure for Debate on the Government's Expenditure Plans » 5 ( * ) auquel a contribué l'auteur.
Dans le présent texte, nous allons par contre beaucoup plus loin. Les propositions qu'il contient sont beaucoup plus radicales, notamment dans le domaine du contrôle ex ante des dépenses publiques. En se basant sur l'expérience récente de pays comme les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et la Suède, nous élaborons un modèle de responsabilité financière qui distingue les trois exigences de base permettant d'assurer un contrôle efficace : les besoins en matière d'information, les ressources et les réformes procédurales. La création d'un nouvel organe destiné à conseiller les députés sur les propositions budgétaires - le Bureau des, contribuables - dirigé par un nouveau fonctionnaire de la Chambre des communes, le Contrôleur général des contribuables (Taxpayers Investigator General) est l'une des réformes cruciales que nous préconisons.
Ce document comporte des propositions visant à réformer l'analyse ex post des dépenses, par l'élargissement du rôle de la Commission des comptes publics et du Bureau d'audit national. La réforme du rôle du Parlement relative à l'examen des propositions fiscales est également évoquée. Des propositions sont avancées pour améliorer le contrôle parlementaire de la fiscalité et également pour définir un processus destiné à promouvoir une plus grande simplification du système fiscal - objectif majeur de toute réforme microéconomique.
Les réformes travaillistes et certaines idées conservatrices
Les réformes fiscales entreprises par le parti travailliste ont rendu les réformes que nous proposons plus faciles à envisager et à mettre en application.
L'introduction d'un nouveau système de comptabilité publique (comptabilité et budgétisation emplois-ressources) et l'évolution vers un processus budgétaire plus stable, particulièrement avec le processus de réexamen des dépenses à l'horizon des deux ou trois années suivantes, ont par exemple éliminé certains des problèmes touchant à l'information et au calendrier que les propositions de réforme précédentes ont connus.
Les réformes constitutionnelles du parti travailliste, notamment la décentralisation et la réforme de la Chambre des Lords, pourraient également offrir l'occasion d'un réexamen radical du rôle des membres du Parlement en matière de contrôle de l'exécutif britannique, en particulier au niveau des mesures fiscales et des dépenses.
Il reste à savoir si le parti travailliste est maintenant prêt à aborder ces réformes constitutionnelles en termes plus stratégiques et à porter la réforme au coeur du gouvernement central, c'est-à-dire celle du budget.
D'autre part, certains membres du parti conservateur s'interrogent enfin avec une plus grande intensité sur la Constitution britannique. Après avoir été les principaux responsables de l'affaiblissement du pouvoir de la Chambre des communes au cours du siècle dernier, certains théoriciens du parti conservateur abordent la question 6 ( * ) . Jusqu'ici ce travail n'a pas apporté grand chose dans le domaine crucial du contrôle des finances, mais les idées qui ont pris corps semblent au moins aller dans le bon sens.
Les libéraux démocrates disposent maintenant d'un ensemble cohérent de réformes visant à améliorer le contrôle budgétaire 7 ( * ) , mais l'urgence de la réforme du rôle du Parlement en la matière est trop importante pour n'appartenir qu'à un seul parti. Il faut que tous les partis y participent car cela impliquerait un changement radical de la façon dont travaillent les parlementaires. Le moment est venu de reconquérir le rôle historique du Parlement en matière de finances publiques. Il est temps que les parlementaires aient l'obligation d'oeuvrer pour les deniers publics.
Le mythe du contrôle parlementaire des dépenses gouvernementales
Quand les députés ont-ils rejeté pour la dernière fois une demande de crédits ministériels ?
En 1919, lorsque le Lord Chancelier s'est vu refuser les crédits pour une seconde salle de bain.
C'est peut-être pourquoi les Lords Chanceliers modernes ont des papiers peints aussi coûteux.
2. COMMENT LES PARLEMENTAIRES BRITANNIQUES EXAMINENT-ILS LES DÉPENSES PUBLIQUES ?
Le discours annuel du budget du Chancelier de l'échiquier est le temps fort de l'année parlementaire. Les médias et les parlementaires connaissent alors un débordement d'activité. Cela permet d'alimenter le mythe du déclenchement d'un processus parlementaire garantissant le passage au peigne fin du budget du gouvernement.
La présente section tente de réfuter ce mythe en ce qui concerne le volet des dépenses du budget tandis que la section 3 analyse le volet des mesures fiscales. Ces deux sections concernent le rôle du Parlement tant avant la finalisation des décisions (contrôle ex ante) qu'après la prise de décisions (contrôle ex post).
Il est vital pour la réforme du contrôle budgétaire de regrouper au sein d'un budget unifié les dépenses et les mesures fiscales qui font actuellement l'objet d'un traitement distinct. Si l'on veut que les membres du Parlement puissent soumettre les propositions budgétaires à une analyse rigoureuse, les mesures fiscales et les dépenses doivent être étudiées de concert, suivant un calendrier officiel tel qu'exposé ci-dessous.
Il y a eu bien sûr des expériences récentes dans ce sens, avec l'introduction du budget unifié par le dernier gouvernement conservateur. Mais cela n'était en grande partie qu'un gadget et n'était motivé par aucun désir sous-jacent d'impliquer les parlementaires dans le processus budgétaire. Construit sur des fondations aussi fragiles, il a sans surprise été abandonné par le gouvernement travailliste suivant.
2.1 Contrôle ex ante des dépenses - le processus d'octroi des crédits budgétaires
Le gouvernement demande officiellement des fonds au Parlement par le biais du système d'octroi des crédits budgétaires. Il s'agit de la présentation au Parlement des états prévisionnels principaux du ministère des finances sur les fonds requis par le gouvernement pendant l'année à venir.
Les états prévisionnels n'arrivent cependant qu'à la toute fin du processus d'établissement du budget. Avant leur publication, les ministres et les hauts-fonctionnaires ont travaillé en secret pendant des mois. En outre, les décisions budgétaires ne sont pas d'abord présentées au Parlement sous forme d'états prévisionnels. Elles figurent dans les documents budgétaires soumis par le Chancelier de l'échiquier et dans les publications connexes.
La date de présentation et l'appellation de ces états budgétaires ont évolué au cours des années. Actuellement, il existe une déclaration pré-budgétaire en novembre, une déclaration budgétaire en mars et un état de révisions des dépenses dont la périodicité semble devenir bi-annuelle.
En conséquence, la quasi-totalité des analyses modernes sur l'établissement du budget du gouvernement britannique se concentre sur les travaux internes du ministère des finances, du cabinet et des Commissions du cabinet en étudiant les règles et les échéanciers que les gouvernements se sont fixés, plutôt qu'en fonction du déroulement des événements au Parlement.
La présentation de ces états par le gouvernement suscite ensuite force débats au Parlement et dans les médias. La plupart de ces débats tentent d'éclaircir les implications de ce qui a été annoncé. Chacun des états et publications budgétaires contient littéralement des milliers de décisions dont l'annonce officielle est faite en même temps. Certaines de ces décisions sont relativement définitives, comme les enveloppes globales, les principales propositions de mesures fiscales et les répartitions de crédits par ministères, alors que d'autres répartitions, comme celles des dépenses au sein de chaque ministère, ne seront effectuées qu'au cours des mois suivants. Pour rendre quasiment impossible la compréhension d'un tel nombre de décisions, les publications budgétaires du ministère des finances se sont mises à ressembler de plus en plus à des prospectus commerciaux, où figurent des chiffres et des tableaux qui semblent être davantage destinés à semer la confusion qu'à apporter des éclaircissements
Les débats de la Chambre des communes sur les propositions relatives aux mesures fiscales et aux dépenses sont souvent centrés sur l'expression d'avis divergents, sur la nature de ce que le gouvernement a proposé plutôt que sur les mérites et inconvénients des propositions. Il n'est même pas requis que les débats se terminent par des votes sur des montants de dépenses précis, mais il peut y avoir une résolution « accueillant » un état budgétaire ou dans le cas du budget du mois de mars, une longue série de votes sur des résolutions relatives à des propositions de changement de certains impôts.
En fait, le processus formel d'octroi des crédits et de votes sur les demandes en matière de dépenses peut se dérouler indépendamment des états présentés par le Chancelier. Il n'existe par exemple pas de relations entre le pré-budget et les états prévisionnels. D'ailleurs, le pré-budget s'apparente de manière croissante plus à un mini budget qu'à un projet de budget 8 ( * ) .
Officiellement seuls trois jours sont actuellement alloués au débat sur ces états prévisionnels qui font d'ailleurs rarement l'objet d'un vote. Il saute donc aux yeux que le processus d'octroi des crédits budgétaires est devenu réellement superflu à notre époque, même s'il s'agit du processus parlementaire officiel de contrôle budgétaire. Les Commissions spécialisées qui interrogent les ministres et les hauts-fonctionnaires sur les projets de dépenses ne s'intéressent d'ailleurs même pas en règle générale aux états prévisionnels.
Ces faiblesses du processus d'octroi des crédits budgétaires ne sont pas nouvelles. Le Parlement n'a en effet jamais joué de rôle dynamique dans l'établissement du budget. On peut faire remonter l'origine de cette passivité au moyen-âge, lorsque le rôle principal du Parlement était d'accorder des fonds aux monarques désireux d'entreprendre des conflits ruineux.
« Les relations financières entre la Couronne et le Parlement prirent forme au moment où le roi gouvernait encore par le biais de ministres responsables devant lui, et où la Chambre des communes n'exerçait qu'un contrôle négatif par le biais de son pouvoir de refuser les subsides budgétaires. Ces relations constitutionnelles se sont maintenues pour l'essentiel, malgré la création du gouvernement responsable dépendant du soutien de la Chambre des communes » 9 ( * ) .
Malgré de nombreuses réformes au cours des deux derniers siècles, la réalité actuelle du processus britannique d'octroi des crédits budgétaires serait sans doute le seul aspect du gouvernement du vingt-et-unième siècle qui ne serait pas étranger à un monarque médiéval.
2.1.1. Le processus d'octroi des crédits budgétaires10 ( * )
Pour pouvoir comprendre comment l'on pourrait réformer les procédures parlementaires en matière de contrôle budgétaire, il faut étudier un peu plus en détail le processus d'octroi des crédits budgétaires. Ce processus fonctionne sur une base annuelle et est largement régi par le règlement intérieur de la Chambre des communes. Un résumé de l'application chronologique des dispositions réglementaires pertinentes témoigne du caractère parodique qu'a pris ce processus.
Conformément à l'article 55 du règlement intérieur, le ministère des Finances doit présenter au Parlement pour le mois d'août, les états prévisionnels principaux de l'année, bien que ceux-ci soient normalement préparés bien plus tôt, normalement après la déclaration du Budget. « Les états prévisionnels principaux » contiennent les demandes de crédits du gouvernement pour l'année basées sur les décisions et les annonces antérieures.
Chaque ministère prépare ses propres états prévisionnels de crédits, à l'intérieur desquels se trouvent les « Votes » qui sont en fait des demandes de crédits individuels pour les répartitions de dépenses par postes de ce ministère. Il y a différentes catégories de « Votes » qui reflètent différents types de dépenses et un mécanisme explicatif qui tente de décrire à quels usages ils peuvent être employés.
Les Commissions spécialisées disposent d'un certain temps pour étudier les états prévisionnels. Il n'y a cependant pas de renvoi formel des états prévisionnels aux commissions spécialisées concernées et celles-ci ne sont aucunement tenues de les examiner. Elles disposent, si elles le souhaitent, d'au moins 7 jours entre la présentation d'un état prévisionnel et le vote correspondant de la Chambre. La pratique actuelle des Commissions spécialisées est de ne pas examiner les états prévisionnels en détail, à quelques notables exceptions près comme dans le cas de la défense.
Les Votes sur les comptes publics ont lieu de toute façon au mois de novembre précédent. Ces votes affectent sans débat pour l'année suivante 45 pour cent des fonds alloués aux ministères pour Tannée fiscale précédente. Ceci est fait pour éviter la paralysie du gouvernement s'il ne disposait pas de l'autorisation d'engager des dépenses puisque le vote sur les principaux états prévisionnels n'intervient que 4 mois après le début de l'exercice budgétaire suivant.
Après la publication printanière des principaux états prévisionnels, le mécanisme dit de « guillotine parlementaire » 11 ( * ) assure la tenue d'un vote sur ceux-ci aux alentours du mois de juin. Il peut y avoir un débat sur certains des états prévisionnels principaux, mais ce n'est pas toujours le cas. On peut donc procéder à des votes sans débat, et il y a d'ailleurs très rarement de réelles divisions à leur sujet.
Les 3 jours alloués par session pour le débat sur les états prévisionnels peuvent d'ailleurs être répartis sur toute Tannée. Ils sont souvent utilisés pour débattre des états prévisionnels supplémentaires comprenant les demandes de crédits révisées ou supplémentaires présentées par le ministère des finances au cours de Tannée fiscale.
Dans le plus pur style de la Chambre des communes, les journées consacrées aux états prévisionnels entraînent rarement la tenue d'un débat portant réellement sur ceux-ci. Le Comité de liaison aura choisi d'adjoindre le rapport d'une Commission spécialisée à l'état prévisionnel concerné (article 145 du règlement intérieur), même si parfois le lien entre ces deux éléments est ténu. Le débat se focalisera alors invariablement non pas sur les chiffres contenus dans les états prévisionnels mais sur les questions politiques soulevées dans les rapports de la Commission spécialisée. Ainsi le peu de temps alloué pour débattre des propositions de dépenses n'est même pas utilisé à cette fin par les députés.
Le vote final des états prévisionnels peut avoir lieu dans le cadre des collectifs budgétaires qui sont présentés au Parlement et réunissent les états prévisionnels supplémentaires d'hiver et de printemps. Les états prévisionnels supplémentaires de l'été et les états prévisionnels principaux sont formellement adoptés dans la loi de finances annuelle qui confirme également les sommes affectées au cours de l'hiver et du printemps.
Ainsi, malgré le manque de débat significatif, d'analyse ou de vote sur les états prévisionnels, le maintien du mythe du contrôle parlementaire exige une procédure parlementaire élaborée tout au long de l'année. Cela permet d'occuper de nombreux fonctionnaires mais ne trouble guère les députés.
Certains affirment parfois que les états prévisionnels n'auront jamais rien à voir avec le rôle des parlementaires en matière de contrôle budgétaire puisque ces états prévisionnels représentent des décisions déjà annoncées. Ceci est exact pour une partie des états prévisionnels qui peuvent effectivement représenter les factures d'achats déjà contractés par le gouvernement. Mais cela n'est pas vrai de nombreux « Votes » compris dans les états prévisionnels. En outre, si le format actuel des états prévisionnels constitue un obstacle à un contrôle plus rigoureux, il faudrait bien évidemment le modifier ou le remplacer.
2.1.2 . Carences du contrôle ex ante en matière de procédure, d'information
et de ressource
Pour formuler les propositions de réforme présentées à la section 6, il n'est pas inutile de connaître les caractéristiques importantes de ce que serait le contrôle budgétaire idéal 12 ( * ) .
On peut identifier trois exigences fondamentales permettant un contrôle budgétaire performant. Le Parlement a besoin par-dessus tout de procédures appropriées si l'on veut que ses membres puissent débattre et voter les propositions de dépenses. Cependant, pour une pleine utilisation de ces procédures les parlementaires doivent recevoir des informations compréhensibles sur le budget. Enfin, les parlementaires doivent également disposer des ressources et compétences nécessaires pour interpréter et utiliser ces informations. Ces trois éléments - procédures, informations et ressources - doivent exister si l'on souhaite que le contrôle budgétaire soit une réalité. Il faut noter avant d'aller plus loin qu'il existe une quatrième exigence fondamentale pour permettre un contrôle budgétaire efficace : c'est la volonté de s'engager dans le processus. Même si ces trois exigences sont remplies, il n'est pas certain que cela suffira pour encourager ou forcer les parlementaires à fournir les efforts nécessaires pour assurer le contrôle budgétaire.
Fort de cette mise en garde, à laquelle nous ferons de nouveau allusion, nous pouvons maintenant analyser le système du Royaume-Uni à partir du modèle que nous proposons.
Procédure
Le processus d'octroi des crédits budgétaires décrit au paragraphe 2.1.1 ci-dessus montre un système qui n'offre pas aux députés la possibilité d'apporter une contribution significative. Cela crée un cercle vicieux. Incapables d'obtenir de réels changements en s'attaquant au contrôle budgétaire, les députés abandonnent cette voie et recherchent ailleurs l'exercice de l'influence et du pouvoir.
Le problème de base découle en fait de la convention constitutionnelle consacrant le droit d'initiative de la Couronne en matière financière. Dans le contexte actuel cela a pris encore plus d'importance en raison de l'influence des chefs de file des partis et de la convention constitutionnelle moderne qui assimile à une motion de censure pour le gouvernement en place, la présentation d'un amendement relatif à des états prévisionnels. L'approbation par le Parlement des propositions de dépenses du Royaume-Uni est en effet « concédée » par la Constitution lorsqu'un gouvernement détient une majorité.
Sur le plan formel, la procédure d'octroi des crédits et l'initiative du gouvernement en matière financière ne sont pas prévues dans des textes législatifs. Il n'y a pas de loi du Parlement qui établit les obligations du gouvernement ou les pouvoirs du Parlement en matière d'états prévisionnels. Au lieu de cela, les règles sont énoncées dans le règlement intérieur du Parlement sur les deniers publics. Ces règles mystérieuses et impénétrables sont symbolisées par la disposition 48 du règlement intérieur qui empêche les parlementaires de proposer des augmentations ou de transférer des dépenses, ce qui garantit l'initiative financière de la Couronne :
« 48. La Chambre n'accueille pas de demandes de fonds relatives au service de l'État et ne se prononce sur aucune demande de crédits ou d'engagement des recettes de l'État, prélevés sur le fond consolidé ou le fond d'emprunt national ou à partir des deniers fournis par le Parlement, ou de libération ou de transaction sur toute somme due à l'État, sauf sur recommandation de la Couronne ».
C'est pourquoi toute réforme de procédure, doit s'attaquer à ces blocages constitutionnels, tout en traitant de questions ayant trait aux calendriers des débats sur les états prévisionnels ou à la participation des Commissions spécialisées.
Information
L'information sur le budget fournie au Parlement s'est perfectionnée au cours des dernières années mais les parlementaires restent paradoxalement toujours largement dépendants de ceux sur lesquels ils doivent exercer leur contrôle.
Le ministère des Finances et chacun des ministères ont mis en place une documentation officielle en matière de dépenses et publient une plus grande somme d'information que par le passé dans de copieux volumes contenant les états prévisionnels, les programmes d'action ministériels et les rapports ministériels. Ces documents ont été affinés au cours des années afin de présenter non seulement le montant mais également le motif et l'efficacité des dépenses. Un remaniement plus radical a lieu actuellement du fait de l'introduction de la comptabilité emplois-ressources et de la mise en place d'accords de service public.
Il reste néanmoins certaines faiblesses importantes, particulièrement en ce qui concerne les états prévisionnels et l'information sur les programmes de dépenses.
Les nouveaux « États provisionnels de ressources » que le Parlement recevra bientôt pour la première fois dans le cadre du système de comptabilité emplois-ressources demeureront encore relativement impénétrables. Les projets d'états prévisionnels de ressources montrent en effet que les liens entre les propositions de dépenses et les résultats (c'est-à-dire l'objectif des mesures) ne seront aucunement détaillés : dans la plupart des cas ils ne figureront qu'à titre indicatif et non pour permettre le contrôle budgétaire.
En recherchant la meilleure façon de réformer l'apport d'information aux parlementaires on se heurte à un problème en raison de l'absence de contrôle budgétaire dans le système actuel. En effet, personne ne sait quel est le type d'information dont les parlementaires ont réellement besoin pour pouvoir effectuer convenablement leur tâche. Si une réforme devait avoir lieu pour permettre au Parlement d'effectuer un contrôle budgétaire dynamique, il est vraisemblable que les parlementaires en devenant les utilisateurs actifs de ces informations, rechercheraient des réformes encore plus radicales.
Ressources
On peut soutenir que la plus grande faiblesse du processus d'octroi des crédits est le manque de ressources spécialisées qui frappe les parlementaires en matière d'analyse des informations disponibles. Il y a peu de comptables ou d'experts financiers parmi les parlementaires, et même ceux-ci ont besoin des explications d'experts qualifiés pour pouvoir appréhender pleinement le contenu des états prévisionnels ou d'un programme de dépenses ministériel.
Les députés sont très occupés et ont rarement le temps de faire eux-mêmes le travail de fond nécessaire à la compréhension des détails d'un état prévisionnel ou d'une nouvelle proposition de mesure fiscale. Les ressources spécialisées existantes sont limitées et surexploitées.
En outre, en entrant au Parlement, les parlementaires n'ont pas en règle générale la formation et la compétence nécessaires pour exercer le type de contrôle détaillé qu'appellent les états prévisionnels ou les comptes du gouvernement. Il y a donc lieu de procéder d'emblée à une mise à jour radicale des ressources disponibles pour assister les membres du Parlement. Un bref rappel des ressources dont disposent actuellement les députés illustre le bien-fondé de cette remarque.
Les parlementaires individuels peuvent se tourner vers deux ressources principales. Premièrement, l'indemnité de fonction prévoit la possibilité d'employer un recherchiste, bien qu'à un salaire peu attractif. Deuxièmement, ils peuvent utiliser le personnel de recherche mis à disposition des parlementaires à la bibliothèque de la Chambre de communes où l'on trouve une poignée d'authentiques experts en matière de dépenses gouvernementales.
De plus, les Commissions spécialisées disposent d'un petit nombre d'attachés de recherche qui peut aller jusqu'à un maximum de trois par Commission. Ces sont plutôt des experts en matière politique que des comptables ou des experts financiers, mais ils peuvent fournir un certain appui. Les députés de premier plan de chacun des partis d'opposition reçoivent par ailleurs des fonds pour engager des recherchistes. Cependant les analyses menées grâce à ces ressources auront en majorité une orientation partisane et ne seront pas faites au nom du Parlement.
Les ressources disponibles affichant une réelle compétence en matière de mesure fiscale et de dépense gouvernementale sont extrêmement limitées. Le Parlement pourrait choisir de consacrer une part plus grande de ses ressources actuelles au contrôle budgétaire, mais si l'on se base sur l'expérience antérieure il ne faut pas trop y compter. C'est pourquoi, si l'on souhaite que les intérêts des contribuables soit mieux défendus par les parlementaires, il faut absolument consacrer au seul contrôle budgétaire des ressources spécialisées exclusives.
2.2. Contrôle ex post des dépenses - La Commission des comptes publics et le Bureau d'audit national
La performance du Parlement en matière de contrôle ex post des dépenses du gouvernement est relativement satisfaisante et s'est améliorée de manière significative au cours des dernières années.
De plus, le gouvernement actuel a mis en place « l'étude de l'audit et de la comptabilité du gouvernement central » sous la présidence de Lord Sharman, qui doit remettre son rapport prochainement. Il est possible que cette étude fasse d'importantes propositions de réforme. En conséquence cette section sera brève. Cependant, le processus ex post doit être mentionné, tout comme les nombreuses faiblesses qui demeurent, ne serait ce que pour voir si le rapport Sharman abordera les problèmes cruciaux restants.
L'histoire de l'audit et des comptes du gouvernement remonte à l'époque médiévale, mais le système actuel tire ses principales caractéristiques des réformes de Gladstone qui se sont révélées remarquablement durables 13 ( * ) .
À l'aide de ses composantes principales d'aujourd'hui -le Bureau d'audit national et la Commission des comptes publics - le contrôle ex post du Parlement contribue à prévenir et à combattre la fraude et à promouvoir la rentabilité dans le secteur publique.
2.2.1. Le processus du contrôle ex post
Les ministères du gouvernement préparent leurs comptes, suivent des procédures de contrôle interne et collaborent avec un organisme de contrôle financier central, en l'occurrence le ministère des Finances, d'une manière qui n'est pas sans rappeler celle que connaissent les grandes entreprises. Après le passage des comptes au travers de ce processus interne, les vérifications externes entrent en action, par le biais du Bureau d'audit national.
MODÈLE DE CONTROLE BUDGETAIRE EX ANTE
-- Publication rapide, facilité d'accès -- Riche contenu, ex. capital/court terme, ventilation détaillée -- Liens entre financement et objectifs Information |
-- Personnel indépendant analysant le projet de budget
-- Modulation des compétences pour vérifier les hypothèses et proposer des alternatives
-- Formation pour améliorer la spécialisation des parlementaires et du personnel
Ressources |
-- Calendrier budgétaire parlementaire lié aux propositions du gouvernement
-- Temps suffisant alloué aux débats
-- Pas d'obstacles aux amendements
Procédures |
-- Obliger les parlementaires à contrôler -- Inciter les parlementaires à contrôler Parlementaires Diligents |
Le Bureau d'audit national est l'arme la plus puissante dont disposent les parlementaires dans l'intérêt des contribuables et sans doute la plus méconnue.
Le Bureau d'audit national agit comme représentant du Parlement, non du gouvernement, et dispose de larges pouvoirs d'accès à tout document financier du gouvernement. S'appuyant sur cet accès privilégié, il entreprend des vérifications des comptes du gouvernement et prépare des rapports pour le Parlement.
La Commission des comptes publics entreprend ensuite chaque année un grand nombre d'enquêtes destinées à la Chambre des communes, en se basant sur les travaux du Bureau d'audit national et avec son appui. Elle convoque les plus hauts fonctionnaires et les tient directement responsables des budgets qu'ils ont administrés.
Les Secrétaires permanents des ministères sont directement chargés de la responsabilité des affaires financières de leur ministère et les textes législatifs les qualifient, à ce titre, de principaux responsables des comptes. Ils comparaissent devant la Commission des comptes publics en qualité de responsables des comptes
Cette situation est à bien des égards fondamentale pour comprendre certaines parties du problème posé par le système britannique actuel, puisqu'elle permet d'escamoter, ou au moins de dissimuler, le rôle des ministres au niveau de la responsabilité des budgets ministériels.
La responsabilité ex post des ministres étant en réalité inexistante, puisqu'elle est exercée par des fonctionnaires, la nécessité de se préoccuper du contrôle ex ante est pour les ministres nécessairement réduite. Les ministres sont donc poussés à ne s'intéresser qu'aux orientations, alors que les différentes mesures sont chiffrées ex ante par les fonctionnaires et que c'est le secrétaire permanent qui doit répondre ex post des dépassements budgétaires. Par contre, la notion voulant qu'il existe une réelle distinction entre « orientations » et « budget » semble fortement contestable.
Dans le cadre actuel du contrôle budgétaire ex post, le Bureau d'audit national et la Commission des comptes publics semblent néanmoins remplir de manière satisfaisante un rôle important. Il faudrait des recherches régulières et indépendantes pour le mesurer pleinement. Par contre, les éléments qui sont déjà disponibles sont très positifs. Le Bureau d'audit national peut fournir une vaste gamme d'instruments de mesure de sa réussite en matière de réduction des gaspillages et d'amélioration de la rentabilité (« Value For Money »). En 1998, par exemple, les études VFM ont à elles seules permis d'identifier des économies de 341 millions de livres et 24 millions supplémentaires grâce aux audits financiers. Au cours des trois dernières années, le Bureau d'audit national a permis la réalisation d'économies s'élevant à environ 1,2 milliard de livres. Ainsi, le fait que de telles sommes soient découvertes par le Bureau d'audit national et la Commission des comptes publics dans le cas du contrôle ex post constitue en soi un argument de poids pour renforcer le contrôle ex ante.
2.2.2. Faiblesses du contrôle ex post du Parlement
Mis à part ce relatif succès, il reste une large place pour des améliorations majeures du système de contrôle ex post des dépenses du gouvernement central.
Définitions comptables
Si un gouvernement a le pouvoir de déterminer ses propres définitions comptables et de les modifier, le système de contrôle ex post sera dans sa globalité toujours sujet à caution. Malheureusement, le ministère des Finances britannique a toujours conservé le pouvoir d'établir ses propres règles en matière d'information financière, et ce sont celles qui seront utilisées par d'autres pour le juger. Une question fondamentale accompagne donc le cadre comptable au sein duquel doivent travailler le Bureau d'audit national et la Commission des comptes publics.
Cela est en train de changer radicalement à l'heure actuelle avec le passage de la comptabilité recettes-dépenses à la comptabilité emplois-ressources, qui constitue la réforme la plus radicale des définitions comptables du gouvernement au cours de l'histoire. Ce fait est par ailleurs presque totalement négligé par la presse parlementaire. Bien que des experts externes aient participé à ce changement en siégeant au sein d'un organisme spécialement mis sur pied - le comité consultatif sur l'information financière -la réforme a été étroitement encadrée par le ministère des finances.
Au cours de l'adoption de la législation pertinente - « the Government's Resources and Accounts Bill », loi relative aux ressources et aux comptes du gouvernement de 1999/2000 - des questions majeures ont été soulevées pour savoir qui devait effectivement assurer le contrôle du système comptable du gouvernement central et de ses définitions. Pendant les différentes étapes du passage à la Chambre des communes, le ministère des finances a insisté sur son droit fondamental de décider comment ses comptes sont établis, bien que de nouvelles garanties aient pu être obtenues au cours de l'examen de la loi à la Chambre des Lords. Par contre, la création d'un organisme indépendant habilité à décider des définitions comptables du gouvernement souhaitée par les libéraux démocrates et les conservateurs n'a pas été accordée. Cela devrait demeurer un objectif parlementaire fondamental.
Ressources et attributions du Bureau d'audit national
La question de savoir si nous fournissons assez de pouvoir de réaction aux experts qui jouent un rôle de surveillance est peut-être plus urgente. Le Bureau d'audit national ne peut pas être partout à la fois au sein du gouvernement et ne disposera jamais des ressources nécessaires pour entreprendre toutes les études détaillées et les sondages aléatoires que tout auditeur voudrait idéalement mener. Il se pose donc la double question fondamentale de savoir si le Bureau d'audit national a les ressources dont il devrait disposer et si la Commission des comptes publics a le statut, l'indépendance et le poids qu'elle devrait avoir au sein de la Chambre des communes.
Une troisième question reliée aux précédentes porte sur l'étendue des attributions du Bureau d'audit national. De nombreux organes du gouvernement central qui dépensent l'argent des contribuables échappent à la tutelle des ministères gouvernementaux. Il s'agit notamment de la catégorie des « organismes publics non ministériels » comme les services du patrimoine (« English Heritage »), l'agence de l'environnement, la loterie nationale et quatre-vingts autres organismes, ainsi que des organismes comme la BBC.
Actuellement, les attributions du Bureau d'audit national ne s'étendent pas automatiquement à ces organismes, ce qui ce qui signifie qu'il n'a pas automatiquement accès à leurs documents financiers. Des organisations qui dépensent bien au-delà de 3 milliards de livres de deniers publics peuvent entraver et même éviter le contrôle ex post de l'organe de surveillance financière du Parlement. On peut pourtant soutenir que les organismes publics quasi autonomes exigent une surveillance plus étroite que les organes démocratiques.
3. MODALITÉS D'EXAMEN DES MESURES FISCALES PAR LES PARLEMENTAIRES BRITANNIQUES
Par rapport au volet dépenses du budget, les parlementaires exercent un contrôle régulier et détaillé des propositions de mesures fiscales. Il n'est malheureusement pas très bien assuré.
Il existe, en partie pour cette raison, une grande inquiétude sur la façon dont la fiscalité britannique a évolué et semble appelée à évoluer dans l'avenir. Cette inquiétude semble croître parmi les professions comptables et le monde des affaires au sens large.
Le nombre élevé de mesures fiscales adoptées chaque année par le Parlement, leur complexité, leur incohérence et l'opacité qui en résulte sont les sujets qui retiennent l'attention. Ces modalités imposent des coûts de respect des obligations fiscales très lourds pour les secteurs privé, public et à but non lucratif et incarnent sous son plus mauvais jour la réglementation étatique de l'économie.
Bien que la plus grande partie de la responsabilité de cette situation soit partagée par les ministres, le ministère des finances et les services fiscaux, le fait que le Parlement apparaisse incapable ou réticent à tirer la sonnette d'alarme est une très grande cause d'inquiétude
La réforme du contrôle parlementaire des nouvelles mesures fiscales est probablement le meilleur moyen d'empêcher la situation de se dégrader davantage afin de nous permettre de corriger les erreurs du passé.
3.1. Contrôle ex ante des propositions de mesures fiscales
En matière de contrôle ex ante des mesures fiscales par le Parlement, il ne s'agit donc pas tant de savoir si les députés disposent de l'information, des ressources et des procédures nécessaires pour remplir leur rôle mais plutôt de savoir si ce sont les bonnes.
3.1.1. Le processus de contrôle des mesures fiscales dans le cadre de la loi de finances
La loi de finances annuelle est le point centrai en matière de contrôle parlementaire des propositions de mesures fiscales. Elle traduit en termes de loi les nouvelles propositions de mesures fiscales annoncées lors de la présentation du budget.
La loi de finances est publiée quelques semaines après la présentation du budget. Elle est ensuite débattue à la Chambre des communes à l'occasion d'un débat de deuxième lecture qui dure une journée comme dans le cas de tout projet de loi important.
Après une nouvelle pause qui peut durer des semaines, la loi de finances va en commission. Cependant, à la différence des autres projets de loi, la Chambre des communes siège en tant que Commission de la Chambre au complet pendant deux jours pour débattre de certaines dispositions du projet de loi avant que le reste ne soit soumis à la Commission permanente elle-même. Au cours des dernières années, cette Commission a eu tendance à siéger pendant trois mois, de mai à juillet, et d'entrer dans la phase de rapport de la mi-juillet à la fin juillet. La Chambre des Lords n'étudie le projet de loi de finances que pour la forme.
Le processus d'adoption du projet de la loi de finances offre sans aucun doute une occasion annuelle et prolongée de débattre non seulement du contenu effectif du projet de loi mais également d'autres aspects des mesures fiscales.
Les erreurs manifestes sont parfois corrigées au cours de l'adoption du projet de loi. Les ministres et les responsables peuvent être contraints de revoir leur copie en raison de la pression d'intérêt extérieur et à la suite de l'argumentation politique développée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Commission. Depuis que le projet de loi de finances est un exercice annuel, des erreurs ou des idées apparues en cours d'année, difficiles à accepter politiquement sur le moment peuvent être rectifiées et mises en oeuvre. Ces avantages du contrôle n'existent pas pour le volet des dépenses.
En outre, avant le projet de loi de finances, il y a le pré-budget de novembre et la journée du budget en mars qui offrent tous deux aux parlementaires l'occasion d'analyser les propositions de mesures fiscales du gouvernement. En plus de ces événements, il peut y avoir au cours d'une année donnée une succession de textes législatifs ayant des implications sur le système fiscal. Le contrôle de la fiscalité existe donc bien.
3.1.2. Faiblesses du processus de contrôle des mesures fiscales dans le cadre de la loi de finances
La procédure du projet de loi de finances connaît cependant de nombreux problèmes structurels et techniques. Ces derniers limitent l'efficacité de ce contrôle ex ante et l'empêchent d'avoir un effet plus positif sur la législation fiscale qui en résulte.
Associé aux obstacles politiques et constitutionnels plus profonds qui empêchent un contrôle budgétaire efficace, dont le pouvoir des chefs de file des partis et le manque d'incitation politique pour que les députés individuels participent de manière plus enthousiaste au contrôle des mesures fiscales, le processus de la Commission du projet de loi de finances devient de plus en plus discrédité.
Questions techniques qui deviennent politiques ou qui ne font pas l'objet de débats
La partie la plus frustrante du processus de loi de finances est que la législation fiscale de seconde catégorie qui en résulte pourrait être évitée sans coût politique ou perte de contrôle de l'exécutif. Il y a donc possibilité de faire un coup politique et économique. Cela provient du fait que la plus grande part de chacune des lois de finances est constituée de changements techniques qui ne sont pas contestés politiquement.
En revanche, à cause des contraintes de temps et de la nature partisane endémique des Commissions permanentes, les changements même non contestés proposés par les députés de l'opposition sont considérés comme des attaques politiques qui doivent être repoussées. Ce problème est encore plus sérieux à la Chambre des Lords parce que dans cette enceinte plus indépendante et plus équilibrée politiquement, il n'y a pas de contrôle des projets de loi de finances.
L'envers de ce problème est que si l'opposition choisit de ne pas se concentrer sur les avantages ou les inconvénients d'une question technique, cette proposition ne reçoit pas ou peu de contrôle. En raison de la longueur et de la complexité croissantes des lois de finances, la tentation d'ignorer les aspects qui ne présentent pas d'attraction politique est de plus en plus grande pour les députés. Des erreurs passent inaperçues.
Évaluation réglementaire inadéquate des coûts de respect des obligations fiscales
Avec beaucoup d'autres textes réglementaires, le gouvernement réalise maintenant une estimation des coûts de respect des obligations fiscales du secteur privé causés par un changement particulier. Cependant dans le cas de la loi de finances et d'autres législations fiscal cet effort est réduit au minimum pour dire le moins.
Les autorités fiscales n'ont, pour l'instant, jamais publié la méthodologie détaillée qu'elles utilisent pour évaluer ces coûts de respect des obligations fiscales et il n'y a donc jamais eu d'évaluation indépendante. Il existe un doute très répandu sur le fait que les calculs du gouvernement ne tiennent pas compte pas de l'effet cumulatif d'un grand nombre de petits changements ordinaires.
Puisqu'il y a déjà de nombreux spécialistes des questions fiscales qui conseillent les entreprises, le gouvernement semble considérer que les coûts marginaux de gestion d'une nouvelle modification de la fiscalité sont relativement réduits. Ceci est au mieux contestable et au pire totalement inexact. De plus, l'introduction de l'auto évaluation à grande échelle doit de toute façon avoir miné la logique d'une telle argumentation.
Les parlementaires reçoivent une information inadéquate sur les coûts de respect des obligations fiscales introduites par un texte fiscal particulier, mais il n'y a pas de tentative d'évaluer les coûts totaux de respect des obligations fiscales engendrés par l'ensemble des changements contenus dans une loi de finances. Ainsi, une fois encore, les parlementaires ne sont pas en situation de pouvoir mettre en question la nécessité réelle de certaines propositions de mesures fiscales.
Présentation tardive des amendements gouvernementaux
Le droit incontesté du gouvernement de présenter des amendements à ses propres projets de loi après avis de vingt-quatre heures constitue une faiblesse procédurale qui touche l'ensemble des Commissions permanentes du Parlement. (Et il existe des procédures qui permettent de réduire davantage la période d'avis).
Il y a des circonstances dans lesquelles les gouvernements doivent pouvoir légiférer rapidement et à la dernière minute, bien que cela doive être exceptionnel et limité aux urgences authentiques.
En ce qui concerne la loi de finances, ces circonstances ne devraient, en principe, jamais survenir. Tout d'abord ce processus s'étend tout au long de l'année. Il y a en outre toujours la possibilité de revenir à une question dans l'année, puisque le ministère des finances peut toujours garantir qu'une période sera allouée dans le calendrier législatif pour une loi de finances rectificative. Cela signifie que le gouvernement n'a qu'à annoncer son intention de légiférer sur une question ou même publier un projet de loi de finances relatif à l'année suivante pour consultation, pour que cela ait exactement le même effet que s'il avait essayé de faire passer les propositions en force sans contrôle ou notification préalable en bonne et due forme.
Le fait est que le ministère des finances abuse régulièrement de sa faculté de donner des préavis réduits en matière d'amendement, principalement lorsque les ministres connaissent des difficultés politiques et veulent éviter un trop fort contrôle de la presse. Dans ce cas, les propositions reçoivent un contrôle encore plus limité qu'en temps normal.
Trop de législation fiscale et trop peu de consultation
Sur beaucoup d'aspects, le problème de la présentation tardive des amendements fait écho au plus vaste problème de la législation fiscale dans le cadre parlementaire actuel, c'est-à-dire que le Parlement peut trop aisément et trop rapidement modifier les lois fiscales. Au cours des dernières années, que ce soit sous le règne de chanceliers du parti travailliste ou du parti conservateur, le volume de la législation fiscale s'est accru, et de nombreux processus de consultation ont fait l'objet de fortes critiques de la part des professionnels du secteur fiscal.
Pour modifier cet état de choses, il faudrait soit une nouvelle ordonnance limitative de la part du ministère des finances soit de nouvelles procédures au sein du Parlement pour restreindre ou retarder l'interminable flot de nouveaux textes de nature fiscale. Pour l'instant, cependant, les processus consultatifs ne sont pas instaurés par la loi et il existe tant au niveau du gouvernement que du Parlement une forte culture qui estime que le gouvernement élu peut faire ce qu'il veut, quand il veut.
Ressources et compétence
La vaste majorité des parlementaires siégeant dans les Commissions relatives à la loi de finances n'ont donc pas ou très peu de connaissances professionnelles du système fiscal. Certains d'entre eux s'efforcent de saisir les détails. Pourtant, pour les raisons déjà soulignées, les parlementaires qui veulent mener cette tâche à fond rencontrent d'énormes contraintes alors que les incitations politiques sont inexistantes.
Nombreux sont les organismes professionnels représentant les secteurs du conseil fiscal, du droit et des affaires, qui offrent conseils et appui. Cependant beaucoup d'entre eux n'ont pas encore poussé la réflexion assez loin en ce qui concerne les besoins et les détails pratiques auxquels ont à faire face les membres des Commissions relatives à la loi de finances. En outre, ils sont eux aussi absorbés par d'autres tâches et limités par le strict calendrier imposé par le gouvernement.
Il en résulte, une fois encore, que de nombreux débats évitent les aspects trop techniques et se concentrent sur les généralités. Les débats sont dominés par la politique des partis qui rassure les membres du Parlement au lieu de se consacrer à l'analyse détaillée de la question dont la Commission est saisie.
3.2. Contrôle ex post des propositions de mesures fiscales
Le contrôle ex post du Parlement en matière de mesures fiscales est relativement limité, à l'exception d'une analyse systématique qui peut être assimilée à un audit des dépenses.
La loi de finances annuelle offre aux parlementaires la possibilité de se retrouver en terrain connu et d'évoquer tous les aspects du système fiscal. Ainsi, dans une certaine mesure, les contrôles ex ante et ex post de la fiscalité se rejoignent. Mais cela n'est le cas que de manière tout à fait circonstancielle.
Les Commissions spécialisées sur le ministère des finances et la sécurité sociale sont des enceintes potentielles dans lesquelles les parlementaires pourraient se livrer à une analyse de la fiscalité d'une façon qui pourrait être systématique. En effet, l'une de ces Commissions entreprend à l'occasion une enquête sur un domaine fiscal comme par exemple la récente enquête menée par la sous-commission du ministère des finances sur le service des douanes. Ceci a par exemple permis de poser la question stratégique de l'opportunité de la fusion entre les douanes et la direction des impôts.
Cela tend néanmoins à être l'exception et non la règle. En réalité le Parlement n'a pas la possibilité de mener une analyse stratégique du système fiscal que ce soit sur son fonctionnement, l'effet d'une mesure fiscale ou d'un impôt particulier sur l'économie ou la nature des options disponibles pour simplifier l'impôt sur le revenu. Toutes ces tâches sont laissées par défaut au ministère des finances et aux organismes extérieurs comme le projet de réécriture de la législation fiscale (Tax Law Rewrite Project).
Il faut donc réformer radicalement les structures existantes ou en créer de nouvelles si les parlementaires désirent jouer un rôle dans ce domaine.
4. COMMENT LES AUTRES PARLEMENTS EXERCENT-ILS LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE ?
L'expérience des autres pays peut être extrêmement instructive lorsqu'on recherche des idées de réforme pour le Parlement du Royaume-Uni. Nous étudions dans cette section comment les législatures des États-Unis, de la Suède et de la Nouvelle-Zélande contrôlent les budgets de leurs gouvernements. Des éléments sont également tirés de la récente étude de l'OCDE sur l'évolution comparative des budgets et du contrôle parlementaire dans 27 pays 14 ( * ) .
Les États-Unis, la Suède et la Nouvelle-Zélande offrent d'importants enseignements sur les avantages et les problèmes potentiels d'un contrôle du budget amélioré. Ces trois pays sont dotés de systèmes politiques différents et ont récemment entamé des réformes dans ce domaine. Chacun de ces pays a instauré un système différent pour assurer le contrôle législatif tout en tentant (à des niveaux de succès variables) d'éviter l'anarchie législative et l'imprudence fiscale 15 ( * ) .
4.1. Les États-Unis
Le modèle américain devrait nous intéresser en raison de son mémorable slogan révolutionnaire « pas d'imposition sans représentation ». La Constitution américaine a d'ailleurs été spécifiquement conçue pour limiter l'exercice sans frein du pouvoir exécutif qui avait tant exaspéré les colons d'Amérique s'agissant des gouvernements européens. Ce grand potentiel de discorde entre les branches législatives et exécutives américaines est sans aucun doute présent dans le processus budgétaire.
Le Président présente le budget au Congrès, mais les deux Chambres du Congrès sont libres de l'amender. En outre, en raison d'élections à date fixe, il n'y a pas de menace de recourir aux élections en cas de refus d'adopter le budget du Président contrairement à ce qui se passe à la Chambre des communes. Dotés de tels pouvoirs et d'une telle indépendance, la législature américaine a à la fois le motif et l'occasion d'exercer un contrôle rigoureux et significatif. Dans ce modèle, le contrôle ex ante s'apparente presque à l'établissement du budget.
Les différences constitutionnelles entre le Royaume-Uni et les États-Unis peuvent donc laisser supposer que ce modèle n'est d'aucun secours puisque même les acharnés de la réforme politique du Royaume-Uni au sein du parti libéral-démocrate n'ont pas proposé l'introduction de la séparation des pouvoirs. Il existe néanmoins de nombreuses formes hybrides des grands modèles constitutionnels. En raison de son rôle majeur dans le contrôle budgétaire, le Congrès a mis en place des procédures et des ressources, qui sont indépendantes par rapport aux relations constitutionnelles et peuvent donc potentiellement intéresser le Royaume-Uni.
4.1.1. Contrôle ex ante aux États-Unis
Processus
Le Congrès soumet le budget du Président à un intense contrôle à l'aide d'un processus formalisé dans le « Congressional Budget Act » (CBA) de 1974 16 ( * )2 . Ce processus réunit les décisions portant sur les mesures fiscales et les dépenses dans un processus budgétaire qui est beaucoup plus unifié qu'au Royaume-Uni.
Après présentation du projet de budget du Président, le contrôle ex ante débute avec le processus menant à l'adoption de la résolution sur le budget annuel. Cette résolution sert de guide à la Chambre des représentants et au Sénat dans leurs délibérations ultérieures sur les détails du budget.
Le « Congressional Budget Act « (CBA) prévoit que les Commissions du budget du Sénat et de la Chambre des représentants doivent tenir des auditions lorsqu'elles en arrivent au moment de la résolution sur le budget. Le CBA impose la comparaison entre les propositions du Congrès et celles du Président. Les Commissions sur le budget évaluent l'impact macro-économique du budget présidentiel et reçoivent des rapports sur les programmes détaillés de la part des treize sous-commissions qui examinent les dépenses au sein de chaque Chambre et qui couvrent des secteurs de dépenses qui sont grosso modo comparables aux secteurs de dépense du gouvernement britannique. Les sous-commissions amendent les propositions - il peut y avoir jusqu'à 100 amendements -pour tenir compte de ce qu'elles considèrent être les priorités politiques. Après cette intense période de contrôle ex ante qui dure six semaines, la résolution sur le budget fait finalement l'objet d'un rapport de la part des deux Commissions sur le budget. Le débat est alors porté devant la Chambre des représentants et devant le Sénat. Ces deux assemblées votent sur chacun des rapports des Commissions du budget et ensuite sur un rapport de conférences conjoint portant sur la résolution sur le budget. Ce n'est qu'à la suite d'un nouveau rapport des Commissions d'autorisation sur la nécessité d'adopter des textes de conciliation que démarre réellement le processus d'examen de la loi de finances.
Les détails du budget sont exposés dans la loi de finances annuelle. D'après le CBA, les débats sur cette question doivent débuter le 15 mai, soit plus de deux mois après la présentation initiale du Président. Les projets de loi de finances sont étudiés par les deux Chambres du Congrès, adoptés et font ensuite l'objet de conciliation au moyen d'un rapport commun. Le contrôle législatif ex ante se termine donc en théorie entre le 1er juillet et le 30 septembre 17 ( * ) .
Le contraste entre l'intense contrôle du Congrès et l'impuissance du Parlement pourrait difficilement être plus extrême. À la fin du processus américain, le budget initial du Président aura fait l'objet de 73 votes et rapports émanant de Commissions, de sous-commissions, de la Chambre des représentants et du Sénat. Des changements substantiels peuvent avoir visé les sommes et affectations de dépenses du gouvernement. Près de 60 % des votes au Sénat concernent le budget, l'affectation des crédits ou les mesures fiscales 18 ( * ) . D'ailleurs, certains ont dénoncé le caractère excessif des périodes de temps consacrées au budget. Le sénateur Domenici a récemment proposé un projet de loi en faveur d'un système d'examen biennal d'affectation des crédits afin de libérer plus de temps pour l'étude des autres questions.
Ressources
En plus de ressources plus importantes en termes de temps, le Congrès dispose de ressources en personnel bien supérieures à celles de la Chambre des communes pour l'analyse et l'examen des propositions budgétaires. Par exemple 50 personnes sont employées pour assister les membres de la Commission budgétaire du Sénat. Ce personnel réalise des recherches et des résumés à l'intention des sénateurs. Pour la rédaction des amendements et des projets de loi, il est fait appel à l'assistance d'avocats spécialisés.
Le CBA a par ailleurs créé le Bureau du budget du Congrès (CBO) - organisme spécifiquement conçu pour apporter un appui au Congrès dans l'établissement du budget et dans l'exercice de son rôle de contrôle. Ce bureau joue le rôle de contrepartie importante par rapport aux ressources dont dispose le Président en matière budgétaire : le Bureau de gestion du budget et la Commission des conseillers économiques. Ces ressources constituent une part déterminante du processus de contrôle et permettent l'exercice par le Congrès des pouvoirs qu'il détient en théorie en vertu de son statut d'égal du Président.
4.1.2. Contrôle ex post aux États-Unis
Ces importantes ressources ex ante sont complétées par une forte capacité ex post exercée par le Bureau général d'Audit (GAO).
Le Bureau général d'audit a été créé en 1921 en réponse au chaos qui régnait dans les finances publiques à la suite de la première guerre mondiale1. A l'image du Bureau d'audit national, il ne fait pas partie de l'exécutif et est responsable envers la législature. Le GAO moderne emploie 3 200 personnes et dispose d'un budget de 354,2 millions de dollars. Il joue un rôle important en matière de surveillance de l'efficacité des dépenses du gouvernement et de ses succès à remplir les objectifs des mesures adoptées. Les membres du GAO communiquent les informations au Congrès par le biais de rapports (les « blue books ») et de témoignages oraux. Au cours de l'année financière 1999, le GAO a publié 1.163 rapports. Comme preuve de son efficacité à contribuer à ce que la valeur maximale soit tirée des dépenses gouvernementales, le GAO soutient que son action entraîne un bénéfice financier quantifiable de 20,1 milliards de dollars 19 ( * ) .
4.1.3. Enseignements à tirer du modèle américain
En théorie, l'association américaine entre un pouvoir législatif et des ressources fortes et indépendantes constitue un modèle de contrôle budgétaire attractif. Il semble offrir un important avantage, à la fois en termes de légitimité et de responsabilités démocratiques et en termes concrets de découverte et de prévention du gaspillage et de l'inefficacité. Le contrôle législatif du budget tant ex ante qu'ex post fonctionne avec force.
Il y a cependant un aspect négatif. Pour que la législation budgétaire du Congrès puisse avoir force de loi, elle doit obtenir l'accord du Président, qui a un pouvoir de veto s'il a le sentiment qu'elle ne se conforme pas de manière suffisamment étroite à sa présentation initiale et à ses priorités politiques.
Lorsque le Président et la majorité au Congrès appartiennent à des partis différents, l'exercice d'un contrôle législatif intensif et l'adoption d'amendements au budget causent souvent un blocage. Prenons par exemple le conflit entre le Président Clinton et Newt Gingrich et Bob Dole au cours de l'hiver 1995-1996.
M. Clinton a opposé son veto au budget adopté par le Congrès. Le Congrès à majorité républicaine fixa au 13 novembre la date limite de financement du gouvernement fédéral. Les deux parties n'ayant pas été en mesure de conclure un accord, le gouvernement fédéral dut s'arrêter de fonctionner du 14 au 19 novembre 1995 ainsi que du 15 décembre 1995 au 2 janvier 1996 avant que la crise ne soit finalement résolue.
On évalue le coût de ces arrêts de fonctionnement à 1,5 milliards de dollars pour les contribuables américains 20 ( * ) .
L'impasse budgétaire peut également avoir comme effet secondaire malheureux d'encourager une culture d'accords secrets et de projets électoralistes. Pour tenter d'éviter les coûts et les difficultés engendrés par un arrêt de fonctionnement du gouvernement, le Président et les leaders du Congrès appartenant à son parti sont souvent obligés de financer les projets favoris de sénateurs et de représentants pour pouvoir obtenir les majorités requises.
On peut soutenir que le système américain de l'examen ex ante des dépenses est une démonstration des dangers que représente un pouvoir législatif excessif sur les dépenses de l'état. Il faut noter en revanche que la cause fondamentale de ces difficultés n'est pas le contrôle lui-même. Il s'agit plutôt de la nature du système politique américain et de la doctrine constitutionnelle de séparation des pouvoirs. Comme il a été dit plus haut, il serait quasiment impossible dans le système britannique qu'on assiste pendant des mois à un désaccord entre l'exécutif et la législature. Par contre, l'arrêt du gouvernement constitue un rappel utile du fait qu'un trop grand déséquilibre en faveur de la législature peut s'avérer aussi néfaste que la prédominance de l'exécutif que connaît actuellement le Royaume-Uni.
4.2. La Suède
Le système politique suédois est plus proche du système du Royaume-Uni que ne l'est le modèle américain. Comme au Royaume-Uni, le pouvoir exécutif est dirigé par le premier ministre et le cabinet qui proviennent du Riksdag (Parlement).
Ces dernières années, les systèmes de gestion publique ont connu des réformes radicales en Suède. Les difficultés économiques ont donné l'impulsion à ces changements : entre 1991 et 1993 le PNB a chuté de 5 % et le chômage a atteint 13 %. Des déficits majeurs des finances publiques et des augmentations significatives de la dette gouvernementale se sont également produits au cours de cette période.
Pour faire face à cette crise, de nombreuses composantes du secteur public suédois ont fait l'objet de réforme, y compris le processus budgétaire au Parlement. On pensait en effet en Suède que les structures et les procédures existantes avaient eu une importante part de responsabilité dans la détérioration des finances publiques au début des années 1990.
Le système précédent avait été quelque peu chaotique. Lorsqu'il était présenté au Riksdag pour la première fois le budget était incomplet, et le gouvernement proposait les ajouts et amendements majeurs au cours de la période d'adoption qui durait cinq mois. Le débat était normalement axé sur les affectations de crédits individuelles sans beaucoup se préoccuper ou débattre des enveloppes de dépenses globales. Cela a entraîné une prédisposition au dérapage des dépenses totales de l'État au cours de l'examen, représentant souvent près de 0,5 pour cent du PIB 21 ( * ) .
Une Commission d'enquête a été mise sur pied au début des années 1990 pour évaluer le processus budgétaire et étudier les améliorations à lui apporter. Un calendrier contraignant pour l'étude du budget fut adopté et le gouvernement a perdu le pouvoir d'amender ses propres propositions sauf circonstances exceptionnelles.
4.2.1. Contrôle ex ante en Suède
Les nouvelles procédures d'étude du budget peuvent être divisées en trois étapes :
- approbation des dépenses totales du gouvernement au moyen de la loi de politique fiscale de printemps
- approbation du niveau de dépenses de chacun des 27 secteurs de dépenses
- approbation des affectations individuelles dans chacun des 27 secteurs de dépenses
Le gouvernement doit présenter au Riksdag la loi de politique fiscale de printemps avant le 15 avril, soit cinq mois avant le budget. Cette loi fixe un cadre total aux dépenses et recettes du gouvernement.
Par contraste avec le système britannique, il n'y a pas à ce stade de limitation du type d'amendements qui peuvent être débattus et adoptés par le Parlement. En séparant la discussion du niveau global des dépenses publiques des répartitions par ministères, le système suédois crée un climat dans lequel les implications macroéconomiques des politiques peuvent être dissociées des projets et propositions spécifiques.
Après l'adoption de la loi de politique fiscale de printemps au début du mois de juin, le gouvernement propose son budget au Riksdag au plus tard le 20 septembre. Le budget est divisé en 27 secteurs de dépenses et subdivisé en 500 répartitions de crédits distincts. Il doit respecter la limite des dépenses gouvernementales approuvée dans la loi de politique fiscale de printemps, à moins de propositions spécifiques du gouvernement visant à dépasser cette limite. Les membres du Parlement ont jusqu'au 7 octobre pour déposer des amendements. La seule restriction qui s'impose aux amendements est de pas dépasser la limite globale déjà approuvée.
L'accord de répartition des fonds entre les 27 secteurs de dépenses complète la seconde étape de l'approbation parlementaire à la fin novembre. La Commission des finances du Riksdag joue un rôle important dans ce processus en faisant des recommandations sur l'enveloppe globale des dépenses publiques et sur leur répartition entre les secteurs.
Lorsque débute la troisième étape de contrôle parlementaire, le rôle de contrôle de la Commission des finances est directement transféré aux Commissions sectorielles du Riksdag. Les hauts fonctionnaires responsables des organisations gouvernementales sont appelés à justifier leurs demandes de fonds pour l'année à venir. Les Commissions étudient également les résultats qui peuvent être attendus d'affectations spécifiques de crédits.
Lorsqu'une Commission a terminé son examen, elle soumet un rapport au Parlement énumérant les affectations de crédits proposées. Ce rapport peut transférer des crédits d'une affectation à une autre. Cependant on ne peut pas dépasser le montant total alloué à un secteur de dépenses au cours de la deuxième étape. Une telle proposition ne pourrait pas être débattue au Riksdag.
Lorsque toutes les Commissions sectorielles ont produit leur rapport, les recommandations sont examinées et votées par le Riksdag au complet. Le budget de l'exercice budgétaire suivant (qui correspond à l'année civile en Suède) est adopté juste avant les vacances parlementaires de Noël.
4.2.2. Contrôle ex post
Le Riksdag a relativement peu de ressources pour assurer le contrôle ex post. Alors qu'au Royaume-Uni le Bureau d'audit national est une création du Parlement, le plus important auditeur ex post de Suède, le Bureau d'audit national suédois (ou Riksrevisionsverket) est subordonné au ministère des finances et son directeur est nommé par le gouvernement. Disposant d'un personnel de 520 membres 22 ( * ) , il s'occupe de l'audit financier, de l'audit de résultat et de la gestion financière et est chargé de la réalisation des audits annuels de 350 organismes gouvernementaux.
Par comparaison, les auditeurs parlementaires (ou Riksdagen Revisorer) dont le rôle est garanti par la Constitution suédoise ne regroupent que 12 membres du Riksdag, 12 adjoints et 20 collaborateurs. Compte tenu de leurs ressources limitées, les auditeurs parlementaires s'attaquent à des questions générales de principe et de résultat plutôt qu'à des audits financiers détaillés. Ils s'intéressent à l'ensemble des domaines de la politique gouvernementale et leurs rapports sont présentés aux Commissions pertinentes du Riksdag. Le Parlement dans son ensemble débat ensuite de la réponse à apporter.
4.2.3. Enseignements à tirer du modèle suédois
La récente réforme budgétaire suédoise illustre le fait que le pouvoir parlementaire en matière budgétaire ne doit pas obligatoirement entraîner l'augmentation des dépenses publiques. Au contraire, les changements récents ont intégré un système global d'approbations ex ante à des procédures spécifiquement conçues pour contrôler la croissance des dépenses. Cette approche hiérarchique par étape place moins de restrictions sur la capacité des membres du Parlement à proposer des amendements même si dans le processus en trois étapes les amendements ne doivent pas dépasser les limites globales ayant fait l'objet d'un accord préalable. Les travaux des Commissions améliorent néanmoins la capacité des parlementaires à influencer le budget. En outre, la forte tradition culturelle et législative suédoise en matière de liberté de l'information a permis au Parlement d'exercer un contrôle plus significatif qu'au Royaume-Uni.
On reproche cependant aux réformes suédoises de ne pas avoir offert de ressources indépendantes suffisantes au Parlement pour appuyer son examen du budget. Les Commissions du Riksdag dépendent des estimations du ministère des finances lors de l'étude des conséquences des amendements en termes de dépenses. Bien que ces estimations soient généralement dignes de confiance pour les membres du Parlement 23 ( * ) , il y a eu des demandes de création d'un Bureau du budget indépendant (à l'image du CBO américain) pour permettre une plus grande indépendance du contrôle ex ante.
4.3. Nouvelle-Zélande
La Nouvelle-Zélande possède un système de démocratie parlementaire directement inspiré de celui de Westminster qui autorise, à ce titre, les parallèles les plus clairs avec le processus budgétaire du Royaume-Uni. Le principe d'initiative financière de la Couronne a été importé du Royaume-Uni et sanctionné par la loi constitutionnelle (1986) et la loi sur les finances publiques (1989), bien qu'il ait été légèrement atténué en 1996.
Tout comme la Suède, la Nouvelle-Zélande a été à la tête des récentes réformes des procédures parlementaires. Des problèmes similaires, des déficits persistants et une gestion macro-économique déficiente ont fourni l'impulsion nécessaire à des réformes institutionnelles. L'intention de base de ces changements était de créer une structure institutionnelle apte à la responsabilité fiscale et à la fourniture de services publics à la fois efficaces et bien gérés. L'accession de la Nouvelle-Zélande au système proportionnel et à des gouvernements minoritaires ou de coalition a également contribué à rendre le processus budgétaire plus ouvert 24 ( * ) .
4.3.1. Contrôle ex ante en Nouvelle-Zélande
La loi de responsabilité fiscale (1994) oblige l'exécutif à produire plusieurs rapports au cours du cycle budgétaire. Dans la déclaration de politique budgétaire (devant être présentée au plus tard le 31 mars), l'exécutif doit divulguer ses grands objectifs stratégiques, ses intentions fiscales pour les trois prochaines années et les objectifs de sa politique fiscale à long terme. Le gouvernement doit en outre indiquer la cohérence de ses projets avec les principes de saine administration des finances publiques énoncées dans la loi :
- la dette totale de l'État doit être ramenée à des niveaux prudents ;
- maintien une fois atteint des niveaux prudents pour la dette de l'État ;
- atteindre des niveaux d'actif net de l'État qui offrent une marge de manoeuvre contre les aléas ;
- gestion prudente des risques encourus par l'État.
Bien que les définitions figurant dans la loi de responsabilité fiscale (FRA) soient nécessairement imprécises, elles offrent une sorte de repère législatif pour l'évaluation des projets du gouvernement. La loi de responsabilité fiscale oblige le gouvernement à publier un rapport de stratégie fiscale lors de la présentation du budget (aux alentours du mois de mai/juin pour un exercice budgétaire qui débute le 1er juillet). Ce document étudie si la mise à jour économique et fiscale (prévisions sur trois ans présentées au moment du budget) correspond aux projets de mesures fiscales à court terme du gouvernement.
Mises bout à bout, ces exigences en matière de fourniture de rapports permettent d'offrir aux législateurs et au public intéressé des informations ex ante de valeur sur les orientations de l'exécutif en ce qui a trait aux mesures fiscales et aux dépenses.
À côté de ces améliorations en matière d'information, la Nouvelle-Zélande a également développé un solide système de contrôle parlementaire du budget. Lorsque le budget est présenté (au 1 er juillet) les états prévisionnels des propositions de dépenses du gouvernement sont également présentés à la Chambre des représentants. Les états provisionnels contiennent beaucoup plus d'informations qu'au Royaume-Uni sur le motif des dépenses et leur lien avec les objectifs politiques.
Ces états prévisionnels et les répartitions individuelles qu'ils contiennent peuvent ensuite être soumis à un processus de révision et d'examen de la part des Commissions spécialisées. La Commission sur les finances et les dépenses peut décider d'examiner elle-même un poste budgétaire particulier ou elle peut renvoyer la question pour examen à une autre Commission pertinente. Un questionnaire à remplir sur les états prévisionnels est remis à chaque responsable. Les Commissions spécialisées ont l'obligation de faire rapport à la Chambre dans les deux mois de la présentation du budget. Un processus semblable est utilisé pour l'examen des états prévisionnels supplémentaires. Les Commissions spécialisées examinent également la performance du gouvernement et la fourniture de services dans la phase postérieure, chacune des Commissions spécialisées ayant alors l'obligation de produire un rapport avant le premier jour de session de chaque armée civile.
La modification de l'initiative financière de la Couronne a été l'évolution la plus importante dans le domaine du contrôle ex ante en Nouvelle-Zélande. Comme nous l'avons montré, dans le système parlementaire britannique la procédure n'offre aux parlementaires qu'une marge de manoeuvre très restreinte pour amender le budget. Les amendements visant à augmenter les dépenses sont contraires au règlement mais également les amendements visant à transférer des crédits entre différentes lignes budgétaires. En réalité les députés ne peuvent adopter que des résolutions visant à réduire des répartitions de crédits. Cela est désormais en très nette opposition avec les options qui s'offrent aux parlementaires de Nouvelle-Zélande.
Le nouveau règlement intérieur introduit en février 1996 accorde aux membres de la Chambre des représentants des pouvoirs beaucoup plus larges pour amender le budget. Les amendements budgétaires peuvent dorénavant augmenter les dépenses et effectuer des transferts entre lignes budgétaires. Afin d'éviter l'anarchie législative et une gestion imprudente des finances publiques, l'exécutif a reçu un «veto en matière financière ». Le gouvernement peut utiliser ce veto à l'égard de tout texte législatif s'il estime que ce texte pourrait avoir une « incidence substantielle » sur les montants fiscaux globaux de l'État 25 ( * ) , tels que :
- les dépenses totales de fonctionnement
- les recettes totales de fonctionnement
- le solde entre les dépenses totales et les recettes totales de fonctionnement de l'État
- le niveau de la dette totale de l'État
- la valeur nette de l'État
Lors de l'étude des états prévisionnels, un certificat de veto peut être émis lorsqu'un amendement pourrait avoir une « incidence substantielle » sur la composition d'une ligne budgétaire. Dans tous les cas d'utilisation potentielle du droit de veto, le gouvernement détermine ce qui constitue une « incidence substantielle ». Par contre son explication doit résister à un débat et à un contrôle publics. Le certificat émis doit préciser pourquoi le gouvernement estime que la proposition faisant l'objet d'un veto pourrait affecter les finances ou les dépenses de l'État ainsi que les motifs du veto. Lorsqu'une proposition a été frappée d'un veto elle n'est plus à l'ordre du jour et ne peut plus être mise au vote. En revanche, pour empêcher un usage irresponsable du droit de veto financier par le gouvernement, la justification de l'utilisation du veto peut être débattue lors de l'examen par la Chambre du texte législatif concerné.
Bien que ces réformes soient relativement récentes, il semble que les nouvelles procédures soient utilisées de manière responsable par l'ensemble des parties au processus budgétaire. La Nouvelle-Zélande n'a pas connu la détérioration de sa situation fiscale que certains attendaient lors du passage à la représentation proportionnelle. Les gouvernements n'ont pas fait un usage immodéré de leurs certificats de veto - ils n'ont été utilisés que quatre fois seulement entre 1996 et 1999 (une fois pour un projet de loi privé en 1997 et trois fois pour des amendements de l'opposition en 1998).
Le nouveau système mis en place en Nouvelle-Zélande représente une subtile redistribution du pouvoir en matière financière. Le pouvoir de veto reste aux mains de l'exécutif et constitue une forte réitération de l'initiative financière de la Couronne pour les questions fondamentales. Par contre, ce pouvoir est davantage soumis au contrôle des représentants élus par le biais des réformes qui ont autorisé les amendements aux propositions de dépenses.
4.3.2. Contrôle ex post en Nouvelle-Zélande
Le contrôle ex post de ce processus est effectué par le Bureau d'audit, dirigé par le contrôleur et auditeur général. Comme pour le Bureau d'audit national, le Bureau d'audit a été créé spécialement par le Parlement néo-zélandais et il est juridiquement indépendant du gouvernement.
Le Bureau d'audit détient des pouvoirs et des responsabilités étendues car il est l'auditeur de près de l'ensemble des organisations du secteur public. Il est responsable de plus de 3800, aux organes différents (y compris plus de 2600 écoles). Les enquêtes du Bureau d'audit étudient l'efficacité et la probité des organes publics et cherchent à minimiser le gaspillage et à faire en sorte que les ressources soient utilisées suivant l'intention du Parlement. Ses constatations sont communiquées par le biais de :
- Rapport parlementaire provenant d'audits spécifiquement menés ;
- Rapport d'audit et d'assurance - audit annuel des comptes de chacune des organisations du secteur public.
Le Contrôleur et auditeur général apportent également un certain appui lors de l'examen des propositions budgétaires fait par les Commissions spécialisées. Le Bureau d'audit apporte donc ainsi une forme de limitée d'assistance ex ante à la législature.
4.3.3. Enseignements du modèle néo-zélandais
La Nouvelle-Zélande a exercé une influence majeure sur les décideurs politiques britanniques dans de nombreux aspects de la politique économique au cours de la dernière décennie. De la création d'une banque centrale indépendante à l'introduction de la comptabilité emploi-ressources, la Nouvelle-Zélande a montré la voie en matière de réformes fondamentales.
Ces réformes du contrôle parlementaire du budget sont particulièrement pertinentes pour le Royaume-Uni en raison des similarités des modèles de démocratie parlementaire et de la tradition de l'initiative financière de la Couronne. Dans ce domaine, les réformes néo-zélandaises ont été innovantes et subtiles, atteignant l'équilibre entre le désir marqué de maintenir la stabilité macro-économique et financière tout en soumettant les budgets à un plus grand contrôle. L'évolution la plus intéressante est sans doute d'avoir autorisé les parlementaires à soumettre des amendements avec comme contrepoids le concept de veto financier.
Le manque de ressources significatives à la disposition des membres de la Chambre des représentants pour les assister dans l'examen du budget demeure la principale faiblesse du système néo-zélandais actuel. Il n'y a pas en Nouvelle-Zélande d'équivalent du CBO américain. Cela limite la capacité d'exercice d'un contrôle effectif par la Chambre. Bien que les Commissions spécialisées puissent faire enquête sur des lignes budgétaires particulières et interroger les ministres, le niveau d'aide spécialisée qu'il faudrait pour rendre ce processus réellement incisif leur fait défaut. Ce manque de soutien technique a sans doute encouragé des amendements et des recommandations exagérément politiques, comme la réduction d'une ligne budgétaire concernant le salaire d'un ministre, au lieu de permettre aux parlementaires de se concentrer sur le meilleur usage possible des deniers publics.
4.4. Comparaisons internationales
La relative impuissance de la Chambre des communes en matière de contrôle budgétaire est apparue immédiatement à la lumière de la situation régnant dans chacun des trois pays avec lesquels nous avons comparé le Royaume-Uni. Même dans le cas de la Nouvelle-Zélande, pays qui est le plus proche du modèle de gouvernement de Westminster, les évolutions récentes pour assurer un suivi plus étroit du processus d'établissement du budget, améliorer l'information et remplacer l'initiative financière de la Couronne par une forme atténuée qui est celle du veto financier, sont en train de transformer les potentialités du contrôle budgétaire.
Nous n'avons pas uniquement choisi les trois pays qui soutiennent le mieux notre thèse : la législature joue un rôle plus actif en matière de contrôle budgétaire dans d'autres pays également. L'enquête de l'OCDE sur la façon dont 27 pays établissent leur budget est la plus récente et la plus complète 26 ( * ) . Cette enquête pose une série de questions relatives au pouvoir de la législature dans le processus d'établissement du budget et au type de méthodologie comptable employée pour préparer les rapports financiers du secteur public. Dans cette section, nous avons tenté de présenter certains des résultats de cette enquête sous forme de tableaux. Sans surprise, il existe de larges variations entre les pouvoirs respectifs des différents Parlements. Les résultats de toute enquête de ce genre doivent être accompagnés des mises en garde appropriées soulignant par exemple qu'elles peuvent ne pas arriver à rendre compte de la culture et des conventions politiques qui sont souvent si importantes dans un travail comparatif.
L'enquête de l'OCDE appuie néanmoins notre principale affirmation qui est que le Parlement britannique est à la traîne de nombreux autres Parlements en ce qui concerne la capacité à contrôler et à modifier la politique fiscale.
Question |
OUI |
NON |
||
Y-a-t-il des restrictions légales du pouvoir de la législature de modifier le budget proposé ? |
13 pays , dont : Australie, Canada, France, Irlande, Italie, Nouvelle-Zélande, Espagne et R-U |
14 pays , dont : Allemagne, Autriche, Danemark, Finlande, Japon, Norvège, Pays-Bas, Suède et États-Unis |
||
Un vote sur le budget est-il considéré comme un vote de censure ? |
4 pays : Australie, Canada, Nouvelle- Zélande et R-U |
23 pays , dont : Allemagne, Autriche, Danemark, France, Italie, Japon, Espagne, Suède et États-Unis |
||
La législature vote-t-elle sur le montant total des recettes/dépenses avant de voter sur les montants détaillés ? |
11 pays , dont : Canada, France, Italie, Norvège, Espagne, Suède et États-Unis |
16 pays , dont : Allemagne, Australie, Danemark, Japon, Nouvelle-Zélande et R-U |
||
Y a-t-il un organe de recherche spécialisé lié à la législature pour les analyses du budget ? |
7 pays , dont : Italie, Japon, Suède et E-U |
20 pays , dont : Allemagne, Australie, Canada, Danemark, France, Nouvelle-Zélande, Espagne et R-U |
||
Question |
Réponses |
|||
En pratique, la législature approuve-t-elle généralement le budget présenté par le Gouvernement ? |
Oui - sans changement |
Oui - mais avec changements mineurs |
Non - changements significatifs |
|
6 pays , dont : Australie, Canada, Japon, Nouvelle-Zélande et RU |
17 pays , dont : Allemagne, France, Italie, Espagne et Suède |
4 pays : République Tchèque, Danemark, Hongrie et E-U |
||
Note : Les cases ombrées identifient les réponses qui indiquent des législatures plus interventionnistes |
Les éléments de cette enquête sont présentés de façon objective par l'OCDE sans ajout de commentaires. Nous ne présenterons pas les nôtres mais nous utiliserons une citation de M. Bruce George, membre du Parlement, président de la Commission spécialisée sur la défense, lorsqu'il s'exprimait sur ces questions devant la Commission spécialisée sur la procédure 27 ( * ) :
« Si vous faites un classement des législatures exerçant des pouvoirs avec à une extrémité le Congrès américain et à l'autre extrémité l'ex soviet suprême ou les Parlements d'Arabie Saoudite ou du Koweït, je dirais que nous sommes sans doute plus proche de la seconde extrémité que de la première lorsqu'il s'agit de l'influence et du pouvoir du Parlement. »
« La leçon que nous n'avons pas apprise contrairement à nos grands-parents, nos arrières arrière-grands-parents et ainsi de suite jusqu'à la période médiévale, c'est que lorsque vous contrôlez les finances, vous contrôlez également les têtes et les coeurs et tout vient de surcroît. »
5. RÉFUTATION DU STATU QUO
Avant d'exposer nos propositions de réformes, il est temps de se livrer à une révision critique des fondements de notre thèse. Bien qu'il puisse être aisément accepté que le système du Royaume-Uni soit beaucoup moins démocratique et le Parlement de Westminster beaucoup plus faible qu'on ne le croît, on peut toujours soutenir que cela n'est pas important. Si, par exemple, les résultats économiques et financiers ne sont pas manifestement nuisibles pour le pays, le problème n'est peut-être pas vraiment sérieux.
Nous considérons au contraire que le manque de démocratie du système britannique est une raison suffisante pour entreprendre des réformes radicales. Nous croyons également qu'il y a en jeu beaucoup plus qu'une simple amélioration de la comptabilité. Les avantages potentiels pourraient inclure d'importantes améliorations économiques et fiscales, provenant de l'accumulation des effets des réformes, en termes d'amélioration de la rentabilité, de l'efficacité et de la prise en compte des intérêts premiers des contribuables dans le cadre des mesures fiscales et des dépenses du gouvernement britannique.
Cependant la preuve de l'existence de tels avantages sera difficile à apporter, même en ayant recours à des analyses comparatives sophistiquées. Des recherches supplémentaires pourraient contribuer à établir de telles revendications. Plus modestement, nous cherchons ici à répondre franchement à l'argumentation opposée. Si l'on peut démonter l'ensemble des arguments en faveur du statu quo, les raisons d'entreprendre des réformes basées uniquement sur des motifs démocratiques s'en trouveront renforcées.
5.1. Efficacité économique
Le gouvernement britannique gère peut-être le budget de la manière la plus efficace possible en termes économiques. On pourrait soutenir que la relative santé fiscale actuelle du Royaume-Uni montre que notre système n'est pas si mauvais. On pourrait avancer que les intérêts du contribuable sont bien desservis puisque le niveau de prélèvement fiscal du Royaume-Uni est relativement faible par rapport à la plupart des autres pays européens. On pourrait indiquer de nombreux exemples de découverte de gaspillage grâce au système britannique et où les dépenses du gouvernement connaissent une bonne rentabilité.
Cette argumentation est cependant fondamentalement anti-historique. Notre système actuel de contrôle a produit aussi bien des périodes de crise fiscale que le succès relatif des dernières années. Le fardeau fiscal du Royaume-Uni a largement fluctué, passant selon les époques d'un niveau inférieur à un niveau supérieur à celui des autres pays européens. Il n'a jamais été de manière durable au niveau le plus bas parmi les pays de l'OCDE. Il n'est pas du tout assuré que le modèle de faible fiscalité et de faibles dépenses réponde aux aspirations des gens ou permette d'accéder à une économie plus forte à moyen terme. Au contraire, il y a d'autres pays qui réussissent sur le plan économique et dont les législatures jouent un rôle actif dans le processus budgétaire en lui donnant la légitimité démocratique et l'efficacité. Cela va de pays ayant des systèmes politiques très différents comme les États-Unis à des pays ayant des systèmes de type britannique comme la Nouvelle-Zélande.
5.2. Blocage et politique électoraliste
Inversement, on pourrait soutenir qu'un modèle où le législatif exerce un fort contrôle financier entraîne des blocages et des politiques électoralistes, comme cela a été constaté aux États-Unis. L'on peut également avancer que lorsqu'on pousse la législature à s'impliquer davantage en matière de dépenses et de mesures fiscales on court le risque de remplacer la dictature de l'exécutif par l'anarchie législative et dans ce cas les politiques électoralistes et les arrangements représentent un prix élevé pour l'exercice d'une vraie démocratie.
L'abandon du modèle de «dictature de l'exécutif» dans le cadre de l'établissement du budget ne conduit cependant pas forcément à l'adoption du modèle « d'anarchie législative ». Il y a plusieurs paliers entre ces deux extrêmes qui permettent d'éviter les coûts associés au blocage du processus et aux politiques électoralistes et de recueillir les avantages du contrôle et de la transparence. Il est évidemment possible d'atteindre un système plus équilibré comme en témoignent les exemples de la Suède ou de la Nouvelle-Zélande. En outre, tant que l'exécutif siège au Parlement et qu'il n'y a pas de séparation des pouvoirs de type américain, le danger que représentent les politiques électoralistes est moins immédiat.
5.3. La Politique plutôt que le budget (l'option fonction publique)
Il existe une objection plus profonde et plus subtile au changement. Pour celle-ci, le système actuel permet aux ministres et aux parlementaires de se concentrer sur les questions politiques - les grandes orientations - alors que les fonctionnaires s'occupent des budgets détaillés.
La politique est, après tout, le domaine de prédilection des politiciens alors que les fonctionnaires sont formés pour la mise en oeuvre et donc pour vérifier si le financement d'un projet est suffisant et si les fonds sont régulièrement utilisés. C'est pourquoi, dans le cadre du système actuel, les secrétaires permanents des ministères sont délibérément chargés de la responsabilité du budget de leurs ministères en tant que principaux responsables des comptes à la place des ministres.
On considère donc qu'il est tout à fait logique de rendre les exécutants responsables des finances, puisqu'on ne peut pas attendre d'un ministre qu'il surveille le fonctionnement financier d'un ministère, notamment au regard de leur complexité actuelle.
Soutenir que les parlementaires devraient se concentrer sur la politique et non sur les finances, comme le considère « l'option fonction publique », est d'un côté très séduisant pour les parlementaires. Comme le dirait sir Humphrey, cela revient à affirmer, « bien sûr s'ils veulent s'occuper des finances les parlementaires peuvent le faire, mais c'est très ennuyeux, vous savez. Vous n'avez qu'à nous dire ce que vous voulez et combien d'impôt vous voulez lever et nous nous occuperons des détails. » On dit effectivement aux parlementaires de n'exercer le contrôle financier qu'à travers le contrôle politique.
C'est à la suite de ce type de raisonnement que se poursuit le simulacre actuel qui tient lieu de système d'octroi des crédits budgétaires, qui doit être d'ailleurs autant rigide et improductif pour les fonctionnaires qu'inutile pour un contrôle parlementaire significatif. Nous croyons fermement que la fonction publique préférerait à terme un système de contrôle financier des parlementaires ex ante et ex post plus rigoureux. Cela voudrait dire que les heures de travail consacrées à la réalisation d'états prévisionnels auraient effectivement une finalité et représenteraient des avantages pour le Parlement et les contribuables et cela signifierait également que les parlementaires devraient se pencher sur les priorités budgétaires. L'idée qu'il faille privilégier la politique plutôt que les budgets a néanmoins été partagée par de nombreux adeptes de la réforme parlementaire dans le passé. Les commentateurs qui partagent nos inquiétudes sur le manque de contrôle financier ont toujours soutenu que les Commissions spécialisées étaient la solution car elles se concentrent sur l'analyse des politiques stratégiques à moyen terme.
Nous sommes certes en faveur d'une plus grande participation des Commissions spécialisées à l'analyse du budget. En revanche limiter la réforme aux Commissions et ne pas mettre un terme à la fausse division entre politique et budget serait une profonde erreur. Les anciennes conventions qui séparent les orientations et les finances doivent disparaître : les ministres devraient jouer dans leur budget un rôle beaucoup plus actif ex ante et ex post, et être responsables à ce titre devant le Parlement. Les orientations politiques et leurs conséquences financières ne devraient jamais être séparées.
Réformer plus radicalement, c'est après tout une idée plus pratique que jamais. Les obstacles à une réelle responsabilité financière comme le manque d'information significative et l'établissement de budget à long terme disparaissent rapidement. Les autres Parlements nous montrent comment nous pouvons réformer la situation. La réforme peut amener des systèmes beaucoup plus aptes à une planification financière et des modèles financiers flexibles mais transparents qu'on retrouve dans les sociétés les plus importantes. Les méthodes modernes utilisées dans le secteur commercial conjuguées aux technologies de l'information modernes rendent cela possible.
6. FAIRE DU PARLEMENT LE DÉFENSEUR DES CONTRIBUABLES
6.1. Réforme du contrôle ex ante des dépenses
A. Ressources nouvelles - Bureau des contribuables au service du Parlement
Proposition 1 : Création du Bureau des contribuables (OfTax) :
- Pour offrir des conseils indépendants aux parlementaires et aux Commissions spécialisées dans le contrôle des dépenses et des propositions de mesures fiscales du gouvernement ;
- Dirigé par le «Contrôleur général des contribuables» (Taxpayers' Investigator General) nouveau fonctionnaire de la Chambre des communes, disposant des plus hautes autorisations d'accès aux documents gouvernementaux.
L'étape sans doute la plus significative de toute réforme du contrôle ex ante des dépenses et des mesures fiscales serait constituée par une énorme amélioration des ressources spécialisées offertes aux parlementaires pour l'analyse de tous les aspects des propositions budgétaires. C'est ce que propose la réforme instituant un « Bureau des contribuables ».
Dans la section 2, paragraphe 2.1.2, nous avons étudié les faiblesses des ressources actuellement mises à la disposition des parlementaires pour l'exercice du contrôle budgétaire, pour conclure qu'il y avait un besoin en ressources spécialisées et exclusives. L'expérience internationale étudiée dans la section 4 a également révélé qu'un organisme exclusivement consacré à l'analyse du budget représentait le meilleur type de ressources parlementaires.
Des solutions ont été proposées par le passé à ce problème majeur de ressources. En 1999, par exemple, la Commission spécialisée sur la procédure a fait des recommandations visant soit à établir un panel spécialisé de consultants, un Bureau des états prévisionnels, soit à confier davantage de responsabilités à la Commission des finances 28 ( * ) . Les libéraux démocrates ont récemment proposé de créer un organisme appelé Commission sur les états prévisionnels de ressources 29 ( * ) Dans les deux cas un tel organisme serait directement responsable devant la Chambre des communes, comme pour le Bureau d'audit national, et devrait faire rapport sur les états prévisionnels à la Chambre, aux Commissions spécialisées ministérielles et aux parlementaires individuels.
Notre proposition d'un « Bureau des contribuables » se fonde sur ces idées et ces analyses, mais va beaucoup plus loin. Ce Bureau aurait en particulier des attributions beaucoup plus larges et serait beaucoup plus important que ne l'envisagent les propositions précédentes.
Le Bureau des contribuables couvrirait premièrement tous les aspects du budget proposé par le gouvernement au nom du contribuable. Le Bureau des contribuables serait habilité à examiner les propositions gouvernementales en matière de dépenses, de mesures fiscales ou d'emprunts. Les ministres ne pourraient pas proposer de mesure créant des engagements ou des charges potentielles pour les contribuables sans que le Bureau des contribuables n'en soit informé et qu'il puisse l'examiner. Par exemple, des cas comme la récente affaire d'indemnités gouvernementales secrètes accordées au dôme du millénaire ne pourraient échapper à l'avenir à un examen adéquat.
Deuxièmement, le Bureau des contribuables serait juridiquement indépendant à l'égard du gouvernement ainsi que de toute interférence politique. Le statut constitutionnel du Bureau des contribuables serait inspiré de celui du Bureau d'audit national créé en 1983 par la loi d'audit national.
Le statut du Bureau des contribuables ne pourrait cependant pas être identique à celui du Bureau d'audit national. Premièrement les attributions du Bureau des contribuables seraient distinctes de celles du Bureau d'audit national et seraient axées sur un rôle ex ante plutôt que ex post de la fonction d'audit. Deuxièmement, le rôle du Bureau des contribuables serait inévitablement plus politique puisqu'il s'intéresserait aux mesures actuelles du gouvernement. Le défi sera d'assurer l'indépendance et l'impartialité du Bureau des contribuables tout en lui permettant de répondre avec flexibilité aux demandes et aux besoins des parlementaires qui participent au contrôle budgétaire.
Le Bureau des contribuables doit être dirigé par une personnalité très expérimentée à l'autorité comparable à celle du contrôleur et auditeur national qui dirige le Bureau d'audit national. On pourrait désigner cette fonction sous le titre de Contrôleur général des contribuables. Ce poste serait pourvu sur la base d'une recommandation de la Chambre et cette nomination ne serait confirmée qu'après un vote des deux Chambres du Parlement.
Le Contrôleur général des contribuables devra disposer de pouvoirs et d'un budget comparables à ceux du Contrôleur et auditeur général. Le Contrôleur général des contribuables aura les plus hautes autorisations en matière de sécurité et d'accès à tous les documents. Aucune dérogation ne lui sera opposée par exemple dans le cadre de législation sur la liberté de l'information mais le Contrôleur général des contribuables devra traiter les informations confidentielles de manière appropriée.
La loi instituant le Bureau des contribuables donnera au Contrôleur général des contribuables un pouvoir discrétionnaire dans l'exercice des fonctions du Bureau des contribuables. Tout parlementaire pourra faire des demandes d'appui et de conseil au Bureau des contribuables mais le pouvoir décisionnel final en la matière appartiendra au Contrôleur général des contribuables.
Avec une telle autorité et de tels pouvoirs accordés par la loi, le Bureau des contribuables sera en mesure d'assister les parlementaires et le public en général dans les efforts visant à soumettre les propositions de dépenses et de mesures fiscales du gouvernement à un réel contrôle.
Nous espérons que le personnel du Bureau des contribuables sera composé de professionnels de haut niveau provenant à la fois des secteurs public et privé. Nous espérons que le Bureau des contribuables disposera des ressources les plus modernes permettant la réalisation de modélisations en matière de propositions budgétaires gouvernementales et d'alternatives potentielles.
Nous croyons que le Bureau des contribuables pourrait, même si aucune autre proposition de cette étude n'était acceptée, représenter une transformation fondamentale de la capacité du Parlement en matière de contrôle budgétaire.
B. Nouvelles Procédures - Impliquer le Parlement dans le processus budgétaire
Proposition 2 : Projet de loi de finances parlementaire visant à réformer le processus d'octroi des crédits budgétaires en :
- Incitant les membres du Parlement à examiner les projets budgétaires en les dotant de nouveaux pouvoirs pour amender le budget, en remplaçant l'initiative budgétaire de la Couronne par un système de droit de veto gouvernemental et en mettant un terme à la convention constitutionnelle suivant laquelle un amendement aux prévisions budgétaires serait automatiquement un vote de censure ;
- Obligeant les parlementaires siégeant dans les Commissions spécialisées à faire rapport au Parlement s'agissant des projets de budgets et des Accords de service public ;
- Habilitant les parlementaires et les Commissions spécialisées à proposer des amendements pour des « transferts » de crédits neutres et des augmentations de dépenses ;
- Impliquant directement les députés dans le débat budgétaire préalablement à sa finalisation dans le cadre du calendrier du nouveau budget, par la réforme du processus d'octroi des crédits budgétaires.
- Révisant radicalement le règlement intérieur du Parlement en dotant d'une base législative les instructions relatives au budget.
De nouvelles procédures doivent à la fois encourager et forcer les parlementaires à se focaliser sur le contrôle budgétaire. Il faut qu'il y ait de nouvelles incitations et de nouvelles obligations pour que les parlementaires consacrent du temps à la compréhension des détails du budget, c'est-à-dire une approche proposant carotte et bâton pour « mettre les parlementaires au service des deniers publics ». Avec les nouvelles ressources proposées plus haut et l'amélioration de l'information proposée plus loin, les parlementaires n'auront plus d'excuses pour ne pas travailler davantage au service des contribuables.
Ces nouvelles procédures vont inévitablement entraîner une réforme fondamentale du système actuel d'octroi des crédits budgétaires pour le relier plus étroitement au processus réel d'établissement du budget qui est actuellement mené au cabinet et au gouvernement. En outre, pour s'assurer que le gouvernement en place ne va pas tenter de réduire et de contourner ces nouveaux pouvoirs parlementaires, il faudrait donner une base législative au nouveau système d'octroi des crédits budgétaires. Cela demanderait une révision majeure du règlement intérieur de la Chambre des communes.
Inciter les parlementaires à passer le budget au crible
Si les parlementaires doivent consacrer un temps précieux pour saisir les détails du budget, il faut les inciter à le faire. La possibilité de réaliser un gain politique doit être l'incitation fondamentale. Un tel prestige politique ne peut vraiment provenir que de la réalisation d'un changement dans un programme de dépenses ou de mesures fiscales ou d'une tentative de changement qui susciterait l'intérêt des médias.
En fonction des règles actuelles, les parlementaires ne peuvent proposer que des réductions des dépenses ou des mesures fiscales. Ils ne peuvent pas, par exemple, proposer de « transferts » de dépenses entre différentes priorités. Malgré l'existence de quelques ruses permettant de tourner ce système rigide, cette règle a effectivement permis de réduire la participation parlementaire. Il faut développer de nouveaux pouvoirs d'amendement des programmes budgétaires allant des budgets prévisionnels aux propositions de dépenses sur trois ans. Cela constituerait un changement radical et exigerait deux changements majeurs dans la pratique et l'interprétation constitutionnelles actuelles.
Il faudrait premièrement se débarrasser de la convention constitutionnelle qui transforme un amendement au budget prévisionnel en vote de censure. Cette convention est basée sur la notion que l'exécutif est incapable de commander une majorité ou de gouverner adéquatement s'il ne parvient pas à faire passer son budget. Mais la convention est une interprétation extrême de cette idée et la conserver empêcherait l'introduction d'amendement significatif du budget. Pour permettre le retrait de cette convention, la loi de finances parlementaire proposée devrait prévoir un mécanisme de résolution des litiges budgétaires entre le Parlement et l'exécutif. Un tel mécanisme serait rarement employé lorsqu'un gouvernement jouirait d'une majorité. Par contre en l'absence de majorité au Parlement, il pourrait être déterminant pour permettre à la Chambre de participer activement au processus budgétaire et pour prévenir l'instabilité.
Il faudrait deuxièmement réformer la doctrine quasi constitutionnelle du droit absolu de la Couronne en matière financière (Article 48 du règlement intérieur). Là encore, cette règle pourrait effectivement empêcher une participation parlementaire directe au niveau des propositions de dépenses et de mesures fiscales. En s'écartant de la version absolutiste de l'initiative de la Couronne en matière financière, il ne s'agit en aucun cas d'affaiblir la position de la Couronne en tant qu'initiateur principal du budget. Cela donnerait par contre aux Commissions et aux parlementaires certaines incitations pour effectuer un réel contrôle budgétaire en utilisant les ressources du Bureau des contribuables.
Pour remplacer l'initiative de la Couronne en matière financière, nous proposons l'introduction d'un système de « veto financier » semblable à celui qui a été introduit en Nouvelle-Zélande en 1996 (voir section 4). Un système de « veto financier » permettrait pour la première fois aux parlementaires de proposer des amendements qui ne se limiteraient pas à des réductions de dépenses mais viseraient également à l'augmentation ou au transfert des dépenses. Par contre, de telles propositions pourraient, dans certaines circonstances, faire l'objet d'un veto du gouvernement sans recours au vote.
Une proposition de dépenses d'origine parlementaire pourrait figurer dans un nouveau projet de loi [comme un projet de loi sur l'initiative d'un parlementaire individuel] ou dans un amendement à un projet de loi existant ou à une proposition de changement d'un chapitre dans un budget prévisionnel. La proposition de dépenses pourrait provenir du rapport d'une Commission spécialisée sur un budget prévisionnel par le biais d'une résolution proposant un changement budgétaire ou sur l'initiative d'un parlementaire. L'octroi de tels pouvoirs aux parlementaires, assistés par des conseils et des modélisations réalisées par le Bureau des contribuables, permettrait de modifier radicalement l'équilibre existant entre l'exécutif et la législature.
Pour éviter que les parlementaires n'abusent de ces nouveaux pouvoirs et ne nuisent à la stabilité fiscale et macro-économique, le gouvernement serait habilité à rejeter les propositions de dépenses déstabilisatrices en présentant un certificat de veto financier au Parlement. Un certificat de veto ne pourrait être mis au vote ou être renversé bien qu'il puisse faire l'objet d'un débat.
Comme dans le cas de la Nouvelle-Zélande, nous croyons que l'utilisation du veto financier par l'exécutif devrait être restreinte. En Nouvelle-Zélande, l'utilisation est limitée aux textes législatifs qui auraient « une incidence substantielle » sur les totaux fiscaux de la Couronne. Cela est cependant trop restrictif à beaucoup d'égards. C'est pourquoi, nous proposons de limiter son usage aux propositions de dépenses qui « mettraient en péril de façon significative la stabilité financière du gouvernement ». Il faudrait prévoir dans une disposition explicite que le veto ne pourrait être utilisé lorsque les amendements sont neutres au regard des recettes, c'est-à-dire qu'il s'agit de propositions de transfert de crédit qui font passer des dépenses d'un chapitre budgétaire à un autre.
La dynamique d'encouragement pour que les parlementaires s'intéressent aux budgets prévisionnels pourrait être très puissante. Les ministres devraient défendre les détails de leur budget ce qui est extrêmement inhabituel à l'heure actuelle et pourrait en soi entraîner de réels avantages. Pour que les ministres puissent défendre leurs budgets ils devraient être renseignés, ce qui amènerait les hauts fonctionnaires à avoir à une meilleure connaissance de leurs budgets. Les groupes externes réagiraient naturellement à une telle modification du processus, tout comme les médias. Le débat sur le budget du gouvernement deviendrait réel, informé et actif au lieu des stériles échanges de statistiques actuels.
Obliger les parlementaires à exercer un contrôle budgétaire
La contrepartie d'une augmentation des pouvoirs et des libertés accordés aux parlementaires pour proposer des amendements au budget est d'exiger qu'ils se comportent de manière responsable. Des amendements budgétaires qui ont été bien préparés et qui ont obtenu l'appui de différents partis politiques sont de toute façon mieux à même d'emporter l'adhésion de la Chambre et de persuader le gouvernement. Les commissions ministérielles spécialisées constituent les organes évidents pour conduire ces analyses détaillées des propositions budgétaires du gouvernement.
En demandant à chaque Commission spécialisée d'examiner les projets budgétaires du gouvernement de manière distincte des comptes ministériels, le contrôle peut constituer un outil présentant à la fois une meilleure information et une réelle utilité pour une meilleure gouvernance.
Les Commissions spécialisées pourraient trouver cette tâche à la fois plus facile et plus gratifiante avec des changements déjà proposés par le gouvernement. Le développement des accords de service public qui tentent de lier les dépenses aux objectifs politiques, associés avec une information budgétaire largement augmentée et améliorée provenant de la comptabilité emplois-ressources devrait rendre cette exigence d'étudier le budget plus acceptable que ce n'était le cas précédemment.
Ce n'est d'ailleurs pas une idée neuve de proposer que les Commissions spécialisées étudient les budgets prévisionnels et les projets de budget par ministère. Cette idée a été très récemment avancée par nombre de personnes et d'organismes dont Peter Ridell, la Commission spécialisée sur la procédure, et la Commission Norton sur le renforcement du Parlement 30 ( * ) . Cette approche du « bâton » pour forcer les parlementaires à prendre le contrôle budgétaire au sérieux est manifestement de plus en plus populaire.
Donner aux Parlementaires des pouvoirs d'amendement pour le transfert et l'augmentation des dépenses
Pour que fonctionnent les nouvelles incitations et les nouvelles obligations que nous proposons, les parlementaires doivent recevoir beaucoup plus de pouvoirs en matière d'amendement du budget qu'à l'heure actuelle.
Pour l'instant, les pouvoirs des parlementaires sont limités aux amendements budgétaires qui proposent des réductions des projets de dépenses ou de mesures fiscales du gouvernement. La plupart des réformateurs qui ont étudié ces limitations ont soutenu que les parlementaires et les commissions spécialisées devraient avoir le pouvoir de transférer ou virer les dépenses entre chapitres budgétaires au sein du programme global de dépenses d'un secteur 31 ( * ) .
Comme nous l'avons déjà souligné, ce document va beaucoup plus loin en proposant que les membres du Parlement aient le pouvoir de proposer des augmentations de dépenses et non uniquement des transferts. Il existe des arguments solides en faveur de l'une ou l'autre approche et le débat entre réformateurs sur ce point ne devrait pas dissimuler la question principale, c'est-à-dire le besoin d'offrir aux parlementaires un rôle actif en matière d'amendement du budget et de mettre un terme à la passivité actuelle.
Les partisans de pouvoirs limités uniquement aux transferts de crédits craignent sans doute d'obliger les parlementaires à faire des choix difficiles. Ils sont sensibles aux critiques qui considèrent que la participation de la législature au budget pourrait entraîner une politique électoraliste, une politique orientée par les groupes de pression et ils veulent éviter ces critiques en limitant les nouveaux pouvoirs parlementaires à l'amendement des priorités budgétaires plutôt que des budgets totaux. Dans cette optique, les parlementaires doivent être obligés de s'interroger sur les choix difficiles que doivent faire les ministres et ne doivent pas être autorisés à opter pour l'issue facile qui consiste à réclamer de nouvelles dépenses.
Bien que nous comprenions ces arguments, nous croyons qu'ils sont largement exagérés et interprètent mal comment devrait fonctionner la dynamique de la politique budgétaire dans un Parlement britannique réformé. Ils ne tiennent pas compte du nouveau mécanisme de procédure que nous proposons dans ce document, le droit de veto financier de la Couronne. De plus, si nous n'accordons pas aux parlementaires toute la gamme des pouvoirs d'amendement du budget, il y a risque que le comportement des parlementaires n'évolue pas suffisamment pour faire du contrôle budgétaire une réalité.
Pour que la Chambre des communes vote en faveur d'un amendement au budget du gouvernement, cet amendement doit pouvoir recueillir un large appui dans tous les partis et un soutien extraparlementaire important à la fois dans les médias et dans l'électorat au sens large. Dans le cas contraire, il sera difficile de persuader les députés de base favorables au gouvernement de voter contre le chef de file de leur parti. Plus un amendement budgétaire est extravagant ou inopportun, moins il apparaît vraisemblable qu'un tel consensus puisse être atteint. Ces considérations conduiraient inévitablement à des amendements plus modestes qui porteraient uniquement sur les transferts entre priorités de dépenses.
En outre, avec le système de certificats de veto financier que nous proposons, les propositions d'augmentation des dépenses pourraient toujours faire l'objet d'un veto du gouvernement tandis que les transferts de dépenses ne pourraient pas faire l'objet de veto.
Si une commission spécialisée souhaitait s'appuyer sur un consensus entre les partis et éviter le veto de l'exécutif, une proposition d'amendement budgétaire qui se limiterait à transférer des dépenses serait la meilleure tactique à adopter. Mais si des commissions spécialisées étaient convaincues que des sommes supplémentaires étaient nécessaires, elles pourraient faire valoir leurs arguments mais risqueraient d'encourir un veto ministériel.
Dans pareille situation les parlementaires seraient obligés de réfléchir non seulement aux implications des amendements budgétaires sur le plan fiscal et en matière d'orientation mais également d'étudier les conséquences politiques. Ces réflexions se révéleraient extrêmement séduisantes pour les politiciens et agiraient comme stimulus pour un engagement actif dans le contrôle budgétaire.
Impliquer le Parlement dans un nouveau calendrier d'établissement du budget
Des réformes du calendrier d'établissement du budget, de l'information, des résolutions, des débats, des procédures de vote, et ainsi de suite devraient faire partie du nouveau rôle de contrôle du Parlement. Une partie essentielle de la réforme sera par exemple d'accorder plus de temps au Parlement pour le contrôle budgétaire. Cela exigerait soit une réforme en profondeur du règlement intérieur ou une nouvelle loi du Parlement.
Nous croyons que le moment est venu de donner un cadre législatif au processus d'établissement du budget, pour donner une plus grande protection au rôle du Parlement. C'est ce qui motive la proposition d'un projet de loi de budget parlementaire.
Ce projet de loi devrait définir un calendrier pour l'établissement d'un budget qui couvrirait à la fois l'année suivante et de manière prévisionnelle les deux années suivantes. Ce calendrier préciserait les dates auxquelles le chancelier devrait présenter ses projets de mesures fiscales et de dépenses au Parlement, et les dates auxquelles ce dernier devrait avoir achevé ses débats et procédé au vote.
Nous soutenons largement la division du calendrier en trois étapes décisionnelles semblables à ce qu'avait proposé M. Michael Ryle ancien Clerk of Committees, dans les déclarations qu'il a faites à la Commission sur la procédure en 1993 32 ( * ) . Ce calendrier n'est pas très éloigné du modèle suédois révisé qui a été examiné plus haut.
Un calendrier en trois étapes pour la prise de décisions en matière de dépenses offrirait en soi un cadre discipliné. Dans la première étape, l'enveloppe globale de dépenses serait définie pour les exercices financiers concernés. À l'occasion de la seconde étape, les répartitions par secteurs seraient déterminées, tandis que lors de la troisième étape les affectations au sein des secteurs seraient réalisées. Cette approche en trois étapes est bien celle qui a cours actuellement sauf que les décisions sont prises au sein du cabinet, des Commissions ou des ministères du gouvernement et sont ensuite présentées sous forme de faits accomplis au Parlement. Dans le cadre de l'instauration par voie législative d'un calendrier contraignant, la participation directe du Parlement pourrait être exigée à chaque étape du processus et permettrait ainsi de réviser à chaque fois les décisions ministérielles.
Il existe en théorie une certaine tension entre cette approche par étape pour l'établissement du budget et les nouvelles libertés proposées précédemment pour permettre aux parlementaires de proposer des amendements budgétaires qui ne se limitent pas au transfert des dépenses mais visent également à les augmenter. Si l'enveloppe de dépenses totales a été déterminée au cours de la première étape, il pourrait sembler contre-productif qu'il soit possible de proposer des amendements pour l'augmentation des dépenses nettes aux cours des deuxième et troisième étapes.
Pourtant c'est exactement ce qui se passe dans le système actuel sauf que les propositions de dépenses supplémentaires sont déterminées par le gouvernement. Il est courant que les chanceliers annoncent des dépenses supplémentaires qui dépassent les plafonds précédemment annoncés. En règle générale les annonces « surprise » proviennent de grosse marge de manoeuvre ou de fonds d'urgence constitués durant la première étape.
De telles provisions pour dépenses supplémentaires sont par ailleurs courantes dans d'autres pays. Les marges budgétaires en sont la source principale, et les nouvelles informations qui deviennent disponibles au cours de l'exercice budgétaire peuvent également avoir une influence sur l'exercice d'une telle liberté. Des amendements budgétaires visant l'augmentation des dépenses auront également tendance à se focaliser sur les projets de dépenses provisionnelles pour les années deux et trois où les marges sont plus grandes et/ou la possibilité de développer des programmes pratiques et conséquents est plus grande.
L'association d'un calendrier par étape et des nouveaux pouvoirs en matière d'amendements du budget nous indique de nouveau qu'un système réformé va comporter des incitations et obligations pour que les parlementaires exercent ces nouveaux pouvoirs de manière responsable. Si le Parlement vote les enveloppes totales et ensuite les totaux par secteurs, il y aura peu de marge pour les politiques électoralistes ou les amendements budgétaires mal conçus. Les amendements proposant l'augmentation des dépenses devront être modestes s'ils veulent avoir une chance d'être adoptés tandis que les amendements visant à transférer des dépenses seront la norme.
Il faut noter enfin que si le calendrier d'adoption du budget est fixé par la loi, il faudra également réformer le calendrier général de la Chambre des communes et prévoir une augmentation importante des journées allouées au débat budgétaire. La création du Hall de Westminster aurait pu contribuer à ce processus car elle crée un mécanisme permettant de tenir de plus nombreux débats sans passer au vote dans une nouvelle enceinte 33 ( * ) . Nous plaidons avec vigueur pour que des périodes de temps supplémentaires consacrées au budget prévisionnel soient prélevées sur le temps alloué au gouvernement. En réduisant le temps alloué à la présentation des projets de loi du gouvernement, cette réforme a déjà ses propres avantages. Moins de législation gouvernementale et plus de contrôle budgétaire, voilà des objectifs irrésistibles en matière de réforme parlementaire.
C. Information nouvelle - Transparence de l'information budgétaire
Proposition 3 : Projet de loi d'information budgétaire pour améliorer l'information parlementaire en :
- Exigeant que tous les documents budgétaires respectent les critères de transparence les plus stricts et soient soumis à l'examen du Bureau des contribuables ;
- Restructurant et élargissant le champ des budgets prévisionnels afin d'inclure une plus grande proportion du budget annuel et d'affiner les distinctions entre les différents types de dépenses (par exemple dépenses d'intérêts, sécurité sociale, paiement au titre de la dette, achats de biens, achats de services, etc.) ;
- Exigeant des liens directs et détaillés entre les budgets prévisionnels et les résultats des politiques pour montrer le bien fondé des dépenses individuelles et pour faire correspondre les intrants de dépenses aux objectifs gouvernementaux en se fondant sur les Accords de service public ;
- Introduisant des budgets provisoires pour les deux années suivantes en matière de dépenses sectorielles ;
- Introduisant des budgets prévisionnels pluriannuels, englobant les programmes s'étendant sur plus d'une année.
On a craint pendant longtemps que les chanceliers ne présentent pas avec la transparence requise leurs propositions en matière de dépenses et dissimulent délibérément la réalité en utilisant des astuces comme les redéfinitions des dépenses totales. Ce qui a fait l'objet de critiques ici c'est l'extrême difficulté d'exploitation de l'information fournie.
Le gouvernement du parti travailliste a promis de mettre un terme à cette situation par l'adoption d'un code de stabilité fiscale qui entre autres choses promettait une entière transparence. La réalité a été tout autre puisque les documents budgétaires contiennent toujours autant d'éléments créant la contusion chez le lecteur.
Bien qu'on puisse soutenir que tout gouvernement va poursuivre ces pratiques, nous croyons que le meilleur moyen de remédier à cette piètre information passe par l'adoption d'une législation établissant les normes, la forme et la nature de l'information budgétaire que le parlement doit recevoir du gouvernement. Un projet de loi d'information budgétaire pourrait inclure des dispositions sur la qualité et les normes des documents budgétaires devant faire l'objet d'un examen indépendant de la part du Bureau des contribuables. Il serait également opportun que la responsabilité de révision et de faire rapport sur la validité des hypothèses de dépenses dans les prévisions du ministère des finances soit transférée du Bureau d'audit national au nouveau Bureau des contribuables.
Il faut également une réforme globale des budgets prévisionnels et des éléments qu'ils contiennent. Il faut que cela soit piloté par le Parlement et non le ministère des finances et que cela implique le ministère des finances, les Commissions sur la procédure et sur les comptes publics pour mettre en place un nouveau modèle. Cette réforme devra étudier comment les accords de service public ou les informations en matière de résultats pourraient faire partie dans une certaine mesure des budgets prévisionnels comme c'est le cas en Nouvelle-Zélande. La réforme devrait également étudier comment s'adapter à l'innovation déterminante introduite par le gouvernement travailliste visant à programmer les dépenses sur la base pluriannuelle, en établissant un lien direct avec le processus d'octroi des crédits budgétaires.
6.2. Réformer le contrôle ex post des dépenses
Proposition 4 : Mettre fin au contrôle du ministère des finances sur ses propres définitions comptables :
- Rendre le Conseil des normes comptables responsable de la définition des normes comptables du secteur public ;
- Chercher à adopter les normes de l'UE et de l'OCDE pour les définitions comptables du secteur public à plus long terme.
Les critères et les définitions comptables des comptes du gouvernement ne devraient pas, à notre avis, être établis par le gouvernement. Il y a indiscutablement ici un conflit d'intérêt et le rôle du ministère des finances en l'espèce ne devrait pas dépasser celui de conseil sans possibilité d'user de son droit de veto.
L'organisme tout indiqué pour établir la définition des normes comptables du gouvernement est celui qui définit les normes du secteur privé, c'est-à-dire le Conseil des normes comptables (Accounting Standards Board (ASB)). Il faudra déterminer les comptes sur lesquels s'exercera la compétence de l'ASB car toute grande organisation dispose d'un ensemble de comptes de gestion interne à côté des comptes externes qui sont publiés, mais l'accent serait clairement mis sur les seconds.
Il serait également intéressant pour le contrôle budgétaire si les comparaisons et repères internationaux devenaient plus faciles à effectuer. C'est pourquoi à l'image des tentatives d'harmonisation de certaines normes comptables internationales du secteur privé, il serait utile que les nonnes de comptabilité du secteur public puissent faire l'objet de comparaisons sur le plan international. C'est là un objectif à long terme qui est digne d'être poursuivi dans le cadre de l'OCDE et de TUE.
Proposition 5 : Mise en place d'audit et de validation indépendants des évaluations du gouvernement en :
- Rendant le Bureau d'audit national (NAO) responsable de l'audit et
de l'évaluation des résultats des secteurs ministériels.
Avec la prolifération au sein du gouvernement de nouveaux mécanismes de mesure des résultats, il faut que le Parlement arrive rapidement à exploiter ces nouvelles sources d'information.
Il importe de s'assurer tant au niveau du Parlement que du gouvernement de la crédibilité des nouveaux mécanismes de mesure. L'audit des prétentions d'un ministère en matière de mesure des résultats doit faire l'objet d'une validation externe et indépendante. Il ne semble pas acceptable qu'un ministère fixe non seulement la façon dont il doit être évalué mais également recueille et vérifie ses propres résultats.
Proposition 6 : Soumettre l'ensemble des dépenses à un audit parlementaire plus poussé en :
- Rendant le Bureau d'audit national (NAO) responsable de l'audit de tous les deniers publics qui échappent actuellement aux autres auditeurs publics ;
- Créant de nouvelles sous-commissions des finances et de l'audit pour chaque Commission ministérielle sectorielle.
Le Bureau d'audit national fait globalement un excellent travail à titre d'auditeur du gouvernement central mais il demeure certaines bizarreries en ce qui concerne ses attributions. La loi lui interdit de faire l'audit de certains organismes du secteur public même si ceux-ci dépensent une part non négligeable des deniers publics. A cet égard ses compétences sont moins globales que celles de la Commission d'audit pour le gouvernement local ou la Cour des comptes de l'Union Européenne. On s'attend à ce que la Commission Sharman propose des réformes significatives dans ce domaine, mais le meilleur moyen serait de donner au Bureau d'audit national des attributions générales.
La Commission des comptes publics reste l'un des héros méconnus du Parlement et nous croyons fermement que son rôle devrait être élargi comme nous le proposons ci-dessous.
Mais comme le fait remarquer pertinemment Alex Brazier de la Hansard Society 34 ( * ) , nous attendons peut-être trop de la Commission des comptes publics. Brazier développe des arguments puissants en faveur d'une surveillance parlementaire plus cohérente et plus systématique des comptes du gouvernement ayant fait l'objet d'un audit et demande une augmentation des moyens pour appuyer l'action de la Commission des comptes publics.
Nous considérons qu'il y a lieu d'envisager des réformes structurelles de l'audit parlementaire. Pour autant que le premier rôle reste attribué à la Commission des comptes publics. L'on pourrait par exemple charger une Commission de la Chambre des Lords de réviser les comptes ayant fait l'objet d'un audit.
L'option que nous privilégions pour appuyer l'action de la Commission des comptes publics est d'exiger que les Commissions sectorielles fassent rapport officiellement sur les comptes, car cela force les parlementaires à plonger dans les chiffres. Nous sommes reconnaissants envers Alex Brazier de son excellente proposition de créer pour chaque Commission, une sous-commission permanente de finances et d'audit.
Proposition 7 : Élargir le rôle de la Commission des comptes publics (PAC):
- Porter les émoluments de son Président et de ses membres au niveau des émoluments ministériels ;
- Transfert de toute nomination à la Commission des comptes publics à une nouvelle Commission de la Chambre des communes.
Le rôle de la Commission des comptes publics devrait être considérablement élargi pour souligner son action au sein du parlement et promouvoir son extension.
Pour faire suite aux propositions faites dans le premier rapport du comité de liaison (99/00), nous croyons que la présidence et les membres de ce comité devraient être dotés d'un statut modifié pour que les parlementaires considèrent que l'appartenance à ce comité constitue en soi un objectif de carrière important.
Cela inciterait à nouveau certains parlementaires à devenir spécialistes des dépenses publiques et à développer une approche moins partisane. Cette proposition va de pair avec l'autre proposition du comité de liaison qui souhaiterait que les décisions de nomination à la Commission ne soient plus du ressort des chefs de file des partis mais soient confiées à une Commission spécialisée.
Proposition 8 : Promouvoir des mesures basées sur les faits par un audit systématique des :
- Progrès du gouvernement sur les recommandations du Bureau d'audit national et de la Commission sur les comptes publics ;
- Résultats des dépenses gouvernementales globales.
Il y a enfin la question du sort qui est réservé à l'ensemble des comptes du gouvernement ayant fait l'objet d'un audit et des rapports sur les audits individuels entrepris par le Bureau d'audit national et la Commission des comptes publics.
Nous craignons que de nombreuses idées de valeur et beaucoup d'efforts soient effectivement perdus à cause du manque de suivi systématique. En dépit du fait que les débats sur les politiques publiques soient en ce moment truffés d'expressions à la mode comme « mesures basées sur les faits », « meilleures pratiques » et « meilleure rentabilité », il y a un manque criant en matière d'apprentissage systématique.
Nous ne voulons pas dénigrer les rapports qui sont actuellement en cours de préparation et qui doivent recevoir toute l'attention nécessaire. Les rapports de la Commission des comptes publics en particulier entraînent souvent des changements au niveau du gouvernement et peuvent souvent attirer une considérable attention médiatique. Des gens peuvent être envoyés en prison à la suite de fraudes découvertes par le Bureau d'audit national et qui ont fait l'objet d'investigations de la part de la Commission des comptes publics. Au sein du Parlement, les débats de la Chambre des communes sont parfois axés sur les rapports de la Commission des comptes publics et sur les leçons qu'il faut en tirer.
Il n'en demeure pas moins qu'il faut instaurer un suivi plus stratégique, pour s'assurer que les leçons ont été dégagées, que l'exécutif a répondu pleinement aux critiques de la Commission des comptes publics et que les ministres se sont consacrés aux questions soulevées et n'ont pas seulement laissé aux fonctionnaires les questions relatives au contrôle ex post.
La Commission des comptes publics devrait développer davantage son propre système de suivi de ses recommandations d'après les idées empruntées une fois encore au comité de liaison. A titre de contribution, les ministères devraient être tenus non seulement de répondre à tout rapport de la Commission des comptes publics mais également de publier au moins un rapport d'exécution au bout d'un an qui pourrait être soumis à l'évaluation du Bureau d'audit national. Il faudrait au minimum qu'une journée supplémentaire soit accordée pour que le Parlement puisse étudier les rapports de la Commission des comptes publics, y compris son rapport annuel sur l'état d'avancement des actions donnant suite à ses recommandations.
Il faudrait associer cette proposition à l'attribution au gouvernement de la responsabilité de réaliser un ensemble de comptes agrégés ayant fait l'objet d'audit pour chacun des ministères et pour l'ensemble du gouvernement pour que la Commission des comptes publics puissent comparer les résultats réels en matière de dépenses aux propositions budgétaires initiales. On peut, par exemple, repérer où le gouvernement ne dépense pas ce qu'il avait prévu de dépenser et ces développements devraient être examinés par la Commission des comptes publics.
Le gouvernement a en fait prévu de réaliser un ensemble de la totalité des comptes du gouvernement. Cette innovation va contribuer à l'analyse du résultat global de la dépense publique en fonction des projections et de l'expérience antérieure. Il est en conséquence encore plus important que les Commissions parlementaires, notamment la Commission des comptes publics prévoient dans leur calendrier de travail du temps pour la révision de ces informations stratégiques si importantes.
6.3. Réformer le contrôle des mesures fiscales
Proposition 9 : Réforme du processus d'adoption de loi de finances, y compris :
- La séparation des questions de techniques fiscales et des questions politiques et de mesures fiscales, en ayant recours à deux types de projet de loi budgétaire - projet de loi de finances et projet de loi sur les questions technique de fiscalité (ce dernier étant publié à l'état de projet et soumis à consultation) ;
- Exigence législative de joindre aux projets de loi en matière fiscale des rapports sur les coûts de respect des obligations fiscales indiquant la méthodologie utilisée.
Il faut séparer les aspects techniques de la législation fiscale des propositions fiscales plus politiques et plus urgentes comme celles qui fournissent les textes législatifs nécessaires à la perception des impôts. Cela permettrait d'en arriver à une meilleure consultation avec le secteur privé sur les projets en matière de législation fiscale technique dans une optique non partisane et hors de l'urgence.
En pratique cette séparation serait mise en oeuvre à l'aide de deux projets de loi parlementaires distincts. Le premier pourrait être publié peu de temps après le budget et porterait sur les quelques mesures fiscales rapportant de grosses sommes - la loi de finances - et il passerait rapidement au Parlement pour garantir que les impôts de l'année suivante ont une sanction législative. Un projet de loi contenant les détails des propositions techniques pourrait être publié plus tard en vue de consultation - le projet de loi sur les questions techniques de fiscalité. Les mesures comprises dans ce projet de loi pourraient être limitées aux modifications de mesures fiscales pour l'avenir pour que les consultations et le travail parlementaire ne soient pas menés sous pression. Il pourrait y avoir des auditions publiques avec intervention des parties intéressées organisées peut-être par la Commission spécialisée du ministère des finances ou un autre organisme permanent. Le Bureau des contribuables préparerait des résumés sur ces projets de loi.
Toute division de ce type serait critiquée comme étant arbitraire puisqu'il n'y a pas de prélèvement fiscal dont on puisse objectivement dire qu'il rend une proposition spécifique « significative » en termes de recettes. Il serait en fait trop rigide de fixer un chiffre qui déterminerait dans quel projet de loi une proposition devrait figurer. On émet cependant l'hypothèse que le projet de loi de finances principal serait court.
L'inutile complexité du système fiscal britannique et des coûts de respect des obligations fiscales qu'il impose sur le monde des affaires et les individus représente un autre problème majeur qui a été en partie causé par le système actuel de contrôle des mesures fiscales. Bien que le gouvernement soit le premier responsable de ce phénomène, le Parlement est lui-même responsable du fait qu'il soit privé de toute information détaillée dans ce domaine. Des estimations des coûts de respect des obligations fiscales sont fournies mais elles ne sont pas détaillées et aucune méthodologie n'est communiquée par l'administration fiscale pour expliquer comment sont obtenues les estimations de coût de respect des obligations fiscales.
Proposition 10 : Nouvelle Commission de la Chambre des Lords pour la simplification de la fiscalité :
- Entreprendre un examen continu et systématique de l'ensemble des lois du Parlement et des directives de PUE en matière d'imposition, dans le but de soumettre des recommandations de simplification du système fiscal.
Nous avons besoin d'un système de révision ex post de la législation fiscale axé sur la simplification. Bien qu'il y ait déjà des initiatives importantes comme le projet de réécriture de la législation fiscale, le Parlement doit jouer un rôle plus dynamique en cherchant à simplifier autant les détails que la formulation. Alors que la Chambre des Lords est normalement exclue de la politique financière, la tâche de simplification de la législation fiscale existante semble correspondre parfaitement à la Chambre Haute et à ce qu'elle est appelée à devenir. Les recommandations ne seraient pas contraignantes mais contribueraient à la définition d'un ordre du jour non partisan.
7. CONCLUSION
La Réforme du contrôle budgétaire n'est pas un sujet à l'ordre du jour au proverbial « Dog and Duck ». Elle est rarement mentionnée dans les couloirs de Westminster. C'est pourtant cette question qui est au coeur des échecs du Parlement et qui est directement reliée à une nouvelle dynamique politique visant à améliorer les résultats de tous les services publics.
Si, au sein du système politique britannique moderne, le Parlement pouvait occuper la place de défenseur des contribuables, il pourrait prendre la voie du redressement. La crédibilité collective des parlementaires pourrait s'améliorer s'ils étaient perçus comme étant activement engagés dans la recherche de la meilleure rentabilité.
De façon plus significative, il est fort probable que si les parlementaires se focalisaient sur le contrôle budgétaire, ils se révéleraient excellents dans cette tâche. Il est vraisemblable que les parlementaires ambitieux proposeraient de nouvelles idées pour améliorer les écoles, le système de santé, les transports, du seul fait d'être engagés dans l'analyse des modalités de dépense du budget. D'ailleurs si les parlementaires étaient habilités à prendre part à l'établissement du budget, il ne fait guère de doute que les médias et la société dans son ensemble réagiraient à ce changement, ce qui amèneraient plus de gens à participer activement au débat et à rechercher de réelles améliorations.
Un programme aussi radical va sans doute susciter des oppositions farouches du gouvernement en place et en particulier des fonctionnaires. Il implique l'ouverture d'un processus d'établissement du budget qui était jusqu'à présent secret. Il implique aussi l'abandon de plusieurs instruments du pouvoir par l'exécutif et qu'il se soumette à une mise en question périodique et détaillée.
La question suivante se pose donc : cette réforme ne pourra-t-elle jamais voir le jour au Royaume-Uni? Sans pression en faveur d'une réforme de la part des clients du « Dog and Duck » et sans menace de crise fiscale pour forcer la réforme, l'on pourrait être assez pessimiste sur les chances de réforme.
Il y a pourtant des signes de réconfort pour les optimistes. L'adoption par le Parlement écossais et les Assemblées du Pays de Galles et d'Irlande du Nord d'un rôle plus actif en matière de contrôle budgétaire représente une possibilité d'expérimentation. Le parti travailliste a mis en oeuvre des réformes qui rendent la majeure partie de ce programme beaucoup plus réalisable concrètement, tandis que le parti conservateur commence lentement à rejoindre la cause de la réforme de la Chambre des communes.
En raison de la mise en oeuvre d'un grand nombre d'autres réformes constitutionnelles, les gouvernements futurs ne pourront sans doute pas continuer à ignorer la nécessité d'entamer une réforme plus profonde de la Chambre des communes. Lorsqu'un gouvernement entamera finalement la réforme du Parlement, le défi qui se posera alors aux réformateurs sera de ne pas ignorer les « fastidieux aspects financiers ».
*
* *
L'Auteur
Edward Davey est député libéral démocrate de Kingston et Surbiton depuis mai 1997.
En tant que porte-parole du parti libéral démocrate pour les affaires économiques, il a dirigé au nom de son parti la Commission permanente sur le projet de loi sur les ressources et les comptes du gouvernement - qui a introduit des réformes radicales dans les comptes du gouvernement central « et dans toutes les autres Commissions permanentes sur le projet de loi de finances qui siègent au Parlement. Il a siégé dans la Commission spécialisée sur la procédure qui a publié en 1999 le rapport intitulé « Procedure for Debate on the Government's Expenditure Plans » et siège actuellement dans la Commission spécialisée sur le ministère des finances. Il a été témoin au premier plan de la façon dont le Parlement assure actuellement le contrôle du budget du gouvernement.
Edward Davey a étudié les sciences politiques, la philosophie et les sciences économiques au Collège Jésus à Oxford et a obtenu une maîtrise en sciences économiques du Collège Birkbeck, de l'université de Londres. Après ses études universitaires, il a d'abord occupé le poste de conseiller économique de l'ancien chef du parti Libéral Démocrate, Paddy Ashdown, et de l'ancien porte-parole aux finances, Alan Beith. Avant d'entrer au Parlement, il a travaillé comme consultant en gestion pour Omega Partners.
Remerciements
Ce document constitue mes premières réflexions sur le Parlement. Ayant étudié et réfléchi pendant de nombreuses années sur le système politique britannique, j'étais bien conscient en entrant au Parlement du déclin à long terme de ses pouvoirs et notamment de ceux de la Chambre des communes. Je ne m'attendais cependant pas du tout à l'absence totale de toute tentative d'exercer un contrôle sur le budget du gouvernement. J'exprime donc ma reconnaissance à tous les collègues parlementaires et collaborateurs avec qui j'ai travaillé depuis mai 1997 pour m'avoir « ouvert les yeux », parfois même sans le vouloir.
L'envie d'écrire ce texte a donc cru au cours de l'actuelle législature, encouragée notamment par des conversations avec les collègues parlementaires libéraux démocrates, Bob Maclennan et Alan Beith. Je suis reconnaissant à chacun d'eux de leur appui au cours des années.
Je suis particulièrement reconnaissant envers Karen Kiernan et Michael Bourke qui m'ont aidé pour la recherche et la rédaction de ce texte et sans qui ce projet n'aurait jamais vu le jour.
J'aimerais également remercier ceux qui m'ont prodigué des conseils et des observations sur les premières versions de ce texte, y compris Alex Brazier de la Hansard Society, Peter Riddell du Times, Matthew Bishop de The Economist, Michael Ryle, Clerk of Committees, de la Chambre des communes et Anthony Rowlands, directeur du Centre for Reform.
Il va sans dire que j'exprime toutes ces opinions à titre purement personnel et que j'assume l'entière responsabilité de toute erreur éventuelle.
4. CADRE DE PROGRAMMATION, BUTS ET CONTENU
DES DÉCISIONS LÉGISLATIVES
par M Augusto Fantozzi, Président, Commission du budget
Chambre italienne des Députés
C'est un plaisir et un honneur que de prendre part à cette réunion, dont je remercie la commission des Finances du Sénat français et l'OCDE. Nous faisons face à un défi -rendu encore plus stimulant par le discours introductif du Président Violante - qui nous appelle à réconcilier les règles et la pratique qui régissent les procédures budgétaires, notre domaine de compétence, avec les questions générales qu'il évoque. Dans ce contexte, il me semble que la situation italienne offre matière à nombre de considérations intéressantes.
J'aimerais me concentrer sur deux aspects qui vont de pair : la fonction et l'importance du cadre de programmation d'une part et les buts et le contenu des décisions législatives prises dans le cadre de l'approbation du budget d'autre part. Je tenterai de mettre en lumière pour chacune de ces questions les "points d'attache" institutionnels des relations entre le gouvernement et le Parlement.
Le cadre établi dans la législation budgétaire de 1978 et ses amendements subséquents est basé sur la distinction- à mon avis toujours valable - entre le stade de préparation et le stade de mise en oeuvre des mesures budgétaires et de la politique économique en général.
Le Document de Programmation Économique et Financière - que le gouvernement doit soumettre le 30 juin de chaque année et qui doit être approuvé par des résolutions des deux chambres du Parlement - définit les prévisions pour les variables macroéconomiques et le scénario de base pour les flux de recettes et de dépenses pour le secteur public et les comptes publiques généraux.
Ce cadre comprend des objectifs macroéconomiques (notamment la croissance des revenus et de l'emploi) et les projections de programmation ayant trait aux finances publiques. L'équilibre budgétaire a pris une importance particulière au cours des dernières années. En conséquence, les objectifs arrêtés dans le Document de Programmation Économique et Financière ont respecté les contraintes externes imposées par le Traité de Maastricht en matière de participation à l'Union économique et monétaire.
Le Document de Programmation doit également préciser les actions nécessaires en vue d'atteindre les objectifs prévus dans les mesures budgétaires que le gouvernement soumet le 30 septembre. Dans le cadre de la réforme de 1999, qui a aboli les projets de loi accompagnant les sessions budgétaires, ces mesures budgétaires comprennent les projets de lois en matière budgétaire et financière. Les premiers déterminent les ressources disponibles sur la base de la législation actuelle, alors que les seconds modifient cette situation à l'aide de dispositions amendant des textes législatifs de fond.
Heureusement, par comparaison avec les principales mesures d'ajustement budgétaires prises pour respecter les critères de Maastricht, ces mesures étaient beaucoup plus modestes, à environ 30 trillion de lires, ou approximativement 4 pour cent des dépenses budgétaires finales. Ces ajustements limités ont permis de maintenir le contrôle sur les finances publiques, autorisant l'Italie à participer pleinement à l'Union monétaire dès le début. Cela a envoyé un message clair aux marchés en générant des attentes de stabilité des taux de change et de baisse des taux d'intérêt.
La correction des équilibres budgétaires à partir de leur tendance de base a impliqué des mesures touchant les recettes et les dépenses ainsi que des réformes plus spécifiques visant des secteurs entiers comme la fiscalité.
Le plus récent amendement de la législation budgétaire a élargi le champ de la loi de Finance. En plus de dispositions concernant le maintien des équilibres budgétaires, la loi de Finance peut désormais contenir des mesures expansionnistes c'est-à-dire destinées à financer des interventions directes de soutien de l'économie.
Ce changement a été interprété de manière très large, couvrant non seulement les dépenses en capital ou les incitations fiscales pour les entreprises, mais également les mesures destinées aux ménages et les mesures en faveur des revenus en général (par exemple : les réductions d'impôts sur le revenu, le réajustements des minima de retraites, la réduction ou l'élimination du partage des honoraires de santé, des mesures en faveur de l'éducation, etc.). En outre, les récentes lois de Finance ont comporté de nombreuses dispositions en faveur intérêts micro sectoriels ou locaux.
Le débat sur l'extension du contenu de la loi de Finance a été accompagné de nombreuses propositions d'amendements, provenant pour certaines du Parlement mais en premier lieu du gouvernement. Cela a compliqué les efforts en vue de mener à son terme et de manière ordonnée une discussion pleine et entière des différents points. Dans certains cas l'objectif principal du processus budgétaire a été perdu de vue. Néanmoins, au cours des dernières années, les budgets de rigueur ou d'expansion ont conservé la substance des mesures présentées par le gouvernement. Par contre, dans le même temps, il y a eu une augmentation disproportionnée du nombre de dispositions « mineures ».
De mon point de vue, la loi de Finance devrait se concentrer sur les décisions majeures en matière d'affectation des ressources et sur les dispositions ayant un impact financier immédiat, mais la mise en oeuvre des dispositions devrait être l'objet de textes subséquents.
C'est la tâche de la session dite « non budgétaire » accompagnant des projets de loi qui peut contenir des dispositions de nature organisationnelle ou réglementaire, y compris la législation d'habilitation et la réglementation détaillée. Cependant, en raison de l'absence de délais spécifiques pour les examiner et du fait qu'elles ont tendance à être confondues avec des dispositions secondaires, l'utilisation des propositions de lois d'accompagnement s'est éloignée de la fonction envisagée à l'origine par le Parlement. Cela a incité les membres du corps législatif à inclure l'ensemble des mesures présentant un aspect de priorités politique ou techniques dans la loi de Finance même.
Que faire ? En Italie, ces questions sont largement débattues au sein de l'éventail politique et sont probablement semblables à l'expérience des autres États membres.
En premier lieu, les procédures budgétaires qui ont fonctionné efficacement pendant l'effort de réajustement des finances publiques, en partie grâce aux contraintes extérieures, peuvent-elles être aussi efficaces dans la gestion d'une période d'expansion économique ?
En second lieu, les décisions budgétaires au sens strict -c'est-à-dire celles qui sont prises dans le cadre de la session budgétaire- sont-elles l'unique forum pour la prise des décisions clé en matière de ré-affectation des ressources ?
Il est difficile d'apporter des réponses détaillées à ces questions. Je pense que l'examen du Document de Programmation Économique et Financière, qui doit fournir une indication claire des principales lignes d'action du gouvernement, constitue le forum le plus approprié pour préparer des décisions concernant l'affectation des ressources. La session budgétaire devrait se limiter à la définition du cadre législatif régissant les mesures financières proposées par le gouvernement, en partie pour respecter la législation d'accompagnement du Pacte de stabilité. La législation d'accompagnement (qui devrait être rédigée en dehors de la session budgétaire et si possible au cours d'autres sessions spéciales) devrait se concentrer sur la description du cadre sectoriel de mise en oeuvre des mesures.
IV- PRINCIPES DE RESPONSABILITÉ PRISE EN COMPTE DE LA PERFORMANCE DANS LA PRÉPARATION DU BUDGET, ET NOUVEAUX PRINCIPES DE GESTION
1. LES BUDGETS DEVRAIENT DAVANTAGE TENIR COMPTE DE : L'AVENIR par M Geert Van Maanen Secrétaire général Ministère des Finances des Pays-Bas et Président du Groupe de travail des Hauts responsables du budget de l'OCDE
Merci, Monsieur Lambert, je suis très heureux de me trouver ici et j'attends avec impatience le débat d'aujourd'hui.
Le groupe de travail des Hauts responsables du budget (SBO) a été formé il y a près de deux décennies pour conseiller l'OCDE et guider son action dans le domaine des finances publiques et du budget. L'histoire de ce groupe s'étend sur une période qui a connu à la fois de graves tensions budgétaires au sein des pays membres et une relative santé fiscale aujourd'hui. Cette période de tension a entraîné une transition vers un système plus moderne et plus transparent, auquel nombre d'entre vous ont participé.
C'est avec prudence que j'ai évoqué la relative santé fiscale des budgets des pays membres. Les déficits budgétaires sont en baisse dans le monde et de nombreux pays connaissent actuellement des surplus. Le déficit fiscal moyen des pays de l'OCDE dans leur ensemble est passé de près de quatre pour cent du PIB en 1995, à moins de un pour cent du PIB en 1999. Nous devrions cependant nous garder de toute déclaration triomphaliste. Il demeure des problèmes récurrents d'incertitude économique, de vieillissement de la population, du haut niveau actuel de fiscalité et des revendications sur les dépenses du secteur public. Ces problèmes devraient nous inciter à étudier les situations à la fois à moyen et à long terme.
En raison de problèmes à long terme, les Hauts responsables du budget (Senior Budget Officiais - SBO Working Party) ont conclu que le temps était venu d'adopter des processus budgétaires plus ambitieux dans les pays membres. Les budgets devraient tenir davantage compte de l'avenir. Cela implique non seulement de reconnaître les responsabilités majeures, mais également les conséquences des modes de comportements actuels, en particulier à la lumière du vieillissement de la population et de la dégradation de l'environnement. Les institutions budgétaires devraient également perfectionner la réaffectation des ressources en cas de changement des priorités nationales.
C'est dans ce contexte que la manifestation d'aujourd'hui retient l'intérêt des SBO. Le Parlement d'une nation constitue un vecteur important pour promouvoir la transparence et la responsabilité de la part du gouvernement. Le SBO considère qu'un corps législatif au fait des plus récentes techniques budgétaires et des exigences budgétaires futures va promouvoir des politiques gouvernementales plus efficientes et plus cohérentes. Sans le soutien d'un Parlement bien informé, beaucoup de ces réformes ne seront pas mises en oeuvre ou seront inefficaces.
J'aimerais parler aujourd'hui de quelques unes des nouvelles pratiques budgétaires. La plupart de ces questions ne sont pas nouvelles. Elles sont étudiées ou mises en oeuvre dans beaucoup de nos pays. Il existe souvent un degré de défiance entre le gouvernement et le Parlement. Cette défiance va d'un sain scepticisme à un blocage total de la communication. Je souhaite aborder et clarifier ces questions d'un point de vue général. Je sais, cependant, qu'il faudra davantage d'éducation et de discussions pour que le gouvernement et le Parlement comprennent et adoptent ces changements.
1. Points de départ prudents en matière de politique budgétaire
L'utilisation de prévisions économiques précises constitue un risque considérable. Nous en avons vu les effets au cours des années 1980 lorsqu'il a fallu procéder à des réductions budgétaires massives en une très courte période. En raison des problèmes découlant de prévisions inexactes, plusieurs pays membres ont réformé le mode de réalisation des prévisions économiques. Ces changements ont revêtu différents aspects y compris la création d'un bureau du budget indépendant destiné à l'élaboration et à la vérification des hypothèses économiques, le recours aux prévisions économiques du secteur privé, ou le rôle plus actif de la législature dans l'examen des hypothèses. Il est préférable de baser la politique budgétaire sur des points de départ prudents plutôt que d'employer des prévisions économiques précises. Des évolutions économiques moins positives peuvent être amorties par des hypothèses prudentes sans qu'il y ait immédiatement besoin d'ajustements et de nouvelles priorités politiques. Ainsi, l'utilisation de points de départ prudents permet de faire régner la sérénité dans le processus budgétaire et dans les communications qui en découlent entre le gouvernement et le Parlement.
2. Réaffectation des ressources budgétaires
La réaffectation est au coeur du budget. Une réaffectation efficiente permet d'assurer que les ressources aillent là où elles sont le plus efficaces. Il existe néanmoins des difficultés inhérentes. Il y a une grande résistance de la part de ceux qui sont affectés de manière défavorable. L'appui de la portion plus large et plus diffuse de la société qui en retire des avantages s'avère par contre faible.
Par le passé, seuls les chocs externes ou les crises entraînaient des exercices de réaffectation à grande échelle. En outre, la pression de devoir choisir entre des ressources rares est réduite par les conditions fiscales qui règnent actuellement.
Les pays membres font largement appel à des compressions globales dans le cadre de programme de réaffectation, particulièrement pour réduire les dépenses de fonctionnement du gouvernement. Cela sert à réduire les déficits ou à créer un fond pour financer de nouvelles initiatives. Les compressions sont justifiées par les gains de productivité qu'elles permettent dans le secteur public. Lorsque les ministères sectoriels reçoivent une marge de flexibilité pour réaliser les compressions, celles-ci s'avèrent efficaces.
Il existe cependant des limites aux compressions globales. Si les projections de dépenses futures se réalisent, les compressions globales ne seront pas suffisantes pour éviter d'importants déficits futurs. Il faudrait qu'un dialogue s'ouvre maintenant entre gouvernements et Parlements pour éviter des changements en situation de crise dans l'avenir.
3. Des budgets pour l'avenir
Je me rends compte qu'il est facile de préconiser un dialogue sur les besoins futurs, mais qu'il est plus difficile de le mettre en pratique. J'aimerais évoquer plusieurs changements spécifiques qui pourraient servir de cadre à notre discussion.
Cadre budgétaire à moyen terme ou pluriannuel
La plupart des états Membres de l'OCDE ont adopté un forme de cadre budgétaire pluriannuel pour remédier aux carences des budgets annuels. Sans procéder à des affectations pluriannuelles contraignantes, ces cadres fournissent un guide ou un objectif en matière de dépenses pour les trois ou cinq années à venir. Bien que la pratique ne soit pas sans inconvénients, la plupart des pays ont affiné ces plans à moyen terme pour remédier aux difficultés telles que :
- La tendance à surestimer la croissance future de l'économie ;
- Une conception des objectifs par les directions ou les ministères en termes de droit au financement rendant difficile les révisons à la baisse.
Des cadres efficaces à moyen terme devraient offrir aux Parlements :
- Des objectifs globaux de politique fiscale en ayant recours à des hypothèses explicites ;
- Le coût du décompte des programmes existants ; et
- L'éclairage des décisions actuelles à la lumière des budgets des années à venir.
Une stratégie clairement axée sur une augmentation de l'efficacité et du contrôle peut entraîner l'adoption d'une approche à long terme pour ce qui a trait aux problèmes majeurs en matière de politique dans un avenir proche. Pour obtenir une juste représentation des problèmes à long terme et pour pouvoir les intégrer dans une politique budgétaire, les examens détaillés revêtent une importance déterminante. Le gouvernement néerlandais est actuellement en train d'examiner, entre autres, les secteurs des soins, de l'éducation et du marché du travail. En temps opportun, cet état des lieux sera communiqué au Parlement pour faciliter la tenue d'un débat public sur les questions visées.
Cadre budgétaire à long terme
Par opposition à l'accord général sur les cadres à moyen terme, l'utilisation de budgets à long terme n'est pas aussi étendue ni aussi uniforme au sein des États membres. Alors que les objectifs à moyen terme sont opérationnels par nature, les objectifs à long terme sont davantage stratégiques.
L'objectif premier des cadres à long terme est d'identifier et de dénoncer au plus tôt les tendances négatives en matière de dépenses. Cela permettra de prendre des décisions en temps opportun pour prévenir, modérer ou financer ces dépenses. Cela permet aux États de se concentrer sur le maintien à long terme des politiques actuelles. A défaut, de telles dépenses pourraient passer inaperçues jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour s'en occuper de manière équitable et adéquate.
Pour les pays qui ont recours à des cadres à long terme, l'utilisation principale a été de saisir l'impact des modifications démographiques sur les finances gouvernementales. Les exigences budgétaires futures les plus lourdes sont au premier chef celles qui proviennent d'une population vieillissante. Cela a un effet sur les retraites, comme il a déjà été dit au cours de cette réunion, mais également sur la santé, la sécurité sociale et la capacité fiscale d'un état. Les autres domaines de dépenses ne sont généralement pas prévus en détail mais on suppose qu'ils changent à des niveaux déterminés. Les raisons sont doubles :
- le niveau de dépenses est moins élevé,
- il y a un doute sur l'applicabilité et la précision des prévisions à long terme en général.
Certains états semblent rejeter par principe les cadres à long terme, dans la mesure où ces derniers peuvent être décrits comme n'intégrant que les changements démographiques connus. Cela semble permettre de lever les soupçons sur les projections et les rendre plus acceptables.
Afin de maintenir le niveau budgétaire actuel, je crois qu'il est important d'étudier les évolutions dans les secteurs des politiques les plus complexes et d'introduire des mécanismes budgétaires pluriannuels pour chacun de ces secteurs. Comme je l'ai dit précédemment, le gouvernement néerlandais est actuellement en train de mener des études (notamment dans le secteur de la santé, de l'éducation et du marché de l'emploi). Il sera possible d'obtenir un meilleur contrôle des dépenses futures au moyen de mécanismes budgétaires bien conçus. Il est nécessaire d'avoir une politique comprenant des incitations qui permettent de réguler la demande en matière de santé et d'éducation et de garder le contrôle des dépenses. De cette manière, on peut assurer le financement à long terme d'un système de santé et d'éducation de haut niveau.
Il existera par contre toujours des risques potentiels futurs, même si des mécanismes budgétaires à long terme sont créés pour certains secteurs. L'identification de ces risques constitue un grand défi car les ignorer pourrait mettre en danger la stabilité à long terme. Peut-être devrions-nous examiner davantage cette question, à l'image de la suggestion de la délégation suédoise à propos d'un séminaire sur les systèmes de retraite.
Budget fonctionnel
Un des thèmes majeurs des réformes budgétaires dans les États membres a été de mettre l'accent non plus sur les intrants détaillés et les contrôles de gestion centralisée mais sur les résultats et la flexibilité en matière de gestion. Le passage à ce type de mesures budgétaires suppose que le Parlement ait la volonté de renoncer à certains contrôles sur les programmes individuels et sur les ministères, en échange d'une offre de service plus efficace et de meilleures performances. Pour réussir, les parlements doivent avoir la certitude que les objectifs ont été atteints ou plus spécifiquement que les données du gouvernement sont exactes. Cette confiance doit provenir d'un mécanisme d'audit fiable et indépendant.
J'ai mentionné tout à l'heure le retour aux évolutions en matière de pratiques budgétaires et l'établissement du budget fonctionnel aux Pays Bas. Ces avancées ont été possibles parce que le Parlement a demandé une amélioration de la responsabilité à l'égard des politiques adoptées. Le gouvernement néerlandais reconnaît que des objectifs de politiques claires au niveau du budget sont essentiels pour une responsabilisation politique saine. Ceci a amené le gouvernement à préparer l'exposé de politique intitulé "du budget d'orientation à la responsabilité en matière de politique" décrivant les plans pour un nouveau budget et une nouvelle responsabilité. Le nouveau budget ne se focalise pas sur les ressources mais sur les objectifs politiques. Dans le premier budget d'orientation devant être présenté en septembre 2001, le gouvernement présente trois questions clés :
- Que voulons nous accomplir ;
- Quelles mesures allons nous adopter pour y parvenir ; et
- Combien cela devrait-il coûter ?
Ces questions constituent un phénomène nouveau. Jusqu'ici, nous avions coutume de dire : la politique a atteint ses objectifs lorsque le budget est épuisé.
Un processus préparatoire intensif a précédé la rédaction du budget d'orientation. Tous les ministères ont ajusté leur budget 2000 en fonction du budget d'orientation. Ceci devait donner au Parlement un exemple sur la façon dont le budget d'orientation serait structuré. Puis en s'appuyant sur ces exemples de budgets d'orientation, le gouvernement et le Parlement ont débattu des objectifs de l'orientation ; l'élaboration des données d'exécution et les moyens de rendre des comptes ont également fait l'objet de discussions détaillées.
Au cours de cette discussion, le Parlement a exprimé ses préoccupations quant au fait que ce processus réduirait ses pouvoirs sur les cordons de la bourse. Le budget d'orientation contient un nombre plus réduit de postes qui comportent des budgets plus importants. Cette réduction des postes budgétaires est rendue possible parce que l'ensemble des ressources qui contribuent aux mêmes objectifs d'orientation sont regroupés sous un poste. Cela facilite le contrôle de l'orientation par le Parlement. Suite à la création de budgets plus importants, le Parlement a craint de perdre de vue les dépenses relevant de ces budgets et de ce fait de perdre la possibilité d'établir des priorités parmi celles-ci.
Le gouvernement néerlandais considère cependant que le pouvoir du Parlement sur les deniers publics n'a pas été réduit. Le Parlement peut exprimer ses attentes dans le débat avec le gouvernement. En outre, le Parlement a la possibilité de soumettre des propositions ou des amendements au budget. Le Parlement est en mesure de réduire ou d'augmenter les dépenses sur les différents postes budgétaires et peux fixer des priorités en déplaçant les ressources d'un poste à un autre lorsque le budget est en cours de discussion. Les parlementaires disposent de l'information essentielle pour pouvoir faire ceci, car le budget d'orientation fournit des éléments sur la façon dont les ressources sont réparties parmi les objectifs opérationnels plus détaillés. De cette façon la capacité du Parlement à exercer de l'influence est assurée même dans l'aire du budget d'orientation.
Le Parlement approuve le budget d'orientation et répartit les ressources en fonction de certains objectifs. Dans le budget d'orientation, des indicateurs de performance sont indiqués pour chaque objectif. Cela permet au Parlement d'évaluer l'orientation définie dans l'exposé de politique. C'est cette description qui fait l'objet de discussions entre le Parlement et le gouvernement.
Les indicateurs de performance sont établis avec la participation du Parlement. Un groupe de travail parlementaire a établi deux priorités d'orientation par budget qui recevront une attention plus marquée de la part des parlementaires au cours du débat sur les comptes publics. A l'aide de ces priorités, le groupe de travail a élaboré plusieurs indicateurs de performance pour les comptes de 1999. A titre d'exemple, les priorités établies dans le budget du ministère de la Défense sont la capacité opérationnelle actuelle et les opérations de maintien de la paix. Il a été demandé au ministère de la Défense d'inclure dans ses comptes le coût de la capacité opérationnelle actuelle en raison de la réduction du budget de la défense. Le Parlement s'intéressait également aux coûts habituels des missions de paix et au nombre de personnels qui y participaient. S'appuyant sur ces indicateurs de performance, le Parlement a discuté de la politique poursuivie au cours du débat sur les comptes publics.
Il est quasi impossible d'élaborer des indicateurs de performance annuels pour chacun des aspects de la politique gouvernementale. Le Parlement dépend souvent d'évaluations périodiques de l'orientation pour obtenir la juste information en la matière. L'introduction d'un budget d'orientation crée un besoin croissant d'évaluations périodiques. La réglementation portant sur les enquêtes d'orientation et les indicateurs de performance a en conséquence été mise à jour au cours de la dernière année. Ces textes requièrent que l'évaluation des résultats des politiques soit effectuée au moins une fois tous les cinq ans. Cela garantit au Parlement des aperçus périodiques des résultats de la politique gouvernementale en l'absence d'indicateurs de performance. Mais en ce cas, il est très important d'utiliser les résultats des évaluations pour fixer les priorités politiques et pour alimenter le débat public sur les politiques gouvernementales futures.
Comptabilité sur la base des droits constatés
Le gouvernement néerlandais a décidé de compléter la mise en place d'un budget d'orientation en introduisant dans tout le pays la comptabilité sur la base des droits constatés pour soutenir une gestion publique axée vers les résultats. Le gouvernement néerlandais suit ainsi une tendance qui se développe dans divers autres pays.
Actuellement, la moitié des pays membres de l'OCDE utilise une certaine forme de comptabilité sur la base des droits constatés, bien que seuls quelque uns d'entre eux utilisent des droits constatés dans leur processus budgétaires. Seules la Nouvelle-Zélande et l'Australie y font exclusivement appel. Le Royaume-Uni, le Canada et la France ont prévu de faire à court terme une utilisation plus extensive des droits constatés. La comptabilité sur la base des droits constatés est la norme comptable du secteur privé qui a de nombreuses répercussions lorsqu'on s'intéresse aux horizons budgétaires à long terme. Premièrement, les dépenses sont comptabilisées lorsqu'elles sont créées plutôt que lorsqu'elles sont payées comme dans la cadre de la comptabilité traditionnelle. Les dépenses qui se développent au fil du temps mais qui ne sont payables qu'ultérieurement sont ainsi comptabilisées comme dépenses pour la période actuelle (et comme engagements sur le bilan). Deuxièmement, tous les actifs sont valorisés, dépréciés et comptabilisés au bilan. Par exemple, la Nouvelle-Zélande comptabilise son réseau autoroutier et ses autres infrastructures comme actifs, ce qui a entraîné l'octroi d'une plus grande attention à la gestion et la conservation de leur valeur. Troisièmement, tous les éléments du passif sont comptabilisés dans le bilan. De nombreux pays comptabilisent les retraites non financées du secteur public à titre d'endettement à long terme.
La comptabilité sur la base des droits constatés ne va pas sans controverse. Une part de cette controverse provient des Parlements. Avant de penser à ce changement, il y a un investissement significatif en temps à consacrer à l'éducation des parlementaires et des responsables gouvernementaux et aux consultations à mener avec eux. Dans les pays qui ont adopté les droits constatés, le changement a été lié à d'autres réformes en matière de gestion publique. La comptabilité sur la base des droits constatés demande aux parlementaires de placer une grande confiance sur les audits et la volonté d'accepter les fluctuations dans la valorisation. Cependant, dans la pratique développée en Australie et en Nouvelle-Zélande, la comptabilité sur la base des droits constatés a mené à une plus grande prise en compte des engagements futurs non financés, à une meilleure gestion des infrastructures et à un processus de réaffectation budgétaire plus efficace.
Conclusion
En dépit des conditions de faible déficit ou de surplus qui règnent au sein des états Membres, d'importants risques demeurent pour l'avenir. Il est temps de se pencher sur des changements du processus budgétaire. Ces changements comprennent une meilleure prise de conscience des coûts futurs de meilleures ressources en information pour faire face aux nouvelles priorités. Pour faciliter ce processus de nombreux gouvernements étudient un passage à la comptabilité sur la base des droits constatés et au budget fonctionnel. Ces changements appelleront des changements parallèles du processus et du contrôle parlementaire. Pour mener cette entreprise à terme, le scénario 4 du professeur Schick est à mon sens très utile : c'est-à-dire qu'il faut travailler en partenariat. Le budget en tant que « contrat d'exécution » entre le gouvernement et le Parlement. Je soutiens donc très largement la position du Président de la Commission budgétaire de la Corée qui vise à promouvoir les échanges d'idées et à ce titre j'aimerais conclure sur des considérations pratiques :
- L'OCDE va lancer la publication régulière d'une « Revue sur la gestion budgétaire ». L'une des prochaines éditions sera d'ailleurs consacrée aux contributions présentées à cette réunion. En tant que Président du comité consultatif de cette publication, j'aimerais vous inviter à soumettre des articles et des points de vue pour que cette publication puisse devenir un forum majeur de discussion et de débats dans cet important domaine.
- L'OCDE possède également un groupe de discussion électronique sur les questions budgétaires. Je vais demander au secrétariat de vous fournir les informations d'accès pour participer à ce groupe de discussion électronique. Je me permets d'espérer que ceci deviendra pour nous un lien de communication informelle.
2. LES ORGANES DE CONTRÔLE ET LEURS RELATIONS AVEC LE PARLEMENT
par Mme Maria K. Aula Présidente de la Commission des finances du Parlement finlandais
Les gouvernements ont mis en place de nouvelles techniques de budgétisation et de gestion, par exemple la comptabilité sur la base des droits constatés et la budgétisation axée sur les résultats. Les parlements ne sont pas équipés pour procéder à un examen efficace de ces données nouvelles. Au cours de la présente session on examinera les mérites respectifs de ces nouvelles procédures et on débattra des implications qui en résultent sur les procédures réglementaires. On étudiera également les cabinets d'audits et leurs relations avec le Parlement.
1. Les incidences des réformes de la gestion publique et de l'accession à PUE sur les pouvoirs du Parlement en matière de budget
Au cours des dix dernières années, l'administration publique finlandaise a procédé à plusieurs améliorations structurelles et à aux nécessaires réformes de la gestion publique. Ces changements ont été également introduits dans de nombreux autres pays Membres de l'OCDE.
Parmi les réformes apportées par la Finlande à la gestion de la budgétisation publique, lancées à la fin des années 1980, on peut citer les suivantes :
- La gestion et la budgétisation ne sont plus axées sur les intrants mais orientées sur la performance et les résultats.
- Un certain nombre de postes du budget ont été regroupés pour devenir des postes de dépenses plus importants, de sorte qu'ils sont moins détaillés et que les informations sur les dépenses prévues sont fournies ex ante au Parlement. En outre, la période d'affectation des crédits a été partiellement allongée.
- Une part importante des finances de l'État a été placée hors budget (par exemple les fonds destinés au secteur du logement).
- On a réformé le système des subventions aux administrations locales, passant d'un système de transferts fondés sur les coûts à l'octroi de subventions forfaitaires.
- Un vaste éventail de mesures de transformation en sociétés commerciales et de privatisation ont été prises (par exemple le téléphone et la poste, l'entretien des propriétés immobilières de l'État, les chemins de fer de l'État). De nombreuses agences publiques ont également été transformées en entreprises commerciales.
Ces mesures ont eu de nombreuses incidences positives. Elles ont amélioré l'efficience et ont généré des économies. Elles ont également accru la flexibilité. Des centres de prise de décision ont été décentralisés en faveur des autorités locales ou régionales. On espère que les réformes ont par ailleurs rendu l'administration plus réceptive aux besoins des citoyens.
Parallèlement, ces réformes ont eu des incidences profondes sur les pouvoirs du Parlement en matière de budget. Ces derniers sont plus limités et étroits. Il est devenu plus difficile pour le Parlement de contrôler efficacement le budget du gouvernement et son exécution. D'un autre côté, les réformes se sont traduites par des pressions accrues en ce qui concerne les objectifs et stratégies d'ordre structurel à long terme, et la législation qui accompagne le projet de loi de finances. Toutefois, les facteurs de cette nature (objectifs à long terme, décisions stratégiques) qui interviennent dans le processus de budgétisation ne sont pas à ce jour très nombreux.
Outre ces réformes de gestion, l'accession de la Finlande à l'Union européenne a compliqué les procédures de budgétisation. Il est difficile de suivre le flux des fonds entre le budget national et les fonds structurels ou agricoles de l'UE. Il conviendrait en outre d'étudier si le recours à ces moyens est efficace ou non. Le Parlement finlandais s'est par ailleurs employé à orienter et à superviser les positions de notre gouvernement dans le Conseil budgétaire de l'Union européenne.
2. Débats au Parlement sur les moyens de renforcer les mécanismes de contrôle
On constate une divergence de vues entre les nouvelles procédures de gestion et de budgétisation et les pouvoirs du Parlement en matière budgétaire. Cette tension a fait, ces dernières années, l'objet de débats au Parlement. On a exprimé des préoccupations sur l'affaiblissement du pouvoir du Parlement en matière budgétaire dans plusieurs mémorandums établis par le Commission des finances et aussi par le Comité pour l'avenir.
Les membres du Parlement on apprécié les aspects positifs des réformes de gestion et de budgétisation publiques. Parallèlement, ils demandent des moyens plus efficaces et plus adéquats, ainsi qu'une meilleure mise à jour des informations afin de surveiller et de contrôler efficacement la gestion financière et l'exécution du budget par les gouvernements.
La Commission des finances a attiré l'attention sur le rôle des organes d'audit externes. A notre avis, l'évolution de la gestion et de la budgétisation publiques ont mis en évidence l'importance que présente pour les finances de l'État une vérification externe indépendante et efficace. Il conviendrait d'améliorer les courants et les échanges d'informations entre les cabinets externes d'audit et le Parlement, ce qui aiderait le Parlement à faire jouer ses pouvoirs en matière de budget.
En outre, le Comité pour l'avenir a requis des mesures permettant de définir des objectifs stratégiques à long terme, en sus des affectations budgétaires annuelles de crédits.
En vérité, tant le Parlement que le gouvernement portent la responsabilité de la situation en cours. Au cours des dix dernières années, le gouvernement et le Parlement se sont attelés à la tâche écrasante visant à équilibrer le budget après la grave récession financière du début des années 1990. Les ressources du gouvernement étaient trop rares à cette époque pour améliorer de façon significative la qualité et l'exactitude des informations fondées sur la performance qui étaient transmises ex post au Parlement.
D'une manière générale, des améliorations s'imposent dans l'application d'une budgétisation fondée sur la performance. Donnons un exemple : les unités administratives définissent souvent leurs objectifs en termes trop généraux, qui rendent difficiles de faire rapport sur l'évolution de la situation, La qualité des rapports varie considérablement d'une agence à l'autre.
D'un autre côté, les membres du Parlement n'ont montré que peu d'intérêt pour étudier les rapports d'audits ou financiers qui lui sont soumis. Les débats sont très vifs quand il s'agit d'établir le budget mais on constate un manque d'assiduité pour suivre son exécution. Le rapport du gouvernement sur l'état des finances (année N-1) et le rapport des auditeurs parlementaires officiels (année N-l) ont rarement donné lieu, au Parlement, à des débats dignes de ce nom. De surcroît, la procédure parlementaire de présentation aux membres du Parlement d'un document informatif s'accompagne de délais tellement longs que les documents ne sont discutés que l'année suivante (N-2).
Toutefois, une des raisons de cette absence de débat tient peut-être à la qualité des rapports. Les déclarations et évaluations figurant dans ces rapports et ces audits ne rendent généralement pas compte de la situation actuelle et ne sont pas assez approfondies. En outre, ces rapports ne contiennent pas d'évaluations suffisantes sur les stratégies (à long terme) ou n'abordent pas les choix difficiles.
3. Premières mesures visant à concilier les nouvelles méthodes de gestion et de budgétisation et des mécanismes efficaces de contrôle parlementaire
Nouveau statut judiciaire et élargissement des tâches du Service d'Audit de l'État (SAE)
Des premières mesures ont toutefois été prises, tant au Parlement qu'au gouvernement, pour améliorer cette situation. Il s'agit d'abord du nouveau statut juridique donné au SAE et de l'élargissement de ses tâches. En second lieu, on a redoublé d'efforts pour améliorer l'exactitude et la qualité du rapport sur l'état des finances adressé par le gouvernement au Parlement.
Enfin, le Parlement a décidé d'intensifier ses échanges d'informations avec le cabinet d'audit externe. Grâce à un amendement de la Constitution, il a modifié le statut judiciaire du Service d'audit de l'État. Cette réforme visait particulièrement deux objectifs ; en premier lieu le renforcement des pouvoirs de contrôle budgétaire du Parlement et en second lieu le renforcement de l'indépendance du SAE conformément aux normes internationales de l'INTOSAI (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques).
Le Service d'audit de l'État-quoi qu'officiellement indépendant- oeuvrait généralement au sein du ministère des Finances. A compter du 1 er janvier de cette année 2001, le Service d'audit de l'État est un organe indépendant lié au Parlement.
Le Contrôleur général est nommé par le Parlement, mais c'est le Service qui décide en toute indépendance de ses activités. Le SAE soumettra son premier rapport annuel au Parlement en septembre 2002. Il comprendra les déclarations du SAE sur les comptes annuels de l'État ainsi que des observations d'audit fondamentales tirées des rapports de performance. D'autres rapports d'audits spéciaux pourraient également être communiqués au Parlement. Le Comité des finances présentera au SAE un document informatif sur son rapport, prévoyant d'éventuelles informations en retour au Service. Le Service d'audit de l'État comprendra un Comité consultatif officiel, dans lequel le Parlement sera représenté, entre autres organes de coopération.
Il est intéressant de signaler que l'amendement a eu pour origine le Parlement lui-même. Le ministère des Finances s'était formellement opposé à cette idée lorsqu'elle a été introduite au début des années 1960. Le ministère faisait valoir que la réforme obligerait le gouvernement à créer un nouvel organe pour répondre à ses propres besoins en matière d'audit externe. Il avait également évoqué le risque que le SAE devienne subordonné au Parlement.
Toutefois, la réforme a été conçue de sorte que les responsabilités du SAE à l'égard du gouvernement et de son administration ne soient pas atténuées. Outre son nouveau rapport annuel au Parlement, le SAE continuera à présenter ses rapports au ministère des Finances et aux objets d'audit. De leur côté, les agences gouvernementales exposeront leur réaction aux commentaires et aux conclusions figurant dans les rapports d'audit et de performance du SAE. Ainsi sera renforcé le principe de la responsabilisation. En tout état de cause, l'audit externe devrait être efficace et utile tant pour le gouvernement que pour le Parlement.
Dans des projets préliminaires, on considérait que le SAE serait assujetti à la supervision des auditeurs parlementaires. On avait également envisagé de regrouper ces derniers et le SAE pour former un nouvel organe officiel d'audit sous supervision parlementaire. Ces idées n'ont jamais été mises en pratique.
Les tâches du SAE et celles des auditeurs parlementaires restent distinctes. Le SAE se concentre sur l'audit et les auditeurs parlementaires sur la supervision. Le SAE est indépendant mais peut effectuer des audits à l'initiative du Parlement. Les auditeurs parlementaires ont pour fonction expresse de présenter des rapports visant à répondre aux besoins du Parlement. Ils sont élus parmi les membres du Parlement. Le SAE n'emploie que des auditeurs professionnels spécialistes en économie, qui s'inspirent des normes internationales en matière d'audit.
Leçons à tirer, incidences probables
On ne peut en fait tirer que peu de leçons de cette évolution, le processus étant encore à sa phase initiale. Nous accepterions très volontiers des conseils de la part des Parlements qui ont procédé à des réformes similaires.
A n'en pas douter, le Parlement sera dans l'ensemble plus conscient des travaux effectués par le SAE. Il souhaitera peut-être mieux connaître les avantages que présentent, pour le contrôle parlementaire, des activités d'audit externe, efficaces et modernes. La visibilité et la position du SAE en sortiront renforcées. Il pourrait en résulter, en temps utile, une augmentation des ressources très limitées de l'audit externe des finances publiques. Reste à voir si la réforme finira par rapprocher les travaux du SAE et ceux des auditeurs parlementaires.
Il faut signaler que les ressources du SAE sont consacrées de façon à peu près égale à l'audit annuel des comptes et à l'audit de performances (l'audit de performance est par nature ponctuel, mais il répond à un plan de contrôle). En mettant l'accent sur les audits de performance on renforce la valeur du processus de budgétisation parlementaire, où il est nécessaire de procéder à des comparaisons entre les performances attendues et les performances réalisées par les agences.
D'un autre côté, les procédures parlementaires concernant l'état des finances publiques ont été assez superficielles. L'état des finances publiques n'est pas approuvé par le Parlement. Il est confirmé par le Trésor et distribué aux membres du Parlement en tant que document informatif. Le rapport du SAE au Parlement renforcera certainement la valeur de cette procédure.
Il est vrai que le Parlement s'est fortement concentré sur les débats concernant le statut juridique du SAE mais qu'il a consacré moins d'efforts à l'évaluation des procédures du contrôle et de l'audit parlementaire au sein du Parlement. Le Comité des finances se propose d'évaluer son propre rôle au cours du printemps à venir.
Pour le moment, le traitement des différents rapports [rapport des auditeurs parlementaires, rapport gouvernemental (N-1)] s'effectue conjointement mais ces rapports ne sont pas intégrés d'une façon appropriée qui leur permette de contribuer au processus budgétaire annuel (N+1). La question des calendriers pose un problème. Le rapport gouvernemental est soumis en septembre et celui des auditeurs parlementaires en novembre-décembre. Pour des raisons d'ordre pratique, ces deux rapports sont examinés conjointement au cours de la session de printemps. Le Comité s'occupe du budget proprement dit au cours de la session d'automne. Évidemment il faudra adapter cette procédure de sorte à y inclure le troisième élément - le nouveau rapport annuel du SAE.
Améliorer la qualité du rapport financier du gouvernement au Parlement
Comme nous l'avons déjà mentionné, outre la réforme du statut juridique du SAE, d'autres mesures ont été prises visant à améliorer les capacités de contrôle budgétaire du gouvernement. Le gouvernement s'est efforcé d'améliorer la qualité et l'exactitude des rapports financiers et des rapports de performance présentés par les agences au gouvernement et par le gouvernement au Parlement. (À quoi s'ajoute un nouveau système de comptabilité sur la base des droits constatés, employé parallèlement au système traditionnel de suivi fondé sur la comptabilité d'exercice). Le fait de communiquer ex post les rapports contribue fondamentalement à une plus grande responsabilisation du gouvernement et de l'administration.
Selon la Constitution, le gouvernement doit soumettre au Parlement un rapport annuel sur les finances publiques. Ce rapport est présenté au mois de septembre, conjointement avec les propositions budgétaires pour les années à venir. Il est censé apporter des données supplémentaires de base, utiles au processus budgétaire parlementaire.
Le ministère des Finances et la Commission des finances tiennent des consultations régulières pour mettre au point la teneur de ce rapport, afin qu'il réponde au mieux aux attentes et aux besoins du Parlement. À l'heure actuelle, ce rapport comprend trois grandes parties et des annexes. La première partie porte sur l'évolution économique, la politique économique et les finances de l'administration centrale. La deuxième partie, qui y figure depuis 1998, consiste en un rapport sur l'efficacité de l'administration (productivité, qualité et rentabilité). La troisième partie est un rapport du gouvernement sur les objections apportées aux comptes présentés.
Le rapport relatif à l'efficacité de l'administration est à l'heure actuelle établi par chaque ministère à partir de son propre rapport annuel et de celui de ses agences. Il en résulte que l'information y est d'un caractère plutôt général et manque de cohérence.
Il conviendrait qu'un plus grand nombre d'études analysent d'une année sur l'autre le rapport entre les objectifs fixés et les résultats réellement obtenus. Toutefois, l'intérêt s'est focalisé, au sein du gouvernement, sur le recours systématique au processus de gestion et de budgétisation fondées sur la performance. On étudiera à cet égard le rôle de l'audit interne et de l'audit externe. Dans le suivi et le contrôle des services publics, il nous faut mettre davantage l'accent sur l'évaluation et sur les indicateurs fondés sur les résultats de l'évaluation.
De nombreuses idées ont été avancées quant à la teneur du rapport du gouvernement sur les finances. Du point de vue des parlementaires, il serait bon que ce rapport récapitule les problèmes non seulement ministère par ministère, mais aussi fonction par fonction. Certaines questions, par exemple la recherche-développement, le développement régional et le flux des fonds de l'Union européenne doivent être analysées sur un plan interministériel. Il serait également utile de disposer d'informations au moins ex post concernant la répartition des deniers de l'État à l'échelle des régions. Ce rapport pourrait également traiter de la façon dont les autorités locales ont en fait réparti les sommes qui leur ont été transférées entre les secteurs de l'éducation, de la santé, de la politique sociale et autres, ainsi que de l'efficacité de ces services.
Le Parlement a par ailleurs estimé qu'il serait préférable que le suivi donné à ses déclarations explicites sur le budget annuel figure dans le rapport du gouvernement sur les finances. À l'heure actuelle, toutes les déclarations parlementaires sont reprises dans un autre rapport gouvernemental.
4. En résumé
À ce jour, les audits externes sur les finances publiques, les rapports de performance et les rapports gouvernementaux sur les finances n'ont joué qu'un rôle marginal sur l'exercice, par le Parlement finlandais, de ses pouvoirs en matière budgétaire. L'examen de ces rapports a été considéré par le Parlement comme une routine plutôt fastidieuse, au regard de décisions autrement excitantes telles les autorisations budgétaires annuelles.
Récemment toutefois, le Parlement s'est montré plus disposé à considérer que les mécanismes de surveillance et d'audit constituent un élément important de ses pouvoirs en matière budgétaire ; attitude plus appropriée à une adaptation du contrôle budgétaire par le Parlement aux impératifs des nouveaux principes de la gestion publique.
3. L'EXEMPLE HONGROIS par M Imre Szekeres, Président de la commission des Finances du Parlement hongrois
En ce qui a trait à notre sujet, la Hongrie est dans une situation spéciale puisque les institutions et mécanismes nécessitant - ou tout du moins permettant - la transparence du budget de l'État n'existaient pas avant les changements politiques. En outre, le Parlement n'avait pas de contrôle réel du budget de l'État ou de toute autre activité du gouvernement. Le cadre légal et les institutions nécessaires au contrôle du budget de l'État ont été instaurés dans la période allant de 1989 à 1996. Cette même période a vu la transformation de l'économie. La chute du PIB, qui était la conséquence de ces événements, a exigé la gestion de la crise des finances publiques. Cependant, la situation a fondamentalement changé à la fin de 1996. L'économie a commencé à croître à un rythme de 4 à 6 pour cent et ce rythme s'est maintenu depuis lors. Cela a permis d'ouvrir de nouvelles perspectives dans la politique économique du gouvernement. Cela a donné l'occasion de remplacer les mesures d'austérité plutôt radicales prises dans la première phase de la transition par une politique plus consolidée et peut-être un peu plus conciliante. Il est devenu possible d'introduire des réformes à grande échelle comme dans le domaine des pensions. Enfin, l'expérience accumulée a été suffisante pour ajuster et affiner les mécanismes institutionnels et législatifs.
À titre d'illustration des principales évolutions du domaine budgétaire je dois mentionner qu'au tout début de la transition vers une économie de marché, l'une des principales tâches du Parlement a été de mettre sur pied le cadre légal et institutionnel des finances publiques. Permettez-moi de m'attarder sur deux éléments de cet ensemble en mettant tout spécialement l'accent sur la responsabilité et l'audit :
- En premier lieu, la loi sur le Bureau d'Audit National a été adoptée en 1989.
- En second lieu, une nouvelle loi sur les finances publiques a été adoptée en 1992, dans laquelle les nouvelles règles et responsabilités des différentes institutions gouvernementales et budgétaires ont été définies. Suite à ces développements, le rôle du Parlement s'est accru de manière significative, une gestion moderne de trésorerie a été mise en place avec la création du trésor.
Comme je l'ai dit, en 1989, le Parlement hongrois a adopté une loi sur la création du Bureau d'Audit National. Le Bureau d'Audit National est un organisme de contrôle du Parlement dont l'action n'est régulée que par des actes législatifs, et qui n'accepte pas d'ordre ou d'instruction. Même le Parlement ne peut que demander au Bureau d'Audit National de faire un audit, devant pour cette fin adopter une résolution. Le président et le vice président du bureau d'audit national seront élus par le Parlement pour un mandat de 12 ans. Cela garantit une indépendance personnelle significative, car le mandat de la plupart des intervenants dans le domaine politique n'excède pas une durée de quatre ou cinq ans. Les tâches et responsabilité les plus importantes du bureau d'audit national sont les suivantes :
- Contrôler le fonctionnement des institutions budgétaires étatiques et veiller à la légalité et la faisabilité de leur gestion économique,
- Le Président va contresigner les emprunts souscrits par l'État,
- Contrôler le fonctionnement de l'organisme de gestion des propriétés publiques et faire rapport au Parlement,
- Donner une évaluation préliminaire des projets concernant la programmation budgétaire et la clôture des comptes et mise à disposition des membres du Parlement avant que les projets de loi ne soient débattus au Parlement.
Le Bureau d'Audit National a réalisé des audits suivant un calendrier de travail annuel, et la documentation qui en résulte est rendue publique. Il existe une commission parlementaire spéciale appelée Commission du conseil des auditeurs destinée à maintenir la coopération entre les deux institutions et tirer les conclusions légales ou politiques nécessaires basées sur les rapports.
L'expérience acquise au cours des dernières années a montré que le rôle du Bureau d'Audit National doit être renforcé dans deux autres domaines : la gestion financière des gouvernements locaux et le contrôle de l'activité de la Banque Nationale, car le contrôle du Parlement n'est pas adéquat de ces domaines.
L'adoption en 1992 par le Parlement d'un projet de loi sur les finances publiques, plusieurs fois amendé par la suite, a constitué la seconde étape importante du processus de réforme. Cette loi a été la base de la régulation de la gestion financière et la gestion de trésorerie des institutions gouvernementales, des autorités locales et de la sécurité sociale. La création du Trésor Public a constitué une étape importante dans la voie de la transparence et du rejet de la corruption en mettant un terme aux règlements en espèces dans ce secteur. Nous avons pu mettre en place la possibilité d'avoir des débats politiques publiques en fixant un échéancier strict concernant les différentes phases de la préparation du projet de budget de l'État. D'après les réglementations en vigueur jusqu'à récemment, le gouvernement présentait avant le 15 mai au Parlement les principales lignes directrices du budget de l'État. Suite à un débat organisé au Parlement sur ce sujet, le déficit budgétaire et les principales proportions des dépenses faisaient l'objet de décision avant le 15 juin. Le gouvernement soumettait le projet de budget avant le 30 septembre alors que le projet sur le solde de l'année antérieur devait être présenté avant le 31 août.
La directive du Parlement contient également d'importants pouvoirs en matière de contrôle. Le président de la Commission budgétaire est toujours un membre du Parlement appartenant à l'opposition. Les membres du gouvernement devront, au moins une fois par année, soumettre un rapport de leurs activités à la commission parlementaire compétente. Une audience extraordinaire doit se tenir si les 2/5 des membres le demandent. Si une initiative lancée sur toute question recueille le soutien d'1/5 des membres du Parlement, une commission d'enquête temporaire sera mise sur pied. Bien que cela n'ait qu'un effet indirect sur la gestion budgétaire, je crois qu'il est important de mentionner que la commission budgétaire entendra une fois par année le président de la Banque Nationale ainsi que chacun des membres du conseil de la Banque Centrale avant que leur nomination ne soit entérinée.
Depuis 1996 l'économie a connu une croissance dynamique, et il est devenu possible de planifier et de prévoir les processus budgétaires. En outre, des mesures significatives ont été prises dans les domaines suivants :
- Le régime étatique de pensions par répartition a été remplacé par un arrangement en trois volets, qui a permis le retrait d'une part importante de l'épargne à long terme du champ de la politique économique gouvernementale ;
- La Banque Nationale a été libérée des dettes de l'État provenant de la période antérieure, ce qui permet la transparence de l'activité économique de la banque et de ses relations avec le budget de l'État ;
- La gestion des dettes de l'État et son financement ont été graduellement introduits dans un contexte de marché ;
- Une loi sur la passation des marchés publics a été adoptée, qui rend la procédure d'appel d'offres obligatoire si le budget projeté dépasse une certaine limite ;
- Enfin, depuis 1997 il est obligatoire de communiquer à titre d'information des données bisannuelles dans les directives budgétaires et dans la rédaction des prévisions budgétaires qui passent par le Parlement.
En dépit de l'instauration du système des institutions, il existe toujours de nombreux facteurs qui nuisent au contrôle démocratique du budget de l'État. Pour ce qui est du Parlement lui-même, il a été jusqu'à maintenant impossible de trouver une solution permettant d'avoir une vue d'ensemble des investissements publics et des engagements gouvernementaux. Il est pratiquement impossible d'obtenir des informations factuelles adéquates sur ces questions, bien qu'elles apparaissent dans des tableaux séparés dans la programmation budgétaire et les soldes.
La plupart des problèmes sont liés aux avoirs de l'État à titre d'entrepreneur. . Certains de ces problèmes proviennent du fait que la gestion du patrimoine et l'organisation des privatisations fonctionnent en dehors du cadre du budget de l'État. D'un côté cela en fait des opérations moins transparentes mais de l'autre côté les traces de leurs activités financières n'apparaissent pas dans les comptes de l'État. Par ailleurs, cela peut également inciter chaque gouvernement à mettre en oeuvre par ce biais certaines mesures de politique économique. Les circonstances de la loi de privatisation sont à l'origine d'autres problèmes reliés au patrimoine. Il était en effet alors important de privatiser aussi rapidement que possible. Nous n'avions pas envisagé la possibilité que le patrimoine de l'État puisse également augmenter après la stabilisation de l'économie et que l'État pouvait créer ou acquérir de nouvelles sociétés en période de croissance. C'est pourquoi la législation n'est peut être pas appropriée en ce qui concerne les nouveaux éléments du patrimoine de l'État. La participation au Conseil de surveillance de l'agence de privatisation des partis représentés au Parlement ne permet pas non plus de résoudre le problème.
Rendre publique la gestion financière des institutions financées par le budget de l'État génère un grand nombre de conflits. En 1996, est intervenue la nomination d'un médiateur chargé de la protection des données au moment de la nomination des autres commissaires parlementaires. Au cours des dernières années, le médiateur a divulgué plusieurs affaires dans lesquelles des documents ont été déclarés confidentiels par des agences gouvernementales sans motifs juridiques valables. Il y a également eu des cas où il a été ordonné à de telles organisations de rendre publique des données financières. Cependant, les positions prises par le médiateur dans une affaire donnée ne comportent pas de sanctions, tout comme les rapports du Conseil des auditeurs. Le fait de les ignorer n'implique pas de conséquence directe. Cependant tout citoyen peut intenter une action judiciaire s'opposant au maintien de la non-divulgation de données d'intérêt public, et les injonctions des tribunaux seront suivies d'effets.
Enfin, permettez-moi de vous dire quelques mots sur la situation actuelle et sur les tâches qui nous attendent dans les années à venir. Le Parlement hongrois a approuvé l'idée de programmation budgétaire bisannuelle présentée par le gouvernement. Le gouvernement a motivé cette proposition en faisant valoir qu'elle permettait d'assurer une plus grande stabilité et une meilleure prospective. L'avenir de cette initiative est cependant plutôt incertain à l'heure actuelle, car les partis d'opposition ne la soutiennent pas et disposent à la fois d'arguments politiques et disciplinaires à son encontre. Comme je l'ai dit, l'introduction de la programmation budgétaire bisannuelle implique également l'abandon de la réalisation de directives annuelles.
Si je devais résumer l'évolution sur dix ans, je dirais que la Hongrie a atteint un niveau relativement élevé au regard des critères d'accession à l'Union Européenne dans le domaine des finances publiques.
Les évaluations récentes de la situation hongroise ont montré que des progrès considérables avaient été réalisés en matière de contrôle du déficit fiscal et d'introduction de procédures budgétaires plus rigoureuses.
Nous pouvons dire que les fondements d'un système budgétaire moderne et efficace ont été mis en place au cours des dernières années.
Dans le même temps nous pouvons également dire qu'il y a deux nouvelles tâches à accomplir dans un proche avenir. Permettez-moi de citer à titre d'exemple plusieurs domaines qui devront faire l'objet de changements significatifs :
- Il est d'une part nécessaire de continuer la réforme du financement de l'État, tout d'abord dans le domaine de la santé,
- Il est d'autre part nécessaire de renforcer les mécanismes qui sont reliés au financement des organisations indépendantes du budget central, par exemple les municipalités, les organisations civiles,
- Par ailleurs, il est également nécessaire de mettre sur pied un nouveau type de système de répartition de ressources entre le gouvernement et les régions, lequel devrait respecter les exigences de l'Union Européenne. Les fonds budgétaires de l'Union Européenne n'étant pas encore totalement intégrés au processus budgétaire, il faudra de nouveaux efforts pour intégrer les flux budgétaires de l'Union Européenne d'une manière transparente. Il va sans dire que cela aura des répercussions sur la transparence et le système de contrôle.
- En dernier lieu il serait utile d'unifier les coûts reliés à des activités identiques, menées par différentes institutions, ou à leur financement. Si nous y parvenons cela permettra au Parlement et au public d'avoir une vision d'ensemble des opérations de financement du gouvernement.
Je pense enfin que nous devons avoir de plus amples délibérations sur la façon d'améliorer la capacité administrative de l'action budgétaire afin de faire face aux défis auxquels j'ai fait allusion de manière très synthétique.
4. L'IMPACT DES CONTRAINTES DE L'UNION EUROPEENNE par M. Giorgio Benvenuto Président de la commission des Finances Chambre italienne des Députés
J'aimerais tout d'abord remercier les organisateurs de cette conférence qui est un évènement de grand intérêt au regard des questions qu'elle aborde- communes à l'ensemble des pays participants - et à leur importance dans le cadre du débat sur la gouvernance dans les systèmes démocratiques. En ce qui concerne les questions qui font l'objet de la présente session, je me limiterai à quelques brefs commentaires, inspirés de l'expérience italienne. En général, je considère que l'adoption de paramètres précis à l'intérieur desquels les politiques budgétaires nationales doivent s'exercer, accompagnés de surveillance supranationale et de mécanismes de contrôle appropriés, n'est pas nécessairement un frein au progrès par une plus grande sensibilisation à la définition des politiques, ce qui contribue à élever le niveau de l'action parlementaire.
Les contraintes que les États membres de l'Union Européenne se sont imposés par le Pacte de stabilité et de croissance en sont un exemple évocateur. Dans le cas de l'Italie, l'introduction de contraintes quantitatives spécifiques a forcé le gouvernement et le Parlement à mettre en oeuvre des réformes importantes qui ont eu, ces dernières années, un effet positif sur le processus budgétaire. Les réformes de la fiscalité entreprises pendant les cinq dernières années revêtent une importance particulière. L'un de leurs objectifs a été d'atteindre une répartition plus équilibrée du fardeau fiscal grâce à l'adoption d'outils d'évaluation de l'efficience fiscale. Cela a permis de réduire l'évasion fiscale de manière significative et a entraîné une augmentation plus structurelle que temporaire des recettes.
Le processus de réforme fiscale a aussi été marqué par son orientation fédéraliste, et a graduellement renforcé l'indépendance budgétaire des autorités locales. Les contraintes imposées par le Pacte de stabilité et de croissance ont joué ici également un rôle majeur en soulignant le besoin de coopération étroite entre les diverses autorités responsables, à différents niveaux des finances publiques. Cela est illustré par le fait qu'en Italie, l'accord communautaire a été suivi par la rédaction d'un pacte de stabilité interne destiné à transférer la responsabilité réelle aux autorités locales afin d'assurer que les politiques budgétaires de tous les niveaux soient compatibles avec les engagements de l'Italie à titre de participant à l'Union monétaire.
Pour le Parlement, l'acceptation du défi posé par les critères de Maastricht a incité les législateurs à augmenter l'efficacité des instruments et procédures utilisés lors de la session budgétaire, particulièrement en ce qui a trait au respect des équilibres projetés et de l'évaluation approfondie des prévisions du gouvernement concernant les effets financiers des mesures budgétaires.
Plus récemment, les opportunités créées par le succès des efforts de réajustement des finances publiques ont fait espérer que les budgets futurs pourront prévoir des mesures destinées à appuyer le développement. Alors que cette possibilité a élargi davantage le champ d'action de la politique budgétaire, elle a également engendré de nouveaux problèmes de gestion de la session budgétaire au Parlement. En tout état de cause, les mesures fiscales constituent une part de plus en plus importante de ce qui est au coeur du budget. Cela est vrai non seulement pour les budgets passés, qui étaient destinés au redressement des finances publiques, mais également pour les budgets les plus récents, qui comme dans les autres pays européens, ont été rédigés en pensant aux conditions réelles de réduction de la fiscalité. Cela soulève des questions délicates qui concernent non pas tant la marge d'action, que le choix des mesures spécifiques à adopter. Les Parlements nationaux doivent décider quels sont les secteurs à favoriser en fonction des contraintes imposées par une concurrence exacerbée d'une part et par l'impossibilité d'enfreindre les règles communautaires régissant l'aide gouvernementale d'autre part.
La difficulté de réconcilier ces contraintes est évidente. Nous risquons de prendre des décisions que les autorités communautaires déclareront illégales par la suite, et dans le même temps nous devons décider s'il faut répartir les ressources disponibles de manière étendue ou les concentrer sur des secteurs spécifiques, comme cela a été le cas avec les revenus non gagnés, au détriment de la majorité des contribuables. À cet égard, j'aimerais souligner le besoin de prendre de l'avance en ce qui concerne l'effort international visant à éliminer ou à tout le moins limiter la concurrence fiscale dommageable, en concluant des accords détaillés comme ceux qui existent - non sans difficulté - sur le plan communautaire. Les efforts constants de l'OCDE ont joué un rôle clé dans ce domaine. Ceci pourrait devenir un facteur décisif permettant aux pays individuels de sauvegarder leurs propres sphères de politique budgétaire. En particulier, cela pourrait sauvegarder le rôle des Parlements, qui sans efforts significatifs seraient contraints d'abandonner les tentatives visant à engager des réformes fiscales plus globales en raison de la nécessité de faire face à la concurrence. Là encore, l'introduction des contraintes internationales pourrait paradoxalement augmenter la marge de manoeuvre du Parlement.
V - LA SURVEILLANCE MULTILATÉRALE DES FINANCES PUBLIQUESET LE POUVOIR POLITIQUE
1. SURVEILLANCE MULTILATÉRALE INTERNATIONALE DES FINANCES PUBLIQUES ET POUVOIR POLITIQUE par M. Michel Bouvier35 ( * ) Université Paris I - Panthéon-Sorbonne
L'Histoire a montré à plusieurs reprises que les finances publiques jouaient un rôle majeur dans les transformations en profondeur, voire même les révolutions qu'ont pu connaître les sociétés. C'est dans ces moments là en effet qu'il apparaît de la manière la plus évidente qu'elles représentent non seulement un facteur essentiel de changement mais également une grille de lecture de première qualité de ces changements.
Aujourd'hui encore elles conditionnent les nécessaires mutations de l'État.
À cet égard, une observation attentive des évolutions des systèmes financiers publics dans le monde, et plus encore de la culture financière publique, qui tend à se rapprocher de la culture financière privée, met en pleine lumière les bouleversements qui sont à l'oeuvre. Ceux-ci se traduisent par un souci partagé sur une bonne partie de la surface du globe de rationaliser, évaluer, contrôler la gestion de l'argent public, autrement dit d'intégrer un processus budgétaire d'essence fondamentalement politique dans une logique gestionnaire.
Ainsi, on voit progressivement naître, à travers les métamorphoses des systèmes financiers publics, un nouvel État et plus encore, un sens nouveau pour la démocratie.
De ce point de vue, un examen attentif des évolutions que connaissent les techniques de surveillance multilatérale des politiques budgétaires et des politiques monétaires, au demeurant indissociables, constitue on va le voir, une excellente clef de compréhension des mutations que connaissent les systèmes financiers publics et par conséquent les structures des systèmes politiques nationaux et internationaux,
Les finances publiques se trouvent de la sorte placée au coeur de la question qui préoccupe tous nos contemporains, celle de la gouvernance des sociétés complexes et des nouvelles régulations qui doivent être instituées.
L'enjeu est de taille puisqu'il s'agit d'éviter que l'hétérogénéité et l'équilibre instable du système politique, économique et financier international, ne conduise à une succession de crises, voire même à un effondrement général. Il convient ainsi de penser et d'ordonner, sans pour autant le figer, un univers en constant mouvement et en perpétuelle réorganisation ; un univers placé sous l'effet d'une logique de libéralisation qui lui insuffle une dynamique essentielle à son développement. Cet impératif de régulation pose nécessairement le problème d'une méthode permettant d'appréhender la complexité et de proposer les techniques adéquates. Mais ce n'est pas tout. S'y ajoute aussi un autre enjeu qui concerne plus fondamentalement le sens politique qui sera celui du nouveau monde en train de naître.
La problématique de la régulation telle qu'elle se présente aujourd'hui pose en effet la question d'une nouvelle alliance de l'expert et du politique qui est à inventer mais dont les prémisses existent déjà. Ces prémisses peuvent être vues en particulier autour de la recherche de nouvelles formes de surveillance multilatérale des politiques menées en finances publiques par les différents pays de la planète.
C'est bien pourquoi, au-delà de la seule prévention des risques économiques et financiers, c'est la question de la réorganisation des dispositifs financiers publics et de la réforme des États qui se trouve en toile de fond des réflexions concernant les procédures de surveillance.
Ce sont ces aspects que l'on se propose de développer maintenant ; nous aborderons dans une première partie « la surveillance multilatérale internationale des finances publiques en tant qu'impératif majeur pour un monde complexe » ; nous examinerons ensuite, dans une seconde partie, « les enjeux à venir de la surveillance multilatérale des finances publiques dans le cadre des sociétés complexes ».
1. La surveillance multilatérale internationale des finances publiques : un impératif majeur pour un monde complexe
On se proposera dans un premier temps de mettre en évidence les fondements de la surveillance multilatérale puis, dans un second temps d'exposer les formes classiques de cette surveillance.
Les fondements de la surveillance multilatérale des finances publiques
La surveillance multilatérale, dans le champ des finances publiques comme dans nombre d'autres, repose sur une conception systémique de compréhension des sociétés, une conception souvent intuitive, parfois clairement exprimée mais reposant toujours dans ce dernier cas sur le simple bon sens.
En effet, l'idée qu'il est indispensable que des institutions soient chargées de surveiller, d'analyser, les politiques budgétaires ou monétaires de tel ou tel pays dans le monde pour tenter de déceler les problèmes que ces politiques pourraient poser aux autres, afin d'en prévenir les conséquences, relève tout simplement de la prise en compte de l'ouverture des échanges entre les États qui s'est considérablement intensifiée ces dernières décennies.
La société internationale, qui est composée d'États souverains dont les caractéristiques économiques, financières, juridiques ou encore politiques sont, on le sait, très variées, se construit progressivement sous la forme d'un réseau, d'un système relativement ouvert en ce qui concerne les échanges économiques. Et cette mondialisation des échanges, qui s'est considérablement intensifiée ces dernières années en raison d'un développement sans précédent de l'économie libérale, a pour conséquence que ce système peut, à juste titre, être considéré comme un système à risques. Des réactions en chaînes peuvent en effet s'y produire qui, si elles ne sont pas maîtrisées assez tôt, sont parfois susceptibles d'entraîner des conséquences dommageables, des crises plus ou moins graves, sachant bien sûr que l'inverse est également vrai et qu'il résulte aussi de cette causalité systémique de très importants effets bénéfiques.
Face à des systèmes complexes et ouverts 36 ( * ) , c'est-à-dire composés d'institutions variées plus ou moins interdépendantes car en relations d'échanges mutuels, il est donc nécessaire de mettre en place des dispositifs de contrôle, des lieux de régulation, permettant de repérer les problèmes et d'intervenir rapidement afin d'en éviter la propagation ou pour le moins d'en diminuer l'amplitude. Ces lieux de régulation existent ; ils consistent notamment en des dispositifs de surveillance des politiques décidées par les États ; leur fonction est, comme on l'a dit, d'évaluer les risques que ces politiques peuvent faire encourir aux autres et de proposer des directions susceptibles de les éviter. Il s'agit-là de l'une des formes les plus classiques que peut prendre un contrôle systémique.
Les formes classiques de la surveillance multilatérale des finances publiques
De très nombreuses institutions internationales pratiquent une surveillance multilatérale en matière économique et financière mais il en existe relativement peu dont l'action est centrée sur les politiques menées en finances publiques. Au surplus, dans ce dernier champ, ce n'est que relativement récemment que les politiques budgétaires font l'objet de ce type de dispositif. En revanche les politiques monétaires et de change sont quant37 ( * ) à elles l'objet d'une attention soutenue par exemple dans le cadre des États qui ont ratifié les statuts du FMI. De par l'article IV de ses statuts, le FMI a, on le sait, la charge de surveiller les évolutions du système monétaire international afin de faire en sorte qu'il fonctionne correctement. Pour cela il procède à des consultations annuelles avec les acteurs politiques, économiques et sociaux des pays membres (127 consultations sur 99/00) ; celles-ci portent sur les politiques de change, monétaires et budgétaires et ont pour objectif de déceler les signes de vulnérabilité de l'économie.
Cette forme de surveillance que l'on peut qualifier de bilatérale donne lieu à la production de rapports présentant périodiquement, au printemps et à l'automne, « les perspectives de l'économie mondiale » (World Economy Outlook) ; celles-ci présentent, outre des prévisions pour deux ans (par exemple, le taux de croissance), les positions du FMI sur les politiques économiques des États en faisant apparaître les aspects les plus fragiles et les plus forts et proposant des recommandations.
Il est également procédé à une surveillance régionale ; la politique monétaire de la zone euro fait par exemple l'objet de rapports pointant un certain nombre de difficultés telles que le vieillissement des populations, la pression fiscale ou l'endettement. La zone franc est elle aussi soumise à ce genre de surveillance, il en est ainsi de l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine, qui fonctionne sur un modèle proche de celui de l'union Économique et Monétaire de l'union Européenne (huit pays).
On retiendra que l'efficacité de ce type de dispositif dépend bien entendu de la bonne qualité des informations recueillies, de leur traitement ainsi que de la périodicité des consultations. Elle dépend également de l'étendue des examens auxquels il est procédé et plus exactement de la méthode d'analyse; on veut dire ici que la logique systémique appliquée dans un cadre spatial, - (et selon laquelle des réactions en chaîne peuvent se produire à la surface de la planète comme on l'a déjà souligné), - devrait tout naturellement être appliquée à l'analyse et inclure, au-delà des aspects économiques et financiers, des éléments plus qualitatifs, par exemple d'ordre institutionnel.
On retiendra encore que ce mode de surveillance se heurte nécessairement, hormis des obstacles d'ordre méthodologiques, à des difficultés liées à l'autonomie des États et à l'hétérogénéité du milieu auquel il s'applique ; aussi ne pourra-t-il jamais être complètement satisfaisant.
Mais la difficulté peut être dépassée, car le raisonnement systémique lui-même conduit à une conception plus ambitieuse qui, au lieu de s'en tenir à l'institution d'organes de régulation externes aux États, a pour objectif que le système soit en mesure de s'autoréguler, de s'autocontrôler, autrement dit soit conduit de lui-même à respecter certaines règles de base destinées à limiter les risques financiers.
Or cette direction prend forme depuis quelques années et tend même à se développer ; c'est aussi celle qui pourrait engendrer une nouvelle forme d'État ainsi qu'une nouvelle configuration de la société internationale. De cette direction dépend également la nature du processus de décision politique dans le futur.
2. Les enjeux à venir de la surveillance multilatérale internationale des finances publiques dans le cadre des sociétés complexes
Sur le fond, les questions qui se posent au sujet de la surveillance multilatérale internationale des finances publiques sont relativement proches de celles que l'on peut rencontrer lorsque l'on s'interroge sur le contrôle des finances nationales et notamment, on peut le souligner, celui des finances des collectivités locales38 ( * ) qui sont également, on le sait, considérées comme des systèmes à risques en particulier depuis la banalisation de l'emprunt, et pour lesquelles des dispositifs d'alerte existent. On ne doit pas s'en étonner. Dans toute société qui fonctionne sur un mode décentralisé, on constate régulièrement des manifestations d'inquiétude au sujet des risques systémiques que peuvent présenter les institutions39 ( * ) plus ou moins autonomes financièrement qui la composent et la préoccupation de prévenir ces risques. En revanche, les approches sont partagées sur les moyens de régulation, certains étant partisans d'un contrôle externe au système, les autres préférant que les entités décentralisées contrôlent elles-mêmes leur gestion de manière à se rapprocher le plus possible du risque zéro, sachant que dans tous les cas la transparence des finances publiques représente un impératif.
C'est pourquoi, un examen attentif montre que quelque soit le niveau auquel on se place, c'est bien vers des sortes de systèmes experts s'auto-organisant que l'on semble vouloir se diriger, des systèmes pouvant par ailleurs avoir l'avantage de ne pas émettre des signaux d'alarme susceptibles de provoquer des anticipations sur les marchés économiques et financiers.
Vers une « cybernétique financière » ?
Plusieurs voies sont empruntées ou se dessinent qui conduisent à des systèmes capables de s'autocontrôler, de s'autosurveiller ou encore de s'autodiscipliner.
De ce point de vue, on peut dire que c'est une sorte de « cybernétique financière » qui se met progressivement en place, en tout cas un dispositif au sein duquel la technique et l'expertise tiennent une place centrale.
À travers les solutions envisagées ou mises en oeuvre, on peut à notre sens dégager deux conceptions, l'une qui relève plutôt d'une logique universaliste, l'autre qui accorde une attention plus grande aux particularismes des États.
1) Une uniformisation législative ou réglementaire par l'application de normes universelles
Lorsque l'on se trouve placé face à la nécessité de piloter un système complexe, il apparaît élémentaire non seulement qu'un langage commun à l'ensemble des acteurs soit utilisé mais aussi qu'ils respectent une logique commune de fonctionnement, des normes communes. Autrement dit, il est fondamental qu'ils partagent une même logique juridique et de gestion et il est nécessaire que celle-ci soit parfaitement intériorisée, intégrée dans leur mode de fonctionnement afin qu'une autodiscipline du système devienne possible.
C'est bien la voie dans laquelle s'est engagée la surveillance multilatérale internationale ces dernières années, avec l'invitation faite aux États d'adhérer à des codes de bonne conduite ou mieux, avec les règles leur imposant dans un cadre régional, d'intégrer certaines obligations dans leur législation nationale et de les respecter sous peine de sanctions.
a) Les codes ou chartes de bonnes conduites ou de bonnes pratiques en matière financière
La surveillance multilatérale internationale, comme d'ailleurs la nouvelle gestion publique 40 ( * ) tend de plus en plus à s'appuyer sur la nécessité de responsabiliser les institutions financières et de définir un certain nombre de règles universelles, de références internationales, toutes plus ou moins centrées sur une indispensable transparence des finances publiques. Cela montre bien que la réorganisation du système financier international et la prévention des risques passe aussi, et peut-être surtout, par la réorganisation des systèmes nationaux de gestion des finances publiques, autrement dit par la mise en place d'un contrôle interne de gestion efficace permettant une maîtrise de leurs finances par les États.
C'est dans ce sens que l'OCDE comme le FMI proposent des codes sur la transparence budgétaire ou monétaire et financière. On le sait, nombre d'autres institutions internationales suivent le même chemin dans des secteurs plus ou moins voisins, en préconisant des standards comme par exemple dans le cas de l'IFAC ou du GAFI. On devrait d'ailleurs de plus en plus, dans l'avenir, se diriger vers une collaboration entre institutions qui proposent des normes.
Les aspects qui sont le plus souvent mis en exergue portent sur la nécessaire clarté des dispositifs de fonctionnement, l'évaluation des politiques budgétaires et financières, la qualité et la fiabilité des informations, la diffusion des informations à un large public, aux hommes politiques, aux acteurs économiques et plus largement encore à l'ensemble des citoyens (le réseau internet devrait considérablement favoriser cette démarche).
À cet effet, on peut citer l'expérience développée par le FMI, à laquelle la France participe, et notamment le Rapport sur l'observation des normes et des codes produit par cette organisation sur la base des informations recueillies dans le cadre de ses consultations. On peut aussi signaler la Norme spéciale de diffusion des données instituée en 1996 par la même organisation et dont l'objectif est d'augmenter la fréquence et le détail des informations (compte des administrations publiques, dette de l'État, balance des paiements, salaires, prix...), étant précisé, il va sans dire que si le FMI peut procéder ainsi à une évaluation, cette dernière repose sur les informations produites par le pays qui a bien voulu se soumettre à l'examen.
Bien évidemment, dans la mesure où ces procédures reposent sur le volontariat, la question qui se pose est de savoir, si, une fois que les pays ont adhéré à ces standards internationaux, ils les appliquent réellement.
Certes, si la « pression par les pairs » est importante et certainement efficace pour que se développe, entre les pays de la planète, une incitation mutuelle à assainir leurs finances et à les rendre plus transparentes, elle ne suffit pas, on s'en doute, à instaurer un contrôle suffisamment sûr. C'est pourquoi certains pays, organisés dans le cadre de régions, ont considérablement renforcé la surveillance multilatérale de leurs finances, comme dans le cas de l'UE.
b) Une surveillance multilatérale renforcée dans un cadre régional
L'UE, plus particulièrement le cadre de l'union économique et monétaire, offre un excellent exemple de mise en place d'un dispositif de surveillance associant le respect de standards communs en matière budgétaire et financière et un organe de contrôle externe dont les conclusions sont susceptibles d'être suivies de sanctions.
Il convient de rappeler que, selon l'article 99 du traité instituant la Communauté européenne, « afin d'assurer une coordination plus étroite des politiques économiques et une convergence soutenue des performances économiques des États membres, le Conseil, sur la base de rapports présentés par la Commission, surveille l'évolution économique dans chacun des États », il est encore ajouté que « pour les besoins de cette surveillance multilatérale, les États membres transmettent à la commission des informations sur les mesures importantes qu'ils ont prises dans le domaine de leur politique économique ». Par ailleurs, et selon l'article 104, «la commission surveille l'évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les États membres... Elle examine si la discipline budgétaire a été respectée » autrement dit si les critères de convergences sont respectés.
À cela s'ajoute, on le sait, la mise en place depuis 1997 d'un « pacte de stabilité et de croissance », qui consiste dans la présentation par les États d'un programme à moyen terme qui comporte deux volets ; l'un est préventif et relève de la surveillance multilatérale proprement dite, l'autre est répressif ou dissuasif, et prévoit l'application de sanctions pécuniaires dans le cas où les mesures nécessaires pour rétablir la situation ne seraient pas prises.
Dans le cadre de ce dispositif, le Conseil et la Commission sont assistés par deux comités, le Comité économique et financier dont les statuts ont été adoptés par décision du Conseil du 31 décembre 1998 et le Comité de politique économique (décision du Conseil du 29 septembre 2000) qui permet d'assurer une surveillance plus étroite de la situation macroéconomique et des politiques structurelles des États.
On rappellera que la législation communautaire concernant l'UEM est directement applicable en droit interne puisqu'elle figure dans des traités, dans les protocoles qui leur sont annexés ou encore, comme c'est le cas pour le pacte de stabilité et de croissance, dans des dispositions réglementaires.
On est donc ici en présence d'un système de surveillance particulièrement sophistiqué qui se fonde sur l'obligation faite à tous de respecter les mêmes critères de convergence ce qui laisse une marge de manoeuvre limitée aux États. Même si les textes n'imposent pas une politique budgétaire commune et que celle-ci reste de compétence nationale, il n'en demeure pas moins que le renforcement de la surveillance multilatérale limite leur autonomie financière tout en renforçant la coordination de leurs politiques.
La question que l'on peut se poser est de savoir s'il serait envisageable d'instituer un dispositif plus souple, apte à réagir en fonction des fluctuations du marché. C'est là le point de vue de ceux qui sont partisans d'institutions indépendantes sources de normes budgétaires et fiscales. La surveillance pourrait également emprunter d'autres voies et se pratiquer de manière collégiale.
2) Un nouveau jeu des acteurs possible
a) Une harmonisation législative ou réglementaire par l'application de normes communes définies par des autorités indépendantes : la fin du politique
On peut reprocher aux systèmes de surveillance existants soit que leur efficacité se trouve limitée du fait qu'ils reposent largement sur le bon vouloir des pays, soit que leur renforcement va de pair avec une certaine rigidité.
Ces deux difficultés ne se retrouvent pas dans d'autres modèles qui ont pu être proposés, comme celui consistant par exemple à confier la production des normes budgétaires à des autorités indépendantes (proposition faite par le Business Council d'Australie qui est la principale formation patronale de ce pays).
Une tel dispositif ou modèle, s'il peut apparaître encore éloigné des évolutions les plus probables dans un futur prochain, est néanmoins révélateur d'une logique qui pénètre nombre de réflexions sur ces sujets et qui procède des nouveaux dispositifs de régulation mis en place depuis ces dernières années.
Il s'agirait en somme d'étendre aux politiques budgétaires et fiscales, la procédure en vigueur dans le cadre des politiques monétaires avec la création de banques centrales indépendantes. Sur le même modèle, des institutions pourraient ainsi contrôler les politiques fiscales, d'autres étant chargées des politiques budgétaires.
Ce genre d'approche n'est pas en totale rupture par rapport aux logiques précédemment exposées ; dans tous les cas, il s'agit en effet de s'appuyer sur des dispositifs de stabilisation automatique, ces derniers se composant de normes obligatoires propres à chaque État, définies par l'autorité indépendante et devant nécessairement être respectées par les décideurs politiques.
Il faut souligner que ce type de dispositif se caractérise par le fait qu'il traduit une double préoccupation : celle d'abord d'introduire une distance avec la sphère du politique et ses turbulences voire même de l'écarter de la prise de décision, la volonté ensuite de rassurer le marché en confiant l'essentiel des politiques budgétaires à des experts indépendants.
b) La surveillance mutuelle ou collégiale.
Une autre voie apparaît également possible, celle d'une surveillance mutuelle, ou encore d'une auto-organisation de la surveillance faisant appel à des procédures largement dominées elles aussi par des professionnels. En effet, un peu à l'instar par exemple de ce qu'a récemment expérimenté la Cour des Comptes française en se faisant auditer par son homologue hollandaise, une équipe composée de superviseurs de différents pays, éventuellement aidés par des experts internationaux, pourrait être chargée d'auditer la situation d'un État. Ce dispositif devrait là encore être associé à un développement progressif de l'adhésion des pays à des codes de bonne conduite.
Les transformations de la décision politique
On l'aura noté, tous les dispositifs de surveillance existants ou proposés font la part belle aux experts. Or l'on peut se demander s'il est légitime de réserver cet aspect des finances publiques aussi déterminant pour l'avenir aux seuls professionnels internationaux ou nationaux, ce qui voudrait dire que, en ce domaine, l'approche doit ou peut demeurer seulement technique.
Si l'on considère que, fondamentalement, c'est bien le problème de la gouvernance internationale et nationale qui est au coeur des réflexions en matière de surveillance multilatérale, alors il est évident que les questions ne se posent pas seulement en termes purement techniques et qu'elles soulèvent sur le fond des problèmes d'ordre politique et institutionnel.
Les finances publiques relevant en effet d'une tradition démocratique investissant les parlements du pouvoir de créer des normes en domaine, - ce que l'on appelle aussi le pouvoir normatif - le sujet qui est le nôtre touche donc un terrain essentiel, celui de la légitimité des institutions créatrices de normes, un terrain sur lequel c'est la question récurrente des rapports entre l'expert et le politique qui se trouve à nouveau posée.
Un débat se fait d'ores et déjà jour sur ce sujet. Comme le relevait récemment le sénateur Philippe Marini dans son excellent rapport « Pour un nouvel ordre financier mondial » , les parlements nationaux doivent débattre de ces sujets qui « sont en effet essentiels au regard de la construction de l'économie internationale de demain » , une construction qui, ajoute-t-il, « recèle des enjeux politiques évidents » .
Parmi ces enjeux, l'un tient à la difficulté de concilier pouvoir des élus et modernisation de la gestion publique. Autrement dit d'intégrer deux logiques qui, depuis ces dernières années, se confrontent au sein des systèmes financiers publics, la logique politique, qui procède de la tradition démocratique et qui donne la préséance aux élus, et la logique prudentielle et de gestion qui relève des impératifs économiques et qui, de fait, privilégie la capacité d'expertise technique.
D'une manière générale, il ne fait pas de doute qu'il il existe aujourd'hui une certaine fascination pour les techniques de gestion, avec parfois des assimilations un peu hâtives entre gestion et politique et le risque de finir par élever les techniques de gestion au rang du politique.
Il n'est au reste pas inconcevable que, poussée à son paroxysme, une telle fascination conduise à vouloir substituer à la décision politique des sortes de mécanismes « d'automatismes budgétaires », et ce du fait de la constitutionnalisation de normes financière ne laissant aux politiques qu'une marge de manoeuvre très limitée.
Quoiqu'il en soit, il est clair dès à présent que le renforcement de la surveillance multilatérale des finances publiques suppose une réorganisation de l'architecture du système financier international qui implique à son tour une réorganisation des institutions financières nationales 41 ( * ) . Celle-ci est d'ores et déjà engagée et, sur ce point, force est d'observer à travers les logiques qui se développent aujourd'hui, une tendance lourde faisant que les choix des décideurs politiques en matière financière se trouvent le plus souvent limités à des aspects de technique juridique ou de gestion car encadrés par des règles difficilement modifiables.
En définitive, c'est certainement tout autant sur fond de mondialisation des échanges que de transformations du politique à terme que se joue aujourd'hui l'avenir des politiques financières publiques. Plus exactement, il se dessine progressivement la fin d'une certaine façon de pratiquer, certes la gestion publique, mais peut-être plus encore de concevoir le politique.
2. LE BUDGET EUROPÉEN : LE RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN par M Terence Wynn, Président de la Commission du Budget du Parlement Européen
À mon tour, j'aimerais tout d'abord remercier l'OCDE et le Sénat français pour l'organisation de cette réunion. Je souhaiterais également vous remercier personnellement de votre invitation qui me permet de me trouver ici et d'avoir l'honneur de représenter le Parlement européen et, en un sens, les Institutions européennes.
Nous provenons tous d'environnements et de traditions politiques différents, mais à titre de représentants des contribuables, nous devrions tous avoir une approche commune quant au meilleur usage possible des fonds publics. La qualité de la dépense devrait être une priorité et plus encore quand nous constatons qu'il existe une tendance générale visant à la réduction des dépenses publiques.
Trois institutions principales participent au processus budgétaire de l'Union européenne : le Parlement et le Conseil des ministres qui constituent ensemble l'autorité budgétaire et la Commission qui constitue l'exécutif. La meilleure analogie serait le cas des États-Unis où le budget de l'exécutif doit être approuvé par la Chambre des représentants (représentant la population), et le Sénat (représentant les différents États). Dans notre exemple, le Parlement représente la population et le Conseil des ministres représente les états Membres, la Commission constitue quant à elle l'exécutif, mais sans être dotée du charisme du Président Bush.
Permettez-moi simplement de dire, en tant qu'homme politique, que si vous faites de la politique, c'est dans le but de disposer du pouvoir. Le pouvoir d'accomplir des choses pour les gens que vous représentez et le pouvoir d'améliorer la situation. Au Parlement européen, le pouvoir réel se situe au niveau de la procédure budgétaire.
Au cours de mon intervention, j'aimerais aborder trois questions :
- Le rôle et la compétence de chacune des institutions dans la procédure budgétaire ;
- L'effet du contrôle parlementaire sur la Commission et l'amélioration de sa gestion ; et
- Les relations entre le Parlement et les gouvernements nationaux.
La procédure budgétaire
Dans la plupart des pays représentés ici, les Parlements ont eu à lutter pour leurs droits contre le pouvoir royal. Il n'a été accordé librement que très peu de choses aux représentants du peuple. Les droits :
- d'établir le budget de l'État,
- de décider des recettes versées par les citoyens et
- de décider ou d'orienter les actions publique financées par le budget.
À travers l'histoire de la démocratie en Europe, l'établissement du budget d'un pays a été l'un des premiers droits conquis par les Parlements. Le droit d'établir le budget a été le levier permettant d'étendre l'influence du Parlement dans les domaines politiques : la législation, la politique intérieure, la politique extérieure, et pour finir, en ce qui concerne la guerre et la paix.
Le processus d'intégration européenne a montré, sous certains aspects, des caractéristiques similaires à celles de pays européens individuels. Le PE a du se battre pour obtenir ses droits. Le seul droit que nous n'ayons pas encore est celui de décider de l'ampleur des recettes à percevoir. Dans ce sens, il ne s'agit pas de la situation caractérisée par la formule « pas d'impôt sans représentation » mais plutôt de « représentation sans impôt ». L'aspect des recettes reste l'apanage du Conseil, mais nous y travaillons.
Lors de sa création en 1950, la CEE était un système politique clairement dominé par le Conseil des ministres et la Commission européenne, sans le contrôle politique et l'encadrement législatif d'un Parlement directement élu, mais accompagné seulement par une Assemblée parlementaire consultative dont les membres étaient détachés par les Parlements nationaux.
Les premières élections directes en 1979 ont marqué une étape sur la voie de l'avènement d'un système pleinement démocratique. Dans une Europe organisée sur une base démocratique, il revient au Parlement -comme cela a été le cas au cours de l'histoire et comme cela se passe dans les systèmes démocratiques nationaux- de garantir la juste administration de l'argent du contribuable et le contrôle démocratique de la gouvernance de l'Union Européenne.
D'après le Traité, le Parlement européen détient dans le domaine budgétaire trois formes de pouvoirs :
Le pouvoir de décision finale en ce qui a trait aux dépenses dites "non obligatoires", qui représentent plus de 50 pour cent du budget total (environ 95 milliards d'Euros),
Le pouvoir d'approbation du budget total et
Le pouvoir de donner quitus sur la mise en oeuvre, c'est-à-dire la reconnaissance de l'exécution par la Commission de ses responsabilités.
Au-delà de la stricte définition des Traités, la procédure budgétaire européenne a indéniablement évolué au cours des dix dernières années en raison de la coopération croissante entre les Institutions, notamment entre les deux pôles de l'autorité budgétaire - le Conseil et le Parlement.
La préparation du budget annuel de l'UE commence officiellement avec la publication de l'avant-projet du budget par la Commission (APB) à la fin avril ou au début mai.
Cet avant-projet est alors transmis au Conseil pour une première lecture et le Conseil adopte un projet de budget en juillet, sur la base de l'avant-projet de la Commission.
Ce document sert de base à la première lecture au Parlement. En septembre ou octobre, les membres de la Commission du budget débattent des priorités politiques que les commissions spécialisées ont proposées dans leurs projets d'amendements du projet de budget du Conseil. Ces projets d'amendements sont préparés par les commissions en juillet et en septembre.
La Commission du budget présente son avis à la séance plénière de première lecture du Parlement en octobre.
Le projet revient devant le Conseil en seconde lecture pour prise de décision sur les dépenses dites "obligatoires" (principalement dans le domaine agricole). La procédure prend fin en décembre, après la seconde lecture en session plénière du PE, par la signature du Président du Parlement européen, et l'espoir que le budget reflète les priorités du Parlement.
La réalité est certes plus complexe que ce bref aperçu du cadre formel, les relations et influences entre Institutions étant plus importantes qu'il n'était envisagé dans les traités.
En réalité, cette coopération est encadrée par un accord international sur les questions budgétaires non visées par les Traités et qui comporte également le cadre financier pluriannuel.
La perspective finale
L'équilibre politique et institutionnel du système de financement de la Communauté a commencé à changer au cours des années 80 au moment où les membres du Parlement nouvellement élus ont commencé à vouloir faire étalage de leur force. Des tensions croissantes causèrent une augmentation des difficultés dans la procédure budgétaire annuelle et les ressources n'étaient plus suffisantes pour faire face aux exigences.
À l'époque, une succession de crises budgétaires incita les Institutions communautaires à s'entendre sur une méthode conçue pour assurer la discipline budgétaire et pour améliorer la politique budgétaire. En concluant un accord inter-institutionnel, le Parlement, le Conseil et la Commission se sont entendus à l'avance sur les principales priorités budgétaires pour les périodes suivantes et ont établi un cadre pour les dépenses communautaires sous la forme de perspectives financières. Ces perspectives financières fixent le montant maximum et la composition des dépenses communautaires prévisibles.
Le premier accord inter-institutionnel fut conclu en 1988 pour l'application des perspectives financières 1988-1992 (paquet Delors I) qui étaient destinées à fournir les ressources nécessaires à la mise en oeuvre de l'Acte unique européen. L'application de l'Accord inter-institutionnel et des perspectives financières s'étant révélée un succès, les Institutions adoptèrent à nouveau la même approche et conclurent, le 29 octobre 1993, un nouvel accord inter-institutionnel. Cet accord comprenait les perspectives financières 1993-1999, qui finançaient le paquet Delors II, et les perspectives financières pour la période 2000-2006 ont fait l'objet d'un accord entre le Parlement et le Conseil permettant le financement du paquet Agenda 2000.
Qu'est-ce que les perspectives financières ?
Les catégories principales de dépenses communautaires sont divisés en rubriques : l'agriculture, les opérations structurelles, les dépenses internes, l'administration, la recherche, les aides de pré-accession (élargissement), les provisions. Chacune de ces rubriques comporte un plafond annuel de dépenses en engagement de crédits. Par contre, en cas d'opérations structurelles (Fonds structurels de la CE et fond de cohésion), le montant comptabilisé dans les perspectives financières constitue également un objectif en matière de dépenses.
Dans le cadre de l'accord inter-institutionnel, les trois Institutions s'engagent à respecter les différents plafonds fixés dans les perspectives financières.
Les perspectives financières se démarquent de la programmation financière à titre indicatif, dans la mesure où les parties à l'accord inter-institutionnel doivent respecter les plafonds. Cependant, les perspectives financières ne peuvent pas être considérées comme un budget pluriannuel, car la procédure budgétaire demeure essentielle pour déterminer le niveau actuel de dépenses dans le cadre des plafonds et, par dessus tout, pour répartir les crédits entre les différents postes budgétaires.
Voilà pour la procédure.
Le contrôle parlementaire sur l'exécutif
J'aimerais maintenant présenter certains aspects du contrôle parlementaire de la gestion de la Commission.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que la Commission Santer a démissionné suite au refus du Parlement de lui accorder le quitus parlementaire pour le budget 1996, faisant ainsi usage du troisième pouvoir octroyé par les Traités mentionnés plus haut. La nouvelle Commission Prodi a maintenant déclenché un vaste plan de réformes (dirigé par le Vice-président Neil Kinnock). Ces réformes doivent encore être mises pleinement en application.
La démission de la Commission n'est pas censée devenir un événement annuel, mais cette démission est l'effet d'un Parlement qui est en train d'atteindre la maturité. Le Parlement européen n'a que 21 ans et après avoir voulu faire étalage de sa force encore enfant dans les années 1980, il a découvert sa véritable stature à la fin de son adolescence. Le contrôle parlementaire a un effet direct et concret sur le travail quotidien de la Commission, dans la mesure où les responsables de la Commission sont auditionnés quotidiennement dans le cadre de l'évaluation de leur activité par un Parlement qui ne se satisfait pas de réponses en demi-teinte.
Parmi les mesures concrètes que la Commission a prises - indépendamment mais sous la constante pression du Parlement - on peut citer les suivantes :
- Mise en application des actions impulsées par le Parlement dans la procédure budgétaire par exemple l'aide pour l'Afrique du Sud, le programme KONVER faisant suite à la chute du mur de Berlin, le programme LIFE en faveur de l'environnement, les projets pilote et les actions préparatoires).
- Changements significatifs dans la gestion des fonds européens dans les Balkans, de manière à réduire l'influence des gouvernements nationaux dans la gestion directe.
- Mise sur pied de procédures spéciales pour déterminer les crédits exigés par la politique étrangère et de sécurité commune.
- Changements significatifs dans la gestion du programme d'aide extérieure afin de réduire l'arriéré de travail.
- Présentation d'objectifs pour chacun des programmes majeurs par le Commission.
- Contrôle plus strict de l'utilisation des ressources humaines.
Avant de clore ces considérations sur le contrôle parlementaire de l'exécutif, j'aimerais attirer l'attention des représentants des Parlements nationaux de l'UE sur le fait que bien souvent, la Commission n'est pas la seule Institution responsable de la gestion des fonds européens. Cette responsabilité est souvent partagée avec les administrations des États Membres et/ou les autorités régionales ou locales. Il faut rappeler qu'environ 80 pour cent des fonds européens sont gérés à l'échelon des États Membres.
La Cour des comptes publie chaque année son rapport annuel, lequel est habituellement suivi de la parution de titres de journaux sur la fraude en Europe qui s'est élevée l'année dernière à 32 milliards d'euros. En réalité la fraude apparaît rarement. Ce que la Cour évoque invariablement ce sont des « erreurs de gestion ou des détournements de la réglementation financière ». L'autre facette de la réalité est que la responsabilité repose habituellement dans les États Membres.
Où se situe la responsabilité des administrations des États Membres ? Existe-t-il la même rigueur de contrôle dans les États Membres lorsqu'il s'agit des deniers européens ? Dans la plupart des médias européens, on attribue toujours la responsabilité à la Commission ; je suis certain que si vous lisez avec attention le rapport de la Cour des comptes, vous pourriez y trouver une réponse différente.
Le Parlement reconnaît, dans de nombreux cas, que les responsabilités se situent plus au niveau national qu'au niveau européen.
Je pense qu'une augmentation des échanges entre les parlements européen et nationaux pourrait être mutuellement bénéfique pour le but commun que nous partageons, en vue d'une meilleure utilisation des deniers publics. A cet égard, j'aimerais vous informer qu'en juin prochain (2001) la Commission du budget du Parlement européen va organiser une audition sur ce sujet avec la participation des autorités nationales et locales.
Relations entre le Parlement européen et les gouvernements nationaux
La dernière question que j'aimerais aborder est celle des relations ente le Parlement européen et les gouvernements nationaux.
Un groupe politique peut être au pouvoir dans plusieurs États Membres, sans que cette situation se reflète nécessairement au Parlement européen - comme c'est le cas actuellement. Les gouvernements des États Membres ne peuvent donc pas aisément influencer le PE. Il faut une majorité qualifiée pour l'adoption du budget, ce qui signifie qu'aucun groupe politique ne détient jamais la majorité à lui seul. Nous devons rechercher le consensus sinon on en revient au budget du Conseil. Ce serait une grande avancée si le PE et le Conseil pouvaient s'accorder complètement et donc achever le processus en une seule lecture, mais nous n'avons pas encore atteint ce degré de nirvana.
C'est pourquoi la majorité nécessaire à l'adoption du budget doit être reconstituée à chaque fois. Dans ces circonstances, il est absolument normal qu'au cours de la procédure, de nombreux contacts aient lieu avec les gouvernements, à différents niveaux.
S'il est vrai que c'est par l'intermédiaire de la présidence du Conseil que tous les contacts officiels et la plupart des négociations ont lieu, il n'en demeure pas moins que les réunions de conciliation sont les moments clé de la procédure budgétaire (deux fois par année entre une délégation du PE et les 15 ministres du Budget). La préparation des ces réunions exige des contacts réguliers avec les gouvernements nationaux. Mais ce système n'est pas dépourvu de faiblesses.
Les ministres des finances nationaux sont tellement accaparés par leurs propres préoccupations budgétaires internes que leur connaissance du budget de l'UE repose souvent sur les avis de leurs représentants permanents à Bruxelles. Ainsi quand nous nous rencontrons lors des conciliations, ils sont invariablement désavantagés lorsqu'ils font face à 15 membres du Parlement européen qui sont des experts en matière de budget de l'Union européenne. Je préférerais un terrain plus équitable où les décisions politiques seraient prises par les politiciens nationaux et non par des fonctionnaires. C'est pourquoi nous avons besoin de contacts plus étroits et plus réguliers avec les politiciens nationaux pour nous permettre de mieux travailler ensemble.
Après tout, les affaires européennes et les affaires nationales sont souvent liées. Il y a quantité d'objectifs communs, que ce soit en termes d'approche générale envers « la meilleure utilisation de l'argent des contribuables » ou en termes plus spécifiques de « cohérence des priorités européennes et nationales ».
Cela m'amène à la conclusion que des contacts réguliers entre le Président et les rapporteurs du budget en vue de la préparation du budget de l'année suivante sont extrêmement utiles. Si cette opinion est partagée par les représentants des gouvernements de PUE présents ici aujourd'hui, des contacts pourraient alors être pris pour déterminer le moment de l'année le plus adéquat à la tenue de telles réunions, qui devraient rester pragmatiques mais être liées concrètement à la préparation du budget de l'année suivante.
Le budget d'un Parlement devrait refléter ses priorités politiques. Nous voulons faire en sorte que les priorités du Parlement européen reflètent les souhaits des citoyens européens. Cela pourrait être accompli de la meilleure façon possible en travaillant avec les responsables politiques des États Membres pour s'assurer que nous visons tous les mêmes objectifs. J'espère que dans l'avenir nous pourrons commencer à nous engager dans cette voie.
VI - LES PARLEMENTS PEUVENT-ILS AMÉLIORER LEUR RÔLE DE SURVEILLANCE BUDGÉTAIRE ? ÉVOLUTIONS RÉCENTES
1. RENFORCER LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR L'EXÉCUTIF par M Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français
Le contrôle du gouvernement constitue une des missions essentielles du Parlement, avec celle de proposer et celle de voter la loi. Ce contrôle se fonde sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui dispose, dans son article 14, que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité l'assiette, le recouvrement et la durée ».
Le fondement du contrôle du Parlement est donc ancien, et centré sur l'aspect financier, car en tant que représentants des peuples, nous devons avant tout déterminer dans quelle mesure la contribution publique est nécessaire et si elle est utilisée de manière efficace et conforme à l'autorisation donnée par le Parlement. La surveillance du budget de l'État est donc ancienne - elle n'en a pas moins considérablement évolué.
Dans chaque pays, les modalités de surveillance et de contrôle du gouvernement par le Parlement sont issues de traditions et le fruit de l'histoire politique et institutionnelle qui leur sont propres. Je souhaite vous présenter rapidement la pratique parlementaire française en matière de contrôle budgétaire et, plus particulièrement, ses évolutions récentes et ses perspectives d'avenir.
Les commissions des finances ont un rôle de contrôle permanent de l'exécution du budget, et elles disposent de prérogatives et de pouvoirs dédiés à cet effet ; il s'agit en particulier du pouvoir de convocation de toute personne dont elle juge l'audition utile.
Mais les prérogatives des commissions des finances sont en fait, surtout, celles de leurs membres, qui sont spécialisés et rapportent sur un budget ministériel déterminé. On appelle ces parlementaires " rapporteurs spéciaux ". Une ordonnance du 30 novembre 1958 dispose en effet que " les membres du Parlement qui ont la charge de présenter, au nom de la commission compétente le rapport sur le budget d'un département ministériel suivent et contrôlent de façon permanente sur pièces et sur place, l'emploi des crédits inscrits au budget de ce département. Tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter leur mission doivent leur être fournis ".
Les rapporteurs spéciaux rédigent chaque année, à l'occasion de la discussion de la loi de finances, un rapport sur le budget du ministère dont ils ont la charge. Mais ils effectuent également, au cours de l'année, des missions de contrôle sur les services de l'État qui entrent dans leur champ de compétence. Ces missions peuvent ensuite donner lieu à des lettres d'observations adressées au gouvernement, ainsi qu'à des rapports d'information confidentiels ou publics.
Par ailleurs, les commissions des finances bénéficient, selon l'article 47 de la Constitution, de l'assistance de la Cour des comptes dans le contrôle de l'exécution des lois de finances. La Cour des comptes est chargée du contrôle du gouvernement, de l'administration et des organismes publics, mais sous un angle juridique et comptable, tandis que le contrôle parlementaire est par nature, un contrôle essentiellement politique, assorti de jugements de valeur. Ce sont donc deux modes de contrôle complémentaires. L'assistance de la Cour des comptes se caractérise d'une part, par le fait que les commissions des finances peuvent lui demander de procéder à une enquête, et d'autre part, par la communication aux commissions des finances de ses rapports confidentiels sur l'exécution des lois de finances et sur les organismes publics.
Au cours des dernières années, de nombreuses mesures ont été prises afin de développer les moyens de surveillance, de contrôle et d'évaluation.
Ces évolutions sont parties du constat que le Parlement ne disposait pas réellement des capacités d'évaluer les politiques publiques.
D'abord, un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, commun aux deux assemblées, a été créé en 1996. L'expérience n'a pas été concluante, puisque l'Assemblée nationale a souhaité abandonner ce projet en 2000, dont elle a considéré que le fonctionnement bicaméral n'était pas satisfaisant. Cependant, le souci de permettre au Parlement d'avoir un regard autonome sur les politiques publiques est demeuré dans les deux assemblées. L'Assemblée nationale a donc créé la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) au sein de sa commission des Finances, dont les travaux bénéficient d'une collaboration importante de la Cour des comptes. Le Sénat a créé quant à lui un Comité d'évaluation des politiques publiques, rattaché à la commission des Finances mais ouvert à des sénateurs membres d'autres commissions. Le comité est doté d'un budget autonome, mais il n'a pas de moyens humains. Il s'agit pour le Parlement de se saisir d'une politique publique et d'en effectuer une évaluation avec l'aide, le cas échéant, d'experts extérieurs, mais toujours sous la responsabilité des parlementaires.
Ensuite, la loi du 14 juin 1996 a développé les pouvoirs du Parlement en instaurant des dispositions nouvelles telles que des sanctions en cas de refus de déférer à la convocation d'une commission, ainsi que la possibilité de se voir attribuer les pouvoirs des commissions d'enquête.
Enfin, l'année passée, plusieurs articles relatifs aux pouvoirs de contrôle des commissions des finances ont été votés dans la première loi de finances rectificative pour 2000.
Ces mesures nouvelles ont consisté à étendre le champ de contrôle des rapporteurs spéciaux au périmètre du contrôle effectué par la Cour des comptes en matière d'organismes publics d'une part, et aux recettes publiques affectées, d'autre part. Elles ont également limité les entraves que le gouvernement pourrait apporter aux pouvoirs de contrôle : le pouvoir général de contrôle des dépenses et des recettes est désormais reconnu au rapporteur général et au président des deux commissions des Finances qui avaient été oubliés par les lois précédentes. Une possibilité de lever le secret professionnel et l'instauration d'une sanction en cas d'entrave à la mission des rapporteurs spéciaux est prévue.
La commission des Finances du Sénat est très favorable à un développement des prérogatives de ses membres en matière de contrôle de l'exécution des lois de finances. Elle l'a montré à plusieurs reprises au cours des derniers mois. Notamment à la suite de l'affaire de la « cagnotte budgétaire » - la commission des Finances dénonçait le fait que le gouvernement cherchait à dissimuler les plus values de recettes fiscales enregistrées au cours de l'année 1999 -, le Sénat a, le 29 avril 2000, accordé les prérogatives des commissions d'enquête à la commission des Finances pour une durée de six mois. Cette procédure a permis à la commission d'auditionner de nombreuses personnalités, qui ont dû prêter serment, assorti de sanctions pénales en cas de faux témoignage, et d'effectuer des contrôles dénommés « sur pièces et sur place » au ministère de l'économie et des finances. Au cours d'un contrôle de ce type, les administrations sont tenues de fournir aux parlementaires tous les documents qu'ils demandent. L'enquête a donné lieu à un rapport public citant les personnalités auditionnées et les documents obtenus lors des contrôles sur pièces et sur place. Ce rapport a été largement commenté dans les médias, dès lors qu'il tentait, pour la première fois avec cette ampleur, de lever un coin du voile de la « culture du secret », souvent dénoncée, des gouvernements en matière budgétaire.
Il ne s'agit pas, aujourd'hui, de modifier en profondeur le champ, la nature et l'objet du contrôle exercé par le Parlement. Celui-ci a montré qu'il pouvait mettre en oeuvre un contrôle efficace.
Pourtant, les insuffisances du contrôle parlementaire sont encore nombreuses.
D'abord, parce que les relations institutionnelles ne permettent pas toujours d'utiliser pleinement les prérogatives prévues par la loi. Il en est ainsi, en particulier, de la mission d'assistance de la Cour des comptes. Si les relations avec la Cour des comptes se développent dans le sens d'une collaboration accrue, elles restent à parfaire, car les besoins du contrôle parlementaire ne correspondent pas toujours aux services que la Cour peut rendre. Le travail de la Cour s'inscrit dans la longue durée, alors que les organes politiques agissent souvent dans l'immédiat. Les parlementaires disposent certes de moyens propres efficaces mais limités : les fonctionnaires des assemblées, en nombre assez réduit, et pour des études spécifiques, des experts extérieurs, en particulier des instituts d'études économiques.
Ensuite, le contrôle du Parlement souffre d'insuffisantes retombées. C'est toute la problématique du passage du constat à l'action, car le diagnostic ne sert à rien si on ne porte pas remède. En effet, l'activité de contrôle est une activité peu visible de l'opinion publique et dont les retombées médiatiques sont souvent faibles. Par ailleurs, la prise en compte des observations formulées à l'issue des contrôles parlementaires par les gouvernements est rare. Nos collègues de l'Assemblée nationale se sont ainsi plaints, en particulier, de l'absence de suites données aux travaux effectués dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle.
Le contrôle doit donc gagner en visibilité, par exemple, en organisant de manière plus régulière des auditions publiques et contradictoires, à l'image des pratiques de certains pays voisins de la France, afin de prendre toute la place qui lui revient au sein de notre équilibre institutionnel.
Enfin, le contrôle doit faire l'objet de davantage de volonté politique pour s'ancrer dans le cadre de rapports normaux entre le Parlement et le gouvernement. En effet, s'il apparaît naturel aux parlementaires de s'exprimer dans leur activité de législateur, ils délaissent encore trop souvent le contrôle, et n'utilisent pas assez les prérogatives à leur disposition. De la même façon, le contrôle est souvent vécu comme une agression par les administrations, alors qu'il est l'exercice d'un droit de l'Homme.
Ceci implique d'effectuer une véritable révolution culturelle tant chez les parlementaires que dans les administrations.
La réforme de l'ordonnance organique de 1959, qui est la véritable « Constitution financière » de la France nous offre l'occasion de faciliter ces évolutions dans le cadre d'un texte solennel. Il conviendrait, notamment, d'enrichir les informations dont dispose le Parlement en les inscrivant dans une perspective pluriannuelle. Il faut également que le gouvernement ne puisse faire obstacle à l'exercice du contrôle, soit en en contestant les modalités, soit en ignorant délibérément les conclusions des contrôles effectués. L'accès facilité aux documents administratifs, le renforcement des dispositions relatives aux délais de transmission des documents, l'obligation de réponse aux lettres d'observations des rapporteurs spéciaux, et la reconnaissance des moyens du contrôle parlementaire, pourraient faire partie de ces ajouts dans le cadre de cette réforme.
La budgétisation par objectifs qui constitue l'une des innovations centrales de cette réforme, devrait faciliter une évaluation plus fine des performances des administrations ; les ministres seront alors tenus de fixer des objectifs et de comparer les résultats obtenus à ces objectifs à l'issue de l'exercice, rendant ainsi compte de l'efficacité des services à la représentation nationale. Je souhaite que cette modification en profondeur de la construction du budget de l'État et de son vote puisse donner un nouvel élan au contrôle et à la surveillance de ses finances. Après cette réforme, les moyens du contrôle évolueront sans doute encore, du point de vue des textes ou des pratiques parlementaires. Des questions récurrentes relatives à la création d'un organisme de contrôle spécialisé et dépendant exclusivement du Parlement, par exemple, montrent que les attentes demeurent grandes en la matière.
« Au-delà de la réforme des textes, je souhaite l'impulsion d'une nouvelle culture du contrôle auprès des parlementaires et dans les administrations » indiquait le rapporteur général de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale pour 2000. En effet, si les moyens du contrôle existent, c'est souvent la volonté politique qui fait défaut pour en consacrer pleinement l'utilité et améliorer l'utilisation de l'argent public, au profit des citoyens dont nous sommes les mandataires.
Une rencontre telle que celle d'aujourd'hui est le témoignage que cette volonté est de plus en plus affirmée en France.
2. LA PROCÉDURE PARLEMENTAIRE D'APPROBATION ET DE CONTRÔLE DU BUDGET EN Espagne par M. Joaquin Almunia, Président de la commission du Budget, Chambre espagnole des Députés
1. Définition et contenu des budgets généraux de l'État
Le budget espagnol peut se définir comme l'expression en chiffres, conjointe et systématique, des obligations pouvant être contractées et des montants que l'État et ses organismes autonomes prévoient de dépenser (article 48 de la loi de Finances). A cela vient s'ajouter le budget de la sécurité sociale qui constitue également une prévision sur ses obligations et ses ressources, ainsi que les estimations des dépenses et des recettes des collectivités et des autres organismes du secteur public.
En définitive, plutôt que d'un budget, il convient de parler des budgets et, dans ce sens, en Espagne l'expression légale est celle de budgets généraux de l'État, étant donné qu'il s'agit d'un budget consolidé comprenant l'ensemble des budgets susmentionnés.
Cependant, l'Espagne étant constituée en État décentralisé, il convient de préciser que, conjointement avec les budgets d'État il existe les budgets des entités territoriales distinctes de l'État proprement dit : les communautés autonomes et les collectivités locales. Parmi ces dernières, les plus importantes sont les municipalités et, en conséquence, c'est à elles que je ferai référence en traitant du budget des collectivités locales.
En ce qui concerne les communautés autonomes, elles sont responsables de leur propre budget qui est approuvé par leurs parlements respectifs, conformément au statut d'autonomie de chacune d'elles et au moyen d'une procédure pratiquement identique à celle que je décrirai en parlant du mode d'approbation des budgets généraux de l'État par le Parlement espagnol, étant donné que les règlements parlementaires de chacune des communautés autonomes se sont inspirés du modèle prévu par le règlement de la Chambre des députés.
Les municipalités approuvent également leurs budgets en vertu des dispositions de la loi réglementant les finances locales et au sein de leurs propres organes de gestion (Ley Reguladora de las Haciendas Locales).
L'existence de budgets séparés ne signifie pas qu'il n'existe aucun point de contact entre eux. Au contraire, les budgets généraux de l'État prévoient chaque année certains postes destinés à financer les dépenses aussi bien des communautés autonomes que des municipalités. Naturellement, ce qui apparaît comme une charge pour les budgets généraux de l'État, représente une ressource disponible pour les communautés autonomes et pour les municipalités.
Dans ce sens, la loi qui réglemente le financement des communautés autonomes et les relations financières entre ces dernières et l'État [loi organique sur le financement des communautés autonomes (LOFCA - Ley Organica de Financiacion de las Communidades Autonomas)], prévoit deux voies de financement à la charge des budgets de l'État, sans préjudice des ressources propres aux communautés mentionnées. Ces voies sont constituées par une participation au recouvrement des impôts nationaux (article 14 de la LOFCA) et un fonds de compensation inter-territorial (Fondo de Compensacion Interterritorial, article 16 de la LOFCA et 158 de la Constitution), visant à corriger les déséquilibres territoriaux.
Le projet de loi sur les budgets généraux de l'État est présenté chaque année au Parlement, accompagné d'un projet de loi sur les mesures fiscales, administratives et d'ordre social, introduisant dans le système juridique certaines modifications plus ou moins liées aux prévisions des budgets ou considérées nécessaires. La dissociation que suppose la présentation et l'approbation de deux projets de loi a conduit la Cour Constitutionnelle espagnole à déclarer l'inconstitutionnalité des lois de finances contenant des matières différentes de celles strictement budgétaires, en s'opposant ainsi à une pratique suivie en Espagne jusqu'en 1992, consistant à intégrer à la loi de Finances certaines modifications législatives liées aux budgets ou simplement nécessaires pour d'autres raisons.
Bien qu'incidemment, je ne peux moins faire que mentionner l'utilisation qui vient d'être faite dans mon pays des dénommées lois des mesures (la loi des mesures approuvée pour l'exercice 2001 a supposé la modification de plus de quarante lois de contenu différent), considérée excessive par l'actuelle opposition parlementaire et par différents courants de pensée. Tout ceci a porté à nouveau devant la Cour Constitutionnelle la question relative aux limites des modifications législatives pouvant être réalisées chaque année au moyen d'un seul instrument juridique, qu'il s'agisse de la loi de Finances ou d'une loi venant compléter cette dernière, À l'heure actuelle, nous attendons toujours une décision de la Cour Constitutionnelle à ce sujet.
2. Approbation du budget par le Parlement
L'approbation du budget espagnol par le Parlement se déroule selon des règles qui accordent la primauté au Gouvernement et limitent les possibilités du Parlement et ce, pour deux raisons : tout d'abord parce que, conformément à la terminologie de certains auteurs (Alesina et Perotti), les règles qui régissent l'approbation des budgets sont plus proches de la procédure hiérarchique (qui diminue les possibilités du Parlement en faveur de l'exécutif) que de la procédure collégiale qui permet un exercice plus étendu des pouvoirs parlementaires. À cela il faut ajouter le rôle joué par la majorité parlementaire qui soutient le Gouvernement et qui, sans préjudice de la présentation et du débat sur de nombreux amendements de la part de l'opposition, rend très difficile l'approbation finale et la participation réelle de la minorité aux décisions budgétaires.
Dans tous les cas, en Espagne la procédure budgétaire se déroule suivant le schéma suivant :
a) Présentation du projet et tenue des réunions
Lorsque le projet de loi sur les budgets généraux de l'État est présenté à la Chambre des députés - jamais plus tard que le 1er octobre de l'année qui précède celle à laquelle se réfèrent les budgets- selon l'article 134 de la Constitution- une série de réunions a lieu avec les autorités des différents ministères, de rang inférieur à celui de ministre, afin de fournir des informations sur les prévisions budgétaires du centre de décision dépendant de chacune de ces autorités.
Ces réunions ont lieu de manière décentralisée, au sein des différentes commissions composant la Chambre des députés, de sorte que chacune d'elles puisse s'occuper des autorités ministérielles correspondant aux compétences de la commission (Agriculture, Défense, Éducation, etc.).
La tenue de ces réunions préalables ne constitue pas une procédure prévue par le règlement, mais elle a été définitivement cautionnée au cours des dernières années. Toutefois, contrairement aux apparences, il ne s'agit pas tant d'un moyen qui prétend obtenir davantage d'informations sur l'exécutif (l'information obtenue par chaque commission n'est pas formellement transmise à la commission des budgets) que d'un mode de contrôle obligeant chacune des autorités interpellées à expliquer les motifs des prévisions contenues dans le projet de loi de Finances et, à l'occasion, à rendre compte de la destination des postes budgétaires de l'exercice précédent.
b) Débat d'ensemble
À l'issue des réunions, un premier débat a lieu en assemblée plénière de la Chambre sur l'ensemble des budgets présentés par le gouvernement (débat d'ensemble), ayant pour objet de délibérer sur les amendements qui demandent au Gouvernement le renvoi du projet présenté. Sauf circonstances exceptionnelles (qui se sont déjà présentées dans notre pays), ces amendements n'atteignent pas leur objectif car la majorité s'y oppose. Dans un tel cas, les amendements servent à initier un débat général de politique économique, fiscale et budgétaire, qui oblige le gouvernement à préciser ses options dans ces domaines et permettent à l'opposition d'exprimer les siennes en rapport avec chacune de ces matières.
c) Débat en Commission
Lorsque le projet a surmonté ce premier débat, la discussion est ouverte au sein de la commission des budgets que je préside, laquelle examine le projet en détail, lors d'une séance qui se déroule sur deux ou trois jours, sur la base d'un exposé sur le projet mentionné, préalablement élaboré par un groupe de dix députés de la commission, dénommé groupe rapporteur. La commission examine en détail aussi bien les articles de la loi que ce que nous dénommons les Sections, c'est-à-dire la présentation décomposée du budget selon des critères essentiellement organiques, de sorte que chaque section corresponde à un ministère donné, tout cela sans préjudice de la nature du budget espagnol qui est conçu comme un budget par programmes.
Au cours de ce débat, les discussions portent sur un nombre d'amendements qui se situe habituellement entre 1,500 et 2.000, bien que la présentation des amendements soit restreinte par le règlement de la Chambre, de sorte qu'il n'est donné suite aux amendements au projet impliquant une augmentation des crédits que s'ils proposent une diminution du même montant dans la section pour laquelle l'augmentation est demandée. Par ailleurs, les amendements au projet impliquant une diminution des recettes, nécessitent la conformité du gouvernement (article 134 du règlement de la Chambre).
Dans la pratique, les limitations que supposerait le respect rigoureux de ces prévisions dans l'exercice du droit d'amendement par l'opposition ont conduit le gouvernement à ne pas s'opposer à ce qu'il soit donné suite aux amendements qui diminuent les recettes, et que les organes de la Chambre chargés de qualifier les amendements d'augmentation de crédit et de vérifier qu'ils comportent une diminution dans la même Section, agissent selon un critère étendu, toujours en faveur du droit d'amendement mentionné. Tout cela en étant sûrs que la majorité empêchera l'approbation des amendements auxquels il est donné suite, lorsque cette majorité et le gouvernement ne sont pas d'accord à ce sujet.
d) Nouveau débat en assemblée plénière
Lorsque le projet a été débattu en commission, il revient en assemblée plénière pour que celle-ci se prononce sur le rapport que lui transmet la commission, non en termes globaux ainsi qu'elle l'avait fait précédemment, mais en termes de détail. Lors du débat en séance plénière, l'articulation des Sections est traitée séparément et les délibérations portent sur les amendements qui n'auraient pas été approuvés en commission et qui sont maintenus par leurs auteurs.
Le retour du projet en séance plénière de la Chambre et la réitération d'un débat qui a déjà eu lieu en commission constituent l'un des aspects les plus critiqués de la procédure parlementaire d'approbation des lois en Espagne et, en particulier, de l'approbation de la loi sur les budgets généraux de l'État.
À ce sujet, il faut tenir compte que, si lorsqu'il s'agit d'autres lois il est possible d'éviter la seconde lecture en séance plénière puisque la Constitution espagnole permet que les projets soient approuvés par les commissions ayant une totale compétence législative (article 75), cela ne serait pas possible dans le cas de la loi de Finances car cette même Constitution exige expressément que cette dernière loi soit approuvée lors d'une séance plénière ultérieure aux séances de la commission. C'est pourquoi la réforme de la procédure d'approbation des budgets, à laquelle je ferai référence ci-après, devra prendre en ligne de compte la modification de ce second débat en séance plénière, afin de lui donner un caractère plus global et politique que celui qui est actuellement le sien.
e) Approbation par le Sénat
À l'issue de la procédure auprès de la Chambre des députés, le projet de loi de Finances est transmis au Sénat où, en vertu du bicaméralisme et des prévisions constitutionnelles qui régissent l'approbation des lois dans notre pays, une nouvelle procédure est ouverte au cours de laquelle les députés et les groupes parlementaires réitèrent les amendements qui ont été refusés par la Chambre, ce qui donne lieu à un débat qui reprend en partie ce qui a déjà été pris en considération par la Chambre des députés.
f) Ratification ou refus des amendements du Sénat
Enfin, le Sénat remet à la Chambre le projet avec les amendements qu'il a introduits, afin que cette dernière se prononce sur leur acceptation ou leur refus, le dernier mot revenant à la Chambre des députés en vertu des dispositions de la Constitution espagnole (article 90).
g) Référence au suivi de la loi des mesures
Simultanément et parallèlement au suivi parlementaire des budgets, la commission de l'économie et des finances analyse la loi sur les mesures fiscales, administratives et d'ordre social qui accompagne les budgets, en termes très proches de ceux décrits pour le suivi budgétaire.
3. Contrôle parlementaire de l'exécution du budget
En ce qui concerne le contrôle de l'exécution budgétaire, il convient de faire une distinction entre le contrôle qui s'exerce sur l'exécution pendant l'exercice auquel se réfère le budget, et le contrôle exercé lorsque le budget a été exécuté.
a) Contrôle parlementaire pendant l'exécution du budget
Pour ce qui est du contrôle qui s'exerce sur le budget en exécution, il convient de souligner que ce contrôle est essentiellement administratif et relève du Contrôle général de l'administration de l'État (Intervencion General de la Administracion del Estado) du ministère des Finances, avec des délégations dans les différents centres de gestion. C'est à lui que correspond, entre autres, le contrôle critique ou préalable de tout acte ou document susceptible de donner lieu à des droits ou des obligations de nature économique.
Dans cette phase, le Parlement ne dispose que de moyens lui permettant d'exercer ce qui pourrait être qualifié de contrôle médiat, de sorte que les moyens habituels d'information et de contrôle sont utilisés dans le but spécifique d'obtenir des informations et d'exercer un certain mode de contrôle sur le budget. Dans ce sens, il est évident que les questions, les interpellations et les réunions peuvent être utilisées dans le but déjà cité, de manière à permettre au Parlement de connaître le degré d'exécution ou la destination finale de certains crédits.
Au sujet des réunions comme moyen de contrôle, je dois souligner que celle du Secrétaire d'État au Budget et Dépenses à une signification particulière. Habituellement, et selon certaines règles, cette réunion a lieu chaque trimestre auprès de la commission des budgets de la Chambre des députés, et permet d'obtenir un panorama général du degré d'exécution et de réalisation des prévisions budgétaires. Elle est précédée par l'information écrite remise habituellement et périodiquement par le ministère des Finances sur l'exécution du budget.
Cependant, cet aspect est l'un de ceux qui mettent en évidence le manque de contrôle sur l'exécutif car les moyens susmentionnés n'assurent pas un contrôle continu ni direct sur l'exécution du budget au moment où celle-ci a lieu. Pour la même raison, cet aspect constitue l'une des questions auxquelles la réforme devra apporter des solutions, et que je mentionnerai ci-après.
b) Approbation des comptes de la nation
Après l'exécution du contrôle du budget, la dénommée décharge de l'exécutif est traditionnellement réalisée en Espagne à travers l'approbation des comptes de la nation. Ces comptes sont élaborés au ministère des Finances conformément à un schéma consolidé symétrique, suivi lors de la présentation des budgets, de sorte qu'un compte correspond à chacun des budgets cités ci-dessus comme faisant partie des budgets généraux de l'État, et l'ensemble constitue les dénommés Comptes de la nation.
Les comptes ainsi élaborés sont remis avant le 31 octobre de l'année qui suit celle à laquelle ils se réfèrent à la Cour des comptes (article 136 de la loi de Finances), organe dépendant des Cortes Generales, chargé de la fiscalisation des comptes de la nation, qui remet aux Chambres son rapport sur ces comptes.
Après la réception du rapport, il revient à une commission mixte Chambre-Sénat de l'examiner et d'émettre l'avis correspondant, proposant à l'assemblée plénière de chacune des Chambres l'approbation ou le retour du rapport à la Cour des comptes. C'est au cours de ce débat que les députés et les groupes parlementaires ont l'opportunité d'exprimer leur opinion sur l'exécution du budget, bien qu'avec une portée limitée, puisqu'il s'agit d'un budget déjà exécuté.
Il est évident qu'il s'agit d'une procédure de contrôle qui n'est pas satisfaisante, et cette insatisfaction a pour origine le fait que ce contrôle s'exerce sur un budget dont l'exécution est éloignée dans le temps. Ainsi, pour ne citer qu'un cas, le Rapport sur les comptes de la nation de l'exercice 1998 a été remis aux Chambres le 12 décembre 2000, ce qui donne une idée de l'éloignement en termes de temps auquel il était fait mention et de la perte d'intérêt et de signification politique qu'un tel éloignement comportait.
4. Propositions pour le futur
En conclusion, on peut affirmer que la procédure parlementaire d'approbation et de contrôle du budget espagnol nécessite une réforme permettant de corriger certains de ses défauts les plus significatifs et de favoriser une plus grande présence du Parlement dans la phase de contrôle pendant l'exécution budgétaire, tout en éliminant certains obstacles en ce qui concerne la discussion et l'approbation du budget.
Au sujet de ce dernier, il a déjà été précisé que, dans la pratique, certaines des difficultés qui sont créées par le règlement, quant à la présentation des amendements, peuvent être évitées. C'est la raison pour laquelle la réforme la plus urgente au sujet de la phase d'approbation, concerne la nécessité de réglementer la procédure, de sorte à éviter les lectures répétées en séance plénière de la Chambre, en empêchant ainsi que la seconde lecture ne soit qu'une répétition de la démarche déjà suivie par la commission. À cet effet, et dans la mesure où la Constitution empêche l'approbation du budget par la commission qui est totalement compétente selon la loi, la solution consisterait à ce qu'il y ait une seconde lecture en séance plénière, moins détaillée et subtile, et davantage centrée sur les aspects généraux du budget et sur les Sections qui le composent.
Sur le plan du contrôle, l'avancée doit consister à créer effectivement le Bureau budgétaire de la Chambre des députés, cette question étant en discussion à la Chambre depuis le début de 1990, sans que son fonctionnement ait pu avoir lieu jusqu'à présent.
Il s'agirait d'un Bureau s'inspirant - dans une certaine mesure - des modèles qu'offre le droit comparé (Service du budget de l'État italien et Bureau parlementaire d'évaluation des politiques publiques créé au Parlement français en 1996) qui, entre autres fonctions, serait logiquement chargé du suivi et de l'exécution et du respect des programmes et des prévisions budgétaires pendant l'exécution du budget.
Cela contribuerait sans aucun doute à avancer vers l'obtention d'un contrôle parlementaire effectif sur l'exécution budgétaire, ce qui doit être considéré comme l'un des aspects décisifs du domaine plus vaste du contrôle du gouvernement par les Parlements.
Postscriptum (mars 2002)
La récente approbation de la Loi générale de stabilité budgétaire a défini certaines modifications de la procédure parlementaire d'approbation des budgets généraux de l'État en Espagne. À ce sujet, l'introduction d'une phase préalable consistant à fixer l'objectif de stabilité budgétaire a un intérêt particulier. Dans ce but, le gouvernement présente aux Chambres le montant global par rapport auquel les budgets pour l'exercice suivant seront élaborés, en demandant à la Chambre des députés et au Sénat de se prononcer sur le montant proposé. Un débat est ainsi ouvert, qui doit avoir lieu vers les mois d'avril et mai de l'exercice précédant celui pour lequel le budget va être approuvé.
Selon le montant fixé, le gouvernement élabore le projet de loi de Finances qu'il remet à la Chambre des députés avant le 1er octobre du même exercice, c'est-à-dire de l'année précédant celle à laquelle les budgets correspondent. À partir de ce moment, la procédure décrite dans les pages précédentes est initiée.
Par ailleurs, la Loi générale de stabilité budgétaire prévoit un nouveau débat qui n'aurait lieu que si le projet de loi de Finances est présenté en position de déficit. Dans un tel cas, le gouvernement est tenu de présenter un plan de correction du déséquilibre, donnant lieu à un débat similaire à celui qui a eu lieu pour l'approbation de l'objectif de stabilité budgétaire. Mais l'objet de ce débat serait différent étant donné qu'il s'agît maintenant d'évaluer les mesures que le gouvernement propose pour corriger le déséquilibre, dans un délai non supérieur à trois ans.
CONCLUSIONS
A - DÉCLARATION GÉNÉRALE COMMUNE Adoptée à l'unanimité
Les Présidents et Hauts responsables des Commissions budgétaires parlementaires des pays Membres de l'OCDE se sont réunis les 24 et 25 janvier 2001 sous la présidence de M, Alain Lambert, Président de la Commission des finances du Sénat français. Se sont succédées au cours de la réunion des présentations de pays membres et d'experts invités, des introductions et remarques de bienvenue de M. Christian Poncelet, Président du Sénat français, M. Donald Johnston, Secrétaire général de l'OCDE, ainsi qu'un exposé liminaire de M. Luciano Violante, Président de la Chambre des Députés italienne.
Les délégués parlementaires reconnaissent qu'à notre époque, les branches exécutive et législative des gouvernements doivent toutes deux être efficaces et performantes afin d'assurer une bonne gouvernance. En particulier, il est crucial que se crée un partenariat actif entre les deux branches sur les questions budgétaires, traduction des politiques gouvernementales et véhicule du contrôle démocratique. Pour que leurs travaux soient efficaces, les parlements doivent disposer, au moment opportun, d'informations cohérentes et crédibles. Plusieurs parlements des pays membres de l'OCDE effectuent actuellement un examen de leur propre organisation interne ainsi que des processus de discussion budgétaire. Les politiques et processus budgétaires sains favorisent une bonne gouvernance lorsqu'ils promeuvent la responsabilité fiscale, la transparence, la prise en compte des enjeux du futur dans les choix budgétaires et de tous les engagements financiers de l'État qui ne sont pas inclus dans le budget de l'État, et lorsqu'ils requièrent une information crédible sur la nature, le coût, et l'impact des politiques publiques.
Les délégués ont félicité l'OCDE et le Sénat français pour l'organisation de cette rencontre, et encouragent l'OCDE à approfondir son travail avec les parlements. Les délégués ont suggéré la création d'un réseau parlementaire d'informations budgétaires, l'organisation d'échanges bilatéraux et multilatéraux de membres du personnel parlementaire et de réunions des Présidents et Hauts responsables des commissions budgétaires des pays Membres de l'OCDE.
Paris, le 25 janvier 2001
B - REMARQUES FINALES par M. Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français
Je veux vous dire ma satisfaction d'avoir pu ensemble adopter une déclaration finale commune.
Cette déclaration est certes très générale ; elle est une pétition de principes. Nous ne pouvions entrer dans les détails attendu les différences de droits et de pratiques entre nos pays.
Mais ces grands principes sont fondamentaux. Ainsi que l'a rappelé hier le professeur Schick, nous parlons moins de finances publiques que de politique ou de démocratie.
C'est à ce titre que je tenais à ce que nous adoptions une déclaration finale.
En effet, nous sommes les représentants de nos peuples formant leurs institutions démocratiques qui garantissent la liberté, la justice, le progrès et la paix ; notre rôle est avant tout de décider. Au plan symbolique, il m'a semblé souhaitable qu'au cours de cette conférence, nous prenions une décision, une résolution.
Je souhaite aussi vous exprimer ma gratitude pour la réussite de cette conférence.
Vous êtes venus très nombreux, vous avez rempli durant ces deux journées l'équivalent d'une commission permanente du Parlement français.
Cela me semble bien augurer de la suite : comme le prévoit notre déclaration, je souhaite que nous constituions un véritable réseau international de commissions budgétaires, et que cette réunion ne soit que la première d'une série de rencontres périodiques, qui pourraient être annuelles, et au cours desquelles nous pourrons confronter nos expériences.
Permettez-moi enfin de former des voeux pour que nos travaux inspirent et encouragent le processus de réforme entamé en France. Ce que vous avez dit, les uns et les autres, apporte un éclairage remarquable pour permettre aux Français d'en tirer les enseignements.
Ce qui m'a frappé au cours de nos débats, c'est qu'au delà des modèles institutionnels et de la répartition des pouvoirs entre les parlements et les exécutifs, le phénomène déterminant est politique : c'est l'existence - ou non - d'un fait majoritaire. Là où il n'y a pas de fait majoritaire, le gouvernement doit coopérer avec le Parlement. Il ne peut passer outre que s'il est soutenu par une majorité qui privilégie toujours le soutien au détriment de la critique.
La France est marquée par le fait majoritaire. Mais il se trouve que pour réformer ses règles budgétaires, il nous faudra l'accord de l'Assemblée nationale (de gauche, qui soutient le gouvernement) et du Sénat (de droite). La droite et la gauche devront se mettre d'accord, et donc le rôle du Parlement, dans cette réforme, sera déterminant.
À mes yeux, la réforme doit remplir deux objectifs :
- moderniser la gestion de l'État, et créer les conditions de la réforme de l'État,
- puis affirmer le rôle du Parlement en matière budgétaire.
Ces deux objectifs sont complémentaires, puisque les parlementaires sont les représentants du Peuple. Si cette réforme réussit, on pourra alors espérer que les prélèvements effectués sur les contribuables soient utilisés aux mieux de leurs intérêts.
Le but ultime de la réforme, comme de nos missions, est donc l'intérêt général, nous en sommes tous d'accord.
Je vous donne rendez-vous pour une prochaine rencontre au cours de laquelle, si je suis encore à mon poste, je vous rendrai compte de la réforme en France.
MINUTES DU SÉMINAIRE
I. OUVERTURE DE LA SÉANCE ET REMARQUES LIMINAIRES
(9 H 30 - 10 H 00)
Le Président, M. Alain Lambert, Président de la Commission des finances du Sénat français, souhaite la bienvenue aux participants.
M. Christian Poncelet, Président du Sénat français, souhaite également la bienvenue aux participants. Il remarque que les Chambres hautes des Parlements, comme le Sénat, jouent un rôle important en matière de contrôle du budget établi par l'exécutif, les Chambres basses devant souvent se contenter d'entériner les projets de budget émanant du gouvernement. Le contrôle exercé par une Chambre haute ne consiste pas tant à se pencher sur les détails qu'à vérifier le bien-fondé des choix budgétaires ou à veiller à ce que les ressources inscrites au budget correspondent bien aux besoins du pays. M. Poncelet ajoute que la France a engagé une réforme de la loi de finances qui avait été mise en place en 1958. L'expérience acquise par les pays Membres de l'OCDE montre que l'amélioration du fonctionnement d'un pays est liée à la solidité du processus budgétaire qui se déroule au Parlement.
M. Donald Johnston, Secrétaire général de l'OCDE, présente l'Organisation et expose les travaux qu'elle mène dans le domaine de la gouvernance, ajoutant qu'il est important de faire participer les Parlements à ses travaux. Ce colloque marque le début de l'association systématique des Parlements aux travaux de l'OCDE.
II. EXPOSÉ LIMINAIRE : LES PARLEMENTS, LA DÉMOCRATIE
ET LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE (10 H 00 - 10 H 30)
Le Président donne la parole à M. Luciano Violante, Président de la Chambre des députés italienne.
M. Violante déclare que la fonction première des Parlements est liée à la recherche d'un consensus en matière de fiscalité et de contrôle de l'équilibre budgétaire, le budget lui-même constituant l'instrument utilisé pour exercer un contrôle sur la mise en application des politiques. Tout au long de la décennie 1990, la réduction du déficit a été la principale priorité politique, et le budget est devenu le principal instrument de contrôle et d'orientation en ce qui concerne les politiques législatives.
À l'heure actuelle, en raison de la croissance économique et de la mondialisation, une nouvelle phase s'amorce dont la caractéristique la plus évidente réside dans le fait que le pouvoir de décision passe progressivement aux mains de personnes qui se trouvent hors du circuit Parlement-gouvernement. La régulation et la répartition des ressources publiques s'inscrivent au centre des négociations entre les instances supranationales et les pays et à l'intérieur de chaque pays, entre les différents échelons de l'administration. Ces relations qui échappent au contrôle du circuit habituel Parlement-gouvernement constituent une menace potentielle pour la démocratie. Pour autant, il n'est ni possible, ni même souhaitable de renvoyer l'ensemble des processus de décision aux structures traditionnelles de gouvernance en place dans nos pays.
Les valeurs démocratiques imposent néanmoins le respect d'un certain nombre de conditions préalables essentielles qui ne peuvent être garanties que par les organes représentatifs généraux, c'est-à-dire le Parlement et le gouvernement. Ces préalables sont l'organisation d'un débat public sur les choix en matière de gouvernance, la réaffirmation des principes de responsabilité des différents acteurs, et l'évaluation du résultat des politiques publiques. Or, seul le processus budgétaire rassemble ces trois éléments fondamentaux de la démocratie.
III. LE RÔLE DU PARLEMENT DANS LE PROCESSUS BUDGÉTAIRE
DES PAYS MEMBRES DE L'OCDE (11 H 00 - 12 H 30)
Le Président donne la parole à M. Allen Schick, professeur à l'université du Maryland, États-Unis.
En matière d'élaboration du budget, le pouvoir législatif ne peut pas définir son nouveau rôle en faisant fond sur la faiblesse de l'exécutif. Si le gouvernement se montre faible dans la gestion des finances de la nation, les législateurs n'en verront pas leur pouvoir renforcé pour autant. L'exécutif a pris trop d'ampleur et les problèmes auxquels il est confronté sont trop vastes pour que le législatif se renforce à ses dépens. Plutôt que de parler de contrôle et de restrictions, le nouveau rôle des Parlements devrait être défini en termes d'action publique, de responsabilité et de résultats.
À l'origine, les Parlements ont été créés pour contrôler les dépenses du gouvernement mais, à l'époque moderne, ils se contentent généralement d'approuver le budget tel que le gouvernement les lui présente ou de n'y apporter que des amendements mineurs. En fait, les Parlements s'interdisent eux-mêmes d'agir car ils estiment ne pas pouvoir assumer la responsabilité de la gestion des finances publiques pour des raisons d'ordre politique.
La montée en puissance des partis politiques a joué un rôle déterminant dans le déclin de l'influence parlementaire : amender le budget équivaut à déroger à la ligne de son propre parti.
La vaste expansion de la taille de l'État a rendu les budgets plus complexes. Les années 1960 ont coïncidé avec l'apparition des notions de dépenses publiques reconduites automatiquement et de droits à prestations garantis par la loi. Entre 1960 et 1980, la croissance annuelle des dépenses publiques a été en moyenne supérieure d'un point de pourcentage à celle du PIB. Lors de l'examen du budget par le Parlement, la première étape consiste à réserver les montants correspondant aux dépenses de droit, en d'autres termes à définir les limites de l'action parlementaire.
Les groupes d'intérêts se sont accaparés le budget. Ils lui impriment leur marque, le Parlement en étant réduit à approuver leurs demandes, relayées par le gouvernement. En même temps que le contrôle parlementaire s'affaiblit, le nombre d'amendements augmente. Dans les sociétés pluralistes, il ne reste aux législateurs qu'à traiter les questions budgétaires mineures. Dans les régimes corporatistes, le Parlement doit suivre ce que dictent les « partenaires sociaux » du gouvernement. C'est de ce dernier qu'émanent l'essentiel des amendements.
Il importe de faire une distinction entre les autorisations de crédits et les budgets. Ce sont les Parlements qui autorisent les crédits mais les gouvernements qui établissent les budgets. La notion de crédits budgétaires est antérieure de plusieurs siècles à celle de budget. Les budgets sont des déclarations de politique générale alors que les crédits budgétaires sont un instrument de contrôle. Plus le budget est complet, plus l'exécutif est puissant par rapport au législatif. Les budgets préparés par les gouvernements étant exhaustifs, les Parlements n'ont plus qu'à les entériner.
Pourtant, le pouvoir législatif s'efforce de jouer un rôle plus important. Ce rôle accru se concrétise dans plusieurs évolutions : désormais, la plupart des Parlements votent des montants globaux, ce qui revient à assumer la responsabilité du budget. De nouvelles commissions du budget ont été mises en place et se sont assurées le concours de nouveaux experts, de sorte que les législateurs ne sont plus tributaires du ministère des Finances pour obtenir des informations. Les Parlements admettent que détenir l'information, c'est détenir le pouvoir. On constate un accroissement de l'activité des auditeurs parlementaires. Certains pays ont fait de l'homologue national de la « Cour des comptes » française un organe législatif à part entière. Un certain nombre de Parlements élaborent eux-mêmes les budgets, sous forme de document de programmation très complet.
Voyons maintenant pourquoi les législateurs aspirent à un rôle accru et quelle différence cela fait. Les raisons sont nombreuses ; on en compte autant qu'il y a de pays :
- les règles du type Maastricht ;
- le consensus politique en faveur d'une stabilisation, voire d'une réduction des dépenses ;
- la pression exercée pour plus de transparence. La faiblesse d'un Parlement nuit à la transparence de son action (sauf peut-être, dans les pays qui se sont inspirés du modèle Westminster) ;
- l'amélioration des performances du gouvernement encourage le législatif à déterminer des objectifs et à examiner les résultats obtenus ;
- la baisse de confiance dans les gouvernements incite les Parlements à prendre leur indépendance. En une période où la démocratie triomphe, la confiance n'a jamais été aussi faible. Les citoyens sont schizophrènes : ils apprécient les avantages que leur offre le gouvernement mais ils se méfient du gouvernement qui les leur procure. C'est ainsi que plus le gouvernement est généreux avec ses citoyens, plus ils se retournent contre lui.
Lorsque l'on parle du rôle du Parlement dans le processus budgétaire, il s'agit de la relation entre le Parlement et le gouvernement. Le budget englobe tous les secteurs de l'économie et c'est dans ce qui touche au budget que les Parlements sont appelés à intervenir.
Parlements et gouvernements : une nouvelle relation.
- La législature arrête la politique budgétaire : elle assume la responsabilité des montants globaux, contribue à la politique en matière de dépenses et de fiscalité, et donne des orientations pour la marche de l'économie.
- Les Parlements amendent le budget du gouvernement. En matière d'amendements, l'étendue de leur pouvoir varie d'un pays à l'autre. Dans certains pays, le pouvoir d'amendement est illimité sur le plan juridique mais restreint sur le plan politique alors que dans d'autres, il est limité soit sur le plan juridique, soit sur le plan constitutionnel.
- Le Parlement fixe des objectifs à atteindre au gouvernement. Ses décisions ne portent pas uniquement sur les deniers publics mais sur ce qui est réalisé au moyen de ces crédits. L'avenir du Parlement dépendra de sa capacité à coopérer avec le gouvernement pour définir les objectifs et les résultats sur lesquels ce dernier s'engage.
- La législature examinera donc les résultats. Il s'agit là d'un rôle additionnel, par delà le contrôle du bien-fondé et de la légitimité des dépenses (rôle traditionnel) puisqu'il remet en question les réalisations obtenues par le gouvernement à partir des budgets approuvés par le Parlement. A l'avenir, le budget deviendra un contrat assorti d'obligations de résultats entre le gouvernement et le Parlement. Le gouvernement lui-même devra se doter des capacités nécessaires pour définir ses performances et ses résultats. S'il ne sait pas où passent les deniers publics, le Parlement a peu de chances d'être mieux renseigné. C'est pourquoi il est nécessaire que le législatif coopère avec l'exécutif.
L'indépendance en matière d'élaboration du budget entraîne inévitablement une augmentation des problèmes et des conflits entre le Parlement et le gouvernement mais qui dit conflit dans ce domaine, dit également résolution des conflits.
Comment le corps législatif peut-il redéfinir son rôle dans l'élaboration du budget ?
- Le Parlement vote des montants globaux, éventuellement assortis de répartitions provisoires par secteur, avant d'adopter des dispositions concernant telle ou telle recette. Il est par conséquent une institution chargée de préparer le budget et d'autoriser les crédits. Il n'est pas nécessaire qu'il renonce à son rôle traditionnel pour en assumer un nouveau.
- Les dispositions de la loi de finances pour l'exercice à venir (montants globaux) ne peuvent être modifiées et ont une valeur indicative pour les années suivantes (programmation budgétaire pluriannuelle).
- Le pouvoir en matière budgétaire doit-il être concentré entre les mains d'une seule commission ou réparti entre plusieurs commissions sectorielles ? Dans le second cas, il importe de mettre en place un solide processus de coordination sous l'autorité morale soit du Parlement, soit d'une commission du budget puissante. Il faut prévoir un instrument de résolution des conflits avec le gouvernement, ce qui va habituellement de pair avec l'autorité morale.
- Les décisions concernant des recettes ou des dépenses particulières doivent être en harmonie avec le reste du budget.
Questions que le Parlement doit se poser dans la redéfinition de son rôle.
- Doit-il se doter de son propre service du budget ou s'en remettre au gouvernement pour obtenir des informations et des analyses ? Un service du budget au complet est une garantie d'indépendance.
- Faut-il restreindre les pouvoirs du Parlement en matière de dispositions budgétaires ? Il s'agit d'une question d'ordre constitutionnel mais, quand la Constitution est muette sur ce point, on a parfois recours à des pratiques informelles.
- Le Parlement doit-il voter des montants globaux ou se limiter à prendre des décisions sur des recettes et des dépenses particulières ? La question fondamentale est de savoir s'il doit n'être qu'une institution ayant pouvoir de lever l'impôt et d'autoriser les dépenses ou bien s'il a également vocation à élaborer le budget. Doit-il examiner les cadres de programmation à moyen terme des finances publiques ?
- Le Parlement doit-il mettre en place des procédures permettant de faire le lien entre les décisions budgétaires et les décisions législatives, ou bien ces deux types de décision doivent-ils être séparés ? À titre d'exemple, dans de nombreux pays, le Parlement n'a pas la possibilité de modifier les dispositions permanentes régissant le processus d'autorisation des crédits budgétaires, ce qui, de fait, l'empêche de procéder à des réaffectations, et ne lui permet en aucun cas d'intervenir dans le budget.
- Le Parlement doit-il spécifier des objectifs de performance aux organes gouvernementaux ou bien faut-il laisser au gouvernement le soin de définir ces objectifs ? Il s'agit en l'occurrence d'une question de répartition des tâches. Il n'a jamais été d'usage de confier au gouvernement le soin d'énoncer les résultats sur lesquels il s'engage.
Scénarios pour demain
- Le Parlement est mieux informé, mais n'a pas de réel pouvoir pour amender le budget. Il dispose de davantage de personnels et d'informations, ce qui pour autant ne renforce par son pouvoir.
- Les efforts des législateurs pour élaborer la politique budgétaire entraînent des conflits avec le gouvernement, mais il n'existe actuellement aucun moyen d'apaiser ces conflits. Soit il y a rupture, soit le Parlement fait machine arrière. Le Parlement devra réfléchir préalablement aux moyens de régler les différends puisqu'en intervenant dans le domaine budgétaire, il ouvre la voie à des conflits.
- Le Parlement utilise de nouvelles ressources budgétaires pour exiger du gouvernement qu'il assume la responsabilité des résultats. Pour ce faire, il peut créer de nouveaux services d'audit, exiger un droit de regard et d'examen, mais il faut aussi que les parlementaires eux-mêmes s'intéressent aux performances et aux résultats.
- Le Parlement participe à l'élaboration de la politique budgétaire en partenariat avec le gouvernement, ce qui constitue le rôle le plus actif qu'il puisse jouer. Ce partenariat est un modèle « idéal » qui ne convient pas à tous les pays et, de fait, certains Parlements devront opter pour d'autres scénarios.
Débat et questions posées pendant l'examen de l'exposé de M. Schick
- M. Ferrera (Portugal) : Jusqu'à quel point la discipline au sein des groupes parlementaires peut-elle faciliter le processus d'examen du budget du gouvernement ? Et si les groupes parlementaires adoptent une approche moins rigide et que ce processus devient plus compliqué, l'assouplissement de la discipline ne risque-t-il pas d'accroître l'influence des groupes d'intérêt dans le débat ?
- M. Davey (Royaume-Uni) : S'agissant de la résolution des conflits avec le gouvernement, comment trouver le juste équilibre entre l'anarchie parlementaire et le renforcement de l'indépendance des législateurs ? En Nouvelle-Zélande, les parlementaires peuvent proposer des amendements à titre individuel mais la Couronne conserve un droit de veto limité sur ce qui peut être pris en compte. Existe-t-il d'autres méthodes d'arbitrage ?
- M. Fantozzi (Italie) : La plupart des pays sont confrontés à d'énormes déficits budgétaires du fait de l'inflation. Mais comme il leur a été demandé de procéder à des ajustements structurels, le processus budgétaire ne se limite plus à l'autorisation des crédits budgétaires, mais englobe une refonte de la politique budgétaire elle-même. Existe-t-il d'autres problèmes qui exigeraient des ajustements structurels ?
- M. Duetoft (Danemark) : Dans mon pays, règne un fort esprit de coopération entre les partis du fait que le gouvernement est minoritaire, ce qui contraint ce dernier à travailler avec le Parlement. Comme la différence entre le budget du gouvernement et le budget de l'opposition est minime (1 pour cent), les conflits sont limités. Parler de la lutte de pouvoirs entre le gouvernement et le Parlement n'est plus d'actualité. La société du consensus est le garant de la stabilité. Par conséquent, le scénario n°4 est le seul qui vaille. Au sein de la Commission des finances danoise, les membres sont loyaux envers la Commission et non envers leur parti.
- M. Odell (Suède) : la discussion a jusqu'à présent été axée sur le gouvernement et le Parlement. Or, dans bien des pays, les Parlements sont constitués de nombreux partis. M. Schick peut-il revenir sur le rôle des partis politiques dans les débats budgétaires ? En Suède, chaque parti doit proposer un budget complet de rechange. Ceci se rapproche-t-il du modèle idéal ?
Réponses de M. Schick
Quand on examine la manière dont les gouvernements préparent les budgets, on voit que les différences sont minimes, ce qui n'est pas le cas des examens effectués par les Parlements. Les faits attestent que, lorsqu'un gouvernement est minoritaire, les dépenses sont généralement plus élevées, comme au Danemark et en Suède. Ces faits sont tirés d'un rapport d'une commission de l'UE et ont notamment motivé certaines des réformes engagées par la Suède. J'estime qu'il s'agit là de bons exemples dont les Parlements pourraient s'inspirer pour une réforme budgétaire, encore que cette solution n'ait pas été testée dans les pays où l'économie est fragile. La Suède a décidé de réformer les systèmes budgétaires de l'exécutif et du législatif quand le déficit a atteint 13 pour cent du PIB. Les réformes de l'action du gouvernement et du Parlement ont été concomitantes. Dans le modèle néo-zélandais, l'alternative est la suivante : voulez-vous que le Parlement s'active davantage en se saisissant d'un grand nombre d'amendements mineurs ou préférez-vous qu'il assume la responsabilité de l'ensemble du cadre budgétaire ? Les réformes engagées par la Suède et par la Nouvelle-Zélande sont aux antipodes l'une de l'autre. En Suède, vous ne pouvez pas proposer d'amendement mineur s'il ne s'inscrit pas dans le cadre du budget global alors qu'en Nouvelle-Zélande, c'est au gouvernement qu'il appartient de fixer les montants globaux tandis que les parlementaires peuvent y apporter des amendements mineurs.
La plupart du temps, les amendements apportés aux budgets par les Parlements sont très modestes, mais ils sont extrêmement nombreux. Pour répondre aux questions du Portugal et du Royaume-Uni au sujet de la discipline de parti et de l'anarchie parlementaire, je dirai que si le rôle du corps législatif est d'apporter de minuscules amendements, la discipline de parti n'a aucune importance mais si le Parlement assume la responsabilité du cadre budgétaire, il est indispensable que règne cette discipline. Sans discipline de parti, impossible d'avoir un régime politique discipliné.
Pour en revenir à la déclaration du Danemark selon laquelle les différences entre les partis sont très ténues, je dirai tout d'abord que, demain, cette situation peut changer. En outre, dans les pays Scandinaves, on observe que le rôle de l'État fait l'objet d'un consensus extraordinaire. Par conséquent, vouloir instrumentaliser le budget pour briser ce consensus relève de l'absurde. Quand le consensus est massif, les électeurs ne veulent pas de conflit. Mais lorsque la polarisation est plus marquée, cela se traduit par de plus larges possibilités d'action de la part du Parlement, mais aussi par un risque accru de conflit entre le gouvernement et le Parlement.
Si les pays ne sont pas tous parvenus à un consensus, contrairement à ce qui s'est passé en Scandinavie, force est de constater que le consensus sur le rôle du gouvernement est nettement plus fort qu'il y a 30 ans et ce, dans tous les pays. Pourquoi faudrait-il qu'en une période où il y a moins à faire, les Parlements revendiquent davantage d'indépendance ? Lorsque les grandes questions ont trouvé une réponse, pourquoi vouloir donner aux Parlements de nouvelles capacités de poser de grandes questions ? Le débat sur ce que devrait faire ou ne pas faire le gouvernement touche à sa fin. Ce consensus est-il provisoire ? A cet égard, les programmes du type Sécurité sociale seront un indicateur très parlant si le débat sur ce que devrait être le gouvernement retrouve un nouveau souffle.
IV. QUELS SONT LES BESOINS DES PARLEMENTS
POUR RÉELLEMENT CONTRÔLER LA PRÉPARATION ET L'EXÉCUTION DU BUDGET ? (14H30 -17H00)
Le Président, M. Marini, Rapporteur général de la Commission des finances du Sénat français, donne la parole à M. Odell, Vice-président de la Commission des finances du Parlement suédois.
M. Odell commence son intervention en rappelant la remarque d'Otto von Bismark selon laquelle, comme pour les saucisses, il vaut mieux ne pas savoir comment a été concocté un budget national.
Deux facteurs ont poussé la Suède à engager des réformes. Tout d'abord, la situation politique : le rôle du Riksdag est important étant donné que les gouvernements qui se sont succédé ont longtemps été minoritaires. Cette formule a donné de bons résultats mais présente des inconvénients. Ainsi, par exemple, en 1990, le gouvernement a été incapable de tempérer la surchauffe économique mais n'est pas non plus parvenu à faire voter des amendements par le Parlement, du fait de l'opposition de droite comme de gauche. De surcroît, la politique interne des partis a entraîné des divisions et les gouvernements ne sont pas parvenus à connaître les résultats de ces luttes intestines suffisamment à l'avance. Deuxièmement, l'économie : celle-ci s'est caractérisée par une dégradation spectaculaire puis par un rétablissement de l'équilibre budgétaire : alors qu'à la fin des années 80, la Suède était de tous les pays de l'OCDE celui qui affichait l'excédent le plus considérable, au cours de la décennie 90, elle a connu le déficit le plus important. En cinq ans, le niveau de la dette a doublé. Mais nombreux sont ceux qui pensent que le processus budgétaire lui-même a constitué une entrave.
Le problème tient à l'absence de coordination contraignante entre les institutions : les autorisations de crédits inscrites dans la loi de finances étant votées au cas par cas, le budget global n'est que la somme de centaines de petites décisions sur chacune de ces autorisations.
Caractéristiques principales : cadre de programmation pluriannuel et processus budgétaire hiérarchisé, dans lequel on décide d'abord des montants globaux. La loi de finances du printemps fixe en premier lieu le budget global et les postes extrabudgétaires sont examinés ensuite. Tous les postes de dépenses non plafonnés ont été supprimés. Un nouvelle loi organique a été votée pour inscrire dans les textes le processus et les méthodes budgétaires.
Le budget de l'exercice s'inscrit dans un cadre pluriannuel qui établit également le lien entre la politique macroéconomique et ce budget. Le processus comporte trois phases qui s'enchaînent. Premièrement, le gouvernement énonce sa politique budgétaire en termes macroéconomiques. Ensuite, les objectifs sont convertis en un plafond de dépenses s'appuyant sur un certain nombre d'hypothèses qui font elles-mêmes l'objet d'un vote. Au cours de la troisième phase, les montants globaux sont opérationnalisés en définissant des niveaux indicatifs de financement pour chacun des 27 secteurs de dépenses.
Pour commencer, on actualise le cadre pour l'année n+3 (en 2000 pour 2003, par exemple). Le projet de loi de finances du printemps contient des propositions de plafond de dépenses du gouvernement central à un horizon de trois ans. Il comporte également des projections de dépenses pour les trois années du cycle budgétaire. Le budget du gouvernement central comporte un plafond de dépenses pour 27 secteurs, sauf pour le service de la dette de l'État et le régime des retraites complémentaires (ATP). Le plafond est fixé légèrement au-dessus des estimations correspondant aux trois années du cycle budgétaire. La marge ainsi obtenue offre la possibilité de prendre des décisions futures en matière de dépenses sans dépasser le plafond. Cependant l'utilisation de cette marge budgétaire entraîne une augmentation des dépenses du gouvernement central et pour que l'équilibre budgétaire soit maintenu, il faut que les recettes augmentent en proportion.
Le gouvernement présente les plafonds et les détails des dépenses au Riksdag peu après la rentrée parlementaire. Le projet de loi doit être complet car il n'est pas possible de soumettre d'autres propositions budgétaires au cours de l'automne. Le budget du gouvernement central doit également couvrir la totalité de ses dépenses. Le projet de loi sur le budget contient aussi des propositions sur la façon dont doivent être menés les programmes. Le budget du gouvernement central comporte 500 autorisations de crédits détaillées. Le projet de loi de budget contient également des prévisions sur les recettes, dont des estimations de l'ensemble des redevances.
Pendant deux semaines, chaque membre et chaque parti ont la possibilité de formuler des propositions sur n'importe quelle question relevant de la compétence du Riksdag. On a recensé 2 800 motions et 8 000 à 10 000 propositions. La plupart de ces propositions sont très modestes et il est extrêmement difficile de les faire voter par le Parlement. Toutefois, les partis de l'opposition présentent habituellement de nouveaux plans et plafonds de dépenses globales dans des motions spéciales ainsi que différentes propositions sur le montant total des recettes et des redevances. De tout temps, les plans présentés par l'opposition ont contenu des plafonds de dépenses inférieurs à ceux fixés par le gouvernement.
Le bureau du budget du Riksdag - qui est nettement plus petit que le bureau du budget du Congrès américain - épaule les partis d'opposition pour la préparation de leurs propositions budgétaires de substitution. Il applique les mêmes normes que le ministère des Finances en matière d'élaboration des prévisions. Par conséquent, il est possible de comparer intégralement les chiffres du budget du gouvernement et ceux de l'opposition.
Le vote du budget est un processus comportant deux étapes (processus cadre) : le Parlement commence par voter les plafonds, puis les dépenses détaillées. Les impôts et les charges sont également votés dans leur globalité. Les recettes et les dépenses sont traitées comme un « paquet » unique. C'est pourquoi l'opposition connaît d'énormes difficultés pour élaborer ses plans de substitution et que les amendements mineurs sont excessivement difficiles à faire voter par le Parlement. En effet, les partis d'opposition doivent s'entendre sur un ensemble complet de propositions en formant une coalition majoritaire. Tout d'abord, le vote porte sur les propositions de substitution émanant de chacun des partis d'opposition. Le budget présenté par la coalition gouvernementale (souvent un gouvernement minoritaire) n'est voté qu'après.
Ensuite, les commissions sectorielles examinent les autorisations de crédits au cas par cas, en gardant à l'esprit les montants globaux agréés. Ces commissions exercent un fort pouvoir de contrôle. Tout au long de l'année, le gouvernement est tenu de leur présenter des rapports sur l'exécution du budget et de leur prouver qu'il respecte les restrictions budgétaires. Le suivi et l'évaluation des décisions antérieures n'est pas le point fort du Parlement qui se place toujours dans une perspective d'avenir.
Les auditeurs parlementaires jouent un rôle important dans le contrôle exercé par le Parlement. Aux termes d'un récent accord, un nouveau mécanisme de vérification sera mis en place au printemps 2003. Ce mécanisme sera plus puissant et disposera de capacités améliorées de contrôle ou de maîtrise des dépenses.
Conclusions : depuis longtemps, les gouvernements qui se succèdent en Suède sont minoritaires. Ils doivent donc s'assurer le concours des partis d'opposition pour obtenir un soutien suffisant au Parlement. C'est pourquoi le Parlement suédois joue un rôle plus important dans le processus budgétaire que les Parlements de nombreux autres pays. D'une manière générale, les réformes des budgets ont exercé des effets très positifs. Les changements apportés permettent au Riksdag d'adopter une stratégie plus générale et mieux coordonnée pour examiner le budget, en se concentrant à la fois sur les montants globaux et sur les détails. Le cadre pluriannuel facilite la comparaison entre la politique économique du gouvernement et celle de l'opposition. La discipline budgétaire a été considérablement améliorée. Mais cette évolution s'accompagne d'inconvénients : premièrement, le processus est trop long puisqu'il s'étend sur l'année entière alors que la phase de l'automne n'est que la réplique de la phase de printemps. Alors qu'en théorie, la session de printemps devrait être consacrée à la politique générale, dans les faits, le débat porte sur des détails du budget. On ressasse les mêmes arguments. Deuxièmement, la marge budgétaire est trop réduite pour remplir sa fonction, d'où l'amertume lorsque le gouvernement est obligé d'intervenir en prenant des mesures de court terme afin d'éviter de dépasser le plafond, ce qui témoigne d'un manque d'efficience. (En revanche, les plafonds de dépenses ne doivent pas être remis en question.) Ces carences vont faire l'objet d'un débat. Dans l'ensemble, il s'agit néanmoins d'un processus de qualité, ce qu'admettent les membres du Riksdag d'une manière générale.
Le Président, M. Lambert, passe la parole à M. Chang (Corée). Celui-ci remercie le Sénat et l'OCDE d'avoir accueilli le colloque.
Naguère, le Parlement a été créé parce que les dirigeants avaient besoin de l'assentiment de la population en matière de fiscalité. Il semble, toutefois, que les Parlements ne parviennent pas à exercer un contrôle effectif sur le pouvoir exécutif. De l'avis de la Corée, les pouvoirs du Parlement devraient être au moins comparables à ceux de l'exécutif.
En Corée, l'une des innovations les plus importantes destinées à accroître le pouvoir et la capacité de contrôle du Parlement a été la création d'une fonction d'audit et d'enquête. Il s'agit d'une fonction normale pour le Parlement mais aussi d'une obligation institutionnalisée qui revient tous les ans, au début de la session d'automne. Le Parlement peut exiger du gouvernement qu'il lui fournisse toute information nécessaire, soit sous forme de document, soit par l'intermédiaire d'un rapporteur. Cette formule permet au Parlement de procéder à une enquête préliminaire, avant la présentation du budget et le processus budgétaire.
La deuxième innovation tient au fait que l'exécution du budget de l'année précédente est soumise à un processus rigoureux de comptabilité et d'audit. Les résultats constituent la base de l'évaluation des propositions budgétaires.
Troisièmement, le Bureau d'audit et d'inspection, qui est une institution présidentielle, remet ses rapports d'audit sur les dépenses des ministères et des organes exécutifs. Ces rapport servent eux aussi de base pour l'examen du budget par le Parlement. Quand ce Bureau a présenté son rapport, le Parlement peut lui demander n'importe quelle information justificative. Ainsi, par exemple, la Commission spéciale sur le budget demande quelque 5 000 pages de documents chaque année.
Quatrièmement, les Parlements ont besoin du concours d'experts. Le Parlement coréen est doté d'une capacité importante d'analyse budgétaire : il s'agit d'un Bureau spécialisé dans les politiques budgétaires qui emploie 40 personnes. La Commission spéciale sur le budget est épaulée par des analystes du budget et des conseillers juridiques. Chaque parlementaire dispose de ses propres assistants en matière de politique budgétaire, dont les salaires sont payés par le Parlement. Des crédits sont octroyés aux partis politiques pour qu'ils analysent les dispositions prises. Outre les ressources en personnel dont il dispose, le Parlement peut faire appel à d'autres conseillers spéciaux par le biais d'auditions ou au cas par cas. Tous les projets de budget soumis par le Président doivent être soumis à une analyse coûts/avantages avant d'être achevés. Cette évaluation est opérée en toute indépendance. Il est prévu d'élargir la portée de cette analyse.
La Corée met actuellement en oeuvre un système de budgétisation axée sur les résultats. Ceux-ci seront mis en regard des autorisations de crédits. Chaque organe gouvernemental sera doté d'attributions plus larges mais aussi de davantage de souplesse pour atteindre les objectifs sur lesquels il s'est engagé. Dans le modèle axé sur les résultats, l'évaluation portera sur les résultats de l'exécution des budgets programmés. En axant le budget sur les résultats, on espère que les parlementaires seront davantage incités à penser en termes d'avenir et qu'ils seront moins sensibles aux besoins à court terme de leur électorat. En effet, sous sa forme actuelle, le système les encourage à faire pression pour obtenir des avantages pour leurs électeurs sans se soucier des répercussions sur la société toute entière.
Le délégué de la Corée donne son aval à la poursuite des travaux de l'OCDE, notamment la création d'un réseau d'information permettant de normaliser les indicateurs budgétaires clés pour faciliter les comparaisons internationales, et de mettre à profit l'expérience de chacun. En second lieu, les pays Membres devraient promouvoir des échanges bilatéraux et multilatéraux de personnel afin d'approfondir la compréhension mutuelle et permettre le partage des savoirs.
Le Président se félicite de la suggestion de M. Chang, à savoir de poursuivre les travaux avec le réseau et de mettre en commun l'information. Il passe ensuite la parole à M. Edward Davey (Royaume-Uni).
M. Davey déclare que le système britannique d'élaboration des budgets comporte beaucoup d'aspects positifs mais que, d'une manière générale, le modèle de Westminster pose quelques problèmes qu'il s'efforcera d'aborder successivement au cours de son intervention. Le modèle britannique est un modèle « majoritaire ». En d'autres termes, si un parti détient la majorité, son budget est voté sans difficulté. Qui dit système majoritaire, ne dit pas nécessairement discipline budgétaire réelle. Toutefois, le Parlement n'exerce guère son pouvoir d'examen.
Pour donner un exemple de la faiblesse du Parlement en matière budgétaire, la dernière fois que les parlementaires britanniques ont rejeté une demande de crédits du gouvernement remonte à 1919. Cette demande portait sur l'installation d'une seconde salle de bains pour celui qui était à l'époque le Grand chancelier. Depuis lors, absolument toutes les demandes du gouvernement ont été approuvées automatiquement.
Au Royaume-Uni, les recettes fiscales et les dépenses sont distinctes : elles font l'objet de deux documents distincts. Le gouvernement est fortement centralisé et c'est lui qui dicte aux collectivités locales les montants qu'elles peuvent dépenser. S'abstenir d'analyser les propositions budgétaires (examen ex ante) n'est pas du tout la même chose que de vérifier la manière dont les deniers publics ont été dépensés (examen ex post). Le Parlement britannique fait un excellent travail du point de vue de la législation fiscale, allant même jusqu'à l'amender. Côté dépenses, un examen ex post est effectivement mené par le biais d'audits. Le National Audit Office (homologue de la Cour des comptes française) met ses compétences au service du Parlement et, plus particulièrement, du Public Accounts Committee. Souvent, le gouvernement écoute ses conclusions.
Le point faible réside dans l'absence d'examen ex ante des dépenses inscrites dans le projet de budget du gouvernement. Théoriquement, le Parlement a la maîtrise des dépenses par le biais du processus des estimations. En réalité, c'est le gouvernement qui prend toutes les décisions en matière de dépenses. Celles-ci sont transmises au Parlement par le Chancelier de l'Échiquier qui, normalement, les lui communique en totalité en une seule journée. Un budget sur trois ans vient d'être voté qui, évidemment, se réduit à un montant agrégé.
Que faut-il faire ? Quatre conditions doivent nécessairement être réunies. La première est l'information sur le budget, une information transmise rapidement, facilement accessible, circonstanciée et facile à comprendre. Cette information doit notamment permettre de faire le lien entre les dépenses et les objectifs. Deuxièmement, le Parlement a besoin de ressources pour examiner le budget, en particulier d'un personnel compétent, indépendant et doté des moyens dont il a besoin. Dans le cas du Royaume-Uni, il s'agirait du pendant exact du National Audit Office, dont la Commission des finances du Congrès américain est un bon exemple. Les parlementaires et leurs assistants ont besoin d'une formation aux questions budgétaires. Troisièmement, il faut élaborer des procédures permettant aux parlementaires de débattre du projet de budget et de l'amender. Actuellement, le débat formel sur le projet de budget ne dure que trois jours, et ne fait pas l'objet d'un travail sérieux. De fait, le Parlement s'est privé lui-même des moyens de formuler des amendements, et il n'y a que le gouvernement qui puisse proposer des dépenses. Concrètement, le seul moyen d'action est de voter une motion de censure. Enfin, la quatrième condition est d'avoir des parlementaires diligents, travaillant selon des méthodes débouchant vraiment sur des résultats. Il ne faut pas seulement les obliger mais les inciter à examiner le budget.
On ne peut pas vraiment dire que le Royaume-Uni s'oriente vers ce modèle, encore que le débat sur ce sujet ait tendance à enfler. L'information est de bien meilleure qualité, en particulier dans le domaine de « la comptabilisation et la budgétisation des ressources » qui rapporte les dépenses aux résultats ou aux objectifs. Mais on est encore loin du compte. On peut trouver un équilibre entre le fait de confier aux parlementaires la responsabilité du contrôle du budget et l'anarchie budgétaire. Au fil du temps, le fait de permettre aux ministres de comprendre réellement ce qui est inscrit dans leur budget engendre une dynamique. Si on ne tient pas les parlementaires en très grande estime, c'est qu'ils ne semblent pas ajouter beaucoup de valeur au processus de bonne gouvernance. Cette situation résulte en partie des entraves que constituent la discipline de parti et les procédures parlementaires.
Le Président passe la parole à M. Fantozzi, membre de la Chambre des députés d'Italie. M. Fantozzi exprime le plaisir qu'il a éprouvé en recevant l'invitation au présent colloque et remercie MM. Schick et Violante de leurs exposés.
M. Fantozzi remarque qu'en Italie, la situation est assez proche de celle du système suédois. Il précise qu'il se concentrera sur deux aspects qui vont de pair : la fonction et l'importance du cadre de programmation d'une part, et les buts et le contenu des décisions législatives d'autre part. Le système s'appuie sur une Constitution récente, puisqu'elle date d'après la Deuxième Guerre mondiale, période où le besoin de démocratie était particulièrement fort. Le Parlement est constitué de deux Chambres dont les pouvoirs sont, pour l'essentiel, égaux. Le budget est examiné par ces deux Chambres, chacune étant dotée d'une Commission permanente. Les articles sont votés un par un, alinéa par alinéa, au sein de chacune des deux Commissions et des deux Chambres.
L'Italie s'efforce d'élaborer sa politique budgétaire à la fois au Parlement et en partenariat avec le gouvernement. Le Document de programmation économique et financière constitue la première étape. C'est à ce stade que les décisions macroéconomiques sont prises (en juin). Ce document énonce un plan économique sur trois ans qui met en évidence les principaux objectifs et variables économiques ainsi que le scénario de base pour les flux de dépenses. Il tient compte, en outre, des exigences découlant du Pacte de stabilité et de croissance de l'Union économique et monétaire. Enfin, il définit les objectifs que le budget doit atteindre pour réaliser le plan économique.
Les prévisions de recettes et de dépenses sont présentées dans un même cadre de programmation. Des propositions de modification des programmes en cours sont également soumises afin de respecter le cadre global. La longue tradition de forte inflation et de déficits budgétaires est à l'origine de cette disposition. La loi a été modifiée en 1999 afin de simplifier les sessions budgétaires. Comparée aux changements imposés pour respecter les critères de Maastricht, cette réforme a été beaucoup plus modeste. Un léger ajustement des dépenses a permis de maîtriser les déficits budgétaires. Il s'agissait surtout d'envoyer un message clair aux marchés en attente de stabilité des taux de change et de baisse des taux d'intérêt. Toutefois, les programmes et le régime fiscal sur lequel s'appuie le budget, ont subi de profonds remaniements.
Désormais, la loi de finances peut contenir des mesures expansionnistes relatives aux services gouvernementaux, ce qui permet à l'État d'intervenir directement pour soutenir l'économie. Mais cette réforme a aussi entraîné le retour des inconvénients d'autrefois : les mesures de financement de l'investissement direct pour soutenir l'économie font ainsi l'objet d'une interprétation très large- chaque programme gouvernemental est aujourd'hui considéré comme un soutien à l'économie, qu'il s'agisse de dépenses en capital, d'incitations fiscales, de réductions d'impôts, de la réduction de la quote-part exigible des bénéficiaires de prestations assurées par l'État, ou de mesures de soutien aux ménages par exemple. Cela va même jusqu'à des micro-interventions, comme la construction d'une route dans un canton. Les bonnes intentions du législateur ont donc été réduites à néant du fait de l'interprétation trop large qui est faite de ces mesures.
La nouvelle loi de finances est le fruit d'une initiative gouvernementale et le débat dont elle s'accompagne a débouché sur de nombreux amendements dont la plupart émanent du gouvernement lui-même. Cela contribue au problème de durée du processus budgétaire qui s'étend désormais sur l'année entière, dont une session parlementaire de trois mois exclusivement consacrée au budget. Le gouvernement a donc beaucoup de temps pour continuer à ajouter de nouveaux amendements. Cela complique aussi les efforts déployés pour examiner le budget de manière ordonnée et en profondeur. Néanmoins, tous les budgets, qu'ils soient de rigueur ou d'expansion, ont conservé la substance des mesures présentées initialement par le gouvernement. Le nombre d'amendements peut être important mais la proportion de modifications du budget initialement présenté est très faible.
La troisième phase de la nouvelle loi de finances prévoit une session dite « non budgétaire » accompagnant les projets de loi. L'ensemble du processus se divise donc en trois phases : prise de décisions macroéconomiques en juin, projet de loi de budget en novembre, et lois d'accompagnement non assorties d'un délai spécifique d'examen. Pourtant, le projet de loi budgétaire doit permettre de financer de nombreuses mesures extrabudgétaires dans la mesure où il constitue un mécanisme permettant d'agir plus rapidement.
Je vais maintenant formuler un certain nombre de remarques à propos du processus budgétaire de l'Italie. Au cours de la session parlementaire consacrée au budget, il conviendrait de rapporter les dépenses aux réalisations du gouvernement par secteur de dépenses. Cette session devrait porter avant tout sur le cadre, et s'employer à éviter des débats interminables et trop approfondis sur les questions de détail. Enfin, les lois d'accompagnement devraient être axées sur la définition du cadre sectoriel de mise en oeuvre des mesures. Le Parlement italien dispose de tous les instruments lui permettant d'améliorer le processus budgétaire : une commission du budget indépendante, une méthode rigoureuse d'examen de la mise en oeuvre du budget et des résultats obtenus, et la capacité d'amender pleinement toute législation.
Le Président, M. Marini, passe la parole à Mme Rodoula Zissi (Grèce). Mme Zissi commence par exposer le processus budgétaire tel qu'il se déroule dans son pays et précise quelles sont les autorités compétentes en la matière. Actuellement, c'est au Bureau central des comptes qu'il appartient d'élaborer le projet de budget, celui-ci étant présenté au Parlement en fin d'année pour être voté en décembre. Les parlementaires n'ont aucune possibilité d'en débattre avant que le gouvernement ne le leur soumette. Aux termes de la Constitution, le Parlement doit se saisir du budget au moins un mois avant le début du nouvel exercice mais, si le projet n'est pas prêt, le gouvernement dispose d'un délai allant jusqu'à quatre mois pour s'exécuter. Le Parlement n'est pas habilité à rejeter le budget mais il peut y apporter certains amendements à condition, toutefois, de ne pas modifier les crédits prévus pour permettre à l'État de s'acquitter de ses obligations contractuelles.
Aux termes de la réglementation parlementaire, le budget est examiné et voté en cinq sessions consécutives. Le projet est remis à chaque parlementaire et à la Commission compétente. Ensuite, chaque parti bénéficie des services d'un rapporteur spécial. En trois sessions, la Commission des finances mène le débat à son terme. Les rapporteurs soumettent leur rapport trois jours avant le début des débats.
Des auditions ont été consacrées à la modification du rôle du Parlement dans le processus budgétaire mais, à ce jour elles n'ont abouti à aucune conclusion. En premier lieu, l'Office central du budget pourrait changer de méthode et se concentrer davantage sur l'efficience et les résultats obtenus en matière de dépenses, et non sur la conduite et la maîtrise des opérations. Les gestionnaires se verraient accorder une plus grande marge de manoeuvre pour obtenir les résultats escomptés. Le rôle premier du processus budgétaire est de revoir la répartition des ressources, et non de contrôler les dépenses. On débat actuellement pour savoir s'il conviendrait d'améliorer le contrôle des dépenses systématiques relevant des obligations de l'État. L'adhésion à l'Union économique et monétaire européenne est à la fois le cadre et la toile de fond de nombreuses discussions à propos de réformes.
Le Président, M. Marini, ouvre le débat. Avant de donner la parole à l'ensemble des participants, il formule trois remarques sous forme de questions : 1) Quels sont les besoins des commissions parlementaires du budget en matière d'experts et quelles devraient être les relations avec le gouvernement qui élabore le budget ? 2) En dehors du fonctionnement normal des commissions, de quoi ont-elles besoin pour mieux exercer leur contrôle sur le gouvernement ? En France, par exemple, le Parlement s'est donné les moyens de constituer une « mission d'évaluation et de contrôle » qui a procédé à l'audition de responsables politiques et administratifs dans tous les ministères. 3) S'agissant des pays européens, faut-il envisager une coordination entre les pays n'appartenant pas à l'UE et les pays Membres de l'Union ?
V. QUESTIONS ET DÉBAT
- M. Duetoft (Danemark) remarque que, d'après les exposés qui ont été présentés, ce sont les appareils bureaucratiques qui vont apporter les amendements et prendre les décisions, et non les hommes politiques. Ces derniers ne sont ni des administrateurs, ni des technocrates mais des individus élus pour représenter la population. Il demande comment les pays de la zone Euro et leurs Parlements vont coordonner leur politique économique et quel rôle les Parlements sont appelés à jouer. Les ministres seront-ils les seuls à pouvoir débattre des questions économiques ?
- Le Président répond que les solutions se trouvent, pour l'essentiel, dans les traités qui fondent la zone Euro. Chaque pays pourra fixer son propre cap économique à condition de respecter un certain nombre de paramètres macroéconomiques.
- Mme Ferreire-Leite (Portugal) note qu'une somme considérable des dépenses publiques n'apparaît pas dans le budget, s'agissant notamment de la Défense et de la construction d'autoroutes. Les Parlements ne maîtrisent absolument pas ces dépenses, ce qui rend les chiffres des déficits budgétaires peu fiables.
- M. Tavernier (Belgique) craint que les débats sur les dépenses publiques prennent un caractère plus technique que politique. Le débat politique sur les mesures macroéconomiques et le rôle du gouvernement s'organise ailleurs et non plus au sein des instances parlementaires, en particulier dans les pays de la zone Euro. Le débat politique est-il encore possible quand le pouvoir échappe au Parlement et qu'il est confié à d'autres instances, tandis que l'examen des mesures macroéconomiques est circonscrit, les parlementaires en étant réduits à se prononcer sur des montants agrégés ?
- M. Van Walsem (Pays-Bas) demande à M. Davey (Royaume-Uni) ce qu'il en est du peu d'estime dans laquelle sont tenus les parlementaires britanniques. Les Accords de service public- ententes entre le gouvernement et les citoyens - sont-ils à l'origine de cette baisse d'estime ?
- Mme Aula (Finlande) remarque qu'il existe des similitudes entre son pays et la Suède qui ont tout deux une longue tradition de fort endettement suivi de périodes d'excédents budgétaires. Pourtant, jamais les procédures budgétaires finlandaises n'ont été aussi rigoureuses que celles du pays voisin. Si le système suédois présente des avantages, n'est-il pas en même temps excessivement rigide, dans la mesure où il restreint les pouvoirs du Parlement en matière de budget ? En outre, la programmation pluriannuelle semble regarder trop loin dans l'avenir et ne pas tenir compte des réalités du moment. N'est-elle pas trop prudente quand on sait qu'il est très difficile de revenir en arrière une fois que les crédits ont été alloués ? Les programmes financés trois ans à l'avance entraveront une volonté de modification ou de réforme.
- M. Épinay (Suisse) estime que son pays se rapproche du quatrième scénario esquissé par M. Schick, à savoir le partenariat entre gouvernement et Parlement. Il brosse à grands traits le processus budgétaire suisse qui met en jeu un gouvernement de coalition et un Parlement puissamment armé pour contrôler le budget avant son élaboration et après sa mise en oeuvre. La Constitution exige que la Suisse maintienne l'équilibre budgétaire. Mais la volonté de la société civile s'exprime par le biais de référendums auxquels il n'est pas question de se dérober.
- M. Bergland (Norvège) estime que le système électoral et le pouvoir du Parlement sont liés. - titre d'exemple, dans le modèle de Westminster du « tout au vainqueur », de forte discipline de parti et de puissants gouvernements majoritaires, le gouvernement finit toujours par faire voter son budget. Aux États-Unis, la discipline de parti est moins rigoureuse et l'exécutif moins puissant. Dans un gouvernement minoritaire, le Parlement est généralement plus influent. Comment le Parlement parvient-il à mettre sur pied des budgets de long terme, justes et exhaustifs, notamment en ce qui concerne les retraites ? Les mesures fiscales (souhaitées par le Parlement) peuvent-elles influer sur l'économie alors que de nombreuses interventions arrivent trop tard, ce qui risque d'aggraver la situation économique ?
- M. Davey reconnaît que les systèmes électoraux ont effectivement un rôle à jouer dans le domaine législatif et que dans les régimes présidentiels -impliquant la séparation des pouvoirs - les Parlements sont beaucoup plus puissants car la Constitution les protège. La plupart des pays de l'OCDE semblent se satisfaire des dispositions de leur Constitution. Mais comme toutes les dispositions ne sont pas identiques, M. Davey rappelle le modèle théorique dont il a parlé, à savoir qu'un bon examen du budget par le Parlement exige une information complète, des ressources humaines à la hauteur, des procédures appropriées ainsi qu'un engagement de la part des parlementaires. Toutes conditions nécessaires mais insuffisantes. Dans le contexte britannique où l'on n'est pas près de renoncer au principe du « scrutin uninominal à majorité simple », certains voudraient que les parlementaires soient plus indépendants et que le système du Whipl n'emporte pas toutes les voix. Un débat politique s'impose mais, en tout état de cause, une réforme du système est nécessaire au Royaume-Uni. Ce n'est pas que les parlementaires dédaignent leurs responsabilités, c'est que leur capacité à influer sur le processus budgétaire est limitée. Par conséquent, ils trouvent d'autres domaines où dépenser leur énergie. Si le système était modifié, les parlementaires s'impliqueraient davantage, ce qui répondrait aux attentes du public.
- En ce qui concerne les accords de service public, les ententes se nouent entre le Trésor et les ministères, et non entre le gouvernement et la population. Le Parlement n'intervient pas au niveau de l'administration et du soutien des programmes. S'agissant des dépenses remettant en question l'équilibre budgétaire, nous sommes en présence d'un véritable problème qui nécessiterait l'imposition de normes internationales de comptabilité des dépenses de l'État. À cet égard, l'OCDE pourrait jouer un rôle en déterminant les normes en question. Ne pas oublier non plus les comptes à rendre aux générations futures.
Le Président fait observer que la question des normes de comptabilité est liée à la transparence et à l'information pleine et entière des Parlements.
M. Odell fait observer que la Suède est le pays du monde dans lequel les impôts et les dépenses sont les plus lourds, et que le fait de plafonner les dépenses ne confère pas beaucoup de pouvoirs au Parlement pour influer sur le budget. N'importe quel homme politique ou parti peut proposer un accroissement ou une réduction des dépenses. Mais l'amendement doit être complet, et si l'on propose une augmentation, celle-ci doit être assortie de mesures de compensation. En outre, lors de la session parlementaire d'automne, le gouvernement est tenu de présenter un budget complet qui n'est pas sujet à modification. Les 27 secteurs de dépenses ne sont contraignants que pour une année. Pour les années suivantes, les montants n'ont qu'un caractère provisoire. Ils peuvent être modifiés à six reprises avant de prendre un caractère contraignant. En ce qui concerne les retraites, il existe en Suède un régime entièrement autonome qui prévoit des investissements dans des fonds de pension privés. Pourquoi ne pas organiser un séminaire sur l'articulation entre retraites et budget de l'État ?
Le représentant du Danemark demande à son homologue suédois si, en s'inspirant du modèle keynésien, un homme politique serait en mesure de proposer des dépenses d'un montant supérieur aux rentrées fiscales pour soutenir l'économie ?
À la fin de la première journée, le Président, M. Marini, lève la séance.
VI. LES PRATIQUES BUDGÉTAIRES MODERNES
DES PARLEMENTS DES PAYS MEMBRES DE L'OCDE
(9H30 - 10H00)
Le Président, M. Lambert, souligne à quel point la session de cette journée est importante, tout comme l'exercice d'un contrôle parlementaire en une période où les gouvernements tendent à recourir à la comptabilité d'exercice et à la budgétisation axée sur les résultats. Le Président passe ensuite la parole à M. Geert van Maanen, Secrétaire général, ministère des Finances des Pays-Bas et Président du Groupe de travail des Hauts responsables du budget de l'OCDE (SBO).
M. van Maanen explique le rôle que joue le réseau des Hauts responsables du budget dans les travaux de l'OCDE. Constitué il y a plus de 20 ans, ce Groupe de travail encadre et oriente les travaux de l'Organisation dans le domaine budgétaire. Si la santé budgétaire est relativement bonne, des problèmes se profilent pour l'avenir, dont le vieillissement des populations, l'accroissement des dépenses de santé et la dégradation de l'environnement. Le Groupe de travail a décidé que les budgets devraient tenir davantage compte de l'avenir, non seulement en ce qui concerne les engagements futurs, mais aussi les effets des politiques actuelles sur les dépenses futures. Les Hauts responsables du budget estiment que les Parlements devraient être des partenaires à part entière des gouvernements dans l'élaboration des politiques destinées à résoudre ces problèmes, actuels ou à venir.
La plupart des problèmes concernant les techniques budgétaires modernes ne sont pas nouveaux. Ils sont actuellement à l'examen, voire en cours de résolution dans de nombreux pays. S'agissant de l'amélioration du processus budgétaire, plusieurs aspects font déjà l'objet d'une quasi-unanimité entre les pays de l'OCDE.
En premier lieu, les modalités d'établissement des projections économiques doivent être déterminées avec prudence, La plupart des pays ont pris des dispositions visant à améliorer les processus économiques et budgétaires, dont la création d'un bureau de prévisions indépendant, le recours aux prévisions économiques du secteur privé, ou le rôle plus actif de la législature dans l'examen des hypothèses. Une réaffectation des budgets en fonction des priorités qui se dessinent s'impose en même temps qu'elle pose un problème pour les systèmes de gouvernance. Les groupes qui participent à la lourde tâche que constitue le fait d'amender le budget sont faciles à identifier mais il est souvent plus difficile à déterminer quels sont les bénéficiaires au sein de la société. C'est en partie pour cela que les activités de réaffectation budgétaire se sont limitées à des compressions globales. Mais il y a des limites à ces compressions, surtout si les projections de dépenses s'en trouvent affectées.
Les pays de l'OCDE ont, pour la plupart, adopté des cadres budgétaires pluriannuels. Pour être efficaces, les cadres de moyen terme devraient offrir aux Parlements des objectifs globaux de politique budgétaire fondés sur des hypothèses explicites, le chiffrage du coût de la poursuite des programmes en place, ainsi qu'un éclairage sur les effets que les décisions prises actuellement auront sur les budgets des années suivantes.
Les cadres budgétaires de long terme ne sont pas aussi répandus ni mis en oeuvre de la même façon dans tous les pays. Leur objectif premier est de dégager précocement et d'expliciter les tendances à l'accroissement des dépenses. Il est alors possible de prendre des décisions en temps opportun pour prévenir, modérer et/ou financer ces dépenses. Ces cadres permettent aux pays de réfléchir sur la pérennité à long terme de leurs politiques actuelles. À défaut, l'évolution de ces dépenses risque de passer inaperçue jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour y faire face de manière équitable et appropriée.
Le gouvernement néerlandais procède actuellement à des enquêtes dans les secteurs des soins de santé et de l'enseignement, ainsi que sur le marché de travail. Une meilleure maîtrise des dépenses est possible si les dispositions budgétaires qui sont prises sont bien cadrées. Il est nécessaire de mener une politique assortie d'incitations afin de réduire la demande de soins et de maîtriser les dépenses d'enseignement. C'est à cette condition que l'on pourra garantir le financement à long terme de systèmes de soins et d'enseignement de grande qualité.
Même si des dispositions de long terme sont prises pour certains secteurs, ils n'en reste pas moins que des risques potentiels subsistent pour l'avenir. Déterminer ces risques constitue un énorme enjeu car le fait de n'en pas tenir compte pourrait menacer la stabilité à long terme. C'est à nos parlements, ces grandes tribunes d'enquête et de débat démocratiques, qu'il appartient de relever ce défi.
Un des aspects majeurs des réformes budgétaires dans les États membres a été de mettre l'accent sur les résultats et la flexibilité en matière de gestion. Le passage à ce type de mesures budgétaires suppose que le parlement ait la volonté de renoncer à certains contrôles sur les programmes individuels et sur les ministères en contrepartie d'une offre dé services plus efficiente et de performances de meilleure qualité. Pour réussir, les parlements doivent avoir la certitude que les objectifs ont été atteints ou plus spécifiquement que les données du gouvernement sont exactes. Cette confiance doit provenir d'un mécanisme d'audit fiable et indépendant.
À titre d'exemple, le nouveau budget des Pays-Bas n'est plus axé sur les ressources mais sur les objectifs politiques. Dans le premier budget d'orientation devant être présenté en septembre 2001, le gouvernement pose trois questions clés : que voulons nous accomplir, quelles mesures allons-nous adopter pour y parvenir, et combien cela devrait-il coûter ?
Le fait que l'on se pose de telles questions constitue un phénomène nouveau. Jusqu'ici, nous avions coutume de dire : la politique a atteint ses objectifs lorsque le budget est épuisé Au cours de la discussion préparatoire, le Parlement a exprimé ses préoccupations quant au fait que ce processus réduirait ses pouvoirs quand il s'agit de tenir les cordons de la bourse. Le budget d'orientation contient un nombre plus réduit de postes mais les montants inscrits sous ces postes sont plus élevés. Cette réduction du nombre de postes budgétaires est rendue possible parce que l'ensemble des ressources qui contribuent aux mêmes objectifs d'orientation sont regroupées sous un même poste. Cela facilite le contrôle des orientations par le Parlement. Mais du fait que les montants sont plus élevés, le Parlement craint de perdre de vue les dépenses correspondant à ces budgets et, partant, de perdre la possibilité d'établir des priorités parmi celles-ci.
Le Parlement approuve la politique budgétaire et répartit les ressources en fonction d'un certain nombre d'objectifs d'action. Dans le budget d'orientation, chaque objectif est assorti d'indicateurs de performance, ce qui permet au Parlement d'évaluer les orientations définies dans l'exposé de politique générale. C'est cette description qui fait l'objet de discussions entre lui et le gouvernement. Les indicateurs de performance sont établis avec la participation du Parlement. Un groupe de travail parlementaire, présidé par le député Van Zijl, a établi deux priorités d'orientation par budget qui recevront une attention plus marquée de la part des parlementaires au cours du débat sur les comptes publics. A l'aide de ces priorités le groupe de travail a élaboré plusieurs indicateurs de performance pour les comptes de 1999.
Le gouvernement néerlandais a décidé de suivre l'évolution de l'élaboration des budgets d'orientation en introduisant la comptabilité d'exercice à l'échelle du pays tout entier. Il s'est aussi doté d'un instrument d'aide à la gestion publique axée sur les résultats. Ce faisant, il emboîte le pas à plusieurs autres pays. Actuellement, la moitié des pays Membres de l'OCDE ont mis en place ce type de comptabilité sous une forme ou sous une autre bien qu'un petit nombre seulement ait recours aux comptes de régularisation dans leur processus budgétaires. Seules la Nouvelle-Zélande et l'Australie utilisent exclusivement la comptabilité sur la base des droits constatés. Le Royaume-Uni, le Canada et la France prévoient d'utiliser plus largement les comptes de régularisation dans un proche avenir. La comptabilité sur la base des droits constatés est en fait la norme en matière de comptabilité dans le secteur privé, et a de nombreuses répercussions lorsqu'on considère des horizons budgétaires éloignés.
Le passage à la comptabilité sur la base des droits constatés ne va pas sans controverse, notamment de la part des Parlements. Avant d'envisager cette évolution, il convient d'investir tout le temps nécessaire à la formation des gestionnaires des fonds publics et des parlementaires ainsi qu'à la consultation de ces acteurs. Dans les pays qui ont adopté ce type de comptabilité, le passage a été lié à d'autres réformes de la gestion publique. Aux yeux des parlementaires, cette méthode exige une confiance beaucoup plus grande dans les audits, et la volonté d'accepter les fluctuations dans les valorisations. Toutefois, on constate qu'en Australie et en Nouvelle-Zélande, cette pratique a mené à une plus grande prise en compte des engagements futurs non financés, à une meilleure gestion des infrastructures et à un processus de réaffectation budgétaire plus efficient.
En dépit de la modicité des chiffres du déficit ou de l'excédent observés actuellement dans les pays Membres, des risques importants subsistent pour l'avenir. Le moment est venu d'envisager des modifications du processus budgétaire, ce qui inclut une meilleure prise en compte des coûts futurs, la mise à disposition des Parlements de ressources en information plus fournies, et une plus grande efficience dans le processus de réaffectation des ressources afin de faire face aux nouvelles priorités. Pour faciliter ce processus, de nombreux gouvernements envisagent de passer à la comptabilité sur la base des droits constatés et à la budgétisation axée sur les résultats. Ces modifications devront s'accompagner en parallèle de changements dans les processus parlementaires et le pouvoir de contrôle des Parlements. Jusqu'à présent, le corps législatif a accepté ces changements, mais en partie seulement. On a constaté également un fort scepticisme à leur égard, voire une franche hostilité quand il n'y avait pas rejet pur et simple.
VII. RESPONSABILITÉ, AUDITS ET NOUVELLES TECHNIQUES
DE GESTION (10H00 - 12H00)
Le Président remercie M. van Maanen de son exposé, puis passe la parole à Mme Maria Kaisa Aula (Finlande).
Mme Aula axe son intervention sur les audits et les évaluations ex post des rapports. La Finlande a procédé à des réformes suivant les principes adoptés par beaucoup d'autres pays de l'OCDE : recentrage sur les résultats, regroupements de crédits budgétaires sous forme d'autorisations plus conséquentes, extension des délais impartis pour les dépenses. Les institutions économiques de l'État ont vu le processus budgétaire leur échapper et les dotations accordées aux collectivités locales ont pris la forme de subventions forfaitaires et non plus de remboursement des coûts. Elles ont adopté le principe de la privatisation des programmes publics et démantelé nombre d'entreprises publiques.
Les réformes ont affaibli les pouvoirs des parlements et les ont restreints. Elles ont encore compliqué la définition des objectifs structurels de plus long terme ainsi que la législation d'accompagnement des projets de loi de budget. L'adhésion à l'Union européenne n'a fait que rendre la situation encore plus difficile.
Le Parlement finlandais s'est efforcé d'améliorer les rapports que le gouvernement doit lui présenter. Le rapport financier du gouvernement se divise en trois grands volets :
1) principales évolutions économiques, mesures politiques et finances du gouvernement central,
2) depuis 1998, rapport sur l'efficacité de l'administration, et
3) rapport anticipant les objections possibles du Parlement à l'égard des comptes publics.
D'une manière générale, le passage à une budgétisation axée sur les résultats exige un certain nombre d'évolutions. À titre d'exemple, les unités administratives définissent souvent les objectifs sur lesquels elles s'engagent de manière trop peu précise, ce qui rend difficile le suivi de l'avancement des projets. La qualité des rapports varie considérablement d'un organisme à l'autre. Pour autant, les parlementaires ne se sont guère intéressés à l'examen des audits en cours ou des rapports financiers. Nous nous battons comme des lions lors de l'examen du budget avant qu'il ne soit voté mais nous nous désintéressons quand il faut en assurer le suivi.
L'une des raisons de l'absence de débat tient peut-être à la qualité des rapports. Les déclarations et les évaluations figurant dans ces rapports ne sont en général pas actualisées et pêchent par manque d'exhaustivité. Par ailleurs, les rapports ne comportent pas suffisamment d'analyse des stratégies (de long terme), ni d'argumentation en cas de choix difficile à opérer.
Le Parlement a créé une Commission de l'avenir chargée de réfléchir à la situation à long terme. Les réformes budgétaires ont rendu encore plus nécessaire l'évaluation de l'exécution du budget par une instance indépendante. Gouvernement et Parlement se sont préoccupés de l'équilibre budgétaire mais, aujourd'hui, la budgétisation axée sur les résultats nécessite l'instauration d'un nouveau type de relation. On a accordé une attention considérable au débat sur les financements mais beaucoup moins à l'exécution du budget.
Des mesures sont actuellement prises pour accroître les attributions du Bureau national d'audit. En fait, il existe deux Bureaux d'audit, le Collège parlementaire des commissaires aux comptes et le Bureau d'audit de l'État (SAO), mieux doté en personnel et dont les attributions sont plus précises. Ce dernier a été réorganisé au titre d'un amendement de la Constitution de sorte qu'il est passé sous l'égide du Parlement (et non plus sous celle du ministère des Finances), mais il a conservé son indépendance. Le Vérificateur général des comptes est désormais nommé par le Parlement auquel il rend compte. Il n'en est pas moins tenu de répondre aux attentes du gouvernement et de lui apporter son concours. La Commission des finances est chargée du retour d'information auprès du Bureau d'audit. Ce changement est le fruit d'une initiative du parlement à laquelle le ministère des Finances s'est longtemps opposé puisqu'il a été proposé pour la première fois dans les années 1960.
Les missions du Bureau d'audit de l'État (SAO) et celles du Collège parlementaire des commissaires aux comptes demeurent distinctes. Le SAO s'occupe principalement d'audits alors que le Collège est essentiellement chargé de la supervision. Instance indépendante, le SAO peut néanmoins suivre les indications du Parlement pour ses audits. La principale fonction du Collège est de fournir des rapports en réponse aux besoins exprimés par le Parlement. Les membres du Collège sont élus parmi les parlementaires alors que le SAO n'emploie que des auditeurs indépendants, spécialistes des comptes publics qui s'inspirent des normes internationales en matière de vérification des comptes.
Cette disposition est toute nouvelle et l'on se pose beaucoup de questions sur la manière dont elle fonctionnera; on s'interroge, entre autres, sur la façon dont la Parlement utilisera cette entité, et l'on se demande comment les commissaires aux comptes parlementaires et le SAO collaboreront et comment le Parlement amendera ses procédures et modes de fonctionnement pour utiliser de manière effective le Bureau d'audit. Il s'agit là d'une question clé, le Parlement étant appelé à effectuer le rapprochement entre les résultats escomptés et les résultats effectivement obtenus. Les rapports ne sont pas à proprement parler intégrés dans le processus budgétaire annuel car leur date de remise ne coïncide pas avec la période d'examen du budget de l'année suivante.
De nombreuses idées ont été lancées pour étoffer le contenu du rapport annuel du gouvernement sur les finances. Du point de vue du Parlement, il serait utile que ce rapport résume les éléments essentiels non seulement ministère par ministère mais aussi fonction par fonction. Il est des questions comme la recherche et le développement, l'aménagement des régions ou les flux de crédits de l'Union européenne qui mériteraient une analyse interministérielle. Il serait également intéressant d'obtenir des informations tout au moins a posteriori sur l'affectation par région des dépenses publiques. Ce rapport pourrait aussi établir les faits concernant la manière dont les collectivités locales ont effectivement utilisé leur dotation en la répartissant entre l'enseignement, la santé, les services sociaux et autres secteurs, et indiquer les résultats effectivement obtenus par ces services.
En résumé, jusqu'à présent, l'audit externe des finances publiques, les comptes rendus de résultats et les rapports du gouvernement sur les finances n'ont joué qu'un rôle marginal dans l'exercice, par le Parlement, de ses pouvoirs en matière budgétaire. Ils ont été plutôt considérés comme une corvée, surtout comparé à la fonction nettement plus passionnante qui consiste à décider des autorisations annuelles de crédits budgétaires.
Depuis peu, pourtant, le Parlement manifeste beaucoup plus d'intérêt pour les mécanismes de contrôle et d'audit, considérant qu'ils constituent des instruments lui permettant d'exercer plus activement son rôle dans le domaine du budget. Cette évolution est nécessaire si nous voulons concilier le pouvoir parlementaire de contrôle du budget et les nouveaux principes de la gestion publique.
Le Président passe la parole à M. Joaquin Almunia (Espagne).
M. Almunia remarque que si les autres participants sont fiers du processus budgétaire de leur pays, ce n'est pas son cas. A ses yeux, le Parlement espagnol a fort peu de possibilités d'encadrer le processus ou d'y participer. Même à l'époque où il était lui-même Ministre, le ministère des Finances restreignait considérablement sa capacité d'influer sur le débat. Informations et rapports étaient tous détenus par le gouvernement et le ministère des Finances. Au bout du compte, le Parlement ne participe guère au débat et ne contribue guère, sinon pas du tout, à l'élaboration du budget.
S'agissant du contrôle, le Parlement dispose de pouvoirs un peu plus étendus. Théoriquement, il exerce un large contrôle sur les dépenses publiques, mais en réalité ses pouvoirs sont plus limités. Le gouvernement étant généralement majoritaire, le Parlement ne peut modifier le budget, du fait notamment de la forte discipline de parti. C'est le Ministre des Finances qui dirige le processus et le débat budgétaires. En outre, les normes de l'Union européenne limitent les possibilités de débat et, en Espagne, la majorité des dépenses sont effectuées par les gouvernements régionaux et les collectivités locales. Le Parlement n'a pas la possibilité d'intervenir en qui concernent les dépenses publiques contractuelles de l'État, en particulier dans le domaine des retraites. Actuellement, l'Espagne s'emploie à créer des organismes plus décentralisés et autonomes chargés de dépenser les ressources du gouvernement central. Tous ces facteurs concourent à limiter la capacité d'action du Parlement.
La nécessité de maintenir l'équilibre budgétaire et de respecter des limites imposées par l'appartenance à l'Union européenne fait l'objet d'un consensus mais il n'en existe pas moins de nombreux facteurs de court et de long terme qui pourraient déséquilibrer le budget et agiront en ce sens. Au nombre de ces facteurs, je citerai la faiblesse de la croissance sur le court terme et les obligations engendrées par le vieillissement de la société qui, actuellement, ne sont pas prises en compte dans le budget.
Le gouvernement espagnol s'attache actuellement à élaborer une loi sur la stabilité budgétaire, tant au niveau du gouvernement central qu'à l'échelon des gouvernements locaux. Toutefois, cette loi ne peut s'inscrire dans la durée du fait, notamment, de la période de moindre croissance.
S'il est difficile pour le Parlement d'exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance sur les mesures macroéconomiques, il lui est possible d'intervenir au niveau microéconomique. Il faut absolument qu'il efforce de collaborer avec le gouvernement. Il importe que les parlementaires se motivent pour instaurer ce type de collaboration, et réfléchissent aux mesures d'incitation en ce sens. Certes, cela n'ira pas sans difficulté. Réfléchissons : comment la majorité et l'opposition parviennent-elles à trouver le juste équilibre, surtout si le régime parlementaire s'appuie sur une majorité ? Je considère que cette collaboration doit se fonder sur les résultats et sur l'obligation de rendre des comptes. Les audits ont leurs mérites mais des études sur l'efficacité et l'efficience s'imposent si le Parlement veut exercer son droit de regard.
Le Président donne la parole à M. Imre Szekeres (Hongrie).
D'emblée, lorsqu'il s'est agi d'évoluer vers une économie de marché, l'un des principales tâches du Parlement hongrois a été de mettre en place le cadre juridique et institutionnel des finances publiques. À cet égard, deux faits méritent d'être cités : 1) la création du Bureau national d'Audit, en 1989 et 2) le vote d'une nouvelle loi sur les finances publiques en 1992.
Le Bureau national d'audit (SAO) est un organisme indépendant quoique placé sous l'égide du Parlement, dont les travaux sont régis par des textes législatifs. Le Parlement est uniquement habilité à demander un audit. Les tâches de ce Bureau englobent, notamment, le contrôle du fonctionnement des institutions budgétaires de l'État, de la légitimité et de la faisabilité de la gestion, le contreseing de la souscription d'emprunts par l'État, le contrôle de la gestion du patrimoine national, l'évaluation des projets de programmation budgétaire et la clôture d'exercice. Deux fonctions du SAO méritent d'être renforcées : la gestion financière des dépenses des collectivités locales et le contrôle des activités de la Banque nationale.
La deuxième phase de la réforme a été l'adoption du projet de loi sur les finances publiques en 1992. Ce texte fixe des calendriers rigoureux pour les différentes phases d'élaboration du budget de l'État. Le gouvernement est tenu de soumettre les principales orientations au Parlement avant le 15 mai. Les décisions concernant le déficit et les principaux postes de dépenses doivent être prises avant le 15 juin et le texte final du budget doit être prêt avant le 30 septembre. Le texte comporte également des règles importantes s'agissant du contrôle exercé par le Parlement. Ainsi, par exemple, la Commission du budget est toujours présidée par un membre de l'opposition. Il suffit qu'un cinquième des membres du Parlement se mobilisent pour exiger l'approfondissement d'une enquête. Quant à la Commission du budget, il est impératif qu'elle reçoive le témoignage du Président de la Banque nationale.
Bien que le Parlement dispose de nombreux droits de contrôle du budget, l'exercice de ce contrôle démocratique est entravé par un certain nombre de facteurs. A titre d'exemple, il n'a aucun moyen d'obtenir des informations concrètes sur les investissements de l'État et les garanties accordées par le gouvernement. Cela est d'autant plus important que l'État gère le patrimoine de la nation comme un chef d'entreprise. Or ces deux fonctions sont exercées en dehors du cadre du budget. La privatisation s'est opérée très rapidement et les entreprises publiques ont généralement fort bien tiré leur épingle du jeu. C'est ainsi que ces entreprises ont créé ou, en période de croissance, racheté de nouvelles sociétés qui ne sont pas nécessairement visées par la législation.
En 1996, le Parlement a créé un médiateur chargé de la protection des informations. Ce médiateur a mis au jour plusieurs cas dans lesquels un organisme gouvernemental avait classé « confidentiel » des documents alors que rien ne le justifiait du point de vue du droit. Toutefois, à l'instar de celles de commissaires aux comptes, les actions du médiateur ne sont pas assorties de sanctions. Par ailleurs, le Parlement a récemment décidé d'établir un cadre de programmation budgétaire pour deux ans mais l'opposition refuse que ce projet soit adopté définitivement.
Pour conclure, je dirai que des progrès considérables ont été accomplis pour parvenir à maîtriser le déficit et que les éléments constitutifs d'un système budgétaire moderne et efficace sont réunis. Malgré tout, des changements sont nécessaires, notamment une réforme en profondeur du financement par l'État - en particulier dans le secteur de la santé publique, un renforcement des mécanismes qui sont reliés au financement des organisations indépendantes du budget central, par exemple les municipalités, les organisations civiles. Il est également nécessaire de mettre sur pied un nouveau type de système de répartition de ressources entre le gouvernement et les régions qui devrait respecter les exigences de l'Union européenne, et d'uniformiser les coûts correspondant à des activités identiques quoique menées par des institutions différentes, ou leur mode de financement.
Le Président remercie M. Szekeres et invite les participants à poser des questions.
M. Davey demande à M. van Maanen ce qu'il entend par l'exercice d'une plus grande prudence dans la détermination des modalités d'établissement des projections économiques et si le fait d'établir des prévisions inférieures à la courbe de croissance est une pratique qui tend à se répandre au niveau international. Ensuite, il félicite Mme Aula pour les nouvelles modifications apportées aux audits, et propose les enseignements suivants en ce qui concerne les audits : plein accès aux documents du gouvernement, création d'une commission spéciale chargée uniquement d'examiner les rapports ayant été soumis à audit, et nécessité de rechercher les meilleurs pratiques et d'effectuer des audits pour veiller à la bonne utilisation de l'argent public.
M. van Maanen répond que les méthodes de projection varient selon les pays de l'OCDE. Vu l'ampleur de la question, on peut simplement dire qu'elles sont généralement les plus prudentes. Dans le cas des Pays-Bas, on a jugé qu'il était important de constituer des réserves étant donné que l'horizon des budgets est plus lointain. Cela a permis de réduire le déficit, comme l'ont fait la France et l'Allemagne. En ce qui concerne les budgets axés sur les résultats, c'est une question difficile, même pour les Hauts responsables du budget, qui devrait faire l'objet d'un débat à elle seule.
Mme Aula remarque qu'en Finlande, c'est tout le contraire du Royaume-Uni en ce sens que les examens ex post ne sont pas faits correctement, quand ils le sont. Si la Constitution donne au Bureau d'audit de l'État et au Bureau d'audit du Parlement le droit d'accéder à la totalité des documents, il est bien sûr important de savoir poser les bonnes questions. Ces instances sont même habilitées à effectuer des enquêtes sur place. De toute façon, on accorde une grande confiance au gouvernement.
M. Épinay (Suisse) observe que les Parlements finlandais et suisse sont tout à fait analogues, et que le bureau d'audit de son pays officie en toute indépendance. Bien qu'il soit intégré dans le gouvernement fédéral, il est totalement indépendant. Par ailleurs, comme en Espagne, la Constitution impose des limites aux dépenses, sauf en période de crise. Et même avec ce plafond des dépenses, un programme de stabilisation conjoncturelle a été mis en place. On constitue des réserves en période de vaches grasses et on les dépense en période de vaches maigres.
Répondant au délégué espagnol qui lui demande comment programmer les dépenses quand on ne sait pas ce que l'avenir réserve, M. van Maanen observe qu'il s'agit là d'une excellente question. Les pays élaborent généralement des scénarios différents pour l'avenir, en particulier des projections sur 10.ans, et ce en toute transparence. L'un des rôles des mémorandums budgétaires est précisément de clarifier les tendances qui se dessinent pour que le débat politique s'organise, et non de demander au gouvernement d'exposer explicitement les décisions à prendre pour l'année en cours.
M. Duetoft (Danemark) marque son désaccord avec l'idée de prendre des décisions pour le plus long terme. Dans son pays, 60 pour cent de la totalité des dépenses sont votées en prévision de l'avenir, ce qui est une bonne chose du point de vue de la gestion car cela permet de prendre des décisions fermes en toute connaissance de cause. Mais, du point de vue politique, ce mode de budgétisation pluriannuelle pose un véritable problème. En effet si l'économie du pays est en difficulté, seule une faible part du budget - disons entre 30 et 40 pour cent - peut être utilisée pour modifier la politique de dépenses et de fiscalité du pays. Deuxièmement, si la décentralisation a ses bons côtés, au Danemark, la réaction consiste à transférer des fonctions gouvernementales à des entreprises semi-privées dont on ne connaît pas bien les rapports avec l'État. Le Parlement ne peut donc imputer de responsabilité aux ministres- par le biais du processus politique - dans la mesure où ces agences échappent à tout contrôle.
VIII. LA SURVEILLANCE MULTILATÉRALE
DES FINANCES PUBLIQUES ET LE POUVOIR POLITIQUE
(12 H 00 - 13 H 00)
Le Président, M. Lambert, passe la parole à M. Benvenuto (Italie). Celui-ci déclare que le fait d'adopter des paramètres budgétaires précis, assortis d'un suivi et d'un contrôle supranationaux, ne remet pas en question la souveraineté nationale. En fait, cela peut contribuer à sensibiliser davantage la population sur ce que recouvre l'élaboration des politiques, et à renforcer l'action du Parlement. Le Pacte de stabilité et de croissance de TUE constitue à cet égard un excellent exemple de la manière dont certaines contraintes particulières en matière quantitative ont contraint le gouvernement et le Parlement à améliorer le processus budgétaire. Il a contribué à donner davantage de cohérence aux dispositions en matière de fiscalité à l'échelle du pays tout entier. Le traité de Maastricht a contraint les législateurs à rendre plus efficaces les instruments et procédures utilisés au cours de la session budgétaire.
Mais si le fait d'imposer une discipline au gouvernement et au parlement est utile, cela engendre également de nouveaux problèmes de gestion du budget. A titre d'exemple, les mesures fiscales constituent désormais un élément de plus en plus important de la substance du budget. Les parlements nationaux se trouvent contraints d'opérer des choix entre les secteurs à favoriser dans le cadre des obligations imposées par l'accroissement de la concurrence et le respect des règles de l'UE. Il convient, par conséquent, de « mettre le paquet » dans l'effort international visant à éliminer la concurrence fiscale nuisible, action dont l'OCDE constitue le fer de lance. Ce faisant, les différents pays se donneraient les moyens de préserver leur propre sphère budgétaire. Paradoxalement, les Parlements pourraient se trouver protégés dans leur rôle consistant à parer à des réformes fiscales plus ambitieuses dictées par la nécessité de rendre leur pays plus compétitif.
M. Michel Bouvier, professeur à l'université Paris I, Panthéon-Sorbonne, rédacteur en chef de la Revue française des finances publiques, et membre du Groupement européen de recherches en finances publiques, prend la parole. Les changements radicaux affectant les finances publiques marquent l'avènement d'un nouvel État, et confèrent un nouveau sens à la notion de démocratie. Le désir de rapprocher les finances publiques des finances du secteur privé implique d'inscrire un processus budgétaire à caractère essentiellement politique dans une réflexion axée sur la notion de gestion. Quand on examine les modifications apportées à la surveillance multilatérale de la politique budgétaire et monétaire, on comprend mieux les changements intervenus dans le système de finances publiques et les structures des systèmes politiques nationaux et internationaux. Il faut y voir le signe d'une nouvelle alliance entre les experts techniques et le monde politique. La question de la réorganisation des systèmes de finances publiques et des autres réformes de l'État prime largement sur la prévention des risques économiques et financiers.
Instaurer un cadre multilatéral et international est un impératif majeur dans un monde complexe de sorte que le système financier international ne se noie pas dans la complexité. Il existe une forme de synergie entre les pouvoirs de contrôle des finances publiques nationaux et internationaux. Le contrôle multilatéral existe bel et bien. Nombre d'organisations internationales pratiquent cette fonction de regard sur les affaires économiques, s'agissant notamment de la politique monétaire. Mais peu nombreuses sont les instances qui s'acquittent de cette tâche en matière de finances publiques et celles qui le font n'existent pas depuis très longtemps.
Seul le FMI est en mesure de réunir la totalité des éléments des politiques financières publiques et privées et des politiques monétaires. Si elle revêt une dimension mondiale, cette forme de surveillance n'en est pas moins soumise à des accords bilatéraux. La zone Euro est un exemple du contrôle exercé au niveau régional. Or l'efficacité de ce contrôle est tributaire de la qualité de l'information comme de celle du processus proprement dit. La principale difficulté à laquelle on se heurte quand on veut améliorer l'efficacité tient à l'autonomie de l'État considéré et à l'hétérogénéité des pratiques adoptées par les différents pays. Dans le contexte actuel, ce mécanisme ne donnera jamais de résultats totalement satisfaisants. L'un des principaux enjeux réside dans la possibilité de contrôler effectivement les échelons inférieurs du gouvernement et, à bien des égards, les risques sont nettement plus grands quand on se penche sur l'activité de ces différents échelons.
L'une des évolutions récentes les plus fructueuses a été d'inviter les pays à adhérer à un certain nombre de bonnes pratiques. A l'instar des nouveaux appareils administratifs publics, les autorités chargées des finances publiques ont été responsabilisées en ce qui concerne la mise en oeuvre de ces normes et pratiques. Parmi toutes les nouvelles règles édictées, les plus importantes concernent la transparence, la diffusion et la qualité des données et des rapports financiers. Dans ce contexte, l'Internet jouera un rôle primordial. Le tout est de savoir si les pays feront preuve de bonne volonté dans la mise en oeuvre de ces mécanismes.
La Communauté européenne constitue un excellent exemple de la surveillance multilatérale. Il n'en est pas moins vrai qu'il existe d'autres formules pour élaborer des normes ou des mécanismes régionaux ou internationaux, différents de ce qui se fait au sein de l'UE. Ces normes ont pour objectif de rassurer les marchés financiers privés grâce à l'intervention d'experts techniques indépendants. La surveillance peut être exercée de manière collégiale ou par un organisme autonome. A titre d'exemple, le Bureau d'audit des Pays-Bas a effectué une évaluation de la Cour des comptes (Bureau d'audit de la France). On pourrait envisager de charger une équipe d'experts nationaux, assistée par des organisations internationales, de vérifier les comptes de tel ou tel pays.
On peut néanmoins se demander s'il est légitime de confier ces fonctions à des experts techniques alors que le besoin est essentiellement d'ordre politique. Est-il possible de créer des normes de ce type ? La surveillance multilatérale a pour préalable la refondation du système des finances publiques à l'échelle internationale. Tout bien considéré, la question de savoir si ces normes peuvent ou non être instituées relève du domaine de la politique.
Le Président, M. Lambert, remercie le professeur Bouvier et passe la parole à M. Terence Wynn (Parlement européen).
M. Wynn commence par décrire succinctement la manière dont le Parlement européen budgétise les fonds communautaires. À l'UE, le processus budgétaire fait intervenir trois institutions : le Parlement, le Conseil des ministres et la Commission, cette dernière disposant du pouvoir exécutif. Au début, le Parlement européen n'avait que peu de pouvoirs. L'établissement du budget a été l'un des premiers droits qu'il a conquis. Toutefois, il n'est pas habilité à décider des recettes à percevoir.
Dans ce contexte, le Parlement européen dispose de trois pouvoirs : décision en dernier ressort s'agissant des dépenses dites « non obligatoires », approbation du budget global, et pouvoir de donner quitus sur la mise en oeuvre du budget. Mais si le cadre budgétaire est assez simple, la réalité est plus complexe. Les relations et les influences entre les institutions sont beaucoup fortes que ne le prévoyait le Traité. En réalité, cette coopération est encadrée par un accord inter-institutionnel sur les questions budgétaires non visées par les Traités, qui comporte également le cadre financier pluriannuel.
Une succession de crises budgétaires a incité les Institutions communautaires à s'entendre sur une méthode conçue pour assurer la discipline budgétaire. C'est ainsi qu'elles ont passé un accord aux termes duquel elles s'entendent à l'avance sur les principales priorités budgétaires et sur le montant maximum des dépenses communautaires. Connu sous le nom de « perspectives financières », le cadre ainsi créé couvre une période de six ans. Les perspectives financières comportent un plafond annuel de dépenses pour les autorisations d'engagement inscrites sous plusieurs rubriques.
Le Parlement a commencé à exercer ses pouvoirs, ce qui a des répercussions directes et concrètes sur le travail au quotidien de la Commission. En dehors de celle-ci, d'autres acteurs interviennent dans la gestion des fonds communautaires. Cette responsabilité est généralement partagée avec les administrations des États Membres et/ou les autorités régionales ou locales. En fait, les erreurs de gestion des fonds communautaires se produisent la plupart du temps au niveau des États Membres. Une augmentation des échanges entre les parlements européen et nationaux serait mutuellement bénéfique pour le but commun que nous partageons en vue d'une meilleure utilisation des deniers publics.
Enfin, s'agissant des relations entre le Parlement européen et les gouvernements nationaux, M.Wynn précise qu'un groupe politique peut être au pouvoir dans plusieurs États Membres, sans que cette situation ne se reflète nécessairement au Parlement européen. En outre, il faut une majorité qualifiée pour l'adoption du budget. Les moments clés de la procédure budgétaire sont les conciliations qui réunissent le Parlement et les 15 ministres du Budget de l'Union. Souvent, ces ministres n'ont qu'une connaissance imparfaite du budget de l'UE. En termes d'information, il serait préférable que tous soient sur un pied d'égalité. C'est pourquoi les parlementaires européens ont besoin de contacts plus étroits avec les politiciens nationaux pour qu'ils puissent mieux travailler ensemble.
Le Président remercie M. Wynn pour son intervention et passe la parole à Mme Aula (Finlande). Mme Aula expose la manière dont le Parlement de son pays suit les relations entre le gouvernement et l'Union européenne. Les Parlements nationaux devraient avoir davantage leur mot à dire sur les politiques menées par leur gouvernement en qui concerne les liens que ces politiques peuvent avoir avec celles de l'Union européenne.
IX. LES PARLEMENTS PEUVENT-ILS AMÉLIORER
LEUR RÔLE DE SURVEILLANCE BUDGÉTAIRE ?
ÉVOLUTIONS RÉCENTES (15 H 00 - 16 H 30)
M. Lambert, le Président, ouvre la séance par un discours sur l'évolution du rôle joué par le parlement dans le processus budgétaire et le renforcement de son contrôle sur l'exécutif en France. La Commission des finances a pour rôle permanent d'assurer un contrôle sur le budget, tâche pour laquelle elle dispose de prérogatives et de pouvoirs spéciaux. Chaque année, ses parlementaires membres qui sont « des rapporteurs spéciaux » chargés de départements ministériels donnés, établissent des rapports sur les budgets des ministères dont ils sont responsables. Afin d'exécuter leur mission, ils ont le droit d'accéder à toutes les informations de caractère financier ou administratif qu'ils jugent importantes. La Commission des finances bénéficie pour contrôler l'exécution des lois de finance du concours et de l'assistance de la Cour des comptes. La Commission peut, par exemple, demander à la Cour des comptes de mener à bien des enquêtes ou de lui remettre des rapports confidentiels sur l'exécution des lois de finance ou sur des organismes publics. Ces dernières années, de nouvelles mesures ont été mises en place pour améliorer les méthodes de surveillance, de contrôle et d'évaluation de l'exécutif. L'Assemblée nationale a créé le Groupe de travail d'évaluation et de contrôle (au sein de la Commission des finances) et le Sénat a créé son propre Comité d'évaluation des politiques publiques. Le parlement a le pouvoir de sanctionner ceux qui refusent de coopérer et de se soumettre aux demandes ou aux décisions de la Commission des finances. Il a également le pouvoir d'ouvrir des enquêtes si nécessaire. Les pouvoirs de contrôle effectif de la Commission ont été élargis cette année, ce qui limite le pouvoir du parlement de faire obstacle à ses travaux. Le Comité des finances du Sénat a constamment démontré son désir et son aptitude à renforcer son contrôle sur l'exécution des lois de finance, contribuant ainsi à révéler « la culture de secret » des processus budgétaires du gouvernement. Le contrôle exercé par le parlement a été grandement amélioré. Cependant, ce contrôle parlementaire reste insuffisant. Cela est dû aux relations institutionnelles qui n'autorisent pas toujours le parlement à faire pleinement usage des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi. Par ailleurs, s'agissant de ses rapports avec la Cour des comptes, les besoins des parlementaires en matière de contrôle parlementaire ne correspondent pas toujours aux services que la Cour est en mesure de rendre. Le parlement souffre aussi d'un manque de visibilité, étant donné que les médias ne couvrent qu'une très faible partie de ses travaux et que bien souvent, le gouvernement ne prend pas sérieusement en considération ses constatations ou ses conclusions. Enfin, les parlementaires eux-mêmes doivent exercer un plus grand contrôle, étant donné qu'ils ne font pas toujours pleinement usage des pouvoirs qui sont les leurs. Une révolution culturelle est donc nécessaire aussi bien au niveau parlementaire qu'au niveau des ministères. La réforme de la Constitution financière de la France (de 1959) donnera au parlement une possibilité de renforcer son rôle de contrôle sur l'exécutif. La budgétisation par objectif, qui constitue l'une des innovations centrales de cette réforme, devrait faciliter l'évaluation des performances des administrations étant donné que les ministres seront tenus de fixer clairement les objectifs et de comparer les résultats obtenus au regard de ces objectifs.
Le Président donne la parole à M. Andersen de la Norvège qui précise que le Président du Comité des finances appartient au même groupe parlementaire que celui qui est au gouvernement. Le parlement norvégien joue un rôle déterminant dans le budget et dispose d'une entière liberté, tant pour ce qui est des recettes que des dépenses. Durant la plus grande partie du 20ème siècle, la Norvège a été dirigée par des gouvernements minoritaires, de sorte que les partis de l'opposition doivent être associés aux négociations. Celles-ci se déroulent après la présentation du budget au gouvernement. Les négociations budgétaires se déroulent entre octobre et décembre et pendant ce temps, les Commissions permanentes adressent des centaines de questions au gouvernement. Les réponses sont publiques et diffusées sur Internet.
La Commission budgétaire coordonne actuellement le processus budgétaire et arrête une recommandation pour la fin novembre. Les débats qui s'ensuivent sont clos par un vote sur les propositions présentées dans la recommandation. Les crédits sont alloués pour 24 programmes et doivent obligatoirement être soumis pour examen aux autres comités permanents. La résolution finale doit être prise pour le 15 décembre. Ce processus fait actuellement l'objet d'un examen en vue de sa réforme.
En Suède, le processus budgétaire s'est dans l'ensemble révélé satisfaisant. On a souvent lieu de craindre qu'il n'aboutisse pas à des résultats positifs c'est-à-dire que toutes les options proposées seront rejetées, mais le résultat final est garanti. De toutes manières, il faut saisir que, pour parfaites que soient les règles, rien ne peut remplacer des dirigeants politiques responsables.
M. Kristjansson, d'Islande, présente succinctement le système en vigueur dans son pays. Un document de synthèse est présenté au parlement par le gouvernement, Il fait ensuite l'objet d'un vote. La Commission du budget engage alors une discussion détaillée. Cependant, le parlement n'apporte généralement pas de changement majeur au budget du gouvernement. Ces deux dernières années, les amendements déposés portaient sur des modifications de 10 à 15 pour cent du projet de budget.
M. Tavernier de Belgique déclare d'entrée de jeu qu'il est Membre du parti des verts. Il demande à M. Schick si le pouvoir du parlement d'un système traditionnellement majoritaire lui parait différent de celui exercé dans le cadre d'une représentation à la proportionnelle. Deuxièmement, les discussions sont-elles excessivement techniques, en particulier si l'on doit tenir compte de facteurs comme le pacte de croissance et de stabilité ou bien les parlementaires devraient-ils avoir la possibilité d'avoir des débats politiques ou de société ? Il semble qu'il n'y ait plus de grands débats sur de vastes sujets, uniquement sur des décisions concernant des points microéconomiques. Les instances nationales d'audit financier jouent un rôle de plus en plus important mais on en tire guère parti. Comment serait-il possible de mieux en tirer parti pour que ces contrôles puissent réellement influer ? Enfin, comment les parlements pourraient-ils améliorer leur contrôle sur les entreprises publiques ou les organismes autonomes comme l'office national des chemins de fer par exemple.
M. Lambert répond à M. Tavernier que la marginalisation du débat parlementaire n'est pas à imputer au gouvernement parce c'est au parlement qu'il incombe d'engager les débats. Lorsqu'il y a effectivement débat, celui-ci porte généralement sur des points assez limités alors qu'il faudrait ouvrir des débats de plus vaste portée par exemple sur les liens inter-générations. Deuxièmement, les parlements veulent jouer un rôle dès les premiers jours dans le processus budgétaire, ce qui aboutit à une dilution des responsabilités. Serait-il plus raisonnable que le gouvernement soit responsable des propositions, de manière à permettre au parlement d'exercer un rôle de supervision et d'évaluation en toute autonomie ?
M. Van Walsem interroge M. Lambert sur les moyens d'améliorer les rapports avec les médias pour attirer davantage l'attention sur les questions budgétaires. M. Lambert considère que la France, en l'occurrence, a besoin d'un exécutif fort et que le parlement devrait exercer un rôle de supervision et d'évaluation plutôt que de chercher à imprimer une direction. Les médias privilégient le quotidien et ne se soucient guère de l'avenir de la société ; en tant que parlementaires, nous avons tort de les suivre dans cette voie. Le parlement est le lieu dans lequel il est nécessaire de se soucier de l'avenir. Il incombe aux parlementaires de se préoccuper des lendemains et donc de prendre le relais des médias.
Le Président, M. Hutton, passe la parole à M. Odell de Suède qui souligne le risque qu'il y aurait à adopter une approche excessivement technocratique. Le budget est le principal instrument dont dispose le gouvernement pour exécuter son programme ; s'il dispose d'une majorité, il a le droit de la faire jouer sinon le processus ne sera pas efficace. Comme le rappelle M. Schick, le renforcement du rôle du parlement dans le processus budgétaire ne doit pas s'opérer au prix d'un affaiblissement du gouvernement. En Suède, le processus budgétaire est conçu pour permettre d'exécuter le budget du gouvernement mais aussi pour offrir la possibilité de présenter d'autres options sérieuses.
M. Davey signale que dans ce domaine, les décisions revêtent un caractère éminemment politique. Les parlements qui jouent un rôle plus actif entre deux élections, considèrent que les changements techniques peuvent exclure la politique du cadre budgétaire. Cela est possible, mais il appartient alors aux parlementaires de trouver de nouveaux moyens d'exercer leur contrôle. Certaines des nouvelles méthodes aident effectivement à trouver ces nouveaux moyens ; c'est ainsi que les budgets pluriannuels et les évaluations des résultats permettent aux parlementaires de mieux comprendre ce qui se passe et d'exercer une influence plus importante. L'élaboration de budgets ciblés sur les résultats permet aux électeurs de mieux les comprendre. Que signifie toutefois le fait de pouvoir exercer une influence au niveau macroéconomique lorsque les électeurs sont préoccupés par des problèmes de santé, d'éducation et de criminalité ?
M. Duetoft du Danemark rejoint ce qui a été dit sur le problème du contrôle des entités autonomes ou semi-privées et cite l'exemple des dépassements de budget dans le cas d'un projet de construction.
M. Odell, de Suède insiste que sur le fait que l'aménagement des infrastructures doit incomber à l'État car il est capable d'opérer les compromis qui s'imposent pour concilier les intérêts environnementaux/culturels/économiques. Toutefois, pour ce faire, il n'est pas nécessaire que l'État soit l'entrepreneur. Par exemple, au Danemark, de nombreux alcools (par ex. la vodka pure) appartiennent à l'État suédois (lequel a d'ailleurs essayé d'acheter la Bourse de Londres). On peut s'interroger sur le rôle de l'État ? Il doit être circonscrit... L'État ne devrait pas interférer sur les marchés dont le fonctionnement peut être mieux assuré par les entreprises opérant sur ces marchés. Les dirigeants politiques devraient prendre les décisions en matière d'infrastructure, tandis que les parlementaires devraient s'occuper des questions fondamentales.
Selon M. Davey du Royaume-Uni, il importe de prendre conscience des modalités selon lesquelles les dirigeants politiques influent sur la société ; leur influence ne s'exerce pas uniquement par le biais de l'argent ; mais aussi par le biais de la force de la loi, de la politique de la concurrence, de la politique fiscale, de la politique commerciale qui créent des obligations contractuelles. Il existe de nombreux autres moyens par lesquels nous pouvons nous assurer que les entreprises du secteur privé respectent leurs obligations. Dans certains cas, cela est plus difficile (par exemple, les organismes publics) et les circuits de responsabilité sont devenus moins transparents. Il appartient au parlement de renforcer ces circuits de responsabilité. Lorsque le parlement n'est pas suffisamment fort ou efficace, les ministères s'emploient à diluer les responsabilités.
M. Lambert explique le rôle de la Cour des comptes en France : la Cour a principalement une fonction de contrôle juridique et comptable, alors que le rôle du parlement est politique (même si les champs de compétences se recoupent souvent dans les faits). Que recouvrent les pouvoirs du parlement ? Les parlementaires craignent souvent de perdre leur pouvoir ou de ne pas avoir les moyens de l'exercer. Afin d'assurer un juste équilibre entre le pouvoir de l'exécutif et celui du parlement, ce dernier doit faire pleinement usage de l'étendue des pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution. Il souligne comme il est important pour les parlementaires de contrôler l'exécutif; c'est leur devoir. M. Lambert propose un texte de déclaration de la conférence (qui, il l'admet, est formulée en des termes très généraux) et la soumet pour acceptation/suggestions/commentaires.
Le Portugal : suggère de modifier une phrase de l'un des paragraphes dans le texte proposé...
La Déclaration est adoptée par les participants (à l'unanimité).
X. CONCLUSIONS DE LA CONFERENCE (16 H 0 - 16 H 45)
La parole est à Allen Schick : Allen Schick souhaiterait prendre la parole au sujet des enjeux évoqués par le Danemark. Ce pays a soulevé quelques questions importantes qui concernent tous les pays, pas uniquement la Suède ou le Danemark.
Le thème de ce symposium est-il de savoir comment les parlements vont faire évoluer leur rôle dans l'établissement du budget ou comment le processus budgétaire influera sur leur rôle ?
En conférant un plus grand rôle aux parlements dans ce processus, ne va-t-on pas en fait leur retirer du pouvoir ? les parlements ne risquent-ils pas de constater à l'avenir qu'ils ont eux-mêmes limité leur rôle dans l'établissement du budget, alors qu'ils pensaient devenir plus forts et plus indépendants ?
M. Schick nous invite à réfléchir aux questions suivantes :
Les parlements sont-ils en train de se passer à eux-mêmes des menottes ? Cette question peut être subdivisée en trois sous questions : les parlements :
- Sont-ils en train de s'imposer des limitations à ce qu'ils peuvent faire/ne pas faire ? (limitations)
- Sont-ils en train d'augmenter le nombre de paramètres et d'élargir la portée du processus budgétaire au point que celui-ci en viendra à absorber les responsabilités du législatif ? (budgétisation du parlement)
En viendront-ils à faire du processus budgétaire un exercice si technocratique qu'ils se trouveront eux-mêmes désavantagés et inaptes ? (technocratisation du parlement)
M Schick traite ces 3 questions :
a) Limitations : Il importe de distinguer entre les contraintes externes aux parlements et celles qu'ils s'imposent.
Contraintes externes - celles-ci ont été examinées plus haut (règles fiscales, normes, critère de convergence, internationalisation des normes comptables, effort de transparence, institutions multinationales, c'est à dire à Bruxelles)
Les contraintes internes auto-imposées sont plus préoccupantes. Les parlements s'imposent à eux-mêmes des contraintes sur le plan des procédures et sur le fond. Le processus budgétaire impose de suivre un système de règles et de procédures. Il impose un calendrier, des catégories, la fixation d'une enveloppe globale. Toutes les demandes de crédit doivent pouvoir s'inscrire dans l'enveloppe globale. Le parlement doit assumer la responsabilité du processus budgétaire. C'est-à-dire qu'après avoir arrêté une enveloppe budgétaire, tous les amendements apportés au budget doivent être neutres par rapport à cette enveloppe et doivent pouvoir s'y inscrire. Le système en vigueur en Suède contraint à assumer la responsabilité de l'ensemble des amendements plutôt que d'amendements individuels (l'option présentée doit être globale, il n'est pas possible de choisir certains éléments seulement ; c'est tout ou rien). Le système en vigueur aux Pays-Bas prévoit que le parlement doit adopter la politique budgétaire. Les contraintes sont donc fortes. Désormais les parlements ne contrôlent plus les apports mais sont responsables des résultats ; leur horizon n'est plus annuel car le budget doit être établi dans une optique pluriannuelle ; les législations ne doivent plus être envisagées isolément mais leur coûts doivent être évalués en tenant compte de l'ensemble de l'enveloppe budgétaire.
Question : Pour quelles raisons en cherchant à échapper aux contraintes externes les parlements en viennent-ils à renforcer les imposées au niveau interne ?
Réponse : Ce sont les marchés qui imposent ces contraintes et pas uniquement les parlements.
(Les parlements, en assumant la responsabilité du budget se rendent compte qu'ils doivent s'imposer à eux-mêmes des contraintes - dans la mesure où les marchés deviennent de plus en plus interdépendants, mondialisés, de sorte qu'il n'est plus possible d'isoler ce qui se passe dans un pays de ce qui se passe dans d'autres pays).
Les parlementaires doivent avancer dans un monde de limites auto-imposées ; leur marge de manoeuvre doit donc s'exercer à l'intérieur de l'enveloppe budgétaire.
b) Budgétisation du calendrier :
Si le parlement renforce le rôle qu'il joue dans le processus budgétaire, c'est-à-dire s'il y consacre beaucoup de temps, la distinction entre le législatif et le processus budgétaire aura tendance à s'estomper. Le Budget est un cadre qui permet d'articuler les autorisations de crédit et la législation. À l'avenir (dans le nouveau monde du processus budgétaire législatif) les propositions de lois seront évaluées et chiffrées en terme de coût budgétaire.
c) Technocratisation du travail du parlement :
Faudrait-il doter le parlement d'un plus grand nombre d'experts budgétaires ? L'évaluation des propositions de lois à la lumière des contraintes budgétaires constitue un exercice hautement technique. Il faut savoir faire des analyses, procéder à des évaluations, connaître les modèles économétriques, faire des hypothèses, etc., d'où une dépendance à l'égard des technologies. D'autres évolutions en cours renforceront la complexité du processus budgétaire. Les parlements devraient donc cibler leur attention sur les produits, les performances et les résultats plutôt que sur les apports. Il est cependant plus difficile d'évaluer des résultats que des apports. Il est aussi plus difficile pour les parlementaires de procéder à des évaluations sur la base des droits constatés que sur la base des encaissements et décaissements.
C'est pourquoi les parlements pénètrent dans un monde nouveau. La question de savoir s'ils sont prêts ou non à y faire face n'est plus de mise ; ce monde existe, il est devenu inévitable, il faut donc se poser les questions suivantes :
Les limites sont-elles aujourd'hui plus nombreuses qu'il y a vingt ans ? (Oui - et non parce que les parlements ont élargi leurs pouvoirs en matière budgétaire, mais pour d'autres raisons).
La dimension budgétaire a-t-elle tendance à envahir le débat parlementaire par rapport à la situation qui régnait il y a une vingtaine d'années ? (Oui, parce que les budgets sont plus importants).
Les aspects très techniques du budget sont-ils aujourd'hui plus nombreux que dans le passé ? (Oui).
Le renforcement du rôle du parlement comporte trois risques :
a) le parlement s'imposera des contrôles à lui-même ;
b) les cloisons entre d'autres fonctions législatives et le processus budgétaire disparaîtront ; et
c) le parlement deviendra plus tributaire de la technologie et des experts et donc plus vulnérable. Les parlementaires peuvent résister à ces tendances ou tenter de les maîtriser.
En clôturant le débat, M. Lambert fait part de sa satisfaction d'avoir adopté la déclaration commune - qui constitue le message adressé aux gouvernements et aux pays. Comme le prévoyait M. Schick au début de la conférence, les débats ont en effet moins porté sur les finances publiques que sur la politique et la démocratie. Il souhaite que cette conférence puisse continuer à être organisée chaque année.
Mme Shelton Colby, Secrétaire général adjoint de l'OCDE, conclut en faisant observer que l'OCDE renforce son dialogue avec les parlements et ses travaux sur le processus budgétaire dans le cadre du programme PUMA.
ANNEXES
ORDRE DU JOUR
Mercredi 24 Janvier 2001
9 h30 : M. Alain Lambert, Président de la commission des Finances du Sénat français
9 h 35 : Allocution de bienvenue et exposés préliminaires
· M. Christian Poncelet, Président, Sénat français
· M. Donald Johnston, Secrétaire général, OCDE
10 h 00 : Exposé liminaire : Les parlements, la démocratie et le processus budgétaire
· M. Luciano Violante, Président, Chambre des députés, Italie
11 h 00 : Le rôle du Parlement dans le processus budgétaire des pays Membres de l'OCDE
· M. Allen Schick, Université du Maryland, États-Unis
12 h 30 : Déjeuner
14 h 30 : L'efficacité des parlements dans le processus budgétaire
· M. Mats Odell, Vice Président, commission des Finances, Parlement suédois
· M. Che Shik Chang, Président de la commission spéciale sur le Budget et les comptes publics, Assemblée nationale de Corée
· M. Edward Davey, membre de la commission du Trésor, chambre des Communes, Royaume Uni
· M. Augusto Fantozzi, Président, Commission du Budget, Chambre des députés, Italie
· De façon générale, les parlements des pays Membres de l'OCDE voudraient être plus actifs, en particulier dans le contrôle du budget et de son exécution. Cependant, par définition, les parlements ont des ressources limitées qu'ils doivent donc utiliser de la façon la plus efficace qui soit. Le but de cette séance est d'identifier les ressources et procédures qui leur sont nécessaires pour contrôler de façon efficace le budget et son exécution. Il s'agira aussi de mieux comprendre comment mieux intégrer les besoins de long terme des populations dans le travail des chambres législatives dont l'horizon est à plus court terme.
Jeudi 25 Janvier 2001
9 h 30 : Les pratiques budgétaires modernes des Parlements des pays Membres de l'OCDE
· M. Geert Van Maanen, Secrétaire général, ministère des Finances des Pays-Bas et Président du Groupe de travail des Hauts responsables du budget (OCDE)
10 h 00 : Principes de responsabilité, prise en compte de la performance dans la préparation du budget, et nouveaux principes de gestion
· Mme Maria Kaisa Aula, Présidente, commission des Finances, Parlement finlandais
· M. Imre Szekeres, Président, commission des Finances, Parlement hongrois
· M. Giorgio Benvenuto, Président, commission des Finances, Chambre des députés, Italie
Les Gouvernements de nombreux pays de l'OCDE ont mis en application des nouvelles techniques de gestion publique et budgétaire, telles que, par exemple, la comptabilité sur la base des droits constatés, et l'intégration de la gestion des performances et de la gestion financière. Ces nouvelles techniques mettent l'accent sur l'importance de la vérification des résultats. Souvent, les parlements n'ont pas les moyens nécessaires de vérifier ces données. Cette séance examinera les mérites respectifs de ces nouvelles méthodes et leurs implications pour les procédures de contrôle parlementaire.
12 h 00 : La surveillance multilatérale des finances publiques et le pouvoir politique
· M. Michel Bouvier, Professeur à l'Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne, Directeur, Revue française des finances publiques, le Groupement européen de recherches en finances publiques,
· M. Terence Wynn, Président, commission du Budget, Parlement européen
13 h 00 : Déjeuner
15 h 00 : Les Parlements peuvent-ils améliorer leur rôle de surveillance budgétaire? Les évolutions récentes du rôle des chambres législatives dans le processus budgétaire
· M. Alain Lambert, Président, commission des Finances, Sénat français
· M. Joaquin Alumnia, Président, commission du Budget, Chambre espagnole des députés
· M. Dag Terje Andersen, Président, commission des Finances, Parlement norvégien
Le rôle et les procédures de contrôle des chambres législatives évoluent constamment. Plusieurs pays ont récemment profondément réformé leurs processus de contrôle budgétaire. L'objectif de cette séance est d'étudier ces réformes, les facteurs de changements, les justifications de ces réformes, et le processus décisionnel qui a amené à choisir entre les différents types de réformes possibles.
16 h 30 : Résumé et observations
· M. Allen Schick
16 h 45 : Discussion sur la déclaration générale commune
17 h 00 : Remarques finales
· M. Alain Lambert, Président de la commission des Finances, Sénat français
· Mme Sally Shelton-Colby, Secrétaire générale adjoint, OCDE.
* 1 Voir, entre autres, Parliament under Blair, Peter Riddell (2000) ; Mr. Blair's Poodle, Andrew Tyrie (2000) ; Systematic Scrutiny, Reforming the Select Committees, Alex Brazier (2000) ; Commons Liaison Committee - Shifting the Balance: Select Committees and the Executive (March 2000, HC 300).
* 2 Voir, entre autres, The Politics of Parliamentary Reform, D. Judge, éd. (1983) ; Does Parliament Work ? J. Garrett (1992),
* 3 Voir, entre autres, I er rapport, Select Committee on Procedure, 1968-69, Scrutiny of Public Expenditure and Administration, HC 410.
* 4 Liaison Committee - Shifting the Balance : Select Committees and the Executive (Mars 2000, HC 300).
* 5 Select Committee on Procedure, 6ème Rapport- Procedure for Debate on the Government's Expenditure Plans (Juillet 1999, HC 295).
* 6 Op.cit.,Tyrie ; « Strengthening Parliament », Commission du parti conservateur pour le renforcement du Parlement (2000).
* 7 Reforming Governance in the UK, Document d'orientation du parti Libéral Démocrate (2000) 40.
* 8 Voir « Opening the Budget-Box, The Background to the pre-budget process », Richard Adams, Hansard Society (2000).
* 9 Voir « Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament », Erskine Mai, 19 e édition. P. 695.
* 10 Pour une description plus détaillée du processus, voir, par exemple « Public Expenditure, Who Really Controls It And How », Chapitre 7, Prof. Andrew Likierman (1988).
* 11
* 12 Certains autres principes de base qui ont paru utiles à l'auteur sont exposés dans un mémorandum à la Commission spécialisée sur la procédure en 1993 par Michael Ryle, ancien Clerk of Committees, House.
* 13 Voir Audit, Accountability and Government, Kathryn Hollingsworth et Fidelma White (Clarendon 1999), voir le Chapitre 4 pour un compte rendu historique plus détaillé
* 14 Enquête de l'OCDE sur les évolutions en matière de budgétisation (2000).
* 15 L'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord fourniront des enseignements. Pour une analyse de l'expérience écossaise, voir "Parliament and the Public Purse: Improving Financial Scrutiny", Alex Brazier, Hansard Society, Commission on the Scrutiny Role of Parliament (Décembre 2000).
* 16 SuttleJ. - Congressional Budget Resolutions : Formulation, Content, and Historical Information - Congressional Research Service Report or Congress (1996).
* 17 Heniff B. -- The Congressional Budget Process Timetable - Congressional Research Service Report for
Congress (1998)
* 18 Information provenant d'un collaborateur de la Commission sénatoriale sur le budget.
* 19 Le GAO en un coup d'oeil -- www.gao.gov/about/gglance.html
* 20 Williams R. & Jubb E. -- Shutting Down the Government: Budget Crises in the American Political System- Publié dans « Parliamentary Affairs »;
* 21 OECD (1998), « Budgeting in Sweden ».
* 22 State Audit in the European Union : Sweden, publié par le National Audit Office.
* 23 Op. cit . page 18.
* 24 Boston and Church - The Impact of Electoral Reform on the Budget Process in New Zealand: Has MMP made a difference ? (1999).
* 25 New Zealand Treasury - « Putting it All Together » -- An Explanatory Guide to the New Zealand Public Sector Financial Management System
* 26 OCDE Enquêtes sur l'évolution des processus budgétaires (2000).
* 27 Commission spécialisée sur la procédure, 6 e Rapport - Procédure for Debate on the Government's Expenditure Plans (July 1999, HC 295) déclaration de M. George le 23/6/98, question 4, page 4.
* 28 Opus cit., paragraphes 52 à 53.
* 29 Reforming Governance in the UK, Libéral Democrats (2000), page 24.
* 30 Peter Riddell, Parliament Under Pressure (1997).
* 31 Norton, Davies, etc.
* 32 Budgetary Reform, Deuxième Rapport, Select Committee on Procedure, 92-93, Cmnd 727, Evidence given on 9 Juin 1993.
* 33 Une réforme récente a institué le "Westminster Hall". Il s'agit d'une seconde chambre de la Chambre des communes où les parlementaires peuvent débattre avec les ministres sans qu'il y ait de vote.
* 34 Voir « Parliament and the Public Purse: Improving Financial Scrutiny », Alex Brazier, Hansard Society, Commission on the Scrutiny Role of Parliament (Décembre 2000).
* 35 Directeur du Groupement Européen de Recherches en Finances Publiques ( www .gerfip.org ) ; directeur de la Revue Française des Finances Publiques.
* 36 Sur ces notions, cf. Michel Bouvier, Finances locales, 7 è édition, Ed.LGDJ 2001.
* 37
* 38 Cf. Finances locales op. cit ;
* 39
* 40 Cf. Bernard Abate, La nouvelle gestion publique, Ed. LGDJ, 2000.
* 41 Cf. Michel Bouvier, La loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, in AJDA N°10-200l ; également, Revue française de Finances Publiques N°s 73 et 76-2001.