Les enjeux du haut débit : « collectivités locales et territoires à l'heure des choix »



Palais du Luxembourg, 12 novembre 2002

DEUXIEME PARTIE : LE HAUT DÉBIT : QUELLES PERSPECTIVES POUR L'ACTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES ?

La séance est reprise à 14 h 35, sous l'animation de M. Jean- Marc GILONNE,

TABLE RONDE- QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER DES EXPÉRIENCES MENÉES EN France ET À L'ÉTRANGER ?

Modérateur, M. Jean-Marc GILONNE. - Consultant, Membre du « Club.Sénat.fr »

Je propose de démarrer sans tarder cette table ronde présidée par le sénateur Jean Faure, maire d'Autrans en Isère, et qui va nous permettre de rentrer dans des modèles concrets, tirés de deux expériences étrangères, l'une suédoise et l'autre italienne, et de la vision qu'ont les élus régionaux et départementaux ici présents. Nous tirerons ensuite la synthèse des différents modèles de développement qui ont été choisis dans ces territoires, leurs avantages et leurs inconvénients ainsi que le rôle respectif des acteurs publics et privés.

Je demanderai dans un premier temps à nos amis italiens et suédois de la ville de Sienne, en Toscane, et de Sollentuna, dans la grande banlieue de Stockholm en Suède, de présenter les projets menés depuis plusieurs années par ces collectivités, puis d'en dégager les enseignements principaux qu'ils souhaiteront nous faire partager. Je demanderai ensuite à nos invités élus - les présidents des Conseils généraux des Pyrénées-Atlantiques et de Maine-et-Loire, et le vice-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées - de réagir par rapport à leur propre expérience.

Il convient peut-être en préambule de rappeler quatre chiffres : les deux tiers des communes françaises ont moins de 700 habitants, 9 sur 10 possèdent moins de 2 000 habitants et 1 000 communes ont plus de 10 000 habitants. Tous les rapports montrent par ailleurs que 800 % du territoire n'est pas susceptible d'être raccordé au haut débit d'ici à 2005. La question se pose bien pour nous en termes d'aménagement du territoire.

Je souhaiterais que notre amie italienne, Mme Miranda Bruigi, responsable des systèmes d'information de la commune de Sienne, nous présente son expérience. Sienne, en Toscane, est une ville qui a une histoire et un centre historique très riches, et un réseau, dont elle va nous parler, qui existait bien avant l'arrivée d'Internet.

Mme Miranda BRUIGI, Responsable des systèmes d'information de la commune de Sienne (Italie)

Bonjour. Je vous remercie beaucoup et je remercie le Président du Sénat de m'avoir invitée à ce séminaire. Je suis très contente d'être à Paris car j'aime la France. Cependant, je vous prie de bien vouloir m'excuser si mon français n'est pas correct, j'espère que vous me comprendrez.

La réalité de Sienne, commune de 55 000 habitants, est particulière. Les opérations d'innovation ont commencé dans les années 90, du fait de la nécessité de mettre en réseau les informations et services de l'administration publique.

À la même époque, en France, il existait un service performant appelé Minitel, source d'informations pour la plupart des français. En Italie, cela n'existait pas, le projet équivalent ayant pris un mauvais départ. Les administrations publiques du centre de l'Italie, Sienne, Bologne, ainsi que des autres régions, mais essentiellement du centre, ont ressenti la nécessité de créer des réseaux particuliers, des réseaux d'information en ligne dédiée. Ainsi, notre première expérience nous a conduit à créer une banque de données pour les citoyens.

Je vais, à présent, vous exposer les objectifs que nous avions au cours des années 90 et qui étaient ceux de la plupart des pays. Nous avons réalisé de grands investissements. La ville de Sienne a créé plusieurs réseaux pour rendre possibles ces objectifs.

Parallèlement, nous cherchions également à développer le projet Internet. Nous avons, pour cela, collaboré avec une université utilisatrice de ce réseau. Sienne est l'une des premières communes d'Italie à être devenue provider d'Internet. Nous avons jugé qu'il serait utile, pour les citoyens non encore connectés à ce réseau, d'en avoir l'accès.

Ainsi, en 1995, la plupart des familles de Sienne ont bénéficié de l'accès à ce réseau grâce, à la commune.

Simultanément, nous avons développé un autre grand projet. Nous avons créé une sorte de carte d'identité afin que les citoyens puissent se connecter au réseau et accéder à des services personnalisés.

En collaboration avec la banque de Sienne, nous avons étudié nos objectifs. La carte : « Clefs de la ville » a vu le jour. Cette carte permet de se connecter à Internet et d'accéder aux services de la municipalité ainsi que des autres administrations publiques de Sienne. Grâce à cette carte, chaque citoyen paye uniquement pour le service auquel il souhaite être connecté.

Actuellement, l'on dénombre 15 000 utilisateurs de la carte et 12 000 étudiants qui se connectent ainsi au site de l'université.

Cette carte, bien qu'étant émise par l'Administration, offre notamment la possibilité de se connecter à des sites protégés sur lesquels les citoyens peuvent s'informer moyennant un coût indépendant du coût de départ de la carte. L'on peut citer, à titre d'exemple, les sites de recherche d'emploi. La carte offrant de nombreux avantages, elle a remporté un franc succès auprès des citoyens.

L'année 1996 a vu aboutir un autre grand projet en collaboration avec TELECOM ITALIA, encore en situation de monopole. En effet, Telecom Italia a développé l'infrastructure qui a rendu possibles les raccordements à la fibre optique dans la plupart des villes italiennes. Telecom Italia a demandé aux administrateurs de la commune de Sienne, s'ils étaient intéressés par un tel projet. Nous avons répondu par l'affirmative d'autant plus qu'à cette période nous cherchions le moyen de diminuer, voire d'éliminer, les antennes dans le centre historique de Sienne. L'opération était esthétique. Mais en tant que fournisseurs d'Internet, nous nous sommes appuyés sur le câble pour accéder au réseau. Nous avons donc demandé à Telecom Italia de continuer à câbler la commune, de manière à utiliser la fibre optique pour la réception d'émissions télévisées et pour les connexions à Internet. La réception par le câble est de meilleure qualité, mais nous voulions également pouvoir nous connecter aux services interactifs grâce à ce support. Ce projet a eu un impact positif, actuellement 22 000 foyers sont complètement câblés.

Telecom Italia qui est à l'origine de la construction du réseau, en reste le propriétaire. Nous avons conclu un partenariat. La commune a acheté la tête du réseau, c'est la raison pour laquelle ce partenariat est très fort. Il est impossible d'installer un raccordement au câble (que ce soit pour la télévision, ou l'accès à Internet), si l'un des deux partenaires ne donne pas son accord. C'est une situation particulièrement complexe, mais c'est le seul projet qui existe en Italie pour la fibre optique. Milan dispose d'un réseau de fibre optique, mais cela reste complètement privé.

Je souhaiterais répondre à une question importante qui a été posée ce matin et qui est celle du financement. Qui a financé les raccordements des 22 000 familles ? La municipalité, ainsi que la fondation de la Banque de Sienne sont à l'origine de ce financement. Dans les statuts de la fondation, un article stipule que les financements accordés aux collectivités locales doivent concerner des projets touchant tous les citoyens. Nous avons estimé qu'il était très important d'utiliser cette ressource pour permettre à ce dossier d'aboutir.

Actuellement, le projet de développement de la fibre optique est également mené dans l'ensemble de la province de Sienne, composée de 36 communes. Ces communes se sont réunies en consortium et sont entièrement propriétaires du réseau. La situation de la ville de Sienne, je vous le rappelle, est très particulière, puisque Telecom Italia est propriétaire du réseau. Nous avons l'obligation de prendre toute décision conjointement avec Telecom Italia, qu'il s'agisse de la mise en place d'une tarification ou de la gestion du réseau. Grâce au financement de la fondation, la province de Sienne a pris en charge la construction de l'infrastructure pour l'intégralité de la province, l'objectif étant de mettre cette infrastructure à la disposition des collectivités locales.

En Italie, il est impossible de devenir propriétaire d'un réseau afin d'émettre des services. Il en est peut-être de même en France.

La province de Sienne met en place les infrastructures, le consortium formé par les municipalités en est le propriétaire. Les entreprises fournissent les services, la plupart d'entre eux sont payants.

La ville de Sienne finance chaque municipalité pour le raccordement des télévisions au réseau de fibre optique. Une société d'information pour chaque situation particulière est créée à partir du moment où la municipalité décide d'éliminer les antennes et d'interdire les paraboles sur les toits. Le financement de la ville de Sienne permet à chaque citoyen de recevoir le signal du réseau de fibre optique. C'est une opération très coûteuse, cependant le citoyen ne paye que pour la réception des chaînes ainsi que pour la connexion aux services interactifs, en fonction desquels on adapte un tarif.

La ville de Sienne et Telecom Italia doivent conclure un accord sur la tarification. En effet, la loi sur la concurrence interdit de fournir ces services sans les facturer.

Basiquement, les caractéristiques du réseau en fibre optique sont les suivantes : pour chaque commune, l'on compte entre 200 et 300 appartements connectés au réseau en « bi-directionnel ». Ce raccordement rend possible l'accès aux services interactifs. Et, comme je l'ai déjà mentionné, les familles ne sont pas facturées pour le raccordement au réseau mais seulement pour la connexion aux services. Le raccordement au réseau est pris en charge par la commune.

En tant que provider d'Internet, nos services interactifs sont accessibles depuis le poste de télévision. Comme vous pouvez l'imaginer, la configuration de ce réseau est très fonctionnelle. Ainsi, à Sienne, 22 000 familles ont la possibilité de se connecter.

Il est essentiel d'acheter un modem-câble pour se connecter. Le modem n'est pas nécessaire pour accéder aux programmes télévisés, en revanche, il est indispensable pour les familles qui souhaitent se connecter aux services interactifs.

Les citoyens auxquels nous avons demandé quels étaient les services qui les intéressaient le plus ont plébiscité la télémédecine, ainsi que les services de télésurveillance dans les appartements. Viennent ensuite les services de télétravail, mais aussi les services de télécontrôle des systèmes de sécurité.

Actuellement, nous développons également, en collaboration avec les ingénieurs de l'université de Sienne, un projet de téléformation. La ville de Sienne compte 15 000 étudiants. Ce service sera accessible grâce au réseau de fibre optique.

Le secteur bancaire utilise également le réseau pour ses activités. Nous avons passé des accords avec les établissements financiers pour que leur clientèle puisse accéder à leurs services en ligne à partir de la télévision, d'un ordinateur ou d'un téléphone portable. Les banques ont là une opportunité d'offrir un service convivial et de meilleure qualité.

Deux possibilités existent pour se connecter à Internet : la carte administrative de Sienne, que je vous ai présentée, et la carte d'identité électronique. L'Italie développe actuellement un projet national de carte d'identité électronique identifiable par la signature digitale. La carte électronique permet de se connecter au réseau d'une manière sécurisée. Pour l'obtenir, la procédure est simple. La municipalité se charge de l'émission de la carte. Ce projet concerne la municipalité de Sienne ainsi que 50 autres villes. D'ici à 2003, il est prévu de doter tous les citoyens, sous certaines conditions, de la nouvelle carte d'identité électronique. Ce projet est très important pour nous. Cette carte permettra de se connecter au réseau de fibre optique en toute sécurité.

Notre position est intéressante du fait du partenariat et de nos accords passés avec la fondation de la Banque de Sienne. Cela nous a permis de bénéficier d'un financement pour la réalisation de ces projets.

Les projets qui parlent de convergence nous intéressent. Il est nécessaire de pouvoir disposer de plusieurs réseaux pour offrir aux citoyens des services diversifiés. Nous souhaitons collaborer avec -des pays ayant rencontré les mêmes problèmes.

Je vous remercie. Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour mon français. J'espère que vous avez pu me comprendre.

(Applaudissements).

M. Jean-Marc GILONNE. - Je voudrais saluer le sénateur M. Jean Faure qui nous rejoint et qui préside cette table ronde.

Madame BRUIGI, avez-vous une idée du coût de ces cartes d'identité ? C'est une question que nous nous posons en effet à l'heure actuelle en France.

Mme Miranda BRUIGI. - Le projet est très cher. Par exemple, le coût de la carte s'élève à 25 € par personne. Ce dossier fait partie des projets généraux du Gouvernement italien. Si les résultats sont positifs, le Gouvernement donnera la possibilité aux autres municipalités italiennes de le développer. Il existe 8 400 communes en Italie et, actuellement, seulement 57 d'entre elles ont pu instaurer la carte d'identité électronique.

Je ne sais pas si cela est réalisable. Un partenariat est nécessaire pour la mise en place d'un tel projet. Ainsi, à Sienne, grâce au partenariat avec la banque, le citoyen ne paye qu'une partie du coût.

En ce qui concerne la carte d'identité électronique, le coût pour le citoyen n'est que de 5 €. C'est le montant dont il devait s'acquitter pour la version papier de la carte.

M. Jean-Marc GILONNE. - Nous avons là une expérience avec un réseau câblé préexistant. Vous l'avez fait évoluer en l'enrichissant avec de nouveaux contenus et vous tendez aujourd'hui vers la convergence des liaisons interactives. Vous souhaitez en effet que les services que vous développez (services publics et administratifs) soient accessibles à partir d'un poste de télévision.

Nous allons maintenant aborder une autre expérience, en Suède celle-là. Je vous présente M. Bo Andersson, qui va s'exprimer en anglais. M. Lars-Gôran Andersson qui l'accompagne fera la traduction. Je vous laisse la parole.

M. Bo ANDERSSON, Directeur général de Sollentuna Energi (traduit par M. Lars-Göran Andersson)

Tout d'abord, je voudrais présenter la firme Sollentuna Energi. M. Bo Andersson dirige cette société municipale qui, au départ, avait comme vocation la gestion du réseau de chauffage urbain et l'administration du réseau électrique. Sollentuna Energi s'est appuyée sur l'existence d'un réseau qu'elle a développé en réseau de « broadcast ».

M. Bo Andersson est le Directeur du développement de Sollentuna Energi. Je suis M. Lars-Göran Andersson, de la société Ericsson, son partenaire.

La ville de Sollentuna est une banlieue située juste au nord de Stockholm.

La ville compte 60 000 habitants pour un total de 24 000 foyers. La définition du haut débit, en Suède, est en général de cinq mégabits, en entrée et sortie, mais celle-ci tend à diminuer plutôt vers les deux mégabits. À Sollentuna, le haut débit est de 100 mégabits par seconde. Tous les usagers n'ont pas accès à cette vitesse, mais notre projet est de développer le réseau pour arriver à ce résultat.

Pourquoi Sollentuna Energi a-t-elle investi dans ce réseau ?

Pour Sollentuna Energi, le réseau de fibre optique représente un marché supplémentaire. La société, qui administre déjà la distribution de l'électricité et du chauffage central dont la Suède ne peut se passer, a pensé que la gestion d'un tel réseau répondait à ses besoins naturels de développement. Sollentuna Energi n'a pas agi sous la pression politique, mais uniquement sur un plan de stratégie commerciale.

Le haut débit étant considéré comme un marché, le plan de financement est donc important. Jusqu'à présent, nous avons toujours respecté le plan de gestion et nous avons dégagé un résultat positif. Cependant, nous présentons aujourd'hui un résultat négatif. Cela est dû à de lourds investissements qui s'élèvent à 9 M€. Toutefois, d'après le plan, les projections montrent qu'en 2005, Sollentuna Energi sera en mesure de produire des bénéfices. L'administration du réseau de fibre optique est un marché rentable et Sollentuna Energi ne nécessite pas de subventions.

En Suède, la réglementation est très souple. Tous les acteurs économiques, que ce soient les opérateurs, les entreprises ou les communes, bénéficient d'une grande flexibilité dans leurs actions. Nous sommes juste tenus d'informer les instances concernées de notre projet de développement sur le marché des télécommunications. Il n'existe aucune contrainte ou réglementation particulière, c'est naturellement l'un des facteurs les plus importants.

Sollentuna Energi a créé une plate-forme pour le marché du numérique. Il est important de comprendre que cette plate-forme est destinée à tous les opérateurs et fournisseurs de services. Les acteurs de ce marché en sont très satisfaits. Au lieu de ralentir la concurrence, ce projet contribue à la relancer.

Ces trois dernières années, Sollentuna Energi a déployé 270 kilomètres de fibre optique. Le réseau comprend environ 300 routeurs et commutateurs qui permettent une connexion à Internet. Ce réseau est en fait construit sur le principe d'Internet. Techniquement, ce n'est pas un réseau géré au niveau de la fibre noire mais administré au niveau d'Internet.

M. Bo Andersson explique également que les nouvelles procédures de câblage sont plus économiques. Comparés à la méthode traditionnelle, ces travaux ne représentent que 1/10 du coût total.

Grâce à ce réseau, le public peut avoir accès aux chaînes télévisées, la commande de vidéos est également possible. L'on y trouve aussi divers renseignements locaux (écoles, etc.).

En plus de l'accès à ces informations locales, nous verrons se développer des services comme la télésurveillance ou des services de télésécurité. Toutes les écoles sont connectées ainsi que 150 entreprises et la quasi-totalité des foyers vivant en appartements. En revanche, pour les maisons individuelles, l'on ne compte que 10 % à 15 % de foyers connectés.

Par foyer (qu'il s'agisse d'un appartement ou d'une maison individuelle), le coût se décompose comme suit : 1 750 € pour le raccordement au câble à chaque bâtiment, 60 € pour la connexion à Internet et un forfait mensuel de 21 €.

(Applaudissements).

M. Jean-Marc GILONNE. - La Suède est souvent citée à titre d'exemple. Et je crois en effet que vous l'illustrez bien avec une volonté forte de départ, un réseau qui préexiste et qui offre des usages très concrets aux habitants. Ce qui est frappant, c'est que vous tablez sur un modèle économique rentable dès la cinquième année. Vous avez d'autre part décidé de développer un réseau de fibre-optique ouvert et faites ainsi jouer la concurrence au niveau des services. C'est un modèle assez particulier et qu'il est intéressant d'analyser.

Vous me disiez d'autre part lors de la préparation de cette table ronde, que la maîtrise des coûts était un élément incontournable pour vous. L'exemple des sillons enterrés à 4,5 centimètres doit pouvoir être reproduit dans bon nombre d'endroits où il n'est pas forcément nécessaire d'enterrer les câbles très profondément. Les autorités locales de Stockholm exigent, dans le même esprit, que les prestataires qui gèrent des infrastructures comme les tunnels, les canalisations et les égouts, saisissent systématiquement l'opportunité d'enterrer les branchements, l'idée étant de coordonner votre propre schéma de développement avec tous les projets qui se présenteront dans la ville.

Cela semble être efficace puisque lorsque l'on se penche sur les statistiques de la Suède, il apparaît que 70 % des foyers possèdent un ordinateur. 40 % sont connectés à Internet et 14 % au haut débit. En France, nous sommes loin de ces chiffres. Nous sommes plutôt confrontés à un problème de décalage entre les zones urbaines et les zones rurales non connectées.

M. André Lardeux, vous êtes président du Conseil général de Maine-et-Loire, un département de 730 000 habitants avec trois grands pôles urbains : Angers, Cholet et Saumur. Quelle est votre analyse ? Quelles sont vos réactions par rapport à ce qui vient d'être évoqué ? Quelles réponses pouvez-vous apporter ?

M. André LARDEUX, sénateur et Président du Conseil général de Maine-et-Loire

En tant qu'élu local, ces deux exemples me laissent rêveur. Ce sont des exemples en zone urbaine. Nous sommes, en ce qui nous concerne, confrontés à des espaces ruraux de faible densité. Le taux de pénétration atteint par la ville de Sienne est intéressant. Sienne a l'avantage d'être une commune classée. Le fait d'interdire certains éléments inélégants sur les toits est peut-être une piste à suivre en France, si l'on veut imposer ou développer ce genre de projet. Cependant, lorsque je prends l'exemple de la ville d'Angers qui dispose d'un réseau câblé, et que je constate que les habitants préfèrent avoir une antenne sur le toit alors que le réseau passe devant leur porte, cela témoigne de la distance qu'il nous reste à parcourir.

Le département Maine-et-Loire s'est engagé à rompre cette fracture numérique entre l'espace urbain et rural.

Nous avons un premier problème. Nous sommes à l'écart des grands axes qui desservent le territoire national, cependant, il nous faut trouver des solutions. Pour ce faire, nous avons lancé une étude. Nous nous sommes penchés sur l'assistance du maître d'ouvrage, et avons sélectionné certains cabinets. Notre volonté est de desservir un nombre de centres et de zones d'activités, en créant un réseau cohérent, et non pas un réseau ex nihilo. Nous souhaitons utiliser les câbles déjà mis en place par les sociétés autoroutières. Je fais référence à l'ASF (Autoroutes du Sud de la France), COFIROUTE, RFF (Réseau ferré de France) également. Et bien sûr, puisque nous sommes un département pilote dans ce domaine, le réseau RTE (Réseau de transport d'électricité).

Nous envisageons ensuite de compléter ce réseau par des câbles éventuellement, ou par des systèmes hertziens. Tout d'abord, notre volonté est de desservir le milieu économique, industriel et artisanal, où l'on constate une demande, bien qu'encore faible. Cependant, nous comptons sur l'infrastructure que nous allons mettre en place pour susciter la demande. L'on peut dire que « l'offre fait la demande ».

Nous ne pouvons pas assumer le coût total du projet. Pour le Maine-et-Loire, cela représente 27 M€. Nous pouvons éventuellement nous appuyer sur les fonds FEDER (Fonds européen pour le développement régional) pour les zones concernées, et surtout sur le soutien de la Caisse des Dépôts et Consignations dans ce domaine. Je ne pense pas que la collectivité puisse assumer à elle seule la dépense que représente ce genre d'équipement.

Se pose ensuite la question de la construction. Qui doit bâtir le réseau ?

Nous avons opté pour la délégation de service public. Le système suédois se rapproche de cette méthode. En Suède, une société d'économie municipale est mise en place. En ce qui nous concerne, nous préférons faire appel à un maître d'ouvrage à vocation privée, même s'il y a une forte incitation publique. Par la suite, le réseau sera ouvert à tous les opérateurs qui souhaiteront l'utiliser.

C'est, en quelque sorte, notre philosophie.

M. Jean-Marc GILONNE. - Est-ce un problème de compétence pour les collectivités locales ?

M. André LARDEUX. - En ce qui concerne la question de compétence, la loi devra évoluer. Je ne pense pas que les collectivités doivent devenir des opérateurs. Elles ont l'obligation de mettre en place les infrastructures nécessaires. Mais en ce qui concerne la fourniture des services, comme en Italie ou en Suède, c'est une question posée à laquelle je ne peux pas encore apporter de réponse affirmative.

Pour la collectivité, se pose la question de la limitation de son champ d'action. À mon avis, tout comme en Suède, l'usager doit pouvoir, par la suite, assurer l'équilibre de fonctionnement de ce service.

Nous avons, à peu près, une situation équivalente pour les routes. Le département fournit les routes. Ensuite, les transports sont gérés par les sociétés. Enfin, les routes sont empruntées par les particuliers et les sociétés qui en payent l'usage au travers de l'achat du véhicule, de la consommation de carburant et par le biais d'autres services nécessaires au fonctionnement du réseau routier.

M. Jean-Marc GILONNE. - M. Jean-Jacques Lasserre, vous êtes Président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Êtes-vous confronté aux mêmes enjeux ? Les idées et modèles choisis par nos amis suédois et italiens sont-ils susceptibles de pouvoir s'adapter dans votre département ?

M. Jean-Jacques LASSERRE, Président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques

L'exemple que je vais vous donner est assez proche de ce que vient de dire M. André Lardeux.

En ce qui concerne notre département, l'enjeu porte sur deux agglomérations d'égale importance. De plus, nous avons la chance de n'avoir que très peu de zones rurales en pleine déperdition. Presque toutes nos zones rurales sont situées à 35 minutes de ces deux pôles urbains.

Cette configuration nous guide dans la réalisation de nos projets qui se fondent sur le constat suivant : l'activité du secteur résidentiel est égale, voire plus importante que l'activité du secteur basique ou rural, cette dernière étant suffisamment dense et diversifiée. Notre territoire est globalement équilibré. Il n'existe pas, à ma connaissance, de zones de grande déperdition.

M. Jean-Marc GILONNE. - Les entreprises vous ont-elles fait part de leurs besoins ?

M. Jean-Jacques LASSERRE. - Bien entendu. Nous avons commencé par faire un état des lieux, ainsi qu'une étude de marketing, de manière à mieux appréhender l'importance de la demande. Nous avons pris une décision après avoir étudié les résultats de ces études avec minutie, en prenant en considération nos doutes et incertitudes.

Nous ne pouvions pas, en effet, nous engager sans développer une notion de partenariat. Nous réalisons notre projet avec la Caisse des Dépôts et Consignations, avec les deux agglomérations qui représentent à elles seules les deux tiers du marché, mais également avec le Conseil régional.

Il nous faut procéder de la sorte si nous désirons amenuiser la prise de risques. Notre intervention porte d'une part sur le développement des services et d'autre part sur la construction du réseau. Nous nous rapprochons ainsi du modèle qui vient d'être évoqué.

M. Jean-Marc GILONNE. - M. Alain Beneteau, en tant que Premier vice-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, vous êtes engagé dans le développement d'un réseau régional et vous souhaitez, m'avez-vous dit, que ce projet soit mené en articulation avec les autres échelons départementaux.

M. Alain BENETEAU, Premier Vice-Président du Conseil régional Midi-Pyrénées

Avant de répondre à votre question, puisque l'objet de cette table ronde est de savoir quels enseignements tirer des expériences menées en France et à l'étranger, je souhaite réagir sur les deux interventions précédentes. D'une part, il est évident qu'il existe, autant à Sienne qu'à Sollentuna, une forte volonté politique. D'autre part, la notion de partenariat est plus évidente à Sienne qu'à Sollentuna, mais il y a tout de même dans les deux cas un partenariat avec le secteur privé. Ce débat a largement été évoqué ce matin. La notion de partenariat apparaît nécessaire si l'on veut développer ces réseaux.

En ce qui concerne la région Midi-Pyrénées, qui je vous le rappelle, est une très grande région, les environnements urbain et rural coexistent comme partout. Cependant, notre position est atypique. Nous avons une très grande métropole : sur 2,5 millions d'habitants, 700 000 vivent dans la seule agglomération toulousaine, plus d'un million résident dans le seul département métropolitain, le reste étant réparti sur les sept autres départements.

Donc un très fort déséquilibre.

Ainsi, notre territoire est composé de zones urbaines, mais il reste fondamentalement rural. Comme cela a été évoqué ce matin, l'installation de tels réseaux n'est pas uniquement une question de développement économique. Il s'agit également de l'épanouissement sur l'ensemble du territoire d'une société de liberté, d'incitation à la création. Il va sans dire que cela concerne aussi bien les citoyens vivant en zones urbaines que les citoyens se trouvant en zones rurales. La question est donc d'implanter le réseau sur l'ensemble de la région.

Vous me dites que nous sommes déjà engagés sur un réseau. La région Midi-Pyrénées n'en est pas à ce stade. Il y a deux ans, nous avons entamé une étude très proche de celle réalisée pour le Maine-et-Loire. Notre but était de mutualiser le réseau existant et d'essayer de développer un réseau régional d'une manière cohérente. Cependant, aujourd'hui, l'environnement des opérateurs diffère quelque peu. À l'heure actuelle, notre objectif est toujours de trouver cette cohérence de réseau pour ouvrir à la concurrence et réduire les coûts d'accès à l'internet.

Or, aujourd'hui, nous sommes face à la situation suivante : si nous développons un réseau régional ouvert et qu'il n'y a pas de concurrence, cela a très peu d'intérêt.

Le problème ne se pose pas en zone urbaine. Nous ne rencontrons pas de problèmes sur l'agglomération toulousaine. L'équation économique est claire et incite les opérateurs à se lancer dans le projet. Ils sont beaucoup moins motivés en ce qui concerne les sept autres agglomérations urbaines qui sont de plus petites agglomérations. En termes de densité, la première ville après Toulouse, qui compte 400 000 habitants, se trouve être Montauban avec 50 000 habitants, suivie de près par Tarbes, les deux agglomérations étant sensiblement équivalentes avec 70 000 habitants. La différence entre Toulouse et les villes moyennes est donc considérable. Les opérateurs sont donc d'autant moins motivés lorsqu'il s'agit de se développer dans les zones rurales. La situation est simple : développer un réseau et constater qu'il n'intéresse pas les acteurs économiques est sans intérêt !

Le but est de se développer dans toutes les zones géographiques. Devons-nous investir en zone rurale, et dans quel contexte, pour inciter les opérateurs à y développer leurs services ? De plus, il n'est pas politiquement correct, en termes d'aménagement du territoire, d'investir dans les agglomérations, sans investir dans les zones rurales. Nous devons adopter une attitude cohérente pour les deux zones. France Télécom est d'accord pour développer l'ADSL en zone rurale, à condition que nous prenions en charge le coût du Deslam. Ce n'est pas notre position. En revanche, nous sommes sollicités par d'autres opérateurs dans le cadre du dégroupage des lignes téléphoniques. Le Conseil régional prendrait à sa charge l'installation des Deslam, mais le coût des plates-formes serait ensuite mutualisé entre tous les opérateurs. Cette vision est plus intéressante car nous retombons ainsi dans le circuit de la concurrence. Néanmoins, il existe un obstacle de nature réglementaire.

Pour résumer, ce qu'évoquait ce matin M. Alain Joyandet, Député de la Haute-Saône, nous devons cesser de tergiverser. Nous devons agir. Je soutiens complètement sa position et reprends ses propos : « Arrêtons de causer, agissons ». Cette obligation d'agir doit se traduire par volonté politique. Cette détermination doit s'exprimer au niveau de l'État. Le contrat de plan a largement été évoqué. Il y a 3 ans, à la signature du contrat de plan, nous n'en étions pas à ce stade de développement, y compris au niveau de l'État. Actuellement, le contrat de plan est de nouveau en phase de négociation. Quelle va être la position de l'État s'il souhaite réellement affirmer le développement de la société d'information sur l'ensemble de notre territoire ? Le degré de compétence doit également être déterminé à chaque niveau (chef de file et autres aspects techniques). Nous étudions les lois de décentralisation et les expérimentations possibles.

Ce matin, M. Nicolas Jacquet, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action sociale, a donné sa vision : le rôle de cohérence doit être assuré par les régions, et le rôle de proximité par les départements et communes. Qu'est-ce que cela signifie en termes concrets ?

Comme conseiller régional, je pense, en effet, que la notion de chef de file pour la région est importante, tout en soulignant que les schémas régionaux doivent être développés dans un souci de cohésion entre départements et régions.

Il est indispensable de faire évoluer la réglementation. Le partenariat entre les secteurs public et privé est une alternative positive. Les régions doivent pouvoir être en mesure de s'appuyer sur des éléments actifs du partenariat signé entre les opérateurs et le service public. Le thème du partenariat est largement débattu et nous sommes absolument convaincus de sa nécessité. Il faut également savoir qu'une grande région administre aussi bien les problèmes liés aux infrastructures que ceux liés aux services et aux usages. Il me semble, d'ailleurs, que ces derniers sont tout aussi importants, voire plus importants. Dans la région Midi-Pyrénées, l'agglomération Castres-Mazamet, qui est un modèle exemplaire sur le développement de son projet, mentionne bien qu'au niveau des services, toute réalisation dynamique est impossible sans un partenariat entre secteur public et opérateurs privés.

Qu'il s'agisse de télémédecine, M. le Professeur Louis Lareng, l'a évoqué ce matin, ou de télésurveillance, le haut débit est indispensable pour assurer le maintien à domicile d'une personne âgée. Pour la région, c'est un problème général. Notre position est identique en ce qui concerne la téléformation, mais aussi dans le cadre de l'administration publique.

Il est indispensable de développer tous ces services qui nécessitent un débit et des réseaux performants. Mais pour reprendre ce qui été dit ce matin, cela ne peut se faire que grâce à une forte volonté politique, des acteurs clairement déterminés, un partenariat distinctement établi, et une position des opérateurs convenablement définie. Cette configuration idyllique nous permettrait, au lieu de tergiverser, d'agir plus rapidement.

Je suis absolument d'accord avec le discours que le sénateur du Rhône, M. René Trégouët a tenu ce matin. Il est sans doute difficile d'appréhender de manière précise, je pense que c'est l'avis général, les cinq prochaines années. Cependant, si dès aujourd'hui nous ne faisons pas de projections, si nous ne développons pas dès maintenant des infrastructures, nous serons dépassés et aurons un retard considérable à rattraper. Sur ce plan, une clarification et une volonté politique importantes sont nécessaires.

Un CIADT (Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire) a lieu le 13 décembre. L'on y abordera les lois de décentralisation. J'espère que pour le sujet qui nous occupe aujourd'hui, une réflexion et des décisions sur les compétences, les applications, l'utilisation des fonds publics, la mobilisation des fonds européens seront à l'ordre du jour. Actuellement, par exemple, nous réétudions le DOCUP (Document unique de programmation) des fonds structurels. Il apparaît que nous n'utilisons pas toutes les ressources disponibles, souvent seulement par manque d'information. Il y a là manifestement des moyens à mobiliser par le développement de la société de l'information.

Je suis intimement convaincu que si une forte volonté politique s'exprime, nous obtiendrons vite des résultats positifs.

(Applaudissements).

M. Jean-Marc GILONNE. - Merci M. Beneteau. Une façon d'aborder le problème du haut débit peut être aussi de partir de réseaux locaux, sur de petits territoires puis d'essaimer afin d'attirer les opérateurs. Est-ce votre vision M. le Président Faure ?

M. Jean FAURE, Questeur du Sénat, sénateur de l'Isère

Puisque M. Beneteau vient d'exprimer quelque chose de très fort en matière de souhait. Je voudrais illustrer son propos par un autre exemple, sur la base d'un territoire relativement plus modeste qu'une région, puisqu'il s'agit d'un petit territoire rural à la dimension d'un ensemble de sept communes, qui se trouve à proximité de la grande agglomération grenobloise.

Le pôle scientifique grenoblois est composé de 400 000 habitants, 40 000 étudiants et chercheurs recentrés sur quelques centaines d'hectares au sein du Synchrotron, du C.E.A, de l'Institut Laue-Langevin, de Schneider, de Hewlet-Packard, du CNET de France Télécom. Au sein de cette cuvette grenobloise, l'on trouve une concentration de cerveaux de technologie absolument fantastique. Et d'un autre côté, juste à proximité, 1 000 mètres au-dessus du niveau de la ville de Grenoble, nous avons un immense territoire, le Parc naturel régional du Vercors de 170 000 hectares, totalement désertique, qui ne comprend que 20 000 habitants. Ce territoire s'est dépeuplé au cours des décades et des siècles, au profit de la cuvette grenobloise.

Ce vaste territoire est composé, au nord de la Communauté de communes du Massif du Vercors, qui se trouve confrontée à la désertification de la population active et à une sorte de mono-activité qui a remplacé l'agriculture par le tourisme. C'est une activité très fragile et parfois aléatoire. Depuis 1993, nous essayons de déterminer la manière par laquelle les technologies d'information et de communication pourraient offrir une alternative, en matière d'emploi, ou pour rompre l'isolement.

Dans le Vercors, nous avons doté 200 écoles d'une connexion Internet. Elles travaillent en accord avec l'Académie, en s'appuyant sur des logiciels et un système pédagogique adapté. La formation et la mise à niveau des maîtres sont également prises en considération.

Nous apportons à la population un certain nombre de services. Par exemple, certains élèves de l'unique lycée de ce Massif du Vercors, qui sont champions de ski, sont équipés de portables pour qu'ils puissent travailler le soir, en liaison avec leur maître, au cours de leurs déplacements internationaux, de manière à ce qu'ils soient à même de rattraper les cours. Dans le cadre d'un partenariat avec La Poste, 3 500 boîtes aux lettres électroniques ont été créées et mises à la disposition de la population. L'ensemble de ces efforts constitue naturellement une tentative de création d'emplois. Nous avons édifié, avec les ressources de la communauté de communes, un ensemble de bureaux que nous avons pompeusement baptisé «bâtiments intelligents ». Il s'agit d'un téléespace qui nous a permis de créer 40 emplois immédiatement, suivis d'une centaine d'emplois supplémentaires.

Nous avons obtenu un succès relatif. 57 % des foyers de ce canton sont connectés à Internet. Ce chiffre peut se comparer aux données des pays étrangers, notamment des États-Unis ou des pays Scandinaves, mais nous sommes loin devant la moyenne française et nous butons sur ce qui a déjà été décrit, c'est-à-dire la volonté de l'État pour installer le haut débit. Dans notre communauté, 400 entreprises ou foyers sont demandeurs de haut débit. Nous sommes confrontés à un opérateur timoré qui ne souhaite pas investir sans être certain d'en récolter un résultat positif. Or, en milieu rural, il convient d'adopter un comportement inverse. Il convient de lancer les initiatives, de mettre en place les équipements et les résultats viennent automatiquement.

À l'aide de quelles technologies ? Faut-il développer la fibre optique, faut-il collaborer avec EDF ? Faut-il chercher d'autres alternatives ? Nous avons, pour cela, lancé une étude, car nous avons une vision claire de notre objectif. Le problème est que nous ne pouvons pas agir sans la volonté de l'État. Les territoires ruraux n'ont pas les ressources nécessaires pour développer un tel projet et pour le gérer ensuite.

Je ne reprendrai pas le discours du Président Beneteau, mais j'y souscris totalement. En matière d'aménagement du territoire, la volonté de l'État est indispensable à la réalisation des projets.

(Applaudissements).

M. Jean-Marc GILONNE. - Avant de conclure la table ronde, nous allons redonner la parole aux intervenants. M. Beneteau, vous souhaitez réagir aux propos du Président.

M. Alain BENETEAU. - Oui, merci. Tout le monde semble d'accord sur la nécessité du haut débit, mais je crois que nous percevons mal son extrême importance. La valeur de ces exemples en témoigne et il ne faut négliger aucune piste pour permettre aux citoyens d'accéder à cet outil. Nous sommes engagés sur un projet de cyberbase, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, qui est essentiel pour nous. En matière d'aménagement du territoire et de construction des pays, cette cyberbase peut se révéler être un formidable lieu d'appropriation de l'outil.

Pour revenir à la volonté de l'État, et en ce qui concerne les projets qui se développent, il conviendrait de savoir comment il compte assurer les ressources professionnelles après l'annonce de la suppression des emplois jeunes, éléments déterminants dans le dispositif des cyberbases. Nous savons parfaitement que le positionnement de cet outil ne repose que sur la qualité de la formation des équipes d'animation.

Il nous faut considérer ces paramètres de manière urgente afin de mieux appréhender ces projets. Il est impératif d'assurer l'animation de ces espaces publics numériques, cyberbases. C'est sur ce plan que cette volonté doit se manifester. Si ce n'est pas le cas, nous serons dans l'obligation de maîtriser nos coûts. En conséquence, les intercommunalités disposant pour beaucoup de moyens limités auront du mal à maîtriser les budgets. Des projets seront ainsi annulés.

Cette position, en termes d'aménagement du territoire, équivaudrait à un recul qu'il faut systématiquement refuser. Il faut donc avoir une capacité de formation et d'animation des équipes qui travailleront sur le projet.

M. Jean-Marc GILONNE. - Il peut apparaître également opportun de sérier les réponses à apporter, les besoins pouvant différer d'un endroit à l'autre. Le tout haut débit n'est peut-être pas la panacée de tous.

Mme Miranda BRUIGI. - À Sienne, pour la pose des câbles, nous avons utilisé la même technique qu'en Suède, qui est vraiment moins chère. Mais cela n'a été possible que pour la banlieue et certaines routes. Le centre historique de Sienne est classé. Les travaux d'aménagement pour l'installation du câble dans le centre ville ont eu un coût important.

La technique consistant à enterrer les câbles à faible profondeur est moins onéreuse et facilite les travaux. Telecom Italia a ainsi continué à aménager le territoire.

À Sienne, l'on dénombre 23 000 foyers, 25 % d'entre eux sont connectés à Internet. Ces statistiques sont plus élevées que dans les autres parties du pays car nous sommes dans un perpétuel souci d'innovation.

Nous permettons aux citoyens de Sienne de recevoir 44 chaînes de télévision. L'une d'entre elles est exclusivement consacrée aux informations civiques. La rédaction y prépare des informations publiques et c'est également une chaîne de traitement de services. Nous souhaitons que le poste de télévision devienne un outil d'accès aux services interactifs. C'est là un moyen d'éliminer la fracture numérique, sauf à trouver un outil qui puisse s'utiliser aussi facilement. Il est important de souligner que les personnes âgées ne possèdent pas et n'utilisent pas d'ordinateur.

Nous attendons donc des pouvoirs publics de faire en sorte que le poste de télévision puisse se substituer à l'ordinateur.

M. Jean-Marc GILONNE. - Je remercie Mme Bruigi. M. Bo Andersson va conclure.

M. ANDERSSON. - (Interprète).

Je souhaiterais apporter un élément concernant la technologie. La stratégie d'accès au haut débit de la société ERICSSON est basée sur un concept que l'on appelle « Ethernet Public ». Et Sollentuna Energi est un exemple de réalisation de ce concept. Je m'explique. L'utilisation de la fibre optique, représente un choix naturel pour Sollentuna Energi. ERICSSON est considéré comme l'un des acteurs économiques les plus importants dans ce domaine.

L'ADSL est un choix aussi naturel pour les opérateurs historiques. Le coût élevé de l'ADSL classique est surtout lié avec le coût élevé de l'ATM dans le réseau de collecte. L'accès fibre optique est un complément pour des zones nouvelles.

Cependant, il faut appliquer la technologie Ethernet dans une manière évoluée, surtout pour assurer la Qualité de Service QoS), la sécurité etc. Grâce à cette évolution, le « Ethernet Public » sera capable de transmettre des données et des services en temps réel.

M. Jean-Marc GILONNE. - L'ADSL, tel que nous le connaissons est-il dépassé selon vous ?

M. ANDERSSON. - (Interprète) Non, pas du tout, mais si les zones géographiques permettent d'installer les câbles de fibre optique, le choix se portera sur cette technologie de transmission.

M. Jean-Marc GILONNE remercie M. Andersson et passe la parole à M. Jean Faure.

M. Jean FAURE. - Dans le cadre de l'étude des différentes solutions, la Communauté de communes du Vercors, dont je vous ai cité l'exemple, a lancé « Les Rencontres d'Internet » à Hourtin, en partenariat avec le Chapitre Français d'Internet, sous la direction de M. Bruno Oudet. Cette manifestation, qui se déroule depuis sept ans, nous permet de réfléchir aux solutions techniques et administratives. C'est également une plate-forme où chaque expérience est partagée. Ces échanges sont d'une extrême richesse. M. Jean-Paul Delevoye, en tant que Ministre de l'Aménagement du Territoire viendra peut-être nous confirmer une nouvelle position de l'État dans ce domaine. Il y est cordialement invité et nous a assurés de sa présence.

M. Jean-Jacques LASSERRE. - Je suis tout à fait d'accord avec les intervenants qui m'ont précédé et qui sont convaincus de la vertu des usages du haut débit. Je pense que c'est à notre portée, je veux dire à la portée des institutions, à l'unique condition que, sur un plan technique, les affaires soient suffisamment encadrées pour se développer convenablement.

Concernant notre département, tous les collèges ont été équipés, et j'ai été étonné de constater l'enthousiasme de la communauté éducative pour participer à cette aventure. L'on bénéficie d'appuis conséquents. Je partage votre point de vue sur les cyberbases. Nous-mêmes, nous développons l'installation de centres de petits services dans les métropoles locales. Les cyberbases seront fonctionnelles si nous résolvons le problème de l'animation. Nous éviterons ainsi des phénomènes de sous-utilisation.

En ce qui concerne l'appui de l'État, je partage votre point de vue. L'État doit se manifester et clarifier les règles du jeu. Ceci dit, il faut prendre en compte les disparités existantes entre nos différentes régions. Cependant, s'il nous faut attendre que les conditions nécessaires soient idéalement réunies, nous risquons de perdre du temps. Je fais partie de ceux qui pensent que nous devons nous appuyer sur les NTIC, afin de gommer une grande partie des erreurs que nous avons commises en termes d'aménagement du territoire. Nous ne pouvons arriver à ce résultat sans une certaine prise de risques. Il faut discuter, calculer. Tout le monde gagnerait à ce que l'État clarifie sa position, intervienne sur les secteurs rural et urbain. Qui prend en charge l'aménagement du territoire ?

Mais nous gagnerions également, compte tenu de ces conditions, et pour ceux qui souhaitent prendre ces risques, à pouvoir engager les opérations rapidement, sans attendre que les conditions idéales soient réunies.

Nous avons tous l'habitude de gérer les fonds des collectivités. Lorsque l'on considère les montants d'investissement, il me semble que cette prise de risques se situe largement au niveau des possibilités financières des institutions réunies. Je plaiderai pour qu'il y ait, en amont, au-delà d'une clarification globale, une réelle volonté de prise de risques. Cet appui offrirait, une fois pour toutes, aux collectivités disposées, et au regard des particularités, la possibilité de faire avancer leurs dossiers de manière significative.

M. André LARDEUX. - Nous sommes tous d'accord sur le fait que dans ce domaine, il s'agit d'une question de volonté politique. Il faut savoir si nous voulons vraiment faire avancer le projet et mettre fin à la fracture numérique. Cependant, il ne faut pas tout attendre du niveau supérieur. Nous devons nous prendre en charge les uns les autres et avancer en cohérence entre les départements et réglons par exemple, et les régions avec l'État. C'est une situation que nous pouvons comparer avec celle chemin de fer, il y a 120 ans. De grandes infrastructures avaient été bâties et le Gouvernement de l'époque avait lancé un plan pour construire les lignes d'intérêt local et départemental.

Actuellement, les grandes infrastructures existent ; il faut « mailler » tout le territoire, et c'est le rôle de toutes les collectivités locales, régions et départements notamment.

M. Jean-Marc GILONNE. - La table ronde est assez consensuelle et je ne relève pas, à vrai dire, de véritable problème technologique. Aujourd'hui, la technique est éprouvée, nous avons pu le constater au travers des exemples suédois et italiens.

Je relèverai par contre quatre questions récurrentes dans chacun des projets présentés : la nécessité d'une volonté politique clairement affirmée, un souci constant de coordination, afin que chaque acteur puisse développer son projet, la recherche de la maîtrise des coûts, et un soutien sans failles aux initiatives locales de la part de l'État mais aussi du secteur privé. Et tout cela conduit, nous l'avons vu en Suède et en Italie, à des modèles économiques rentables !

Merci.

(Applaudissements).

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