L'avenir de la codification en France et en Amérique latine
Palais du Luxembourg, 2 et 3 avril 2004
III - POURQUOI FAUT-IL UN NOUVEAU CODE ? LES NOUVEAUX CODES LATINO-AMÉRICAINS AU XXIE SIÈCLE
« L'uniformité est un genre de perfection qui saisit quelquefois les grands esprits et frappe infailliblement les petits » (Montesquieu, Esprit des Lois, livre XXIX, chap. XVIII)
Président de séance
Alfredo De Jesús
L'édition de ce chapitre a été assurée par Sebastián Ríos
Présentation
Alfredo de Jesús
Secrétaire adjoint de l'Association Andrés Bello des juristes franco-latino-américains, moniteur à /'Université Catholique Andrés Bello (Caracas)
L
e modèle et la méthode de codification instaurés par le Code civil des français de 1804 sont sans doute à la base de la construction et de l'élaboration du droit civil dans les pays de l'Amérique Latine. En ce sens, de nombreux projets de code civil ont défilé dès la première moitié du XIX e siècle devant nos assemblées législatives, s'inspirant fortement des valeurs de la codification française. Les principes juridiques et sociologiques fondamentaux de cette codification reposent sur la protection de la famille, la propriété et la liberté contractuelle, principes empruntés de l'Ancien Régime et sur lesquels s'édifiait la société française de l'époque, ont été également incorporés dans nos codes nationaux.
Bien qu'utile et nécessaire cette ambition de vouloir régler toutes les relations civiles dans un seul texte s'est vue perturbée par de constantes fluctuations dans les relations entre les citoyens. Ces fluctuations sont dues à différents facteurs générés par l'évolution de la société dont les conquêtes juridiques pendant la révolution industrielle du XIX e siècle en Europe, ne constituent qu'un juste exemple. Il s'agissait et Il s'agit toujours de pressions spontanées nées des nouvelles réalités sociales, culturelles et économiques qui ne peuvent pas échapper à la vigilance du législateur. Plusieurs de ces pressions et revendications juridiques, telles qu'observées en Europe et en France en particulier, ont donné lieu à d'importantes modifications au sein des législations civiles afin de s'adapter aux nouveaux temps.
En Amérique Latine, lors des dernières décennies, nos législations civiles ont aussi suivi cette évolution. Nonobstant, il ne faut pas oublier que notre ordre civil a subi des perturbations d'origine politique du fait de la lutte pour l'indépendance et de l'éternel aller-retour entre la démocratie et les régimes dictatoriaux, ce qui constitue pour la plupart de nos pays, une partie de notre histoire récente. Ces procédés ont abouti, dans la plupart des cas, à l'adoption de nouveaux codes. Ce renouvellement a aussi permis d'enrichir les droits de l'Amérique Latine d'autres sources comme celles provenant de la doctrine italienne et de son Code civil de 1865, de la doctrine allemande avec le BGB de 1896 et du Projet franco-italien des obligations et des contrats de 1927, sans se distancier pour autant de la tradition française.
Malgré tout, l'expérience de l'Amérique Latine en matière de codification s'est montré réticente à la reforme des législations civiles. Pendant des années, nous avons été victimes d'un processus de décodification poussé par des restrictions à l'autonomie de la volonté au profit de la partie faible, par l'intervention de l'État dans les activités économiques ainsi que par la massification de certaines activités économiques pour lesquelles une régulation spéciale s'est avérée nécessaire.
Néanmoins, l'intention initiale d'exhaustivité, essentielle à toute codification, ce désir véhément de tout inclure dans un même corps ne pouvait être étranger à la culture juridique latino-américaine. En conséquence, plusieurs projets de réforme se sont plongés dans cette difficile tâche de recodification.
Mais finalement, faut-il un nouveau code ? Nous avons l'honneur et l'immense plaisir d'accueillir parmi nous les éminents professeurs Atilio Aníbal ALTERINI et Arnoldo WALD, pour répondre à cette question et nous faire part de leurs expériences dans leurs pays d'origine respectifs, l'Argentine et le Brésil. Les prestigieux professeurs Noemia CM. DE OLIVEIRA et Salvador ROMERO apporteront leurs commentaires, du point de vue des relations civiles et commerciales au Brésil et en Bolivie. A.D.J