2ème JOURNÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER - Destination monde
Sénat - 1er mars 2008
TABLE RONDE N°1
FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER, VOTRE SORT NOUS INTÉRESSE
Cette table ronde poursuit un double objectif : tenter d'appréhender les contours très disparates d'une communauté en augmentation - les Français à l'étranger - d'une part, et essayer de répondre aux questions que se posent les expatriés et les candidats au départ d'autre part. Les Français de l'étranger constituent en effet un agrégat de parcours très contrastés et de personnalités diverses : bi-nationaux, fonctionnaires, cadres expatriés d'entreprises, étudiants, artistes, entrepreneurs, commerçants, médecins, etc. A côté de ceux qui réussissent (dont certains seront distingués au cours de la journée), une minorité d'entre eux vit dans un relatif dénuement. En outre, le nombre de Français résidant hors de France s'est fortement accru dans les dernières années. Qui sont-ils ? Comment et pourquoi les recense-t-on ? Quelles méthodes les pays occidentaux utilisent-ils pour tenir la comptabilité de leurs diasporas ? Une fois à l'étranger, comment les expatriés gardent-ils le contact avec la France ? Quelles démarches doivent-ils accomplir ? De quelle couverture sociale bénéficient-ils ? Quelle éducation pour leurs enfants ? Quel accompagnement pour les conjoints ? Que faire en cas de crise politique ou climatique ? Comment préparer son retour ? Autant de questions auxquelles cette table ronde tentera de répondre. |
Table ronde animée par Hélène da COSTA , journaliste à RFI
Première partie :
Quels services publics pour les Français de l'étranger ?
Alain CATTA , directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France (DFAE)
Gérard PELISSON , co-fondateur du groupe ACCOR, président de l'Union des Français de l'étranger (UFE)
Mathilde LAMOUREUX , administrateur de l'INSEE
François NICOULLAUD , ancien ambassadeur, président de Français du Monde - Association démocratique des Français de l'étranger, membre de l'Assemblée des Français de l'étranger
Ramon CASAMITJANA , président du Comité d'entraide aux Français rapatriés
Marie-Hélène GARDIES , directrice adjointe de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux (Direction Générale des Impôts - Ministère de l'économie et des finances)
Hélène da COSTA
Bienvenue à tous. Notre table ronde va se dérouler en deux phases, avec des intervenants différents sur deux sujets successifs bien distincts : celui du service public au service des Français à l'étranger, puis celui de l'assurance, de la protection sociale et du rapatriement. Cette dernière partie sera très pratique, nous tâcherons de répondre à des questions très concrètes comme : que faut-il faire avant de partir, à quelle fiscalité sont soumis les expatriés, quelles assurances prendre, etc.
Pour ouvrir cette première phase, Mme Mathilde LAMOUREUX, pouvez-vous nous dire qui sont les Français vivant à l'étranger ? Quelles sont leurs destinations de prédilection et est-ce que ces dernières évoluent ?
Mathilde LAMOUREUX, administrateur de l'INSEE
Les statistiques sur les populations françaises à l'étranger posent un problème de nature conceptuelle. Nous choisissons de suivre les personnes ayant maintenu un lien avec la France, c'est-à-dire les Français qui déclarent leur nationalité française dans les enquêtes de recensement. Cette population est, par définition, complexe à recenser car très dispersée et très diluée. Présents dans plus de 160 pays, les Français sont en effet très minoritaires dans la population locale. Le Luxembourg est le pays qui compte la plus forte proportion de Français dans sa population avec 4,8 % contre 0,1 % pour l'Allemagne.
Notre seule source d'information systématique constitue le registre mondial des Français établis hors de France. L'inscription à ce registre est fortement conseillée mais pas obligatoire. Nous savons que, dans les pays où le risque sécuritaire est faible (Europe, Amérique du Nord), le taux d'inscription dans les consulats est moins élevé. Il se situe entre 60 et 70 % alors que, dans les autres pays, il est de l'ordre de 90 %. La nouvelle application mise en oeuvre dans les consulats cette année alimente désormais un répertoire mondial permettant d'éviter les doublons. Notre fonctionnement gagne ainsi en efficience et nous obtenons des données plus riches sur les Français résidant à l'étranger.
Le nombre de Français de l'étranger est en forte augmentation ces dernières années, de l'ordre de 3 à 4 % par an. Il s'établit à 1,326 million au 31 décembre 2007. Leur présence a cru dans toutes les régions au cours des dix dernières années, mais surtout en Europe de l'Est, en Afrique du Nord, en Asie, au Proche et au Moyen-Orient.
Leur répartition est très inégale. En effet, 20 pays regroupent les trois quarts de la population française établie hors de France. Les 4 premiers d'entre eux enregistrent plus de 100 000 Français chacun. Les sept premiers en accueillent la moitié. Près de la moitié des Français de l'étranger résident en Europe occidentale. Ensuite, viennent l'Amérique du Nord (13 %), le Proche et le Moyen-Orient (8%) et l'Afrique francophone. La part de l'Afrique, qui était de 25 % il y a quinze ans, se situe aujourd'hui autour de 15 %.
Nous avons effectué des enquêtes sur le fondement de sources statistiques locales, comme les recensements locaux. D'après ces chiffres, la Belgique serait le premier pays à accueillir des Français, avec environ 190 000 personnes. Ensuite, viennent la Suisse, l'Allemagne et le Royaume-Uni où vivent environ 150 000 personnes. A l'intérieur de cette population, le nombre de personnes possédant une double nationalité est très élevé. Les double-nationaux représentent en effet près de la moitié des Français établis hors de France. Ce ratio varie fortement d'un pays à l'autre. Au Proche et au Moyen-Orient, il atteint 80 %, contre 23 % en Asie ou en Océanie. Évidemment, cette part est très dépendante de la législation sur la nationalité. En Suisse et en Italie, le pourcentage de Français à avoir la double nationalité est de 60 % contre 35 % en Allemagne où il reste très difficile d'obtenir la nationalité allemande.
Hélène da COSTA
Pouvez-vous nous dire combien de Français vivent à l'étranger ? Ce chiffre soulève des contestations...
Hélène LAMOUREUX
Selon le registre mondial des Français établis hors de France, leur nombre s'établit à un peu plus de 1,3 million. Mais, d'après les études réalisées dans les plus grands pays d'accueil, il se situerait entre 1,85 million et 2 millions.
Les données du registre sont sociodémographiques. Pour mieux cerner la population des Français résidant à l'étranger, et notamment les raisons qui poussent les Français à s'expatrier, le ministère des Affaires étrangères a lancé l'an dernier une enquête par le biais d'un questionnaire mis en ligne sur le site de la Maison des Français de l'étranger. Plus de 2 500 personnes y ont répondu. Cette enquête sera reconduite un peu plus tôt cette année. Ainsi, pourrons-nous peut-être améliorer la qualité des services rendus aux Français de l'étranger.
Hélène da COSTA
M. Alain Catta, vos services ont justement entrepris un grand travail de statistiques. Quelles conclusions en avez-vous tiré ? Quelles conséquences cela peut-il avoir sur votre administration ? Pouvez-vous nous décrire le profil type de Monsieur ou Madame le Consul ?
Alain CATTA, directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France (DFAE)
Les missions d'un consul sont extraordinairement diverses, un peu comme celles d'un préfet à qui on prête plus de 2 000 compétences. Dans leur exercice concret, elles diffèrent beaucoup d'un État et d'une région à l'autre. Cependant, nous pouvons les rassembler sous trois vocables. Où qu'il soit, un consul remplit trois grandes missions : une mission d'accueil, une mission d'accompagnement et une mission d'animation. L'action consulaire s'insère par ailleurs dans un dispositif étatique global.
Contrairement aux idées reçues, l'accueil n'est pas une mission aisée. Elle dépend beaucoup de la personnalité de celui qui l'exerce. Évidemment, pour un consul, la proximité et le sens de l'humain sont une première qualité. Cependant, celui-ci ne peut pas jouer son rôle vis-à-vis de l'administré de façon uniforme et indépendamment du pays dans lequel il se trouve. Les différences portent notamment sur la nature des attentes des Français. Accueillir un Français en Allemagne ou en Belgique signifie lui assurer un minimum de la protection consulaire qu'il est en droit d'attendre dans un pays de l'Union européenne. Dans un pays en développement, les questions de sécurité sont d'une extrême importance et la préoccupation des Français consiste à connaître l'environnement auquel ils doivent s'adapter.
La mission d'accompagnement nécessite une attention profonde aux attentes des communautés françaises à l'étranger. Il s'agit d'aider les individus ou les entreprises à mener à bien la mission qu'ils sont venus accomplir dans le pays ou d'accomplir leur vocation.
Enfin, s'agissant de l'animation, un consulat s'intègre dans un ensemble de services administratifs disparates qu'il s'agit d'animer sans avoir d'autorité sur ces services au même titre que l'ambassadeur. Le consul doit donc convaincre les autres responsables des services extérieurs de l'État - le conseiller économique, le conseiller d'expansion, l'attaché culturel ou le directeur de l'institut culturel, etc. - d'agir dans le sens du rayonnement de la France et de l'unité de l'action de l'État.
Hélène da COSTA
Le réseau de consulats français est réputé pour être exceptionnel. Combien de consulats existe-t-il aujourd'hui ? Sont-ils en augmentation ou en diminution ?
Alain CATTA
Effectivement, notre réseau dépasse légèrement, en importance, celui des États-unis. Nous disposons de 228 postes consulaires à l'étranger, dont 96 consulats généraux. D'une moindre importance hiérarchique, les chancelleries détachées et les antennes consulaires d'ambassade offrent des services identiques. Il s'agit d'un réseau vivant, comme celui des ambassades ou des administrations déconcentrées de l'État en France. Des ouvertures et des fermetures ont lieu, en fonction de l'évolution des communautés françaises à l'étranger : nous ouvrons ainsi des consulats à Ekaterimbourg en Russie, à Chengdu et Shenyang en Chine, à Bengalore et à Calcutta en Inde. Quand nous fermons, il ne s'agit pas de créer un vide dans le dispositif, mais de tirer les conséquences des évolutions de la modernité et notamment de l'administration télématique. Le service de proximité que souhaite délivrer l'administration consulaire peut en effet être assuré par voie informatique.
Hélène da COSTA
La proximité implique une relation avec le consulat, mais également l'appartenance à une association de Français à l'étranger. M. Gérard Pélisson, vous présidez l'Union des Français de l'étranger, quel est le rôle d'une association comme la vôtre ?
Gérard PELISSON, co-fondateur du groupe ACCOR, président de l'Union des Français de l'étranger (UFE)
L'Union des Français de l'étranger (UFE) a été crée en 1927 afin de maintenir des liens étroits entre les Français de l'étranger et la France, tout en défendant leurs intérêts matériels et moraux, sans exclusive d'appartenance ou de conviction. Après la guerre de 1914, les veuves des expatriés morts pour la France n'étaient pas reconnues comme veuves de guerre et leurs enfants n'étaient pas reconnus comme pupilles de la Nation, titre qui conférait des avantages évidents. Devant ce scandale, un Français résidant à Genève a décidé de créer l'UFE. L'association a ainsi commencé son action pour défendre la cause des Français de l'étranger. Il s'agissait de leur seul lien institutionnel avec les pouvoirs publics. Tous les passeports français comportaient à l'époque la mention : « les Français désireux de se fixer à l'étranger peuvent se mettre en rapport avec le centre d'information de l'UFE ». C'est également en 1927 que fut éditée pour la première fois « La Voix de France » qui reste notre magazine de liaison. En 1936, l'UFE a été reconnue d'utilité publique par le gouvernement de Léon Blum.
Après la guerre, de nouveaux liens institutionnels ont été créés : la représentation sénatoriale puis la création du Conseil Supérieur des Français de l'étranger (devenu l'Assemblée des Français de l'étranger). Plus récemment, de nombreuses autres associations ont vu le jour : l'ADFE, les accueils, le réseau des conseillers du commerce extérieur. Chacune d'elles joue son rôle, en relation avec les représentants de l'Etat, les ambassades et les consulats. J'ai la faiblesse de penser que, forte de son histoire, l'UFE, qui a été présidée par des personnalités prestigieuses comme Maurice Schumann et Louis Joxe, a joué et joue un rôle privilégié. Elle participe aux comités consulaires concernant les bourses, l'emploi, l'aide sociale et la sécurité. Elle est reconnue par les instances politiques et les pouvoirs publics, auprès desquels elle essaie de faire avancer la cause des Français de l'étranger.
Au sein de ses 163 représentations dans le monde, l'UFE contribue à la vie sociale et à l'entraide. Elle apporte également, avec son siège parisien, une aide précieuse et permanente à ses adhérents : inscription dans les écoles, prise de rendez-vous médicaux, lettres de retour en France, conseils immobiliers ou fiscaux, etc. A travers ses lettres hebdomadaires et mensuelles, l'UFE informe ses compatriotes de toutes les questions pratiques concernant la vie à l'étranger. Elle participe à la vie associative et culturelle, et entretient des liens de solidarité avec la communauté des Français. Notre slogan en témoigne : « Avec l'UFE, aucun Français n'est seul à l'étranger . »
La France est le pays au monde qui fait le plus pour ses expatriés aussi bien dans le domaine de la représentation politique et de l'enseignement, qu'en matière sociale et culturelle. Aujourd'hui, l'engagement du Président de la République va encore plus loin, en proposant la gratuité, à terme, de la scolarité des enfants d'expatriés. Il envisage également la création de postes de députés. L'UFE reste et restera un acteur essentiel dans la défense des intérêts de nos résidents à l'étranger.
Hélène da COSTA
Le lien avec la France passe aussi par la fiscalité. Marie-Hélène Gardies, vous êtes directrice adjointe de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux située à Noisy le Grand, quelles formalités fiscales faut-il acquitter avant de partir ?
Marie-Hélène GARDIES, directrice adjointe de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux (ministère de l'économie et des finances)
Il convient, de distinguer deux cas. Le premier concerne l'expatrié qui laisse son conjoint et ses enfants en France. Dans ce cas, sur le plan fiscal, rien ne change : son centre des impôts demeure identique. Cependant, l'expatrié percevant des revenus de source étrangère doit utiliser un imprimé spécifique (2047) pour les déclarer. Il le joint à sa déclaration classique (2042) sur laquelle son conjoint porte ses propres revenus et les charges déductibles. L'expatrié a intérêt à inscrire des renseignements sur les suppléments de salaire qu'il perçoit. Cela n'a pas d'incidence sur le calcul de l'impôt sur le revenu, mais sur la taxe d'habitation.
Le second cas de figure concerne l'expatrié qui part, accompagné de sa famille. Durant l'année du départ, la situation se complique un peu sur le plan fiscal puisque deux déclarations de revenus doivent être rédigées. La première doit comporter les revenus, depuis le 1 er janvier jusqu'à la date de départ et la seconde, intitulée 2042 non-résident, les revenus depuis le départ jusqu'au 31 décembre. Cette déclaration (2042 NR) se trouve sur le site www.impots.gouv.fr .
Par ailleurs, il est vivement conseillé avant tout départ à l'étranger de joindre sa banque. En effet, il existe une incompatibilité entre la résidence à l'étranger et certains types de placements (PEA et CODEVI). Enfin, en matière de revenus des capitaux mobiliers, il est nécessaire d'indiquer le départ à la banque, car elle fait bénéficier le futur expatrié de la procédure de prélèvement libératoire.
L'année suivant leur départ, les expatriés dépendent du centre des impôts des non-résidents, basé à Noisy-le-Grand, et déclarent uniquement leurs revenus de source française. Je recommande d'utiliser Internet, qui permet aux expatriés de consulter leurs comptes, de suivre leur situation fiscale et de télé déclarer. A l'heure actuelle, 34 000 contribuables résidant à l'étranger ont déjà eu recours à la télé déclaration. Depuis deux ans, le recours à la télé déclaration augmente fortement.
Dernier point, certains revenus de source française, du fait des conventions fiscales passées entre pays, peuvent être imposables dans le pays de résidence. Les revenus de source française sont soumis à des retenues à la source. Si le contribuable était déjà soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune, il continue à déposer sa déclaration. Parallèlement, s'il était propriétaire d'un appartement loué, il continue à payer sa taxe foncière dans les conditions habituelles.
Enfin, l'année du retour en France, l'expatrié doit envoyer sa déclaration au centre des impôts des non-résidents en précisant qu'il rentre en France, comportant le changement d'adresse. L'administration se charge ensuite d'effectuer les formalités et de transférer le dossier au nouveau centre d'impôts de rattachement.
Le centre des impôts des non-résidents répond de 9h à 16h pour toutes demandes de renseignements. Il répond aussi sous 48h aux courriers électroniques.
Hélène da COSTA
Si vivre à l'étranger peut être source de joie et de réussite, les Français de l'étranger peuvent aussi être confrontés à des situations de dénuement et à de graves crises. Quels sont les recours dans ces circonstances ? Une indemnisation est-elle prévue en cas de pertes ?
François NICOULLAUD , ancien Ambassadeur, président de l'Association démocratique des Français de l'étranger - Français du Monde
Comme l'UFE, l'Association démocratique des Français de l'étranger (ADFE) s'applique à défendre les intérêts moraux et matériels des Français de l'étranger. A la différence de l'UFE cependant, l'ADFE est attachée à la défense d'idéaux : nous sensibilisons nos membres à tous les problèmes de droits de l'homme, d'environnement, d'aide au développement et d'action culturelle.
Les perspectives d'indemnisation des Français de l'étranger, en cas de catastrophe politique ou naturelle, sont actuellement au coeur de nos préoccupations. En France, depuis les années 1980, s'est développé un tissu de dispositifs d'indemnisation qui couvre presque tous les cas de figure (y compris des accidents causés par des personnes non assurées) et financé par des prélèvements sur les contrats d'assurance. Les Français de l'étranger, en revanche, ne sont indemnisés que dans un seul cas : les actes de terrorisme, et ce depuis la loi de 1986 faisant suite aux attentats de la même année. Mais les victimes des événements de Côte d'Ivoire ou du Liban, qui en quelques heures ont perdu les biens accumulés le long de toute une vie, ne bénéficient d'aucun processus d'indemnisation. Il y a là une véritable béance.
Lors de la dernière campagne présidentielle, les deux principaux candidats se sont penchés sur ce problème. M. Nicolas Sarkozy a déclaré qu'il était prêt à étudier un dispositif fondé sur l'assurance. Je crains toutefois qu'un tel dispositif ne réponde pas aux besoins. En effet, il est impensable de demander à des Français, habitant en Suisse, de cotiser pour les risques encourus par les Français d'Afrique subsaharienne ou d'ailleurs. Il est donc urgent de retravailler sur un dispositif de mobilisation de la solidarité nationale, comme sur le territoire français. Il s'agit de moyens minimes, car ces phénomènes sont marginaux. Je pense que la communauté nationale a un devoir à l'égard des Français de l'étranger.
Hélène da COSTA
Nos compatriotes sont parfois rapatriés dans des conditions dramatiques. M. Ramon Casamitjana, le comité d'entraide aux Français rapatriés que vous présidez a accueilli, à Roissy, 2 233 rapatriés de Côte d'Ivoire en 2004, 1 891 du Liban en 2006, et 1 020 du Tchad, cette année. Pouvez-vous nous expliquer, concrètement, ce que vous proposez aux Français dans le dénuement quand ils arrivent à Roissy ?
Ramon CASAMITJANA, président du Comté d'entraide aux Français rapatriés
Le Centre d'entraide aux Français rapatriés (CEFR) n'intervient pas que dans des circonstances dramatiques. Il a été créé en 1940 par le Ministère des Affaires étrangères pour s'occuper des Français en difficulté dans l'Europe orientale pour effets de guerre. Il a poursuivi son action auprès des Français dans l'indigence par la suite. Méconnu, le CEFR apporte son concours aux personnes en situation d'indigence économique, du fait du contexte politique, économique et social de leur pays d'accueil. Les citoyens français peuvent être rapatriés soit par le biais consulaire, soit par leurs propres moyens. Quand ils nous sollicitent, notre rôle consiste à les réintégrer dans la société française, en les aidant, notamment, à retrouver un logement et un emploi. Nous exerçons cette mission à travers un réseau d'une vingtaine d'établissements, comprenant les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), et des établissements pour personnes âgées. Nous devons être très réactifs, car nous accueillons à Roissy, et dans l'urgence, de nombreuses personnes. A cet égard, j'aimerais faire comprendre à ceux qui nous sollicitent que la solidarité nationale ne peut s'exercer qu'au profit des personnes ayant réellement des difficultés.
Quand je suis devenu Président du CEFR, il y a dix ans, la majorité des Français rapatriés sollicitant notre soutien avaient conservé toutes leurs capacités physiques et intellectuelles et étaient capables de rebondir. Nous étions alors capables de les réinsérer rapidement. Aujourd'hui, de plus en plus de personnes, notamment des couples binationaux, arrivent, dans des situations d'indigence économique, sociale, mentale et physique.
Par ailleurs, du fait de la crise sociale, et notamment de la crise du logement et des budgets sociaux, nous avons des difficultés à trouver des logements et des emplois. Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale qui ont vocation à être des solutions temporaires ont tendance à devenir des logements durables.
Enfin, les lois de décentralisation ne tiennent absolument pas compte des problèmes des Français de l'étranger. Quand nous souhaitons construire un équipement collectif (maison de retraite, logements) dans une collectivité territoriale, les élus nous répondent qu'ils s'occupent en priorité de leurs administrés et nous renvoient vers l'Etat. Par ailleurs, selon un arrêté de 1987, précisant les conditions d'accès aux logements HLM, le demandeur doit fournir l'avis d'imposition de l'année N-2 - ce qu'un Français de l'étranger rapatrié est évidemment dans l'impossibilité de fournir. Une circulaire suffirait à rectifier ce paradoxe. Or, malgré les interventions de nos élus auprès de Mme la Ministre du Logement, le problème reste non résolu à ce jour.
Hélène da COSTA
Merci d'avoir donné un côté humain à ces drames que nous voyons dans l'actualité. Le moment est venu de donner la parole à la salle. Avez-vous des questions ?
Mme VIQUI
Vu le montant actuel de ma retraite (1.000 euros) et de mon loyer à Cergy - j'ai une fille étudiante à charge - et ne touchant aucune aide sociale, j'envisage de partir soit au Maroc, soit en Thaïlande, en me disant que grâce au taux de change, je pourrai vivre normalement. Est-il vrai qu'il faut rester vivre au moins trois mois par an en France pour
Claude DAWIDOVIWZ, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de Tel-Aviv)
Je voudrais rappeler que la population âgée n'a pas toujours accès à Internet. Par conséquent, pourront-elles continuer à envoyer leurs déclarations fiscales par voie postale ?
Marc VILLARD, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger (circonscription de Bangkok)
Du fait des délais postaux, les avis d'imposition arrivent parfois après la date limite de déclaration, ce qui engendre des pénalités de retard de 10% pour les administrés. Des exonérations sont-elles envisagées pour ces cas particuliers ?
Marie-Hélène GARDIES, directrice adjointe de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux
Une personne qui vit trois mois par an en France reste domiciliée fiscalement en France ; pour être considéré comme un résident fiscal à l'étranger, il faut habiter au moins 180 jours à l'étranger. S'agissant des difficultés que rencontrent les personnes âgées pour recourir à Internet, elles continuent à recevoir leurs déclarations pré imprimées par la Poste. Si elles ont besoin d'appuis particuliers, je leur recommande de recourir aux services téléphoniques de la direction des résidents à l'étranger que j'ai indiqués tout à l'heure. Il est vrai que, parfois, les déclarations arrivent en retard à l'étranger, en raison de délais postaux très difficiles à maîtriser, malgré les protocoles d'accord avec les services postaux étrangers. Dans ce cas, il suffit que les contribuables envoient une lettre ou un courriel explicatif et leur cas sera examiné avec bienveillance.
Alain CATTA, directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France
Un départ à l'étranger est une décision importante dont il convient d'examiner toutes les conditions, notamment au regard de l'emploi, du logement et des conditions d'intégration dans le tissu social local. La façon dont vous avez présenté votre projet m'incite à penser que vous prenez un risque maximal. On ne va pas s'installer en Thaïlande comme on part en vacances à Phuket. Ceci est vrai partout, même en Europe. Certes, la France n'est pas un pays de cocagne mais pour connaître les systèmes sociaux à l'étranger, nous savons que les conditions de vie, en cas de problème, peuvent être très difficiles. Naturellement, le réseau consulaire est là pour aider les citoyens français en situation délicate. Mais il est préférable de prendre ses précautions avant de partir.
Mme Viqui percevra sa retraite, puisque le droit est acquis, mais elle n'aura pas accès à d'autres prestations.
Mme VIQUI
Je touche 1 000 euros de retraite par mois, après avoir travaillé 20 ans à EDF, 5 ans à la préfecture de Paris, et 3 ans dans le secteur privé. Mon seul souhait est de trouver un endroit où je puisse vivre sans être à la charge de mes enfants.
Deuxième partie : Quelle protection, quelles assurances ?
Participants :
Jean-Pierre CANTEGRIT , sénateur représentant les Français établis hors de France, président de la Caisse des Français de l'étranger (CFE)
Jean-Paul LACAM , directeur général du groupe Taitbout
Nicolas LECLERC , directeur adjoint du GARP (Groupement des Assedics de la Région Parisienne)
Laurent DEFONTAINES , directeur en médecine générale, directeur médical adjoint du centre d'assistance international SOS Paris
Hélène da COSTA
Nous savons que les départs à l'étranger doivent être bien préparés pour être sources de réussite. Malheureusement, certaines personnes, parties avec le goût du risque et l'envie de maîtriser leur destin, se retrouvent quelques années plus tard confrontées à des problèmes de retraite ou d'assurance chômage. Nous avons la chance aujourd'hui d'avoir les meilleurs spécialistes pour répondre concrètement à ces questions importantes pour la vie quotidienne des Français de l'étranger. Et d'abord, Jean-Pierre Cantegrit, pouvez-vous nous en dire plus sur la Caisse des Français de l'étranger ?
Jean-Pierre CANTEGRIT, sénateur représentant les Français établis hors de France, président de la Caisse des Français de l'étranger
La mission d'assurer les Français de l'étranger est une mission confiée par le législateur à la Caisse des Français de l'étranger à la fin des années 1970. Une loi de 1984 a mis en place la Caisse des Français de l'étranger (CFE), qui propose une couverture sociale identique à celle de la France pour les risques maladie, maternité, accidents du travail et vieillesse. Sans être une caisse de retraite à proprement parler, elle agit pour le compte de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, en recevant les cotisations et en prenant les adhésions pour cette retraite. La CFE assure plus de 150 000 personnes dans plus de 200 pays. Elle accepte les adhésions quel que soit leur âge, sans questionnaire médical, sans exclusion, ni plafond de dépenses. Les règles pour le remboursement des soins sont exactement les mêmes qu'en France. La caisse accepte les adhésions quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle des demandeurs.
La CFE peut remplir sa mission grâce à une coordination avec la Sécurité sociale en France dont les mécanismes sont complexes et qui évite par exemple la rupture des droits en cas de retour en France. Coordonnée, par la loi, avec les régimes obligatoires français, la CFE travaille également avec un certain nombre d'assureurs complémentaires. Les comptes de la CFE sont équilibrés. Au fil des années, elle a assuré les provisions nécessaires à l'exercice de sa couverture. Loin de posséder un « trésor de guerre », elle dispose de ressources suffisantes pour provisionner les risques pour nos compatriotes expatriés. La CFE assure dans un souci de justice sociale, afin de faciliter l'accès à une couverture maladie. Elle a ainsi supprimé, pour l'année 2008, les droits d'entrée pour les adhésions tardives. Destinée à nos compatriotes de plus de 35 ans, vivant à l'étranger depuis plus de deux ans, cette exonération peut représenter 4 000 euros. Nous avons aussi une catégorie aidée dont les cotisations sont réduites de moitié. En conclusion, la CFE assure et rassure. Cela explique son succès et un nombre d'adhérents en constante augmentation depuis sa création.
Hélène da COSTA
Est-il toujours préférable de s'inscrire dans votre caisse avant le départ ?
Jean-Pierre CANTEGRIT
C'est effectivement une très bonne précaution. La CFE a son siège à Rubelles, à côté de Melun, en Seine-et-Marne, et une antenne rue de la Boétie, à dans le 8 ème à Paris, où chacun peut s'informer. Son site Internet est également une excellente source d'informations.
Hélène da COSTA
M. LACAM, vous êtes directeur général du groupe Taitbout. A quelle assurance complémentaire les Français de l'étranger peuvent-ils prétendre pour compléter la CFE ?
Jean-Paul LACAM, directeur général du groupe Taitbout
Taitbout représente un groupe de protection sociale à but non lucratif au service des entreprises, des salariés et des retraités. Nous les accompagnons dans toutes les solutions de mise en place de couverture sociale collective ou individuelle. Contrairement aux autres groupes de protection sociale, nous agissons en France et dans le monde entier. Nous représentons aujourd'hui 2 milliards d'euros de cotisations encaissées en matière de retraite, santé, prévoyance et épargne. Nous avons deux structures juridiques, à savoir deux caisses de retraite complémentaires : la CRE pour les non-cadres et l'Ircafex pour les cadres, en complément de l'ARRCO et de l'AGIRC. Par ailleurs, nous gérons une institution de prévoyance complémentaire à la CFE. Aujourd'hui, nous couvrons plus de 10 000 salariés expatriés, essentiellement dans le domaine des retraites mais également en santé prévoyance.
Pourquoi maintenir une couverture sociale complémentaire ? Parce que les régimes de retraite à l'étranger sont très divers. Il existe très peu de coordination entre les régimes obligatoires et complémentaires. Ils sont souvent facultatifs, avec des contraintes d'âge et de durée de présence dans l'entreprise, et exposés à une certaine instabilité politique ou économique. Ils sont le plus souvent basés sur la capitalisation et pas, comme en France, sur la répartition. Les « trous » dans la carrière peuvent entraîner des abattements malvenus au moment de la retraite. Enfin, le montant des droits à la retraite obtenus à l'étranger est parfois en décalage avec le coût de la vie en France. Il peut aussi arriver qu'en dépit de la signature de conventions bilatérales de sécurité sociale avec la France, l'absence de base juridique pour coordonner l'application cumulative de plusieurs conventions bilatérales, entraîne des surprises. Prenons le cas, par exemple, d'une personne expatriée trois ans aux États-unis puis quatre ans en Côte d'Ivoire, pays avec lesquels la France a signé des conventions bilatérales. Au moment de la liquidation de sa retraite, seule sera retenue la période la plus favorable des deux, ce qui aura pour conséquence un risque d'abattement sur sa retraite de base.
Il faut bien avant de partir, se renseigner auprès de la CFE et auprès des caisses complémentaires du groupe Taitbout sur tous ces aspects.
En matière de santé et de prévoyance, la couverture complémentaire est indispensable pour compléter les remboursements du régime de base. Dans certains pays, le coût de la santé est très élevé, en particulier au Japon et aux États-Unis. Dans ce dernier pays, une appendicite peut coûter plus de 100 000 euros. Dans d'autres pays, le système public est peu cher, mais la qualité des soins dispensés est inférieure à nos standards, d'où la nécessité de recourir au privé, sensiblement plus cher. Il est évidemment indispensable de posséder une bonne assistance rapatriement sanitaire. Enfin, avec le régime de base, le capital décès est souvent faible. Il est donc nécessaire de le compléter. Il y a un plafonnement de l'invalidité, sauf en cas d'accident du travail.
Comment maintenir la couverture complémentaire ? La couverture sociale française ouvre des droits aux salariés, droits qui sont rompus par l'expatriation, et qui ne sont pas restitués instantanément lors du retour, voire pas du tout. Il existe des délais de carence, il n'y a pas de réintégration automatique en cas d'arrêt de travail ou d'invalidité à l'étranger. Il n'y a pas non plus de validation de période ou d'acquisition de droits à la retraite pendant ces périodes d'arrêt ou d'invalidité à l'étranger. Mais la France est l'un des rares pays offrant à ses expatriés la possibilité de transposer intégralement à l'étranger, et en parfaite continuité, la couverture sociale. Cette transposition est facultative et suppose une démarche d'adhésion volontaire.
S'agissant de la retraite complémentaire, le groupe Taitbout permet le maintien dans les régimes de retraite l'AGIRC, pour les cadres, et de l'ARRCO pour les non-cadres grâce à l'adhésion à la CRE et à l'Ircafex. Ces institutions sont spécifiquement désignées pour assurer la couverture retraite des salariés expatriés et des salariés des entreprises d'Outre-mer. Elles sont complémentaires du régime de base de la CNAV, qui est souscrit aux prix de la CFE, et elles assurent, avec ce dernier, une parfaite continuité de la couverture retraite en France.
En matière de santé, Taitbout Prévoyance est une entreprise d'assurance, proposant une gamme complète de produits de santé et de prévoyance spécialement conçus pour les expatriés. Ils sont complémentaires de la couverture de base de la CFE et garantissent une parfaite continuité avec le système français, aussi bien au départ qu'au retour. Pour le remboursement des frais nous nous sommes associés avec le groupe April pour fonder la société Welcare.
Dans un souci de facilité d'accès des expatriés à la couverture sociale française, la CFE et le groupe Taitbout ont uni leurs compétences pour réaliser « le pack CFE - Groupe Taitbout » qui est un guichet d'adhésion unique au régime de base et complémentaire en retraite, santé et prévoyance. Conçu, à l'origine, pour une adhésion à titre individuel, il est maintenant accessible dans le cadre collectif des entreprises.
Enfin, pour rebondir sur l'intervention de M. Casamitjana, je précise que nous développons également une action sociale permettant, en cas de ruptures de ressources par exemple, de trouver des solutions. Nous sommes intervenus lors des retours des Français de Côte d'Ivoire ou de Thaïlande.
Hélène da COSTA
J'imagine qu'il faut se préoccuper de ces questions avant son départ pour éviter des surprises au retour.
Jean-Paul LACAM, directeur général du groupe Taitbout
Oui, bien sûr. Il vaut mieux avoir toutes les données pour préparer ses dossiers et ne pas avoir de surprise. Je prendrai l'exemple d'une personne expatriée aux États-unis pour un travail extrêmement intéressant. A son retour, 20 ans plus tard, elle s'est aperçue qu'il lui manquait un certain nombre d'éléments pour liquider sa carrière.
Je conseille de nous écrire ( international@groupe-taitbout.com ) ou de nous appeler.
Hélène da COSTA
Quelquefois, à l'étranger, on peut traverser des périodes de chômage. Et il y a parfois des retours difficiles, notamment pour les conjoints qui doivent démissionner. Monsieur Nicolas LECLERC, a-t-on droit aux Assedics à l'étranger ?
Nicolas LECLERC , directeur adjoint du GARP
Nous proposons plutôt une assurance perte d'emploi. Deux cas de figure existent selon que l'on s'expatrie dans l'espace économique européen, où s'appliquent les réglementations communautaires, ou bien dans le reste du monde.
Dans l'espace économique européen, la cotisation est payée dans le pays d'exercice de l'activité. Éventuellement, la perception d'une allocation en cas de perte d'emploi se fera également dans le pays de résidence. En revenant en France, il sera possible de percevoir des allocations, à condition d'avoir fait valider sa période d'emploi dans le pays étranger. Le formulaire « E301 », disponible auprès de l'organisme d'assurance chômage du pays où on exerce son activité, est conçu à cet effet. Il est indispensable de se renseigner sur le montant des prestations par rapport aux cotisations acquittées dans les différents pays européens, car les différences sont notables. Ainsi, le plafond des prestations s'élève à 380 euros en Grande-Bretagne contre 5 000 euros en France.
En dehors de l'espace économique européen, l'assurance chômage est obligatoire si l'entreprise est française. Dans tous les autres cas, elle est facultative : la décision de s'assurer appartient à l'expatrié. Lorsque l'affiliation est obligatoire, l'entreprise prend à sa charge les deux tiers de la cotisation, et le salarié un tiers. En revanche, lorsqu'elle est facultative, l'employé paie l'intégralité de la cotisation. Il peut toutefois tenter de persuader son entreprise d'adhérer au régime d'assurance chômage français.
La perception des allocations n'est possible que si l'on revient en France. Cela nous est souvent reproché, car, il est parfois plus aisé de retrouver du travail à l'étranger que de revenir en France.
Aujourd'hui, 4 000 entreprises sont affiliées au régime obligatoire de l'assurance chômage, ce qui représente environ 35 000 salariés.
Hélène da COSTA
Les femmes qui accompagnent leur mari à l'étranger peuvent-elles toucher des allocations chômage à leur retour en France ?
Une responsable du GARP
Démissionner pour suivre son conjoint est considéré comme légitime aux yeux de l'assurance chômage. Il est donc possible, au retour, de prétendre à une indemnisation, mais dans un délai de quatre ans seulement. Au-delà, les droits sont perdus.
Jean-Pierre CANTEGRIT , président de la Caisse des Français de l'étranger
Si l'amendement concernant les problèmes de rétroactivité en cas d'adhésion à la CFE, que j'ai déposé avec Mme Christiane KAMMERMANN a obtenu gain de cause permettant ainsi, pour l'année 2008, d'adhérer à la CFE sans cotisations rétroactives, en revanche, celui que nous avons défendu auprès de Mme Lagarde, ministre des finances, sur la possibilité de toucher des indemnités chômage à l'étranger n'a pas connu le même succès, ce que nous regrettons infiniment.
Je rappelle que pour pouvoir toucher des allocations chômage, une personne ayant souscrit volontairement une assurance contre le risque chômage pendant son expatriation doit rentrer en France. Cette condition est inacceptable pour nos compatriotes installés à l'étranger qui souhaitent pouvoir rechercher un emploi dans le pays où ils résident, pour une durée limitée, et sous le contrôle des comités consulaires pour l'emploi. Nous allons à nouveau défendre ce dossier car il s'agit d'un véritable dilemme pour nos compatriotes : soit ils quittent leur famille et leur logement pour pouvoir toucher leurs allocations en France, soit ils restent à l'étranger et ils n'ont droit à rien.
Laurent DEFONTAINES, docteur en médecine générale, directeur médical adjoint du Centre d'assistance international- SOS Paris
International SOS accompagne l'expatrié à l'international dans tous les types d'environnement et à travers toutes les problématiques de santé et de sécurité. Nous sommes 5 000 collaborateurs, dont 40 % de personnels de santé. Présents dans 70 pays, nous maîtrisons toutes leurs langues dans les centres d'alarme répartis sur le globe. Ce réseau unique, intégré, nous permet d'être au plus près de ceux que nous accompagnons dans l'expatriation.
On n'imagine pas toujours la difficulté ou les dangers auxquels sont confrontés les expatriés à leur arrivée à l'étranger. Quand, parti de Romorantin, on débarque au fin fond de la steppe mongole, le choc est rude. Les décompensations psychologiques, dépressions, alcoolisme ou conduites à risque ne sont pas rares. Nous connaissons bien les risques infectieux et parasitaires en zone tropicale, comme le paludisme, par exemple, qui peut emporter un jeune homme bien portant en 24 heures, ou le sida. Les nouvelles menaces comme le SRAS ou la grippe aviaire restent d'actualité bien qu'on n'en parle plus. Il y a aussi les maladies professionnelles, les accidents du travail ou les accidents de la route. Nous sommes également de plus en plus préoccupés par l'hostilité ambiante ou les situations très violentes que rencontrent les expatriés, du Nigeria au Pakistan en passant par l'Algérie. Les risques de kidnapping, de terrorisme ou de conflits localisés sont très prégnants. Nos experts en sécurité sont de plus en plus sollicités dans cette problématique.
Je dresse un tableau volontairement alarmiste, tout n'est bien sûr pas si noir et risqué. Notre rôle consiste à accompagner l'expatrié dans son aventure, cela commence bien avant l'expatriation. Nous organisons une mise en condition, avant le départ, par le biais d'informations (fiches pays actualisées, e-learning pour prévenir ou éviter les pathologies locales) de formations avec des intervenants spécialisés (discussions sur des scénarios de crise), et d'examens de santé en intégrant la spécificité de l'expatriation et du pays d'accueil.
Quand un expatrié arrive à Bautu, en Mongolie extérieure, nous sommes présents. Nos lignes téléphoniques d'urgence lui permettent de trouver une écoute. Nous le considérons comme un partenaire, et non comme un assisté déresponsabilisé. Nous avons mis en place des réseaux de prestataires locaux fiables. Ceux-ci peuvent prendre en charge la médecine générale. Dans des pays très déshérités, des sites très reculés, nous mettons en place des cliniques clé en main avec du personnel expatrié et de la biotechnologie importée. Nous diffusons également sur Internet des bulletins d'alerte épidémiologiques ou de sécurité en cas de troubles localisés.
En cas d'accident grave, il arrive que les capacités locales ne soient pas compétentes. Notre réseau organise alors l'évacuation en urgence, soit avec accompagnement d'une infirmière dans l'avion, soit avec un avion sanitaire, soit, en cas de catastrophe ou de crise, avec un avion hôpital. Dans cette dernière situation, nous proposons également un bilan post-traumatique aux arrivants, généralement très choqués.
Hélène DA COSTA
Nous allons passer la parole à la salle pour des questions.
Jean-François SANTARELLI
Je suis expatrié en Suisse. Pendant 30 ans, j'ai vécu à l'étranger dans le cadre des Nations Unies. Ma première question s'adresse à M. le Sénateur Cantegrit. Elle porte sur le cas des anciens fonctionnaires internationaux ayant travaillé en France et qui, en fin de carrière, peuvent bénéficier d'une retraite et des prestations maladie de la Sécurité sociale. Auparavant, les personnes vivant à Genève pouvaient aller se faire soigner en France et se faire rembourser dans un centre de Sécurité sociale. Depuis les derniers accords passés avec la Suisse, ces personnes doivent se faire rembourser par l'intermédiaire de leur caisse maladie suisse, et dans le cadre de la loi sur l'assurance maladie. Or, les fonctionnaires internationaux retraités sont toujours assurés par la caisse interne de leur organisation, qui n'a rien à voir avec la Suisse. L'accord passé avec les autorités suisses a en effet oublié le cas des fonctionnaires internationaux. Par conséquent, ceux-ci reçoivent une retraite de Sécurité sociale, sur laquelle est perçue la cotisation maladie ; mais ils ne peuvent plus se faire rembourser les soins et les traitements prescrits en France.
Ma seconde question s'adresse à M. LECLERC. J'ai eu l'occasion, en tant que fondateur de l'association des fonctionnaires internationaux français, de négocier, il y a trois ans, avec la direction juridique de l'UNEDIC, la modification de l'annexe 9, pour que nous ayons accès aux prestations chômage. Quand un salarié d'une entreprise nationale travaille à l'étranger, il paie des impôts à l'étranger. Comme en France, ses cotisations chômage sont déduites de ses revenus. Il s'agit donc d'un avantage fiscal. En revanche, un fonctionnaire international étant imposé à la source, ses cotisations chômage ne sont pas déductibles. Ceci est contraire au principe reconnu par le service de la législation fiscale, selon lequel lorsque le paiement d'une cotisation donnant lieu à un avantage fiscal se fait en vue d'une prestation ultérieure, la prestation est imposée. A l'inverse, si la cotisation ne donne pas lieu à des avantages fiscaux, la prestation ultérieure est exempte d'impôts.
Jean-Pierre CANTEGRIT , Président de la Caisse des Français de l'étranger
Le problème des fonctionnaires internationaux est extrêmement complexe à régler. La loi de modernisation sociale de 2002 a réglé, dans l'un de ses articles, le cas des retraites des fonctionnaires internationaux. Cela n'a pas apaisé toutes les réclamations, puisque certains de mes collègues, Sénateurs et anciens fonctionnaires internationaux, ont vivement critiqué ce texte. La loi que vous avez évoquée a tout remis en place. Cependant, en Suisse, l'application de ce texte est cantonale. Je vous invite donc à prendre contact avec la CFE, pour faire le point avec elle sur le problème que vous avez abordé.
M. JOUANAI
En vieillissant, beaucoup de personnes ont tendance à se replier sur elles-mêmes. Certes, nous pouvons les entourer, mais beaucoup ont peur de tout ce qui perturbe leur routine quotidienne. Dans la communauté française où vous vivez, combien dénombrez-vous de personnes âgées ? Que faites-vous pour elles ? Comment vous préparez-vous à agir pour elles ?
Guillaume FILLON
Je suis directeur de cabinet à la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Les systèmes de protection sociale pour les Français de l'étranger me semblent porteurs d'anxiété et je voudrais juste que les intervenants développent plus encore la distinction entre les Français de l'étranger résidant au sein de l'Union européenne, qui sont majoritaires, et ceux vivant en dehors de ce périmètre qui ne bénéficient pas d'une convention de sécurité sociale. Il existe en effet des réglementations communautaires - notamment les règlements 1408-71 et 883-2004 - qui imposent une coordination gratuite des systèmes de protection sociale des États membres de l'Union européenne. Cette information pourrait-elle être développée, car elle est susceptible d'intéresser une majorité des Français de l'étranger.
Jean-Pierre CANTEGRIT, Président de la Caisse des Français de l'étranger
Votre remarque est tout à fait pertinente. Effectivement, un peu plus de la moitié des 2,3 millions de nos compatriotes qui vivent à l'étranger, réside en Europe. Ceux-ci sont donc soumis aux règlements communautaires européens et la liquidation de leur retraite est soumise à des conditions particulières. Bien que la Suisse ne soit pas membre de l'Union européenne, elle a signé des accords de coopération aboutissant quasiment au même résultat. Mais pour les Français vivant en dehors de l'Union européenne, le problème est différent. La France a signé, certes, des conventions de sécurité sociale avec de nombreux pays dans le monde, mais un certain nombre d'États africains (Cameroun, Congo Brazzaville, etc..) ne les respectent pas, ce qui est inadmissible. Mes collègues sénateurs et moi-même nous mobilisons dans le cadre de groupes de travail avec Bercy pour obliger les pays africains concernés à payer leurs retraites à nos compatriotes qui ont cotisé pendant tout leur séjour dans ces pays.
Nicolas LECLERC, directeur adjoint du GARP
S'agissant de l'assurance chômage, en application des règlements communautaires, un salarié appartenant à l'espace économique européen et perdant son emploi sera indemnisé par le dernier pays dans lequel il exerçait son activité. En conséquence, s'il revient sur le territoire français, il devra y exercer une activité pendant quelques jours pour pouvoir percevoir ses allocations en France. Il lui faudra aussi faire attention au quantum de l'indemnisation
Jean-Paul LACAM, directeur général du groupe Taitbout
Les propos tenus ne me semblaient pas aussi anxiogènes qu'on a pu le dire. Évidemment, nous avons le devoir de renseigner les expatriés avant leur départ et à leur retour. En matière de retraite, les règlements européens que vous avez évoqués vont évoluer. Il est nécessaire de s'inscrire également dans une prestation de service pour couvrir des personnes résidant en France et travaillant pour une entreprise étrangère qui n'a pas d'établissement en France. Souvent, il y a besoin d'obtenir une autorisation de chacun des pays européens pour les couvrir en matière de prévoyance, c'est-à-dire de décès - invalidité.
Patrick HARDOUIN
J'invite le sénateur Cantegrit à poursuivre son combat pour faire évoluer le dispositif d'assurance chômage des expatriés situés hors de l'espace économique européen. Il est absurde en effet d'avoir à choisir entre la rupture avec le milieu professionnel du pays de résidence et l'indemnisation, même si cette dernière engendre un risque de fraude. Je souhaiterais par ailleurs savoir dans quelle mesure il est possible de racheter des cotisations vieillesse, de base et complémentaires, lorsque nous avons manqué le moment pertinent ?
Jean-Paul LACAM, directeur général du groupe Taitbout
Il n'existe aucune possibilité de rachat, en dehors de celles prévues dans les régimes complémentaires pour les années d'études.
Nicole DELETANG
Je travaille au Centre de liaison européenne et internationale de la Sécurité sociale (CLEISS). Cet organisme est chargé des conventions bilatérales. Je reconnais que celles-ci ont leurs limites. Mais je voudrais inviter les Français ayant travaillé à l'étranger - ou envisageant de partir - à prendre connaissance du contenu des conventions bilatérales, tant avant de partir qu'au moment du retour. En effet, celle avec la Côte d'Ivoire prévoit par exemple la possibilité de reverser les cotisations versées en Côte d'Ivoire au régime français. Mais cela ne peut s'effectuer que dans un certain délai.
François AUDINOT
Comme la plupart d'entre nous, j'ai vécu longtemps à l'étranger. Quand un expatrié cotise de façon volontaire à l'assurance chômage, il le fait par rapport à son salaire local. Les allocations qu'il touche à son retour en France sont donc calculées par rapport au salaire perçu à l'étranger. Le risque de perte de pouvoir d'achat est donc très élevé lorsque le coût de la vie à l'étranger est largement inférieur à celui de la France.
Nicolas LECLERC, directeur adjoint du GARP
Hélas oui, la cotisation est assise sur le salaire perçu à l'étranger.
Hélène DA COSTA
Une question assez technique nous a été adressée par voie électronique. Je laisse au sénateur Cantegrit le soin de nous l'exposer.
Jean-Pierre CANTEGRIT, Président de la Caisse des Français de l'étranger
Anne Guillemot et Marie Zapata nous suggèrent dans un courrier électronique de porter le nombre de tranches servant de base au calcul des cotisations versées à la CFE de quatre actuellement, à neuf, afin que les cotisations soient davantage proportionnelles aux salaires.
La solution proposée serait pertinente, mais très complexe et difficile à mettre en oeuvre. Le directeur de la CFE doit frémir à l'idée que chaque cotisation serait fixée en fonction des salaires. Nous ne pouvons que réserver notre réponse pour l'instant.