- Mardi 15 juin 2010
- Régulation bancaire et financière - Audition de M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers, et de MM. Thierry Franck, secrétaire général, et Daniel Labetoulle, président de la commission des sanctions de l'AMF
- Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés
- Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi
- Mercredi 16 juin 2010
- Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
- Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports
- Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat
- Jeudi 17 juin 2010
Mardi 15 juin 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président, de M. Joël Bourdin, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président -Régulation bancaire et financière - Audition de M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers, et de MM. Thierry Franck, secrétaire général, et Daniel Labetoulle, président de la commission des sanctions de l'AMF
La commission procède tout d'abord à l'audition de MM. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Thierry Franck, secrétaire général, et Daniel Labetoulle, président de la commission des sanctions de l'AMF, à l'occasion de la remise du rapport annuel de l'AMF et sur le projet de loi de régulation bancaire et financière.
M. Jean Arthuis, président. - Après avoir entendu Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, et les représentants des trois principales agences de notation, nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de régulation bancaire et financière et recevons aujourd'hui Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cette audition intervient également, comme chaque année, pour faire le point à l'occasion de la publication du rapport annuel de l'AMF et avant le prochain sommet du G20. L'AMF a publié fin avril sa « cartographie des risques et tendances » sur les marchés et l'épargne.
Nous vivons actuellement une période décisive pour la régulation financière internationale. La Commission européenne met en place depuis fin 2008 un vaste programme législatif ; ses propositions devraient être connues d'ici le début 2011 : procédure d'agrément des agences de notation, nouvelle architecture de supervision européenne, statut des infrastructures de post-marché, compensation et enregistrement des dérivés - des « credit default swaps » (CDS) notamment - ou encore, régime plus harmonisé pour les ventes à découvert et révision de la directive sur les marchés d'instruments financiers.
L'AMF participe au Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières, auquel succédera la future Autorité européenne des marchés financiers. Monsieur Jouyet, vous avez également été amené, ces derniers mois, à prendre certaines positions fermes sur l'extension du champ de la supervision, en particulier sur les CDS, les infrastructures de post-marché ou la transparence des négociations.
Une forte pression pèse pourtant sur les institutions européennes et les régulateurs nationaux. Elle est liée aux soupçons de spéculation sur les dettes souveraines et aux bouleversements que connaît le fonctionnement technique des marchés. Le « flash crash » du 6 mai sur les marchés américains a révélé l'ampleur des risques. Autre pression, l'avance que sont en train de prendre les États-Unis avec les progrès enregistrés au Congrès par la réforme de la régulation financière.
Le projet de loi de régulation bancaire et financière, substantiellement enrichi par les députés, devrait élargir le champ d'action de l'AMF, en particulier aux produits dérivés, consolider la base légale de ses pouvoirs d'urgence, améliorer la procédure d'enquête et de sanction. Qu'en pensez-vous ? Comment jugez-vous le fonctionnement actuel des marchés et les initiatives en cours au plan européen ?
Enfin, je vous remercie de nous avoir communiqué le rapport annuel 2009 établi sous votre autorité.
M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers. - Je suis accompagné par Thierry Franck, secrétaire général de l'AMF, et Daniel Labetoulle, président de la commission des sanctions.
L'année 2009 a été extrêmement contrastée : un fort « dévissage » des cours puis une remontée spectaculaire au-delà de 4 000 points, une certaine exubérance nous imposant un devoir de vigilance, le traitement de l'affaire EADS, qui nous a amenés à prendre des mesures en amont et en aval...
L'AMF a lancé un plan stratégique afin de renforcer la protection de l'épargne et la confiance des investisseurs individuels, afin aussi de mieux assurer la surveillance des risques - contrôle plus serré des acteurs, sanctions plus efficaces, participation à l'effort d'attractivité de la place, au profit des épargnants et du financement de l'économie. Nous avons géré les conséquences de la crise financière. Les OPCVM monétaires, de court terme, sont fondés sur un principe de liquidité ; or ils incluaient un certain nombre de produits peu liquides ou trop sophistiqués, qui dénaturaient ce véhicule de placement. Nous avons adopté une nouvelle classification, imposant des caractéristiques plus pures aux OPCVM monétaires. A cet égard, on suit en Europe la tendance française et la nouvelle réglementation exigera des produits liquides, simples, compréhensibles pour l'épargnant. Quant aux ventes à découvert, nous avons maintenu le dispositif de 2008 et l'interdiction des ventes à découvert sur les valeurs financières. Un certain nombre de mesures prises en Allemagne sont un alignement sur les positions en vigueur en France pour les valeurs financières - mais non la dette souveraine.
Nous avons suivi en 2009 les évolutions juridiques de l'affaire Madoff, faisant en sorte par exemple que les actionnaires de la Sicav d'UBS LuxAlpha, particulièrement touchée, reçoivent assistance et suivi de notre part. Nous sommes en contact avec les avocats des déposants. Et nous achevons nos contrôles sur la manière dont des produits off shore, non admis à la libre-circulation en Europe, proposés par Madoff, ont été commercialisés par des sociétés de gestion ou d'autres intermédiaires financiers. La commission des sanctions jugera de la suite à donner à ces griefs.
Nous avons cherché à mieux anticiper les risques. Notre nouvelle cartographie des risques met l'accent sur la montée de l'endettement et des déficits publics et sur les conséquences de la contraction du crédit bancaire, mode traditionnel de financement de l'économie en Europe. Le marché, axé sur le court terme, sera-t-il en mesure de financer les besoins à moyen et long terme des secteurs de l'énergie, de l'environnement, de l'éducation, de l'alimentaire, bases de la future croissance ? Le rôle du crédit bancaire se tassant, comment faire en sorte que les investisseurs aillent vers les marchés et achètent en confiance des actions ? En France, il existe en outre une épargne liquide qui n'est pas un placement de long terme.
Pour la protection de l'épargne, nous avons renforcé la coopération avec le régulateur prudentiel, l'Autorité du contrôle prudentiel (ACP). Un pôle commun de contrôle des produits d'épargne a été créé, animé par les secrétaires généraux des deux institutions, avec un programme commun de contrôle, des échanges d'information, etc. Les épargnants ont un point d'entrée unique pour l'AMF et l'ACP. C'est un progrès. Nous avons mis en garde les épargnants à l'égard des publicités audiovisuelles, écrites, par exemple sur les CDS. Nous renforcerons aussi les « achats mystères », nos agents se présentant anonymement au guichet des établissements financiers pour connaître l'écart éventuel entre la publicité et le produit réellement proposé. L'information passe également par internet, par un numéro vert, par des tournées en province pour rencontrer les épargnants et les chefs d'entreprise. L'AMF entend faciliter l'accès des PME aux marchés et le 4 juin dernier nous avons consacré une journée à ce sujet - formalités, coût, information...
J'en viens aux enquêtes et aux sanctions. L'AMF élabore actuellement une charte des enquêtes. Elle a créé une phase contradictoire en fin d'enquête. Le projet de loi relève en outre de 10 à 100 millions d'euros les sanctions pour infractions sans profit, ce qui revient à un alignement sur les sanctions prononcées par l'ACP. Nous visons en effet l'harmonisation de nos deux procédures.
Deux groupes de travail ont été mis en place. Le premier traite de l'indemnisation des victimes : car il est bien de condamner les manquements, mais bien aussi de faire en sorte que les victimes soient indemnisées. Il y a un pontage à opérer entre les procédures administratives et civiles. Nous nous penchons aussi sur la class action. Une mission, conduite par Bernard Esambert, vise à mieux encadrer le régime des titres détenus par les dirigeants d'entreprise, qui sont les premiers détenteurs d'information sur leur société ou leur groupe.
Les évolutions des marchés sont préoccupantes, car elles mettent à mal la régulation en tant que telle. Avec les mutations technologiques, il devient possible de donner deux cents instructions à la seconde sur un même titre, avec une durée de validité de 25 microsecondes pour chaque ordre passé ; 95 % à 99 % des ordres sont annulés sans être exécutés. Et les spécialistes de ces opérations fournissent un quart à deux tiers des ordres sur les marchés ! Il faut donc procéder à des investissements technologiques pour être à même de poursuivre la surveillance des marchés.
Les Américains ont une avance sur l'Europe, même s'ils ne savent pas encore expliquer le « flash crash » qui s'est produit le 6 mai à New York. Un opérateur de marché se serait simplement trompé d'arrondi en passant un ordre sur un titre néerlandais de cosmétiques. Est-ce un prétexte ? Les autorités américaines l'ignorent. Nous n'avons pas les moyens de suivre en temps réel toutes les transactions. J'attire votre attention sur ce problème, le plus important pour une autorité de régulation. Si vous nous confiez des pouvoirs nouveaux, sachez que nos moyens ne seront pas suffisants pour mettre en oeuvre une surveillance plus sophistiquée.
Aujourd'hui, quels que soient les pouvoirs qui nous sont dévolus, il nous faut rechercher une bonne articulation entre régulations nationale et européenne. Nous ne pouvons vivre sans une supervision contraignante, sans une agence européenne qui harmonise les règles et la façon dont elles s'appliquent, qui arbitre les différends entre régulateurs nationaux. Même si une telle agence voit le jour, nous aurons toujours de nombreuses tâches ! Toutes les procédures d'enquête et de sanction, par exemple, continueront à nous incomber. Je précise que la coopération entre régulateurs des pays membres est bonne, quelles que soient les divergences dans le débat sur le champ d'intervention souhaitable de l'autorité de régulation.
- Présidence de M. Joël Bourdin, vice-président -
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - S'agissant des ventes à découvert, quels sont vos conseils ? Les contrats d'échange portent en effet sur les titres souverains. La décision unilatérale allemande a suscité une réaction un peu disproportionnée de notre ministre de l'économie. Quelle est votre approche - notamment dans le cadre de la coopération européenne - des ventes à découvert nues, c'est-à-dire sans détention du sous-jacent ?
Quant à l'articulation entre le collège de l'AMF et la commission des sanctions, peut-on assimiler le collège à l'autorité en charge des poursuites ? Le rapporteur, membre de la commission des sanctions, instruit-il à charge et à décharge ? La présence du commissaire du gouvernement, venu de la direction du Trésor, est-elle utile ou superfétatoire ? Une procédure de transaction, sous la responsabilité de la commission des sanctions et du collège, vous paraît-elle souhaitable ?
Quel est votre sentiment sur le régime d'enregistrement et de contrôle des agences de notation ? Cette nouvelle mission va incomber à l'AMF. Êtes-vous en mesure aujourd'hui de faire face à cette nouvelle tâche ? Les agences ont-elles pris contact avec vous en vue de l'agrément ? Que pensez-vous du régime de responsabilité des agences, actuellement objet de débat ?
M. Jean-Pierre Jouyet. - La réglementation sur les ventes à découvert doit être élaborée au niveau européen. La décision allemande est une mesure de pure politique intérieure : il s'agit de faire accepter par l'opinion publique les plans de sauvetage et l'aide fournie par l'Allemagne aux pays en difficulté. L'effet est nul mais le signal mauvais pour les investisseurs en dette souveraine européenne, essentiellement asiatiques et américains - ils ont pris peur pendant un temps.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Et faute de textes européens, doit-on ne rien faire ?
M. Jean-Pierre Jouyet. - J'appelle de mes voeux un texte européen, le plus rapidement. Il faudrait que nous recevions en juillet les propositions de la Commission, afin que la nouvelle législation soit arrêtée pour l'automne. Cela n'empêche pas des mesures nationales pour assurer une transparence totale des « positions significatives ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Relèvent-elles du règlement général de l'AMF, du pouvoir réglementaire, de la loi ?
M. Jean-Pierre Jouyet. - Du législateur. Des pouvoirs d'urgence sur les ventes à découvert s'imposent.
Mme Nicole Bricq. - L'Assemblée nationale vous les a donnés.
M. Jean-Pierre Jouyet. - La loi n'est pas votée définitivement. Si, sur des titres souverains ou de grandes valeurs françaises, la situation devenait difficile, sans pouvoirs d'urgence, nous ne pourrions pas « refroidir » le marché et l'encadrer. Or, quand un marché s'emballe, les ventes à découvert suffisent à faire dévisser les titres les plus solides. Il me paraît utile d'obliger les intervenants à avoir défini les voies et moyens de la livraison des titres. Mais le J+1 inscrit dans le projet de loi en première lecture n'est pas applicable, du fait du délai nécessaire pour les vérifications en chaîne. Personne ne livre à J+1 en Europe. Il faut du temps au régulateur pour savoir à qui tel opérateur a emprunté les titres et quand il doit les restituer. Un délai de J+2 est indispensable, si possible au niveau européen, sinon national.
Certains prônent l'interdiction pure et simple des transactions sur CDS sans contrepartie réelle : elles relèvent certes de la spéculation, mais encore faut-il pouvoir identifier les transactions nues.
L'agrément et le contrôle des agences de notation seront temporairement confiés à l'AMF - en attendant la création d'une agence européenne. Jusqu'en octobre prochain, nous serons en phase d'agrément, puis en phase de surveillance, au dernier trimestre. En avons-nous les moyens ? Non, la mission est confiée à seulement deux personnes. Nous avons des contacts avec certaines agences, venues s'enquérir des modalités de l'agrément.
Quant au régime de responsabilité des agences, c'est une question politiquement sensible. Il faut voir comment l'appliquer, comment organiser le contrôle. Je pense pour ma part qu'il ne faut pas trop s'éloigner de la directive européenne.
Quelques mots de nos procédures. Le secrétaire général de l'AMF suit l'instruction des enquêtes et transmet les griefs au collège, les dossiers étant examinés par les commissions spécialisées ou en séance plénière. C'est ensuite la commission des sanctions qui prend le relais, le rapporteur instruisant le dossier à charge et à décharge. Quant à la procédure de transaction, elle n'est pas populaire dans notre pays. Pourtant, des transactions encadrées, appliquées non pas aux grandes affaires mais au tout-venant, nous feraient gagner du temps et solderaient un certain nombre de dossiers.
M. Thierry Franck, secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers. - Notre objectif est d'améliorer la pertinence des enquêtes et la sécurité des procédures. La charte des enquêtes sera bientôt finalisée. Elle énonce les droits et les obligations des personnes interrogées, ainsi que le comportement à respecter par les enquêteurs. Nous revoyons la constitution des dossiers en particulier ; nous apportons des précisions sur les divers secrets à respecter. Nous avons institué un processus contradictoire, non au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme mais au sens courant du terme. Dés la fin de l'enquête, les personnes mises en cause présentent leurs arguments au collège. Il nous a paru indispensable qu'à ce stade, elles soient informées des faits tels que nous les comprenons et des fondements juridiques sur la base desquels est faite la notification des griefs.
M. Daniel Labetoulle, président de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers. - Tout ce qui est en cours de modification, dans les procédures répressives, l'est en parfait accord avec l'autorité chargée des poursuites. Il n'y a aucune divergence entre nous. La commission des sanctions a été créée en 2003 : c'était une nécessité, issue de la jurisprudence de la Cour de cassation et la Cour de Strasbourg. Auparavant, au sein de la COB, le déclenchement de poursuite et la sanction étaient dans les mêmes mains. Mais la loi de 2003 est allée un peu trop loin dans la séparation et l'autorité de poursuites a été dessaisie de son rôle : elle ne participait ni à la procédure écrite ni à la procédure orale devant la commission des sanctions. Seule la défense était présente... A l'origine également, le rapporteur était perçu comme le porte-voix de l'autorité de poursuites. Le dispositif a été amélioré en 2008 : désormais l'autorité de poursuites est représentée à l'audience. Nous souhaitons aller plus loin et lui donner une place dans la procédure écrite. Elle recevrait ainsi les mémoires, les observations écrites ; son représentant serait entendu par le rapporteur.
Le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale inclut, je m'en réjouis, un recours du collège contre la commission des sanctions, à titre principal ou incident. Cela signifie que l'autorité de poursuites devient l'une des parties devant la commission des sanctions. Le rapporteur, membre de celle-ci, instruit à charge et à décharge. Il doit être impartial et n'est plus le porte-voix de qui que ce soit. Quant au représentant de l'État, du Trésor, il n'est pas utile à la commission - d'autant moins qu'il s'abstient systématiquement de toute prise de position. Mais sa présence me semble utile pour le ministère ! Certains avocats la contestent. Mais j'y suis pour ma part plutôt favorable, puisque le pouvoir répressif est exercé au nom de l'État et de l'intérêt général.
Pouvoir de transaction, recours du collège, sont des revendications anciennes de l'AMF. J'ajouterai un seul argument à ce qu'a dit le président Jouyet : la transaction prend en compte l'indemnisation des victimes déjà réalisée ainsi que les garanties relatives à une indemnisation à venir.
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -
M. Joël Bourdin. - Des capitaux considérables sont mis en mouvement sur les marchés à terme, y compris sur l'ensemble des matières premières. Les couvertures entraînent des mouvements de marché tous les jours. Qu'en est-il de la surveillance de ce type d'opérations qui peuvent être initiées en France mais se dénouer à l'étranger ? Disposez-vous de statistiques annuelles ?
Mme Nicole Bricq. - Vous parlez d'avance significative pour les États-Unis si la loi sur la régulation et la supervision est votée par le Congrès. Sur quels points ? Quand M. Obama a annoncé la création d'une agence de protection des consommateurs, en l'occurrence des épargnants, Mme Lagarde a estimé que nous disposions pour notre part de tout ce dont nous avions besoin. Vous venez de le confirmer. Je suis partisane néanmoins d'une organisation très structurée, comme dans la proposition de la députée européenne Pervenche Berès, qui crée une agence européenne.
M. Jean Arthuis, président. - Un peu l'équivalent de ce que propose le rapport Deletré.
Mme Nicole Bricq. - A défaut de la création d'une agence de protection de l'épargne, ce rôle revient-il à l'AMF ?
M. Yann Gaillard. - Que pensez-vous des agences de notation ? Comme citoyen ordinaire, je suis choqué du rôle extraordinaire qu'elles ont pris. Nous avons reçu leurs représentants, j'ai été étonné de la politesse manifestée en permanence à leur égard. Je ne perçois pas la justification de leur existence. Et vous ?
M. Jean Arthuis, président. - Elles suppléent l'incapacité des investisseurs à apprécier par eux-mêmes la valeur et le risque de l'investissement. Que chacun achète plutôt les produits dont il mesure la nature et les risques ! Leurs notes provoquent des effets d'entraînement dignes des moutons de Panurge, elles déresponsabilisent les opérateurs. Et le jour où le thermomètre semble donner une mauvaise indication, on a la tentation de le casser.
Sur les ventes à découvert, si les chambres de compensation procédaient tous les jours à des appels de marge, la pression serait plus forte sur les opérateurs.
M. Jean-Pierre Jouyet. - M. Bourdin a raison. Mais tout reste à faire sur les matières premières ! L'Europe accuse un retard considérable sur les États-Unis. Les transactions se font à Chicago ou à Londres, mais elles ont un impact sur les prix et les revenus agricoles dans d'autres pays, où la valeur ajoutée agricole est importante. L'AMF n'a aucune compétence sur ces opérations. Il serait bon d'instaurer une meilleure surveillance des marchés physiques et des instruments financiers, mais là encore, il faudrait le faire au niveau européen. Nous avons une politique agricole commune très forte, mais nous n'avons pas organisé les marchés ! Il y a un hiatus entre le degré d'intégration de la politique agricole et l'absence d'organisation des transactions financières sur les matières premières. C'est la première fois que ce point est abordé. Il en va de même pour l'énergie, par exemple pour les certificats d'émission de CO2. Comment réguler ces marchés qui demain seront au coeur de la stratégie de croissance ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Dans l'appréhension des marchés de quotas de CO2, la Commission européenne ne semble pas avoir tranché entre une approche financière et une autre plus industrielle. C'est pourtant dans le domaine de la régulation financière que les références, les méthodes sont les plus crédibles, face aux risques soulevés par le rapport Prada. Que diriez-vous si le Parlement faisait progresser ce sujet dans le cadre du texte sur la régulation financière ?
M. Jean-Pierre Jouyet. - On ne sait pas réguler le marché primaire, contrairement au marché secondaire, car l'adjudication des volumes relève des États. Par ailleurs, les relations à Bruxelles ne semblent pas excellentes entre les autorités en charge des marchés financiers, de l'énergie et de la concurrence...
M. Thierry Francq. - En France, il y a des ponts secrets entre les différentes autorités. Le principal marché des quotas de CO2 se trouve en France. Il faudrait une bourse réglementée à part entière, faire pour Bluenext ce que nous faisons pour Euronext. Au-delà, il faudra un dispositif européen, car les marchés des dérivés sur CO2 sont à Londres et à Francfort.
M. Jean Arthuis, président. - C'est un beau chantier !
M. Jean-Pierre Jouyet. - Madame Bricq, les États-Unis sont en avance pour l'organisation des marchés dérivés et les infrastructures de marché ; en matière de contrôle et de suivi, ils tentent de suivre les évolutions technologiques. L'aspect prudentiel ne relève pas du régulateur, même si je regrette, à titre personnel, le retard pris sur les stress tests...
Mme Nicole Bricq. - Nous l'avons dit à M. Noyer.
M. Jean-Pierre Jouyet. - Concernant l'agence de protection des consommateurs, le rapport Deletré prônait une plus grande unification. Le législateur a opté pour la coordination ; si le pôle commun fonctionne, nous aurons de facto une agence de protection. Reste à voir quel sera le compromis trouvé aux États-Unis entre le Congrès et le Sénat : l'agence se réduira peut-être à un simple bureau du Trésor ou de la Fed... Il faut une agence de supervision au niveau européen, dont un département suive la commercialisation des produits d'épargne.
Monsieur Gaillard, je partage l'avis du président Arthuis : les agences de notation comblent un vide, car les investisseurs ont délaissé l'analyse technique des risques, les entreprises, leur fonction de contrôle interne. Chacun, BCE, grands émetteurs ou investisseurs institutionnels, doit remplir son rôle en matière d'analyse des risques. Il est aussi inquiétant de voir les investisseurs institutionnels déléguer systématiquement leur vote dans les assemblées générales à des organismes d'appréciation, qui sont américains !
L'objectif est de standardiser 80 % des produits sur les marchés internationaux. Il faut travailler sur l'appel de marge, la capitalisation des infrastructures, renchérir certains produits comme les ventes à découvert.
M. Jean Arthuis, président. - Cette audition a été éclairante. L'examen fin septembre du projet de loi sera l'occasion d'avancer notamment sur les matières premières. Beaucoup d'émetteurs ont mis au point des procédés sophistiqués, avec des titres qui sont du quasi-capital. Il faudrait revenir à des approches plus rustiques pour faciliter l'analyse des risques !
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés
Puis, la commission procède à l'audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, dans le cadre de la préparation du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.
M. Jean Arthuis, président. - La commission des finances, élargie à l'ensemble des sénateurs, vous reçoit, madame le ministre d'État, pour que vous nous éclairiez sur l'usage des crédits mis à votre disposition pendant l'année 2009.
La réforme de la carte judiciaire s'accompagne d'un volet immobilier évalué à 375 millions d'euros. Pouvez-vous clarifier les conditions de remise à disposition des crédits via le compte d'affectation spéciale immobilier à la suite des cessions opérées par France Domaine ? Quel jugement portez-vous sur les délais de mobilisation de ces crédits ? Ces ressources correspondent-elles aux besoins et aux engagements ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés. - Tout d'abord, je rappelle que les budgets sont désormais triennaux, et que je suis arrivée à la Chancellerie en cours d'exercice. Le budget du ministère est la conséquence d'une situation ancienne, la Chancellerie n'ayant pas bénéficié sur la longue durée des mêmes efforts que d'autres ministères. L'activité de la justice a sensiblement augmenté : de 2002 à 2008, le nombre d'affaires civiles a augmenté de 58 %, les décisions en matière pénale, de 10 %, tandis que le taux de réponse pénale passait de 68 % à 85 %. Or, parallèlement, le budget n'a augmenté que de 5 %...
Les moyens de la justice doivent s'adapter à la révision générale des politiques publiques (RGPP). La réforme de la carte judiciaire s'inscrit dans cette volonté de rationalisation de la présence judiciaire sur le territoire, pour adapter au mieux les moyens aux besoins. Ces derniers sont évalués à 375 millions d'euros sur la période 2009-2013 ; les ressources viendront du budget général et du compte d'affectation spéciale immobilier. Celui-ci a encaissé 3,53 millions d'euros en 2009 ; la dotation pour 2010 n'est pas encore connue. Quarante immeubles relevant de la direction des services judiciaires sont en cours de cession pour une valeur vénale de 16,47 millions, mais le ministère ne touchera que 65 % de cette somme, soit 10,7 millions, qui seront affectés au financement de la réforme de la carte judiciaire. Le montant des actifs immobiliers donnés à France Domaine s'élève à 126 millions.
M. Jean Arthuis, président. - Les 375 millions seraient une surévaluation ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Non. Les besoins sont multiples : par exemple, des locaux pour accueillir les personnels des juridictions fermées, alors que les juridictions maintenues, qui sont souvent en centre-ville, sont déjà à l'étroit...
M. Jean Arthuis, président. - À Arras, le conseil général a acquis des immeubles pour les besoins de la justice. Cette pratique se généralise-t-elle ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Pas suffisamment à mon goût ! Je peux vous communiquer la liste de ces opérations.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pouvez-vous nous résumer les mesures prises en 2009 au titre de la RGPP, et les économies réalisées en termes d'emplois et de crédits ?
La récente loi sur la protection de certaines catégories de personnes représente un défi pour les juridictions comme pour les organismes de tutelle. Quels sont les enjeux budgétaires liés à la mise en oeuvre de cette législation ?
Enfin, la récente loi pénitentiaire encourage le travail en milieu carcéral. Ces dispositions ont-elles été suivies d'effet dès 2009, et avec quelles incidences budgétaires ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - La RGPP affecte tous les services du ministère. Outre la carte judiciaire, la rationalisation de la protection judiciaire de la jeunesse a conduit à regrouper des centres régionaux en centres interrégionaux. Les compétences de l'État et des collectivités territoriales sont clarifiées : la loi de 2003 faisait de la protection de la jeunesse une compétence des départements, mais n'avait pas été mise en oeuvre... Cette réforme a conduit à fermer des centres et à diminuer le personnel.
Dans l'administration centrale, la dématérialisation et l'informatisation ont connu des retards et des malfaçons. Nous avons renégocié les contrats avec les opérateurs. Il y aura une réduction de postes sur trois ans, mais pas la première année, car les systèmes informatiques ne sont pas au point.
Nous avons pour objectif de recentrer le personnel pénitentiaire sur son coeur de métier. Affecter un gardien de prison à des tâches administratives est un gaspillage de compétences et d'argent. Idem pour les magistrats qui font un travail de greffier ! J'ai ainsi obtenu que des postes de magistrat soient transformés en postes de greffier et de personnel administratif : c'est une meilleure utilisation de l'argent public.
Le problème des tutelles, très chronophages, est réel : cette réforme n'a pas été accompagnée de la création de postes de magistrats correspondants, et son impact financier n'a pas été mesuré.
L'activité en prison est facteur de réinsertion sociale et psychologique, et donc de lutte contre la récidive. Elle dépend toutefois des ministères en charge de la formation. Nous avons diversifié nos partenariats : j'ai signé une convention avec la fondation M6 pour les activités culturelles, et nous avons un accord avec le Medef pour les activités professionnelles. Mais la crise est passée par là... L'objectif d'occuper dix mille détenus, pour une masse salariale de 46 millions d'euros, n'a été réalisé qu'à 70 %. J'ai demandé aux directeurs régionaux des services pénitentiaires de prendre contact avec les entreprises locales, voire avec les collectivités territoriales. J'inaugure demain un centre d'appel dans une prison de femmes. Des travaux environnementaux, comme le nettoyage des forêts ou des rivières, sont des pistes à creuser : occuper les détenus à des activités ayant une réelle utilité sociale permettrait également de changer le regard que porte l'opinion publique sur la prison, condition sine qua non pour une réelle réinsertion sociale.
M. Jean Arthuis, président. - Des entreprises se spécialisent dans la future insertion par le travail des détenus. Le travail carcéral n'est-il pas une forme de délocalisation de l'activité et de l'emploi ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Certes, ce n'est pas le contrat de travail tel que nous le connaissons, mais la population carcérale est particulière : 50 % des détenus ont de vrais problèmes psychologiques, voire psychiatriques, beaucoup sont illettrés, sans formation... Ils ne doivent pas pour autant être cantonnés à des tâches que pourraient remplir des machines !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Depuis la LOLF, les crédits sont limitatifs et non plus évaluatifs, mais la dynamique des frais de justice reste préoccupante. Je doutais déjà de la sincérité des évaluations de la Chancellerie pour le budget 2010 ; dans les cours d'appel, les dépassements atteindraient 25 % à 30 %... Quelle est l'évolution des dépenses par rapport à 2008 ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - La judiciarisation croissante de notre société se traduit par une hausse des contentieux, d'où une hausse des frais de justice, passés de 388,6 millions d'euros en 2007 à 401,7 millions en 2008 et 432,5 millions en 2009. Il faut dire que le taux d'élucidation des délits est passé de 22 % en 2001 à 40 % aujourd'hui ! Les frais de justice pénale représentent les deux tiers du total. Les 75 millions de frais médicaux traduisent la revalorisation des honoraires des médecins psychiatres ; le décret du 30 juillet 2008 majore le tarif des expertises relatives aux victimes ; les frais de traduction et d'interprétariat ont été revalorisés, tout comme les frais d'huissiers et d'enquête sociale. Le coût du matériel d'interception a également augmenté.
Parallèlement, nous avons réussi à faire baisser les frais de réquisition des opérateurs, à réduire les frais d'analyse génétique ou de transport... Parmi les mesures d'économies, nous réformons le circuit de la dépense : il faut réduire les délais de paiement, professionnaliser les acteurs. Les effets ne seront perceptibles que progressivement. Aix-en-Provence rejoindra en juillet les huit cours d'appel qui mènent l'expérience. L'accélération conséquente du rythme de consommation des crédits est un élément de clarification et de bonne gestion. J'ai réuni dernièrement les chefs de cour pour les sensibiliser à la maîtrise des frais de justice.
M. Jean Arthuis, président. - Au 31 décembre, y a-t-il beaucoup d'impayés ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Nous avons fait débloquer des crédits d'avance en début d'année.
M. Jean Arthuis, président. - Avez-vous évalué ces arriérés ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Cela représentait 30 millions à la fin de l'année dernière...
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Je doute que l'on soit encore à ce chiffre. Nous devrions liquider ces retards début 2011, à condition que les moyens suivent.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Disposez-vous encore d'une réserve pour les frais de justice ? On me dit que les crédits seront intégralement consommés fin septembre dans beaucoup de cours... Gardons-nous de sous-estimer ce volet dans le cadrage budgétaire pour 2011. La commission des finances sera à vos côtés : il faut faire la lumière sur les besoins.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - L'an dernier, les juridictions étaient dans le rouge dès juillet. Nous avons réussi à débloquer des crédits et à finir l'année en limitant les reports. Le dégel obtenu en mars a évité d'accumuler les retards. Nous devrions obtenir les moyens nécessaires pour répondre aux besoins des juridictions jusqu'à la fin de l'année, d'autant que nous avons renégocié des contrats avec les opérateurs extérieurs. C'est une course permanente entre notre capacité à réduire les coûts et l'augmentation des volumes !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Une fois n'est pas coutume, les établissements pénitentiaires pour mineurs, créés par la loi de 2002, m'ont donné l'impression d'une débauche de moyens : le prix de la journée y dépasse 1000 euros ! Une évaluation des résultats au vu des moyens engagés s'impose.
La « prison sans murs » de Casabianda en Corse me paraît être un modèle à imiter, d'autant que le travail des détenus doit réduire les coûts pour le ministère. Envisagez-vous de mettre en place d'autres établissements de ce type ? Idem pour la prison de Château-Thierry, qui accueille remarquablement des personnes souffrant de maladies mentales, pour un coût bien moindre qu'en unité pour malades difficiles (UMD) ou en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA).
Enfin, quid du retard de paiement des heures supplémentaires des personnels de l'administration pénitentiaire ? Dans le climat actuel, évitons que cette situation se renouvelle...
M. Jean Arthuis, président. - Les reports de charges impayées de l'administration pénitentiaire devraient représenter 10 millions d'euros pour 2010. La décision du Conseil d'État oblige à payer des arriérés de salaire sur quatre ans, pour un coût estimé à 20 millions : comment cela s'inscrit-il dans votre budget ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Le taux d'occupation des établissements pour mineurs est inégal : avec 213 mineurs au 1er janvier 2010, il n'était que de 73 %, d'où l'importance du coût nominal. Il faut certes une rationalisation, mais ce taux dépend aussi de la délinquance juvénile !
La prison de Casabianda est réservée à un certain type de condamnés, notamment pour agressions sexuelles. Un tel système ne peut s'appliquer à tous les publics, ni être implanté n'importe où ! J'ai demandé au secrétaire d'État une étude sur les pratiques européennes en la matière, mais ne nous faisons pas trop d'illusions... La multiplication d'expériences sur le modèle de Château-Thierry suscite pour sa part de fortes réticences des psychiatres. Il faut un équilibre.
La question du paiement des heures supplémentaires a suscité beaucoup d'émoi. Toutes ont été payées à mon initiative avant la fin 2009. M'étonnant que les heures supplémentaires aient progressé de 29 % entre 2008 et 2009, j'ai demandé au directeur de l'administration pénitentiaire d'en analyser les causes. Le contentieux porte notamment sur le quart d'heure de prise de fonction sur les postes à coupure, à la suite d'une décision du Conseil d'État qui annule partiellement une circulaire de 2006 et reconnaît le temps de prise de fonction comme temps de travail à part entière, ce qui représente de 15 à 17 millions d'arriérés, dans la limite de la prescription quadriennale.
M. Jean Arthuis, président. - C'est le temps pour passer l'uniforme ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat. - Et recevoir les consignes.
M. Jean Arthuis, président. - Qu'en est-il pour les gendarmes ou la police ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat. - Je n'ai aucun souvenir en la matière.
M. Jean Arthuis, président. - Et après il faut se rhabiller....
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat. - Dans cette affaire, nous avons fait face.
M. Jean Arthuis, président. - Nous suivrons ce dossier.
M. Philippe Marini rapporteur général. - La préparation du budget 2011 doit battre son plein. Selon la norme fixée par le Président de la République, les dépenses d'intervention devront être réduites de 10 % sur les trois prochaines années. Est-ce possible sur l'accès au droit et la pénitentiaire ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat. - Je l'ai dit ce matin au Premier ministre, si chacun doit consentir des efforts, certains avaient vu leurs crédits augmenter plus que d'autres depuis cinquante ans. En outre, l'évolution de la société a entraîné une augmentation de l'activité. Pour répondre précisément à votre question, nous n'avons pas de véritables crédits d'intervention : l'aide juridictionnelle et le fonctionnement de la pénitentiaire n'en sont pas au sens de Bercy.
M. Jean Arthuis, président. - On doit économiser 50 milliards...
M. Éric Doligé. - Vous avez évoqué le coût de la judiciarisation. S'agit-il d'un mouvement irréversible ou d'un sport national ? Le procureur de la République dans mon département, en était récemment à 35 000 plaintes. Comment lire tous ces textes, souvent manuscrits, avec deux ou trois secrétaires ? Est-il envisageable de maîtriser ces coûts ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat. - Ce risque nous préoccupe en effet depuis longtemps. Quand j'étais à la jeunesse et aux sports, j'en avais souligné l'impact sur les primes d'assurances. Amorcé aux États-Unis, le phénomène est parfois encouragé par des juristes ou des avocats en mal d'affaires qui sollicitent les patients à la sortie des hôpitaux et des cliniques. Que peut-on faire ? J'essaie de développer la conciliation et la médiation parce qu'une société qui multiplie les contentieux devient plus agressive et crée des crispations. Puisqu'aucune partie n'est pleinement satisfaite d'un jugement, mieux vaut se mettre d'accord par d'autres voies. La France en a besoin... Je prends des mesures en ce sens, notamment dans le domaine familial en rendant la conciliation obligatoire avant de passer devant le juge. S'il n'y a ni enfant ni contentieux, pourquoi passer devant un juge pour un divorce ? Ces facilitations se développent aussi dans le domaine commercial. En revanche, les syndicats hésitent à aller au-delà de ce qui existe aujourd'hui dans le domaine prudhommal. Le rapport Darrois propose aussi que l'aide juridictionnelle soit assortie d'un ticket modérateur, comme cela se fait dans d'autres pays européens. L'aide juridictionnelle, qui représente 300 millions, est en constante augmentation ; en outre, les plafonds ne sont pas très élevés de sorte que certains ont les moyens de payer un avocat, mais pas l'expert. Nous travaillons donc avec les assurances car l'assurance juridique ne fonctionne pas bien. L'objectif est de concentrer l'aide de l'État sur le pénal et le divorce.
M. Jean Arthuis, président. - Les compagnies d'assurances ne pourraient-elles s'inspirer de cette philosophie ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat. - Il faut les convaincre de jouer davantage le jeu de la conciliation, sans que les personnes concernées se trouvent en situation d'infériorité.
M. Christian Poncelet. - Les parlementaires pourraient éviter de devenir avocats... Quand la ministre apporte des informations de cette qualité, les rapporteurs n'ont plus besoin de se déplacer pour vérifier sur pièces et sur place.
M. Jean Arthuis, président. - L'audition a en effet été excellente.
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi
La commission procède enfin à l'audition de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, dans le cadre de la préparation du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.
M. Jean Arthuis, président. - L'exécution budgétaire 2009 laisse apparaître un écart entre les crédits votés et les crédits consommés de 12 % sur la mission « Travail et emploi » : cela constitue un sujet de préoccupation au moment où l'on va devoir alléger les crédits d'intervention. La mission « Travail et emploi » représentait l'an dernier 9,75 milliards de dépense fiscale pour les programmes 102 et 103 contre 9 milliards d'euros en 2008. Or, l'évaluation de leur montant et de leur efficacité demeure très superficielle. Comment expliquez-vous cette augmentation de 750 millions et quelles orientations prendrez-vous dans le nécessaire rabotage des niches fiscales ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi. -Un cadrage d'ensemble me semble utile. L'année 2009 a été la pire depuis cinquante ans. Elle a justifié une intervention rapide, ce qui explique la rallonge budgétaire. L'exécution budgétaire l'an dernier a néanmoins été fortement améliorée par rapport à 2008, ainsi que l'a relevé la Cour des comptes. Le fléchage des crédits et l'exécution plus rigoureuse ont en effet assuré une sincérité bien supérieure de la politique de l'emploi. L'écart entre les crédits votés et leur exécution, a estimé la Cour des comptes, a été réduit et la gestion des crédits supplémentaires a été plutôt satisfaisante. Nous avons également baissé les dépenses de fonctionnement de 14 % en aménageant des dispositifs.
La crise ne devait pas servir d'alibi au financement de dépenses récurrentes. J'ai eu le souci de ne pas créer de dépenses structurelles. Nous avons principalement misé sur de la dépense active : activité partielle, reconversion, contrats aidés, lesquels débouchent dans un cas sur deux sur un emploi stable. La relance de l'apprentissage a été intéressante pour l'emploi des jeunes. Nous avons réduit les dépenses pour les seniors en ne finançant plus les catastrophiques préretraites publiques. En gagnant quatre points en trois ans sur le taux d'emploi des seniors, nous avons montré qu'on peut avoir des résultats et dégager des économies.
L'année 2011 sera encore très compliquée car l'on prévoit à nouveau des destructions d'emploi. Comment trouver le bon dosage entre les économies nécessaires et l'impact recherché sur l'emploi afin de dégager un bilan positif ? Je suis plutôt favorable à une approche sélective : un coup de rabot uniforme sur les dispositifs fiscaux serait ravageur.
M. Jean Arthuis, président. - Il faudrait que les intentions prennent corps car, prise individuellement, chaque dépense fiscale est vitale...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Moins 10 % est une baisse significative.
M. Jean Arthuis, président. - En quel sens plaiderez-vous ? Le cycle vertueux, c'est la loi de règlement, puis le débat d'orientation en attendant la loi de programme pluriannuelle : l'exercice 2010 préfigurera cette programmation.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Chaque étape de ce processus doit être bien utilisée. Les 800 millions d'euros de crédits pour l'apprentissage ont été bien employés en 2009. On peut étudier et rationaliser les aides consacrées à l'emploi salarié à domicile. Les heures supplémentaires représentent également une dépense très importante ainsi que les exonérations pour les associations agréées. Je préfère pour ma part adopter une approche ciblée.
M. Jean Arthuis, président. - Les 3,9 milliards de la prime pour l'emploi créent des emplois, mais pas forcément en France car le pouvoir d'achat que l'on donne ainsi favorise les importations. A-t-on une évaluation de cette dépense ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - L'objectif est que l'écart entre revenu d'assistance et revenu tiré de l'emploi soit suffisant. On peut toucher à tout, mais si l'on diminue cet écart, on réduit aussi l'intérêt du retour à l'emploi. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne piste.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Chaque ministre défend ses crédits. Cependant, la croissance ne suffira pas et les économies significatives se dégagent sur des masses importantes. Nous vous soutiendrons pour l'annualisation des allègements généraux de charges.
Pôle Emploi a connu en 2009 son premier exercice plein. Il a fallu, dans un contexte défavorable, créer une structure, rapprocher les équipes, se réinstaller dans bien des endroits et renouveler les procédures internes. Où en est le surcoût de Pôle Emploi ? Rapprocher deux maisons aux politiques salariales différentes a en effet accru les frais de fonctionnement. Il faut clarifier cela. Pourquoi la subvention de l'Etat à Pôle emploi a-t-elle été inférieure de 187 millions à ce qui avait été prévu et qu'en sera-t-il en 2010 et 2011 ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Il faut replacer l'annualisation des exonérations de charges dans une évolution sur quinze ans. L'Allemagne, dont le coût du travail était supérieur au nôtre, a consenti un effort important alors que la France a été « plombée » par les 35 heures. Revenir sur les allègements de charges alourdirait le coût du travail et détruirait des emplois.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - A la marge !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - On peut instaurer l'annualisation. En revanche, continuer à tirer sur la pelote sans avoir baissé le coût de l'emploi aboutirait à des destructions massives d'emploi. L'allègement général de charges n'est d'ailleurs pas une niche puisqu'aussi bien il ne vise ni une catégorie, ni un secteur : on se situe dans une approche intermédiaire, qui n'est peut-être pas la plus claire. Mieux vaut s'interroger sur le rapport entre ce qu'apportent les mesures et leur coût.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il faut donc barèmiser !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Je suis tout à fait partisan de cette solution car ça apporterait plus de clarté.
S'agissant de Pôle Emploi, la réponse est dans la question. La fusion a porté ses fruits dès 2009 : l'Etat a économisé 187 millions et l'Unedic a apuré sa dette à hauteur de 324 millions d'euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La Cour des comptes avait évoqué un surcoût de 350 millions d'euros, estimation que la direction générale de Pôle emploi avait contestée.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - La fusion a été réalisée à budget constant. L'harmonisation des salaires s'est traduite par un surcoût d'abord estimé entre 350 millions et 400 millions, mais qui s'est établi à 250 millions. On est passé simultanément de 1 500 à 1 000 implantations tout en améliorant le réseau. S'agissant du back office, les gains informatiques et de réseau sont considérables. Toutes ces économies compensent largement l'effet sur la masse salariale. Nous avons réalisé en une année, et une année de crise, ce qui avait pris cinq ans à l'administration fiscale pour fusionner les directions des impôts et de la comptabilité publique. Nous avons dégagé des économies substantielles en un délai record.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelques tableaux nous seraient utiles pour illustrer vos propos.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Vous avez évoqué la difficile réduction du coût des charges sur les salaires. Au lieu d'augmenter les charges des entreprises, ne peut-on supprimer les coûts et éviter ainsi des remboursements ? On gagnerait beaucoup d'argent. Cela vaudrait la peine d'analyser l'instauration d'un prélèvement sur le chiffre d'affaires.
Quelle est l'efficacité des maisons de l'emploi, qui coûtent fort cher ? Ont-elles un intérêt quelconque pour l'emploi ? En revanche, la mission locale de Corbeil-Essonnes apporte 750 emplois pour les jeunes ; avec le Fonds pour l'insertion professionnelle, ces derniers accèdent au permis de conduire, et peuvent ainsi trouver rapidement un emploi. Ne serait-il pas plus efficace de transférer les crédits alloués aux maisons de l'emploi vers les missions locales ?
Les contrats aidés en secteur non marchand ne débouchent pas sur une solution pérenne. La dépense est pourtant importante. Les jeunes trouvent davantage de travail avec les contrats aidés dans le secteur marchand. On n'informe pas assez les familles et les jeunes sur l'apprentissage, lequel est peu apprécié alors qu'il offre des emplois.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Je suis prêt à expertiser le basculement de l'assiette que vous suggérez. Cependant, pour baisser les cotisations, il faut d'abord diminuer les dépenses. Les maisons de l'emploi offrent une illustration intéressante puisqu'à mon arrivée, il était question de les généraliser. C'était déraisonnable, de même qu'il n'était pas rationnel qu'elles fassent la même chose que Pôle emploi. Nous avons supprimé les doublons.
M. Jean Arthuis, président. - Combien ces maisons coûtent-elles ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Près de 100 millions d'euros.
M. Jean Arthuis, président. - Ont-elles une raison d'être après la fusion des Assedic et de l'ANPE ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Lorsque nous avons posé la question, nous avons rencontré des obstacles, parmi les parlementaires les plus éminents, à la commission des finances, à l'Assemblée comme au Sénat.
M. Jean Arthuis, président. - Mieux vaut donner à Pôle emploi une feuille de route claire, quitte à créer une sorte de conseil de surveillance. Dans mon département, la maison de l'emploi n'avait de sens que jusqu'à la création de Pôle emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Un cahier des charges plus restrictif et précis a été fixé. Si les parlementaires qui avaient exprimé une opinion contraire ont évolué, la piste peut être intéressante car ce sont eux qui avaient souhaité conserver les maisons de l'emploi. Je m'étais donc placé dans ce cadre en supprimant les doublons.
M. Jean Arthuis, président. - Il va bien falloir trouver des sources d'économies.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Saurez-vous convaincre vos collègues ? Ce sont les parlementaires qui s'étaient opposés à la suppression des maisons de l'emploi.
M. Jean Arthuis, président. - Nécessité est mère de cohérence.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Pour les contrats aidés, que je remercie M. Dassault d'avoir évoqués, le taux d'insertion est de 42 % dans le secteur non marchand (CAE) et de l'ordre de 70 % dans le secteur marchand (CIE). Cependant les premiers peuvent être utiles pour des publics très éloignés de l'emploi.
Je connais vos convictions sur l'apprentissage. On a trop incité les élèves à suivre des études longues qui ne débouchent sur rien alors que l'apprentissage favorise une insertion dans l'emploi tout en permettant aux jeunes de cotiser.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Les jeunes ont du mal à trouver des stages. Le Gouvernement doit se montrer plus volontariste, quitte à compenser un peu.
M. Jean Arthuis, président. - Mais c'est de la dépense publique !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Un mot de la prime pour l'emploi. Si l'on réduisait les aides aux demandeurs d'emploi, le retour au travail serait plus attractif. Par ailleurs, la prime pour l'emploi coûte 3,9 milliards d'euros, c'est un montant extraordinaire !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - On avait un système obscur, sans mutualisation des offres ; nous avons créé un portail unique, qui permet déjà de connaître toutes les offres et sur lesquels l'on pourra bientôt publier son CV en ligne. Voilà de l'efficacité sans dépense ! Nous avons mobilisé les entreprises et l'apprentissage, qui baissait de 30% en début d'année, se retrouve en augmentation. Il faudra des réformes de structure pour qu'il ne soit plus réservé aux métiers manuels et pour lui permettre d'atteindre une taille critique. On pourra alors rationaliser les dispositifs d'aide. Je ne doute pas que vous m'y aiderez ; nous présenterons un plan d'action en septembre-octobre prochains.
M. Bernard Angels. - En 2009, les dépenses ont doublé pendant la période complémentaire par rapport à l'exercice précédent. Comment cela s'explique-t-il ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Ce sont des exonérations de charges sociales qui ont donné lieu à des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative.
M. Gérard Bailly. - Je vous rejoins sur l'apprentissage, et j'ajoute que nous sommes souvent saisis par des familles qui ont du mal à trouver des stages. Je participe tous les mois aux réunions qu'organise la préfète du Jura. L'an dernier, le chômage partiel est passé de 70 000 heures indemnisées à 747 000. Quelle est aujourd'hui la tendance et quelles sont les sommes en jeu ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Je sais que vous être très investi sur ces sujets, monsieur le sénateur. C'est très précieux et très apprécié sur le terrain. Le dispositif sur l'activité partielle a été très utile et très intelligent. On attendait auparavant le licenciement pour réagir ; maintenant, avec ce dispositif, on forme les gens avant de les licencier, avec une prise en charge qui a mobilisé 80 millions d'euros pour 400 000 salariés. Avec l'amélioration de la situation économique, ce dispositif baisse tout seul et les contingents demandés en début d'année reculent. L'Allemagne utilise ce dispositif pour lisser et amortir les crises. La France possédait cet outil, mais il était poussiéreux. Gardons-le en état, il a fait ses preuves.
M. Gérard Bailly. - Je partage ce point de vue.
M. Jean Arthuis, président. - L'annualisation des revenus pris en compte pour le calcul des allègements de charges peut éviter certaines pratiques. Revenir sur les exonérations de charges sociales ne va pas dans le sens de l'avenir, il faut au contraire aller plus loin et substituer aux cotisations sociales un impôt sur la consommation.
Je fais l'hypothèse que la préparation du budget 2011 va être éprouvante. S'il y a un effet crise, la réflexion a dû s'amorcer. Pourra-t-on dégager 10 % d'économies supplémentaires sur les trois ans à venir ? Les dépenses de fonctionnement ont déjà diminué de 14 %. Avez-vous atteint un niveau incompressible ou bien peut-on encore trouver de nouvelles économies ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Voilà des questions de nature à décourager les élèves appliqués de la réduction de la dépense publique : « l'échelle de perroquet » n'est pas l'outil le plus incitatif. Ne pénalisons pas les ministères qui ont fait le plus d'efforts. Mais je dois à la vérité de dire que les 14 % que vous évoquez tiennent aussi à des évolutions de périmètre : la baisse réelle doit être autour de 5 %.
M. Jean Arthuis, président. - Il vous reste 10 % à trouver.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. - Si l'on ne veut pas mourir guéri, il faut faire correctement atterrir les dépenses supplémentaires du plan de relance en temps et en heure, c'est-à-dire au fur et à mesure de l'amélioration de l'économie. La prime de 500 euros et l'aide à l'embauche dans les très petites entreprises sont d'ailleurs « débranchées ».
On peut gagner en efficacité sur Pôle emploi et sur les services extérieurs, déjà fortement rassemblés, ainsi que sur l'administration centrale, même si le ratio crédits gérés par fonctionnaire nous place parmi les meilleurs.
Enfin, à l'horizon de deux ans, il faudra faire « atterrir » les contrats aidés. L'annualisation des exonérations de charges est en cours d'arbitrage.
M. Jean Arthuis, président. - Chacune de nos questions est un encouragement à contenir la dépense publique.
Mercredi 16 juin 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
La commission procède tout d'abord à l'audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre de la préparation à l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2009.
M. Jean Arthuis, président. - Nous reprenons nos auditions, qui s'inscrivent dans le cadre de la préparation du projet de loi de règlement, en accueillant Mme Pécresse, que je remercie d'avoir répondu à notre invitation laquelle, à la veille de notre débat d'orientation budgétaire préfigurant nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2011, s'inscrit dans le chaînage vertueux mis en place par la LOLF. Nous souhaiterions tester avec vous, madame la ministre, quelques recommandations relatives à la maîtrise de la dépense et à la résorption des niches fiscales. Vos réponses nous aideront à fortifier nos convictions sur ce qu'il conviendrait de faire pour tendre vers l'équilibre de nos finances publiques.
Un point, tout d'abord, sur le plan de relance. La loi de finances rectificative du 4 février 2009 a ouvert 731 millions en autorisations d'engagements et 675 millions en crédits de paiement en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. La Cour des comptes, comme votre contrôleur budgétaire, souligne la faible exécution du volet recherche de ce plan, géré via le programme 315, et relève qu'une partie des crédits mis à disposition des établissements d'enseignement supérieur n'a contribué qu'à gonfler la trésorerie de ces établissements. La Cour des comptes relève en outre que l'utilisation des crédits de mise en sécurité n'a pas été optimale. Dernière question : les universités ont-elle déposé les sommes concernées, importantes, auprès du Trésor public ?
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Le plan de relance, si l'on ne considère que les sommes allouées à mon seul ministère, représente 581 millions de crédits supplémentaires. Ces moyens ont été consacrés à la mise à niveau du patrimoine et ont permis d'accélérer certains projets de recherche. 97 % des crédits ont été affectés. A l'université, le taux d'engagement est de 82 %. Si donc les fonds de roulement ont été gonflés, ce n'est que de façon très temporaire, puisque les travaux auront lieu d'ici trois à six mois. J'ajoute que les opérateurs ont eu besoin de temps pour faire face : ils ne s'attendaient pas à cette manne.
M. Jean Arthuis, président. - Les crédits 2009 seront donc consommés en 2010 ?
Mme Valérie Pécresse. - Ils sont tous engagés. Je n'aurai pas même quoi que ce soit à récupérer pour abonder d'autres actions, qui en auraient bien besoin. Le code des marchés publics est complexe : monter des opérations et des partenariats public-privé requiert du temps. C'est la raison pour laquelle le démarrage des chantiers n'a pas immédiatement suivi les annonces du Gouvernement.
Je vous confirme que les sommes concernées ont été placées au Trésor : c'est une obligation légale.
Pour les organismes de recherche, les délais seront plus longs, car les chantiers sont étalés - je pense notamment à celui du Synchrotron. Nous avons accéléré les processus : dès que les études seront réalisées et les marchés signés, les choses iront vite. Nous aurons tout apuré sur deux lois de finances.
M. Jean Arthuis, président. - Peut-être trouverez-vous dans ces délais le moyen de réduire vos crédits pour 2011 ?
Mme Valérie Pécresse. - Les délais ne font que les étaler.
M. Jean Arthuis, président. - Les étaler, c'est les réduire sur chaque exercice.
Mme Valérie Pécresse. - Nous avons besoin de ces crédits si nous voulons poursuivre la réforme au même rythme.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial pour les crédits de l'enseignement supérieur. - Vous avez lancé tant de chantiers que nous avons beaucoup de questions. Ma première porte sur l'ambitieuse politique de bourses que vous avez engagée. Il semble cependant que s'est posé en 2009 un problème de calibrage des crédits, puisque 64 millions d'euros de charge ont été reportés sur 2010.
Mme Valérie Pécresse. - Nous avons une impasse budgétaire sur les bourses pour deux raisons : d'une part, l'effet de la crise ; d'autre part, l'impact de la réforme des bourses que nous avons engagée afin d'élargir le public bénéficiaire. La crise a provoqué un glissement de l'échelon zéro vers l'échelon trois, appauvrissement qui trahit un effet de conjoncture, difficilement prévisible.
Nous nous mettons en ordre de marche pour disposer de prévisions plus fiables. Au moment des préinscriptions, les universités pourront faire des projections qui nous permettront de mieux connaître les besoins.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Avez-vous dû laisser des étudiants sans les ressources promises ?
Mme Valérie Pécresse. - Non, nous avons honoré tous nos engagements.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Est-ce à dire que vous aurez épongé les reports en 2011 ?
Mme Valérie Pécresse. - Il nous faudra encore trouver, en 2011, les moyens de faire face à cette impasse qui se répète chaque année.
M. Jean Arthuis, président. - C'est donc une source d'économie qui se tarit ?
Mme Valérie Pécresse. - Non, c'est plutôt une impasse budgétaire qui se reporte.
M. Jean Arthuis, président. - Voilà qui va compliquer votre tâche.
Mme Valérie Pécresse. - D'autant que si l'année universitaire se rallonge, il nous faudra allonger la période de versement...
M. Christian Gaudin, rapporteur spécial pour les crédits de la recherche. - J'ai présenté il y a quelques semaines un rapport de contrôle sur le crédit d'impôt recherche (CIR), qui prend en compte l'importante réforme de 2008. Je vous remercie d'ailleurs de nous avoir transmis les derniers chiffres, d'autant plus précieux que les déclarations des entreprises pouvaient courir jusqu'en avril 2010.
Quelques chiffres impressionnent : la dépense fiscale est passée de 1,5 milliard d'euros en 2008 à près de 6 milliards en 2009, tandis que la créance sur l'État passait de 1,7 milliard à 4,2 milliards, sous l'effet du triplement de la part en volume du CIR, dont on attend une amélioration de la dépense privée.
Mais si, avec la crise, le CIR a permis de soutenir les investissements en recherche et développement des entreprises, les effets ne s'en mesureront que dans trois à cinq ans : il faut donc à la fois assurer la stabilité de la procédure et aussi disposer d'une vraie stratégie d'évaluation, pour juger de l'efficacité économique de chaque composante du crédit d'impôt. Or, je m'interroge sur la part s'appliquant au-delà de 100 millions d'euros de dépenses éligibles, qui bénéficient d'une aide d'un taux de 5 %. Une vingtaine d'entreprises sont concernées, pour un coût de près de 600 millions d'euros. J'aurai deux questions à ce sujet. Le CIR étant calculé au niveau de chaque entreprise, et non de façon consolidée, ne peut-on penser que c'est là pour certaines une occasion d'optimisation ? Et cette part de 5 % a-t-elle réellement un effet incitatif ? N'oublions pas que 600 millions, c'est l'équivalent de 10 % du montant prévu pour le rabotage des niches fiscales...
Mme Valérie Pécresse. - Je suis comme vous persuadée que ce dispositif n'atteindra son but que dans la durée, et que les entreprises ont besoin de stabilité : elles s'engagent pour cinq à dix ans. Il serait contre productif de changer les règles après deux ans : ce sont des décisions d'investissement lourdes, qui exigent une continuité. Nos partenaires étrangers sont déjà assez échaudés par la fréquence des changements dans nos règles fiscales. Il nous faut aussi mieux communiquer sur les nouveautés. Hier, je recevais le président fondateur de Google, dont je me suis aperçue qu'il ignorait le triplement du CIR, comme le sextuplement de l'aide à la recherche partenariale.
Alors que l'Allemagne compte 2 % de son PIB en recherche privée, chiffre dont nous sommes aujourd'hui encore loin, nous n'atteindrons jamais l'objectif de Lisbonne, de 3 % du PIB en investissements de R&D, sans incitations. Vous vous inquiétez de la déconsolidation du CIR sur la tranche de 5 %, renvoyée aux filiales. Mais le dispositif est conçu comme un ensemble, pour éviter la délocalisation de la recherche des grands groupes.
M. Jean Arthuis, président. - Ces groupes ont déjà externalisé une partie de leurs travaux. Ils font pression sur leurs équipes pour qu'elles s'installent en Europe centrale. Y a-t-il des éléments de dépense ainsi délocalisés engagés dans l'assiette du CIR ?
Mme Valérie Pécresse. - Le triplement est ce qui a permis d'éviter des délocalisations. Les grands patrons, étant donné la parité entre l'euro et le dollar et au vu de notre réglementation du travail, étaient pourtant près de délocaliser. S'ils ne l'ont pas fait, c'est grâce au CIR. J'ajoute que les délocalisations existantes touchent plutôt le développement, en amont et en aval, que la recherche, comme le « testing » de médicaments.
L'enquête conjointe menée avec les services de Christine Lagarde nous permettra de déterminer s'il y a fraude ou effet d'aubaine. Reste qu'elle montre déjà que nous avons évité des délocalisations.
M. Jean Arthuis, président. - Si les 5 % sont efficaces, à quoi bon le taux de 30 % ?
Mme Valérie Pécresse. - Il y a un effet d'inertie : les entreprises qui profitent du taux à 30 % ne vont pas délocaliser les travaux qui bénéficient d'un taux moindre, mais c'est tout de même une carotte utile. Il est difficile de mesurer l'impact de chaque paramètre, mais nous constatons que, globalement, nous avons enclenché le dialogue avec les grands groupes qui ont doublé le nombre d'embauches de jeunes docteurs, et se sont davantage engagés en termes de recherche partenariale.
Le calcul du CIR par filiale n'est pas une pratique illégale. Reste que vous avez raison : nous devons vérifier qu'il n'y a pas d'abus. Cela étant, il peut être utile d'identifier clairement les dépenses de recherche et développement d'une entreprise filiale d'un grand conglomérat. Sinon, la valeur de ces filiales pourrait diminuer et un groupe pourrait juger plus opportun de vendre sa filiale, qui pourrait alors bénéficier du taux de 30 %.
M. Jean Arthuis, président. - Eh oui, ce sont là les conséquences de tous ces instruments d'aide, un peu artificiels... Ce qui me semble symptomatique, c'est que l'assiette du CIR 2009 a progressé de 100 millions d'euros et le coût de 2,6 milliards...
Mme Valérie Pécresse. - Dans un contexte économique qui aurait dû voir la recherche privée chuter de 20 %...
M. Jean Arthuis, président. - Mais il y a un effet d'aubaine.
Mme Valérie Pécresse. - Non, il y a une volonté de modifier le mode d'investissement des entreprises françaises, en l'orientant vers la recherche.
M. Jean Arthuis, président. - Dans un contexte de réduction de la dépense fiscale...
Mme Valérie Pécresse. - La question est plutôt la suivante : comment sortir de la crise ? Quant aux décisions de réduction des dépenses, elles ne m'appartiennent pas.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Nous avons beaucoup travaillé sur le modèle SYMPA (Système de répartition des moyens à la performance et à l'activité), avec cette idée que derrière l'autonomie, les moyens devront être davantage liés à la qualité qu'au quantitatif. Cependant, la multiplication des canaux de financement - opération campus, initiatives d'excellence, laboratoires d'excellence, plan licence, et j'en passe - brouille sérieusement les cartes. La Cour des comptes note que la part « activité » du modèle de financement de base de l'université représente moins que tous les financements spécifiques, ce qui rend impossible de mener des études comparatives. En outre, cela est de nature à pénaliser les universités qui ne bénéficient pas de ces financements supplémentaires. Je reconnais que chaque dispositif de financement spécifique est en soi judicieux, mais leur accumulation réduit la signification du modèle de base.
Mme Valérie Pécresse. - Je comprends votre souci, mais je ne partage pas vos craintes. Un tiers des locaux universitaires sont vétustes : une fois qu'ils auront été rénovés, cette dotation n'aura plus lieu d'être : elle n'est pas pérenne.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Même hors questions immobilières, la Cour des comptes relève que la part stable est moins importante que les financements spécifiques.
Mme Valérie Pécresse. - C'est inexact. C'est comme si l'on ne regardait, dans un budget, que les financements nouveaux, sans s'intéresser aux reconductions. Les crédits du modèle sont sans commune mesure avec le reste. Un exemple : le plan investissements d'avenir ne représente, en flux annuel, que quelques centaines de millions d'euros, quand le modèle de financement représente des milliards. J'ajoute que nous partons d'une sous-dotation chronique, et je n'hésiterai pas à le marteler en ces temps de préparation budgétaire. Nous sommes très en dessous de la moyenne de l'OCDE tant pour la dépense immobilière que pour la dépense par étudiant. La recherche aussi a besoin d'un rattrapage. Le plan d'investissements d'avenir doit financer des projets d'excellence dans les laboratoires. Il faut valoriser la performance, tant en matière de formation que de recherche.
L'idée est de ne pas figer le paysage, de permettre le lancement de nouveaux programmes innovants, pour corriger l'allocation des moyens de base, qui se fonde sur les performances passées. Nous devons faire jouer les trois mécanismes : le modèle SYMPA, qui prend en compte la performance passée ; la contractualisation, qui accompagne les initiatives, et devra prendre de l'ampleur ; le plan d'investissements d'avenir, non pérenne, mais qui doit enclencher une dynamique.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Nous souhaitons comme vous aller vers l'excellence. Mais nous serons vigilants dans nos missions de contrôle. Il serait dommageable de désespérer de bonnes universités sous prétexte qu'elles n'entrent pas dans les critères des dotations hors modèle.
Mme Valérie Pécresse. - Les conclusions de la mission Juppé-Rocard préconisaient de retenir une ligne « innovation pédagogique », hélas disparue du plan. Un exemple : Aix-Marseille II, à côté de son projet de recherche, a développé un projet pédagogique ; ce genre d'initiatives mériterait d'être soutenu. Nous devons être vigilants quant au financement de la qualité de la formation, aussi essentiel que celui de la recherche.
M. Christian Gaudin, rapporteur spécial. - Le plus grand opérateur du programme 172, le CNRS, a vu, en 2009, sa transformation en dix instituts thématiques. Quels effets a eu cette restructuration sur la programmation et l'exécution du budget ? Et comment l'action de ces instituts s'articule-t-elle avec celle de l'Agence nationale de la recherche ?
Mme Valérie Pécresse. - Cette réorganisation est le signal d'un changement d'ère. Les instituts arrivent en même temps que la comptabilité analytique et la certification des comptes. Des crédits leur sont affectés, dont une part doit aller à des actions pluridisciplinaires. Concrètement, le président-directeur général du CNRS travaille à la programmation avec les directeurs d'instituts au sein d'un conseil pluridisciplinaire. De plus, cette réorganisation doit permettre au CNRS de se rapprocher d'organismes avec lesquels il doublonne au sein d'alliances, en particulier en matière de sciences du vivant (alliance AVIESAN). Le dixième institut, informatique, a rapproché le fonctionnement du CNRS de celui de l'INRIA, et donné naissance à l'Alliance pour les sciences et technologies de l'information (ALLISTENE).
L'Agence nationale de la recherche est ainsi alimentée par des projets de recherche venus du terrain. En outre, je milite pour que les universités aient toute leur place dans chacune des alliances ainsi créées, l'AVIESAN pour les sciences de la vie et de la santé, l'ANCRE pour l'énergie, l'ALLISTENE pour les technologies de la communication. Les déclarations d'Alain Fuchs, président-directeur général du CNRS, sont pertinentes et audacieuses : le CNRS doit permettre aux universités de tirer tous les bénéfices de leur autonomie. Ainsi, à Strasbourg, dans le cadre d'une expérience pilote, il joue le rôle d'une agence de prestation de services pour les unités mixtes de recherche. Il y a eu, à Paris V, à Aix-Marseille II, à Nancy, des transferts, que nous souhaitons voir amplifiés.
Les alliances sont une source d'efficacité. Ainsi, l'AVIESAN a permis de prendre beaucoup d'avance en matière de recherche sur le virus H1N1. Et grâce à l'ANCRE, nous aurons bientôt une cartographie de la recherche sur l'énergie en France. De manière générale, le Gouvernement a demandé aux alliances de « prioriser » les projets relevant de leur domaine de compétence, en attribuant des labels.
M. Jean-Paul Alduy. - Le modèle SYMPA ne semble pas si sympa que cela pour les petites universités, qui n'ont pas les mêmes capacités à bénéficier de toutes les mannes connexes. Elles ne sont pas entrées dans la première vague de l'autonomie et aujourd'hui, elles découvrent que pour assurer cette autonomie, il leur manque des cadres pour assurer la gestion. Ce recrutement représente un surcoût. Elles se tournent donc vers les collectivités...
Pourtant, les effets positifs des partenariats transfrontaliers qu'ont noués certaines d'entre elles bénéficient à tout le réseau. C'est le cas du partenariat entre Perpignan et Barcelone. Comment mieux accompagner les petites structures ?
Mme Valérie Pécresse. - Je constate que les universités s'améliorent : elles savent désormais se tourner vers les collectivités territoriales... Puissent-elles faire de même avec les entreprises.
La vérité est que ces petites structures sont anxieuses avant le passage à l'autonomie et très heureuses après. Nous leur donnons 10 % de primes supplémentaires pour l'ensemble du personnel. Si elles sont habiles, elles sauront les moduler pour valoriser le mérite des enseignants. Ces petites structures ont trop de personnels de catégorie C par rapport à leur personnel de catégorie A : l'externalisation de certaines fonctions connexes, comme le jardinage, doit leur permettre de dégager des marges pour le recrutement de cadres. C'est ainsi que l'autonomie favorise la rationalisation, au bénéfice, également, des personnels : au pôle marseillais, les dépenses d'action sociale ont été multipliées par trois, et un plan de carrière a été créé.
Quant à l'université de Perpignan, j'observe que le modèle SYMPA est tout de même sympa pour elle, puisque ses crédits sont passés de 105 millions en 2007 à 508 millions en 2010. Trois millions ont déjà été ajoutés sur la mise en sécurité. Quant à l'idée d'un PRES transfrontalier avec la Catalogne, j'estime qu'elle est excellente, et qu'elle joue un rôle de dynamisation. Chaque université, dans le nouveau modèle, doit avoir son caractère : c'est ce qui lui fera obtenir les crédits, au même titre que les résultats de l'analyse des débouchés professionnels, domaine dans lequel les petites universités ont de bons résultats, étant mieux ancrées sur leur territoire. De tout cela, le modèle SYMPA tient compte.
M. Jean Arthuis, président. - La loi de finances pour 2011 est en cours de préparation. Les annonces du Président de la République sont très vertueuses en ce qui concerne les dépenses fiscales et les crédits d'intervention. Pouvez-vous nous dire comment vous voyez la réduction de la dépense fiscale et la compression des crédits d'intervention pour ce qui concerne votre ministère ?
Mme Valérie Pécresse. - Des engagements très forts, très attendus par la communauté des universitaires et des chercheurs, ont été pris par le Président de la République et le Premier ministre. Ils se sont traduits par le plan Campus, le plan investissements pour l'avenir, par un effort de remise à niveau. Ces efforts doivent être poursuivis.
Pour autant, je ne m'exonère pas de la recherche commune d'économies. Ce n'est pas parce que l'on est sous-doté qu'il n'y a pas de gaspillage. Les parlementaires que vous êtes doivent cependant garder présente à l'esprit la comparaison européenne qui montre un sous-investissement de la France en faveur de ses étudiants. Il est vrai qu'aux États-Unis, les frais d'inscription et le privé comptent beaucoup, mais ce n'est pas le cas en Europe où le financement de l'enseignement supérieur est essentiellement d'origine public.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Les partenariats public-privé, prévus dans le cadre de l'opération Campus, semblent poser des difficultés. Pour quelles raisons ? Les universités peuvent-elles recourir à l'emprunt pour financer le plan Campus ? Les difficultés juridiques rencontrées par l'université de Strasbourg sont-elles de nature à retarder les chantiers ?
Mme Valérie Pécresse. - Le choix du partenariat public-privé répond à notre volonté de voir pris en charge les frais de maintenance par le constructeur privé. J'ai visité un très bel amphithéâtre dans une des plus grandes universités scientifiques de France pour constater qu'il n'y avait aucune prise électrique pour les ordinateurs ! Le chantier avait pris dix ans de retard, et les prises, dix ans auparavant, n'avaient pas été prévues dans le cahier des charges.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Mais dans cet exemple, n'est-ce pas la gouvernance de l'université qui est en cause ?
Mme Valérie Pécresse. - J'ai aussi vu des verrières à sept mètres de hauteur. Je me suis demandé comment elles seraient nettoyées mais également chauffées. Les universités n'ont pas toujours dégagé les moyens suffisants pour assurer la maintenance. En donnant la responsabilité au partenaire privé, on améliorera les choses. Nous voulons des universités belles, bien entretenues, mais sans que cela ne soit trop onéreux.
M. Jean Arthuis, président. - Mais faire financer la maintenance par le constructeur privé, c'est comme recourir à l'emprunt.
Mme Valérie Pécresse. - Non, c'est transférer les risques industriels aux partenaires privés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas gratuit.
M. Jean-Paul Alduy. - L'avantage, c'est que l'on connaît le coût global au moment de la décision.
M. Jean Arthuis, président. - C'est en effet un problème de se lancer dans une opération sans savoir ce que cela va coûter. Mais rien n'empêche de le faire.
Mme Valérie Pécresse. - Nous nous sommes heurtés à un problème politique, les élections régionales. Il est des régions qui rechignent au partenariat public-privé, par idéologie ou parce qu'elles veulent des opérations découplées, plus flatteuses pour elles. C'est le syndrome de Caen : la fuite en avant immobilière. La région finance des bâtiments flambants neufs, et on montre du doigt les bâtiments vétustes en accusant l'État d'incurie.
Nous avons accepté le principe du financement découplé, la participation des régions sur maîtrise d'ouvrage public : l'État sera au rendez-vous. C'est pour ces raisons que le délai est plus long, mais ce sera ensuite plus rapide. Reste que nous ne pouvons attendre deux ans : nous utiliserons les intérêts qui courent sur les 5 milliards d'euros affectés à l'opération Campus pour réaliser sous maîtrise d'ouvrage direct de l'Etat les projets déjà prêts.
M. Yannick Bodin. - Le partenariat public-privé n'est pas le remède miracle. En Île-de-France, on a pratiqué le marché d'entreprise de travaux publics...
M. Jean Arthuis, président. - Dont on connaît les limites.
M. Yannick Bodin. - Il faut être vigilant. Les entreprises privées assurent dix ans la maintenance, mais a minima. Quand elles se dégagent, on s'aperçoit qu'il faut tout refaire à neuf...
Mme Valérie Pécresse. - On a appris de l'expérience. Ici, ce sera sur vingt-cinq ans, soit la durée de vie d'un bâtiment. A Londres, au King's College, qui a mené le premier partenariat public-privé avec une entreprise française, nous avons été conseillés sur ce qu'il convenait d'inclure, ligne par ligne, dans le cahier des charges de maintenance.
M. Jean Arthuis, président. - J'observe que l'Institut national de la statistique a reclassé les partenariats public-privé en dettes de l'État...
Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir répondu à nos questions. Recevez nos encouragements pour la préparation de la loi de finances pour 2011.
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports
Puis la commission procède à l'audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.
M. Jean Arthuis, président. - Nous vous remercions, madame la ministre, d'avoir bien voulu venir devant la commission des finances, élargie à tous les sénateurs qui le souhaitent, pour nous éclairer sur l'exécution de votre budget en 2009. Merci d'avoir différé votre départ pour l'Afrique du sud où vous allez demain encourager l'équipe de France.
Mais cette audition est aussi une façon de préparer le projet de loi de finances pour 2011. Et ma première question portera sur l'exonération de taxe sur les conventions d'assurance (TCA) pour certains contrats d'assurance maladie complémentaire. C'est la dépense fiscale la plus importante reliée à la mission « Santé ». Son coût est évalué à 2,1 milliards d'euros pour 2009, soit presque le double des crédits inscrits initialement sur la mission.
Cette dépense fiscale poursuit un objectif d'incitation puisque l'exonération est subordonnée au respect de certaines conditions contractuelles : les contrats d'assurance maladie complémentaire ne doivent pas recueillir d'informations médicales de la part des assurés, ni ne doivent être fixés en fonction de leur état de santé - ce sont des contrats dits « solidaires » ; ils ne doivent pas non plus prévoir la prise en charge de certaines participations forfaitaires, comme les franchises, destinées à responsabiliser les patients - contrats dits « responsables ».
Cet objectif ne pourrait-il pas être atteint par d'autres moyens, notamment par des obligations règlementaires ? Ne pourrait-on pas envisager par exemple que les contrats « solidaires » et « responsables » représentent obligatoirement une certaine proportion des contrats proposés par les mutuelles et les organismes d'assurance ?
Quelles autres niches fiscales rattachées à la mission Santé est-il envisageable de réduire pour atteindre l'objectif du Gouvernement d'une diminution de 10 % des dépenses fiscales, sachant qu'une autre dépense fiscale importante, l'exonération d'impôt sur le revenu des indemnités journalières, a déjà été grandement réduite par la dernière loi de finances ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Puis-je consacrer quelques minutes à une déclaration liminaire ?
L'année 2009 a été marquée par le vote de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) et aussi par le fait que, en fin d'exercice, les crédits de cette mission ont été supérieurs de près d'un milliard d'euros par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale. Première explication : le coût de l'aide médicale de l'État (AME). La dette a été entièrement apurée en collectif de fin d'année, dans un souci de sincérité budgétaire. Nous avions fait d'importants efforts pour doter correctement l'AME - 300 millions d'euros de plus entre 2007 et 2010. Un abondement de 100 millions d'euros de crédits supplémentaires a été voté en loi de finances rectificative pour 2009. Nous notons la même dynamique de dépenses au début de 2010, peut-être un peu moins soutenue.
Cette spectaculaire augmentation des dépenses est d'abord due à l'évolution du nombre des bénéficiaires, notamment à l'augmentation de 20 % des déboutés du droit d'asile qui deviennent éligibles à l'AME. Elle est également due au basculement sur cette AME des ressortissants communautaires inactifs et dépourvus de couverture maladie. Enfin, elle s'explique aussi par l'amélioration de la gestion des droits par les établissements de santé et l'assurance maladie. Au total, l'augmentation des effectifs explique la moitié de celle des dépenses en 2009.
Il faut aussi noter le doublement du coût moyen par bénéficiaire, c'est à dire l'augmentation des séjours pour pathologies graves. Peut-être aussi le passage à la tarification à l'activité (T2A) a-t-il conduit les hôpitaux à être plus vigilants sur le respect des modalités de calcul du tarif journalier de prestation (TJP), lequel sert de base au calcul des frais de séjour des bénéficiaires de l'AME.
M. Jean Arthuis, président. - La loi de finances rectificative avait prévu une participation forfaitaire des bénéficiaires de l'AME. A l'automne, cette disposition n'était toujours pas mise en oeuvre. Qu'en est-il aujourd'hui et qu'est-ce qui s'y oppose ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Une participation avait été prévue dès 2003 et un projet de décret élaboré en 2004 instituait un ticket modérateur de 10 % sur les frais de soins ambulatoires et de consultations externes. Cela n'a pas abouti du fait de l'opposition des professionnels de santé et des objections d'ordre philosophique de certaines associations humanitaires qui gravitent dans ce secteur. Il est vrai qu'il n'est pas facile d'instituer un tel ticket modérateur car nous sommes là dans le cadre d'une avance de frais qui obligerait les professionnels de santé à calculer la part de ticket modérateur due par les bénéficiaires et à la recouvrer en espèces alors même que certains des intéressés ne voudraient pas ou ne pourraient pas la payer. Les professionnels supporteraient ainsi un risque financier, à l'origine de créances irrécouvrables pour les établissements. Les dispensateurs et les gestionnaires du soin s'y sont donc opposés.
Je ne suis pas contre une participation forfaitaire du bénéficiaire adulte de l'AME et je compte la proposer dans le prochain projet de loi de finances. Il s'agirait d'une contribution forfaitaire payée au moment de l'ouverture du droit à l'AME et de son renouvellement. Mais cela suppose de modifier la législation et de créer un fonds de concours spécial : les caisses primaires ne pouvant pas toucher d'espèces, il faudrait instituer un timbre fiscal à apposer sur l'attestation de droits. Cela suppose aussi la mise en place d'outils informatiques permettant aux caisses de connaître le nombre de timbres fiscaux apposés chaque année civile. Une contribution forfaitaire de 15 euros pour tout bénéficiaire majeur ferait faire 3 millions d'euros d'économies.
Pour fiabiliser nos prévisions, nous devrons donc tenir compte de ces évolutions de l'AME. Il faut s'interroger sur le caractère incitatif de l'intégration de cette AME parmi les indicateurs de précarité entrant dans le calcul des dotations versées au titre des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC). Je pense que c'est une fausse piste : pourquoi reprocher aux hôpitaux d'être exhaustifs dans la facturation des dépenses d'AME ?
On peut se demander, en revanche, s'il ne serait pas plus pertinent et moins onéreux de calculer l'AME sur la base des groupes homogènes de séjour (GHS) plutôt que des TJP.
Quoi qu'il en soit, une participation financière des bénéficiaires s'impose et je l'envisage pour 2011. Avec François Baroin, nous avons demandé une étude conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) pour aller plus loin.
Autre dépense majeure en 2009 : nos efforts pour affronter la pandémie de grippe A (H1N1). Pour ce faire, nous avons doublé, par rapport à l'autorisation initiale, les crédits du programme « Prévention et sécurité sanitaire ». La grippe A (H1N1) explique également le dépassement de 100 millions d'euros de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) hospitalier - ce qui atteste d'ailleurs de la gravité d'un virus qui a nécessité des hospitalisations lourdes.
Les coûts de la campagne vaccinale s'établissent ainsi : 334,17 millions d'euros pour l'achat des vaccins, y compris les 11 millions d'euros de dons à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ; 48 millions d'euros d'indemnisations aux laboratoires pharmaceutiques. Nous finalisons enfin de façon fiable tous les chiffres de dépenses d'achat de matériel de vaccination, de personnels et de mise en place de la traçabilité et de la pharmacovigilance.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial pour la santé. - Le collectif de décembre 2009 a ouvert 404,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 484,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP) au titre des dépenses supplémentaires liées à la grippe A. Ces crédits étaient destinés d'une part à indemniser les personnels de santé réquisitionnés à hauteur de 50 millions d'euros et, d'autre part au financement des vaccins à hauteur de 354,3 millions d'euros en AE et 434,9 millions d'euros en CP.
Or, selon le rapport annuel de performances, l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), chargé de l'achat des vaccins, n'a reçu qu'une dotation supplémentaire de 252,4 millions d'euros en AE et 333,86 millions d'euros en CP pour l'achat de vaccins. Près de 100 millions d'euros, en AE comme en CP, n'ont donc pas été versés à l'EPRUS. Ce non-versement s'explique-t-il par la résiliation d'une partie des contrats passés avec les laboratoires ? Ces crédits seront-ils annulés ou serviront-ils à indemniser les laboratoires ? Pouvez-vous, à cet égard, faire le point sur les négociations menées avec les entreprises pharmaceutiques ? Y a-t-il un risque de contentieux sur cette question ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Sur les crédits ouverts en collectif pour la grippe A, les dépenses se sont réparties ainsi : 50 millions d'euros en AE et CP pour la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) - ce sont les dépenses de personnel ; 1,9 million d'euros en AE et CP pour l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et sa campagne d'information. S'agissant de l'EPRUS : compte tenu de l'annulation d'une partie des commandes de vaccins, les crédits ont été minorés de 100 millions d'euros en AE et de 99,137 millions d'euros en CP. Ces crédits non utilisés ne servent pas à indemniser les laboratoires. Ils sont annulés dans la loi de règlement pour 2009.
J'en viens à la question du président Arthuis sur la TCA. Cette exonération sert à inciter les complémentaires santé à contribuer à la politique de santé. Nous ne l'accordons qu'aux contrats solidaires - qui ne pratiquent pas la sélection du risque - et responsables - qui encouragent la prévention et la responsabilisation des assurés. Ce sont des contrats essentiels à notre politique de santé et cette exonération est une puissante incitation : 99,5 % des bénéficiaires de couverture complémentaire sont couverts par de tels contrats ; et cela dissuade les assureurs de proposer des couvertures trop réduites. Ce mécanisme contribue à modérer les dépenses de soin, et la participation forfaitaire joue à plein puisque les organismes complémentaires n'ont pas le droit de les financer.
Pourrait-on remplacer l'actuelle incitation fiscale par une autre mesure ? On ne peut pas obliger les contrats à être solidaires et responsables : ce serait incompatible avec les règles communautaires de libre prestation de services et de libre concurrence. Nous ne pouvons agir que par incitation fiscale et c'est pourquoi ces contrats sont exonérés de TCA. Mais ils sont assujettis à une taxe que nous avons portée à 5,9 % et qui ne s'applique qu'aux complémentaires santé. Cette contribution a exactement la même assiette que la TCA. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a par ailleurs créé une contribution exceptionnelle des complémentaires santé pour financer une partie de l'achat de vaccins.
Supprimer l'exonération reviendrait à augmenter la taxation des seuls contrats responsables et solidaires. Cela pousserait à la sélection du risque puisqu'on ne peut empêcher une complémentaire de faire des questionnaires de santé. L'exonération de TCA est la seule incitation financière dont bénéficient les contrats qui ne le font pas.
M. Jean Arthuis, président. - Et un taux intermédiaire ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Il aurait les mêmes effets négatifs. La TCA et la contribution au fonds « CMU-C » sont les deux volets complémentaires d'une même contribution. Pour l'instant, je ne suis pas favorable à une remise en cause du système actuel.
M. Jean Arthuis, président. - Et dans les autres niches fiscales ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Dans le programme 204, nous avons 240 millions d'euros d'exonération des indemnités journalières pour les affections longue durée ; 1 million d'euros d'exonérations liées à la reconversion des débits de boisson.
Dans le programme 171, nous avons 1,16 milliard d'euros pour le taux de 2,1 % appliqué aux médicaments remboursables ; 40 millions d'euros pour le taux de 5,5 % accordé aux prestations thermales ; et 5 millions d'euros pour l'exonération des revenus des médecins pour la permanence des soins en zone rurale.
Dans le programme 183 nous avons 2,2 milliards d'euros d'exonération de TCA et 500 millions d'euros d'exonération des indemnités et prestations servies aux victimes d'accidents du travail.
M. Jean Arthuis, président. - Il y a aussi la déduction du revenu imposable des cotisations retraite ou de prévoyance complémentaire, versées à titre facultatif par les non salariés et leurs conjoints collaborateurs....
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - La totalité des niches, c'est 4,8 milliards d'euros, soit quatre fois le montant des crédits de la mission !
M. Jean Arthuis, président. - Il va quand même falloir se préparer à quelques concessions...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Mais ces exonérations correspondent à des objectifs sociaux que vous partagez, monsieur le président.
M. Jean Arthuis, président. - A plusieurs reprises, notre collègue Jean-Jacques Jégou a déposé un amendement tendant à inclure les indemnités journalières dans le revenu imposable. C'était une démarche impopulaire mais vertueuse.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Le Premier ministre prône une diminution globale et intelligente des niches fiscales. Je suis sur cette ligne et je lui transmettrai vos encouragements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Comment s'est passé la mise en place des agences régionales de santé (ARS), quels redéploiements de crédits a-t-on opérés et comment se poursuivra la restructuration en 2010 ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Les ARS ont permis de regrouper pas moins de dix services de l'État et de l'assurance maladie. Et, outre les gains en efficience et en décloisonnement, il est sûr que cela aura des effets budgétaires positifs. Alors que la consommation des services déconcentrés s'est élevée à 188,4 millions d'euros en 2009, en 2010 mes services ont subventionné directement les groupements régionaux de santé publique (GRSP) et cela préfigure les futurs circuits de financement des ARS ; les crédits complémentaires alloués en région le seront directement aux ARS.
Mais je n'ai pas là les chiffres adéquats et je vous ferai parvenir une note plus complète à ce sujet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela se traduit-il par une économie ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Non, pas cette année.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il serait utile que notre commission puisse suivre cette réforme et comparer les situations, avant et après, puisque cet aspect de la RGPP doit se traduire par une diminution des équivalents temps plein travaillés (ETPT).
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Nous prévoyons une diminution de 130 ETPT par an jusqu'en 2013. Mais je vous donnerai les autres chiffres.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales de juillet 2008 a mis en évidence de graves difficultés d'organisation du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). A cette date, près de 24 000 demandes d'indemnisation étaient en instance d'instruction, ce qui représentait environ vingt mois de traitement alors que la loi impose au FIVA de faire une offre dans les six mois après que le dossier ait été jugé recevable. Seules 18 % des demandes étaient ainsi instruites dans ce délai et près de 150 000 euros d'intérêts de retard avaient été payés sur les cinq premiers mois de l'année 2008. Ce montant est en croissance rapide puisqu'il était quasi nul en 2006. En 2009, suivant les recommandations de la mission conjointe d'inspection, un « dispositif d'urgence » devait être mis en place pour traiter l'important stock de demandes simples.
Quel est aujourd'hui le nombre de dossiers en cours d'instruction ? Quel délai de traitement moyen cela représente-t-il ? Quel a été le montant total des indemnités de retard versé en 2008 et 2009 ? Le rapport IGF/IGAS mettait en avant une « construction budgétaire sensiblement perfectible ». Des améliorations y ont-elles été apportées ? En particulier, ce rapport notait que, compte tenu des incertitudes attachées aux prévisions, « certaines marges de manoeuvre ont été prises par prudence ». Le fonds de roulement prévisionnel du FIVA devrait s'élever en 2009, selon l'annexe 8 de la loi de financement pour 2010, à 275 millions d'euros. Quel est son montant définitif pour 2009 ? Quel est le montant des encours des demandes d'indemnisation en instruction ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Il y a eu des progrès dans les délais, tant dans ceux de présentation de l'offre par le FIVA à la victime que dans les délais de paiement de l'offre après son acceptation. La moyenne du délai de présentation de l'offre est passée de sept mois en 2008 à cinq mois et trois semaines à la fin 2009. Le FIVA a augmenté la productivité de ses juristes et la cellule d'urgence en charge des victimes ayant une incapacité égale à 5 % a recentré ses activités sur les pathologies les plus graves. Le délai de paiement de l'offre après acceptation est passé à deux mois et deux semaines en 2009. Les mesures de réorganisation ont permis de respecter le délai règlementaire de deux mois pour les pathologies graves et de ne le dépasser que d'une semaine pour les maladies bénignes. Le montant des indemnités de retard a été de 300 000 euros en 2008 et de 84 000 en 2009.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - Et le montant définitif du fonds de roulement pour 2009 ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - En cours d'exécution, un important besoin de financement est apparu pour l'AME et il a été décidé de transférer, comme le permet la LOLF, 2,5 millions d'euros du FIVA vers l'AME. Cela ne crée pas de difficultés pour le Fonds qui a accumulé au cours des années d'importantes disponibilités financières du fait du retard dans le traitement des dossiers. Au 15 juin 2010, nous avons un fonds de roulement de 571 millions d'euros.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial pour le sport. - L'exécution du budget 2009 montre le poids du droit à l'image collective des sportifs professionnels. Le Parlement avait voté 26 millions d'euros à cet effet, alors que l'ACOSS a fait passer ce montant à 39 millions d'euros à la fin de 2009. A cette date, l'État restait redevable de 6,4 millions d'euros au titre de l'ACOSS. La suppression de cette niche fiscale, à compter du 1er juillet 2010, soulagera à terme son budget. Cependant, dans le même temps, les niches fiscales et sociales dont bénéficient les arbitres semblent monter en puissance et s'élèvent respectivement à 15 et 32 millions d'euros. Qu'envisage-t-on pour maîtriser le coût de ces avantages ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Je pensais n'être interrogée aujourd'hui que sur la mission Santé. Je vous répondrai par écrit. Mais merci d'avoir rappelé que j'étais aussi ministre des sports....
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - Le rapport annuel de performances de la mission Santé indique que durant la crise de la grippe A, « l'EPRUS a confirmé le bien fondé de sa création dans la gestion d'une menace sanitaire en jouant un rôle clé dans l'achat et la distribution des produits et matériels de santé sur l'ensemble du territoire français ».
Je n'en suis pas convaincu. D'une part l'EPRUS n'a pas, contrairement à l'objectif affiché lors de sa création, résolu toutes les difficultés rencontrées auparavant par la Direction générale de la santé : les travaux de la commission d'enquête du Sénat, dont je suis membre, montrent certaines insuffisances dans la rédaction des contrats passés avec les laboratoires. D'autre part, le rôle de l'EPRUS a finalement été très limité : les commandes de masques ont été passées par le biais de l'Union des groupements d'achat public ; et, pour les vaccins, les négociations avec les laboratoires ont surtout été menées en amont par vos services, l'EPRUS n'ayant pas été consulté sur le calibrage des commandes ; enfin, c'est le Comité économique des produits de santé qui a, semble-t-il, joué un rôle important en ce qui concerne les prix et les clauses de responsabilité des industriels. Au final, le rôle de l'EPRUS a été celui d'un simple logisticien, ce que reconnaît son directeur général. Par ailleurs, il ne gère ni les stocks détenus par les différents ministères dans le cadre de leur plan de continuité, ni les stocks des collectivités territoriales.
Dans ces conditions, la création d'une nouvelle agence dans le dispositif déjà complexe de gestion de la sécurité sanitaire était-elle justifiée ? Si le rôle de l'EPRUS est réduit à celui de logisticien, pourquoi ne pas envisager une mutualisation avec le ministère de la défense qui gère ses propres stocks ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Vous m'avez adressé au nom de la commission des finances un rapport sur l'EPRUS et, si je suis d'accord avec certains de vos constats - sur la coopération interministérielle, sur les conditions de stockage, sur le statut du stock stratégique -, vos conclusions appellent de ma part davantage de réserves car elles ne tiennent pas compte de la mise en place de l'optimisation des stocks élaboré par l'Établissement, ni du nouveau logiciel Partéor de gestion des médicaments et des matériels. Au final, j'observe le caractère vertueux de la convention CNAMTS/ACOSS/EPRUS. Cet établissement a été extrêmement précieux dans cette période, même s'il est perfectible. Si le Gouvernement a pu acheter si rapidement du matériel dès le début de la pandémie, c'est grâce à lui. C'est un outil de gestion des crises sanitaires qui a montré son utilité et qu'il faut conserver tout en l'améliorant. Pour ce faire, je suis à l'écoute de toutes les préconisations issues des retours d'expérience de la pandémie de H1N1.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - La loi de financement pour 2009 a profondément révisé le mode de financement du Fonds de financement de la couverture médicale universelle-complémentaire (CMU-C) : la contribution versée par les organismes complémentaires a été relevée de 2,5 à 5,9 %, ce qui a permis à l'État de ne pas verser de subvention d'équilibre en 2009, le fonds étant excédentaire. Afin de compenser une partie des dépenses de CMU-C supportées par la CNAMTS, la loi de financement pour 2009 avait aussi prévu le reversement à celle-ci de tout ou partie de l'excédent cumulé du fonds constaté fin 2008, soit 83 millions, ce qui a été fait. Cependant, malgré ce reversement, le fonds affiche de nouveau un excédent de 101 millions à la fin de 2009. Cet excédent sera-t-il, comme en 2009, reversé à la CNAMTS ou sera-t-il conservé par le fonds, compte tenu de deux éléments qui accroitront vraisemblablement ses dépenses en 2010 : l'impact de la crise sur le nombre de bénéficiaires et le plein effet de mesures nouvelles de revalorisation ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Nous allons prendre un arrêté de réaffectation de 101 millions à la CNAMTS. L'excédent sera encore de 120 millions à la fin de 2010 car les recettes du Fonds sont dynamiques.
Il faudra faire parvenir toutes vos questions à mon cabinet et j'y répondrai dans un délai bref afin de respecter celui qui vous est imposé pour l'examen du projet de règlement. Je répondrai notamment à la question de M. Marini sur les ARS.
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat
Enfin, la commission procède à l'audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.
M. Jean Arthuis, président. - Cette série d'auditions doit nous permettre de connaître les marges de manoeuvre du Gouvernement dans la perspective de la prochaine loi de finances, s'agissant notamment des crédits d'intervention et des niches fiscales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je vous interrogerai d'abord, monsieur le ministre d'Etat, sur le programme « Infrastructures et services de transports » et l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Les dépenses fiscales associées à ce programme se sont élevées en 2009 à 734 millions d'euros au lieu des 660 millions prévus. Il semble que la différence soit due au remboursement d'une fraction de TIPP sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. - L'AFITF est devenue le premier financeur des infrastructures de transport terrestre et maritime. Son budget, de 2,471 milliards d'euros en 2009, se monte cette année à 2,277 milliards. Les recettes se répartissent de la manière suivante : le produit des redevances domaniales des sociétés concessionnaires d'autoroutes - 185 millions -, celui de la taxe d'aménagement du territoire - 535 millions -, une fraction des amendes forfaitaires des radars automatiques - 150 millions - et la subvention d'équilibre versée par l'Etat. En 2010, cette subvention devrait s'élever à 915 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 331 millions au titre du plan de relance. L'Agence devra puiser 561 millions dans son fonds de roulement. Cet argent sert à financer l'amélioration du réseau ferroviaire existant, aujourd'hui très vétuste, la création de nouvelles lignes et les études préalables au creusement du canal Seine-Nord.
Au cours des prochaines années, le Gouvernement proposera au Parlement de stabiliser la subvention budgétaire autour d'un milliard d'euros. Les droits d'entrée des concessionnaires rapporteront 400 millions, et l'éco-redevance poids lourds 880 millions à partir de 2012. A terme, nous envisageons un relèvement des redevances domaniales des concessionnaires pour tenir compte des avantages liés à l'entrée en vigueur de la redevance poids lourds, pour un montant de 200 millions d'euros.
M. Jean Arthuis, président. - Quand la redevance poids lourds entrera-t-elle en vigueur ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Nous avions prévu qu'elle s'appliquerait dès 2011, mais nous misons désormais sur le milieu de l'année 2012.
Je ne peux vous éclairer, monsieur le rapporteur général, sur les raisons de l'écart de 100 millions d'euros entre les dépenses fiscales prévues et constatées. Je vous adresserai une note à ce sujet.
M. Jean Arthuis, président. - Ces niches sont-elles pérennes ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - N'oublions pas que le secteur est appelé à contribuer au budget de l'Etat par le biais de la taxe poids lourds.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale pour les crédits consacrés à l'écologie. - Alain Lambert, qui n'a pu nous rejoindre, voulait vous interroger sur l'endettement de Réseau ferré de France (RFF), qui ne diminue pas, alors que cette entreprise doit effectuer d'importants investissements.
M. Jean Arthuis, président. - C'est d'autant plus inquiétant que les comptes de RFF sont équilibrés par des crédits budgétaires d'intervention, appelés à baisser de 10 %, si j'ai bien compris les intentions du Président de la République et du Premier ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - La convention que nous avons signée avec RFF prévoit le retour à l'équilibre d'ici 2013, grâce à la maîtrise des coûts commerciaux. Il s'agit d'une activité « à bosse », où les périodes de surinvestissement alternent avec des périodes de moindres dépenses. L'état actuel du réseau nécessite des investissements et réduit en même temps l'offre commerciale, ce qui explique le déficit.
L'Autorité de régulation des activités ferroviaires a pour vocation d'optimiser les fuseaux, afin d'augmenter les recettes commerciales sans rehausser les tarifs.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Il est prévu d'augmenter le péage sur certains sillons. En conséquence, la SNCF envisage de ne plus exploiter certaines lignes province-province, alors que des sommes considérables ont été dépensées pour les construire. Comment éviter cet effet pervers ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - J'ai eu récemment une réunion avec le président de la SNCF afin de réfléchir à une meilleure articulation de l'ensemble de l'offre ferroviaire, y compris du transport de marchandises - les lignes TGV seront bientôt ouvertes au fret. Le problème ne tient pas tant au tarif d'utilisation des sillons qu'à l'usage des rames et des fuseaux : les moyens de transports sont mal coordonnés, et certains trains roulent à peu près vides. Je plaide pour une meilleure concertation entre les opérateurs, les usagers et les élus, notamment à l'extrémité des réseaux.
M. François Fortassin, rapporteur spéciale pour les crédits consacrés à l'aviation civile. - La Cour des comptes, dans son rapport de 2009, a sévèrement critiqué la gestion de l'Institut géographique national (IGN) : ses dirigeants, selon la Cour, n'ont aucune vision claire de son avenir et laissent déraper les coûts de fonctionnement. De plus, la frontière entre les missions régaliennes et concurrentielles de l'IGN est mal définie. Quand le contrat d'objectifs et de performances sera-t-il signé ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Je suis très attentif à ce sujet. Nous avions bien pris note des remarques de la Cour. Le contrat d'objectifs et de performance de Météo France a été signé en juin 2009, celui de l'IGN est en discussion et sera conclu dans les semaines ou les mois à venir. La subvention de l'Etat à l'IGN, de 79 millions d'euros en 2009, sera de 73 millions cette année.
M. Jean Arthuis, président. - M. Gérard Miquel, s'il avait été présent, vous aurait interrogé sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route », où l'on constate une sous-consommation chronique des crédits de paiement, liée à la signature tardive de marchés pluriannuels. Comment y remédier ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Il s'agit d'une question très technique, sur laquelle je vous adresserai une note. Le découpage des prestations, qui explique ce retard, résulte d'une obligation légale figurant dans le code des marchés publics.
M. Jean Arthuis, président. - M. Miquel s'inquiète aussi du retard pris par le projet FAETON de modernisation des fichiers du permis de conduire, dont la mise en oeuvre a pourtant été décidée par le Comité interministériel de la sécurité routière le 8 novembre 2006, conformément à une directive européenne qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2013. Le taux d'avancement du projet fin 2009 n'était que de 7 %, au lieu des 20 % prévus initialement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Je ne me souviens pas d'avoir évoqué ce sujet lors de ma récente réunion avec M. Bussereau, mais je vous répondrai par écrit.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - J'en viens à l'écologie. Où en est la mise en oeuvre du « programme stratégique 2008-2012 de l'inspection des installations classées », qui devrait s'accompagner de la création de 200 postes entre 2009 et 2011 ? Quelles sont les mesures envisagées à la suite de la tempête Xynthia ? Les missions de l'ADEME s'étant considérablement élargies, où en est-on dans le pilotage des actions dont elle a la charge ? Comptez-vous lui donner les moyens de les accomplir ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Les programmes du Grenelle mis en oeuvre par l'ADEME sont correctement financés, grâce notamment au plan de relance. Deux agences, en revanche, doivent se voir attribuer des moyens humains supplémentaires : l'Agence des aires marines protégées, puisqu'il est prévu de créer une dizaine d'aires et que chacune nécessite une nouvelle équipe, et l'ADEME. Ces nouveaux postes, en partie redéployés et résultant pour une autre partie de créations nettes, devraient être au nombre de 329. Le ministère assume ainsi les charges résultant des lois Grenelle I et II.
En revanche, il faut être attentif au coût engendré par le développement très rapide des énergies alternatives : les consommateurs contribuent à leur financement par le biais de la contribution au service public de l'électricité ; en outre, le raccordement au réseau des producteurs d'énergie intermittente pose des problèmes techniques et coûte cher, d'autant plus que les producteurs sont concentrés dans certaines zones ; enfin, dans ce domaine, la formation professionnelle reste insuffisante et les filières professionnelles trop faibles.
Les recrutements nécessaires au programme stratégique relatif aux installations classées sont compris dans les 329 emplois mentionnés. Une cinquantaine de postes ont été créés l'an dernier à cet effet.
M. Jean Arthuis, président. - Dimanche soir, le ministère doit publier une liste des établissements scolaires construits sur des sites potentiellement dangereux, par exemple en raison de la présence de résidus toxiques dans le sol. Outre le fait que cela risque de perturber la vie scolaire et de susciter des peurs, cela nécessitera des travaux d'expertise : il suffit qu'un collègue soit implanté là où jadis il y eut un garage pour que le site soit considéré comme potentiellement dangereux ! Comment concilier notre souci commun de maîtrise des dépenses publiques et l'inflation des normes liées au principe de précaution ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - La santé et la sécurité publiques sont en jeu. La collectivité nationale a d'ailleurs décidé que ces informations seraient publiées. Certes, il faut se garder d'alimenter les angoisses : notre société a tendance à n'écouter que les mauvaises nouvelles. J'étais cette semaine au salon des énergies renouvelables, et l'on aurait cru que le secteur était en crise ! Le ministère rencontre sans cesse ce genre de problèmes, qu'il s'agisse de l'état des fleuves, des sous-sols, etc.
M. Jean Arthuis, président. - Il faudrait peut-être publier un communiqué avant de divulguer la liste, afin que nos concitoyens ne s'exagèrent pas les risques présentés par ces établissements.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Merci de vos conseils. En France, nous nous obligeons à la plus grande transparence sur ces questions, au risque d'inquiéter. Il suffit par exemple que l'Autorité de sûreté nucléaire signale trois fois dans la même semaine des problèmes mineurs, qui ne représentent aucun danger, pour que tout le monde se récrie !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous ne savons pas être hypocrites, ni pratiquer le « droit mou »...
M. Jean Arthuis, président. - Ou faut-il parler du « droit doux » ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En tout état de cause, il serait souhaitable que les maires fussent informés préalablement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Je m'en assurerai.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la mission « Ville et logement ». - Dans mon département, j'ai constaté combien les parents étaient inquiets d'apprendre qu'une école avait été construite sur une ancienne décharge. Il faut donner aux collectivités les moyens de remédier à ces problèmes : dans notre cas, sans subvention de l'ANRU, rien n'aurait été possible.
La mission « Ville et logement » a consommé en 2009 des crédits supérieurs de 540 millions d'euros au plafond de la loi de programmation triennale, en raison des dépenses occasionnées par le bouclage du Fonds national d'aide au logement. Mais il existait un reliquat de dettes de 200 millions d'euros de l'année 2008. Sommes-nous sûrs qu'à la fin de 2009 une dette reconstituée n'a pas été reportée sur l'exercice suivant ? La crise n'est pas finie, et il est à craindre que les crédits inscrits en loi de finance initiale ne suffisent pas davantage cette année.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - L'insuffisance de financement s'est élevée exactement à 558 millions d'euros en 2009, mais elle ne devrait pas excéder 40 millions d'euros cette année.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - C'est une bonne nouvelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Depuis plusieurs années, la commission s'interroge sur la juxtaposition des régimes d'aide à l'accession à la propriété : déduction des intérêts d'emprunt, prêt à taux zéro, etc. Leur efficacité a-t-elle été évaluée ? Comment les réformer ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Ce que je vais dire n'engage pas le Gouvernement. Les aides à la location et à l'accession à la propriété, destinées à assurer la solvabilité des personnes logées, n'ont pas eu d'incidence notable sur l'évolution de l'offre. Le combat contre la rareté est toujours en retard sur l'évolution démographique, et les aides publiques encouragent la hausse des prix : ce n'est pas vrai dans la petite couronne parisienne ou sur les littoraux, mais c'est incontestable dans les zones en tension.
Il faut donc encourager l'offre : Benoist Apparu et moi-même avons eu une réunion à ce sujet la semaine dernière avec le Premier ministre. Faut-il créer un outil spécifique et plus simple, ou modifier les critères d'attribution des aides ? Nous ne l'avons pas encore décidé. La France est l'un des seuls pays où, depuis la crise et malgré la baisse du nombre de transactions, les prix n'ont pas chuté, ce qui s'explique non seulement par la pression démographique, mais aussi par les mesures de solvabilisation, dont le coût est considérable !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Je souhaite aussi vous interroger sur la délégation aux communes et aux EPCI des aides à la pierre. D'après le contrôleur budgétaire du ministère, la moitié des sommes déléguées restent inemployées, faute de dossiers bouclés à temps. Ceci expliquerait le décalage entre les objectifs ambitieux de financement de logements sociaux et la réalité des constructions.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'ajoute que les préfets, dans leur zèle, notifient aux collectivités plus de crédits qu'elles n'en peuvent absorber, étant donné les programmes locaux de l'habitat (PLH) ! Ce jeu de rôle est compréhensible, mais nuisible à l'ordre public. En outre il faut limiter les sommes disponibles mais inutilisées.
M. Jean-Paul Alduy. - J'ai l'impression qu'il y a plusieurs France... Dans mon département, les choses se passent tout au rebours : pour financer nos projets, nous devons quémander auprès du préfet des sommes récupérées dans d'autres départements. La délégation aux intercommunalités permet d'examiner de près les dossiers, mais dès le mois d'octobre il n'y a plus un sou en caisse. Ce problème devrait être abordé au niveau régional, et les sommes allouées revues au mois de septembre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Lorsqu'il y a cinq ans les aides à la pierre furent déléguées aux EPCI, la France construisait 33 800 logements sociaux par an, alors qu'il en aurait fallu 80 000 et même 100 000 en période de rattrapage. Interrogée par les opérateurs, la DDE se tournait vers le trésorier-payeur général, et personne n'était sûr d'obtenir à temps les fonds nécessaires : bref, le système était organisé de telle sorte que les projets ne voyaient jamais le jour. C'est pourquoi nous avons voulu conclure avec les collectivités un contrat de cinq ans, pendant lesquels elles seraient sûres d'obtenir les financements convenus : nul n'aurait désormais de prétexte pour rester inactif. D'ailleurs les pouvoirs publics locaux sont mieux à même de gérer ces dossiers.
Les fonds notifiés sont donc déconnectés de la demande immédiate, même s'ils sont normalement cohérents avec le PLH. Ils ne sont pas révisés au fur et à mesure de leur consommation : s'ils l'étaient, on retomberait dans les travers de l'ancien système. Cela n'interdit pas de faire le point à l'échéance des contrats, voire en cours d'année, au mois de septembre. La délégation des aides à la pierre nous a permis de tripler en deux ans et demi le volume des constructions, sans dépenser beaucoup plus.
M. Jean-Paul Alduy. - L'argent est désormais mieux réparti.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Le problème principal tient désormais aux différences entre les territoires : dans certaines zones les subventions passées, la loi Scellier, etc. font que les aides publiques n'ont pas d'effet notable sur la réalisation des projets, ailleurs il faudrait les augmenter considérablement.
M. Jean Arthuis, président. - Vous venez d'évoquer la loi Scellier : cette niche sera-t-elle remise en cause ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - C'est l'ensemble des aides au logement et à la construction qu'il faut revoir. Le ministère de l'écologie contribuera comme les autres à la réduction des niches fiscales, de l'ordre de 20 %. J'ai fait des propositions à ce sujet au Premier ministre et au ministre du budget, et nous y verrons plus clair d'ici l'été. Les aides fiscales constituent souvent des dépenses budgétaires décalées, et leurs effets sont payés plutôt cher.
M. Jean Arthuis, président. - Elles servent à contourner la règle de l'augmentation en zéro volume des dépenses de l'Etat. En outre elles faussent les prix : l'avantage fiscal devient un argument de vente.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Les dépenses fiscales inscrites à l'article 200 quater du code général des impôts, après avoir encouragé le décollage de certains secteurs, avaient fini par constituer un effet d'aubaine, et c'est pourquoi nous avons réduit le crédit d'impôt de 50 % à 40 %, puis à 30 %. L'effondrement du prix des panneaux photovoltaïques, par exemple, ne justifiait plus qu'on encourage fiscalement leur acquisition.
M. Jean Arthuis, président. - Le crédit d'impôt et la déduction de la base de calcul de l'ISF pour l'acquisition de panneaux photovoltaïques, assortis d'un tarif de rachat de l'électricité produite exorbitant, constituent un cocktail explosif qui favorise le gâchis de fonds publics. Un fonctionnaire international me racontait l'an dernier qu'au moment de remplacer un appareil de chauffage, il s'était vu proposer par un artisan un appareil donnant droit à une réduction d'impôt ; lorsqu'il annonça qu'il n'était pas contribuable, l'artisan voulut réviser le devis à la baisse... Encore une fois, ce genre d'artifice fausse les prix et coûte extrêmement cher à la collectivité.
M. François Fortassin, rapporteur spécial. - La dette du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » a augmenté de 174 millions d'euros en 2009, pour atteindre plus d'un milliard d'euros. Cette tendance, qui devrait se poursuivre en 2010, fait craindre une spirale d'endettement. Comment stabiliser cet endettement d'ici 2014 ? Avez-vous pris en compte les critiques sévères et les recommandations de la Cour des comptes ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - M. Bussereau a proposé des modifications de lieux, de fonctionnement et de pente d'approche des avions, qui auront une incidence sur le budget de l'Etat mais aussi sur les émissions de CO2, et plus largement sur la consommation. Il faut être prudent dans ce domaine.
En 2009, on pouvait espérer une réduction de l'endettement, mais la crise est passée par là, et le trafic a fortement chuté. Toutefois le déficit ne devrait pas excéder 97 millions d'euros en 2010 : l'amélioration est nette. Pour réformer ce secteur, une coopération européenne est nécessaire, mais aussi de profonds changements d'organisation.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - En 2009, on a rendu possible le dédoublement des commissions DALO, afin de permettre aux départements qui reçoivent un grand nombre de demandes de répondre dans le délai de six mois qui leur est imparti. Mais à ma connaissance, aucune commission ne s'est encore dédoublée. Pouvez-nous nous éclairer sur le calendrier ? Certains départements étaient hostiles à cette mesure, craignant que deux commissions ne prennent des décisions contradictoires ; mais le même problème se pose au niveau interdépartemental. Il y a urgence, car l'Etat est en faute et peut être condamné si les commissions ne répondent pas à temps !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Je vous répondrai par écrit sur ce problème qui concerne surtout l'Ile-de-France.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - En ce qui concerne les niches fiscales, j'insiste sur la nécessité de rendre notre fiscalité dynamique, et de modifier les aides lorsqu'elles deviennent moins efficaces. Naguère, il fallait encourager le développement de l'énergie photovoltaïque, aujourd'hui ce n'est peut-être plus le cas.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Nous avons supprimé les avantages fiscaux relevant de l'article 200 quater pour quatre produits sur dix environ, considérant qu'ils créaient désormais un effet d'aubaine. Quant aux tarifs, souvenez-vous de la polémique endurée par le Gouvernement il y a trois mois lorsqu'il les a modifiés... Il faut reconsidérer les aides au cas par cas, et les revoir à la baisse si nécessaire.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Que pensez-vous de l'exonération de TIPP dont bénéficient certains professionnels ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Le coût des mesures écologiques est faible, et l'écologie est même contributeur net au budget de l'Etat, si l'on tient compte de la taxe poids lourds.
M. Jean Arthuis, président. - N'oublions pas la TIPP ! D'ailleurs, la modification de la parité entre l'euro et le dollar crée un fort signal-prix et vaut toutes les taxes carbones...
M. Jean-Paul Alduy. - Vous avez évoqué une baisse de 20 % des dépenses. Comment donc fonctionnera l'ANRU ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Je me suis mal exprimé : j'ai seulement dit que le ministère de l'écologie assumerait sa part de la réduction des niches fiscales. L'ANRU n'est pas concernée.
M. Jean Arthuis, président. - Que pensez-vous de la TVA à 5,5 % pour les travaux d'amélioration dans l'ancien ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Il faut absolument préserver cette mesure, qui favorise la mixité sociale.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Nous verrons.
M. Jean Arthuis, président. - Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre d'Etat, dans votre combat contre les niches fiscales. Si l'on en crée à l'avenir, ce doit être dans le cadre de la loi de finances.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat. - Vous faites peut-être allusion à certain amendement sénatorial...
M. Jean Arthuis, président. - Nous devons nous protéger contre nous-mêmes !
Jeudi 17 juin 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement
La commission procède tout d'abord à l'audition de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, dans le cadre de la préparation du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.
M. Jean Arthuis, président. - Dans le cadre des auditions préalables au projet de loi de règlement et à la veille du débat d'orientation budgétaire, nous avons souhaité entendre plusieurs membres du Gouvernement sur leur gestion des crédits engagés dans la dernière loi de finances et les marges de manoeuvres dont ils disposent pour réduire les crédits d'intervention et les niches fiscales - mais le ministère de l'éducation nationale n'est sans doute par le premier consommateur de niches. Je vous prie d'excuser l'absence des rapporteurs spéciaux MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, empêchés.
La réduction de 10 % des crédits d'intervention concerne-t-elle le ministère de l'Éducation nationale, et dans quelles conditions ?
M. Luc Chatel, ministre de l'Éducation nationale. - Je vous rappelle tout d'abord la structure particulière de la mission « Enseignement scolaire », dont le montant s'élève à 59 milliards d'euros et qui est constitué à 94 % par des dépenses de personnel. Nous appliquons depuis 2007 la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et nous continuerons à le faire. S'agissant des crédits d'intervention, j'ai reçu il y a quelques jours la lettre de cadrage du Premier ministre, et l'objectif du Gouvernement s'applique également à mon ministère : une réduction de 10 % en trois ans, et de 5 % dès 2011.
M. Jean Arthuis, président. - A combien s'élèvent les crédits d'intervention de la mission ?
M. Luc Chatel. - A 3,2 milliards d'euros.
M. Jean Arthuis, président. - En ce qui concerne le plafond d'emplois, le rapport annuel de performance indique une légère sous-consommation de 973 équivalents temps plein travaillé (ETPT), mais la Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire, déclare que la complexité de la comptabilité ne permet pas de se prononcer sur la validité des chiffres redressés fournis par le ministère. Le contrôleur budgétaire et comptable fait état, quant à lui, d'une surconsommation de 2 575 ETPT, ce qui ne représente certes que 0,26 % du plafond d'emplois de votre ministère, mais, par exemple, 40,2 % du plafond du ministère de la Santé et des Sports ! Votre système d'information vous permet-il de connaître l'exécution du plafond d'emplois par programme et par catégorie professionnelle ?
Quels que soient les chiffres réels, il semble que le ministère ne dispose pas de marge de manoeuvre. Compte tenus des aléas liés aux départs en retraite et du remplacement d'un fonctionnaire sur deux, les résultats de gestion de l'an dernier ne font-ils pas douter de la crédibilité du plafond d'emplois pour 2010 ?
Un grand quotidien a récemment publié un document interne du ministère sur le schéma d'emplois pour les années 2011-2013. Les académies doivent identifier les leviers d'économies mobilisables. Quels sont les résultats de cette première consultation ?
M. Luc Chatel. - Pour vérifier l'exécution du plafond d'emplois, nous disposons du même outil d'information que le ministère du Budget, l'outil de décompte des emplois (ODE), et nos statistiques sont les mêmes. Le plafond d'emplois du ministère ne met pas en cause l'efficacité du service public de l'Education nationale : il y a aujourd'hui 50 000 enseignants de plus qu'au début des années 1990, et 700 000 élèves de moins. Il ne suffit pas d'augmenter constamment nos moyens pour améliorer nos résultats : la Cour des Comptes l'a clairement dit.
Pour établir le schéma d'emplois dans le respect de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, j'ai voulu passer d'une méthode dirigiste, où tout est décidé rue de Grenelle, à une méthode décentralisée, où les recteurs et inspecteurs d'académie sont chargés au niveau local d'évaluer les besoins des établissements.
M. Jean Arthuis, président. - Lors de l'examen du PLF pour 2009, il avait été décidé de sédentariser 3 000 postes de RASED, et d'améliorer la gestion des remplacements afin de gagner 3 000 autres postes. Mais en janvier 2009, le Gouvernement a dû reculer sur la sédentarisation des RASED en raison d'une vive polémique. Quant à l'Agence du remplacement, elle n'a toujours pas été créée. Ces renoncements n'ont-ils pas affecté les résultats comptables du ministère ?
M. Luc Chatel. - Ce sont 1 500 RASED qui ont été sédentarisés au lieu des 3 000 prévus. En ce qui concerne les remplacements, je n'ai pas repris l'idée de mon prédécesseur de créer une agence, mais je partage ses objectifs. Dès la rentrée prochaine, le système sera assoupli : à l'heure actuelle, les remplaçants titulaires ne peuvent être affectés qu'au sein de leur académie, même dans une région comme l'Ile-de-France où l'on compte trois académies. Désormais ils pourront franchir le périphérique ! En outre, le délai de carence de quatorze jours, pendant lequel les établissements gèrent seuls les remplacements, sera supprimé : dès le premier jour, ils pourront faire appel à l'académie. Chaque recteur a d'ailleurs nommé un responsable académique du remplacement. Enfin, dans chaque académie, une liste de contractuels remplaçants sera établie : professeurs contractuels, étudiants, voire retraités de l'éducation nationale.
M. Jean Arthuis, président. - La loi Fillon confiait aux établissements le soin de remplacer les enseignants absents pendant les quinze premiers jours. A-t-elle échoué ?
M. Luc Chatel. - Les enseignants rechignent à effectuer des heures supplémentaires pour remplacer leurs collègues.
M. Jean Arthuis, président. - Les deux systèmes coexisteront-ils ?
M. Jean Arthuis, président. - J'attire votre attention sur certaines formes d'optimisation de la domiciliation administrative.
Les dépenses de personnel auraient été bien supérieures aux prévisions sans la baisse du taux du compte d'affectation spéciale « Pensions » qui, selon le contrôleur budgétaire, a permis d'économiser 407 millions d'euros. Cet argent a servi à couvrir les besoins non budgétés liés à l'augmentation du point d'indice et au glissement vieillesse-technicité (GVT), qui ont absorbé respectivement 130 et 120 millions d'euros. Cela fait deux ans que la gestion des dépenses de personnel se dégrade. Qu'en pensez-vous, et comment comptez-vous y remédier ?
M. Luc Chatel. - En effet, le GVT n'a pas été pris en compte pour la deuxième année consécutive, ce qui a provoqué un dérapage budgétaire, mais nous avons convenu avec Bercy d'y remédier dès l'an prochain.
M. Jean Arthuis, président. - Je m'en réjouis : le budget sera ainsi plus sincère.
Il apparaît que les mesures de fongibilité asymétrique ne témoignent plus des efforts de gestion des académies, mais de dispositifs contraints comme le financement du droit d'accueil dans les écoles élémentaires et préélémentaires, ou celui de l'enseignement agricole privé. Cela traduit-il l'incapacité des gestionnaires à dégager des marges de manoeuvre, ou l'inutilité de cette procédure dans le cadre d'une mission qui comporte une faible part de crédits hors titre 2 ?
M. Luc Chatel. - La marge de manoeuvre est en effet très réduite sur le titre 2.
M. Jean Arthuis, président. - Mme Férat aurait souhaité vous interroger sur le sort du programme « Enseignement technique agricole », compris dans la mission « Enseignement scolaire ».
M. Luc Chatel. - Il faut à mon sens en finir avec le système actuel. La LOLF a regroupé dans une mission unique l'enseignement scolaire et l'enseignement technique agricole, ce qui conduit chaque année à des ajustements budgétaires de dernière minute : cette année, 30 millions d'euros et une cinquantaine d'emplois ont été transférés vers le programme « Enseignement technique agricole ». Ce programme devrait être selon moi rattaché à une mission relevant du ministère de l'Agriculture. Je suis très soucieux de l'enseignement technique agricole, comme tous nos concitoyens, mais je plaide pour une meilleure lisibilité budgétaire.
M. Jean Arthuis, président. - En d'autres termes, la greffe n'a pas pris.
M. Luc Chatel. - En effet. Le problème a été réglé pour les lycées maritimes, militaires et français à l'étranger, placés respectivement sous l'autorité des ministères de l'Ecologie, de la Défense et des Affaires étrangères, et dont les crédits figurent désormais dans des missions qui relèvent de leur ministère de tutelle.
M. Jean Arthuis, président. - Vous proposez donc de revenir à la présentation comptable antérieure à la LOLF.
M. Luc Chatel. - C'est une question de lisibilité. L'enseignement agricole revendique sa proximité avec le monde paysan et les politiques agricoles locales. Il serait donc logique de rattacher son budget à celui de l'Agriculture, tout en garantissant le montant des financements.
M. Joël Bourdin. - Je crains que M. le ministre ne soit surtout animé par des considérations financières.
M. Luc Chatel. - Je suis prêt à apporter toutes les garanties financières nécessaires. Mais il est paradoxal que l'enseignement technique agricole soit soumis à la tutelle du ministère de l'Agriculture et puise ses financements dans le pot commun de l'enseignement scolaire ! Le personnel de l'Education nationale ne le comprend pas. Les efforts doivent être partagés par tous les secteurs d'enseignement, qu'il s'agisse du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux ou de la maîtrise des crédits d'intervention.
M. Jean Arthuis, président. - Le ministère de l'agriculture s'est délesté de l'enseignement agricole sans y affecter les moyens nécessaires : ses dirigeants pensaient sans doute que le ministère de l'Education nationale, dont les effectifs sont pléthoriques, y pourvoirait aisément.
M. Luc Chatel. - Or mon ministère est caractérisé par une forte rigidité budgétaire.
M. Jean Arthuis, président. - Cependant, le retour de l'enseignement agricole dans la chapelle du ministère de l'Agriculture, contraire à la LOLF, serait très préoccupant. Ne faudrait-il pas procéder au rebours, et placer ce secteur sous la tutelle du ministère de l'Education nationale ?
M. Luc Chatel. - Cette solution susciterait bien des remous dans le monde agricole.
M. Joël Bourdin. - Et parmi les syndicats !
M. Luc Chatel. - Le Gouvernement a plutôt l'intention de rattacher l'enseignement technique agricole à la mission relevant du ministère de l'Agriculture. Naturellement, il reviendra au Parlement d'en décider.
M. Jean Arthuis, président. - Il est absurde que le directeur général de l'agriculture et de la forêt, et non le recteur, soit responsable de l'enseignement technique agricole ! En dehors des traditions et des corporatismes, rien ne le justifie !
M. Luc Chatel. - Mais nous n'avons pas l'intention de reconstituer un grand « machin » de l'éducation nationale, pour ne pas employer un autre terme bien connu... L'enseignement technique agricole est étroitement lié au monde paysan, et son rattachement au ministère de l'Agriculture satisfait ses défenseurs, y compris les élus. En revanche il n'est pas admissible que, chaque année, des crédits soient puisés à son profit, par voie d'amendements, dans la réserve supposément illimitée de l'Education nationale !
M. Jean Arthuis, président. - Je comprends votre souci. Nous reprendrons ce débat avec Mme Férat.
Depuis la mise en place du schéma d'emplois pour 2008, le ministère encourage les enseignants à faire davantage d'heures supplémentaires. Le rapport annuel ne comporte aucune information à ce sujet. Quel bilan tirez-vous de cette politique ? Quel a été l'impact budgétaire de la loi TEPA ?
M. Luc Chatel. - En 2009, les dépenses afférentes aux heures supplémentaires se sont montées à 1,270 milliard d'euros, contre 1,115 milliard en 2008. Cette hausse de 155 millions d'euros est liée à notre politique d'encouragement, à l'amélioration de la gestion des remplacements, mais aussi à la mise en place de nouveaux services comme les stages de remise à niveau pendant les vacances ou le renforcement de l'accompagnement éducatif hors temps scolaire au collège.
M. Jean Arthuis, président. - Savez-vous quelle proportion correspond à des heures supplémentaires réalisées pour remplacer des professeurs absents, dans l'esprit de la loi Fillon ?
M. Luc Chatel. - L'extension en année pleine des effets de la défiscalisation instaurée par la loi TEPA correspond à 50 000 heures supplémentaires en 2009, soit 64 millions d'euros ; le renforcement de l'accompagnement a coûté 66,5 millions et les stages 24 millions d'euros. Mais nos systèmes d'information ne nous permettent pas de savoir combien d'heures correspondent au remplacement de professeurs absents.
M. Jean Arthuis, président. - Il serait bon qu'ils le permettent à l'avenir.
Les indicateurs de performance récemment mis en place vous semblent-ils avoir diffusé l'esprit managérial parmi les recteurs et inspecteurs d'académie ?
M. Luc Chatel. - La méthode que j'ai choisie pour l'établissement du schéma d'emplois va rendre ces indicateurs encore plus utiles, puisqu'elle est fondée sur la confiance envers les recteurs et les inspecteurs d'académie. L'inspection générale des finances a constaté de fortes disparités entre les académies, qu'il s'agisse du taux d'encadrement ou de l'efficacité de la gestion. Les retours d'expérience nous aideront à améliorer la performance globale.
M. Jean Arthuis, président. - J'en viens au programme « Enseignement privé ». Certains indicateurs restent communs aux secteurs public et privé. Envisagez-vous de les rendre spécifiques ?
M. Luc Chatel. - L'identité des indicateurs est utile, car elle permet de faire des comparaisons.
M. Jean Arthuis, président. - Les écoles élémentaires n'ont pas d'existence juridique, alors que les collèges et les lycées sont dotés de la personnalité morale. On compte environ 100 000 collaborateurs des collèges et lycées qui ne sont pas recensés dans vos effectifs.
Or la décentralisation a confié des compétences accrues aux départements et aux régions. Le conseil général de Mayenne cherche à mutualiser les moyens entre les établissements scolaires de son territoire. Dans une commune importante, il a été question de permettre aux élèves d'une école de fréquenter la cantine d'un collège voisin ; mais le conseil d'administration du collège s'y est opposé, et le département n'a pas les moyens de l'y obliger, alors qu'il paie les agents de la cantine ! La mutualisation est pourtant indispensable dans la sphère publique. Ne faut-il pas donner plus de pouvoir aux collectivités locales ?
M. Luc Chatel. - La décentralisation est une invitation à la responsabilité des collectivités. Nous connaissons tous des exemples de mutualisation réussie, par exemple dans des cités scolaires où un lycée géré par la région et un collège relevant du département partagent leurs équipements sportifs et leurs services de restauration.
Le député Frédéric Reiss est actuellement chargé par le Premier ministre d'une mission sur le statut des écoles. Il conviendrait peut-être de donner un statut commun aux écoles et aux collèges. Pour ma part, je donnerai à mes équipes décentralisées l'instruction de favoriser la coopération et la mutualisation entre établissements.
M. Jean Arthuis, président. - Puissiez-vous être entendu jusqu'en Mayenne !
D'après les chiffres du ministère, la proportion d'élèves entrant en sixième après avoir redoublé a sensiblement diminué, alors que le taux de redoublement n'a connu qu'un très léger recul en CM2, est resté stable en CM1, CE2 et CP et a même augmenté en CE1. Comment expliquez-vous l'écart entre ces deux indicateurs ?
M. Luc Chatel. - Je veux y voir l'effet de la rénovation des programmes et du retour aux fondamentaux : le premier objectif est désormais la maîtrise de la lecture avant l'entrée en sixième. L'aide personnalisée de deux heures aux élèves en difficulté y contribue.
Mme Marie-Agnès Labarre. - Je voudrais revenir sur les RASED. Le projet de loi des finances pour 2009 prévoyait la disparition de 3 000 postes, soit 1 000 ETP, mais Xavier Darcos, alors ministre de l'éducation nationale, nous assurait qu'il n'était pas question de supprimer l'ensemble des postes de RASED ou de psychologue scolaire. Le plafond d'emplois pour le premier degré était de 318 912 ETP. Une vaste mobilisation obligea le Gouvernement à reculer : il s'engagea à ne supprimer que 1 500 postes, soit 500 ETP. Malgré cela, le plafond d'emplois pour 2010 est resté identique. Dans le cadre du schéma d'emplois 2010-2011, l'une des mesures envisagées pour respecter les orientations de la RGPP serait de supprimer l'ensemble des emplois spécialisés, maîtres G, psychologues et RASED ; on peut donc raisonnablement douter des engagements pris. Je vous demande donc combien de postes de RASED ont été effectivement supprimés en 2009, et si vous tiendrez votre promesse de mettre fin à cette hémorragie.
M. Luc Chatel. - Je vous confirme que 1 500 postes ont été, non pas supprimés mais sédentarisés. Il n'est pas question de faire disparaître l'ensemble des enseignants spécialisés.
M. François Trucy. - Je me félicite que nous ayons désormais l'occasion d'interroger le Gouvernement lors de la préparation de la loi de règlement, et non plus seulement au moment du projet de loi de finances initiale.
Votre expérience au ministère vous a-t-elle permis de constater que les pays voisins connaissaient les mêmes difficultés dans le domaine scolaire ?
Êtes-vous inquiet pour l'avenir des lycées français à l'étranger, qui sont au service du 1,5 million de Français expatriés, auxquels s'ajoutent les francophones locaux ?
M. Luc Chatel. - Votre première question mériterait à elle seule une audition. Depuis un an, j'ai rencontré beaucoup de mes homologues, et j'ai été frappé du fait que dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, les problèmes sont les mêmes. Tout d'abord, l'ensemble des pays développés s'efforcent de rehausser le niveau général des connaissances, car le diplôme est aujourd'hui un rempart contre la précarité et le chômage : les jeunes diplômés ont trois fois plus de chances que les autres de trouver un emploi. Corrélativement, nous sommes tous confrontés au défi de la massification. C'est aujourd'hui que commencent les épreuves du baccalauréat, qui concerne désormais les deux tiers d'une classe d'âge, contre un cinquième il y a 25 ans. A Lisbonne, les pays européens se sont engagés à ce que la moitié de leur jeunesse parvienne au niveau bac + 3. Cela augmente l'hétérogénéité des classes, et nous oblige à personnaliser l'enseignement, conformément aux recommandations de la Cour des Comptes. L'État doit fixer des garanties nationales, mais les acteurs locaux doivent jouir d'une certaine autonomie afin de concentrer les efforts là où ils sont nécessaires.
Quant aux lycées français à l'étranger, ils relèvent du ministère des Affaires étrangères - si ce n'est que mon ministère leur vient en aide par le biais du Cned -, mais je n'ai eu vent d'aucune inquiétude particulière.
M. Joël Bourdin. - Le baccalauréat coûte cher : il concerne désormais 600 000 élèves, et entraîne des frais importants pour préparer les sujets, surveiller les épreuves, corriger les copies, réunir les jurys, etc. En outre, il conduit les établissements à fermer pendant la plus grande partie du mois de juin et les élèves sont livrés à eux-mêmes. A quoi sert un examen où 83 % des candidats sont reçus ? Les professeurs seraient bien capables de dire qui, dans leur classe, a le niveau requis.
M. Luc Chatel. - Je ne partage pas du tout votre analyse. Le baccalauréat, principal examen national, ne coûte que 79 euros par élève, soit au total 60 ou 70 millions d'euros, sur un budget de 59 milliards.
M. Joël Bourdin. - Y incluez-vous les économies externes ?
M. Luc Chatel. - Il sanctionne la fin des études secondaires, et c'est aussi le premier grade universitaire. Grâce à mon prédécesseur, M. Darcos, la reconquête du mois de juin a été entreprise dans les établissements : dorénavant les cours durent au moins deux semaines de plus, ce qui permet de réaffecter 500 millions d'euros à des dépenses d'enseignement.
Le baccalauréat est plus qu'un symbole. S'il était bradé...
M. Joël Bourdin. - Il l'est !
M. Luc Chatel. - ... les entreprises n'en feraient pas une condition d'embauche.
Je suis d'ailleurs très attaché au caractère national de l'examen et à l'anonymat des copies. Les études montrent que les enseignants surnotent d'au moins deux points les élèves qu'ils connaissent.
M. Jean Arthuis, président. - La question reste entière : le taux de réussite constitue-t-il un indicateur de performance ?
M. Joël Bourdin. - Pour ma part, je fais confiance aux enseignants : s'ils sont chargés de décider par le biais du contrôle continu qui a le niveau requis pour entrer à l'université, leur notation sera plus stricte.
M. Luc Chatel. - L'expérience prouve le contraire. D'ailleurs, un examen national empêche toute distorsion entre élèves et établissements.
Mme Françoise Cartron. - Vous avez annoncé une baisse de 5 % des dépenses : tient-elle compte de l'intégration du GVT ?
Dans l'enseignement agricole, la carte des formations est établie sous l'autorité du directeur régional de l'agriculture et de la forêt, et ne tient pas compte de l'offre existante dans les lycées professionnels et technologiques, au risque d'alimenter la concurrence. Ne faudrait-il pas en modifier les règles ?
M. Luc Chatel. - J'ai annoncé une baisse de 10 % en trois ans et de 5 % l'an prochain des crédits d'intervention : elle ne concerne pas les dépenses de personnel. Il est d'ailleurs probable que le budget global de la mission sera en légère hausse.
Lors de mon audition devant la commission de la culture, cette semaine, j'ai dit à Mme Férat que j'avais à coeur de rendre la carte des formations plus cohérente, grâce au travail en amont. La réforme du lycée a déjà permis d'améliorer l'orientation des élèves, en créant des passerelles et des possibilités de réversibilité. Avec l'aide de l'Onisep, nous avons créé des plateformes d'information plus interactives.
M. Jean Arthuis, président. - Monsieur le ministre, nous vous remercions.
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Audition de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer
La commission procède ensuite à l'audition de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, dans le cadre de la préparation à l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.
M. Jean Arthuis, président. - Merci, madame la ministre, d'avoir répondu à notre invitation. Nous voudrions vous entendre sur l'exécution de votre budget en 2009 afin de mieux aborder le débat d'orientation des finances publiques pour 2011. Pour ce faire, nous porterons particulièrement notre attention sur les dépenses d'intervention et sur les dépenses fiscales.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer - Avant de répondre à vos questions, je voudrais rappeler le contexte dans lequel a été exécuté le budget de 2009. Il a fait suite à une importante crise outre-mer qui a nécessité de prendre certaines mesures nouvelles dans le cadre de la loi de développement économique de l'outre-mer (LODEOM).
M. Jean Arthuis, président. - Nous l'avions à l'esprit car, dans ce contexte, le Sénat avait conduit outre-mer une mission présidée par M. Doligé.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Quels ont été les crédits affectés à l'outre-mer dans le cadre du plan de relance ?
Mme Marie-Luce Penchard. - La mission « Outre-mer » a bénéficié de 145 millions d'euros - contre les 40 millions d'euros prévus en loi de finances initiale - pour le Fonds exceptionnel d'investissement de l'outre-mer, et de 20 millions pour le logement.
M. Marc Massion, rapporteur spécial. - Un des sujets qui fâchent le plus, outre-mer, c'est le prix des carburants. En 2009, un crédit de 90 millions avait été ouvert en cours d'année pour indemniser les pétroliers des conséquences de la baisse de prix. Était-ce exceptionnel ou cette indemnisation a-t-elle vocation à se renouveler les autres années ?
Mme Marie-Luce Penchard. - Le prix des carburants avait été à l'origine de la crise de 2009. Cela pose le problème de l'approvisionnement de l'outre-mer, en particulier aux Caraïbes et en Guyane. La décision d'indemniser les pétroliers a été prise par le ministère des Finances et Christian Estrosi a confirmé que l'État paierait ce qu'il doit pour 2009. Pour l'avenir, j'ai confié une mission à l'Agence nationale pour les conditions de travail (ANACT) dont le rapport me sera transmis à la fin du mois et les présidents de Guadeloupe, Martinique et Guyane doivent se prononcer ces jours-ci sur l'avenir de la Sara, l'objectif étant qu'on retrouve un prix économique qui corresponde à la réalité des coûts.
M. Jean Arthuis, président. - Cela allègera-t-il la dépense publique ?
Mme Marie-Luce Penchard. - Oui, l'objectif est qu'on n'ait plus à indemniser les pétroliers.
M. Éric Doligé. - En matière de logement social, malgré la mobilisation des crédits ouverts et ceux du plan de relance, le ministère n'a pas atteint les objectifs fixés. Pourrait-on accélérer les procédures ou bien y a-t-il trop de crédits inscrits par rapport aux projets ?
Mme Marie-Luce Penchard. - A considérer seulement les chiffres, on pourrait penser que les objectifs ne sont pas atteints mais, en réalité, le nombre de logements construits est passé de 5 500 à 6 000. On a eu moins de logements dus à la défiscalisation mais comme, par ailleurs, on a amélioré les paramètres de la LBU, on a pu prendre en compte un nombre plus important de logements. Depuis 2007, le nombre de logements financés ne cesse d'augmenter. Et le taux d'engagement est meilleur maintenant qu'auparavant.
M. Éric Doligé. - D'après certains entrepreneurs ultramarins, la loi Scellier n'aurait pas de succès outre-mer parce que le différentiel d'avantage par rapport à la métropole n'est que de 15%.
Mme Marie-Luce Penchard. - D'une façon générale, lorsqu'on importe outre-mer un dispositif incitatif de la métropole, il faut veiller à ce que le différentiel soit suffisant pour être attractif. Sur l'efficacité de la loi Scellier, on est un peu inquiet mais il est encore un peu tôt pour se prononcer ; l'année 2010 permettra de tirer des conclusions plus fiables.
M. Jean Arthuis, président. - Il serait bon, sans diminuer l'avantage du Scellier d'outre-mer, d'accentuer le différentiel avec celui de métropole. Et il serait encore mieux, pour la bonne gestion de nos finances, d'abaisser les deux simultanément.
Mme Marie-Luce Penchard. - Je préfèrerais qu'on ne baisse que celui de métropole... Cela dit, dans le cadre de la Lodeom, le gouvernement a plutôt voulu mettre l'accent sur le logement social.
M. Jean Arthuis, président. - Ce n'est pas une mauvaise idée car beaucoup de logements outre-mer ont été construits qui ne correspondaient pas aux besoins de la population.
Mme Marie-Luce Penchard. - On a voulu répondre à la demande du secteur du bâtiment et, comme le Scellier existait en métropole, il a été importé outre-mer.
M. Jean Arthuis, président. - On a peut-être décidé un peu vite d'instituer le Scellier en métropole... Quoi qu'il en soit, nous n'aurons pas les moyens de le prolonger très longtemps.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - J'ai récemment rencontré les responsables d'une mission chargée d'étudier la tarification bancaire : leurs propositions me semblent timides s'agissant de l'outre-mer, où les tarifs pratiqués sont exorbitants, en moyenne triples de ceux de métropole. Il faut dire qu'ils n'ont pas eu le temps ni les moyens d'en rechercher les causes, la mission n'ayant été que tardivement étendue à l'outre-mer. Mais il faudra aller plus loin, c'est essentiel pour nos concitoyens comme pour l'activité économique. Ont cours chez nous des pratiques qu'il faut pénaliser. J'ai interrogé à ce sujet le directeur de BNP-Paribas et j'espère, madame la ministre, que vous me soutiendrez dans ce combat.
Mme Marie-Luce Penchard. - La question de la tarification bancaire mérite en effet d'être approfondie. La situation est très différente d'un territoire ultramarin à l'autre. Dans le cadre de la relance nous devons travailler cette question avec les banques. Mais n'oublions pas que les outils existants ne sont pas suffisamment utilisés. C'est pourquoi nous travaillons avec les chambres de commerce et d'industrie sur le guichet unique ; il faut mieux utiliser le dispositif Oseo et réfléchir au rôle de l'Agence française de développement. Ce faisant, on soutiendra l'investissement des entreprises.
M. Marc Massion. - La LODEOM est votée depuis un an et certaines mesures d'application ne sont pas encore prises. Seront-elles efficaces dès 2010 ?
Mme Marie-Luce Penchard. - Aujourd'hui, tous les décrets sont pris sauf deux. L'un, sur la continuité territoriale, attend encore un feu vert communautaire, l'autre, sur l'aide au fret, sera finalisé très prochainement. Il faut dire que, les autres ayant été publiés seulement en fin d'année, les effets de la LODEOM ne seront sensibles qu'en 2011. Mais il faut aussi prendre en considération l'effet de la crise et d'une considérable perte de confiance, même si certains clignotants sont encourageants. Nous avons pris un à deux mois supplémentaires pour rédiger les décrets afin d'entendre les professionnels car, la crise ayant amené à amender fortement la LODEOM, il fallait procéder à de nombreux ajustements.
M. Éric Doligé. - En Nouvelle-Calédonie j'ai constaté que les banques engrangeaient des résultats scandaleusement élevés : c'est là qu'ils sont les meilleurs pour les banques françaises. Pour les particuliers comme pour les entreprises, les frais bancaires sont à une hauteur inimaginable. Le coût mensuel de la tenue de compte d'un particulier s'élève à 80 ou 100 euros. On m'en a donné une explication un peu gênée, d'après laquelle les taux élevés et les facturations coûteuses seraient dus à l'insuffisance de ressources locales qui obligerait ces banques à se refinancer auprès de leurs maisons mères, lesquelles leur font payer des taux astronomiques.
M. Jean Arthuis, président. - L'an dernier les banques européennes ont reçu de la BCE 400 milliards de liquidités ! Les frais bancaires dont vous parlez sont donc injustifiés. Peut-être sont ils aussi dus aux salaires des banquiers qui, comme ceux des fonctionnaires locaux, sont supérieurs à ceux de leurs collègues de métropole ?
Mme Anne-Marie Payet. - On nous a en effet avancé que la sur-rémunération causait un surcoût. On m'a aussi dit que le risque outre-mer était plus important, sans autre précision.
Mme Marie-Luce Penchard. - Les conventions collectives sont elles aussi différentes.
M. Jean Arthuis, président - Il faut les remettre en cause !
M. Éric Doligé. - Il y a sur-rémunération, comme dans toutes les banques, mais il y a aussi des profits énormes ! Les plus gros sont réalisés en Nouvelle-Calédonie où, précisément, les risques de non-paiement sont faibles.
M. Jean Arthuis, président - La fiscalité du territoire n'en fait-il pas un espace privilégié ? L'impôt sur les sociétés n'est pas le même qu'en métropole et il est tentant d'aller faire des bénéfices là où l'impôt est faible.
M. Éric Doligé. - Il me faudrait prendre le temps d'aller étudier plus profondément la question.
Mme Anne-Marie Payet. - Outre-mer, les banques sont considérées comme des filiales internationales ; d'où des frais en conséquence. Lorsqu'on ouvre un compte en métropole et que vous donnez une adresse fiscale à La Réunion, l'ordinateur vous réclame une « adresse en France ». C'est donc que La Réunion n'est pas considérée comme étant en France...
M. Jean Arthuis, président. - Il faudrait faire une mission d'information sur les banques outre-mer.
Mme Anne-Marie Payet. - C'est indispensable.
M. Éric Doligé. - En plus, le franc Pacifique est l'occasion de se servir au passage ...
J'en viens à la LODEOM et à son évaluation, et à l'évaluation de toutes nos politiques spécifiques à l'outre-mer. Il nous est très difficile de mesurer leur impact sur le logement par exemple, ou sur l'emploi. En l'occurrence, qu'en est-il de l'efficacité et du coût de la LODEOM ?
Mme Marie-Luce Penchard. - Le comité d'évaluation prévu dans la loi est en train d'être mis en place, le décret est à la signature. Il nous faut aussi évaluer l'efficacité de la défiscalisation. Je travaille avec Bercy sur un protocole d'échanges d'informations. Dès mars, j'ai envoyé une circulaire à tous les territoires pour qu'on y évalue pour commencer sur des échantillons, les investissements déjà réalisés et leur impact. Cela afin de préparer l'évaluation globale.
M. Marc Massion, rapporteur spécial. - Combien coûtera en année pleine le dispositif de zones franches d'activités ?
Mme Marie-Luce Penchard. - C'est difficile à évaluer car cela dépendra de la dynamique. Le texte dit qu'il faut concentrer l'effort sur le tourisme, les nouvelles technologies, les énergies renouvelables. Mais cette LODEOM n'a pas encore produit ses effets, les décrets étant parus seulement fin 2009. Lorsqu'elle a été votée, on savait déjà que l'impact des zones franches et des secteurs prioritaires ne serait sensible qu'à partir de 2011 et 2012.
M. Éric Doligé. - La LODEOM, en modifiant nos politiques ultramarines, a un coût mais elle permet aussi des économies. Pouvez-vous faire la balance entre les deux ?
Mme Marie-Luce Penchard. - L'effort fait sur les zones prioritaires est compensé par la réorientation de la loi Girardin et de la défiscalisation vers le logement social. Et surtout, l'exonération des charges sociales a été réformée avec l'instauration d'un principe de dégressivité qui permet d'importantes économies. Mais la survenue de la crise a minoré l'effet de cette dégressivité.
Mme Anne-Marie Payet. - Le nombre de logements construits en 2009 n'est pas à la hauteur des objectifs. Quels sont le coût et l'efficacité des dispositions de la LODEOM en matière de défiscalisation pour le logement social ?
Par ailleurs, je salue, madame la ministre, votre détermination à régler le problème de l'indivision outre-mer : vous avez confié une mission à un expert qui ira en Corse étudier si les dispositions locales sont transposables à l'outre-mer.
Mme Marie-Luce Penchard. - Si, à l'enveloppe de la LBU, on ajoute les crédits du plan de relance, on note une progression du nombre de logements construits, passés exactement de 5 543 à 6 026 en 2009, ainsi que des réhabilitations passées de 4 400 à 5 000. On a en effet amélioré les paramètres de la LBU. Quant à la défiscalisation, elle a augmenté, notamment à La Réunion - où l'enveloppe a doublé. Donc, malgré la crise de 2009, le nombre de logements financés outre-mer a doublé.
M. Marc Massion. - Les dépenses fiscales s'élèvent outre-mer à 3,6 milliards en 2010. Seront-elles « rabotées » en 2011 ?
M. Jean Arthuis, président - Un collègue ultramarin nous a dit que le problème, dans son territoire, était la dimension des aires de stationnement pour les voitures de tourisme parce que des opérateurs, ici en métropole, organisaient méthodiquement la collecte de fonds pour échapper à l'impôt. D'où l'arrivée de nombreuses voitures en outre-mer où le marché n'est pas évident... Il faudrait aller voir ce qui se passe ici en métropole à cet égard. Pourrait-on imaginer que les commissions perçues par les monteurs d'opérations ne soient pas prises en compte dans la défiscalisation ?
Mme Marie-Luce Penchard. - Lorsqu'a été décidé le plafonnement à 45 000 euros, on avait évoqué la question des commissions des cabinets de défiscalisation. Mais ceux-ci permettent aussi la collecte de fonds nécessaires à d'importantes réalisations, dans le transport aérien par exemple. Certes, il faut poser la question des niches fiscales outre-mer, mais tout en gardant à l'esprit l'important effort réalisé avec la LODEOM, et avec la réorientation de la loi Girardin. Au total, en 2013, le gain sera de 119 millions. Il ne faut pas que le « rabot » rende les dispositifs inopérants. Par exemple, le Fonds d'investissement de proximité ne fonctionne plus. Il faut donc réfléchir outil par outil et secteur par secteur, et ne pas appliquer le rabot à toute l'outre-mer.
M. Jean Arthuis, président. - Par exemple, vous avez une TVA déductible, « non perçue, récupérable » !
Mme Marie-Luce Penchard. - Cela a été réformé et on a récupéré 60 millions d'euros.
M. Jean Arthuis, président. - Vous allez continuer ?
Mme Marie-Luce Penchard. - Nous avons aussi le devoir de soutenir une économie fragile, avec des handicaps et un marché étroit, car il ne faudrait pas, faute d'emplois, en arriver à augmenter le nombre d'assistés, de bénéficiaires du RSA et des minima sociaux. Il faut donc trouver la bonne articulation entre le soutien à cette économie et la correction d'effets d'aubaine. Un effort a été fait sur le logement et cela n'a pas été facile car le secteur du bâtiment a souffert de cette réorientation. En plus il n'y a plus de grands projets et, de ce fait, La Réunion a perdu 7 000 emplois en un an. Il faut donc veiller à préserver le tissu des PME et TPE.
M. Jean Arthuis, président - L'impôt sur le revenu est réduit de 30 % aux Antilles et à La Réunion, et de 40 % en Guyane. Pour les gros revenus, cela n'a pas grande justification... Votre ministère cumule les niches fiscales. Ne serait-il pas préférable d'avoir plutôt des crédits budgétaires qui permettent à la puissance publique de mieux orienter les moyens publics ?
Mme Marie-Luce Penchard. - Ce n'est pas l'orientation de la LODEOM, votée il y a seulement un an. La LBU est restée au même niveau et, pour favoriser le logement social, on s'est appuyé sur la défiscalisation !
M. Jean Arthuis, président - Tout de même, l'équipement hôtelier financé à coups de déductions fiscales, les bateaux, les aéronefs, les voitures de tourisme ! Extraire de la défiscalisation les commissions des intermédiaires serait une première mesure de régulation...
Mme Marie-Luce Penchard. - En matière de transport aérien, il faut veiller au respect de la continuité territoriale et au prix des billets. Pour la desserte de la Guyane, par exemple, c'est grâce à la défiscalisation que la concurrence existe, avec des prix accessibles pour les Guyanais.
M. Éric Doligé. - Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle entre cette « TVA non perçue récupérable » et le fait que, en métropole, nous attendons deux ans que l'État nous rembourse une TVA payée...
Le montant des avantages fiscaux, 3,1 milliards, est supérieur au budget de votre ministère et nous n'avons aucune évaluation sérieuse de leur efficacité ! Or il y a là de vrais effets d'aubaines. Je sais bien que c'est Bercy qui décide...
On m'a dit que La Réunion était le département français où le nombre de véhicules par habitant est le plus élevé et le parc le plus jeune. C'est en Nouvelle-Calédonie qu'on trouve le plus grand nombre de Porsche Cayenne par habitant... Cela vaut la peine d'aller regarder de plus près l'efficacité des 3,6 milliards d'avantages fiscaux accordés en 2010, pour les concentrer là où ils seraient utiles. Certains de ces avantages ne sont que spéculatifs.
M. Jean Arthuis, président - Les 4/4 sont-ils des investissements professionnels ?
Mme Marie-Luce Penchard. - On y verra plus clair quand le Comité d'évaluation sera en place car il ne faudrait pas stigmatiser un ensemble de mécanismes à partir de seulement quelques cas. Sur 1,4 milliard d'investissements productifs, 700 millions sont attribués de plein droit aux PME, et les autres 700 millions sont attribués sous agrément : la moitié de ces attributions sont inférieures à 2 millions et 7,5 % supérieures à 20 millions. Le ministère a la volonté de corriger les effets d'aubaine et j'ai envoyé ma circulaire de mars pour savoir si les investissements avaient eu un impact sur les entreprises ayant obtenu l'agrément.
M. Éric Doligé. - Ces 3,6 milliards d'euros ne me gêneraient pas si j'étais sûr de leur efficacité.
M. Jean Arthuis, président - Le lien entre la métropole et l'outre-mer ne doit pas souffrir de ces extravagances et nos collègues ultramarins doivent en être conscients.
M. Marc Massion. - Il est apparu que votre ministère manquait de moyens humains pour faire ces évaluations.
Mme Marie-Luce Penchard. - Dans le cadre de la RGPP, le ministère vient de perdre la moitié de ses effectifs. L'évaluation se fera donc de façon progressive.
M. Jean Arthuis, président. - Et où en est-on sur l'indemnité temporaire de retraite (ITR) ? Pendant des années, nous avons tenté en vain de la réformer. Une amorce de réforme a corrigé certains excès.
Mme Marie-Luce Penchard. - Cette réforme est opportune, mais difficile à mettre en oeuvre, et elle s'étalera sur plus de 20 ans car il fallait tenir compte de tous ceux qui sont proches de leur retraite et des ayants droit.
M. Jean Arthuis, président. - La réforme des retraites devrait tout de même donner une autre tournure à cette ITR ...
Mme Marie-Luce Penchard. -Elle sera supprimée mais l'actuel plafonnement remet en cause les droits de tous ceux qui ont cotisé. D'où les tensions sociales de ces dernières 24 heures en Polynésie. Elle s'éteindra dans 18 ans : c'était la condition pour faire passer sa suppression.
M. Jean Arthuis, président. - Il y a aussi ceux qui perçoivent l'ITR et qui n'ont jamais cotisé !
Mme Marie-Luce Penchard. - Désormais, il faut avoir vécu outre-mer pendant un certain nombre d'années ou y avoir des liens familiaux. On ne peut plus y venir trois mois avant sa retraite. Quand la réforme a été votée, on avait imaginé, en compensation, un régime additionnel pour l'ensemble de l'outre-mer, Antilles comprises. Mais, avec l'actuelle réforme des retraites, ce n'est plus à l'ordre du jour.
M. Christian Gaudin. - Un autre aspect de l'outre-mer est méconnu, alors qu'il apporte de grands avantages, notamment scientifiques et stratégiques, à la France. Il s'agit des régions inhabitées des Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF. J'ai rendu en 2007 un rapport sur ce sujet et la ministre de la recherche vient de me demander de l'accompagner à la signature d'une convention CNRS-National Science Foundation sur la mutualisation des moyens logistiques et scientifiques entre la France et les États-Unis. J'en suis très heureux car je l'avais recommandé dans mon rapport.
Ce budget dépend aussi d'autres ministères, mais je voulais appeler l'attention sur ces régions ultramarines méconnues qu'il faut conforter, car elles contribuent au rayonnement de la France.
Mme Marie-Luce Penchard. - Se pose aussi la question de la souveraineté sur ces terres ...
M. Éric Doligé. - Chaque élément de l'outre-mer a son intérêt. Mais cela me renforce dans l'idée que tout le monde s'en mêle - ici la ministre de la Recherche - et je le regrette car cela empêche d'avoir une vision globale.
Mme Marie-Luce Penchard. - Le Conseil interministériel de l'Outre-mer a voulu renforcer cette vision d'une outre-mer qui n'est pas seulement un ensemble de territoires dont il faut corriger les handicaps, mais aussi un territoire qui a des potentialités propres. La Réunion, par exemple, développe les énergies renouvelables. On ne parle de l'outre-mer, comme des trains, que lorsque quelque chose n'y marche pas. Mais pour le Gouvernement, l'outre-mer est une chance pour la France. Ce qu'on peut y faire contre le réchauffement climatique ou pour la conservation de la biodiversité doit être mieux valorisé.
M. Jean Arthuis, président - Comment votre ministère appliquera-t-il le principe de la diminution de 10 % des dépenses fiscales et des crédits d'intervention - sur trois ans, dont 5 % en 2011 ?
Mme Marie-Luce Penchard. - Nous conserverons tous nos moyens d'intervention relatifs à l'emploi. Pour le fonds exceptionnel d'investissement, qui a fait un effort considérable en 2009, on regardera le taux d'engagement des crédits. Nous poursuivrons notre effort sur les dépenses fiscales et contre les effets d'aubaine et nous proposerons des ajustements, mais sans dénaturer les décisions du Conseil interministériel ou de la LODEOM, texte de loi qu'il faut appliquer.
M. Jean Arthuis, président - Oui, mais l'état de nos finances publiques est tel que certain arbitrage international pourrait intervenir....
Mme Marie-Luce Penchard. - Je me soucie plutôt de revenir sur des mesures beaucoup plus anciennes. Je mettrai en oeuvre les nouvelles.
M. Jean Arthuis, président - Ne doutez pas de notre attachement à l'outre-mer, mais nous vous appuierons chaque fois que vous chercherez à y faire des économies.