Mercredi 9 juin 2010
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -Nomination d'un rapporteur
M. Jean-Jacques Hyest est désigné rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 500 (2009-2010) présentée, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, par M. Jean Bizet, au nom de la commission des Affaires européennes, sur la proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord modifiant pour la deuxième fois l'accord de partenariat entre les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et révisé une première fois à Luxembourg le 25 juin 2005 (E5295).
Recours collectif - Examen du rapport
La commission examine le rapport de M. Laurent Béteille sur la proposition de loi n° 277 (2009-2010), présentée par Mme Nicole Bricq et plusieurs de ses collègues, sur le recours collectif.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Nous avons déjà, avec M. Yung, présenté les conclusions du groupe de travail sur une action de groupe à la française. Je ne reviens donc pas sur nos préoccupations. Il y avait, je crois, un consensus pour trouver une solution évitant les dérives du droit anglo-saxon et notamment américain. Nos propositions étaient donc les plus respectueuses possible de la tradition juridique française.
La présente proposition a été rédigée bien avant l'achèvement de nos travaux et sa logique est tout à fait différente, comme vous pouvez le voir sur les schémas qui vous ont été distribués. Je vous propose de rejeter ses articles, tout en ayant un échange devant le Sénat tout entier et de manière à avancer des propositions. Nous avons besoin de temps pour les retravailler avec le Gouvernement. En effet, l'essentiel de la procédure civile est d'ordre réglementaire ; il faudra donc articuler le texte législatif avec la partie réglementaire rédigée parallèlement.
Quelque intéressante qu'elle soit, la proposition de Mme Bricq ne répond pas aux objectifs du groupe de travail. Elle présente le défaut majeur de modifier le régime déontologique des avocats en les autorisant à démarcher les clients et à demander des honoraires proportionnels aux résultats, toutes choses que nous avons voulu éviter. Par ailleurs, l'action en représentation conjointe ne fonctionne pas et, pourtant, la proposition de loi en conserve le principe du mandat. De plus, ce texte retient un système d'opt-in mais s'achève avec une démarche d'opt-out, ce qui ne peut fonctionner.
L'absence de texte de la commission, même avec un avis négatif à l'ensemble des articles, permettra un débat intéressant et remettra l'action de groupe sur le devant de la scène. L'opinion est mûre et l'on n'est pas loin de déboucher, même si le MEDEF freine et que le Gouvernement pose en préalable, notamment, une avancée des projets européens. Avançons d'abord, nous aurons une base de négociation en donnant l'exemple à Bruxelles.
M. Richard Yung. - La proposition, qui remonte à plusieurs années, était devenue caduque. Elle a donc été redéposée mais, entre-temps, le groupe de travail a fonctionné, ce qui nous amènera à la modifier. Je pense au domaine d'application, dont on a maintenant une idée assez précise alors que le texte était resté prudemment dans le vague. Il en va de même du règlement du dommage. L'essentiel de l'architecture demeure et le choix est assez clair sur l'opt-in malgré...
M. Laurent Béteille, rapporteur. - ... de sérieux doutes.
M. Richard Yung. - On peut améliorer la proposition et je ne souhaite pas en rester à une aimable discussion.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il y aura cet après-midi-là la proposition plus une question orale avec débat en quatre heures. On aurait pu demander le renvoi en commission, mais cela a l'inconvénient d'être frustrant parce que cela coupe le débat. Comment en traiter en deux heures ? La discussion s'interrompra avant l'examen complet des articles, mais l'on n'oubliera pas ces éléments lors du débat futur sur le texte issu du groupe de travail. Les contraintes rendent le choix difficile : nous prendrions deux ou trois jours pour un projet de loi sur le sujet de l'action de groupe. Il n'est pas réaliste de traiter de cela en deux heures.
M. Richard Yung. - Le débat apportera des clarifications. Mais après ? Voilà des années que l'on en discute, et le Gouvernement n'est pas enthousiaste.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Certains ministres avaient fait des propositions ambitieuses quand ils étaient parlementaires. L'un d'entre eux n'est-il pas aujourd'hui porte-parole du Gouvernement ?
M. Richard Yung. - Mme Lagarde connaît bien le système américain... Pourra-t-on, après le débat, déposer d'autres propositions ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Bien sûr ! Mieux vaut dire qu'il y a des points de désaccord et voir l'articulation avec la procédure civile qui est de nature réglementaire.
M. François Zocchetto. - Il y a quinze jours, nous étions assez enthousiastes pour dire que les choses devaient évoluer assez rapidement. Je suis agréablement surpris que nous en reparlions aussi vite. Il faut sans aucun doute rédiger quelque chose car c'est le souhait de la majorité d'entre nous. Je rappelle ce que j'ai déjà dit sur l'exclusion nécessaire de l'état des personnes et de la santé ; la déontologie des avocats doit rester ce qu'elle est afin d'éviter les dérives que l'on connaît aux Etats-Unis sur les honoraires ; s'agissant de l'opt-in, le texte doit reposer sur une adhésion volontaire : on ne doit pas se trouver dans la procédure sans l'avoir choisi ; l'agrément des associations doit être assorti de garanties pour éviter ce que j'avais appelé des « procureurs privés ».
M. Hugues Portelli. - S'exprimant devant des juristes, Mme Lagarde nous a fait savoir que le ministère préparait un texte sur d'autres bases.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il serait donc de mauvais goût que le Sénat en élabore un...
M. Bernard Frimat. - Nous avons une grande satisfaction : chaque fois que nous parlons de quelque chose, nous donnons au Gouvernement des idées de texte. Mieux vaut un projet élaboré longtemps à l'avance qu'apparu après un petit déjeuner !
Les auteurs de la proposition auraient pu la modifier en fonction des résultats du groupe de travail. Puisque ce n'est matériellement pas possible, la solution d'un débat suivi d'un rejet ne représenterait pas une grande frustration. L'important est de rebondir, avec une proposition de Mme Bricq ou du groupe de travail.
Nous avons quelques rendez-vous avec le Gouvernement : par exemple, travaille-t-il de façon intense au statut pénal du chef de l'Etat que nous avions renvoyé en commission dans cette attente ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je tiendrai mes engagements. S'il ne devait pas y avoir de projet de loi, il y aurait une proposition de loi sur le statut pénal.
M. Bernard Frimat. - Notre travail est de stimuler le Gouvernement, ainsi sur la garde à vue, mais l'amener à faire une politique intelligente tient des travaux d'Hercule.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Je n'ai pas d'objection de principe à ce qui a été dit. Il était matériellement impossible d'élaborer dans ces délais un texte inspiré de notre groupe de travail. J'ai entendu en audition la Chancellerie et Bercy. La première est assez positive, quoique prudente ; elle a émis des suggestions et l'on peut faire quelque chose qui tienne la route : il est possible d'aboutir assez vite à une proposition de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous demanderons alors l'inscription au nom de la commission, de manière à avoir le temps d'examiner tous les aspects de la proposition de loi, comme nous l'avons fait sur un autre sujet complexe pour le numérique avec la proposition Escoffier-Détraigne.
M. Hugues Portelli. - Sur le rapport entre la loi et le règlement, j'ai envie de déposer une proposition de loi organique, prévue par l'article 34 de la Constitution, qui introduise la procédure civile dans le domaine législatif.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Pas intégralement !
M. Hugues Portelli. - En tout cas, au niveau des principes généraux.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il serait ennuyeux de priver les professeurs de droit d'un des rares exemples clairs de distinction entre les domaines législatif et règlementaire.
M. Laurent Béteille, rapporteur. - Il y a en effet un critère à trouver : la « cuisine judiciaire » ne relève pas de la loi, l'accès à la justice, si.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous suivons le rapporteur ?
Les conclusions du rapporteur sont approuvées.
La commission décide de ne pas adopter de texte afin que la discussion en séance publique porte sur le texte de la proposition de loi.
Election des représentants français au Parlement européen - Examen du rapport
La commission examine la proposition de loi n° 422 rectifié (2008-2009), présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues, rétablissant une circonscription unique pour l'élection des représentants français au Parlement européen.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - M. Yvon Collin et les membres de son groupe ont déposé une proposition qui sera débattue le 23 juin, et qui tend à revenir à la circonscription unique pour les élections européennes. Rétablira-t-on le système qui est resté en vigueur entre 1979 et 1989, ou conservera-t-on les huit régions créées par la loi du 11 avril 2003, qu'avait rapportée M. Patrice Gélard ? Je vous propose de ne pas retenir la proposition et de la renvoyer en l'état en séance publique. En effet, le système actuel est conforme aux recommandations européennes. Alors que les défauts de la circonscription unique sont aussi nombreux que connus, le dispositif actuel a eu un effet positif sur la représentation française, désormais moins émiettée.
Aux termes de l'acte du 20 septembre 1976, le suffrage doit être universel et direct, le scrutin, proportionnel avec un seuil qui ne peut être supérieur à 5% des suffrages exprimés. Un Etat-membre peut constituer des circonscriptions à condition que chaque sensibilité puisse s'y exprimer, ce qui est le cas des actuelles « euro-régions » françaises.
Revenir à la circonscription unique serait s'exposer de nouveau aux critiques sur les effets « pervers » de ce mode de scrutin, qui provoque un éloignement entre les députés européens et les électeurs. Seules les têtes de liste sont identifiées, les colistiers ne font pas campagne. Cela nationaliserait les élections européennes...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce serait très bien !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - ... qui apparaissent alors comme une sanction du gouvernement en place. Cela gêne d'ailleurs les candidats, qui ne peuvent pas faire campagne sur des thèmes de proximité.
Les circonscriptions multiples représentent un progrès malgré les critiques. Certes, le texte n'a pas rempli toutes ses ambitions et le taux d'abstention se maintient autour de 50 % quel que soit le mode de scrutin.
M. Yvon Collin a également indiqué que les petites formations étaient gênées pour présenter des candidats dans toutes les circonscriptions ainsi que pour passer des accords avec d'autres partis, et que les élus de la Nation devraient être élus au niveau de la nation.
Toutefois, ces critiques ne me semblent pas pertinentes. Il y a en réalité une déconnexion entre le système électoral et le taux de participation. En outre, le caractère pluraliste des élections européennes n'a pas été affecté par la réforme de 2003. En revanche, le professeur Olivier Costa, spécialiste du Parlement européen, a souligné lors de son audition que la représentation française, qui était auparavant caractérisée par un émiettement qui n'avait pas d'équivalent en Europe, était désormais conforme aux recommandations formulées par le Parlement européen lui-même puisque ce dernier préconise la mise en place de plusieurs circonscriptions dans les Etats-membres de plus de 20 millions d'habitants.
Je vous propose donc de ne pas établir de texte.
M. Jacques Mézard. - Vous comprendrez que je ne partage pas du tout les propositions du rapporteur. Nous combattrons ses arguments un à un et porterons le débat sur le fond. Peut-on en effet dire que la loi de 2003 a rapproché les élus des électeurs ? Expliquer qu'elle autorise à développer les mêmes arguments dans ma circonscription, qui va d'Aurillac et à Orléans, est un exercice de style délicat. Il est inexact que la participation n'ait pas changé : le désintérêt des électeurs s'est accentué aux dernières européennes, même si le résultat a pu satisfaire certains courants.
Les députés européens sont-ils davantage connus qu'en 2003 ? L'affirmer serait excessif. J'ai fait un sondage dans ma circonscription, personne n'a été capable de me nommer les élus. Avec la circonscription nationale, les partis mettaient en avant des personnalités qui avaient un passé ou un avenir, ce qui est assez différent de la pratique actuelle. Cette loi n'a pas marqué un progrès pour la démocratie. Enfin, on ne peut pas nous dire qu'il n'est pas bon de changer un mode de scrutin alors qu'on s'apprête à le faire avec la réforme territoriale.
M. Bernard Frimat. - Nous soutiendrons la proposition de loi parce que la réforme de 2003 n'a pas atteint ses objectifs. Les « euro-régions » n'ayant aucune réalité, le rapprochement des électeurs et des élus est une fiction. Que chacun prenne sa circonscription : dans la mienne, Haute et Basse Normandie cohabitent avec le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie : or un élu de Basse-Normandie est inconnu chez moi et réciproquement.
On a assisté à des phénomènes de mouvance d'une circonscription à l'autre. Il est assez ridicule que les partis, y compris le mien, déplacent sur le territoire des gens sans attache avec ceux qu'ils sont censés représenter.
Puisque les arguments qui ont présidé à la réforme ne se sont pas avérés, revenons à la situation ex ante. Les parlementaires représenteront la nation tout entière et le pluralisme, que nos collègues centristes ont fait inscrire dans la Constitution, y gagnera. Au moment des élections européennes, on a vu ferrailler des leaders nationaux qui n'étaient pas candidats. Posons le débat ; on pourra toujours dire qu'il faut se méfier des changements de mode de scrutin de circonstance - toute ressemblance avec une autre réforme serait une coïncidence...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous soutiendrons la proposition. Nous nous étions opposés à la loi de 2003. Il y va en effet de questions de fond, à commencer par le pluralisme. Toutes les raisons qu'on nous avait alors opposées ont été contredites et la représentation nationale reste la meilleure au niveau européen où il importe de manifester un point de vue national.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Vous êtes cohérente avec votre position de 2003.
M. Richard Yung. - Je partage en grande partie ce qui vient d'être dit. Le débat qui a lieu au moment des européennes n'a rien d'européen, d'où un vrai problème de légitimité. On ne parle que de questions nationales, même si chacun annone quelques phrases sur l'Europe sociale. Un jour, plus tard, il y aura nécessairement des listes transnationales. Alors, le Parlement sera véritablement européen.
Les Français de l'étranger ont perdu le droit de vote dans la bataille. Alors que nous votions auparavant dans les consulats, nous sommes les oubliés de la régionalisation : sauf si votre belle-mère est inscrite dans le même bureau de vote de Romorantin que vous, vous ne votez plus. Nous sommes un million à subir ce déni de démocratie ! La proposition de loi nous restituera notre droit de vote.
M. Jean-René Lecerf. - De même que j'aurais été contre un mode de scrutin d'agglomération ignorant les communes, je m'oppose à tout mode de scrutin aux élections européennes ignorant les Etats. Or, je ne soutiens ni le mode de scrutin actuel, ni celui que la proposition de loi veut mettre en place. Comment choisir entre la peste et le choléra ? Les euro-régions n'existent pas, faute de références culturelles et de vouloir vivre ensemble. La légitimité, c'est la participation, qui se limitera un jour à celle des candidats et de leurs familles. Je suis partisan d'un scrutin majoritaire par circonscription qui n'empêchera pas la parité. Ce débat m'est un peu étranger.
M. Jean-Pierre Sueur. - Les élus de la région doivent être occupés par la région, ce que ne pourront faire des personnes élues sur une base départementale. De même, les élus européens doivent être élus sur une base européenne, à partir de projets politiques, et non pour représenter un territoire. Je soutiendrai la proposition en observant qu'une autre solution eût été possible : il eût fallu que la réforme territoriale dégageât des régions fortes, de manière à avoir des élus au niveau de vraies régions. Allons n'importe où en France et interrogeons les électeurs ; ils ne savent pas plus de quelle région ils relèvent que les habitants d'une grande ville ne connaissent leur canton. Il faut se réveiller de bonne heure pour rapprocher Ferrières-en-Gâtinais et Brive-la-Gaillarde ! Mais on n'est pas allé dans le sens de l'histoire et la réforme territoriale est le train des occasions manquées, avec quelques wagons en plus.
On objectera que la solution de M. Jacques Mézard donne plus de place aux partis, qui concourent à l'expression du suffrage. Comme s'ils ne jouaient pas aujourd'hui un rôle dans la désignation des candidats présentés aux électeurs de Ferrières-en-Gâtinais et de Brive-la-Gaillarde !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La réforme de 2003 renforçant le bipartisme, nous nous y opposions. L'argument de la proximité territoriale ne tient pas car les circonscriptions, sauf peut-être l'Île-de-France, manquent de cohérence. Au Parlement européen, nous continuons à représenter la France, la nation. Le parti Vert européen a été à peu près le seul à présenter des candidats de nationalités différentes.
M. Patrice Gélard. - Il y avait eu Maurice Duverger en Italie.
M. Yves Détraigne. - A titre personnel, je n'ai pas le sentiment que le changement de scrutin de 2003 ait amélioré la participation : le déclin se poursuit. Les députés européens ne se sont pas approprié des circonscriptions qui ne correspondent à rien pour les électeurs. On connaît moins les élus parce qu'il n'y a plus de tête de liste nationale et l'on a vu des parachutages que ne correspondent à rien : un conseiller municipal rémois, député sortant, a été tête de liste dans la région Auvergne-Centre et il n'a pas été élu. Cela ne ressemble à rien ! Je ne regretterais pas que l'on revienne à l'ancien système.
M. Laurent Béteille. - Oui, les circonscriptions ont une part d'arbitraire et le défaut signalé par M. Yung mérite d'être corrigé, mais revenir en arrière n'aurait pas de sens parce que la loi de 1977, avec une circonscription unique, résultait d'un compromis avec des adversaires de l'Europe - je me souviens qu'à l'UDR, certains se félicitaient alors de l'absurdité du système retenu. Il était nécessaire de trouver un mode de scrutin qui évite ces listes qu'on ne lit pas jusqu'au dernier ni même jusqu'au vingt-cinquième candidat. Y revenir serait ...
M. Patrice Gélard. - ... une catastrophe !
M. Jean-Jacques Hyest, président. - La réforme de 2003 correspondait à une vieille revendication centriste.
M. Yves Détraigne. - J'ai parlé à titre personnel.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Un candidat a fait parler d'Europe, Daniel Cohn-Bendit : ce n'est pas le système qui rend la campagne atone.
M. Pierre-Yves Collombat. - Aussi mauvais qu'ait été le précédent système, l'actuel est encore pire. L'argument de l'éloignement ne tient pas. Quant au mode de scrutin proposé par M. Jean-René Lecerf, il transformerait l'enjeu européen en un enjeu local. Le seul argument recevable est celui de la fragmentation de la représentation, auquel des dispositifs de cliquet peuvent remédier.
Chacun en convient, les gens se désintéressent de la consultation. Pourquoi ? Parce que les Français ne se sentent concernés que par les présidentielles et les municipales, où ils ont le sentiment que leur voix est utile. Tant qu'on n'aura pas réglé ce problème et que la partie démocratique du gouvernement européen n'aura pas plus de pouvoir, on continuera à épiloguer. La proposition du RDSE est plutôt meilleure.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le texte de 1976 posant le principe de la proportionnelle, un scrutin uninominal n'est pas possible. Sur sept pays de plus de vingt millions d'habitants, cinq ont choisi un système régional et si l'Espagne ne l'a pas fait, c'est pour éviter les indépendantistes. Notre dispositif est donc dans la logique des choses. La participation ne dépend d'ailleurs pas du mode de scrutin puisque les chiffres sont les mêmes et dès qu'un leader porte la discussion, il porte le système.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Ce n'est pas la seule raison.
M. François-Noël Buffet. - Cela ne l'est jamais. Il ne suffit pas de changer la règle du jeu.
Les conclusions du rapporteur sont approuvées.
La commission décide de ne pas adopter de texte afin que la discussion en séance publique porte sur le texte de la proposition de loi.
Partenariat entre les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne - Examen du rapport
La commission examine la proposition de résolution européenne n° 500 (2009-2010) présentée, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, par M. Jean Bizet, au nom de la commission des Affaires européennes, sur la proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord modifiant pour la deuxième fois l'accord de partenariat entre les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et révisé une première fois à Luxembourg le 25 juin 2005 (E5295).
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - J'ai voulu rapporter aujourd'hui cette proposition de résolution européenne, déposée le 17 mai 2010 par Mme Boumediene-Thiery et ses collègues, en raison de la tenue d'un Conseil européen le 14 juin. J'ai cherché, en accord avec son auteur, à modifier le texte proposé par la commission des affaires européennes pour des raisons de délai, donc, mais aussi de fond, l'objectif étant de le rendre utile et conforme à l'esprit d'une résolution européenne. Le texte visait à l'origine à inscrire une clause de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre dans l'accord de partenariat entre les Etats ACP et la Communauté européenne, signé en 2000, lors de sa deuxième révision quinquennale en 2010. Si cet accord est essentiellement économique, il prévoit également la tenue d'un dialogue politique sur l'égalité entre hommes et femmes ainsi que sur la non-discrimination ethnique, religieuse ou raciale à l'article 8 et réitère l'attachement des parties au respect de leurs engagements internationaux en matière de respect des droits de l'homme à l'article 9.
Qu'entend-on par orientation sexuelle et identité de genre ? Pour reprendre la définition qui vient d'être solennellement consacrée par l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, « l'orientation sexuelle est la part profonde de l'identité de chaque être humain et englobe l'hétérosexualité, la bisexualité et l'homosexualité ». J'attire votre attention sur la notion d'identité de genre, moins connue. Elle désigne l'expérience intime qu'a chaque personne de son propre genre, qui peut différer de son identité biologique. Pour exemple, des hommes se ressentent femmes, et réciproquement. Une personne transgenre est celle qui a engagé ou achevé un processus définitif et irréversible de conversion sexuelle pour vivre en accord avec le genre correspondant à son ressenti intérieur. Cette notion s'applique donc aux personnes ayant suivi une simple hormonothérapie, contrairement à la notion de personne transsexuelle qui se réfère aux seules personnes ayant procédé à l'opération de réassignation sexuelle -ablation des organes génitaux d'origine et remplacement par des organes génitaux artificiels du sexe revendiqué. Le ministère de la justice en a pris acte en invitant, dans une circulaire du 14 mai dernier, l'état-civil à accepter les demandes de changement de sexe dès lors que le processus de conversion est définitif et irréversible, même en l'absence d'opération chirurgicale. Le droit à la vie privée justifie que l'état-civil indique le sexe dont la personne a désormais l'apparence.
Lorsque la commission des affaires européennes a examiné le texte, elle a relevé, comme nous, que les deux derniers alinéas de la proposition ne correspondaient pas à la chronologie des négociations entre l'Union et les pays ACP. De fait, le premier d'entre eux invite la Commission à parvenir à un compromis à ce sujet dans le projet d'accord de Cotonou révisé. Or les négociations, ouvertes en mai 2009, ont été conclues en mars 2010. De même, il est trop tard pour demander au Gouvernement français de défendre une telle position en vue de la signature prochaine de cet accord. En conséquence, la commission des affaires européennes a préféré inviter la Commission européenne et le Gouvernement à obtenir l'insertion d'une mention explicite du principe de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre lors de la prochaine révision de l'accord de Cotonou en 2015.
Je propose d'adopter la proposition en modifiant son dispositif, mais non ses considérants. Chacun sait que les personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres de même que les associations qui les défendent se heurtent parfois à des attitudes hostiles ainsi qu'à des préjugés tenaces, y compris au sein des démocraties occidentales. Quand 66 Etats, à l'initiative de la France et de l'Argentine, ont réaffirmé l'application du principe de non-discrimination à chaque être humain, indépendamment de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, dans une déclaration commune le 18 décembre 2008 lors de l'assemblée générale des Nations Unies, quand le Conseil de l'Europe s'est saisi de cette question à travers une recommandation du comité des ministres et une résolution de l'assemblée parlementaire, il est regrettable que les pays de l'ACP se soient résolument opposés à inscrire toute référence à cette notion dans l'accord de Cotonou révisé. Les discriminations à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre méritent pourtant d'être mentionnées en tant que telles, particulièrement dans le contexte africain où l'homosexualité est mal acceptée. La proposition met opportunément en exergue la nécessité de dépénaliser l'homosexualité dans ces pays, plus durement réprimée parfois qu'il y a quinze ou vingt ans. Ensuite, elle appelle les pays de l'ACP à combattre les discriminations à raison de l'identité de genre, soit les discriminations dans l'accès au logement, à l'emploi, aux services publics qui interviennent durant le processus -dont je rappelle qu'il est définitif et irréversible- de transition sexuelle. Notons que de telles discriminations sont constatées dans notre pays, relève une récente délibération de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Pour les juridictions nationales et communautaires, toute discrimination à l'égard de la personne ayant engagé un processus de conversion revient à une discrimination à raison du sexe.
Le dispositif doit toutefois être adapté à la logique de la résolution européenne prévue à l'article 88-4 de la Constitution. De fait, celle-ci a pour but d'adresser un message politique au Gouvernement et, le cas échéant, aux instances communautaires, mais non à des pays tiers, fussent-ils liés par un accord à l'Union. Dans le cas contraire, le texte relèverait de la résolution prévue à l'article 34-1 de la Constitution, qui n'a pas encore été mis en oeuvre au Sénat.
D'où la nécessité de modifier le point 6 : plutôt que d'exhorter les Etats parties à l'accord à respecter le principe de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, visons les députés européens membres de l'Assemblée parlementaire paritaire. Cet organe consultatif, prévu par l'accord de Cotonou et composé à parité de députés européens et de parlementaires des pays de l'ACP, est notamment chargé de « promouvoir les processus démocratiques par le dialogue et la concertation. »
Ensuite, il faut viser la révision de l'accord de 2010, comme le faisait la proposition initiale, et non celle de 2015, trop lointaine, en faisant référence au Conseil de l'Union européenne du 14 juin 2010 au cours duquel l'Union décidera officiellement de signer l'accord de Cotonou révisé. Je rappelle que, si personne ne demande l'inscription de cette proposition à l'ordre du jour du Sénat, celle-ci deviendra la résolution du Sénat au terme d'un délai de trois jours francs suivant la date de la publication du rapport de la commission. En conséquence, je propose que la résolution « invite le Gouvernement, lors du Conseil des ministres de l'Union européenne du 14 juin 2010, à déclarer que la France regrette que l'accord de Cotonou révisé ne comporte pas de mention explicite du principe de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. »
Au bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter la proposition de résolution modifiée.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je remercie le président de notre commission d'avoir bousculé le calendrier afin de procéder, aujourd'hui, à l'examen de cette proposition qui va dans le sens d'une dépénalisation universelle de l'homosexualité. Si l'homosexualité est loin d'être acceptée en France, comme en témoigne la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, elle constitue un délit dans certains pays d'Afrique, voire un crime passible de la peine capitale. (Mme Borvo Cohen-Seat renchérit). D'où l'importance d'utiliser les moyens juridiques à notre disposition sans attendre 2015, pour réaffirmer haut et fort notre attachement à la lutte contre toutes les discriminations, y compris en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. La proposition du rapporteur de recourir à l'assemblée parlementaire paritaire, qui regroupe parlementaires européens et parlementaires des pays ACP, est fort judicieuse. En faisant ce choix, nous nous inscrivons dans la démarche initiée par le Conseil de l'Europe, mais aussi par l'assemblée générale des Nations Unies qui a adopté une déclaration commune le 18 juin 2008 à l'initiative de notre Gouvernement. ( M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, acquiesce) Soutenons les initiatives qui vont dans le bon sens !
M. Bernard Frimat. - Avant de manifester mon accord complet avec la proposition du rapporteur, je signale une petite erreur : le point 2 de la proposition ayant été supprimé, la référence qui y est faite au point 3 n'a plus lieu d'être ; il faudrait donc rédiger ce point ainsi : « Estime que la criminalisation croissante de l'homosexualité dans de nombreux Etats africains signataires desdits accords rend nécessaire une mention explicite du principe de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre ». (La modification est acceptée.)
La proposition de résolution européenne, modifiée, est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Réseaux consulaires - Echange de vues
M. François Zocchetto. - J'attire l'attention de la commission sur une disposition du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, introduite par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Celle-ci crée un Fonds de règlement des experts-comptables. Jusqu'à présent, le maniement des fonds pour autrui à la suite d'un litige ou d'une rédaction d'actes était du ressort des notaires, dans des conditions extraordinairement réglementées, et des avocats, dans le cadre de la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats, mieux surveillée aujourd'hui. Malgré tout le respect que j'ai pour la profession d'expert-comptable, j'observe que ce dispositif, dont le fonctionnement n'est pas précisé, pose problème : les experts-comptables, en qualité de commissaires aux comptes, ne peuvent manier des fonds pour autrui. Je regrette que de telles dispositions soient adoptées sans concertation des professionnels concernés et, surtout, sans débat au sein des commissions parlementaires compétentes.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Hélas, ce sont les aléas des amendements ! Ce dispositif remet en cause l'équilibre entre les professions judiciaires que nous avions eu bien du mal à trouver en 1991 lorsqu'il s'était agi d'intégrer les conseillers juridiques...
M. Jean-Pierre Sueur. - Pour régler cette difficulté et apaiser les craintes de M. Zocchetto, il suffit que les groupes UMP, RDSE et socialiste, conformément à la tradition, votent les amendements de suppression de l'article 13 quater, déposés par MM. Houpert et Mézard. Encore faut-il que ce qui a été voté un jour ne soit pas remis en cause le lendemain...
M. François Pillet. - Je rejoins M. Zocchetto et le président. Détricoter, par le biais de petits amendements apparemment sans importance, un dispositif qui avait été accepté par tous n'est pas bon. Que chacun fasse son métier !