- Mardi 6 avril 2010
- Mercredi 7 avril 2010
- Entrepreneur individuel - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
- Contrôle de l'action du Gouvernementet évaluation des politiques publiques - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
- Entrepreneur individuel - Examen des amendements au texte de la commission
- Mandats sociaux dans les sociétés anonymes - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
- Application de l'article 65 de la Constitution - Examen du rapport et du texte proposé par la commissionen deuxième lecture
- Mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature -Examen du rapport et du texte proposé par la commission
- Jeudi 8 avril 2010
Mardi 6 avril 2010
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -Sécurité intérieure - Audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
La commission a entendu M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sur le projet de loi n° 292 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Après avoir rappelé que l'évolution de la délinquance impliquait une adaptation de la politique gouvernementale au travers de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a dressé un bilan des résultats de cette politique obtenus depuis 2002. Il a indiqué que la délinquance avait diminué de façon générale et il a mis plus particulièrement en avant la baisse des atteintes aux biens (- 27,18 %) et des cambriolages (- 28 %), ainsi que l'amélioration du taux d'élucidation (+ 12 points) sur la période 2002-2009.
M. Brice Hortefeux a ensuite présenté les trois objectifs du nouveau tableau de bord de la sécurité, élaboré sur les recommandations de l'observatoire national de la délinquance afin de remplacer le précédent tableau qui datait de 1972 : distinguer l'évolution constatée de la délinquance et la performance des services, adopter une approche plus qualitative par type d'infraction et mesurer à terme l'action de l'ensemble de la chaîne de la sécurité, en incluant la réponse pénale. Le ministre a alors fait référence aux résultats obtenus selon cette nouvelle présentation pour les mois de janvier et février 2010, qui confirment la tendance générale de diminution de la délinquance ou, en matière d'atteintes volontaires à l'intégrité physique, de stabilisation par rapport à l'année précédente. Il a cité l'exemple de la lutte contre les cambriolages dont l'efficacité a été révélée par une baisse de ce phénomène, appelant à généraliser la méthode d'organisation des services employée en la matière.
Considérant que ces résultats étaient le fruit d'une politique globale de sécurité, M. Brice Hortefeux a affirmé que celle-ci reposait d'abord sur une meilleure coordination des acteurs de la sécurité. Il a rappelé que le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur ou la collaboration avec les services du ministère de l'éducation nationale et de la direction générale des finances publiques avaient oeuvré en ce sens. Il a également mis en évidence l'importance de la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme, la cybercriminalité et les trafics de drogue.
M. Brice Hortefeux a rappelé la nécessité d'adapter la politique de la sécurité aux bassins de vie et aux territoires. Il a ainsi présenté la police d'agglomération, mise en place dans la petite couronne parisienne afin de favoriser la mobilité des unités, comme une mesure destinée à être à la fois étendue à d'autres agglomérations, telles que Marseille et Lyon, et déclinée dans les zones de gendarmerie en police des territoires.
M. Brice Hortefeux a marqué la nécessité de renforcer la lutte contre les formes de délinquance qui déstabilisent la jeunesse et l'intérêt, à cet égard, de la loi anti-bandes du 2 mars 2010, qui permet, par exemple, de sanctionner plus facilement les auteurs des violences scolaires.
M. Brice Hortefeux a également cité, parmi les nécessaires signaux de fermeté adressés aux auteurs d'infractions, les dispositifs mis en oeuvre dans la lutte contre les violences dans les stades. Il a relevé ainsi l'augmentation, d'une part, du nombre d'interpellations de près de 20 % depuis le début de la saison et, d'autre part, de celui des interdits de stades passés de 311 en février dernier à 747 actuellement. Il a également relevé les initiatives prises pour combattre les violences intrafamiliales ainsi que celles commises à l'encontre des personnes vulnérables. Il s'est félicité, à cet égard, des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale pour réprimer de manière plus sévère les cambriolages chez les personnes âgées. Il a souhaité une plus grande vigilance à l'encontre du développement de la cybercriminalité qui justifiait la mise en oeuvre de moyens légaux et techniques de prévention et de répression dans le respect des libertés.
Le ministre a estimé que le projet de loi comportait des dispositions volontaristes en faveur de la sécurité des Français. Il a relevé que, si la lutte contre la délinquance impliquait la mobilisation d'effectifs importants, il convenait de prendre en compte néanmoins l'objectif de maîtrise des finances publiques. Il a rappelé avoir annoncé, dans le respect de la révision générale des politiques publiques, le recrutement, dès cette année et au tout début de l'année 2011, de 1 500 adjoints de sécurité supplémentaires -soit une augmentation de 15 % par rapport à l'effectif actuel- sous la forme d'un contrat de trois ans renouvelable une fois. Il a précisé que ces agents, encadrés par des policiers expérimentés, seraient affectés au contrôle de la sécurité sur la voie publique.
M. Brice Hortefeux a indiqué que la lutte contre la délinquance passait par un renforcement des sanctions. Il a noté à cet égard que le projet de loi prévoyait le durcissement des sanctions encourues pour les vols commis au préjudice d'une personne vulnérable ainsi que l'aggravation du quantum des peines pour les cambriolages dont la définition serait par ailleurs étendue. Il a ajouté que le projet de loi permettait d'affecter aux services d'enquête des biens saisis ayant appartenu à des délinquants et qu'il donnait également à l'autorité administrative la faculté de procéder, sous réserve de l'opposition des magistrats en charge de l'investigation, à la vente du bien lorsque celui-ci n'est pas nécessaire à l'enquête.
Le ministre a souhaité améliorer les taux d'élucidation, actuellement inférieurs à 13 %, en matière de délinquance de proximité qui représente 43 % des crimes et délits constatés. Il a observé que le projet de loi renforçait à cette fin les moyens de la police et de la gendarmerie par l'utilisation de logiciels de rapprochement judiciaire qui permettent de comparer les modes opératoires des délinquants. Il a jugé également nécessaire de renforcer la lutte contre la grande délinquance routière, en particulier par l'immobilisation administrative du véhicule, dès la constatation des délits les plus graves. Enfin, il a noté que le projet de loi comportait une nouvelle mesure de « couvre-feu des mineurs » de moins de treize ans permettant au préfet de limiter la circulation des mineurs, seuls et livrés à eux-mêmes. Un tel dispositif serait, selon lui, utile dans plusieurs hypothèses :
- dans des quartiers aux prises avec un trafic de drogue important dans lequel des jeunes sont parfois recrutés pour faire office de guetteur ;
- dans un secteur géographique qui aurait connu des échauffourées afin de dissuader notamment les plus jeunes de tenter de participer à de nouveaux débordements ;
- dans le cadre de la mise en place d'un dispositif de sécurisation lié à l'éventualité de manifestations consécutives à un événement d'importance. Il a souligné que toute partie du territoire national pouvait être concernée par ce type de mesures.
M. Brice Hortefeux a enfin relevé que le déploiement de la vidéo-protection serait poursuivi et qu'il serait tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel relative à l'installation de ces dispositifs dans les parties communes des immeubles. Il a rappelé que, à l'issue du débat tenu au Sénat le mardi 23 mars 2010, trois options apparaissaient clairement quant aux modalités de contrôle de la vidéo-protection :
- la position proposée par le Gouvernement et retenue par l'Assemblée nationale tendant à confier cette mission à la commission nationale de la vidéo-protection ;
- celle défendue par le sénateur Charles Gautier visant à confier à la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) non seulement le contrôle de la vidéo-protection mais aussi le pouvoir d'autorisation préalable ;
- celle présentée par le sénateur Jean-Patrick Courtois qui aboutirait à confier ce contrôle à la CNIL sans modifier le dispositif d'autorisation.
Le ministre s'est déclaré très attentif à la poursuite des travaux sur le sujet dans le cadre de la navette parlementaire.
Enfin, M. Brice Hortefeux a annoncé que le Gouvernement présenterait plusieurs amendements afin, d'une part, de rendre plus effective la sanction des crimes commis sur des policiers et des gendarmes en donnant la possibilité à la cour d'assises d'assortir les condamnations pour les crimes passibles de la réclusion criminelle à perpétuité d'une période de sûreté de trente ans et, d'autre part, de renforcer encore la prévention et la sanction des violences dans les stades.
M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est interrogé sur la nécessité d'introduire, comme le prévoit le texte, de nouvelles dispositions aggravant les peines infligées pour les atteintes aux personnes âgées, dans la mesure où le code pénal permet depuis longtemps de prononcer des peines plus sévères lorsque les victimes sont des personnes vulnérables.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a tout d'abord assuré que la concomitance entre l'annonce d'un renforcement de la répression des crimes commis à l'encontre des personnes vulnérables et le meurtre de deux personnes âgées à Pont-Ste-Maxence était fortuite. Il a ensuite indiqué que les mesures envisagées consistaient à porter de cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende la peine encourue pour un vol commis au préjudice d'une personne âgée et de porter cette peine à dix ans de prison et 150 000 euros d'amende en cas de vol avec violence.
M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est interrogé sur la possibilité d'appliquer ces peines aggravées dans le cas où le malfaiteur ignorerait que le propriétaire du domicile cambriolé est une personne âgée.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a ensuite interrogé le ministre sur les points suivants :
- le texte du projet de loi permettant au préfet, sans intervention du juge, de prononcer un couvre-feu individuel à l'encontre d'un mineur âgé de moins de treize ans ayant déjà fait l'objet de mesures ou de sanctions éducatives, quelle est l'articulation de ce dispositif avec les attributions du juge pour enfants, celles du président du conseil général, qui ont été renforcées par la loi de mars 2007 sur la protection de l'enfance, et celles du maire, complétées par la loi sur la prévention de la délinquance publiée à la même date ?
- le projet de loi permet de nommer les directeurs de police municipale agents de police judiciaire. Cette disposition vise-t-elle à renforcer les polices municipales ou bien à permettre aux officiers de police judiciaires de la police et de la gendarmerie nationale d'associer davantage les polices municipales à l'exercice de leurs propres missions ?
- une disposition introduite à l'Assemblée nationale donne la possibilité au préfet de demander à une commune l'installation de systèmes de vidéosurveillance afin de surveiller des installations d'importance vitale, ou pour protéger les intérêts fondamentaux de la Nation. Si la commune refuse ou si ce qu'elle propose ne convient pas au préfet, celui-ci pourrait installer le dispositif qu'il juge approprié et serait habilité à passer les marchés nécessaires pour le compte de cette commune. Qui, de l'Etat ou de la commune, devra alors financer la mise en place et le fonctionnement de ces systèmes ?
- la nouvelle carte d'identité électronique représentera un progrès notable. Serait-il envisageable, si les éventuels problèmes techniques sont résolus à ce jour, d'introduire des dispositions concernant ce nouveau titre d'identité dans la LOPPSI ?
En réponse, M. Brice Hortefeux a indiqué que la possibilité, pour le préfet, d'instaurer un couvre-feu individuel à l'encontre de certains mineurs de treize ans, introduite à l'Assemblée nationale par un sous-amendement du rapporteur de la commission des lois, concernerait seulement les mineurs faisant l'objet d'un contrat de responsabilité parentale.
Par ailleurs, il a estimé que les dispositions du texte relatives aux polices municipales constituaient une reconnaissance de l'importance du rôle joué par les quelques 22 000 policiers municipaux, dont 2000 gardes champêtres. Il a indiqué que le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale avait proposé par un amendement d'étendre aux directeurs de police municipale la qualité d'agent de police judiciaire, sous réserve qu'une convention de coordination ait été signée par le maire et le préfet après avis du procureur de la République.
M. Brice Hortefeux a ensuite reconnu que le Gouvernement avait d'abord souhaité introduire une disposition permettant de contraindre les communes à installer des systèmes de vidéosurveillance. Cependant, le caractère général d'une telle contrainte n'étant pas conforme à l'esprit de la décentralisation, les cas où elle pourrait s'appliquer ont été limitativement énumérés : il s'agirait de la prévention des actes de terrorisme ou de la protection des abords des installations d'importance vitale pour la Nation. L'investissement correspondant serait alors à la charge de l'Etat. En revanche, la question du financement du fonctionnement des systèmes reste posée.
Enfin, il a fait valoir que, malgré la maturité technologique de la carte nationale d'identité numérique, il ne paraissait pas pertinent de prévoir sa généralisation dans le cadre de la LOPPSI, la finalité première de cette carte n'étant pas la sécurité. En outre, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a émis des réserves au sujet des bases de données biométriques devant accompagner la mise en place de la carte, ce qui justifie un temps de réflexion supplémentaire.
M. Alain Anziani a jugé particulièrement hétéroclite le projet de loi et a considéré qu'une telle façon de légiférer n'était pas satisfaisante. Il s'est inquiété des dispositions relatives aux fichiers de police judiciaire prévues à l'article 10 et s'est interrogé, à la lumière des débats actuels, sur le statut du procureur de la République. Il a suggéré que l'ensemble des décisions relatives au traitement d'informations nominatives soient confiées à un magistrat, dont le texte prévoit déjà qu'il serait chargé de la mise en oeuvre et de la mise à jour des traitements automatisés d'informations nominatives. Enfin, il s'est déclaré défavorable aux dispositions prévoyant que les données nominatives ne seraient pas effacées en cas de non-lieu ou de classement sans suite et, lorsque le procureur de la République le demande, en cas de décision de relaxe et d'acquittement, considérant que seule une condamnation pouvait justifier le maintien d'informations nominatives dans un fichier de police judiciaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a réagi à ces propos en soulignant qu'il était important de donner aux services de police et de gendarmerie les moyens d'effectuer efficacement leurs missions.
Mme Catherine Troendle a souhaité connaître la position du ministre concernant le nombre et la justification des gardes à vue en France.
M. Patrice Gélard a fait part de l'inquiétude d'un certain nombre de maires de communes littorales face à la multiplication de l'organisation, par le biais d'Internet, de rassemblements d'envergure sur leur territoire. Il a souhaité connaître les mesures envisageables pour prévenir de tels rassemblements et les troubles qu'ils sont susceptibles d'engendrer.
M. Jean-René Lecerf s'est interrogé sur le retard pris pour mettre en place la carte nationale d'identité électronique et biométrique. Il a souligné qu'un tel titre sécurisé présentait de nombreux avantages, permettant tout à la fois de lutter contre les vols d'identité, de contribuer à l'identification des auteurs d'infractions, d'identifier les victimes de catastrophes naturelles ou de favoriser le développement du commerce en ligne. Il a rappelé qu'un sondage, réalisé en 2005, avait montré que l'opinion publique était majoritairement favorable à une telle carte d'identité, y compris dans l'hypothèse où elle serait payante. Il a également souligné que la France disposait d'entreprises très performantes dans ce secteur qui doivent maintenir leur avantage compétitif. Il a considéré qu'il appartiendrait au Parlement de définir le cadre juridique dans lequel serait utilisé un tel titre et a souhaité connaître la date à laquelle ce dispositif pourrait être opérationnel.
Mme Virginie Klès s'est tout d'abord interrogée sur les statistiques relatives au parcours judiciaire des condamnés, considérant qu'il serait pertinent d'y inclure les données relatives à leur réinsertion. Évoquant la révision générale des politiques publiques (RGPP), elle a constaté que les réponses apportées par les pouvoirs publics à un certain nombre de faits divers se traduisaient, à effectifs constants, par une augmentation des effectifs de sécurité dans les zones concernées, au détriment des effectifs de police et de gendarmerie affectés aux autres territoires. Elle a souligné que les polices municipales n'étaient pas formées pour assurer les missions de sécurité imparties à la police et à la gendarmerie nationales. Enfin, elle a souhaité obtenir des éclaircissements sur les dispositions du texte relatives aux baux emphytéotiques administratifs pouvant être conclus au bénéfice des services de police et de gendarmerie nationale.
M. Pierre-Yves Collombat s'est prononcé pour une réflexion globale sur l'évolution de la délinquance de préférence à la multiplication des textes pénaux successifs, tendant notamment à aggraver les peines encourues pour un certain nombre d'infractions, sans qu'une évaluation de leur impact n'ait été réalisée au préalable. Par ailleurs, il s'est interrogé sur les statistiques produites par le ministre, citant pour sa part les propos tenus récemment par un magistrat faisant état d'une augmentation substantielle des atteintes aux personnes. Enfin, il a souhaité savoir si un projet de loi tendant à unifier les statuts de la police municipale et des gardes champêtres était actuellement à l'étude.
Après avoir qualifié le projet de loi de redoutable catalogue, M. Jacques Mézard a estimé qu'un certain nombre de dispositions soulevaient de réelles difficultés. Il a notamment cité l'article 10 du projet de loi, soulignant qu'il existait, dans les parquets, un grand nombre de dossiers en attente pour lesquels la décision de classement sans suite n'était jamais prise formellement. En outre, il a noté que plusieurs articles du projet de loi faisaient référence au juge d'instruction et il a souhaité connaître le sort que réserverait à ces dispositions la réforme annoncée de la procédure pénale.
M. Charles Gautier a fait valoir que, dans le cadre de la RGPP, les effectifs de police et de gendarmerie avaient diminué de 10 000 personnes en quelques années, tandis que, sur cette même période, le nombre d'agents employés par les collectivités territoriales dans le domaine de la sécurité publique avait augmenté dans des proportions comparables. Il a qualifié cette situation de transfert de fait en direction des collectivités territoriales, soulignant que la sécurité constituait pourtant une fonction régalienne. Néanmoins, il a estimé qu'un tel transfert avait probablement joué un rôle positif dans l'évolution à la baisse de la délinquance -qu'il faudrait faire apparaître dans le bilan- et s'est déclaré favorable à une poursuite de ce mouvement vers davantage de décisions de proximité.
M. François-Noël Buffet s'est dit préoccupé par le comportement des « hooligans » aux abords et au sein des enceintes sportives et a considéré que les difficultés posées par de tels individus étaient susceptibles de concerner l'ensemble des équipes du championnat de France de football. Après avoir constaté que la loi du 2 mars 2010 tendant à renforcer la lutte contre les violences de groupes comportait un certain nombre de dispositions visant à mieux prévenir les violences commises à l'occasion des manifestations sportives, il a souhaité obtenir des précisions sur les dispositions qui pourraient être adoptées afin de renforcer davantage ce dispositif.
En réponse à M. Alain Anziani, M. Brice Hortefeux a indiqué que le texte proposé vise à améliorer le régime juridique auquel sont soumis les fichiers de police en regroupant des dispositions normatives aujourd'hui dispersées, en créant, pour remédier aux mises à jour insuffisantes des fichiers de police, un magistrat référent chargé d'y veiller et en étendant à la moyenne délinquance l'utilisation des fichiers d'analyses sérielles qui ont fait la preuve de leur efficacité pour les atteintes aux personnes et les atteintes aux biens respectivement punies de cinq ou sept ans d'emprisonnement.
Soulignant qu'il convenait de comptabiliser à part, au sein des gardes à vue, celles qui relèvent d'infractions au code de la route, il a indiqué à Mme Catherine Troendle qu'il n'existait pas d'objectif chiffré de gardes à vue. Se déclarant ouvert à une évolution sur le sujet, il y a posé trois conditions : que le débat n'aboutisse pas à traiter les policiers et les gendarmes en boucs émissaires, que les nouvelles procédures ne pénalisent pas la conduite des enquêtes et qu'elles ne confèrent pas plus de droits aux délinquants qu'aux victimes. Il a plus particulièrement estimé que, pour les infractions mineures, une audition libre pourrait remplacer la garde à vue. À cet égard, M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que le recours à la garde à vue pour certaines infractions qui ne le justifient pas nécessairement, est parfois motivé par le souci des services de police de fixer le cadre juridique de leur intervention en l'assortissant des garanties offertes par la garde à vue.
En réponse à la question de M. Jean-René Lecerf relative à la carte nationale d'identité électronique et biométrique, M. Brice Hortefeux a souligné que les usurpations d'identité touchaient 210 000 personnes chaque année pour un coût total estimé à 474 millions d'euros. Constatant en outre que vingt pays de l'Union européenne ont déjà mis en place un tel dispositif ou sont sur le point de le faire, il s'est déclaré favorable au principe de la carte nationale d'identité électronique et biométrique. Néanmoins, il a souligné que, au préalable, devront être précisées les garanties qui s'appliqueront à la constitution de la base nationale recensant les informations biométriques enregistrées au moment de la création de la carte nationale d'identité électronique. En outre, il a estimé que la mise en place de ce dispositif nécessite l'adoption d'un texte propre et qu'il n'est, pour cette raison, pas souhaitable de l'inclure dans le présent projet de loi.
En réponse à M. Patrice Gélard, il a indiqué qu'il appartenait aux préfets de prendre les mesures nécessaires au regard de l'ordre public lorsque des grands rassemblements semblables aux « Teknivals » sont organisés, l'objectif étant, dans la mesure du possible, de privilégier l'organisation de rassemblements d'une plus petite taille.
M. Brice Hortefeux a indiqué à Mme Virginie Klès que le contrat de responsabilité parentale était un bon exemple du souci d'articuler la répression pénale avec des mesures d'accompagnement et d'insertion du jeune délinquant. A propos de ses autres interrogations, il a fait valoir, d'une part, que le redéploiement d'effectifs était rendu possible par la mutualisation des moyens en cours et, d'autre part, que les deux dispositifs distincts du bail emphytéotique administratif et de la convention utilisés, le premier par la gendarmerie et le second par les services de police, pour la construction ou la location des locaux qu'ils occupent, fonctionnent de manière satisfaisante et qu'ils sont appelés à être prolongés en tant que de besoin.
M. Brice Hortefeux a confirmé à M. Pierre-Yves Collombat qu'aucun projet de réforme du statut des gardes champêtres n'était envisagé.
En réponse à M. Jacques Mézard, il a fait valoir qu'il est paradoxal de dénoncer la mise à jour insuffisante des fichiers de police et, en même temps, de s'opposer aux améliorations que le texte apporte sur ce point.
Après avoir précisé que le projet de loi vise à mieux articuler police nationale et police municipale en jouant sur leur complémentarité, M. Brice Hortefeux a indiqué à M. Charles Gautier que, à la suite du bilan réalisé, à sa demande, par l'inspection générale de l'administration, sur le fonctionnement des unités territoriales de quartier (UTeQ), dont les premiers enseignements apparaissent contrastés, des décisions seront prises prochainement en la matière.
En réponse à M. François-Noël Buffet, il a précisé qu'il soumettrait par voie d'amendement quatre mesures pour lutter contre la violence dans les stades, qui consisteront à interdire aux fauteurs de troubles l'accès aux stades ou à leurs abords, à rendre possible l'interdiction des déplacements de certains supporters, à prévoir la transmission automatique aux fédérations sportives de l'identité des personnes interdites de stade et à améliorer les dispositifs de pointage qui accompagnent les interdictions de stade.
Mercredi 7 avril 2010
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -Entrepreneur individuel - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission a tout d'abord procédé à la désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Elle a désigné comme membres titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Michel Houel, François Pillet, François Zocchetto, Richard Yung, Mmes Virginie Klès et Nicole Borvo Cohen-Seat et comme membres suppléants : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Antoine Lefèvre, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur et Jean-Pierre Vial.
Contrôle de l'action du Gouvernementet évaluation des politiques publiques - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
Puis, la commission a examiné le rapport de M. Patrice Gélard et établi le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 235 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.
M. Patrice Gélard, rapporteur, a expliqué que la proposition de loi, déposée par M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, s'inscrivait dans le prolongement de la loi n° 2009-689 tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative. Cette loi a en effet supprimé les offices parlementaires d'évaluation de la législation et d'évaluation des politiques de santé, les délégations parlementaires à la planification et la délégation parlementaire aux problèmes démographiques.
Il a indiqué que la proposition de loi tendait à compléter ces dispositions en donnant aux structures internes des deux assemblées des moyens adaptés pour mener à bien le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques. Elle vise en outre à offrir des instruments de contrôle appropriés au Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques créé par l'Assemblée nationale lors de la réforme de son Règlement, par la résolution du 27 mai 2009.
M. Patrice Gélard, rapporteur, a observé que l'article premier de la proposition de loi donnait aux instances permanentes créées au sein de l'Assemblée nationale ou du Sénat pour contrôler l'action du Gouvernement, ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente, la possibilité de convoquer toute personne dont l'audition leur paraitrait nécessaire. Les rapporteurs de ces instances de contrôle et d'évaluation disposeraient en outre des mêmes pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place que les rapporteurs des commissions d'enquête.
Il a précisé que l'article premier de la proposition de loi visait ainsi à répondre à la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 sur la résolution du 27 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale, déclarant contraire à la Constitution une disposition prévoyant que le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale pourrait organiser des débats lors de la présentation de ses rapports, « en présence des responsables administratifs de la politique publique concernée ».
Il a souligné que le dispositif proposé créait un déséquilibre entre les pouvoirs des commissions permanentes, qui ne peuvent obtenir que pour une durée maximale de six mois, et après autorisation de l'assemblée à laquelle elles appartiennent, les prérogatives des commissions d'enquête, et les instances permanentes de contrôle et d'évaluation, dont les rapporteurs disposeraient de droit des prérogatives de contrôle sur pièces et sur place des rapporteurs des commissions d'enquête.
Evoquant ensuite l'article 2 de la proposition de loi, M. Patrice Gélard, rapporteur, a expliqué qu'il visait à permettre aux personnes entendues par une commission d'enquête de prendre connaissance du compte rendu de leur audition. La personne entendue ne pourrait y apporter des corrections, mais seulement faire part de ses observations par écrit, la commission d'enquête appréciant ensuite l'opportunité de faire état, ou non, de ces observations dans son rapport.
Ces dispositions insérées dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires relèvent désormais du domaine de la loi, en application de l'article 51-2 de la Constitution, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juin 2009.
M. Patrice Gélard, rapporteur, relevant que l'article 3 de la proposition de loi insérait dans le code des juridictions financières un nouvel article définissant les organes du Parlement susceptibles de demander l'assistance de la Cour des comptes en matière d'évaluation des politiques publiques, a rappelé que l'article 47-2, premier alinéa, de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, disposait en effet que « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques ».
Il a souligné que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 juin 2009, avait considéré qu'il n'appartenait pas « au règlement mais à la loi de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander cette assistance ».
Précisant que la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de la commission des finances, saisie pour avis, avait souhaité organiser un filtrage des demandes d'assistance adressées à la Cour, confié au président de chaque assemblée, il a relevé qu'elle avait en outre précisé que les commissions permanentes et les instances permanentes chargées de l'évaluation de politiques publiques pourraient proposer au président de l'assemblée dont elles relèvent de demander l'assistance de la Cour, le président de chaque assemblée gardant la possibilité de prendre lui-même l'initiative d'une telle demande.
A l'article premier (auditions et pouvoirs des rapporteurs des instances parlementaires de contrôle ou d'évaluation des politiques publiques), M. Patrice Gélard, rapporteur, a présenté l'amendement n° 2 visant à éviter un déséquilibre entre les pouvoirs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation et les prérogatives des commissions permanentes. Il a expliqué que cet amendement organisait la possibilité pour les instances permanentes de contrôle et d'évaluation de se voir attribuer dans les mêmes conditions que les commissions permanentes, soit après autorisation de l'assemblée à laquelle ils appartiennent et pour une durée maximale de six mois, des pouvoirs de convocation renforcés et des prérogatives de contrôle sur pièces se sur place.
M. Jean-Pierre Sueur a estimé que cet amendement pouvait apparaître comme plus restrictif que le texte de la proposition de loi, puisqu'il n'attribuait des pouvoirs renforcés aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation que de façon temporaire, alors que le texte adopté à l'Assemblée nationale leur donnait en permanence les pouvoirs d'audition des commissions permanentes et accordait à leur rapporteur les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place des commissions d'enquête. Il a considéré que l'amendement pouvait néanmoins apparaître comme plus souple, puisqu'il donnait à ces instances lorsqu'elles en feraient la demande les mêmes pouvoirs de convocation qu'aux commissions d'enquête.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que l'amendement présentait l'intérêt de limiter l'usage des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête. Considérant qu'un recours trop fréquent aux pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place risquerait d'en réduire l'efficacité, il a observé que l'alignement des instances permanentes de contrôle et d'évaluation sur les commissions permanentes apportait de ce point de vue davantage de garanties. M. Jean-Pierre Sueur a souhaité savoir si les commissions permanentes recouraient parfois à la possibilité de demander l'attribution des pouvoirs des commissions d'enquête, dans les conditions prévues par l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958. Il s'est également demandé pourquoi le texte issu de l'Assemblée nationale prévoyait que les rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation devraient exercer leur mission conjointement.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que les commissions permanentes demandaient rarement l'attribution des pouvoirs des commissions d'enquête, car elles n'avaient en général aucune difficulté à convoquer les personnes qu'elles souhaitaient entendre. Ainsi, il existait un précédent à la commission des lois, à laquelle ces pouvoirs avaient été accordés sans qu'elle les mette en oeuvre. M. Patrice Gélard, rapporteur, a expliqué que la mention selon laquelle les rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation devraient exercer leur mission conjointement visait la situation de plus en plus fréquente dans laquelle les organes d'une assemblée désignent des co-rapporteurs issus de la majorité et de l'opposition, à l'image de la commission des lois du Sénat.
A l'article 3 (assistance de la Cour des comptes au Parlement pour l'évaluation des politiques publiques), M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que les amendements n° s 4 et 7, présentés respectivement par M. Alain Vasselle et M. Jean Arthuis, rapporteurs pour avis, visaient à prévoir le traitement en priorité par la Cour des comptes des demandes qui lui sont adressées par les commissions des finances et par les commissions des affaires sociales au titre de l'article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.
M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur la nécessité de définir dans le traitement des demandes d'assistance adressées à la Cour des comptes une priorité pour les demandes émises par les commissions des finances et les commissions des affaires sociales, cette question lui paraissant relever de l'organisation interne de la Cour des comptes.
M. Jean-Jacques Hyest, président, rappelant que les prérogatives spécifiques des commissions des finances et des affaires sociales étaient définies par des lois organiques, a souligné que toutes les commissions dans leurs échanges avec les commissions des finances pouvaient contribuer à la définition des demandes d'enquête adressées par ces dernières à la Cour des comptes. M. Bernard Frimat a estimé que si les amendements n° s 3 et 6, présentés respectivement par M. Alain Vasselle et M. Jean Arthuis, rapporteurs pour avis, visaient à éviter une multiplication inconsidérée des demandes d'assistance du Parlement à la Cour des comptes sur les questions relatives aux finances publiques et aux finances sociales, les amendements n°s 4 et 7 portaient sur les règles d'organisation de la Cour et relevaient plutôt du domaine réglementaire. Soulignant que le juge des comptes n'était pas un juge de la politique conduite, il a estimé que la Cour des comptes n'avait pas à se prononcer sur l'opportunité des décisions mais sur leur régularité. Il a considéré qu'il n'était pas opportun d'adopter une règle de priorité risquant de conduire au rejet par la Cour de demandes qui n'émaneraient pas des commissions des finances et des affaires sociales.
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances, a expliqué que la Cour des comptes était de moins en moins une juridiction mais de plus en plus une institution de certification des comptes. Il a indiqué que l'amendement organisait une règle de priorité du traitement des demandes formulées par les commissions des finances et des affaires sociales car ces demandes trouvent leur fondement dans des dispositions de nature organique et doivent être satisfaites, pour les demandes émises par les commissions des finances, dans un délai impératif de huit mois suivant la saisine de la Cour. Il a précisé que les rapporteurs pour avis étaient associés à la définition des demandes d'enquête adressées chaque année par la commission des finances du Sénat à la Cour des comptes, ainsi qu'aux réunions de la commission au cours desquelles les magistrats de la Cour venaient présenter leurs conclusions.
M. Patrice Gélard, rapporteur, a relevé que les moyens de la Cour des comptes n'étaient pas illimités et qu'il semblait opportun que le Parlement définisse une règle de priorité dans le traitement des demandes qui lui sont assignées en prenant en considération les dispositions organiques attribuant des prérogatives spécifiques aux commissions des finances et des affaires sociales.
M. Pierre-Yves Collombat, indiquant qu'il ne mettait pas en cause le fonctionnement de la commission des finances, a observé que la Cour des comptes sortait régulièrement de son domaine de compétences. Il a déclaré que les deux amendements identiques proposés par les commissions des finances et des affaires sociales ne signifiaient pas que le Parlement imposait des priorités à la Cour des comptes, mais que celle-ci pourrait traiter seulement les demandes des commissions des finances et des affaires sociales. M. Bernard Frimat, relevant que la LOLF prévoyait déjà un délai de huit mois pour la remise par la Cour de ses conclusions sur les demandes d'enquête formulées par les commissions des finances, a estimé qu'en état actuel du droit une telle demande serait déjà prioritaire par rapport à celle transmise par le président de l'Assemblée nationale ou par le président du Sénat, puisque la Cour disposerait de douze mois pour répondre à ces saisines.
M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que l'amendement n° 8 tendant à insérer un article additionnel après l'article 3, présenté par M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis, tendait à compléter la proposition de loi par des éléments relatifs à la réforme des juridictions financières issus d'un projet de loi déposé en novembre 2009 à l'Assemblée nationale et renvoyé au fond à la commission des lois de cette assemblée. Il a expliqué que la commission des finances proposait de reprendre sept articles de ce projet de loi pour les intégrer à la proposition de loi présentée par M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, ces articles visant notamment à prévoir :
- l'affirmation de la compétence de la Cour des comptes en matière de contrôle de la gestion des collectivités territoriales et de leurs groupements ;
- la contribution de la Cour à l'évaluation des politiques publiques, point qu'il proposait lui-même de reprendre dans un autre amendement ;
- la consécration du rôle de la Cour dans la certification des comptes des administrations publiques et sa participation au contrôle des actes budgétaires des collectivités territoriales ;
- la réforme de l'organisation des juridictions financières. Ainsi, la Cour et les chambres régionales des comptes seraient unifiées et constitueraient une seule entité. Les chambres en région, devenant chambre des comptes, auraient un ressort interrégional ;
- la modification du statut des magistrats financiers, notamment pour affirmer la qualité de magistrats des membres de la Cour des comptes et pour redéfinir les grades ;
- l'expérimentation par la Cour des comptes de la certification des comptes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dont les produits de fonctionnement ont dépassé 200 millions d'euros en 2008 ;
- les dispositions transitoires relatives aux nouvelles règles statutaires applicables aux magistrats financiers ;
- le sort des procédures engagées devant les chambres régionales avant la réforme.
Soulignant que cet amendement dépassait largement l'objet initial de la proposition de loi, il a estimé que la réforme des juridictions financières supposait un examen approfondi. Il a observé que cette réforme suscitait par ailleurs des contestations y compris au sein des juridictions financières. Il a finalement proposé que la commission rejette l'amendement et réétudie, le cas échéant, la question lors de l'examen des amendements qui seront discutés en séance publique.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que la réforme voulue par M. Philippe Séguin, alors premier président de la Cour des comptes, faisait l'objet de contestations au sein des chambres régionales des comptes. Il a expliqué que lors de son audition par le rapporteur M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, avait indiqué que la réorganisation des juridictions financières entraînerait la suppression et le regroupement des chambres régionales des comptes de petite taille, afin de donner à de nouvelles structures interrégionales une plus grande réactivité. Il a relevé que, selon M. Didier Migaud, le développement de l'évaluation des politiques publiques requiert la réalisation d'une réforme des juridictions financières.
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances, rappelant que l'initiative de M. Bernard Accoyer visait à renforcer les moyens de contrôle du Parlement, a estimé que cet objectif supposait que la Cour des comptes dispose des moyens nécessaires, ce qui avait conduit M. Philippe Séguin à envisager l'unification des juridictions financières, afin de leur apporter une plus grande réactivité et de permettre la prise en compte des questions de finances locales dans les enquêtes demandées par le Parlement. Indiquant que le projet de loi portant réforme des juridictions financières était en instance d'examen à l'Assemblée nationale depuis novembre 2009, il a souligné que l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées ne laissait pas prévoir un examen prochain de ce texte, ce qui l'avait conduit à proposer l'intégration des éléments relatifs à la réforme dans la proposition de loi de M. Bernard Accoyer.
Précisant que son amendement ne reprenait pas le volet juridictionnel de la réforme, il a observé que les modifications proposées visaient à répondre à des craintes sur le fonctionnement de la Cour des comptes et que la commission des lois disposerait de trois semaines avant la discussion de la proposition de loi en séance publique pour approfondir l'examen de cette réforme.
M. Jean-Pierre Sueur a estimé que si l'avenir des juridictions financières constituait une question importante, elle ne devait pas être traitée dans le cadre d'une proposition de loi concernant en premier lieu le fonctionnement des assemblées. Expliquant qu'il avait rencontré longuement les magistrats de la Chambre régionale des comptes du Centre, il a relevé que la réforme conduirait au regroupement de cette chambre avec celle du Limousin, si bien que le ressort soumis au contrôle des magistrats financiers s'étendrait de Brive-la-Gaillarde à Dreux. Jugeant qu'une telle situation conduirait lesdits magistrats à passer davantage de temps à se déplacer qu'à certifier les comptes, il a considéré qu'une carte prévoyant une chambre par région demeurait adaptée. Il a en outre observé que l'amendement proposé par la commission des finances ne devait pas être adopté car il constituait un cavalier d'une ampleur considérable.
M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances, a expliqué que le regroupement des chambres régionales en chambres interrégionales avait pour objectif de concentrer les moyens, de nombreuses chambres régionales ne disposant que de quatre ou cinq conseillers.
M. Pierre-Yves Collombat a estimé que l'amendement ne pouvait être retenu car il n'avait aucun rapport avec la proposition de loi et portait sur une question trop controversée pour être traitée au détour d'un amendement.
M. Bernard Frimat, expliquant qu'il soutenait la position défavorable du rapporteur, a estimé que l'intégration par amendement d'une réforme aussi importante ne constituerait pas une méthode satisfaisante d'élaboration de la loi. Relevant que la proposition de loi devrait être examinée en séance publique le 27 avril, il a souligné que le délai d'examen ne permettait pas d'approfondir sereinement une réforme par ailleurs contestée.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que l'organisation des juridictions, y compris les juridictions financières, relevait de la compétence de la commission des lois.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a relevé qu'il y aurait quelque contradiction à procéder à l'adoption d'un amendement réalisant une réforme complète des juridictions financières, au moment où les deux assemblées créaient un groupe de travail sur la qualité de la loi. Elle a souhaité que la réforme des juridictions financières soit examinée lors de l'inscription à l'ordre du jour du projet de loi correspondant.
M. Jean-Pierre Michel indiquant que de nombreux sénateurs avaient eu l'occasion de rencontrer des magistrats des chambres régionales des comptes pour évoquer le projet de réforme, a relevé que la contestation suscitée par ce projet justifiait que le Parlement s'en saisisse pleinement.
M. Hugues Portelli a souligné que le projet de loi portant réforme des juridictions financières appelait non seulement des remarques de fond, mais aussi des observations de forme, puisqu'il prévoyait plusieurs habilitations à prendre des mesures par ordonnances, ce qui supposait un examen particulièrement attentif du Parlement. Il a considéré qu'il n'était pas souhaitable, pour répondre aux problèmes de gestion de l'ordre du jour, de développer le recours à une législation morcelée, insérant dans des textes qui ont initialement une cohérence propre des pans de réforme par voie d'amendement.
M. Bernard Saugey a estimé que la réforme des juridictions financières méritait un examen approfondi et ne pouvait être décidée au bénéfice d'un amendement intégré dans une proposition de loi ayant un objet initial différent.
Le sort de l'ensemble des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.
- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président -
Entrepreneur individuel - Examen des amendements au texte de la commission
Puis, la commission a examiné les amendements au texte n° 363 (2009-2010) qu'elle a établi pour le projet de loi n° 302 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
La commission a tout d'abord adopté six amendements, présentés par M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, ayant pour objet de réduire, de six à trois mois après le décès, le délai au cours duquel un héritier peut déclarer poursuivre l'activité professionnelle de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (article premier), d'ouvrir un droit d'opposition aux créanciers antérieurs à la déclaration d'affectation en cas de donation entre vifs du patrimoine affecté (article premier), de prévoir une coordination avec l'article L. 238-3 du code de commerce (article premier), de renvoyer au décret les dispositions matérielles de centralisation du répertoire des métiers (article premier bis A), de préciser le champ de l'habilitation visant à adapter par ordonnance les procédures prévues au livre VI du code de commerce (article 5) et de préciser, par coordination, les dispositions du projet de loi dont l'entrée en vigueur peut ne pas dépendre de la publication de l'ordonnance concernant les procédures collectives (article 10).
Concernant son amendement n° 13 tendant à limiter à trois ans le bénéfice du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, M. Richard Yung a précisé qu'il s'agissait d'un amendement d'appel destiné à évoquer la question de l'application dans le temps des dispositifs spécifiques tels que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou encore l'auto-entrepreneur.
En réponse à l'hostilité affichée par M. Richard Yung, à l'occasion de la défense de son amendement n° 15, à l'encontre de la pluralité de patrimoines affectés, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué que, bien qu'ayant longuement hésité sur cette question, il ne discernait aucune raison d'ordre juridique pour ne pas autoriser la constitution par un même entrepreneur de plusieurs patrimoines affectés. Cette situation créerait certes des difficultés pratiques, mais le risque de fraude, qui existe déjà dans le cadre d'un seul patrimoine affecté, ne s'en trouverait pas aggravé. Au demeurant, il est aujourd'hui loisible à un entrepreneur de créer autant de sociétés unipersonnelles qu'il le souhaite.
En réponse à M. Pierre-Yves Collombat qui estimait qu'autoriser la pluralité des patrimoines affectés signifiait multiplier des niches fiscales préjudiciables aux finances publiques, le rapporteur a indiqué que la pluralité des patrimoines affectés était fiscalement neutre.
Intervenant sur l'amendement n° 17, présenté par M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, concernant la dissimulation d'une relation salariale par le recours à la formule de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, M. François Pillet a observé que toute relation professionnelle pouvait être requalifiée en contrat de travail en cas de subordination juridique permanente à un donneur d'ordre.
Faisant part de ses réticences à l'encontre de l'amendement n° 27, présenté par MM. Jean--Léonce Dupont et Yves Pozzo di Borgo, tendant à laisser à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée soumis à une obligation de double immatriculation au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers le libre choix du registre de dépôt de la déclaration d'affectation, M. Richard Yung a insisté sur la nécessité de préserver le registre du commerce et des sociétés, considérant que le répertoire des métiers, dont le texte assure la montée en puissance, n'offre pas les mêmes garanties.
Concernant l'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Philippe Dominati, Gérard Cornu et René Beaumont, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a fait part de son scepticisme à l'encontre de la possibilité d'être entrepreneur dès l'âge de seize ans.
Concernant son amendement n° 19 qui vise à supprimer le bénéfice de la réduction à deux ans du délai de reprise de l'administration fiscale pour les entreprises qui adhèrent à un organisme de gestion agréé, M. Richard Yung a concédé qu'il était nécessaire d'inciter les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et les sociétés unipersonnelles à adhérer à un tel organisme.
Appuyant l'amendement n° 4 rectifié tendant à supprimer le second seuil de 10 % pour l'assujettissement aux cotisations sociales des dividendes versés par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée dans son patrimoine personnel en cas d'option pour l'impôt sur les sociétés, M. Pierre-Yves Collombat a indiqué partager l'intention exposée par M. Philippe Marini, auteur de l'amendement, consistant à mieux protéger le travail salarié.
A l'appui de son amendement n° 21 ayant pour objet de supprimer l'habilitation à prendre par ordonnance les mesures d'adaptation des procédures du livre VI du code de commerce, M. Richard Yung a réaffirmé son hostilité au principe de toute habilitation à légiférer par ordonnance, ajoutant que, dans le cas de ce projet de loi, le recours aux ordonnances se doublait de l'engagement de la procédure accélérée, privant ainsi les deux assemblées d'un débat complet sur tous les aspects du nouveau statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a estimé légitime le recours à une ordonnance en matière de procédures collectives, compte tenu des délais d'examen du texte et de la précision du contenu de l'habilitation.
Défendant leurs amendements n°s 5 et 22 de suppression de l'article 6 bis A, M. Richard Yung et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ont rappelé leur hostilité à l'introduction dans le projet de loi, par cet article, de la transformation du statut d'OSEO, qui constitue selon eux un « cavalier législatif ».
Enfin, malgré l'urgence de la transposition de la directive européenne relative à certains droits des actionnaires de sociétés cotées, l'amendement n° 36, déposé par le Gouvernement, qui propose de réaliser cette transposition par ordonnance, a suscité de nombreuses protestations, de la part notamment de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et de M M. Bernard Frimat, Richard Yung, Charles Gautier et Pierre-Yves Collombat, tous dénonçant le caractère de « cavalier législatif » d'un tel amendement.
La commission a adopté les avis suivants :
Mandats sociaux dans les sociétés anonymes - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
Puis, la commission a examiné le rapport de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx sur la proposition de loi n° 291 (2009-2010), présentée par Mme Nicole Bricq et plusieurs de ses collègues, relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance.
Après avoir constaté la sous-représentation actuelle des femmes dans les instances dirigeantes des grandes entreprises, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi, présentée par Mme Nicole Bricq, visait à assurer une plus grande égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, en utilisant notamment le moyen d'une limitation plus stricte du cumul des mandats sociaux. Elle a souligné l'authentique convergence de cette initiative avec la proposition de loi récemment adoptée par l'Assemblée nationale, sur le même sujet, à l'initiative de M. Jean-François Copé et Mme Marie-Jo Zimmermann.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, a considéré que l'évolution naturelle et l'autorégulation ne permettraient pas d'atteindre, dans un délai raisonnable, une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration ou de surveillance des grandes sociétés. Elle a néanmoins noté qu'il n'existait pas de problème de « vivier », les femmes présentant les compétences professionnelles requises étant suffisamment nombreuses dans les entreprises françaises.
Elle a ensuite rappelé que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 avait permis de surmonter la décision du Conseil constitutionnel du 16 mars 2006, qui avait constaté que la Constitution ne permettrait pas d'établir des quotas par sexe dans les organes dirigeants des entreprises.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, a ensuite présenté les principaux aspects de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq.
En premier lieu, le texte fixe un objectif d'au moins 40 % de mandataires sociaux de chaque sexe dans un délai de six ans dans les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés anonymes, des entreprises publiques et des établissements publics de l'Etat. Elle prévoit également une sanction de nullité des délibérations en cas de composition irrégulière de ces conseils. A cet égard, le rapporteur a jugé nécessaire de revoir cette sanction, particulièrement lourde, en vue d'éviter toute insécurité juridique dans la vie des entreprises.
En second lieu, la proposition de loi vise à limiter davantage le cumul des mandats sociaux, considérant qu'une telle limitation permettrait de rendre davantage de postes disponibles pour des femmes. Le rapporteur a rappelé, à cet égard, que le cumul des mandats était, dans l'esprit de l'auteur de la proposition de loi, directement lié à la question de la présence des femmes dans les conseils. Concernant plus particulièrement le cumul des mandats entre entreprises publiques et sociétés privées, le rapporteur a rappelé que le Sénat avait déjà eu l'occasion de se prononcer, à l'occasion de l'adoption le 18 novembre 2009 d'une proposition de loi présentée par M. Yvon Collin.
Pour conclure, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, est revenue sur la forte convergence existant entre la proposition de loi de Mme Nicole Bricq et celle transmise par l'Assemblée nationale : malgré un périmètre différent, elles se fixent le même objectif de 40 %, avec des modalités similaires de mise en oeuvre. Elle a estimé que ces deux initiatives devaient par conséquent être examinées conjointement, dans un esprit constructif, justifiant ainsi le dépôt d'une motion de renvoi en commission de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq dans l'attente de l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi émanant de l'Assemblée nationale.
Déplorant le dépôt répété de motions de renvoi en commission à l'encontre de propositions de loi émanant de l'opposition, notamment en vue d'attendre de futurs projets de loi ou de futures propositions de loi de l'Assemblée nationale, M. Bernard Frimat a estimé que le texte présenté par Mme Nicole Bricq, qui repose sur une analyse approfondie, était l'occasion d'avancer sur le sujet de la présence des femmes dans les conseils d'administration et de surveillance des grandes sociétés, et méritait à ce titre que le Sénat se prononce. Il a ajouté que l'incertitude pesant sur l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale posait un problème de méthode de travail.
Approuvant ces propos, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a relevé que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale n'était effectivement pas encore inscrite à l'ordre du jour du Sénat. En outre, elle a estimé qu'il était plus facile aux assemblées de légiférer à destination des milieux économiques, en vue de féminiser davantage les conseils d'administration et de surveillance, que de s'appliquer à elles-mêmes le principe de parité politique qu'elles ont pourtant adopté il y a dix ans.
M. Hugues Portelli a fait observer que l'Assemblée nationale était loin de toujours examiner les propositions de loi adoptées par le Sénat et qu'elle avait tendance, lorsqu'elle les examine, à les dénaturer. Il a plaidé pour que la majorité examine plus souvent au fond les propositions de l'opposition.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, a indiqué qu'elle avait pris soin de rencontrer Mme Nicole Bricq, afin notamment de lui expliquer la motivation du renvoi en commission, destiné à permettre la jonction avec la proposition de loi émanant de l'Assemblée nationale. Ce renvoi en commission devrait permettre de conduire un véritable travail de fond avant l'examen en séance publique de cette proposition de loi. Elle a ajouté que le texte de Mme Nicole Bricq permettrait utilement de réfléchir sur la question du cumul des mandats sociaux, absente du texte de l'Assemblée nationale.
Evoquant la complexité de cette question du cumul des mandats sociaux, M. Jean-Jacques Hyest, président, a regretté que le temps laissé à la commission avant le passage de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq en séance publique ne lui permette pas d'accomplir un travail suffisant, compte tenu de l'ampleur du sujet abordé. Il a insisté, à son tour, sur la nécessité de joindre les deux propositions de loi relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration ou de surveillance, en vue d'éviter d'inutiles navettes. A cet égard, il a plus généralement appelé de ses voeux une meilleure coordination des initiatives législatives du Sénat et de l'Assemblée nationale. Il s'est interrogé sur la possibilité de procéder à l'examen au sein d'espaces mensuels d'une durée de quatre heures de sujets d'une telle portée, d'autant plus que, parfois, deux thèmes sont demandés par le même groupe politique.
M. Bernard Frimat a approuvé le principe de la jonction des deux propositions de loi, qui pourrait permettre, en outre, qu'un temps de séance suffisant leur soit consacré. Pour autant, il a réaffirmé son opposition de principe aux motions de renvoi en commission des propositions de loi inscrites à l'ordre du jour du Sénat à la demande du groupe socialiste, a fortiori lorsqu'elles abordent une véritable question de fond dont chacun s'accorde à reconnaître l'importance. Il a souhaité, pour des sujets de cette nature, que puissent être mieux utilisées les ressources de la semaine sénatoriale d'initiative.
Enfin, M. Yves Détraigne a partagé les réticences de M. Bernard Frimat quant à l'usage répété par les commissions de la motion de renvoi en commission à l'encontre des propositions de loi émanant des groupes minoritaires ou d'opposition.
La commission a décidé de déposer la motion, présentée par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, tendant au renvoi en commission de la proposition de loi.
Application de l'article 65 de la Constitution - Examen du rapport et du texte proposé par la commissionen deuxième lecture
Puis la commission a examiné le rapport, en deuxième lecture, de M. Jean-René Lecerf et établi le texte qu'elle propose pour le projet de loi organique n° 322 (2009-2010), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution, relatif au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale avait validé l'essentiel des modifications apportées par le Sénat en première lecture. En particulier, elle a marqué son accord avec le dispositif de parité de composition entre membres magistrats et membres non magistrats, applicable aux formations siégeant en matière disciplinaire, avec la compétence reconnue à la formation plénière pour se saisir des questions relatives à la déontologie des magistrats, avec l'abaissement du quorum nécessaire pour l'adoption de sanctions ou de propositions de sanctions par les formations compétentes en matière disciplinaire, et avec l'organisation retenue pour les commissions d'admission des requêtes.
Sur d'autres points, l'Assemblée nationale a modifié à la marge les solutions adoptées par le Sénat, en prévoyant que la représentation équilibrée des hommes et des femmes dans la nomination des personnalités qualifiées serait assurée par chaque autorité de nomination et non de manière globale, en étendant à quinze jours plutôt que dix ouvrables le délai au cours duquel la formation compétente du Conseil supérieur devra se prononcer sur la mesure d'interdiction temporaire d'exercice applicable à un magistrat, et en prévoyant que le justiciable auteur de la plainte adressée contre un magistrat pourra être entendu par la commission d'admission des requêtes.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a constaté que quatre points restaient en débat, l'Assemblée nationale ayant en effet supprimé quatre modifications adoptées par le Sénat en première lecture : l'interdiction de plaider et d'agir en qualité de conseil d'une partie pour l'avocat membre du CSM, la procédure qui vise à garantir le respect par les membres du Conseil supérieur de leurs obligations déontologiques, l'avis du CSM rendu sur la proposition de nomination conjointe par le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette cour, du secrétaire général de l'institution, et la consécration de l'autonomie budgétaire du CSM.
Prenant acte des évolutions engagées par l'Assemblée nationale, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a néanmoins proposé de :
- maintenir l'interdiction de plaider devant les juridictions judiciaires pour l'avocat membre du CSM, en écartant toutefois l'interdiction d'agir en qualité de conseil juridique d'une partie engagée dans une procédure, adoptée par le Sénat en première lecture ;
- rétablir la consécration de l'autonomie budgétaire du CSM ;
- définir une nouvelle procédure permettant à la formation plénière de garantir le respect par les membres du CSM de leurs obligations déontologiques.
M. Jean-Jacques Hyest, président, s'étant interrogé sur l'opportunité d'imposer une interdiction générale et absolue de plaider à l'avocat membre du CSM, alors que l'essentiel est de garantir qu'il ne sera pas placé dans une situation de conflit d'intérêts, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a observé que, compte tenu du nombre de nominations sur lesquelles il sera appelé à se prononcer au cours de son mandat, la question du déport de l'avocat se posera de très nombreuses fois. Par ailleurs, il a souligné que les décisions rendues par les magistrats devant lesquels il aura plaidé seront fragilisées puisqu'elles pourront donner lieu soit à une procédure de récusation, soit à une contestation au regard du droit à un procès équitable, défini par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a jugé la consécration de l'autonomie budgétaire du CSM d'autant plus nécessaire que, en retirant la présidence du Conseil supérieur de la magistrature au Président de la République, le Constituant a entendu affirmer l'autonomie de cette institution.
M. Jean-Pierre Michel a indiqué que, tout en soutenant la position du rapporteur, le groupe socialiste, apparentés et rattachés votera, comme en première lecture, contre le projet de loi organique en raison de l'absence de toute réforme du statut du parquet.
Le sort de l'ensemble des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi rédigé.
Mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature -Examen du rapport et du texte proposé par la commission
La commission a ensuite examiné le rapport de M. Jean-René Lecerf et établi le texte qu'elle propose pour le projet de loi organique n° 321 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur, ayant exposé la nécessité de proroger les mandats en cours des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) afin d'éviter d'avoir à nommer un nouveau CSM qui sera dissout lorsque les dispositions du projet de loi organique n° 322 (2009-2010) relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution entreront en vigueur, M. Jean-Pierre Michel a souligné qu'une telle prorogation met en évidence la mauvaise organisation du travail gouvernemental.
La commission a adopté le projet de loi organique sans modification.
Jeudi 8 avril 2010
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -Audition de Mme Jeannette Bougrab, candidate désignée à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
La commission a procédé à l'audition de Mme Jeannette Bougrab, candidate désignée à la présidence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).
Après avoir rendu hommage à ses parents qui l'ont élevée dans la passion de la République française et des principes de liberté, d'égalité, de laïcité et de respect du droit, Mme Jeannette Bougrab a retracé les grandes étapes de son parcours.
Expliquant qu'elle a été guidée vers les études juridiques car le droit est l'instrument qui rétablit la justice, elle a souligné son intérêt précoce pour les questions relatives à l'égalité comme en témoignent sa thèse de doctorat sur les origines de la Quatrième République, ses travaux sur l'aide juridictionnelle et l'égalité d'accès à la justice, et ceux sur la discrimination en matière d'accès à l'emploi ou de rémunération. A l'occasion de ses recherches, elle s'est forgé la conviction que les discriminations sont intolérables parce qu'elles fragilisent les principes fondateurs de la République, et que la loi est le meilleur instrument pour rétablir l'égalité sociale.
Estimant que son parcours et ses origines lui permettront d'apporter une aide efficace à la lutte contre les discriminations, Mme Jeannette Bougrab a indiqué ressentir comme un honneur la proposition de sa nomination à la présidence de la HALDE.
Elle a rappelé avoir défendu la mise en place d'une structure de lutte contre les discriminations lorsqu'elle avait été entendue par la mission de préfiguration de la HALDE, dirigée par M. Bernard Stasi. Elle a rendu hommage au travail effectué par cette autorité au cours de son premier mandat dont rendent notamment compte la bonne image dont elle jouit auprès de la population et les recours chaque année plus nombreux adressés à ses services. Elle a estimé que ce succès trouve son origine dans la plus grande facilité d'accès des citoyens à la HALDE par rapport aux tribunaux et dans la rapidité et l'efficacité de la réponse qu'elle apporte aux victimes de discriminations.
Tout en saluant le travail du Sénat sur la question des discriminations, elle a observé que la HALDE symbolise aujourd'hui, aux yeux des citoyens, la lutte contre les discriminations.
Dessinant les principes qui guideront son action à la présidence de la HALDE, Mme Jeannette Bougrab a indiqué qu'elle s'attachera à préserver l'indépendance de cette autorité à l'égard des groupes d'intérêts comme des groupes politiques.
Afin de promouvoir la lutte contre les discriminations, sans juger nécessaire d'ajouter de nouvelles dispositions législatives, elle a estimé que la question étant avant tout celle de l'application des règles en vigueur, et a proposé de nouer un dialogue constructif avec le législateur à ce sujet.
Affirmant par ailleurs que la pénalisation n'était pas nécessairement la voie la plus efficace pour apporter aux personnes victimes de discrimination une juste réparation, celle-ci pouvant intervenir au terme d'une procédure civile ou d'une médiation, elle a considéré que la HALDE devait approfondir sa collaboration avec le monde judiciaire et apporter son expertise aux tribunaux.
Mme Jeannette Bougrab a rappelé que la HALDE n'était pas le législateur, qu'elle n'avait pas vocation à se substituer aux tribunaux, qu'elle était davantage un auxiliaire de justice. Elle a jugé qu'elle devait approfondir ses relations avec le monde de l'entreprise, de l'administration, les collectivités territoriales tout en évoquant les chartes négociées et les classes préparatoires intégrées déjà ouvertes.
Selon la candidate désignée, la HALDE doit s'occuper de l'ensemble des discriminations : celles concernant les femmes encore trop discriminées, l'âge, le handicap, l'origine ethnique. Elle a rappelé que la force de la haute autorité était de consolider le pacte social mais qu'elle n'avait pas vocation à devenir la caisse de résonance du communautarisme, ni un outil de revanche.
La candidate désignée s'est engagée, si elle était nommée, à rencontrer régulièrement les sénateurs pour leur rendre compte des travaux de la haute autorité.
M. Jean-René Lecerf a évoqué les conclusions de très nombreux rapports selon lesquels l'absence d'outils de mesure statistique des comportements discriminatoires constitue un frein à la prise de conscience de leur ampleur et à la lutte contre les atteintes au principe d'égalité et s'est interrogé sur les moyens de combattre un phénomène non mesuré. Il a demandé à Mme Jeannette Bougrab si, devant l'invisibilité statistique des minorités visibles, il ne convenait pas de permettre aux autorités publiques comme aux personnes morales de droit privé d'utiliser un cadre de référence établi par la HALDE en collaboration avec l'INSEE et l'INED, pour mesurer en leur sein la diversité ethnique. Il a dit n'être pas convaincu en la matière par la jurisprudence du Conseil constitutionnel non plus que par les réponses faisant référence de manière incantatoire à la déclaration des droits de l'homme ou à une éventuelle mixité qui règlerait les problèmes.
M. Pierre-Yves Collombat a souhaité connaître le sentiment de Mme Jeannette Bougrab sur les conclusions d'une délibération de la HALDE en date du 22 février 2010, concernant un arrêté municipal interdisant le stationnement des caravanes sur le territoire de la commune, assorti d'une dérogation pour la période s'étendant entre le 15 juin et le 15 septembre. Pour la HALDE, l'arrêté, s'il était apparemment neutre car d'application générale, avait un effet préjudiciable à l'égard des gens du voyage et constituait donc une discrimination indirecte.
M. Jean-Pierre Sueur a interrogé la candidate désignée sur le périmètre de compétence du futur défenseur des droits, sur l'importance du maintien de l'indépendance et de la spécificité de la HALDE ainsi que du défenseur des enfants et de la commission nationale de déontologie de la sécurité : ces instances doivent-elles être intégrées dans l'institution du défenseur des droits ou leur spécificité justifie-t-elle la préservation de leur identité propre ?
M. Jean-Pierre Michel, après avoir déclaré prendre acte avec intérêt des qualités personnelles et professionnelles de la candidate désignée à la présidence de la HALDE, a souhaité connaître son avis sur le profil récemment défini par le président du groupe UMP du Sénat pour y accéder.
M. Richard Yung a tout d'abord interrogé Mme Jeannette Bougrab sur les critiques concernant les pouvoirs excessifs que se serait octroyé la haute autorité ainsi que sur celles concernant l'insuffisance de ses moyens et la nécessité de lui en accorder davantage, et son opinion sur l'évolution des moyens et du périmètre de la HALDE. Il a souhaité ensuite connaître son sentiment sur le débat organisé sur l'identité nationale.
M. Patrice Gélard, rapporteur du projet de loi organique concernant le défenseur des droits, a rappelé le rapport parlementaire sur les autorités administratives indépendantes, qui avait conclu à la nécessité de les rationaliser et d'en réduire le nombre. Il a considéré que leur multiplication aboutissait à un démembrement de l'action de l'Etat. Il a rappelé que les parlementaires avaient obtenu que les responsables de ces autorités viennent leur rendre compte de leur activité, ce qui n'était pas auparavant le cas. Il a souhaité connaître la réaction de la candidate désignée à l'éventuelle suppression à terme de la HALDE et son intégration dans l'institution du défenseur des droits qui, constitutionnellement, a une vocation générale. Il a regretté, enfin, la participation de la HALDE à une émission dominicale sur la radio Europe 1 au cours de laquelle, semblant déborder de son cadre actuel, la haute autorité se transformait selon lui en quasi juridiction.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a souhaité connaître la position de Mme Jeannette Bougrab sur la subordination de la HALDE au défenseur des droits.
M. Jean-Jacques Hyest, président, évoquant les observations sur une trop grande judiciarisation de la société, a considéré qu'elles trouvaient leurs limites en matière de discrimination, un domaine relevant largement du droit pénal et appelant de ce fait l'intervention du juge en s'appuyant sur l'exemple des salaires. Il s'est déclaré surpris du faible nombre de transmissions de dossiers au parquet par la HALDE. Il a rappelé que le Sénat s'était opposé à l'attribution de pouvoirs juridictionnels à celle-ci et que se posait la question d'un équilibre entre la transmission au parquet et le traitement direct des réclamations. Pour lui, les discriminations les plus importantes doivent être transmises au parquet car elles constituent des délits. Par ailleurs, il a interrogé Mme Jeannette Bougrab sur l'activité de la HALDE, notant que d'après les statistiques sur cinq ans de celle-ci, les requêtes qui en relèvent effectivement diminuent de moitié après leur instruction ; il s'est s'interrogé sur la frontière entre discrimination et égalité. Il a remarqué que la HALDE avait permis de mettre en lumière des discriminations qui n'étaient pas connues comme celles concernant les femmes enceintes, et avait permis le dépôt de plaintes. Il s'est enfin interrogé, à titre anecdotique, sur l'utilité des études demandées à des sociologues, qui pouvaient parvenir à des conclusions excessives, comme celle déconseillant l'étude, en classe, du poème de Ronsard « Mignonne, allons voir si la rose » qui serait discriminatoire envers les seniors.
Mme Jeannette Bougrab a estimé que l'existence d'autorités administratives indépendantes (AAI) était légitime dans certains domaines spécifiques où l'organisation administrative traditionnelle était peu efficace, notamment dans le champ des libertés publiques ou dans des matières très techniques. Elle a fait valoir que les AAI n'étaient pas des démembrements de l'Etat mais des émanations de celui-ci, dont le cadre juridique et le budget restaient fixés et contrôlés par le Parlement, l'indépendance ayant ainsi pour contrepartie la responsabilité.
Concernant la création éventuelle du défenseur des droits et ses conséquences pour l'avenir de la HALDE, elle a indiqué qu'il reviendrait en tout état de cause au législateur de se prononcer. Toutefois, à titre personnel, elle a estimé que la lutte contre les discriminations constituait une mission bien spécifique et que l'existence d'une autorité chargée en propre de cette mission avait permis de mettre fin à un sentiment d'impunité dans certains domaines, citant en exemple des pratiques de licenciement de femmes enceintes qui n'avaient auparavant donné lieu à aucune jurisprudence qui fût favorable à ces dernières.
Après avoir rappelé qu'elle avait préconisé, par le passé, de confier à la HALDE un pouvoir de sanction administrative, afin que la saisine de cette autorité ne constituât pas simplement une étape supplémentaire dans une procédure juridictionnelle, elle a toutefois indiqué qu'elle ne souhaitait pas que la HALDE acquière de nouveaux pouvoirs, tels que celui de déclencher des visites de contrôle inopinées ou encore d'invoquer le délit d'entrave. Elle a ainsi souligné que la HALDE pouvait déjà saisir le juge des référés pour obtenir des documents et qu'elle avait obtenu gain de cause dans les trois cas où elle avait usé de cette faculté au cours des cinq dernières années.
Mme Jeannette Bougrab a par ailleurs estimé qu'il n'était pas souhaitable que la HALDE recoure encore davantage aux procédures pénales. En effet, il est nécessaire pour le plaignant, en matière pénale, de produire la preuve de la discrimination, ce qui est souvent très difficile, tandis qu'en matière civile la charge de la preuve est inversée, l'employeur ayant à prouver l'absence de discrimination. En outre, l'action civile permet de réparer l'injustice résultant de la discrimination, réparation préférable, car plus utile au plaignant, à la condamnation pénale du responsable de cette discrimination.
Il est ainsi nécessaire, selon elle, que l'action de la HALDE puisse mieux s'articuler avec l'ensemble des procédures juridictionnelles, notamment par le développement du rôle d'expertise de cette AAI auprès des tribunaux civils et administratifs.
En matière de statistiques sur les discriminations, elle a souligné que la HALDE avait utilement participé à des études visant à mesurer les phénomènes discriminatoires, en collaboration avec des organismes tels que l'Institut national des études démographiques (INED), l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou le Centre d'études et de recherche sur les qualifications (CEREQ). Elle a salué l'intérêt de l'étude l'enquête "Trajectoires et origines" (TeO) menée par l'INSEE et l'INED et récemment publiée.
Elle a toutefois estimé qu'il n'était pas tant nécessaire de compter les discriminations que de les combattre, d'autant que les études statistiques en la matière sont très coûteuses. Elle a également marqué son désaccord avec la manière dont avait été menée une grande enquête de « testing » auprès d'entreprises du CAC 40.
En revanche, selon elle, le rôle de la HALDE peut consister à mener des études de cas particuliers permettant de mettre en évidence des mécanismes de discriminations systémiques et d'en démonter le fonctionnement. La HALDE peut également s'attacher à mettre en valeur des expériences positives, telles que les programmes mis en place par certaines grandes entreprises pour lutter contre les discriminations.
Elle a également observé que les personnes les plus affectées par les discriminations ne s'adressaient pas suffisamment à la HALDE, et que celle-ci devrait donc s'efforcer d'entrer en contact avec ces personnes.
M. Jean-René Lecerf a fait valoir que limiter les études à des cas particuliers risquait de conduire à ignorer l'ampleur des processus de discrimination. Il a cité en exemple le cas de grandes entreprises et d'offices HLM qui n'embauchent presque jamais de personnes appartenant aux « minorités visibles » sans même que ce choix soit nécessairement conscient. L'existence et la publication de statistiques globales seraient susceptibles d'inciter ces acteurs à modifier leurs pratiques. Par ailleurs, il a interrogé Mme Jeannette Bougrab sur l'éventualité d'une installation de la HALDE en banlieue parisienne, ce qui permettrait de diminuer sensiblement le loyer payé par l'institution.
Mme Jeannette Bougrab a souligné que le ministre du budget avait tenté de faire réviser le bail, signé en 2004 bien avant l'installation de l'AAI, et elle a fait valoir que sa rupture pure et simple donnerait lieu au paiement de pénalités. Elle s'est engagée à chercher une solution à ce problème tout en soulignant la nécessité que la HALDE reste un lieu accessible à tous, notamment aux personnes handicapées. Elle a fait valoir à cet égard qu'il était très difficile pour celles-ci d'utiliser le métro parisien, insuffisamment équipé pour les accueillir.
En réponse à une question de M. Jean-René Lecerf, elle a également évoqué la persistance des discriminations liées à la couleur de la peau et à l'origine géographique des personnes.
Elle a ajouté qu'il existait également des actions à mener contre les discriminations dans les départements et collectivités d'outre-mer, ainsi que dans les territoires ruraux.
En réponse à la question de M. Pierre-Yves Collombat concernant les gens du voyage, Mme Jeannette Bougrab a rappelé qu'un arrêté municipal interdisant le stationnement des caravanes relevait du contrôle des mesures de police administrative du maire et de leur adaptation aux circonstances.
Interrogée à nouveau par M. Pierre-Yves Collombat sur la position adoptée par la HALDE sur cet arrêté municipal, Mme Jeannette Bougrab a indiqué ne pas souhaiter commenter un avis de la HALDE, ajoutant qu'elle était au demeurant tenue à une obligation de réserve en raison de son appartenance à une juridiction administrative.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a jugé souhaitable que certaines institutions ne s'estimassent pas supérieures aux juridictions, voire au législateur et au Conseil constitutionnel, regrettant ainsi certaines positions prises par la HALDE.
S'étonnant de l'attachement à son obligation de réserve de magistrat administratif affiché par Mme Jeannette Bougrab, M. Bernard Frimat a souligné que la fonction de président de la HALDE devait comporter un rôle d'alerte conduisant à sortir de l'obligation de réserve.
Après avoir rappelé que la HALDE était obligatoirement consultée par le Gouvernement sur les projets de textes susceptibles de concerner la lutte contre les discriminations, Mme Jeannette Bougrab a affirmé que le rôle d'alerte de la HALDE devait s'exercer dans le cadre de la préparation de la loi, mais que la loi votée par le Parlement devait être appliquée. La loi votée par le Parlement ne saurait, selon elle, être liberticide. En outre, elle a considéré qu'il n'appartenait pas à la HALDE de porter des appréciations sur les décisions du Conseil constitutionnel. En revanche, elle a convenu qu'il appartenait à la HALDE de signaler les difficultés pratiques pouvant survenir dans l'application de la loi générant des situations discriminatoires. Pour autant, elle a confirmé qu'elle ne souhaitait pas que la HALDE excédât son rôle, mais au contraire qu'elle respectât les prérogatives du Parlement et des juridictions.