- Mardi 20 octobre 2009
- Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes
- Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement
- Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense
- Nomination de rapporteurs
- Mercredi 21 octobre 2009
Mardi 20 octobre 2009
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes
Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission Action extérieure de l'Etat).
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a tout d'abord précisé le contenu de la mission « action extérieure de l'Etat ». Il a rappelé qu'elle regroupait les moyens des réseaux diplomatiques, consulaires, ceux de l'action culturelle dans les pays développés, les contributions internationales de la France en particulier au système des Nations unies et aux institutions européennes, les crédits en faveur des Français à l'étranger, comme les bourses ou l'action sociale, ceux de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), et enfin les moyens de la diplomatie d'influence à destination des pays de l'OCDE. Il a ajouté que le reste des crédits de coopération culturelle relevait de la mission « Aide publique au développement ».
Il s'est félicité de l'augmentation du budget du ministère des affaires étrangères et européennes, qui passe de 4,6 milliards d'euros en 2009 à 4,9 milliards d'euros en 2010, soit une progression de 11 % en crédits d'engagements et de 7 % en crédits de paiements. Il a qualifié le budget de son ministère pour 2010 de budget volontariste, d'engagement et de réforme.
M. Bernard Kouchner a indiqué que le budget 2010 reflétait quatre priorités. En premier lieu, le soutien au multilatéralisme, en particulier à l'ONU. Les contributions internationales, destinées à près de soixante-dix organisations internationales, contre cent quarante en 2007, s'élèvent à 391 millions d'euros en 2010. Il a souligné l'effort accru de sincérité budgétaire avec l'inscription de 50 millions d'euros supplémentaires pour les opérations de maintien de la paix, après une première augmentation de 40 millions d'euros en 2009. Il a rappelé que la France était favorable à ce que les barèmes de contributions, notamment à l'ONU, soient plus équitables et reflètent à leur juste niveau le rôle croissant des pays émergents, ce qui devrait permettre de dégager certaines marges de manoeuvre sur le plan budgétaire.
La deuxième priorité du budget est la traduction des engagements politiques pris au plus haut niveau de l'Etat, notamment concernant la mesure de gratuité de la scolarisation des élèves français à l'étranger, étendue désormais à la classe de seconde. Les moyens alloués aux mécanismes de soutien à la scolarité progressent de 20 millions d'euros, passant de 67 millions d'euros en 2008 à 106 millions d'euros en 2010. 30 000 élèves sur 80 000 bénéficient d'une aide à la scolarité, 9 500 au titre de la gratuité et 20 000 pour les bourses. Dans le même temps, le ministre a souligné l'importance du développement du réseau des lycées français, qui constitue un outil d'influence et une source de rayonnement culturel. L'AEFE voit ainsi sa dotation progresser de 10 millions d'euros pour soutenir l'essor du réseau et l'afflux continu de nouveaux élèves.
La troisième priorité, a énoncé M. Bernard Kouchner, porte sur l'action culturelle extérieure, qui bénéficie d'une mesure exceptionnelle de 20 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2010, 40 millions d'euros additionnels ayant été accordés par le Premier ministre sur deux ans pour accompagner la réforme du dispositif d'action culturelle engagée avec le soutien du Président de la République.
Enfin, la dernière priorité porte sur le renforcement de la sécurité dans les ambassades. La dotation pour 2010 s'élève à 15,5 millions d'euros, soit une augmentation de 50 % pour les dépenses d'équipement (sécurité passive) et la mise en oeuvre de moyens humains (sécurité active), notamment dans les nouvelles zones de menace.
Ce budget est aussi un budget de réforme qui traduit le souhait du ministère de s'inscrire dans l'effort global de maîtrise du train de vie de l'Etat et de modernisation de l'action publique afin que chaque euro soit le plus utilement dépensé.
Le ministère des affaires étrangères et européennes, comme la plupart des autres ministères, poursuit la diminution des effectifs et des moyens de fonctionnement, mais de façon concertée, grâce à une réforme en profondeur des réseaux diplomatique, consulaire, culturel et de coopération. La modernisation de l'outil diplomatique se traduira par la suppression de 255 emplois en 2010, soit une baisse de 2 % des effectifs. Ces efforts seront répartis entre l'administration centrale et l'étranger, où ils seront concentrés sur les grandes ambassades dites « à format d'exception » et les plus petites, c'est-à-dire les trente postes de présence diplomatique, pour lesquels un format type à dix emplois a été défini. Parallèlement, les moyens de fonctionnement à Paris et dans les postes diplomatiques diminuent également de 2 %.
Pour autant, la présence demeure universelle, a indiqué M. Bernard Kouchner, car c'est l'atout de la diplomatie française. Le coeur du métier diplomatique, à savoir la veille politique, la protection des Français et la diplomatie d'influence, sera préservé.
M. Bernard Kouchner a également rappelé que le ministère des affaires étrangères et européennes était entré, depuis maintenant près de quinze ans, dans un processus de rationalisation de l'emploi public et il a estimé qu'il était nécessaire de préserver, pour l'avenir, une capacité de redéploiement interne des effectifs, pour les personnels diplomatiques notamment.
S'agissant de la mise en oeuvre de la réforme du ministère des affaires étrangères et européennes, le ministre a rappelé que 2009 fut l'année de la réforme de l'administration centrale, mais aussi, avec l'implantation sur les nouveaux sites à la Courneuve et à la Convention, d'une opération immobilière majeure et exemplaire puisqu'à coût nul pour l'Etat.
Il a ensuite énoncé les principales orientations pour 2010 :
- la poursuite de la réforme des opérateurs, avec la transformation de l'opérateur culturel, la création de l'opérateur pour la mobilité et la réaffirmation de la tutelle politique et stratégique du ministère sur l'agence française de développement ;
- la poursuite de la mutation stratégique du réseau autour du principe général de renforcement de l'autorité de l'ambassadeur comme coordonnateur et animateur des services, grâce au regroupement, à la mutualisation et à l'externalisation au moins partielle des fonctions de support des services de l'Etat à l'étranger (achats, intendance, informatique, gestion immobilière), à la modernisation des services consulaires et à la réorganisation du dispositif de diplomatie d'influence.
Concernant la politique d'action culturelle, M. Bernard Kouchner a rappelé, en la regrettant, la diminution des crédits en 2009, parfois de 20 %, au sein du programme « rayonnement culturel et scientifique ». Il a indiqué que, pour 2010, les dotations seront stabilisées autour de 80 millions d'euros pour le programme 185 et en progression si on inclut les crédits de la mission Aide publique au développement, avec 177 millions d'euros, soit une augmentation de 4 % par rapport au programme 209. Il a fait valoir que cette crise des moyens aura permis de révéler une crise de sens de la politique menée, un doute sur les structures, les hommes, les outils et qu'elle fut le point de départ d'une réflexion approfondie sur la modernisation du dispositif.
Le ministre aura prochainement l'occasion de présenter les conclusions de cette réflexion dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'action extérieure de l'Etat, qui a pour objectif de replacer l'action culturelle au coeur de la politique étrangère et de lui donner des moyens renforcés, une organisation lisible et cohérente.
A Paris, une nouvelle agence sera créée sous la forme d'un établissement public industriel et commercial, qui devrait être placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, et qui devrait entretenir un lien rénové avec le réseau culturel à l'étranger, ce dernier devant lui aussi être modernisé avec la fusion des services d'ambassade chargés de la coopération culturelle et des centres culturels.
M. Bernard Kouchner a souhaité aussi mentionner quelques sujets de préoccupation. Il s'agit en particulier de la gestion immobilière du ministère qui doit concilier impératifs de prestige et problèmes récurrents de trésorerie. A l'étranger, la réflexion sur un opérateur immobilier progresse, mais le ministre a souhaité que la politique immobilière permette de préserver, dans le choix des implantations, la double dimension de prestige et de sécurité, composante essentielle de l'image de la France. En France, le ministère doit achever l'opération de rénovation du 37, quai d'Orsay, qui restera le coeur et l'emblème de la diplomatie française, pour un coût estimé à 70 millions d'euros, à l'horizon 2012-2013. La capacité d'accueil des bureaux devrait être portée à 1 300 agents au lieu de 900 actuellement, grâce à la récupération de trois étages précédemment occupés par les archives, et le site sera entièrement modernisé. Le ministère pourra définitivement libérer les autres implantations résiduelles qu'il occupe encore aujourd'hui, notamment boulevard des Invalides.
Un autre motif d'inquiétude porte sur l'action sociale dont la dotation budgétaire subira en 2010 une diminution, passant de 19 millions d'euros en 2009 à 17,5 millions d'euros l'an prochain. Il faudra trouver des marges de manoeuvre, afin de maintenir au mieux l'effort de solidarité vis-à-vis des ressortissant les plus démunis à l'étranger, et mettre à profit les progrès de la citoyenneté européenne et le principe de non-discrimination en matière d'action sociale au bénéfice de nos compatriotes résidant dans les pays de l'Union européenne. Les postes consulaires veilleront, en application de ce principe, à ce que les ressortissants français puissent accéder pleinement aux mécanismes de protection sociale de leur pays de résidence.
Enfin, bien que cela ne fasse pas partie de la mission « action extérieure de l'Etat », le ministre a souhaité souligner l'effort consenti par la France pour soutenir sa trajectoire d'aide publique au développement. Au seul titre bilatéral, un effort important en faveur de l'aide aux projets est réalisé, notamment au profit de l'Afghanistan et du Pakistan, avec 50 millions d'euros par an, ce qui fait de la France le 6e contributeur.
L'objectif de 0,7 % du PNB consacré à l'aide publique au développement nécessitera toutefois d'autres efforts financiers et des solutions innovantes. C'est le sens de la contribution sur les transactions financières que la France a proposée à ses partenaires, et qui, à un taux très faible de 0,005 % (soit 5 centimes prélevés sur une transaction de 1 000 euros), permettrait de lever 30 à 40 milliards d'euros par an.
Puis un débat s'est ouvert au sein de la commission.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis des crédits du programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique », s'est inquiétée de la réduction des crédits affectés à ce programme. Elle a souligné que la note Achille permettait, en quatre pages, de passer de l'affichage d'une progression de 11,1 % à la réalité, c'est-à-dire une augmentation réelle de 1,4 %. S'agissant, en particulier, du financement des bourses destinées aux élèves étrangers, elle a relevé leur diminution de 20 à 15 millions d'euros de 2009 à 2010, soit -25 % pour le programme 185 et de 81 à 72 millions d'euros pour le programme 209 « Aide publique au développement ». Elle a évoqué plusieurs décisions récemment prises par le ministère français de l'enseignement supérieur et de la recherche rendant plus strictes les conditions d'attribution des bourses et compliquant les démarches à accomplir par les étudiants étrangers souhaitant venir en France. Ainsi, vient d'être créée une procédure d'inscription en ligne dénommée « Admission post-bac », concurrente de la procédure « Centre pour les études en France » créée depuis plusieurs années par le ministère des affaires étrangères et européennes. Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est également alarmée d'une possible fiscalisation des bourses doctorales attribuées à ces étudiants. Puis elle a évoqué la réforme de l'action culturelle extérieure de la France, rappelant qu'un récent rapport cosigné par les présidents de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et adopté à l'unanimité par les deux commissions recommandait le rattachement du réseau culturel français à la future agence chargée de la coopération culturelle extérieure, et a souhaité connaître le sentiment du ministre sur ce point au regard de la nouvelle expertise qu'il a demandée. Elle a souligné combien le budget alloué à l'agence française pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) était insuffisant pour faire face à la fois à la scolarisation des élèves français à l'étranger et aux nécessaires rénovations immobilières auxquelles doivent procéder certains établissements.
Elle a déploré le coût croissant engendré par la prise en charge, par la France, des frais de scolarité des élèves français inscrits dans les établissements d'enseignement à l'étranger, et s'est inquiétée de la réduction du montant des bourses attribuées sur critères sociaux.
Enfin, elle a fait valoir que le message adressé à nos compatriotes installés en Guinée était contradictoire, puisqu'on les presse de quitter ce pays, mais qu'aucune évacuation officielle n'a été organisée. Elle a souligné l'opportunité d'une évacuation partielle des Français les plus démunis, sélectionnés sur critères sociaux.
M. Josselin de Rohan, président, remplaçant M. André Trillard, rapporteur pour avis des crédits des programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », et 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », empêché, a salué l'augmentation de 6 % des crédits de paiement attribués dans le projet de loi de finances pour 2010 au financement des opérations de maintien de la paix (OMP) de l'ONU. Il a souhaité connaître l'état des négociations en cours, au sein des contributeurs aux Nations unies, sur l'évolution des quotes-parts versées par les principaux pays contributeurs. Il a déploré que l'augmentation constatée des crédits affectés au programme 151, soit 20 millions d'euros, soit entièrement consacrée à la prise en charge du coût de la scolarité des élèves français de seconde, et que l'ensemble des autres éléments de ce programme soit en baisse. Il s'est enquis de la nature des transferts de certaines compétences des postes consulaires limitrophes aux préfectures et mairies françaises frontalières. Enfin, il a interrogé le ministre sur l'existence éventuelle de règles régissant l'actualisation des sites « pays » accessibles par le portail « Affaires étrangères », précisant que leur cadence de mise à jour était très disparate, parfois trop lente.
En réponse, le ministre a apporté les éléments suivants :
- les bourses financées directement par les crédits des services d'action culturelle et de coopération ont en effet régressé de 108,3 millions d'euros en 2008 à 83 millions en 2009, puis à 88 millions en 2010. Le ministère a cependant demandé aux postes que ces bourses constituent une priorité par rapport aux stages, en s'appuyant éventuellement sur des cofinancements avec des entreprises ou des collectivités territoriales ;
- les procédures d'admission post-bac mises en place en janvier 2009 pour des titulaires d'un baccalauréat étranger, par le ministère de l'enseignement supérieur, s'ajoutent, en effet, aux modalités d'inscription sur le site Campus France ; cette source de confusion doit faire l'objet d'une concertation interministérielle, tout comme le statut des salariés chercheurs doctorants, dont la venue en France découle d'une logique d'invitation plus que d'une rémunération salariale. S'agissant de la tutelle de la future agence de la mobilité internationale, le ministère des affaires étrangères et européennes plaide pour une tutelle unique à son profit et pour une représentation des autres ministères du conseil d'administration. L'ensemble de ces éléments est soumis à l'arbitrage du Premier ministre, puis, si nécessaire, du Président de la République ;
- s'agissant du réseau culturel à l'extérieur, M. Bernard Kouchner a rappelé sa volonté d'établir un lien fort entre l'agence et le réseau. Les moyens lui seront donnés pour ce faire. Toutefois, une étude approfondie des conséquences administratives et budgétaires d'un rattachement a été demandée et vient d'être remise. Les éléments en seront communiqués au Parlement. Les ultimes arbitrages sur le périmètre de l'Agence culturelle extérieure ont été rendus la semaine dernière ; il apparaît cependant que les moyens financiers requis pour rattacher le réseau culturel extérieur à l'Agence seront importants, et qu'un délai de deux à trois ans sera nécessaire pour procéder aux ajustements souhaitables et mettre en place le dispositif administratif et institutionnel. Le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat devrait être examiné au Sénat avant la fin de l'année 2009 et discuté par l'Assemblée nationale en février 2010 ;
- 30 000 élèves français à l'étranger, sur un total de 90 000, bénéficient aujourd'hui de la prise en charge du coût de leur scolarité par l'État ; un audit sera réalisé durant le mois de juillet 2010 pour mesurer toutes les conséquences de cette gratuité, et intégrer, si nécessaire, le contexte social et salarial des familles expatriées pour moduler cette prise en charge ;
- la France est le pays européen qui accorde le plus d'aides sociales à ses citoyens expatriés, soit 5 404 allocataires en 2009. La baisse, préoccupante, de 10 % des crédits consacrés à cette aide nécessite de trouver des marges de manoeuvre. Ainsi, 244 allocations seront supprimées au sein de l'Union européenne et leur prise en charge transférée aux Etats membres.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souligné que, en 1996, l'équivalent de 15 millions d'euros était attribué aux 900 000 Français expatriés, alors que, en 2009, ce sont 14,8 millions d'euros dont ont bénéficié le 1,4 million de Français établis hors de France, ce qui démontre l'importance de la dégradation, en monnaie constante.
En réponse, le ministre a précisé que nos postes à l'étranger ont reçu pour consigne de suivre avec beaucoup d'attention les cas des expatriés en situation sociale critique.
S'agissant de la Guinée, le ministre a tout d'abord rappelé la très ferme condamnation des exactions et du régime en place. Aucun ordre d'évacuation n'a été adressé à nos compatriotes L'école française de Conakry est restée fermée du fait de l'incertitude politique et 700 Français sur 2 500 ont quitté ce pays, soit pour le Sénégal, soit pour la France. En cas de nécessité, des rapatriements pour indigence seront financés par les crédits d'urgence du centre de crise.
Aux questions de M. André Trillard, M. Bernard Kouchner a répondu que :
- en accord avec le Royaume-Uni, la France a demandé, au début de l'année 2009, que la dimension budgétaire des futures OMP soit prise en compte, dès leur conception, par les instances dirigeantes de l'ONU ; le Conseil de sécurité a pris acte de cette demande dans sa résolution du 5 août 2009 ;
- la France représente aujourd'hui environ 4,7 % de la richesse mondiale, alors que sa quote-part à l'ONU s'élève à 6,3 %. Des discussions sont en cours pour faire évoluer cette proportion, en prenant en compte la montée en puissance financière des pays émergents comme le Brésil, l'Inde, la Chine, notamment ; un réajustement du barème suppose un engagement politique au plus haut niveau ;
- les élèves étrangers inscrits dans les établissements d'enseignement français sont passés de 192 000 à la rentrée 2008 à 272 000 à la rentrée de 2009. Ces chiffres, fournis par l'AEFE, démontrent la forte attractivité des établissements français d'enseignement. Le bilan d'étape, prévu pour juillet 2010, sera élaboré en concertation avec l'AEFE ;
- la baisse des crédits du programme 151 n'est pas liée à la gratuité mais à l'effort de solidarité demandé par le Gouvernement ;
- les transferts de compétence des consulats aux préfectures et mairies découlent d'un accord passé avec l'Allemagne, qui permet à la préfecture du Bas-Rhin et à la mairie de Strasbourg de délivrer les cartes nationales d'identité, dont 103 ont été établies de janvier à juillet 2009, ainsi que les passeports, au nombre de 60 pour la même période, au bénéfice des Français résidant en Allemagne dans la région frontalière ;
- les fiches « pays » figurant sur le site du ministère des affaires étrangères et européennes sont réalisées par la Direction géographique compétente, avec une consigne d'actualisation tous les deux mois ; cette consigne passe à quatre jours en cas de crise ; quant à la fiche « conseils aux voyageurs », elle peut évoluer plusieurs fois par jour, comme cela a été récemment le cas pour la Guinée.
M. Jean-Pierre Chevènement a constaté que le budget du ministère des affaires étrangères et européennes accompagnait la révision générale des politiques publiques (RGPP) avec une baisse de 2 % des effectifs et des crédits de soutien. Il s'est inquiété des conséquences de l'application du futur traité de Lisbonne comportant la création d'un service d'action extérieure européen. Interrogeant le ministre sur les moyens de contrôle dont il disposait pour que les rémunérations offertes par ce service ne soient pas de nature à attirer les meilleurs agents de son ministère, il a affirmé qu'il conviendrait d'harmoniser les rémunérations perçues par les collaborateurs de la Commission européenne avec celles des diplomates français, nettement moins importantes, faute de quoi surgirait un risque d'exode des personnels les plus qualifiés. Il s'est par ailleurs inquiété des pouvoirs de nomination que conserverait le ministre en ce domaine.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam a déploré la baisse des crédits d'aide sociale, et a souhaité qu'une coopération s'instaure avec le ministère des affaires sociales. Elle a attiré l'attention du ministre sur les petites structures d'enseignement qui complètent utilement les établissements de l'AEFE, prenant l'exemple de la Grande-Bretagne où le seul lycée français était situé à Londres. Enfin, elle a déploré que, parallèlement à la ratification par la France du traité d'Oslo bannissant les armes à sous-munitions, seuls 300 000 euros aient été consacrés par la France à l'aide au déminage et à l'assistance aux victimes, alors que le Royaume-Uni, l'Allemagne ou les Etats-Unis d'Amérique y consacraient des budgets bien supérieurs, allant de 13 à 20 millions d'euros.
M. Daniel Reiner a également déploré la baisse des crédits affectés au traitement des « restes explosifs ». Il a souhaité savoir où en était l'application de la convention récemment conclue avec le Vatican sur la validation mutuelle des diplômes.
M. Jean Besson a regretté la baisse des crédits de fonctionnement alloués aux réseaux diplomatique et consulaire, et s'est interrogé sur l'extension possible d'une mise en commun des moyens avec d'autres pays européens, à l'image de ce qui se fait avec l'Allemagne au Kazakhstan.
Mme Dominique Voynet s'est alarmée de la situation critique des populations rom en Île-de-France, face à laquelle les élus locaux sont démunis et qui crée parfois de vives tensions. Elle a rappelé que le préfet d'Île-de-France avait réuni des élus autour de tables rondes, mais qu'il convenait de mener en amont, dans les pays membres de l'Union européenne dont ces Rom sont originaires, une action de stabilisation de ces populations.
En réponse, le ministre a précisé que :
- le service d'action extérieure de l'Union européenne sera constitué sur fond d'arbitrages entre le Conseil, la Commission et les vingt-sept Etats membres. Ces Etats auront la tâche d'établir un équilibre politique entre leurs représentants, et proposeront des niveaux communs de rémunération ;
- il convient de donner plus de moyens à la PESC (politique étrangère et de sécurité commune), qui permettra de renforcer la présence de l'Europe dans le monde à travers une politique et des positions communes qui font aujourd'hui souvent défaut. Cette politique commune n'entraîne naturellement pas une absorption des politiques nationales dont les réseaux diplomatiques conservent toute leur pertinence. Ce sont les pays européens qui nommeront au Service d'action extérieure de l'UE et qui proposeront au Conseil et à la Commission les mesures d'harmonisation nécessaires ;
- la France consacre, en effet, malheureusement, peu d'argent aux actions de déminage, bien qu'elle fournisse de nombreux experts très bien formés pour y procéder ;
- le ministère français de la défense est chargé d'un programme sur dix ans de destruction coordonné des munitions interdites par les conventions internationales ;
- c'est avec l'Allemagne que les co-localisations sont les plus nombreuses, avec une maison diplomatique au Mozambique et au Bangladesh, un futur centre culturel conjoint à Moscou ou un consulat allemand au Brésil, à Rio, dans la Maison de France. De plus, se généralise une entraide des services européens pour la délivrance des visas. Cette mutualisation conduit à de bons résultats en matière consulaire, mais les ambassades doivent rester nationales. La présence de postes diplomatiques français dans quasiment tous les pays du monde pourra faire l'objet d'évolutions dans les plus petits de ces pays ;
- un important programme européen est en cours pour améliorer la situation des Rom, mais il produit peu d'effet tant ces populations sont mues par l'aspiration à la mobilité. Une concertation existe entre la France d'une part, et la Bulgarie et la Roumanie d'autre part, principaux pays de départs, pour stabiliser et scolariser ces populations, sans effet majeur. Ceux des Rom qui sont renvoyés dans leur pays d'origine reviennent, pour la plupart, en France ;
- la mise en oeuvre effective de l'accord sur la reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur implique la publication, par le Saint Siège, de la liste des institutions et diplômes qu'il accrédite en conformité avec le Processus de Bologne (Convention du Conseil de l'Europe sur la reconnaissance des qualifications d'enseignement supérieur). Cette liste est en cours d'élaboration par le Saint Siège.
Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement (AFD), sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission Aide publique au développement).
M. Josselin de Rohan, président, a rappelé en introduction que l'Agence française de développement, dont M. Severino assure la direction générale depuis huit ans, est le principal opérateur de l'aide bilatérale de la France au développement.
Observant que la révision générale des politiques publiques avait débouché sur un nouvel aménagement du partage des responsabilités entre les différents acteurs de l'aide, il s'est interrogé sur la façon dont l'Agence s'adaptait pour exercer ses nouvelles responsabilités et sur la manière dont le budget 2010 en tirait les conséquences.
Il a enfin demandé au directeur général de dresser le bilan de son action à l'issue de ses trois mandats et avant son départ programmé dans quelques mois.
A l'aide d'un diaporama, M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement (AFD), a tout d'abord rappelé que l'Agence s'était vu assigner trois objectifs principaux : le soutien à la croissance, la lutte contre la pauvreté et les inégalités économiques et sociales, enfin la protection des biens publics mondiaux. L'examen de la répartition des engagements entre ces trois objectifs, respectivement de 40, 63 et 30 %, donc supérieure à 100 %, témoigne de leur étroite imbrication.
L'AFD est un établissement public, mais aussi une banque. Son cadre de gouvernance est clair ; il s'inscrit dans la stratégie de l'Etat au travers du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et de son co-secrétariat et de la conférence d'orientation stratégique et de programmation. Les différents ministères de tutelle ainsi que le Parlement sont représentés au sein du conseil d'administration qui valide les plans d'orientation stratégique quinquennaux, ainsi que les plans d'affaires triennaux. Localement, les directeurs d'Agence sont nommés après avis de l'ambassadeur à qui sont soumis les cadres d'interventions par pays ainsi que les projets, à toutes les étapes de leur déroulement.
Le dispositif de coopération est modifié par la révision générale des politiques publiques. L'intégration du ministère de la coopération au ministère des affaires étrangères est parachevée par la disparition de la direction générale de la coopération internationale et du développement au profit d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, nouvel organe de tutelle qui a délégué l'essentiel de ses activités opérationnelles à l'AFD dans les domaines du développement économique et social.
Le ministère des affaires étrangères conserve la mise en oeuvre des politiques de gouvernance (sécurité, Etat de droit) ainsi que l'enseignement supérieur et la recherche. L'AFD s'est vu transférer une partie des assistants techniques qui relevaient auparavant du ministère des affaires étrangères.
Evoquant ensuite la répartition géographique et sectorielle des engagements de l'AFD, M. Jean-Michel Severino a indiqué que la solidarité nationale s'exerçait dans les départements et territoires d'outre-mer, la solidarité internationale dans les pays en développement et la régulation globale dans les pays émergents. Dans ces derniers pays, l'Agence a un mandat exclusivement environnemental de promotion de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique et contre les grandes endémies ; elle ne traite pas de la réduction des inégalités.
L'examen de la répartition géographique des engagements fait apparaître que l'Afrique sub-saharienne représente 54 % des coûts budgétaires, 41 % des engagements et 43 % des décaissements. Pour l'Amérique latine et les Caraïbes, cette répartition est de 7 %, 8 % et 1 % ; pour la Méditerranée, elle est de 21 %, 27 % et 31 % ; elle est de 16 %, 24 % et 22 % pour les pays de l'Asie et du Pacifique, ce qui atteste de la jeunesse de ce portefeuille d'engagements.
Le mode de fonctionnement financier de l'Agence repose sur trois types de ressources :
- les fonds propres sont le produit de l'accumulation des résultats. Le résultat annuel alimente les subventions, ainsi que le capital de l'institution financière de développement « Promotion et Participation pour la Coopération économique » (PROPARCO) ;
- l'Etat alloue des subventions reversées sous forme de dons, finance des bonifications d'intérêt directement ou via des comptes spéciaux du Trésor et les marchés obligataires permettent de lever de l'argent pour assurer la liquidité des activités de prêts ;
- des actionnaires alimentent les fonds propres de Proparco et des fonds d'investissement de l'Agence.
M. Jean-Michel Severino a observé que le développement des activités de l'Agence s'était accompagné d'une stabilisation, et même d'une diminution du coût pour l'Etat.
Evoquant le mode opératoire de l'Agence, M. Jean-Michel Severino a noté que la plupart des institutions de développement « recherchaient » des problèmes adaptés aux types de solutions qu'elles proposaient. A l'inverse, la diversité des instruments dont dispose l'Agence lui permet de travailler avec les autorités locales à l'élaboration de solutions adaptées aux problèmes, qui combinent différents instruments. Cette diversité est, en outre, un atout dans un contexte où les instruments et les contraintes internationales sont de plus en plus prégnants comme l'illustrent les discussions en cours sur le climat.
L'Agence développe son activité auprès des acteurs publics émergents que sont les collectivités locales. Les pays en développement sont marqués par la croissance démographique, l'urbanisation et la décentralisation. De ce fait, certaines institutions de développement qui collaboraient auparavant avec les Etats traitent désormais avec les collectivités locales, que ce soit au nord où elles s'impliquent de façon croissante, comme au sud.
La mobilisation du secteur privé résulte à la fois d'un choix et d'une contrainte. Il faut souligner que le monde en développement est un monde en croissance. Proparco réalise ainsi 50 % de ses activités au sud du Sahara. L'Agence a développé de nouveaux instruments à destination des PME.
Les fondations et les organisations non gouvernementales sont les acteurs montants du développement, avec qui l'Agence développe des partenariats.
Evoquant ensuite les perspectives pour la période 2009-2011, M. Jean-Michel Severino a tout d'abord rappelé la forte croissance des activités de l'Agence, dont le volume d'affaires est passé de 1,5 à 4,5 milliards d'euros entre 2001 et 2008. Pour l'Afrique sub-saharienne, les volumes sont passés de 350 millions d'euros à un milliard d'euros en 2008. Sur la même période, le volume des activités a décru en outre-mer et augmenté dans les Etats émergents.
Il a ensuite évoqué l'impact des engagements de l'Agence en 2008, qui ont notamment permis l'amélioration de l'accès à l'eau de 4,4 millions de personnes et la scolarisation dans l'enseignement primaire de 7 millions d'enfants.
En matière environnementale, les engagements de l'Agence ont permis d'économiser 3,3 millions de tonnes de CO2 par an, soit l'équivalent du retrait de la circulation de 1,2 million de voitures en France.
M. Jean-Michel Severino a souligné que, si cet effort n'était pas suffisant pour sauver la planète, il avait néanmoins des conséquences significatives dans certains domaines et certaines zones géographiques comme l'eau et la scolarisation en Afrique et les émissions de CO2 dans les pays émergents.
Il a indiqué que l'augmentation du volume des activités de l'Agence s'était accompagnée d'une hausse de la productivité de ses agents, avec une limitation des charges pour l'Etat, le compte d'exploitation de l'Agence dont le premier poste est la masse salariale ayant crû de façon très modique. Le dividende versé à l'Etat par l'Agence alimente l'aide publique au développement (APD).
Il a précisé que le coût de l'AFD en 2008 représente 11 % du coût total de l'APD alors qu'elle génère 24 % de l'APD brute totale de la France ;
Evoquant les transferts de compétence du ministère des affaires étrangères vers l'AFD, il a indiqué que l'effort consenti par l'Agence pour intégrer ces nouvelles missions avait été modeste, d'une part, parce que celle-ci exerçait déjà certaines missions au nom de l'Etat et, d'autre part, parce que la stagnation des crédits alloués aux dons et subventions avait conduit à réduire le volet d'activité lié à la gestion des projets ainsi financés.
S'agissant du bilan de son action à la tête de l'agence depuis près de neuf ans, M. Jean-Michel Severino a exprimé le regret de ne pas avoir su créer des instruments adaptés pour accompagner des projets de faible dimension. Il a dit que l'Agence avait su développer de nombreux outils financiers qui, pour l'essentiel, étaient destinés à des projets d'envergure, mais que, à l'avenir, il faudrait pouvoir aider des projets plus modestes dont la portée pratique et politique peut être importante.
En conclusion, il a souligné que si l'aide au développement avait, de manière constante, fait partie du paysage de l'action extérieure de la France depuis les indépendances des colonies, ses fondements avaient profondément évolué. Cela n'a toutefois pas été toujours perçu, et les conséquences n'en ont pas été tirées sur le plan de la stratégie comme des orientations opérationnelles.
Il a estimé que la chute du mur de Berlin, l'extension du marché à l'échelle planétaire, la croissance démographique des pays en développement, comme leur croissance économique disparate, faisaient à nouveau de la relation Nord-Sud une catégorie en soi des relations internationales, bien plus diverse et complexe cependant que la vision qui en prévalait dans les années 1960. Il a indiqué que quatre séries d'enjeux pour la politique étrangère de la France y sont désormais liées :
- les enjeux de la paix et de la stabilité internationale : ils passent par la réduction des zones de conflit à basse intensité, comme les zones grises, qui représentent à la fois des coûts substantiels de gestion militaire et des dangers relatifs à la prolifération de grands trafics ;
- ceux de la lutte contre la pauvreté et de la légitimité de la globalisation elle-même, qui ne saurait réussir sans inclure la majeure partie de la population de la planète, cette dernière pouvant être amenée à contester le modèle dominant si elle n'y trouve pas avantage, ou à le contourner par l'expulsion migratoire vers les zones plus prospères de l'OCDE : c'est également l'enjeu de la politique dite de voisinage menée par la communauté européenne ;
- ceux des causes communes de l'humanité, elles-mêmes essentiellement liées à la densification démographique, et qui supposent aussi de pouvoir traiter sur le plan structurel des sujets aussi difficiles que les changements climatiques, la perte de biodiversité ou encore les grandes endémies ;
- ceux de notre influence culturelle et politique, comme ceux de nos intérêts commerciaux, ou de stratégie économique, fortement mis en cause par la multiplication des acteurs présents sur ce terrain, et l'importance croissante qu'ils accordent aux pays en développement, y compris les plus pauvres.
Soulignant que l'aide au développement poursuivait ainsi des objectifs plus larges et plus complexes que la réduction des inégalités, il a estimé que l'AFD était devenue pour l'Etat le bon opérateur pour poursuivre tous ces objectifs, qui appellent à chaque fois des réponses adaptées, avec des modalités d'intervention variables selon les secteurs et selon les pays.
M. Christian Cambon, co-rapporteur des crédits de la mission « aide publique au développement », a rendu hommage à l'action de M. Severino et s'est félicité en particulier de la façon dont l'AFD accueillait les offres de coopération décentralisée des collectivités territoriales. Constatant que l'AFD, qui était une banque à l'origine, s'était transformée pour devenir progressivement l'opérateur central de l'aide au développement français, il a demandé si cette mutation avait impliqué une action en interne pour accompagner le personnel de l'agence dans cette transformation.
Il s'est interrogé sur le rôle de l'AFD dans l'architecture européenne, observant que le traité de Lisbonne allait sans doute bouleverser l'ordonnancement de la politique européenne en faveur du développement. Il a enfin demandé des précisions sur les actions qui seront menées en Afghanistan et au Pakistan et pour lesquelles 20 millions d'euros étaient prévus dans le projet de loi de finances pour 2010.
Après avoir salué l'action de l'AFD, M. André Vantomme, co-rapporteur des crédits de la mission « aide publique au développement », a évoqué des propositions de modification du périmètre des aides publiques au développement déclarées à l'OCDE et s'est demandé si on ne souhaitait pas modifier cet indicateur pour masquer le fait que les pays occidentaux n'atteindraient pas les objectifs qu'ils s'étaient fixé en matière d'aide au développement. Il a souhaité savoir si la part des subventions aux ONG progressait. Il a constaté que la capacité d'intervention sur dons de l'AFD diminuait et s'est inquiété des conséquences de cette évolution pour les pays d'Afrique sub-saharienne qui ne disposaient pas d'une capacité de remboursement suffisante pour bénéficier de prêts bonifiés.
En réponse à ces questions, M. Jean-Michel Severino a apporté les précisions suivantes :
- l'Agence a disposé de deux atouts dans sa transformation : le montant de ses fonds propres et la qualité de son personnel. C'est grâce à sa connaissance du terrain et au professionnalisme de ses équipes que l'AFD a pu accroître ses missions et ses performances. L'attachement du personnel à l'Agence et à sa mission d'aide au développement pourrait avoir comme contrepartie sa difficulté à intégrer l'idée que l'Agence est devenue un opérateur de l'Etat au service d'une politique publique. Aussi l'Agence, en collaboration avec sa tutelle, a-t-elle mis en place de nombreux outils pour intégrer ses agences sur le terrain dans le dispositif diplomatique français à l'étranger. A titre d'exemple, les directeurs d'agence sont désormais nommés après avis de l'ambassadeur territorialement compétent et évalués par ce dernier ;
- l'évolution de la politique de développement de l'Union européenne et son articulation avec les politiques nationales sont, sans doute, les enjeux majeurs des prochaines années. Depuis trente ans, les politiques en faveur du développement, au niveau européen et national, se sont construites en rivalité. Il est vraisemblable que ces deux niveaux devront encore coexister longtemps. Aussi, un des enjeux pour l'avenir est-il d'inventer des mécanismes de mise en cohérence des actions menées par la Commission et par les Etats membres. Dans le domaine du financement du secteur privé ou dans celui des facilités de voisinage, des instruments de mise en cohérence ont déjà été créés. Il s'agit de fonds, abondés à la fois par la Commission et par les Etats, qui permettent de financer des opérateurs européens et nationaux et assurent ainsi un alignement stratégique et une convergence opérationnelle, chacun s'accordant sur les objectifs à poursuivre et les méthodes à utiliser. Il serait souhaitable que ce type d'articulation s'étende à de nouveaux secteurs, et en particulier aux domaines sociaux. Le prix à payer pour la coexistence des niveaux communautaires et nationaux est sans doute la complexité croissante des politiques et des instruments mis en place. Les dispositifs qui seront institués dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques devraient encore accroître cette complexité ;
- compte tenu des montants modestes en jeu et du contexte d'insécurité, les projets de développement menés en Afghanistan et au Pakistan ne peuvent avoir que des ambitions limitées ;
- l'indicateur de l'aide au développement utilisé par l'OCDE présente des défauts importants : un certain nombre de dépenses qui concourent de façon importante à l'aide au développement n'y sont pas comptabilisées alors que d'autres dépenses dont l'objet est assez éloigné des politiques de coopération y figurent. S'il existe techniquement des possibilités d'améliorer cet indicateur, sa modification est politiquement délicate dans la mesure où des engagements forts ont été pris par la communauté internationale sur sa base ;
- les documents cadres de partenariat entre la France et les pays récipiendaires de l'aide au développement sont des documents stratégiques qui permettent d'orienter l'action des agences sur le terrain dans le cadre de la politique de coopération et du développement définie par le Gouvernement ;
- les crédits alloués aux actions menées par les ONG sont en augmentation. L'Etat a intérêt à favoriser le développement d'un tissu associatif structuré disposant de capacités opérationnelles renforcées ;
- il existe dans l'Afrique sub-saharienne de nombreux interlocuteurs (entreprises privées, collectivités territoriales, sociétés nationales et certains Etats) qui peuvent bénéficier des prêts bonifiés de l'agence. Mais il est vrai que l'Agence est moins armée pour soutenir des projets dans les pays les plus vulnérables de l'Afrique sub-saharienne. C'est pourquoi les subventions et dons ont été concentrés sur ces pays, et en particulier sur les pays francophones de cette zone ;
- on peut se demander si la France ne risque pas, en l'absence d'une politique forte, de devenir un acteur marginal de l'éducation dans le monde francophone.
Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense
La commission a procédé à l'audition de M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission Défense).
M. Josselin de Rohan, président, a souligné l'importance des actions rattachées au programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense », notamment l'analyse stratégique, la recherche de défense ainsi que les services en charge du renseignement de sécurité qui bénéficient de la priorité reconnue à la fonction connaissance et anticipation par le Livre blanc. Il a souhaité qu'au-delà de la présentation des crédits pour 2010, l'audition permette d'évoquer les grandes orientations mises en oeuvre dans ces domaines déterminants pour la compréhension de notre environnement stratégique et la préparation de nos capacités futures.
M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques, a rappelé les deux objectifs principaux assignés au programme 144. Chargé d'animer et soutenir la prospective au sein du ministère de la défense, il fédère la réflexion stratégique de défense et de sécurité, comme en témoignent la récente création de l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM) et la prochaine mise en place du Comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense (CCRP). Il lui appartient aussi de fonder la cohérence d'une politique publique regroupant la compréhension de l'environnement stratégique, les relations internationales, la prospective technologique, le contrôle et le soutien des exportations d'armement et la lutte contre la prolifération.
M. Michel Miraillet a estimé qu'après quatre années de fonctionnement, ce défi de gouvernance avait été relevé. Chaque budget opérationnel (BOP) développe des politiques et des plans d'action partagés avec le programme. Au sein du ministère, des structures spécifiques orientent l'action collective chaque fois que cela est nécessaire. En termes de gestion des ressources humaines et financières, les procédures sont rodées et très réactives. La mise en oeuvre du système Chorus doit permettre, dès 2010, de bâtir un véritable pilotage par la performance. A cet effet, le programme a été doté d'une capacité d'audit interne et financier.
M. Michel Miraillet a donné des indications sur le déroulement de l'exercice 2009 pour le programme 144.
Des imprévus ont affecté la gestion du titre 2, en particulier la prise en compte de charges sociales au titre de l'École Polytechnique et le non-abondement des financements interministériels soutenant la montée en puissance des effectifs de la DGSE.
La gestion du titre 2 conduit vers un résultat déficitaire, mais le ministère de la défense s'est attaché à ne pas remettre en cause les réductions et créations d'emplois programmées. Ainsi, le renforcement des effectifs de la DGSE, qui représentait un recrutement initial de 150 postes, s'effectue quantitativement et qualitativement de manière nominale. Des efforts de rationalisation ont permis l'ouverture de postes permanents à l'étranger nouveaux en Irak et en Afghanistan ainsi que la mise sur pied d'équipes de recherche de la DGA dans de nouveaux secteurs d'étude.
Au bilan, l'effectif moyen réalisé du programme se situe très légèrement en deçà du plafond ministériel des emplois autorisés, dans le respect de la répartition prévue entre les niveaux de qualification des emplois accordés. L'insuffisance des ressources en masse salariale, qui résulte d'une sous-évaluation des dépenses de revalorisation de la grille indiciaire des militaires et d'indemnité de résidence à l'étranger, sera corrigée en 2010.
S'agissant des autres titres, le programme a bénéficié de 200 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 40 millions d'euros de crédits de paiement au titre du plan de relance. La réserve organique s'établit à environ 45 millions d'euros. Si elle n'était pas levée d'ici la fin de gestion, la « soutenabilité » des études amont dont les paiements s'étalent sur plusieurs années serait affectée, ainsi que l'objectif de stabilisation du périmètre budgétaire de ces études à hauteur de 700 millions d'euros annuel.
M. Michel Miraillet a ensuite présenté les principales évolutions des dotations du programme 144 pour 2010.
Celui-ci enregistrera une baisse de 5,5 % des autorisations d'engagement et une hausse de 2,6 % des crédits de paiement.
La masse salariale progressera d'un peu plus de 4 % et le plafond ministériel d'emplois autorisés du programme passera de 8 633 à 8 661 équivalents temps plein. L'augmentation des effectifs de la DGSE (150 agents) s'accompagne d'une progression très sensible de son taux d'encadrement. Une démarche de qualification et de rationalisation des ressources humaines est également mise en oeuvre par la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) et en matière de relations internationales.
Hors titre 2, le périmètre du programme 144 est affecté par certains transferts liés à la constitution du Service parisien d'administration centrale (SPAC), à la création des bases de défense et de l'IRSEM, à la transformation du Centre des hautes études de l'armement et à la prise en compte du financement du programme du partenariat mondial du G8 contre la prolifération.
Les crédits du titre 3 demeurent pratiquement constants et ceux du titre 5 augmentent de 22 millions d'euros, soit 13,8 %, pour garantir la montée en puissance des capacités de la DGSE.
L'action 1 « Analyse stratégique » voit son budget stabilisé à hauteur de 4,1 millions d'euros en crédits de paiement. De nouvelles relations, plus dynamiques et plus diversifiées, sont développées avec les centres de recherche nationaux et étrangers. Par ailleurs la délégation aux affaires stratégiques a engagé un programme d'invitation de « personnalités d'avenir de la défense » et de soutien aux post-doctorants.
Le budget de l'action 2 « Prospective des systèmes de forces » est également stabilisé à hauteur de 34,2 millions d'euros.
L'action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » bénéficie, pour la troisième année consécutive, d'un effort budgétaire important avec une augmentation de ses crédits de paiement avoisinant 8,1 %. Ces moyens supplémentaires concernent essentiellement la DGSE, avec des investissements nouveaux en termes d'infrastructures et d'équipements, et un budget de fonctionnement majoré pour faire face aux dépenses induites en matière d'énergie et de formation des agents.
L'action 4 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » voit son enveloppe hors titre 2 maintenue à hauteur de 961 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 941 millions d'euros de crédits de paiement. Cela concrétise la volonté de sanctuariser l'effort de recherche, notamment dans les domaines émergents, de consolider la base industrielle et technologique, mais également de garantir les contrats ministériels d'objectifs et de moyens des grandes écoles d'ingénieurs de la DGA. Le volume des crédits alloués aux études amont (672 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 651,7 millions d'euros de crédits de paiement) permettra de notifier de l'ordre de 250 à 300 plans d'études amont nouveaux conformément à la programmation 2009-2014. Les études amont du domaine nucléaire bénéficient quant à elles de l'intégralité de la hausse du budget 2010 (+ 17,4 millions d'euros) afin d'assurer le maintien de compétences, notamment industrielles.
L'action 5 « Soutien aux exportations » enregistre une légère diminution de son budget hors titre 2 du fait notamment de mesures de rationalisation, de l'anticipation d'économies résultant de la fusion des réseaux des attachés de défense de l'état-major des armées et des attachés d'armement de la DGA. Les procédures et outils nécessaires pour soutenir la mise en oeuvre des nouvelles réglementations européennes sur les transferts intra-communautaires devront être mis en place à l'horizon 2011.
L'action 6 « Diplomatie de défense » connaît une augmentation de 4,5 millions d'euros essentiellement attribuable à la reprise du financement du programme du partenariat mondial du G8. Les réaménagements du dispositif des postes permanents à l'étranger se poursuivent conformément au schéma directeur établi et en prenant en compte les besoins nouveaux.
En conclusion, M. Michel Miraillet a récapitulé l'ensemble des évènements internationaux intervenus depuis l'an passé qui justifient une adaptation constante de la réflexion stratégique et l'effort porté sur la fonction « connaissance et anticipation ».
Dans ce contexte, les actions du programme 144 doivent être menées dans un esprit d'ouverture aux contributions d'un ensemble d'acteurs publics et privés, avec une dimension le plus souvent interministérielle et internationale. C'est le cas notamment dans le domaine de la prospective, au travers de liens plus étroits avec le ministère des affaires étrangères et européennes, le ministère de l'intérieur, le centre d'analyse stratégique et quelques autres partenaires institutionnels étrangers. La production de documents partagés et ouverts figure parmi les objectifs.
La gestion du programme obéit à une approche pragmatique visant une optimisation collective des ressources disponibles. Les démarches engagées pour mutualiser des procédures d'achat à destination des services de renseignement en sont une illustration.
Elle doit enfin s'attacher à la cohérence des différentes actions. La création du comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense (CCRP) permettra de renforcer la cohérence en matière de prospective de défense et de réflexion stratégique mais aussi de développer des synergies entre les BOP, avec l'IRSEM, ainsi qu'avec les acteurs extérieurs publics et privés dans le respect d'une subsidiarité bien comprise.
A la suite de cet exposé, M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis pour le programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense », a demandé des précisions sur les principes régissant le transfert de crédits interministériels en cours d'année en complément des dotations inscrites au budget de la DGSE, en vue de financer l'augmentation des effectifs ainsi que la réalisation de certains équipements et leur fonctionnement. Il a observé que le niveau des crédits d'études amont diminuait en 2010 et il a souhaité savoir comment s'effectuaient les arbitrages pour le choix des plans d'études amont, alors que l'enveloppe budgétaire paraît contrainte au regard de l'ampleur des besoins. Enfin, il a souhaité savoir si la France parvenait à honorer ses engagements dans le cadre du Partenariat mondial du G8 contre la prolifération et quel bilan pouvait être tiré de ce programme.
En réponse, M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques, a apporté les précisions suivantes :
- le renforcement des moyens en personnel et des équipements de la DGSE prévu par le Livre blanc est en partie financé par des contributions interministérielles ; en 2010, l'intégralité des dotations supplémentaires figurera sur le budget de la défense alors qu'en 2011, un tiers d'entre elles doivent provenir des services du Premier ministre (SGDN) ;
- en matière de crédits d'études amont, les objectifs de la loi de programmation militaire sont tenus, même s'il existe inévitablement des tensions liées à l'équilibre général du budget de la défense et à la nécessité de répondre à de multiples besoins en matière de recherche et technologie ; les priorités sont établies par une discussion entre le chef d'état-major des armées et le délégué général pour l'armement, sous l'autorité du directeur de cabinet du ministre de la défense ;
- le Partenariat mondial du G8 contre la prolifération correspond à une certaine vision des urgences au moment de la disparition de l'URSS ; il y avait alors beaucoup d'interrogations sur la fermeture de sites et laboratoires nucléaires, sur la surveillance des matières nucléaires et sur le démantèlement des sous-marins nucléaires. Dans le domaine nucléaire, la plupart des risques que l'on identifiait il y a quinze ans ne se sont pas matérialisés. En revanche, les programmes militaires biologiques et chimiques auraient peut-être mérité davantage d'attention. La contribution française à ce programme du G8 reste d'un niveau modeste, comparée à celle des Etats-Unis.
M. Josselin de Rohan, président, a demandé des précisions sur l'ouverture de deux postes d'attachés de défense à Kaboul et Bagdad.
M. Michel Miraillet a indiqué qu'il avait paru indispensable de doter notre ambassade à Kaboul d'un canal de communication direct et officiel avec les autorités militaires afghanes, indépendamment des contacts des forces françaises sur place. S'agissant de Bagdad, l'envoi d'un attaché de défense s'inscrit dans la reprise et le développement de nos relations avec l'Irak et des coopérations en cours ou en projet avec l'armée irakienne en matière de formation et d'équipement.
M. Josselin de Rohan, président, s'est interrogé sur les perspectives de l'Agence européenne de défense et sur son rôle en matière de fédération de la recherche européenne. Il a rappelé les réticences britanniques vis-à-vis de l'Agence et souhaité que la France joue un rôle d'impulsion pour encourager la mutualisation des efforts de recherche et d'équipement, à un moment où tous les pays européens sont aux prises avec des difficultés budgétaires.
M. Michel Miraillet a confirmé que le Royaume-Uni s'opposait à tout accroissement du budget opérationnel de l'Agence européenne de défense ainsi qu'à l'adoption d'une programmation budgétaire triennale. Il a rappelé que l'Agence s'était néanmoins vue confier des projets importants, comme le futur hélicoptère lourd ou le programme d'observation spatiale Musis, et il a souligné que de nombreux pays européens souhaitaient lui voir jouer un rôle plus actif, telle la Pologne qui est le troisième investisseur à l'Agence. Il a estimé que l'Agence européenne de défense, au travers des projets que lui déléguaient les pays, préfigurait les coopérations structurées permanentes prévues par le traité de Lisbonne et il s'est déclaré convaincu que le rôle de l'Agence irait en augmentant, quelle que soit la position britannique. Il a également souligné l'importance de la contribution que devrait apporter l'Agence au processus capacitaire européen et les relations étroites qu'elle aurait à nouer, sur ce point, avec le commandement de l'OTAN pour la transformation (ACT) de Norflok.
M. Josselin de Rohan, président, a évoqué la récente décision américaine de renoncer au projet de sites fixes en Pologne et en République tchèque pour la défense antimissiles et il a relevé que, dans le même temps, les Etats-Unis avaient marqué leur volonté d'accélérer le déploiement de senseurs et de moyens d'interception destinés à protéger le territoire européen contre une menace balistique à courte et moyenne portée. Il s'est demandé quelle serait l'attitude des pays européens et de l'OTAN à l'égard de cette nouvelle architecture proposée par les Etats-Unis et si celle-ci serait exclusivement constituée de capacités américaines ou si elle intègrerait des contributions européennes et notamment françaises. Il a également souhaité savoir dans quelle mesure la délégation aux affaires stratégiques participait aux réflexions en cours relatives au futur concept stratégique de l'OTAN.
M. Michel Miraillet a apporté les précisions suivantes :
- la nouvelle administration américaine a abandonné le projet de troisième site européen intégré au système de défense antimissiles américain au vu de son appréciation d'une future menace provenant de missiles iraniens à longue portée, mais aussi de la réaction très négative de la Russie ;
- la France avait elle-même plaidé au sein de l'OTAN, ces dernières années, pour une meilleure évaluation de la réalité de la menace balistique ;
- les nouvelles orientations définies par l'administration américaine, sur lesquelles beaucoup de précisions font encore défaut, prévoient le renforcement de la protection du flanc sud du continent européen contre la menace de missiles à courte et moyenne portée potentiellement lancés depuis l'Iran, grâce au déploiement, à compter de 2011, d'intercepteurs antimissiles de théâtre SM-3 ; ces intercepteurs produits par l'industriel américain Raytheon équipent les navires de guerre américains Aegis, mais ils pourraient également être installés sur des sites fixes ; par ailleurs, les capacités du SM-3 seront progressivement améliorées afin de pouvoir intercepter, à terme, des missiles intercontinentaux ;
- on peut se demander quelle sera la réaction russe face à la perspective de déploiement de tels moyens en Europe et en particulier en mer Noire ;
- les Etats-Unis ne semblent pas émettre d'objection de principe à ce que des contributions européennes, et notamment françaises, s'intègrent dans cette future architecture ; la France développe des capacités d'alerte avancée et prévoit d'améliorer les capacités d'interception du missile Aster 30 ; toutefois, l'intégration de capacités françaises supposerait qu'elles soient disponibles aux échéances prévues dans le projet américain, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas ; par ailleurs, le rôle des Européens dans les systèmes de commandement et de contrôle (C2) de l'ensemble constituera un enjeu essentiel ;
- une personnalité française, M. Bruno Racine, figure parmi les douze membres du groupe d'experts présidé par Mme Madeleine Albright et chargé d'une mission de réflexion sur le futur concept stratégique de l'OTAN ; ce groupe remettra des conclusions, mais le secrétaire général de l'OTAN a clairement indiqué qu'il lui reviendrait d'élaborer le projet de concept stratégique qui serait soumis aux Nations ; la délégation aux affaires stratégiques, l'état-major des armées, le ministère des affaires étrangères et les instituts de recherche français se concertent étroitement en vue de définir une contribution française et de la faire connaître auprès du groupe de Mme Albright, du secrétariat international de l'OTAN et de nos partenaires ;
- la réforme des structures de l'Alliance constituera également un enjeu important pour les années à venir ; la structure de commandement actuelle est dimensionnée en fonction d'un niveau d'ambition qui ne paraît plus adapté aux circonstances actuelles.
Nomination de rapporteurs
La commission a nommé rapporteurs :
- M. Jean Besson sur le projet de loi n° 15 (2009-2010) autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER relatif au rôle de l'inspection du travail sur le site de l'Organisation internationale ITER et portant sur la santé et la sécurité au travail ;
- M. André Vantomme sur le projet de loi n° 1956 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique pour le développement de la coopération et de l'entraide administrative en matière de sécurité sociale (en cours d'examen à l'Assemblée nationale).
Mercredi 21 octobre 2009
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Contrôle de l'application des lois - Communication
Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu une communication de M. Josselin de Rohan, président, sur le contrôle de l'application des lois pour l'année parlementaire 2008-2009.
En préambule, M. Josselin de Rohan, président, a souligné que l'essentiel de l'activité législative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées consistait en l'examen de projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités ou accords internationaux, mais que ces conventions et accords n'étaient pas pris en compte dans le contrôle de l'application des lois. A côté des conventions et accords, la commission a examiné au cours de la précédente année parlementaire, en tant que commission saisie au fond, deux projets de loi intéressant des questions de défense. Il s'agit de la loi n° 2009-928 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, et de la loi n° 2009-971 relative à la gendarmerie nationale.
M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que ces deux lois appelaient des décrets d'application, mais qu'aucun n'avait été pris au 30 septembre 2009. Cependant, ces lois ayant été promulguées il y a deux mois, il est encore trop tôt pour établir un bilan positif ou négatif de leur application.
Concernant les lois antérieures, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que lors de l'année parlementaire 2007-2008, la commission avait été saisie au fond de deux projets de loi. Pour le premier texte, devenu la loi n° 2008-492 relative aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense, un décret unique a été pris le 5 juin 2009, couvrant l'ensemble des dispositions nécessaires à l'application de la loi. Cette loi est donc devenue totalement applicable un an après sa promulgation. La commission se félicite de ce résultat.
Pour le second texte, la loi n° 2008-493 ratifiant l'ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d'un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et l'ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil, et portant diverses dispositions relatives à la défense, deux dispositions n'ont toujours pas été prises, mais l'une devrait l'être prochainement comme indiqué dans un rapport sur la mise en application de la loi transmis au Sénat et à la commission le 21 septembre 2009. Cependant, à ce jour, soit un an et demi après la promulgation de cette loi, son taux d'application n'est que de 33 %.
En conclusion, M. Josselin de Rohan, président, s'est félicité de la publication de ces mesures d'application, tout en soulignant que la commission restera très vigilante et veillera à ce que les mesures prévues soient effectivement prises, particulièrement concernant les deux lois promulguées cette année.
Loi de finances pour 2010 -Audition de l'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine
Puis la commission a procédé à l'audition de l'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission Défense).
L'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, a indiqué en préambule qu'il n'avait pas de responsabilité budgétaire envers la marine nationale, à l'exception d'un modeste budget opérationnel de programme du programme 178, mais que néanmoins il était responsable de la cohérence d'ensemble des ressources budgétaires allouées à la marine nationale.
Il a tout d'abord indiqué que l'actualité correspondait à une période charnière marquée pour les armées, et pour la marine nationale en particulier, par la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale définie par le Livre blanc et par l'adoption de la loi de programmation militaire. Il s'agit d'une transformation majeure de l'outil de défense, conduite à un moment où les engagements opérationnels se multiplient, et à laquelle la marine prend toute sa part.
Il a rappelé, avant de commenter les perspectives qu'offre le projet de loi de finances pour 2010, la finalité de la marine au travers des activités opérationnelles de l'année 2009. En moyenne, chaque jour, trente bâtiments et huit aéronefs de la marine participent, en mer ou au-dessus de la mer, à des missions opérationnelles. Sur le plan des opérations militaires, la force océanique stratégique a continué d'assurer la permanence de la mission de dissuasion qui reste la priorité essentielle. Il a souligné le fait que la tenue de la posture de dissuasion était un des paramètres essentiels de l'organisation de la marine nationale.
Dans le nord de l'Océan indien, la marine poursuit son engagement dans la lutte contre le terrorisme en participant à l'opération Héraclès, qui constitue le volet maritime de l'opération interalliée Enduring Freedom. Dans ce cadre, le contrat opérationnel d'un bâtiment au sein de la force maritime internationale intitulée Task Force 150 a été maintenu et a contribué à la stabilisation préventive de la zone. Un amiral français a d'ailleurs assuré le commandement de cette force depuis le BCR Marne, du 9 avril au 20 juillet dernier.
Dans la zone sensible de la corne de l'Afrique soumise à de nombreux trafics, et même au large des Seychelles, la marine nationale a poursuivi son engagement au sein de l'opération EU NAVFOR Atalanta. L'amiral Pierre-François Forissier a fait remarquer que la marine a contribué avec efficacité aux opérations de lutte contre les actes de piraterie dans le Golfe d'Aden et au large de la Somalie, tout en assurant l'accompagnement des navires affrétés par le programme alimentaire mondial et l'AMISOM. Actuellement, deux frégates et un avion de patrouille maritime sont déployés en permanence dans cette zone et le resteront aussi longtemps que nécessaire. Cette opération, à laquelle la France prend une part active, constitue la première opération maritime de l'Union européenne. Il s'agit d'une réponse significative qui témoigne de la volonté des Etats membres, et de la France en particulier, d'apporter une solution durable aux causes profondes de la piraterie dans cette région.
Les unités françaises présentes dans cette zone restent sous le contrôle opérationnel et l'assistance logistique de l'amiral commandant la zone maritime de l'Océan indien. Toutefois, et selon le besoin opérationnel, ces unités peuvent être amenées à conduire des actions spécifiques. Ce fut notamment le cas avec l'opération de vive force menée pour la libération des otages du voilier Tanit en avril dernier, ainsi que pour rechercher les boîtes noires à la suite de l'écrasement de l'A310 de la compagnie Yemenia en juin. C'est aussi le cas pour la protection de la flotte de pêche au thon française qui est assurée dans le bassin somalien depuis le mois de juillet 2009 par des unités de la marine.
Sur la façade ouest du théâtre africain, la marine participe à l'opération Corymbe, destinée à prévenir les crises dans le golfe de Guinée et à participer à leur règlement. La présence française est assurée par un transport de chalands de débarquement (TCD) ou un aviso, parés à l'évacuation éventuelle de ressortissants.
L'amiral Pierre-François Forissier a rappelé que, cette année encore, la marine avait assuré une présence importante en Méditerranée dans le cadre de missions nationales, mais également au travers d'engagements communs liés aux besoins de sécurité et de sûreté maritimes, en coopération avec les marines riveraines. Dans le cadre de l'opération Impartial Behaviour de soutien de la force des Nations unies déployée au large du Liban (FINUL), un bâtiment a maintenu une présence dans la zone jusqu'en mars 2009 afin de surveiller les approches maritimes libanaises, tout en participant à une mission de surveillance nationale (opération Baliste).
Par ailleurs, de très importants moyens ont été mis en oeuvre pour rechercher les corps, les débris et les enregistreurs du vol AF 447 Rio-Paris. Du 1er juin au 16 juillet, le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral, la frégate Ventôse, le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Emeraude ainsi qu'un avion de surveillance Falcon 50 et un Bréguet-Atlantique ATL2 ont été mobilisés pour cette opération. Enfin, en juillet dernier, le premier sous-marin malaisien Tunkul Abdul Rahman a été escorté jusqu'à Djibouti et a été remis solennellement à la Malaisie au début du mois de septembre.
La sauvegarde maritime constitue par ailleurs un volet important de la contribution de la marine à la sécurité des Français et occupe une part non négligeable de son activité opérationnelle. Depuis le 1er janvier 2009, 582 vies ont été sauvées grâce à l'intervention de moyens mis en oeuvre par la marine.
L'amiral Pierre-François Forissier a indiqué que, dans le domaine de la lutte contre le narcotrafic, la marine a participé à trois opérations aux Antilles et à deux opérations en Méditerranée occidentale qui ont permis de dérouter quatre navires et de saisir près de quatre tonnes de stupéfiants.
Concernant l'immigration clandestine, la marine a intercepté trente navires transportant des passagers clandestins au cours des patrouilles auxquelles elle a participé en mer Egée et en mer d'Alboran, à l'ouest de la Méditerranée. Depuis le 1er janvier 2009, 709 immigrants ont également pu être remis à la police aux frontières grecque.
Il a précisé que la marine luttait également contre la pêche illicite. Outre les surveillances de routine, la marine a contrôlé 867 navires et en a dérouté quatorze. Enfin, en termes de prévention des pollutions maritimes, les bâtiments de la marine ont détecté depuis le début de l'année quatorze pollutions accidentelles, une volontaire, et ont procédé au déroutement d'un navire.
L'amiral Pierre-François Forissier a fait remarquer que le renforcement de l'action de l'Etat en mer, souhaité par le Président de la République, et la création d'une nouvelle fonction « garde-côtes » représentent des avancées tout à fait significatives pour la marine. Malgré ce bilan relativement positif, la disponibilité fluctuante des moyens aéromaritimes affecte souvent l'efficacité de ces opérations et le respect du contrat opérationnel de la marine. Ainsi, le vieillissement des parcs d'hélicoptères obère l'aptitude de la marine à projeter ses frégates avec des aéronefs fiables et à tenir ses alertes pour le service public.
L'amiral Pierre-François Forissier a tenu à faire part à la commission de sa très grande inquiétude concernant les hélicoptères lourds en Bretagne demandés depuis cinq ans, mais qui n'arrivent pas. Il a néanmoins rendu hommage au travail remarquable de la direction générale de l'armement (DGA) pour trouver des solutions intérimaires. D'une façon plus générale, il a déclaré que la bataille de la disponibilité des moyens se poursuit. Le taux moyen de disponibilité technique des bâtiments se maintient au dessus de 70 % depuis plus de trois ans. Ce résultat est la conséquence de la réorganisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) de ces dernières années qui a permis de progresser dans la mise en oeuvre d'une politique de contractualisation associant pluri-annualité, mise en concurrence et responsabilisation des titulaires quant aux résultats.
Alors que la première IPER (Indisponibilité périodique pour entretien et réparation) du porte-avions Charles-de-Gaulle s'était remarquablement déroulée, malgré la difficulté de l'opération et grâce à la mobilisation de l'ensemble des acteurs (équipage, services de soutien de la marine et industriels maîtres d'oeuvre), l'amiral Pierre-François Forissier a souligné que le porte-avions avait subi une avarie sur un accouplement entre les turbines et le réducteur qui avait provoqué l'interruption de son activité entre mars et septembre 2009. Après enquête, il s'est avéré que cette avarie résultait d'un sous-dimensionnement de ces pièces au moment de leur conception et d'une erreur de fabrication d'un rechange, il y a une dizaine d'années. C'est ce rechange, mis en place durant l'IPER, qui s'est détérioré au cours des essais du porte-avions. La détection rapide du début de la dégradation de l'accouplement a permis un arrêt à temps du bâtiment et, ainsi, la préservation de l'ensemble propulsif. Il n'en demeure pas moins que le porte-avions a été indisponible et que la requalification des pilotes a été interrompue.
D'un point de vue budgétaire, le plan de relance a apporté une bouffée d'oxygène appréciable en permettant à la marine de financer un troisième bâtiment de projection et de commandement, ainsi qu'un certain nombre d'actions peu visibles, mais d'un grand intérêt pour restaurer la disponibilité des équipements. La marine s'est vu allouer près de 48 millions d'euros en autorisations d'engagement et 24 millions d'euros en crédits de paiement pour la passation de commandes de rechanges supplémentaires, tant pour du matériel naval qu'aéronautique.
La préoccupation relative au taux de disponibilité des matériels de l'aéronautique navale reste forte, compte tenu de facteurs conjugués d'insuffisance de rechanges, de l'âge moyen du parc et d'une perte de compétences techniques. Pour autant, de nombreux chantiers pour remédier à cette situation sont ouverts. La mise en place d'un hélicoptère Caracal EC 725 de l'armée de l'air sur la base aéronavale de Lanvéoc est effective depuis février 2009. De plus, anticipant le retrait de service des hélicoptères Super-Frelon, la marine recherche, de manière provisoire, deux hélicoptères lourds supplémentaires pour assurer les missions de sauvetage dans les deux ans à venir. Quelle que soit l'option retenue, achat ou location, la marine ne conservera pas ces hélicoptères une fois que les NH 90 auront repris la mission SECMAR, dont l'échéance est prévue en novembre 2011.
Pour répondre à l'impératif de maintien des compétences techniques, la marine cherche à transformer les conditions d'exécution des opérations de maintenance qui se déroulent sur ses bases aéronavales, en transférant en 2011 les ateliers et une partie du personnel technique au service industriel de la maintenance aéronautique. La compétence des techniciens sera ainsi renforcée.
Alors que la marine était très préoccupée l'an dernier par l'augmentation des prix du pétrole, elle a profité de l'évolution favorable des prix constatée en début d'année 2009 pour procéder à des recomplètements importants des stocks de combustibles de navigation au cours du premier semestre 2009. De ce point de vue, l'activité des forces est ainsi assurée pour l'ensemble de l'année.
Pour les opérations d'infrastructure, le début de la gestion 2009 a été perturbé par les conditions de construction du budget 2009, qui faisaient largement appel à des ressources extrabudgétaires finalement absentes. L'amiral Pierre-François Forissier a reconnu que la marine avait été confrontée à des situations tendues affectant les installations techniques au début de l'été. Des dotations supplémentaires ont permis d'améliorer la situation. Néanmoins, la contractualisation d'un certain nombre d'opérations a pris du retard.
En 2009, le renouvellement de la flotte se poursuit. Ont ainsi été commandés un deuxième sous-marin Barracuda, les trois dernières frégates FREMM, dont deux de défense aérienne, neuf avions RAFALE, destinés à la marine, et cent cinquante missiles de croisière navale, dont cinquante destinés aux sous-marins. Compte tenu de la mise en place du plan de relance, la marine bénéficie des effets du soutien apporté aux chantiers de construction navale. La commande anticipée, en avril 2009, d'un troisième BPC, a été passée dans ces conditions, ainsi que celle de quatre engins de débarquement.
Les livraisons de deux avions Rafale et de cinquante nouvelles torpilles MU 90 sont en cours. Une difficulté est rencontrée sur la mise au point technique du système de combat des frégates Horizon, ce qui a amené l'amiral Pierre-François Forissier à retarder l'acceptation de la première frégate, le Forbin, puis de la deuxième, le Chevalier Paul. Cela n'est pas choquant compte tenu des percées technologiques spectaculaires que représentent ces navires et leurs systèmes d'armes. Ils seront admis au service à la mer et il est d'ores et déjà certain qu'ils répondent aux espoirs qui étaient placés en eux.
Les essais à la mer du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) « Le Terrible » se déroulent selon le calendrier prévu et le dernier tir de maquette du missile, début octobre, s'est bien déroulé. Les programmes concernant la dissuasion océanique sont donc conformes aux prévisions.
L'année 2009 est remarquable sur le plan de l'organisation générale. L'amiral Pierre-François Forissier a déclaré que la marine avait changé d'ère. L'heure des réflexions est achevée. La réorganisation du ministère est engagée. La marine y prend tout sa part. L'expérimentation de la base de défense de Brest se déroule bien. Même si l'organisation très ramassée et mutualisée a facilité le démarrage de ce nouveau mode de soutien, le fonctionnement d'une telle base, avec des éléments de l'armée de l'air (radar de Loperhet) et la constitution d'antennes fort éloignées de Brest à Lanvéoc et à Landivisiau, a entraîné des réorganisations profondes des méthodes de soutien et des habitudes de travail des personnels de la marine. Ce concept constitue une révolution aussi bien pour la marine que pour les autres armées.
L'amiral Pierre-François Forissier a ensuite abordé le budget pour 2010. Les dotations budgétaires supportant l'activité de la marine et le renouvellement de ses moyens sont réparties sur plusieurs programmes face auxquels il a présenté ses attentes en tant que responsable de la cohérence de la marine.
Il a tout d'abord souligné que la distinction de budgets particuliers ou propres à chaque armée devient de plus en plus difficile. La nouvelle nomenclature budgétaire, associée au système comptable Chorus, et, surtout, la poursuite du rapprochement des organisations dans des structures interarmées favorisent la mise en commun des budgets orientés vers une même finalité. Ce mouvement, entamé sur les grands programmes d'armement, s'accentue avec l'élargissement du nombre de bases de défense, la montée en puissance de l'organisation interarmées du soutien et la création, au 1er janvier 2010, du service du commissariat des armées.
Le programme 178 « préparation et emploi des forces » concerne la quasi-totalité des unités en service de la marine, réunies au sein de l'action « préparation des forces navales ». Cette action rassemble 90 % du personnel de la marine, dont 15 % de civils, avec la masse salariale afférente.
Il a souligné que la marine contribuait aux efforts de réduction d'effectifs du ministère. Dans les huit prochaines années, de nouveaux modes de fonctionnement devront être trouvés, ainsi que de nouveaux processus de soutien qui permettront d'assurer l'activité des forces et le fonctionnement de la marine, tout en réduisant les effectifs de 12 %, pour atteindre en 2015, 44 000 marins (37 000 militaires et 7 000 civils). La manoeuvre à mener afin d'arriver à un rythme annuel moyen de décroissance de 850 personnes est délicate. Il est indispensable de maintenir l'équilibre de la balance « entrées-sorties » pour conserver les compétences opérationnelles dont la marine a besoin et maintenir des équipages opérationnels, donc jeunes.
Après les difficultés pour recruter en 2008, qui avaient entraîné un sous-effectif de près de 500 personnes, une campagne de recrutement a été lancée au début de l'année 2009. Il a également été décidé de rouvrir l'Ecole des mousses afin de favoriser l'insertion de jeunes qui ne sont pas à l'aise dans le système scolaire et de fidéliser dans la marine une grande partie d'entre eux. Ces efforts ont porté leurs fruits puisque le recrutement s'est redressé à partir de l'été. Parallèlement, les départs volontaires ont été moins importants que prévu, notamment dans la population des officiers, et l'année devrait se terminer en léger sureffectif. Pour autant, l'objectif demeure inchangé et l'observation de la déflation des effectifs doit se faire sur plusieurs années, pour dégager une tendance, au-delà de tout aléa conjoncturel. Il faudra, en 2010, accentuer les efforts d'incitation au départ et réguler le recrutement. Cela suppose d'augmenter les dotations pour le pécule de départ. Cet aiguillon, via la baisse des crédits du Titre 2, sera d'ailleurs incontournable. La dotation prévue pour 2010 diminue de 3,6 %. Elle s'explique en partie par la réduction d'effectifs prévue à hauteur de 822 postes au titre des mesures d'économies, et de 1 631 postes, liés à des transferts de personnel vers d'autres organismes du ministère, en particulier dans le domaine du soutien commun.
Plusieurs mesures de revalorisation salariales et catégorielles sont prévues au profit du personnel militaire et civil pour un montant de 10 millions d'euros, en particulier la poursuite de la revalorisation des parcours indiciaires du personnel militaire et la requalification de corps et ajustements salariaux pour le personnel civil. Afin d'accentuer les incitations au départ, les mesures d'accompagnement social des restructurations s'élèvent à près de dix-sept millions d'euros, dont près de neuf millions d'euros supplémentaires au titre des pécules des personnels militaires.
La part relative des dépenses liées aux produits pétroliers continue d'augmenter pour atteindre, en 2010, 28 % des crédits alloués au fonctionnement des forces. Cet effet est cependant à relativiser, car la dotation en valeur absolue a faiblement augmenté, elle est passée de 106 millions d'euros à 110 millions d'euros. Au cours actuel, la dotation permet d'assurer normalement l'activité des forces.
Outre la permanence de la contribution de la marine à la dissuasion, les grandes lignes de l'activité 2010 s'articulent autour :
- du retour dans le cycle opérationnel du porte-avions Charles-de-Gaulle, marqué principalement par deux déploiements ;
- de la poursuite de la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, notamment dans le cadre de la mission européenne Atalanta et la lutte contre le terrorisme en océan Indien (Héracles / Enduring freedom) ;
- des deux campagnes du groupe école d'application des officiers de marine, la première avec la Jeanne d'Arc, la seconde avec le Tonnerre. A cet égard, il a fait observer que cette campagne d'application interviendrait désormais non plus en quatrième année d'études, mais en troisième année, afin d'harmoniser la formation avec les autres écoles européennes, dans le cadre du programme Erasmus.
Pour ce qui concerne les crédits consacrés à la maintenance des équipements, la situation semble plus contrastée. L'enveloppe des autorisations d'engagement, à 1 632 millions d'euros, augmente de 20 %. Cette évolution permet la poursuite de la démarche de partage des risques entre l'Etat et les industriels par le biais d'engagements contractuels pour plusieurs années. C'est ainsi que la marine sera en mesure, comme le fait la DGA sur les programmes d'armement, d'obtenir des prix raisonnables et de préserver à la fois la disponibilité des forces et leur format défini dans le Livre blanc.
La dotation en crédits de paiement, qui s'élève à 1 040 millions d'euros, est, elle, beaucoup plus contrainte, malgré les efforts pour dégager des mesures d'économie qui se traduisent par la poursuite du retrait du service de petits bâtiments et la réduction d'activités adaptée à la stricte suffisance des contrats opérationnels.
Cela signifie que les marges de manoeuvre sont insuffisantes pour aller au-delà de ce que prévoient les contrats opérationnels : quand il faut aller ramasser les débris d'un avion, les activités dans d'autres domaines doivent nécessairement être réduites. Ces contraintes pèsent naturellement sur l'ensemble des moyens navals et aéronavals.
L'amiral Pierre-François Forissier a souligné que, pour l'aéronautique navale, il avait déjà présenté ses craintes face à l'envolée des prix du MCO, liée au coût d'utilisation des nouveaux aéronefs et à l'augmentation du coût des rechanges pour les aéronefs déjà en service. La situation reste critique, puisqu'il n'est déjà plus possible en 2009 de régénérer la totalité du potentiel consommé. La dotation pour 2010 ne permettra pas d'améliorer cette situation. Au contraire, elle pourrait entraîner une baisse de la disponibilité, car l'aéronavale est plus sensible que les autres armées aux aléas budgétaires, compte tenu de la taille de ses parcs d'aéronefs. Elle n'a pas de profondeur logistique. Il s'est défendu de vouloir apparaître négatif, mais a déclaré ne pouvoir travailler qu'avec les moyens qu'il a.
Enfin, il a espéré que les conditions économiques entraînent, à l'instar de l'évolution du PIB, une stabilisation sinon une baisse des prix des industriels. Il est vrai que le paysage industriel, insuffisamment mis en situation de concurrence, ne s'y prête guère. En parfaite intelligence avec les industriels et notamment DCNS, clients et fournisseurs doivent se diversifier mutuellement. Il semble important de mettre en valeur un avantage particulièrement intéressant pour les marines européennes : le fait que la marine française offre des chantiers navals à l'intérieur des enceintes protégées que constituent les bases navales, ce qui est rare. Cela constitue un avantage commercial qui a un prix. L'objectif est de faire partager les coûts fixes de notre outil industriel.
Le renouvellement des moyens de la marine se poursuit au sein du programme Equipement des forces (P-146). Il s'agit de la commande du troisième BPC, faite dans le cadre du plan de relance économique, et de l'admission au service actif du SNLE/NG « Le Terrible » avec une dotation de missiles M 51. Pour les autres programmes navals, il est prévu, après résolution des problèmes sur le système de combat, l'admission au service de la seconde frégate Horizon.
Pour ce qui concerne les programmes aéronautiques, la livraison de trois Rafale au standard F3 est prévue et la marine attend, avec une impatience non dissimulée, la livraison des quatre premiers hélicoptères NH 90.
A la différence de l'année dernière, le programme « soutien de la politique de défense » (P-212) disposera de dotations budgétaires mieux équilibrées pour soutenir les opérations d'infrastructure. Par ailleurs, les chances de réalisation des recettes extra-budgétaires apparaissent plus probables.
Il faut cependant reconnaître que les montants retenus pour des opérations intéressant la marine ne correspondent qu'à 80 % des besoins annuels moyens, soit une dotation de l'ordre de 170 millions d'euros pour un besoin de 200 millions d'euros, et cela sans prendre en compte un quelconque rattrapage du retard intervenu en 2009. Si la situation s'améliore par rapport à 2009, notamment parce que les commandes d'opérations pourront être lancées dès le début de la gestion, elle continuera à être tendue. Dans ces conditions, il paraît incontournable de réaliser les cessions immobilières prévues et d'obtenir ainsi des crédits supplémentaires.
La priorité sera donnée à la réfection des installations de l'Île Longue, les travaux devant encore s'y poursuivre à un rythme soutenu. Sont notamment prévues la poursuite de la refonte des installations électriques, dont l'achèvement est prévu en 2012, et la refonte de la station d'eau de mer de réfrigération. Les travaux dureront encore plusieurs années. Ce n'est pas parce que les travaux destinés au M51 ont été achevés qu'il faut baisser les bras.
Des travaux d'infrastructure sont également prévus dans les autres ports :
- l'accueil des sous-marins de type Barracuda va faire l'objet d'études pour l'adaptation de l'infrastructure portuaire ;
- l'adaptation de l'alimentation électrique et des postes d'amarrage sera réalisée dans les bases navales de Brest et de Toulon pour l'accueil des bâtiments futurs, dont les frégates FREMM.
En dehors des installations techniques, quelques travaux d'amélioration des conditions de vie sont également programmés dont la création d'une maison de l'enfance à Brest, qui devrait permettre aux jeunes mères de famille de concilier plus facilement leurs contraintes familiales et professionnelles.
L'amiral Pierre-François Forissier a tenu à rendre hommage à l'ensemble des personnels civils qui effectuent un travail formidable au sein de la marine, notamment pour saisir les données informatiques. Ils ont réalisé la bascule de la LOLF, ce qui dans bien des cas a multiplié par deux leur charge de travail.
Outre les aspects proprement budgétaires, cette gestion 2010 pourrait subir les aléas de nos réorganisations avec la création du service du commissariat des armées, la montée en puissance des bases de défense et, simultanément, la réorganisation des circuits de dépenses avec l'entrée en fonction du nouveau système d'information financière, Chorus. Les équipes travaillant dans ces domaines comptables ou budgétaires sont mobilisées pour la préparation des opérations de bascule financière. Mais le système Chorus va entraîner un bouleversement complet des méthodes de travail et de l'appréhension même de ces métiers. Il faudra relever ce défi, afin de limiter les à-coups dans le démarrage de la gestion et assurer, sans défection, le soutien des forces en opération.
L'amiral Pierre-François Forissier a souligné que, à l'heure où le Président de la République exprimait sa volonté de reconstruire une politique et une ambition maritimes pour la France, où la menace devenait plus diffuse, où la mondialisation ne faisait qu'accroître l'incertitude stratégique et souligner l'importance des espaces maritimes, la marine nationale continuait d'intervenir et d'assurer une présence vigilante et active sur l'ensemble des mers du globe, au plus loin, comme au plus près. Ses capacités demeuraient un formidable levier d'action et de puissance.
La rédaction du « Livre bleu » qui doit définir la nouvelle stratégie maritime française, mais aussi la réunion d'un Comité interministériel de la mer avant la fin de l'année sont autant d'opportunités à saisir, qui devraient être stratégiques pour la politique maritime de la France dans les années à venir.
Enfin, la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale, définie par le Livre blanc, et l'adoption de la loi de programmation militaire confortent la marine dans ses missions. Il s'agit donc pour les marins de participer avec détermination à cette transformation majeure de l'outil de défense.
M. André Dulait, co-rapporteur pour avis du programme « préparation et emploi des forces », a ensuite interrogé le chef d'état-major de la marine sur l'expérimentation des bases de défense dans la marine ainsi que sur le déficit en hélicoptères lourds de la marine nationale.
L'amiral Pierre-François Forissier a répondu que, en 2009, onze bases de défense avaient été mises en place à titre expérimental, dont une, celle de Brest, concerne la marine au premier chef. Les autres ports basculeront progressivement dans cette nouvelle organisation : Cherbourg en 2010, Toulon et Lorient en 2011. Alors qu'une base de défense de taille moyenne rassemble environ 3 000 personnes, la base de Brest regroupe plus de 20 000 personnes, ce qui en fait une sphère d'expérimentation d'un volume considérable. Concernant les hélicoptères lourds, l'amiral a indiqué que la marine nationale tenait à ce que ses pilotes consomment tout leur potentiel d'heures de vol, afin qu'ils ne perdent ni en expérience ni en formation, et que, compte tenu des problèmes de remplacement des hélicoptères, l'ajustement se faisait par le nombre de pilotes formés. Il a reconnu qu'on pouvait s'accommoder de ce type d'ajustement dans la mesure où les pilotes de l'aéronavale sont également des marins et qu'il était facile, à défaut de les faire voler, d'utiliser leurs compétences pour d'autres missions au sein de la marine. Il a encore souligné l'expertise extraordinaire des pilotes d'hélicoptères de l'aéronavale qui sont capables, lors de missions SAR (Search And Rescue), de voler par tempête, en hiver et de nuit, dans le Golfe de Gascogne.
Le président Josselin de Rohan s'est associé à cet hommage et a tenu à ce que la commission souligne, dans ses travaux, les problèmes engendrés par la carence capacitaire affectant les hélicoptères lourds de la marine nationale.
M. Didier Boulaud, co-rapporteur pour avis du programme « environnement et soutien », a interrogé le chef d'état-major de la marine sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) du Rafale et, en particulier, sur les raisons de la cannibalisation des appareils les plus anciens afin de servir de réserves de pièces détachées pour les appareils les plus modernes. Est-ce parce que les pièces détachées n'ont pas été commandées à temps ? Il l'a ensuite interrogé sur l'état des négociations avec les autorités russes pour la vente d'un BPC. Enfin, il a demandé à connaître la participation de la marine nationale à l'Europe de la défense.
L'amiral Pierre-François Forissier a tout d'abord indiqué que le MCO du Rafale était un sujet complexe. En effet, il y a quatre standards successifs déployés dans l'armée de l'air et trois dans la marine. Dans la marine, il y a neuf avions stockés plus un à la DGA qui sont encore au standard F1 et qui seront progressivement portés au standard F3. Ils ne peuvent plus voler dans des conditions satisfaisantes, car il s'agissait de prototypes et leurs pièces de rechange ne sont plus fabriquées. Tant que cette mise à niveau n'est pas effectuée, il faut effectivement jongler avec les pièces de rechange. En outre, le moteur de cet avion n'a pas encore effectué suffisamment d'heures de vol pour être considéré comme mature. Il s'agit d'un moteur modulaire ; quand un des modules tombe en panne, on change le module concerné et non pas l'ensemble du moteur. Certains modules ont une durée de vie très longue, d'autres très courte. Dans les deux cas, les durées de vie réelles sont assez différentes des durées de vie théorique calculées initialement. Dans ce contexte, le problème des pièces détachées ne vient pas du fait qu'elles auraient été commandées avec retard, mais bien plutôt que leur commande n'aurait pas été effectuée de façon cohérente. Initialement chaque partie des armées (l'armée de l'air, la marine, la DGA) effectuait ses commandes de façon séparée. Aujourd'hui, grâce à la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), il est possible d'avoir une vision d'ensemble plus cohérente. L'amiral a souligné que la maintenabilité à bord du porte-avions du Rafale était exceptionnelle comparée à celle de ses prédécesseurs. Il ne fallait que quatre heures en pleine mer pour changer un moteur et renvoyer l'avion en mission opérationnelle. Le taux de disponibilité est de ce fait hors du commun. Il faut donc se méfier des conclusions hâtives concernant le MCO. Même s'il ne cache pas que des difficultés ont été rencontrées par le moteur, le ministre de la défense a réagi en prenant les choses en main, et en établissant un plan de redressement. Il est donc confiant dans cet avion auquel il a reconnu des possibilités d'utilisation « fantastiques ».
Concernant les négociations du BPC, l'amiral Forissier a déclaré que cela n'entrait pas dans sa sphère de responsabilité. La décision appartenait à un chantier privé, agissant en accord avec l'Etat. Il n'avait donc pas d'informations particulières à donner sur ce sujet. Enfin, s'agissant de l'Europe de la défense, l'amiral a indiqué que cela faisait plus de quinze ans que ce concept était devenu une réalité solidement ancrée dans les pratiques de la marine. Des officiers français sont formés en Allemagne et, inversement, des officiers allemands reçoivent l'intégralité de leur formation dans la marine nationale. Il a tenu à souligner les performances de ces jeunes officiers qui effectuent des études supérieures dans une langue qui n'est pas la leur et qui passent des concours de haut niveau, notamment des épreuves de français très difficiles. Il a également indiqué que l'école navale comportait des professeurs et des élèves d'autres nations européennes, notamment l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni. En ce qui concerne les opérations, l'état-major de la force aéromaritime française de réaction rapide (FRMARFOR) inclut un grand nombre d'officiers européens et, inversement, des officiers français sont insérés dans d'autres armées européennes. Il a mentionné le fait que, par exemple, dans certaines réunions internationales il arrivait que le dossier de la marine allemande soit défendu par un officier français et, inversement, le dossier de la marine française par un officier allemand. Il a encore cité l'insertion d'officiers britanniques dans l'état-major et l'exemple de l'opération Atalanta qui n'aurait pas pu avoir lieu sans l'habitude d'un haut degré de coopération entre officiers de marine européens. Il a conclu sur ce point en indiquant que les principales limites à la coopération européenne en matière maritime étaient d'ordre juridique, les marines nationales européennes ne disposant pas des outils juridiques leur permettant de travailler ensemble de façon optimale. Tout fonctionne encore sur la base d'accords bilatéraux, susceptibles, dans certains cas, d'être étendus à trois ou quatre pays, comme en Méditerranée. Mais il n'existe pas de « Schengen » de la mer ni de règles juridiques européennes, ce qui rend l'objectif ambitieux.
M. Daniel Reiner, co-rapporteur pour avis du programme « équipement des forces », a interrogé l'amiral sur ce qui se passait pendant toute la période précédant la décision concernant le second porte-avions. Il l'a également interrogé sur le rythme de livraison des frégates FREMM, ainsi que sur les différences entre les frégates HORIZON et les frégates de défense aérienne (FREDA). Enfin, il lui a demandé de faire le point sur la déconstruction des navires.
En réponse, l'amiral Pierre-François Forissier a déclaré que, de son point de vue, le besoin d'un second porte-avions était avéré, la question étant bien évidemment de savoir si la France disposait des ressources nécessaires pour satisfaire ce besoin. Le Président de la République avait rappelé que la décision lui appartenait et qu'elle interviendrait le moment venu. Dans l'intervalle, il est nécessaire de préparer des éléments de choix qu'il a qualifiés de « robustes ». Jusqu'à présent, le projet avait été étudié en coopération avec la marine britannique. Celle-ci avait décidé de lancer le projet sur les bases d'un calendrier différent. Certes, il n'est pas question de passer par pertes et profits les études qui ont été réalisées de concert avec les Britanniques. Cependant, la technologie a évolué et il semblerait possible que des pistes de réduction de coût, non envisageables auparavant, existent aujourd'hui. Par ailleurs, l'obligation d'une propulsion conventionnelle, qui s'imposait dans le cadre d'une collaboration avec les Britanniques, n'existe plus : ce qui, là-aussi, entraîne de possibles économies.
S'agissant des FREMM l'amiral Forissier a rappelé que, lors de la renégociation du programme, dix-sept frégates étaient envisagées, huit devant être commandées de façon ferme et neuf devant être commandées selon des modalités et un calendrier qui n'avaient pas été définis. Pour rejoindre le format prévu par le Livre blanc, la commande avait été transformée : la marine avait renoncé à commander huit frégates, en contrepartie de quoi, les commandes fermes étaient passées de huit à onze, avec de surcroît une modification de la nature des équipements puisque la commande prévoyait désormais deux frégates anti-aériennes (FREDA). Néanmoins, les fondamentaux de l'équilibre financier du programme n'avaient pas changé et pour que celui soit réalisé, il fallait fabriquer dix-sept frégates en dix ans. Sur ces dix-sept unités, la France en ayant commandé onze, le Maroc en ayant acheté une, il en restait cinq à vendre à l'export, ce à quoi l'amiral Forissier a déclaré participer.
Concernant les différences entre les FREDA et les frégates de type Horizon, il a précisé que la défense aérienne les équipant serait identique. Les frégates Horizon possèdent des capacités fantastiques mais qui ont été spécifiées du temps de la guerre froide et qui apparaissent désormais surdimensionnées vu l'état actuel des menaces. La cible d'acquisition de ces frégates avait donc été réduite de quatre à deux et la défense anti-aérienne classique peut être assurée par des bateaux moins sophistiqués que les frégates HORIZON. Les FREDA iront remplacer les navires de la classe Jean Bart et Cassard tandis que les deux HORIZON remplaceront les « Suffren » et « Duquesne ». Il a précisé que la décision n'avait pas encore été prise de savoir si les FREDA auront une capacité de protection anti-balistique à l'instar de certaines frégates de la marine américaine. Il existe en effet deux volets dans la défense anti-missiles : l'intercepteur, qui serait le même quelle que soit la frégate, et le radar d'acquisition de la cible. Pour l'instant, seul le radar des frégates Horizon a la possibilité d'évoluer vers la défense anti-missile. Pour ce qui est du radar des FREDA, la décision n'a pas encore été prise. Mais, compte tenu de l'évolution du paysage mondial de la défense anti-missile, c'est le moment de se poser ce type de questions.
Concernant la déconstruction des navires militaires, l'amiral Forissier a déclaré que la marine nationale a gardé un mauvais souvenir de la déconstruction du porte-avions Clemenceau, actuellement en cours, et a reconnu que les difficultés avaient été sous-estimées. Le retour d'expérience de la marine nationale peut être mis à profit pour l'ensemble des industriels français. Il s'agit d'un problème de coûts. La marine estime que la déconstruction ne devrait rien coûter compte tenu de la valorisation des métaux opérée par les industriels. Mais, pour que cela soit le cas, encore faut-il qu'il existe une filière rentable économiquement. Actuellement, la marine nationale ne serait en mesure d'offrir qu'un plan de charge de dix-huit mois à un industriel. Or, cela n'est pas suffisant pour asseoir la rentabilité du projet, sur la base d'une non-facturation des déconstructions. Il faudrait, pour que cela soit rentable, que le même industriel puisse proposer ses services à la marine civile. Or, la plupart des bateaux français marchands ne sont pas déconstruits, mais revendus. Il faudrait donc promouvoir une filière européenne.
M. Jacques Gautier a interrogé l'amiral Forissier sur la taille optimale des bases de défense, en général, et sur celle de Brest, en particulier, sur le problème du vieillissement des Etracos (embarcations rapides des fusiliers marins et commandos de la Marine nationale), sur la mise en place du logiciel Chorus et, enfin, sur la possible acquisition par l'Aéronavale de moteurs de Rafale du même type que ceux envisagés pour équiper les Emirats arabes unis.
M. André Vantomme a interrogé l'amiral sur l'efficacité du cadre juridique applicable aux opérations en mer contre la piraterie maritime et lui a demandé si des modifications étaient souhaitables.
M. Christian Cambon a demandé des explications sur la nouvelle base d'Abou Dhabi et en quoi elle modifiait la stratégie du déploiement des forces françaises dans cette région.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam a demandé des précisions sur les modifications souhaitables à apporter au droit de la mer et sur l'avenir de l'hôtel de marine.
En réponse, l'amiral Pierre-François Forissier a indiqué que la base de Brest était la plus grande base de défense envisagée. Avec une base de cette dimension, des marges de manoeuvre sont plus faciles à dégager. Néanmoins, le fait que cette base concerne essentiellement des marins limite la mutualisation des moyens. Selon lui, l'harmonisation et la simplification des processus vont permettre de réaliser des gains considérables. Concernant les Etracos, il a reconnu que le programme de remplacement de ces embarcations avait connu des problèmes et qu'il fallait le reprendre, ce qui occasionnait un retard dans ledit remplacement. A propos du logiciel Chorus qui sera applicable le 1er janvier 2010, il a précisé que le paramétrage du programme était en cours et que le système de comptabilité associé étant radicalement différent du précédent, les méthodes de travail allaient, elles aussi, changer de façon radicale. Il s'est déclaré non pas inquiet, mais vigilant. Enfin, s'agissant du Rafale, il a indiqué que cet avion avait été conçu dès le départ pour être évolutif et que le remplacement du moteur actuel par un moteur plus puissant était quelque chose de tout à fait envisageable. Néanmoins, il y aurait un arbitrage à faire entre les gains que procurerait indubitablement un moteur plus puissant et le coût engendré par le changement de tous les moteurs de Rafale. Il a en outre déclaré qu'il était extrêmement compliqué d'avoir à gérer un parc d'avions avec deux types de moteurs différents à bord d'un porte-avions.
S'agissant des modifications souhaitables à apporter au droit de la mer, il a déclaré que son voeu le plus cher était qu'on ne transpose pas en droit maritime des corpus juridiques appliqués à terre. La mer étant un espace juridique extrêmement diversifié les choses s'y passent, en effet, de façon radicalement différente qu'à terre. La terre est un espace de souveraineté où règne le déterminisme, la mer est au contraire un espace de non souveraineté où le probabilisme domine. La convention de Montego Bay était une étape nécessaire dans l'unification du droit de la mer, mais elle est insuffisante pour ce qui est de la sécurité en mer. Il a rappelé que, en mer, les marins d'Etat remplissaient toutes les missions dévolues, à terre, à des personnes ou à des corps différents. Le marin d'Etat est à la fois un soldat, un pompier, un administrateur, un policier, un diplomate, un formateur...
S'agissant de la base d'Abou Dhabi, il a indiqué qu'il s'agissait d'un choix stratégique et qu'il fallait s'efforcer d'en valoriser les effets positifs - c'est le centre des intérêts français dans le Golfe - et d'en minimiser les inconvénients militaires, en particulier l'effet de nasse, dû à la position de la base au fond du Golfe. Cette base devrait devenir une base opérationnelle et de soutien, mais non un arsenal. Il doit s'agir d'un lieu permettant de relever des équipages et leur permettre de se reposer, ainsi que de réparer les navires. Egalement un lieu d'escales technico-opérationnelles pour reconditionner les navires dans des délais brefs. A cet effet, la chaîne logistique va devoir être particulièrement étudiée afin de réduire les temps de reconditionnement.
Concernant l'avenir de l'hôtel de la marine, le chef d'état-major a rappelé que tous les états-majors français avaient rêvé d'un « Pentagone » de la défense en France et que les marins s'y ralliaient avec enthousiasme et volontarisme. Néanmoins, ils n'étaient pas indifférents aux deux siècles d'histoire qu'ils laisseraient derrière eux dans l'hôtel de la marine, c'est pourquoi la marine souhaitait faire des recommandations à l'Agence France Domaines afin de préserver cette mémoire et ce patrimoine.
M. Jacques Berthou a demandé au chef d'état-major de la marine d'exposer les consignes données aux équipages afin de neutraliser les pirates en mer.
En réponse, l'amiral Pierre-François Forissier a indiqué que les règles d'engagement étaient variables dans le temps et dans l'espace. A la frontière entre l'action militaire et l'action de police, il faut être très attentif aux respects de ces règles, notamment en ce qui concerne la légitime défense et la proportionnalité de la réponse. On ne tirera pas sur un bateau sur la base d'une simple présomption de piraterie. Quand on tire, ce n'est qu'après avoir donné un coup de semonce et averti de la présence de militaires à bord. La réponse doit être opérée avec un feu de même niveau que celui essuyé. Le tir au but n'est tenté qu'en dernier ressort.
M. Jean-Pierre Chevènement a interrogé l'amiral Forissier sur la protection de l'Ile Longue, en particulier contre les menaces aériennes. Il l'a également questionné sur l'action des forces françaises contre le trafic proliférant et, en particulier, sur l'affaire dite de l'Arctic sea.
En réponse, l'amiral Forissier a reconnu que le risque zéro n'existait pas. Néanmoins, le site de l'Ile Longue est particulièrement bien protégé et la probabilité de pouvoir arriver au-dessus de l'Ile Longue par voie aérienne sans se faire intercepter est faible. Concernant l'Arctic sea, il a déclaré que le trafic proliférant n'était qu'un trafic parmi d'autres. Toutes les autorités marines redoutent la menace d'un « 11 septembre maritime ». Des initiatives ont été prises depuis plusieurs années pour conjurer cette menace, telles que la mise en place du code ISPS (International Ship and Port Security) destiné à permettre la traçabilité des conteneurs ou la CSI (Container Security Initiative). En France, il existe désormais une scannérisation presque systématique de tous les conteneurs entrant par le port du Havre. Pour les Jeux Olympiques de 2012 il faudra sécuriser le trafic trans-Manche. L'idéal serait d'arriver à assurer une surveillance mondiale du trafic maritime permettant de suivre une cargaison depuis son point de départ jusqu'à son point d'arrivée, à l'instar de ce qui existe en matière aérienne. L'objectif est ambitieux et nécessite un travail technique et juridique intense. Mais cet objectif est réaffirmé dans toutes les réunions internationales. L'utilisation des transpondeurs est beaucoup plus compliquée que dans le cadre aérien puisqu'elle suppose la coopération de tous les navires, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il faudrait également un système satellitaire capable de suivre tout le monde, ce qui n'est pas encore non plus le cas.
Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission Aide publique au développement).
M. Josselin de Rohan, président, a estimé en introduction que de nombreux éléments faisaient à nouveau de la relation Nord-Sud un sujet central des relations internationales. Il a souligné que de nombreux enjeux de la politique étrangère française étaient désormais liés à son action en faveur du développement :
- ceux de la paix et de la stabilité internationale ;
- ceux de la légitimité de la globalisation elle-même, qui ne saurait réussir sans inclure la majeure partie de la population de la planète ;
- ceux des causes communes de l'humanité tels que les changements climatiques ou la perte de biodiversité ;
- ceux de l'influence culturelle et politique, comme ceux des intérêts commerciaux, ou de stratégie économique française.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, s'est tout d'abord déclaré heureux de présenter cette année un budget en forte augmentation malgré un contexte particulièrement difficile. Il a ajouté qu'il tenait du Président de la République l'engagement de ne pas réduire l'effort d'aide publique au développement de la France confirmé par le Premier ministre lors de la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), le 5 juin 2009. Il a ensuite rappelé que la France était le quatrième donateur mondial, gardant ainsi le cap ambitieux que le Président de la République avait fixé.
M. Alain Joyandet a précisé que, en 2009, le montant de l'aide publique au développement atteignait 8,46 milliards d'euros et que, en 2010, il se situerait entre 8,66 et 9,36 milliards d'euros en fonction des annulations de dettes, plaçant l'aide française au développement dans une fourchette allant de 0,44 à 0,48 % du revenu national brut.
Concernant les grandes orientations du programme 209 consacré à « la solidarité avec les pays en développement », le secrétaire d'Etat a indiqué que le budget prévu à ce titre augmentait et devrait permettre de tenir les engagements pris et de financer les priorités du Gouvernement dans ce domaine.
Il a souligné que, en 2009, un peu plus de deux milliards d'euros d'autorisations d'engagement avaient été inscrits sous ce programme contre 2,35 milliards d'euros en 2010, soit une augmentation de 16 % par rapport à l'exercice précédent. Les crédits de paiement, avec une hausse de 210 millions d'euros, soit une augmentation de 10 %, progresseront de 2,08 milliards d'euros en 2009 pour atteindre 2,29 milliards d'euros en 2010.
M. Alain Joyandet a précisé que cette évolution significative résultait du fait qu'une partie majoritaire des crédits du programme 209 transitait par les canaux multilatéraux et, en particulier, européens. La tranche annuelle des versements de la France au Fonds européen de développement (FED) représenterait 872 millions d'euros en 2010, passant de 24,5 % pour le 9ème FED à 19,5 % pour le 10ème FED, actuellement en cours d'exécution. Il a ajouté qu'il plaiderait avec force en 2010 lors des négociations relatives aux perspectives financières européennes 2014/2019 pour que, dans le prochain FED, le pourcentage de l'apport français soit ramené au niveau de la contribution française au budget de l'Union européenne. Il a rappelé que cette participation au FED traduisait un engagement marqué en direction des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et notamment de nos partenaires d'Afrique subsaharienne, principaux bénéficiaires de cet instrument financier, et qu'elle accompagnait, en les amplifiant, nos efforts bilatéraux en faveur de cette région.
Le secrétaire d'Etat a estimé que, de la même manière, la participation volontaire de la France au fonds SIDA (300 millions d'euros) répondait à un impératif : lutter le plus efficacement possible contre un fléau universel, et cela en réunissant le plus grand nombre de bailleurs possible. Il a souligné que, parallèlement, le Gouvernement entendait consacrer, en 2010, le tiers des crédits du programme 209, soit 615 millions d'euros d'autorisations de programme, à des opérations conduites directement, en particulier dans la zone de solidarité prioritaire et dans les pays les moins avancés. L'effort additionnel consenti profitera intégralement aux actions de coopération engagées puisque les frais de personnel seront, eux, en légère diminution.
M. Alain Joyandet a indiqué que ce budget répondait à une exigence de transparence, précisant que, à partir de 2010, et à la suite du vote de l'amendement proposé par M. Michel Charasse en 2008, le dividende de l'Agence française de développement serait budgétisé et qu'il entrerait dans les recettes de l'Etat. Pour 2010, il représentera 100 millions d'euros destinés, pour l'essentiel, à financer les contrats de désendettement et de développement (C2D) et, de façon complémentaire, à abonder l'enveloppe de dons de l'AFD (Agence française de développement).
M. Alain Joyandet a indiqué que le projet de loi de finances pour 2010 prévoyait la mise à disposition, à Paris, de la Maison de la francophonie au bénéfice de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et que, à cette fin, 52 millions d'euros d'autorisations d'engagement correspondant à dix années de loyer étaient prévus. Cette opération permettra d'accueillir cette organisation à Paris dans des locaux dignes de sa mission. Il a tenu à rappeler le caractère prioritaire de la francophonie dans la politique extérieure de la France qui consacre 130 millions d'euros par an à la francophonie dont la moitié à TV5Monde. La participation de son ministère à cet effort représente une contribution de plus de 63 millions d'euros à l'OIF et aux autres opérateurs de la francophonie.
Puis, le secrétaire d'Etat a confirmé la concentration géographique de l'aide publique au développement, dans le prolongement des financements du FED, en direction de l'Afrique subsaharienne (60 % de l'aide budgétaire totale de l'Etat transitant par l'AFD) et des pays les moins avancés (PMA), conformément aux souhaits du Premier ministre lors de la dernière réunion du CICID, le 5 juin dernier. Il a précisé que cette concentration géographique se combinait à une concentration sectorielle dictée par les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) : santé, éducation et formation professionnelle, agriculture et sécurité alimentaire, développement durable, soutien à la croissance.
Enfin, M. Alain Joyandet a mis en avant la nécessité d'assurer le financement d'initiatives nouvelles pour renforcer la capacité d'action sur le terrain.
Il a cité en exemple le volontariat international, instrument de coopération moderne et souple, qui s'inscrit dans le cadre de la mobilisation citoyenne lancée à l'initiative du Président de la République. Plus de 20 millions d'euros y seront consacrés en 2010, qui correspondent à une augmentation substantielle (+ 13 %) par rapport à l'exercice 2009. Il a rappelé son souhait, exprimé en 2008, de tripler le nombre de jeunes volontaires à échéance de cinq ans.
Il a ajouté que la France devait conserver des moyens de réaction rapide pour assurer sa présence et dispenser son aide là où c'est nécessaire et que, pour ce faire, elle allait financer à hauteur de 20 millions d'euros des projets de développement en Afghanistan et, dans une moindre mesure, au Pakistan. Le secrétaire d'Etat a fait valoir que la nécessité de coopérations pour parvenir, avec d'autres bailleurs, à une masse critique et répondre aux défis globaux ne devait pas se faire au détriment des capacités d'intervention propres de la France.
En conclusion, M. Alain Joyandet, en sa qualité d'ancien sénateur, a déclaré vouloir associer, de façon plus étroite et régulière, les parlementaires aux décisions concernant l'aide publique au développement. Il a rappelé leur avoir fait parvenir, le 30 septembre 2009, le document stratégique de la France vis-à-vis de la Banque mondiale et les a informés du prochain envoi d'un document analogue concernant la stratégie de la France vis-à-vis du FED.
M. Christian Cambon, co-rapporteur, a souhaité que les rapporteurs des crédits de l'aide au développement soient mieux associés tout au long de l'année à la politique menée dans ce domaine. Il a estimé que si les modifications du périmètre du budget correspondaient à la prise en compte des observations de la Cour des comptes et à un souci de bonne gestion, elles rendaient les comparaisons avec le budget précédent difficiles, et il a regretté que n'ait pas été communiqué un tableau de l'évolution des crédits à périmètre constant. Il a observé que la répartition des crédits entre l'aide multilatérale et bilatérale se faisait au détriment de cette dernière. Evoquant le rapport de Mme Henriette Martinez, députée, il a souligné que la visibilité de la contribution de la France à l'aide multilatérale n'était pas proportionnelle au montant considérable des crédits en jeu et a rappelé que la France était le quatrième contributeur à l'aide au développement et que les crédits alloués à des fonds multilatéraux ou communautaires s'élevaient à plusieurs centaines de millions d'euros. Il s'est interrogé en outre sur l'efficacité de l'aide multilatérale soulignant que les fonds internationaux ne disposaient pas toujours d'opérateurs performants pour mener à bien des projets sur le terrain. Il s'est ensuite inquiété de la diminution du nombre des assistants techniques français dont les effectifs sont passés de 20 000 il y a dix ans à 1 000 aujourd'hui.
Il a souhaité recueillir l'opinion du ministre sur les propositions du rapport de Mme Henriette Martinez qui tendent à :
- réserver 5 % des montants alloués au fonds SIDA à des projets menés par des ONG (organisations non gouvernementales) ou des opérateurs français ;
- renforcer les cofinancements entre l'AFD et la Banque mondiale ;
- affecter une partie des fonds multilatéraux à des opérateurs nationaux.
Evoquant l'objectif d'attribution de 0,7 % du revenu national brut à l'aide au développement, il s'est interrogé sur la capacité de la France, compte tenu de la situation de ses finances publiques, à atteindre cet objectif. Il s'est félicité de l'élaboration par le Gouvernement de documents cadres sur la stratégie de la France à l'égard de la Banque mondiale et du Fonds européen de développement. Il s'est interrogé sur la façon dont le ministre associerait les parlementaires à la rédaction du document concernant l'aide au développement européen. Il a observé que les projets de coopération décentralisée connaissaient un dynamisme important mais qu'il convenait sans doute de mieux coordonner l'action des collectivités territoriales. Il a enfin demandé au ministre de bien vouloir faire un point sur la situation politique à Madagascar.
M. André Vantomme, co-rapporteur, a également souhaité une meilleure association des parlementaires à l'élaboration de la politique menée par le secrétariat d'Etat à la coopération et au développement. Evoquant l'évolution du budget, il a indiqué qu'il aurait été préférable de pouvoir disposer de données sur l'évolution des crédits à périmètre constant.
Il a souhaité avoir des précisions sur les initiatives prises au sein du G8 pour modifier les critères définissant l'aide au développement dans le cadre du comité d'aide au développement (CAD). Il s'est félicité de la diminution des frais d'écolage et des crédits destinés à l'accueil des réfugiés susceptibles d'être déclarés au CAD, estimant que ces crédits n'avaient pas le caractère d'aide au développement. Il s'est demandé si les initiatives visant à adopter une approche plus globale de l'aide au développement ne cachaient pas une tentative de masquer les difficultés qu'éprouvaient les pays occidentaux à atteindre les objectifs qu'ils s'étaient fixés, en modifiant ainsi l'indicateur pour y intégrer de nouvelles dépenses.
Il a noté l'évolution positive du budget inscrit dans le projet de loi de finances pour 2010 tout en soulignant que d'autres pays tels que l'Espagne et le Royaume-Uni consentaient des efforts plus importants. Il a estimé que, à ce rythme, la France risquait de ne pas atteindre l'objectif de 0,7 % du revenu national brut en 2012.
Il s'est félicité de l'élaboration de documents cadres définissant la stratégie de la France en matière d'aide au développement et a souhaité être associé à l'élaboration de celui concernant l'aide communautaire. Il a souhaité obtenir des précisions sur les projets concernant l'Afrique subsaharienne qui n'avaient pu être financés par le budget pour 2009. Il s'est interrogé sur la finalité des crédits alloués au programme 310 qui associe la problématique de développement et celle de l'immigration.
Il a souhaité savoir comment évoluaient les crédits destinés aux ONG. Evoquant l'augmentation de la part des prêts au détriment des subventions, il s'est inquiété de la situation des pays d'Afrique subsaharienne qui ne possédaient pas les capacités de remboursement leur permettant d'accéder aux crédits.
En réponse, M. Alain Joyandet a apporté les précisions suivantes :
- la proportion entre les crédits alloués à l'aide multilatérale et à l'aide bilatérale restera désormais stable et l'aide bilatérale ne servira plus de variable d'ajustement ;
- accroître la visibilité de l'aide française aux fonds multilatéraux et l'efficacité de ces derniers fait partie des objectifs prioritaires du ministère des affaires étrangères ;
- dans certains domaines, comme la lutte contre le Sida, le recours à des instruments multilatéraux s'impose et constitue un gage d'efficacité indéniable. Dans d'autres domaines ou dans certaines régions, l'aide bilatérale française conserve tout son sens et toute son efficacité. Il conviendra à l'avenir de bien veiller à une meilleure articulation entre les deux niveaux et de favoriser, par exemple, les financements multilatéraux au profit d'opérateurs nationaux quand ceux-ci s'avèrent plus performants ;
- la diminution du nombre des assistants techniques est un phénomène ancien qui correspond à l'évolution des demandes adressées à la France par les pays en voie de développement. La diminution des effectifs des assistants techniques du ministère des affaires étrangères et européennes correspond également à leur transfert à l'Agence française de développement ;
- l'effort de la France en faveur du développement s'élève en 2008 à 0,39 % du revenu national brut et devrait s'élever à 0,44 ou 0,48 % en 2010 selon que les annulations de dettes en cours se réalisent ou non. La France peut atteindre l'objectif des 0,7 % du revenu national brut en 2012 si elle maintient son effort et si des modifications sont apportées au critère retenu par le cadre afin d'y intégrer notamment la taxe sur les billets d'avion ainsi que la taxe sur les transactions financières internationales actuellement à l'étude. Cette dernière pourrait voir le jour si un consensus international se dégageait et elle pourrait permettre de dégager 30 à 70 milliards d'euros par an au profit de l'aide au développement ;
- les pays en développement ont des besoins qui dépassent très largement les 0,7 % du revenu national brut des pays de l'OCDE qui ne suffiront pas à eux seuls pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ;
- la coopération décentralisée constitue désormais un élément important de la politique française d'aide au développement. Pour cette raison, le secrétariat d'État cherche à mieux coordonner cette aide au sein d'associations régionales. L'adhésion des collectivités territoriales à ces associations, dans le cadre de contrats d'objectifs, leur permettra de bénéficier de crédits supplémentaires au profit du projet qu'elles soutiennent ;
- la situation à Madagascar est complexe. Le groupe international de contact, auquel le secrétaire d'Etat a participé, a permis de nommer un Premier ministre de transition. Il reste aux parties prenantes à s'entendre sur la formation d'un gouvernement qui pourrait convoquer des élections au printemps 2010. La situation évolue quotidiennement et le ministère des affaires étrangères et européennes suit cette évolution avec attention. Il conviendra de veiller à ce que la communauté internationale laisse le temps aux pouvoirs publics malgaches de trouver une solution satisfaisante avant de prendre des sanctions qui ne manqueraient pas de pénaliser la population. S'agissant de la décharge de Tananarive, la France a alloué plus de 1,5 million d'euros pour son démantèlement avant cinq ans ;
- le budget à périmètre constant se traduit par une augmentation de près de 200 millions d'euros des crédits destinés à l'aide bilatérale. Le volume des prêts accordés par l'AFD a progressé de façon très significative puisqu'il passe de 3,7 milliards d'euros en 2008 à 5,2 milliards en 2009. Parallèlement, les subventions aux projets augmentent dans le projet de loi de finances pour 2010 ;
- il faut considérer les annulations de dettes comme des subventions. Ces annulations ne sont comptabilisées qu'une seule fois aussi bien au niveau de la loi de finances qu'au niveau de l'aide au développement déclarée au CAD. Il arrive cependant que des annulations de dettes soient prévues dans le projet de loi de finances et ne soient pas effectivement accordées au cours de l'exercice budgétaire quand les Etats concernés ne remplissent pas les conditions requises ;
- le secrétariat d'État souhaite augmenter de 50 % le pourcentage de l'aide au développement qui passe par les ONG au cours des quatre prochaines années ;
- l'Afrique subsaharienne recueillera 60 % des subventions et dons dans le projet de loi de finances pour 2010. Sont plus particulièrement concernés quatorze pays figurant sur la liste des pays ultra-prioritaires, liste qui pourrait évoluer avec le temps.
M. Christian Cambon, co-rapporteur, a souligné être moins animé par le souci de voir des projets identifiés comme français que par celui de l'efficacité de l'aide bilatérale en contraste avec la lourdeur de certaines procédures internationales.
M. Alain Joyandet a concédé que les institutions multilatérales avaient souvent un mode de fonctionnement lourd, complexe et peu réactif par rapport à l'urgence des besoins des pays en voie de développement. Il a indiqué que l'efficacité de l'aide multilatérale avait fait l'objet de nombreuses réflexions et que des progrès avaient déjà été enregistrés. Il a souhaité une meilleure articulation entre les niveaux nationaux, communautaires et multilatéraux et a appelé de ses voeux la mise en place de codes de conduite permettant de définir, dans certains secteurs ou dans certaines zones géographiques, des chefs de file qui puissent concevoir des projets avec des opérateurs nationaux à partir de fonds multilatéraux.
Evoquant les nombreuses propositions de réformes figurant dans le rapport de Mme Henriette Martinez, Mme Joëlle Garriaud-Maylam a souhaité savoir si le Gouvernement allait soutenir son amendement tendant à réserver 5 % des crédits français affectés au fonds Sida à des opérateurs et des ONG français. Elle a regretté que la France ne dispose pas d'instruments adaptés pour soutenir des projets de taille modeste et mettre en place des microcrédits. Elle s'est inquiétée de la diminution du nombre d'assistants techniques français soulignant que, dans certains cas, l'absence de personnels qualifiés empêchait les opérateurs français de répondre à des appels d'offres internationaux. Elle s'est déclarée favorable au renforcement de la conditionnalité des annulations de dettes afin de favoriser des investissements publics structurants.
Observant que le tissu associatif français en matière d'aide au développement était beaucoup moins structuré que ne l'étaient les tissus associatifs anglo-saxons, elle s'est interrogée sur l'opportunité de créer un statut particulier pour les ONG.
M. Alain Joyandet a indiqué que l'amendement relatif au fonds Sida sera examiné dans le cadre de la première partie de la loi de finances à l'Assemblée nationale. Il a souligné que la diminution du nombre d'assistants techniques pourrait être partiellement compensée par la mise en place du volontariat international. Il a observé que le conditionnement des annulations de dettes existait déjà.
Il a estimé que les ONG n'étaient sans doute pas favorables à la définition d'un statut et s'est en revanche déclaré favorable à un renforcement du tissu associatif français dans ce secteur et à l'amélioration de la capacité des ONG françaises à gérer les projets ambitieux. Il a fait remarquer que l'allocation de fonds multilatéraux à des ONG posait également la question de l'origine nationale des ONG concernées, les ONG les plus importantes étant dans l'ensemble anglo-saxonnes.
M. Jean Faure s'est également interrogé sur la capacité des pouvoirs publics à atteindre l'objectif de 0,7 % du revenu national brut alloué à l'aide au développement. Il a souligné le rôle des collectivités territoriales dans ce domaine avec la montée en puissance de la coopération décentralisée. Il a insisté sur la nécessité de maintenir les engagements de paiements à un niveau permettant la poursuite de projets pluriannuels. Evoquant ses entretiens avec une délégation malgache, dans le cadre du groupe d'amitié France-Madagascar, il a indiqué que la situation politique était loin d'être stabilisée. Il a attiré l'attention du secrétaire d'État sur la situation de seize villages du Laos dévastés par des inondations et pour lesquels les autorités françaises sur place ne semblaient pas disposer de crédits pour contribuer à aider les populations.
M. Alain Joyandet a indiqué que le centre de crise du Quai d'Orsay s'était saisi de cette question. Il s'est associé aux propos du sénateur sur le rôle de la coopération décentralisée, précisant que cette dernière faisait bien l'objet d'une déclaration au titre de l'aide au développement à l'OCDE. Il a estimé qu'une solution à la crise malgache dépendrait du choix d'un consensus, unanime ou majoritaire, pour former un gouvernement de transition.