- Mercredi 1er avril 2009
- Nomination de deux vice-présidents et d'un secrétaire
- Présentation de l'étude scientifique réalisée par l'Association Française d'Urologie sur le dépistage et le traitement du cancer de la prostate
- Présentation du rapport de M. Bernard Debré, rapporteur, sur le dépistage et le traitement du cancer de la prostate
Mercredi 1er avril 2009
- Présidence de M. Nicolas About, sénateur -Nomination de deux vice-présidents et d'un secrétaire
L'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, réuni à l'Assemblée nationale sous la présidence de M. Nicolas About, sénateur, a tout d'abord complété son Bureau.
Outre le président - cette année, le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale -, le Bureau de l'office est en principe composé du président de commission qui n'exerce pas la présidence de l'office, premier vice-président ; de quatre vice-présidents, deux députés et deux sénateurs ; des rapporteurs des commissions chargées de l'assurance maladie dans le cadre de l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale ; de deux secrétaires, un député et un sénateur.
M. Alain Vasselle, sénateur, ayant été désigné en qualité de rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 en charge de l'assurance maladie, il restait à pourvoir, pour le Sénat, à la suite de son dernier renouvellement, deux sièges de vice-président et un siège de secrétaire.
L'office a été saisi des candidatures de MM. Gilbert Barbier et Gérard Dériot, sénateurs, pour les fonctions de vice-président, et de la candidature de M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, pour les fonctions de secrétaire.
Le nombre des candidats n'étant pas supérieur au nombre de sièges à pourvoir, ont été désignés :
- M. Gilbert Barbier, sénateur, vice-président ;
- M. Gérard Dériot, sénateur, vice-président ;
- M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, secrétaire.
En conséquence, le Bureau de l'office est ainsi constitué :
- M. Pierre Méhaignerie, député, président ;
- M. Nicolas About, sénateur, premier vice-président ;
- M. Gérard Bapt, député, vice-président ;
- M. Gilbert Barbier, sénateur, vice-président ;
- M. Gérard Dériot, sénateur, vice-président ;
- Mme Jacqueline Fraysse, députée, vice-présidente ;
- M. Jean-Pierre Door, député ;
- M. Alain Vasselle, sénateur ;
- M. Jean Bardet, député, secrétaire ;
- M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, secrétaire.
Présentation de l'étude scientifique réalisée par l'Association Française d'Urologie sur le dépistage et le traitement du cancer de la prostate
M. Pascal Rischmann, président de l'Association Française d'Urologie, a présenté les principales conclusions de l'étude scientifique réalisée pour le compte de l'OPEPS.
M. Pascal Rischmann, président de l'Association Française d'Urologie. Le rapport scientifique que j'ai l'honneur de vous présenter est le résultat du travail d'un consortium réunissant différents spécialistes médicaux, des urologues, des oncologues, des épidémiologistes, des biologistes et des économistes de la santé.
Je rappellerai tout d'abord que la prostate est une petite glande située en dessous de la vessie, au carrefour des voies urinaires et des voies génitales. Cette glande peut grossir de façon bénigne, et elle peut alors être traitée par des interventions très simples ; c'est la maladie la plus fréquente. Mais elle est aussi sujette à un cancer, le cancer de la prostate, qui se développe en périphérie de la glande et qui se manifeste par des symptômes cliniques très tardifs. C'est ce qui fait l'intérêt du dépistage. Les caractéristiques de ce cancer font qu'il tue rarement avant dix ans - cela dépend bien entendu du moment où il est découvert - mais il tue presque toujours vingt ans après son début.
La question du dépistage est souvent mal comprise, car il s'agit de faire la différence entre le dépistage et le diagnostic. Le test de dépistage Prostate specific antigen (PSA) ne signe pas spécifiquement la présence d'un cancer de la prostate mais une anomalie plus générale de la prostate. Il est toutefois utilisé pour dépister des populations éventuellement suspectes de cancer prostatique. Le seul test parfaitement sûr est la biopsie de la prostate : c'est un test diagnostique.
Le dépistage du cancer de la prostate connaît une double actualité. D'une part, le Professeur Jean-Pierre Grünfeld a préconisé, dans le rapport qu'il vient de remettre au Président de la République sur le plan Cancer, une politique nationale de dépistage du cancer de la prostate. D'autre part, nous venons de prendre connaissance des résultats de la plus grande étude européenne réalisée sur l'intérêt du dépistage et son impact sur la mortalité : elle va dans le même sens.
Notre étude scientifique est également convergente.
Pour résumer les travaux du consortium, nous avons fait un certain nombre de constats.
Tout d'abord, le cancer de la prostate est un problème de santé publique : il y a actuellement plus de 65 000 nouveaux cas de cancers chaque année et on enregistre entre 9 000 et 10 000 décès par an. Un homme qui est né avant 1940 a un risque de plus de 18 % d'avoir un cancer de la prostate avant l'âge de soixante-quinze ans et l'on sait qu'à cet âge l'espérance de vie est encore de dix ans. Deuxième constat, le dépistage du cancer de la prostate est pratiqué par plus de 80 %, voire 90 % des médecins généralistes. Il faut en effet rappeler que les médecins généralistes sont en première ligne pour le dépistage même si leur information doit être améliorée. Troisième constat, l'information des patients est insuffisante : un tiers des personnes qui vont réaliser un dosage de PSA dans un laboratoire ne savent pas pourquoi ils font cet examen et deux tiers ne sont pas en mesure de répondre à des questions simples concernant l'intérêt de ce test. Quatrième constat, on constate des hétérogénéités dans les pratiques de dépistage du cancer de la prostate sur le territoire national, à l'instar de ce que l'on peut aussi constater pour le cancer du sein et pour le cancer colorectal. Les variations vont de un à deux, principalement entre le Sud-Est et le Nord-Ouest. Cinquième observation, les dépistages ne suivent pas les recommandations professionnelles : le dépistage est inutilement proposé par 40 % des médecins généralistes à des hommes de plus de soixante-quinze ans. La sixième remarque concerne l'interprétation des résultats de dosage de PSA, qui varient selon les laboratoires. Il y a un travail à faire d'homogénéisation des tests, afin d'avoir des résultats plus clairs. Il faut également prendre en compte les conclusions de l'étude européenne European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer, que j'ai mentionnée précédemment, et qui est une des études épidémiologiques majeures de ce début du siècle. Elle montre, à partir d'une cohorte de 190 000 personnes, une diminution de plus de 20 % de la mortalité par cancer de la prostate grâce à la pratique du dépistage chez les hommes de cinquante-neuf à soixante-cinq ans. En France depuis 1990, il a été constaté, concomitamment au développement du dépistage, une réduction de 7 % par an de la mortalité en moyenne. Aux Etats Unis, la réduction de la mortalité depuis 1990 est de 50 %, uniquement du fait du développement du dépistage. On constate toutefois deux phénomènes de surmortalité spécifiques, d'une part, chez les hommes jeunes, de moins de cinquante-cinq ans et, d'autre part, chez les personnes pour lesquelles le diagnostic de cancer a été fait à un stade trop avancé. Enfin, il faut remarquer qu'une partie des traitements pourrait être évitée, notamment les traitements hormonaux. Il apparaît en effet qu'un tiers des patients pour lesquels la maladie est encore localisée à la prostate sont traités par hormonothérapie, alors que ces traitements ne sont pas utiles à ce stade. Pour finir, on observera que le coût moyen de prise en charge d'un patient en France est comparable à celui dans les autres pays développés, un peu en dessous de 10 000 euros.
Pour ce qui est des propositions d'action, il faut tout d'abord améliorer l'information du public sur l'intérêt et les conséquences du dépistage. Il faut renforcer la formation des médecins généralistes en matière de dépistage. L'Association Française d'Urologie recommande de dépister systématiquement le cancer de la prostate pour les personnes entre cinquante et soixante-cinq ans et de manière individuelle entre soixante-six et soixante-quatorze ans. Les études épidémiologiques ne montrent toutefois pas de bénéfices nets en termes de mortalité au-delà de soixante-cinq ans. En ce qui concerne les suites à donner à un test positif, il convient d'éviter de recourir systématiquement aux biopsies afin de ne pas exposer les patients à un risque de surdiagnostic, c'est-à-dire au traitement d'un cancer qui n'aurait pas été létal, soit parce que le cancer est trop petit, soit parce que le patient est trop âgé, soit parce que le cancer n'est pas très agressif. Il faut normaliser l'interprétation des biopsies, développer, pour des raisons économiques, les alternatives à l'hospitalisation en cas de biopsies à l'hôpital, et standardiser l'information sur les traitements délivrée au patient lors de la réalisation d'une biopsie après un résultat positif. Enfin, du point de vue des traitements thérapeutiques, il convient de développer les traitements focaux, qui permettent de traiter seulement la partie atteinte de la prostate.
En conclusion, il faut mieux cibler la population à dépister pour éviter les surdiagnostics et les surtraitements ; il faut mieux former les médecins en général à la politique de dépistage ; il faut développer les marqueurs d'activité prostatique et les études relatives à la surveillance sans traitement des cancers diagnostiqués ainsi qu'aux traitements focaux.
M. Gérard Bapt, député. Qu'en est-il des traitements par radiothérapie ? Y a-t-il des progrès dans la capacité de ces traitements à cibler les zones cancéreuses ?
M. Pascal Rischmann, président de l'Association Française d'Urologie. Il y a deux techniques, la radiothérapie conformationnelle, qui est pratiquée de manière externe, et la curiethérapie, qui consiste à implanter des grains de matière radioactive à proximité des zones cancéreuses. Globalement, on peut dire qu'il n'y a pas de supériorité démontrée d'un traitement par rapport à un autre. En réalité, on va de plus en plus, en cancérologie, et ce n'est pas spécifique à la prostate, vers des traitements individualisés. La radiothérapie est, pour faire simple, plus spécialement indiquée pour les personnes de plus de soixante-dix ans.
M. Nicolas About, sénateur, président. La durée d'évolution du cancer de la prostate, dont vous avez dit qu'elle était supérieure à dix ans, est-elle fonction de l'âge du patient ? Quel est de taux de guérison après traitement ?
M. Pascal Rischmann, président de l'Association Française d'Urologie. Les formes du cancer de la prostate ne varient pas en fonction de l'âge. Mais leur potentiel d'évolution est différent : plus le cancer atteint un patient jeune, plus celui-ci a de risques d'en mourir. Même si, heureusement, il n'y a pas beaucoup de personnes atteintes d'un cancer entre cinquante et cinquante-cinq ans, elles ont plus de 50 % de chances d'en mourir.
M. Bernard Debré, député, rapporteur. Plus un cancer est agressif - on peut évaluer cette agressivité grâce à un examen anatomopathologique - plus les traitements sont inefficaces et plus le pronostic est mauvais.
M. Pascal Rischmann, président de l'Association Française d'Urologie. L'âge n'a pas d'importance. La pratique clinique nous conduit à distinguer trois catégories de patients : ceux pour lesquels le risque est faible, ceux pour lesquels le risque est intermédiaire et ceux pour lesquels il est important. Or ces trois catégories se retrouvent à tout âge. Le risque est fonction de l'agressivité cellulaire, ou glandulaire, mais aussi du degré d'extension du cancer : la tumeur a-t-elle dépassé les limites de la glande prostatique, a-t-elle déjà atteint les ganglions lymphatiques ?
M. Bernard Debré, député, rapporteur. Il faut savoir que l'agressivité du cancer au niveau cellulaire, que l'on mesure à l'aide du score de Gleason, évolue lorsque le cancer s'étend. Or on s'aperçoit que plus le score de Gleason est élevé, moins les cellules cancéreuses secrètent de PSA. C'est pourquoi l'on voit parfois des cancers évoluer de manière négative alors que le taux de PSA baisse ! Comme le PSA n'est pas un marqueur spécifique du cancer prostatique, mais seulement du tissu prostatique, les mesures qu'il donne sont imparfaites. Un homme égale un cancer : je veux dire par là que chaque homme malade présente un cas particulier qui doit conduire à un traitement spécifique. Les cancers ont tous des agressivités différentes.
M. Pascal Rischmann, président de l'Association Française d'Urologie. Ce qui est important, c'est de diagnostiquer le cancer tôt afin de pouvoir influer sur son évolution. Si on intervient, par une ablation chirurgicale de la prostate, sur un cancer de faible grade ou de grade intermédiaire, on a plus de 80 % de chance de le guérir. Dans 15 % des cas, on voit réapparaître des taux de PSA élevés au bout de plusieurs années, mais on peut alors mobiliser d'autres moyens thérapeutiques.
M. Bernard Cassou, membre du conseil d'experts de l'OPEPS. Cette étude apporte des informations intéressantes dans un domaine où les données sont encore confuses. Il faut préciser que les résultats connus de l'étude européenne qui a été évoquée concernent l'impact du dépistage sur la mortalité, mais que les résultats en termes de qualité de vie et de coût/efficacité sont encore à venir. Ce que l'on attend, ce sont des propositions claires en matière de dépistage : à quel âge ? quels seuils retenir ? quelle fréquence des tests ?
M. Marc Bernier, député. Dans le rapport que j'avais présenté sur le dépistage du cancer du sein en juin 2004 devant l'OPEPS, il avait été fait un constat similaire sur les disparités géographiques et le besoin de formation des médecins généralistes. Faut-il qu'il y ait également un dépistage systématique pour le cancer de la prostate ?
M. Gilbert Barbier, sénateur, vice-président. Le problème du dépistage, c'est qu'il est parfois anxiogène pour les patients. Lorsqu'ils sont informés de la nature de l'examen, ils peuvent avoir la tentation de consulter un autre médecin pour confirmer, ou infirmer, l'avis de leur médecin traitant.
M. Guy Fischer, sénateur. Le fait que le dépistage soit dépendant du degré d'information des patients a-t-il une influence sur les catégories sociales des personnes qui en bénéficient ? Par ailleurs, certaines catégories sociales sont-elles plus touchées que d'autres par le cancer de la prostate ?
M. Pascal Rischmann, président de l'Association Française d'Urologie. Le principal argument en faveur du dépistage systématique est son impact positif sur la mortalité : généraliser le dépistage, c'est garantir une baisse d'au moins 20 % de la mortalité. En ce qui concerne les traitements proposés aux patients, on voit que leur répartition est équilibrée : pour 65 000 nouveaux cas annuels, on compte 22 000 opérations d'ablation de la prostate, soit un tiers des patients.
Sur l'environnement, j'indiquerai simplement que les facteurs héréditaires ne sont pas négligeables en matière de cancer de la prostate. En présence d'ascendants atteints, il convient bien évidemment de consulter jeune. Le cas des populations afro-antillaises doit être également mentionné. Il s'agit de populations à risques.
Mme Maryvonne Blondin, sénatrice. J'insisterai pour ma part sur l'importance de la formation des généralistes. Ce sont eux la porte d'entrée du dépistage.
M. Bernard Debré, député, rapporteur. Leur information médicale continue doit être développée. Leur culture en matière de lecture d'image ou de biotechnologie doit être en permanence mise à jour compte tenu des progrès incessants en la matière.
M. Nicolas About, sénateur, président. Il s'agit là d'une priorité. Les unités de valeur de la formation continue doivent être clairement sélectionnées et hiérarchisées.
Il me reste à remercier M. Pascal Rischmann pour son exposé aussi dense qu'éclairant.
(M. Pascal Rischmann quitte la salle, et l'OPEPS examine le rapport de M. Bernard Debré sur le dépistage et le traitement du cancer de la prostate).
Présentation du rapport de M. Bernard Debré, rapporteur, sur le dépistage et le traitement du cancer de la prostate
M. Bernard Debré, député, rapporteur. Le rapport scientifique présenté par l'Association Française d'Urologie contient des éléments intéressants, même si sa qualité formelle n'est pas, loin s'en faut, au niveau que l'on était en droit d'attendre.
Sur le fond, il convient de rappeler qu'elle a été commencée avant que l'on dispose des résultats de deux études de grande ampleur, l'une européenne, l'autre américaine.
Le cancer de la prostate est un cancer relativement fréquent. Actuellement, 150 000 personnes vivent avec ce cancer en France. Les formes de ce cancer suscitent des réponses différentes en fonction de l'évolutivité de la maladie et de l'âge du patient.
Pour les personnes de plus de soixante-quinze ans, le dépistage ne doit pas être réalisé de façon systématique, mais à la demande du patient. Dans ce cas, le dépistage consiste avant tout en un examen clinique, associé éventuellement à un dosage du PSA. La décision de traiter dépend d'un grand nombre de paramètres : l'âge du patient, ses comorbidités, son espérance de vie ; mais l'intervention chirurgicale est en tout cas à proscrire. Le traitement de référence - les anti-hormones qui opèrent une castration chimique - est idéal ; il est devenu très simple d'emploi puisqu'il n'implique qu'une injection tous les six mois ; il permet d'offrir une amélioration de la qualité de vie à tous les patients de plus de soixante-quinze ans. Ceci ne doit pas être négligé. Ces patients ne mourront peut-être pas du cancer mais, en tout état de cause, ils ne doivent pas être abandonnés.
Pour les personnes entre cinquante et soixante-dix ans, plus le cancer est détecté précocement, plus sont accessibles les traitements curatifs. 90 % des hommes de cette tranche d'âge font faire un dosage de PSA mais cela ne peut pas toujours être considéré comme du dépistage car les dosages sont diversement et globalement mal interprétés. Pour améliorer les pratiques de dépistage, il faut d'abord normaliser les conditions d'analyse des résultats en laboratoire du test de dépistage du PSA. Il faut, de plus, apporter aux médecins généralistes l'information adéquate : le dépistage du cancer de la prostate doit concerner tous les hommes entre cinquante et soixante-dix ans. Il faut avoir, sur cette tranche d'âge, une action systématique de dépistage annuel.
Comme cela a été dit, le taux de PSA n'est pas un marqueur spécifique au cancer de la prostate. Il peut être augmenté par plusieurs types d'affections : une infection aiguë, un adénome de la prostate ou le cancer de la prostate. Mais d'autres indicateurs permettent alors de faire un diagnostic différentiel. Il s'agit tout d'abord du rapport PSA libre sur PSA total. Cette mesure biologique doit être demandée par le médecin généraliste car, quand ce rapport est élevé, l'affection est probablement bénigne et, quand il est faible, l'affection est probablement maligne. Un troisième indicateur complète la panoplie d'instruments : il s'agit de la vélocité du PSA. Dès que l'augmentation du PSA est supérieure à 0,75 nanogrammes par millilitre et par an, c'est un signe inquiétant devant déclencher une réponse appropriée de la part du médecin généraliste, qui doit alors passer le témoin au spécialiste. La valeur du taux du PSA est donc relative : elle doit être analysée au regard de la vélocité du PSA et du rapport PSA libre sur PSA total.
Pour résumer les recommandations au stade du dépistage, il faut que les hommes de cinquante à soixante-dix ans bénéficient d'un dépistage systématique du cancer de la prostate. L'information de PSA doit être renforcée, en montrant que la valeur brute du taux de PSA n'est pas en elle-même une indication suffisante et qu'il faut la confronter à d'autres mesures. Enfin, l'examen clinique - le toucher rectal - doit être systématiquement assorti aux prescriptions de dosage de PSA.
Les traitements ne constituaient pas le centre de l'étude mais quelques idées-force peuvent être dégagées. Le traitement curatif privilégié est l'ablation de la prostate. Il existe plusieurs techniques qui sont en concurrence : la chirurgie à ciel ouvert, la voie coelioscopique et le recours au robot. Les positions relatives de ces techniques évoluent très vite. La chirurgie à ciel ouvert a été très critiquée en raison du pourcentage d'incontinence et d'impuissance qui y est associé. En réalité, les résultats sont très dépendants de l'opérateur. Les promesses que la technique coelioscopique a apportées avec elle ne se sont pas réalisées : loin de diminuer, les risques d'incontinence paraissent plutôt augmenter. En revanche, il semble que le recours au robot puisse, pour sa part, apporter une amélioration des suites postopératoires. Il faut aussi évoquer la curiethérapie, qui est l'introduction dans la prostate de grains radioactifs et qui donne des résultats quasiment identiques à ceux de la chirurgie, avec des suites négatives moindres, mais il faut que le score de Gleason soit inférieur à 7 et que le PSA soit inférieur à 15. La radiothérapie conformationnelle est actuellement moins utilisée, car elle provoque des troubles au niveau du rectum et de la vessie ainsi que des cas de tumeurs radio-induites au niveau de la vessie, sous la forme de polypes de vessies. On peut également mettre en oeuvre des traitements focaux, par micro-ondes notamment, qui permettent de détruire ponctuellement les foyers cancéreux identifiés mais qui n'empêchent pas les récidives. En tout état de cause, il est évident que, lorsque le cancer a dépassé les limites de la capsule prostatique, ces traitements curatifs sont inutiles, à l'exception de la radiothérapie qui n'est alors plus conformationnelle et dont le champ est élargi aux ganglions lymphatiques. Cela étant, le coût total de prise en charge d'un cancer de la prostate, 12 500 euros en moyenne, est équivalent, voire inférieur à celui d'autres cancers.
En conclusion, les recommandations présentées à l'OPEPS concernent la promotion du dépistage du cancer de la prostate, l'information des médecins généralistes, la standardisation des méthodes et la normalisation des pratiques, ainsi que le développement de la recherche sur les nouveaux marqueurs tumoraux, tels que la sarcosine, qui sont plus spécifiques.
M. Bernard Cassou, membre du conseil d'experts. Une des difficultés en matière de dépistage concerne la cible à atteindre en termes de groupe d'âge. Il convient d'éviter que la filière de soin soit envahie par les plus de soixante-quinze ans. Vos recommandations portent sur les tests - à améliorer -, les médecins - à former - et la population - à mobiliser. Quel doit être l'ordre des priorités ?
M. Bernard Debré, député, rapporteur. Le test du PSA est déjà très largement répandu. Le premier impératif est la formation des médecins généralistes. Il faut faire attention à ne pas reporter sur le patient les difficultés de choix entre les différentes options thérapeutiques. Les patients ne sont pas toujours en position de choisir, parfois du fait de l'information surabondante et souvent complexe devant laquelle ils sont placés, en particulier sur internet.
M. Bernard Cassou, membre du conseil d'experts. Il est clair que les pratiques des généralistes doivent être harmonisées. Ceux-ci doivent être sensibilisés à la nécessité d'accorder du temps au dialogue avec les patients.
M. Gérard Dériot, sénateur, vice-président. On sait que la prescription du dosage de PSA est faite par les médecins généralistes, mais on n'est pas sûr qu'ils se placent véritablement dans une démarche de dépistage. Il faut codifier la procédure de dépistage pour qu'elle soit appliquée de manière uniforme, comme cela a été fait pour le cancer du sein.
M. Bernard Debré, député, rapporteur. Le message à faire passer aux médecins généralistes est, d'une part, qu'il faut toujours privilégier l'examen clinique et, d'autre part, que la valeur brute du PSA doit être complétée par d'autres paramètres, le rapport PSA libre sur PSA total et la vélocité du PSA.
M. Gilbert Barbier, sénateur, vice-président. D'un point de vue étiologique, quelles sont les causes du cancer ?
M. Bernard Debré, député, rapporteur. Il y a certainement un facteur génétique. On observe ainsi que les personnes dont le père a eu un cancer de la prostate à un âge assez avancé, après soixante-quinze ans, en sont souvent victimes plus jeunes. En ce qui concerne les facteurs environnementaux, l'hypothèse d'un lien entre le chlordécone et le cancer de la prostate a été avancée pour expliquer le taux élevé de cancers en Guadeloupe, mais elle n'est fondée sur aucune étude probante et elle néglige le facteur ethnique, le cancer de la prostate étant plus répandu chez les populations de couleur noire. Pour la population asiatique, on observe des taux de cancer plus faibles mais ces taux n'expriment pas forcément l'influence d'un facteur ethnique, dans la mesure où, d'une part, l'alimentation de ces populations est à base de soja, qui contient naturellement des hormones oestrogènes inhibitrices de l'hypophyse, et que, d'autre part, on n'y pratique pas de dépistage... Plusieurs études ont été faites pour évaluer l'influence de l'alimentation au travers de certains aliments, en particulier le lait et la viande, mais on n'a pas trouvé de lien statistique évident. Aucune corrélation n'a non plus été trouvée avec le tabac, l'alcool ou l'activité sexuelle.
Mme Maryvonne Blondin, sénatrice. Mon expérience en matière d'organisation du dépistage du cancer du sein dans le Finistère me laisse penser que si la formation des médecins est essentielle, elle nécessite du temps, des directives claires et peut-être des structures adaptées.
A l'issue de la discussion, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé a autorisé le dépôt du rapport présenté par M. Bernard Debré en vue de sa publication.