Mardi 17 juin 2008

- Présidence de M. Gérard Larcher, président.

Audition par le groupe de travail intercommissions préfigurant la commission spéciale de Mme Christine Lagarde, ministre, de MM. Luc Chatel et Hervé Novelli, secrétaires d'Etat

Le groupe de travail intercommissions préfigurant la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte parole du Gouvernement, et de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

Après avoir demandé de bien vouloir excuser l'absence de M. Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique, retenu à l'étranger, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a souligné l'importance du projet de loi de modernisation de l'économie, considérablement enrichi par l'Assemblée nationale. Elle a assuré que le gouvernement était par ailleurs particulièrement sensible à la prochaine création d'une commission spéciale et au vaste travail d'auditions effectué par le Sénat ces derniers mois.

Puis elle a souhaité relever deux bonnes nouvelles : d'une part, la sensible augmentation du nombre de créations d'emplois salariés des secteurs marchands au premier trimestre 2008 et, d'autre part, la révision à la hausse du consensus des économistes sur la croissance nationale pour 2008, qui, à 1,7 %, est désormais en ligne avec les prévisions du Gouvernement.

Mme Christine Lagarde a souligné que le projet de loi de modernisation de l'économie, qui répondait à la lettre de mission que lui avaient adressée le Président de la République et le Premier ministre, avait pour but de lever les contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix.

La création d'entreprise sera facilitée par le statut de l'entrepreneur individuel : il suffira de remplir un document sur Internet pour déclarer une activité et la loi devrait supprimer toute obligation d'immatriculation pour les petites activités indépendantes effectuées en cumul d'un salaire ou d'une retraite. De même, il serait possible de s'acquitter en une fois de ses impôts et cotisations sociales.

Concernant le fonctionnement de l'entreprise, Mme Christine Lagarde a indiqué qu'une série de mesures de simplification allait faciliter la vie des PME, mettant notamment en exergue l'exemple des délais de paiement et le dispositif de gel sur trois ans et de lissage progressif sur quatre ans des conséquences financières des franchissements de seuils de dix et vingt salariés par les entreprises.

S'agissant de la transmission de l'entreprise, afin d'encourager les repreneurs, elle a indiqué que les droits de mutation à titre onéreux des cessions de droits et des mutations de fonds de commerce seraient abaissés de 5 % à 3 %. Elle a ajouté que l'Assemblée nationale avait transformé le seuil d'exemption des droits de mutation à titre onéreux pour les transmissions familiales en abattement, ce qui supprimait tout effet de seuil et rendait le dispositif beaucoup plus juste.

Par ailleurs, Mme Christine Lagarde a relevé que, pour dynamiser la concurrence, l'Assemblée nationale était parvenue à un compromis visant à ménager à la fois la liberté des commerçants, petits ou grands, et la régulation nécessaire à l'équilibre du tissu commercial dans notre pays. Ainsi, d'une part, le projet de loi propose le relèvement du seuil d'autorisation des surfaces commerciales de 300 à 1 000 m2 et établit le principe de libre négociation des prix entre producteurs et fournisseurs. Mais, d'autre part, l'augmentation des moyens du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) devrait permettre aux petits commerçants de trouver le ressort nécessaire pour affronter cette nouvelle concurrence.

Elle a en outre évoqué l'habilitation à créer par ordonnance une Autorité de la concurrence qui aurait pour mission d'examiner les projets de concentration et les pratiques anticoncurrentielles. L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin que le texte initial afin de mieux surveiller les trois principaux dysfonctionnements possibles du marché, à savoir les abus de situation dominante, les pratiques commerciales déloyales et les clauses abusives.

Puis, abordant le volet relatif au renforcement de l'attractivité de l'économie, Mme Christine Lagarde a souligné l'importance du « pari » du très haut débit, qui doit être remporté en étendant l'usage de la fibre optique, ce que devraient permettre les dispositions du texte sur la généralisation du précâblage des immeubles neufs et la simplification du raccordement des immeubles existants.

De plus, la France doit pouvoir attirer des talents, des idées et des financements, ce que devrait favoriser l'assouplissement du régime fiscal des impatriés. L'Assemblée nationale a complété ce dispositif en prévoyant une exemption des cotisations d'assurance vieillesse pour tous les salariés étrangers. La propriété intellectuelle sera également mieux protégée et la création de « fonds de dotation » devrait attirer davantage de financements privés pour des missions d'intérêt général.

Mme Christine Lagarde a ensuite abordé le volet du texte relatif à l'amélioration du financement de l'économie. D'une part, il s'agit de « mobiliser le circuit interne », pour mieux gérer l'épargne disponible. Ainsi, les banques pourront distribuer le livret A. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a choisi de renforcer l'obligation pour les banques d'utiliser les ressources du livret A et du livret de développement durable qui ne sont pas centralisées à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour financer les PME. Elle a également renforcé le droit opposable au compte.

D'autre part, il s'agit d'attirer les capitaux étrangers en modernisant la place financière française en mettant en oeuvre les mesures préparées dans le cadre du Haut comité de Place. L'Assemblée nationale a enrichi ce volet en proposant de renforcer le contrôle interne des banques.

Les députés ont également inséré deux avancées majeures : le tarif social pour le téléphone mobile et la prolongation, jusqu'au 1er juillet 2010, du tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché pour l'électricité (TaRTAM).

Mme Christine Lagarde a conclu son propos liminaire en déclarant que ce projet de loi avait pour ambition de simplifier la vie des entrepreneurs, des consommateurs et la vie quotidienne de tous les Français et de faire souffler un vent de liberté sur l'économie française.

Un large débat s'est ensuite instauré.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur, s'est félicitée de ce que les dispositions de l'article 6 du projet de loi relatives aux délais de paiement puissent apporter « une bouffée d'oxygène » à de nombreuses PME françaises, tout en observant que des accords interprofessionnels seraient probablement plus efficaces qu'un durcissement des intérêts de retard, en pratique rarement encaissés, pour parvenir au but recherché. De plus, l'Etat se devant d'être exemplaire, il serait intéressant de savoir s'il dispose de premiers retours quant à l'application du décret n° 2008-408 du 28 avril 2008 modifiant le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics.

Elle a approuvé les dispositions de l'article 21 du projet de loi relatives au régime des conditions générales de vente (CGV) catégorielles et conditions particulières de vente, tout en soulignant que les pouvoirs publics devraient se montrer vigilants afin de prévenir toute dérive.

Puis Mme Elisabeth Lamure, rapporteur, s'est demandé s'il ne serait pas opportun de recréer un lien entre la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) et le FISAC. De plus, consacrer le FISAC en tant qu'établissement public à caractère administratif (EPA) pourrait constituer un « geste politique fort » en faveur du commerce de proximité.

S'agissant des règles d'implantation des commerces, il apparaît nécessaire de prendre en compte, d'une part, des critères environnementaux et, d'autre part, les effets prévisibles sur la concurrence au niveau du « bassin de vie » concerné.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a déclaré partager la conviction de Mme Elisabeth Lamure que, pour régir les délais de paiement, des accords interprofessionnels sont préférables à la loi, regrettant que l'absence de tels accords dans certaines branches rende nécessaire l'adoption de mesures législatives. Toutefois, le gouvernement a chargé M. Yvon Jacob de faciliter les négociations au sein des différentes branches, en tenant compte de leurs spécificités. Certaines professions bénéficieront de dérogations, jusqu'au 31 décembre 2011, afin de pouvoir s'adapter à la réduction de leurs délais de paiement.

D'autre part, le gouvernement ne dispose pas encore de retour sur les effets du décret n° 2008-408 du 28 avril 2008 précité. Quant aux collectivités territoriales, elles seront sensibilisées à la nécessité de réduire leurs propres délais de paiement lors d'une réunion qui se tiendra le jeudi 26 juin au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Au sujet de la TACA, M. Hervé Novelli a rappelé qu'alors qu'il était député, il avait été à l'initiative de deux réductions du barème de la première tranche de la taxe. La TACA a été profondément modifiée, d'une part, par son intégration dans le budget de l'Etat qui a rompu son lien avec le FISAC, et d'autre part, par l'évolution de son barème après l'abandon de la taxe sur les achats de viande. S'agissant du FISAC, le gouvernement est favorable à une évolution de sa gouvernance, qui devait se faire par voie réglementaire.

M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement, a estimé que les risques de dérive que pouvait comporter la négociabilité des tarifs seraient écartés grâce à plusieurs dispositions introduites dans le projet de loi :

- le maintien de l'interdiction de la revente à perte,

- le principe selon lequel la négociation s'effectuerait sur la base des CGV du fournisseur, ces dernières constituant le socle de la négociation commerciale ;

- le renforcement du système de sanction par la création d'un abus de puissance de vente ou d'achat, l'accroissement du montant de l'amende civile susceptible d'être prononcée, les possibilités d'astreinte, les conditions d'intervention de la commission d'évaluation des pratiques commerciales (CEPC) et la possibilité d'adapter par décret la liste des pratiques sanctionnables.

Il a souligné que la suppression du critère économique dans le cadre de l'urbanisme commercial avait pour conséquence que les critères de l'aménagement du territoire et du développement durable seraient désormais les éléments les plus importants à prendre en considération dans les décisions d'autorisation.

S'agissant de la convergence entre le droit de l'urbanisme général et la réglementation sur l'urbanisme commercial, il a indiqué qu'à la suite du débat devant l'Assemblée nationale, le gouvernement avait pris l'engagement de proposer la fusion de ces deux régimes en promouvant des schémas départementaux du commerce, opposables aux tiers, qui détermineraient les orientations du développement commercial sur un territoire déterminé. Il a ajouté que cette volonté reposait sur le constat que les maires doivent être des aménageurs dans le cadre de l'urbanisme commercial, mais en aucun cas les arbitres de la concurrence entre commerces.

M. Philippe Marini, rapporteur, a estimé que le texte initial du gouvernement relatif à la Haute Autorité de la statistique était préférable à celui adopté par les députés, jugeant nécessaire qu'un organe de référence neutre et indépendant en matière de statistiques, sans lien avec l'INSEE, puisse être institué. Il a du reste souhaité qu'une démarche semblable soit mise en oeuvre au plan européen, l'office européen des statistiques Eurostat devant, selon lui, prendre la forme d'une véritable autorité indépendante.

Il a souligné l'intérêt des mesures relatives à l'attractivité de la place de Paris et à l'institution d'un régime fiscal spécifique pour les impatriés, se félicitant de ce que les mesures proposées par le projet de loi rejoignent certaines préconisations de la mission commune d'information du Sénat sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent, en ce domaine, à l'attractivité du territoire national. Il a toutefois regretté que le dispositif fiscal relatif aux impatriés se limite aux seuls salariés, estimant qu'il devrait être élargi à toute personne non salariée, à commencer par les créateurs d'entreprises. Il a de plus jugé qu'il conviendrait que ces impatriés ne soient pas taxés en France sur l'ensemble des éléments de leur patrimoine, et notamment sur ceux situés hors du territoire national, craignant qu'à défaut, la mesure proposée ne s'avère assez peu attractive en pratique. S'agissant des habilitations prévues à l'article 42 du projet de loi en faveur de la place financière de Paris, il a estimé souhaitable d'habiliter le gouvernement à opérer la fusion de la commission bancaire et de l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), qui permettrait de surmonter certaines difficultés liées à des considérations catégorielles.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a indiqué que l'intégration de la Haute Autorité de la statistique au Conseil national de l'information statistique (CNIS), souhaitée par l'Assemblée nationale, pouvait faire perdre à cette autorité l'indépendance que le gouvernement souhaitait lui donner. Elle a rappelé que, selon elle, la Haute Autorité devait être un organe doté d'une structure très souple ne se réunissant qu'une fois par an, ou de manière exceptionnelle en cas de nécessité.

Puis le ministre a estimé qu'il était effectivement nécessaire que la loi permettre de renforcer la compétitivité de la place financière de Paris par rapport à d'autres places européennes, Londres en particulier. Elle a annoncé la nomination prochaine d'une mission ayant pour objet de déterminer les conditions d'un rapprochement des régulateurs en matière de banque et d'assurances tant au plan national qu'européen, la question de la fusion de la commission bancaire et de l'ACAM devant être examinée à cette occasion.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a relevé avec satisfaction que le texte adopté par l'Assemblée nationale permettrait d'étendre la qualité de constituant d'une fiducie aux personnes physiques, tout en jugeant regrettable que cette évolution souhaitée par le Sénat fasse l'objet d'une habilitation à légiférer par ordonnance. Il a souhaité savoir si le gouvernement serait favorable à ce que la qualité de fiduciaire soit étendue aux professions juridiques et judiciaires réglementées.

Abordant la question de la suppression de l'obligation générale de désigner un commissaire aux comptes au sein des sociétés par actions simplifiées (SAS), il a interrogé les ministres sur les seuils devant être fixés par décret en Conseil d'Etat au-dessus desquels une telle nomination serait obligatoire, et sur ceux déterminant le champ d'application d'une norme d'exercice professionnel simplifié des commissaires aux comptes, mettant en doute la pertinence de l'application à la SAS des seuils actuellement prévus pour la société à responsabilité limitée.

Il a enfin estimé souhaitable que la notion d'entreprise de taille moyenne (ETM) puisse être reconnue en tant que telle dans ce texte, et ce, dans la perspective d'une évolution de la réglementation européenne sur ce sujet.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a indiqué que la suppression de l'intervention obligatoire pour toutes les SAS d'un commissaire aux comptes constituait une mesure de simplification qui s'inscrivait dans un mouvement européen ayant pour but d'exonérer les PME des formalités n'apparaissant pas indispensables, citant à cet égard le Portugal, qui a récemment adopté un dispositif similaire, et le Royaume-Uni, qui envisage une telle évolution. Assurant que cette mesure n'avait pas pour objet de remettre en cause l'intérêt de l'intervention des commissaires aux comptes pour la sécurité financière, il a jugé que cet intérêt devait être concilié avec les nécessités d'une simplification de la législation applicable aux PME. Il a indiqué que les seuils devraient être fixés par un décret en Conseil d'État, pris à la suite d'une négociation avec les acteurs intéressés. A cet égard, il a estimé qu'un seuil de vingt salariés pourrait être envisagé pour l'application de l'obligation de désigner un commissaire aux comptes, tandis que la norme professionnelle allégée pourrait être appliquée en dessous de cinquante salariés.

Il s'est ensuite montré favorable à ce que la notion d'ETM soit clarifiée, constatant que la mondialisation avait eu pour effet d'étendre l'acception de la notion de PME jusqu'alors retenue par le droit français. Soulignant que le président de la République s'était lui-même montré favorable à la reconnaissance juridique des ETM, il a par ailleurs relevé que le projet de small business act (SBA) européen, qui serait rendu public le 2 juillet 2008, prévoyait que les entreprises dépassant ponctuellement le seuil de 250 salariés pourraient néanmoins continuer à bénéficier d'un certain nombre de soutiens communautaires. Il en a conclu que le vote d'une telle disposition par le Sénat serait légitime.

S'agissant enfin de la fiducie, il a expliqué que le recours à une habilitation résultait de l'impossibilité pour le Gouvernement de proposer au Parlement, dans les délais requis par l'examen du projet de loi, un dispositif satisfaisant sur une question particulièrement complexe. Soulignant que l'objectif recherché était de résoudre la difficulté rencontrée par les entrepreneurs personnes physiques de ne pouvoir affecter une partie de leur patrimoine à leur exercice professionnel, il a rappelé que le Gouvernement avait souhaité la présentation au Parlement, avant la prochaine loi de finances, de deux rapports, l'un confié à Xavier de Roux, relatif au patrimoine d'affectation de l'entrepreneur individuel, l'autre relatif à la réserve spéciale d'autofinancement.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a ajouté ne pas exclure dans son principe l'extension de la qualité de fiduciaire aux membres des professions juridiques et judiciaires réglementées, une telle mesure devant néanmoins faire l'objet d'un examen approfondi quant aux conditions d'exercice de la fonction de fiduciaire par ces professionnels.

Soulignant l'importance des évolutions apportées par l'Assemblée nationale au projet de loi, passé de 44 à 122 articles, M. Daniel Raoul a regretté que le fruit de l'activité très soutenue du groupe de travail du Sénat ait été ainsi gâté par cette transformation. Puis, reconnaissant l'attrait des mots-clefs évoqués par le ministre (croissance, liberté et équilibre), il a déclaré que l'important restait ce que l'on désigne exactement sous ces grands principes. Sur l'urbanisme commercial, il a ainsi estimé que le texte ouvrait la porte au maxidiscompte, tandis que des questions restaient posées sur ce qu'il adviendrait de certaines opérations de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ou sur ce qu'il se passerait dans les territoires dépourvus de schéma de cohérence territoriale (SCOT). Il a ensuite fait part de son grand scepticisme concernant la négociabilité des CGV et, prenant l'exemple du décuplement des prix du poisson des criées jusqu'aux consommateurs, regretté que n'ait pas été mis en place un coefficient multiplicateur. Il a demandé quelles seraient les garanties du consommateur sur les compétences des professionnels recourant au statut d'auto-entrepreneur. Quant aux délais de paiement, il a jugé qu'il convenait de mettre en place des paliers transitoires avant l'échéance de 2012, de façon à amortir l'évolution dans ce domaine. Enfin, il s'est déclaré favorable au compromis trouvé par l'Assemblée nationale sur le haut débit, avant d'estimer que l'ensemble de la population devait pouvoir accéder au haut débit, qui devrait, selon lui, relever du service universel.

Mme Nicole Bricq a estimé que, malgré la touffeur du texte, s'en dégageait une philosophie politique assez claire consistant à croire exclusivement aux bienfaits de la concurrence, philosophie qu'elle ne partage pas même si elle accepte d'en débattre. Elle a fait part de sa déception de ne pas voir figurer l'action de groupe dans le projet de loi et jugé que le rapprochement envisagé entre cette mesure en faveur des consommateurs et la dépénalisation du droit des affaires n'était pas très heureux. Elle a ensuite demandé à Mme Christine Lagarde des précisions sur ses déclarations concernant un éventuel retrait du recours déposé par la France contre la décision de la Commission européenne sur le livret A.

M. Gérard Cornu s'est félicité de ce que le projet de loi poursuive la logique des lois Dutreil d'août 2005 et Chatel de janvier 2008 en ce qui concerne les relations commerciales, et relevé par ailleurs une volonté de simplification très bienvenue pour les PME. Il a estimé que la discussion au Sénat éclairerait sans doute les dispositions relatives au seuil de salariés au-delà duquel la SAS devrait faire certifier ses comptes. Il a ensuite jugé que le FISAC recevait en fin de compte peu de crédits, depuis sa budgétisation en 2004 et, considérant que l'achèvement de l'évolution des CGV devrait s'accompagner d'une très grande attention au commerce de proximité, il en a déduit la nécessité de développer l'action du FISAC et de beaucoup simplifier ses procédures. S'agissant de l'urbanisme commercial, il a déclaré avoir bien entendu l'engagement du gouvernement de l'intégrer à terme dans le droit commun de l'urbanisme, mais qu'en attendant, pour gérer la période transitoire, le Sénat pourrait utilement apporter un ajout sur la question du seuil d'autorisation. Les abus passés, qui avaient amené en 1996 à l'abaisser de 1 000 à 300 m², ayant mis en évidence le problème des extensions de surface, il a proposé de ne plus autoriser d'extensions d'ici à l'adoption du projet de loi intégrant l'urbanisme commercial dans le droit commun.

M. Alain Fouché, ayant rappelé sa proposition de loi sur l'équipement commercial adoptée par le Sénat en 2005 et regretté que beaucoup de temps ait été perdu depuis, s'est cependant félicité de ce que le projet de loi en intègre certains éléments positifs. Il a estimé que le dispositif de la loi Raffarin avait sans doute freiné le développement de la grande distribution et jugé que le relèvement du seuil à 1 000 m² créerait un risque de déferlement du maxidiscompte. Quant à la prise en compte d'un seuil de population, il a considéré que le niveau de 15 000 habitants était insuffisant et qu'il favoriserait le déploiement du maxidiscompte à la périphérie des villes. S'il s'est ensuite réjoui que l'Assemblée nationale ait supprimé la représentation de la région dans les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC), il a en revanche regretté que la question de l'impact interdépartemental de certains projets ne soit pas traitée, annonçant qu'il déposerait un amendement sur ce point. Il a également souligné l'intérêt des schémas de développement commercial (SDC) et émis le souhait qu'ils deviennent des documents opposables. Enfin, après avoir estimé que le seuil d'autorisation devrait être modulé selon la densité de population des zones concernées, il a déploré l'insuffisance des contrôles sur le respect des autorisations de surface.

M. Elie Brun a souhaité que l'action des maires ne soit pas entravée par le dispositif de l'urbanisme commercial, ce qui imposait sans doute que celui-ci soit précisé, par exemple quant aux éléments que pouvait contenir le plan local d'urbanisme (PLU). De même lui a-t-il semblé que le mécanisme du droit de préemption des terrains commerciaux appelait des éclaircissements, notamment sur la question de son financement.

Mme Odette Terrade a fait part des regrets de son groupe sur le contenu du projet de loi, en insistant sur l'absence de l'action de groupe, mesure maintes fois annoncée et toujours reportée. Elle a fait part de ses grandes inquiétudes sur l'affectation des sommes collectées dans le cadre du livret A et sur leur centralisation effective au sein de la CDC, redoutant en particulier que la banalisation de la collecte permette un « siphonage » des ressources du logement social et un moindre rôle de la CDC.

M. Gérard Larcher, président, après avoir souligné l'intérêt des procédures de rescrit pour la sécurisation des entreprises, a demandé si l'administration avait réellement les moyens de répondre dans les délais. Il ne faudrait pas en effet qu'à défaut, se développent les contrôles a posteriori, très lourds pour les entreprises.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a tout d'abord apporté des précisions sur le livret A. Il s'agit de le généraliser, et non de le banaliser. Trois recours ont été formés en France contre la décision de la Commission européenne, l'un par l'Etat, le deuxième par la Banque Postale et le troisième par les Caisses d'épargne. Mme Nelly Kroes, commissaire européen à la concurrence, est très attentive à l'évolution du dispositif français. Si le projet de loi élaborait un dispositif satisfaisant, la question du contentieux avec la Commission européenne serait réglée et il n'y aurait plus lieu de maintenir le recours de l'Etat.

L'article 39 prévoit ainsi une centralisation des sommes provenant des livrets A et des livrets de développement durable (LDD), dont le taux sera fixé par décret aux alentours de 70 % afin de maintenir à leur niveau actuel les dépôts centralisés dans les fonds d'épargne de la CDC. Le financement du logement social et de la politique de la ville sera garanti par un minimum de fonds centralisés correspondant à l'encours des prêts consentis à ces politiques affecté d'un coefficient multiplicateur de 1,25. En outre, le texte affirme que les fonds centralisés par la CDC doivent être employés en priorité au financement du logement social et consacre l'utilisation des dépôts du livret A et du LDD non centralisés au financement des PME. Enfin, il réaffirme le rôle de la CDC en tant qu'interlocuteur privilégié des collectivités territoriales et renforce la place des parlementaires au sein de sa commission de surveillance.

M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte parole du Gouvernement, a expliqué que l'objectif du gouvernement était de renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution, qui fait aujourd'hui défaut, ce qui a pour conséquences des prix plus élevés et une pénalisation du consommateur. Faisant référence à une étude réalisée par le cabinet ASTEROP, qui démontre que 87 % des zones de chalandises en France se caractérisent par une situation de monopole ou de duopole, et qu'entre deux zones de chalandises, l'une concurrentielle, l'autre non, les écarts de prix peuvent aller jusqu'à 20 % pour le même produit, il a souligné que le projet de loi avait pour ambition de remédier à ce problème par l'intermédiaire trois leviers : permettre la libre négociation des CGV, créer une Autorité de la concurrence et instiller davantage de concurrence entre les enseignes de la distribution. Sur ce dernier point, l'objectif ultime est de faire converger le droit de l'aménagement commercial et celui de l'urbanisme, ce qui constitue un processus de long terme nécessitant des consultations et le vote d'un autre texte législatif. Dans l'immédiat, il est donc proposé de supprimer ceux des critères de décision des CDAC qui ne sont pas conformes au droit communautaire et, suite à l'examen du texte par l'Assemblée nationale, d'autoriser les maires à saisir l'Autorité de la concurrence.

Il a ajouté que les petites communes seraient traitées différemment des grandes, puisque les maires et présidents d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont les collectivités regroupent moins de 15 000 habitants auront la possibilité de saisir les CDAC, et que l'Autorité de la concurrence se verra confier le pouvoir de délivrer des injonctions pour permettre des cessions d'actifs dans le secteur de la distribution. Il a, en conséquence, estimé que cette réforme ne favoriserait pas le développement du maxidiscompte, mais faciliterait, dans les zones de chalandise dominées par deux enseignes, l'implantation de nouveaux magasins. Il a également précisé que le gouvernement était prêt à examiner les conditions d'une amélioration de la coopération entre les CDAC pour les projets susceptibles d'affecter plusieurs départements, avec le souci de définir un système suffisamment souple pour être efficient. Il a enfin relevé que l'adoption de cette réforme se traduirait par un renforcement des pouvoirs du maire en matière d'urbanisme commercial, notamment grâce à un droit de préemption conféré sur les terrains, les baux commerciaux et les fonds de commerce, et précisé que le FISAC pourrait désormais financer, pendant une année, les intérêts des emprunts nécessaires au financement des opérations de préemption.

Mme Isabelle Debré s'est interrogée sur l'articulation des compétences dévolues à la nouvelle Autorité de la concurrence avec celles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

En réponse, M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte parole du Gouvernement, a indiqué que la création d'une telle autorité était réclamée tant par la Commission européenne que par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France faisant partie des trois derniers pays de l'Union européenne ne disposant pas d'une telle autorité. La réforme renforcera les pouvoirs de l'Autorité de la concurrence, qui se substitue au Conseil de la concurrence, notamment par absorption des compétences, aujourd'hui confiées au ministre chargé de l'économie, en matière de contrôle des concentrations économiques. Par ailleurs, alors qu'une partie des effectifs de la DGCCRF est déjà actuellement affectée au Conseil, la nouvelle organisation va aboutir au transfert de personnels de la direction nationale des enquêtes (DNE) de la DGCCRF vers la nouvelle Autorité. Dans le nouveau schéma, celle-ci instruira les plus grosses affaires de concurrence, mais il est indispensable que l'Etat conserve des moyens sur le terrain pour traiter les petites affaires, qui resteront du ressort de la DGCCRF, ainsi qu'un rôle de veille.

Répondant à une question de Mme Nicole Bricq, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a précisé que vraisemblablement une trentaine de personnes de la DNE serait transférée à l'Autorité.

S'agissant de la négociabilité des CGV, M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte parole du Gouvernement, a jugé inopportun le rétablissement du système du coefficient multiplicateur, symbole d'économie administrée, précisé que le projet de loi ne concernait pas les produits agricoles non transformés et souligné que les différences de prix dans la filière halieutique étaient liées à la longueur de la chaîne de commercialisation. En ce qui concerne le haut débit, il a rappelé l'objectif du gouvernement de permettre, à terme, une couverture de la totalité du territoire en fibre optique et indiqué que la définition d'un service universel dans le domaine des communications électroniques constituait l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne. Enfin, il a expliqué que le gouvernement s'était engagé à créer, dans le cadre du projet de loi sur la dépénalisation du droit des affaires, une procédure d'action de groupe, dont la définition suppose encore des concertations et des approfondissements juridiques.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a fait valoir que, pour garantir la protection des consommateurs, les règles de qualifications professionnelles des artisans, définies dans la loi dite « Raffarin » de 1996, s'appliqueraient dans les mêmes conditions aux auto-entrepreneurs. Toutefois, dans la mesure où les activités de ceux-ci ne se limitent pas aux quarante-quatre métiers énumérés par le décret d'application de cette loi, une concertation sera engagée avec les artisans pour examiner d'éventuels ajustements de ces règles.

Puis, notant que les dispositions du projet de loi relatives aux délais de paiement ne se réduisaient pas à la fixation d'un maximum à soixante jours, il a rappelé que M. Yvon Jacob avait été chargé par le gouvernement de mener une réflexion avec l'ensemble des branches professionnelles pour examiner, pour certaines d'entre elles, si les délais de paiement pouvaient être réduits davantage ou, pour celles dont les modèles économiques sont particuliers, si le calendrier pouvait être assoupli jusqu'à la date butoir du 31 décembre 2011. Reste que, dans l'hypothèse où les dispositions du texte ne seraient pas respectées, le gouvernement serait alors amené à modifier les textes législatifs avant la fin de l'année en cours.

Il a ensuite souhaité qu'un débat puisse se tenir au Sénat sur les dispositions consacrées aux commissaires aux comptes afin de les faire évoluer dans le souci de simplifier les procédures et le respect des préoccupations exprimées par la profession.

Par ailleurs, M. Hervé Novelli a souligné que la réforme du FISAC s'inscrivait dans le cadre d'une politique plus générale du gouvernement en faveur du commerce de proximité, qui se décline en dix mesures telles qu'outre l'article 26 du projet de loi, la création d'un Conseil d'orientation au sein duquel siégeraient des parlementaires, ou l'élaboration d'un guide de bonnes pratiques. Après avoir relevé que l'étude d'ASTEROP mettait en évidence l'absence de lien entre le degré de concurrence entre enseignes de la grande distribution et la vitalité du commerce de proximité, il a expliqué que les critères d'éligibilité au FISAC et le taux d'intervention seraient modifiés : le commerce non sédentaire ainsi que les cafés-restaurants ayant une activité commerciale seront désormais éligibles, le FISAC verra ses moyens d'intervention augmenter à 100 M€ dès 2009 et le délai de carence applicable entre deux interventions du FISAC dans une collectivité territoriale sera ramené de cinq à deux ans.

Il a enfin fait part de la volonté du Gouvernement d'améliorer la rédaction des dispositions du projet de loi consacrées aux rescrits, afin notamment de prendre en compte les observations des administrations fiscale et sociale.

En conclusion, M. Gérard Larcher, président, a estimé que l'éventuelle modification des textes relatifs aux délais de paiement avant la fin de l'année en cours serait difficile à entreprendre.

Mercredi 18 juin 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emin, doyen d'âge, puis de M. Gérard Larcher, président.

Constitution

La commission spéciale a élu son bureau, qui est ainsi constitué :

Président : M. Gérard Larcher (UMP - Yvelines) ;

Vice-présidents : MM. Gérard Longuet (UMP - Meuse), Daniel Raoul (Soc - Maine-et-Loire), Mmes Anne-Marie Payet (UC-UDF - La Réunion) et Isabelle Debré (UMP - Hauts-de-Seine) ;

Secrétaires : Mme Odette Terrade (CRC - Val-de-Marne), M. Pierre Laffitte (RDSE - Alpes-Maritimes), Mme Nicole Bricq (Soc - Seine-et-Marne) et M. Richard Yung (Soc - Français établis hors de France) ;

Rapporteurs : M. Laurent Béteille (UMP - Essonne), Mme Elisabeth Lamure (UMP - Rhône) et M. Philippe Marini (UMP - Oise).

Programme de travail - Echange de vues

Puis M. Gérard Larcher, président, a indiqué que le groupe de travail intercommissions créé en février dernier pour mener un travail préparatoire sur le projet de loi de modernisation avait conduit, entre la fin mars et début juin, 93 auditions en 19 séances de travail d'une durée totale de près de 80 heures, et entendu ainsi plus de 290 personnes, experts et représentants de plus de 120 organismes professionnels. Il a par ailleurs annoncé que la commission spéciale examinerait le rapport de M. Laurent Béteille, Mme Elisabeth Lamure et M. Philippe Marini le mardi 24 juin, et que le texte devrait normalement commencer à être discuté en séance publique à partir du lundi 30 juin.

Tout en rendant hommage à l'étendue comme à la qualité du programme suivi par le groupe de travail, M. Daniel Raoul a estimé totalement insuffisante la dizaine de jours concédée au Sénat pour examiner ce projet de loi, passé de 44 à 122 articles à l'issue des travaux de l'Assemblée nationale, de même que le temps laissé aux groupes politiques pour analyser le rapport de la commission spéciale avant le délai limite de dépôt des amendements. Il a par ailleurs jugé que la revalorisation du Parlement prévue par le projet de loi constitutionnelle en cours de discussion devrait être nécessairement accompagnée par celle du rôle de la minorité au sein des commissions parlementaires. Mme Odette Terrade a indiqué partager entièrement les propos de son collègue et regretté que le travail de qualité accompli par le groupe de travail depuis quatre mois soit affecté par le temps trop réduit dont disposera le Sénat pour examiner le projet de loi transmis par l'Assemblée nationale.

Après avoir reconnu qu'une semaine supplémentaire n'aurait pas été inutile pour améliorer l'analyse du projet de loi par les sénateurs, M. Gérard Larcher, président, a observé que nombre des articles additionnels adoptés à l'Assemblée nationale n'étaient pas inconnus des membres de la commission spéciale, pour avoir été évoqués lors des auditions du groupe de travail, au point qu'il était même possible d'avancer que celles-ci, bien plus nombreuses que celles conduites au Palais Bourbon, avaient ainsi suscité une partie des apports des députés. Il est par ailleurs convenu de la nécessité d'une réflexion sur l'importante question du statut de l'opposition parlementaire dans le prolongement de la réforme constitutionnelle.