Mardi 27 mai 2008
- Présidence de M. Gérard Miquel, vice-président.Audition sur le projet Prisma d'amélioration de la continuité des soins et des services reçus par les personnes âgées dépendantes
La mission a procédé à l'audition du professeur Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie de l'hôpital européen Georges Pompidou, et de MM. Bernard Garro, sous-directeur de l'action sociale à la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé (Dases) de la ville de Paris, Jean-Marc Mazurier, directeur de l'association d'aide médicosociale à domicile pour les personnes âgées et les malades du XXe arrondissement (Amsad), Albert Servadio, médecin généraliste, responsable du réseau gériatrique de l'Est parisien (Agep) et Dominique Somme, praticien hospitalier sur le projet Prisma d'amélioration de la continuité des soins et des services reçus par les personnes âgées dépendantes.
Après avoir rappelé que l'idée d'organiser la présente audition avait été suggérée aux sénateurs par les participants à la Table ronde du 23 janvier dernier, M. Gérard Miquel, président, a présenté brièvement le « Programme de recherche sur l'intégration des services de maintien à domicile » (Prisma).
Ce projet vise à améliorer la continuité des soins et des services apportés aux personnes âgées dépendantes par le bais d'un renforcement de la coordination entre les différents acteurs intervenant dans ce domaine et la mise en place de « gestionnaires de cas ». Il s'agit d'une expérimentation nationale lancée au printemps 2006, qui est désormais menée sur trois territoires différents, dont le XXe arrondissement de la ville de Paris. Le professeur Saint-Jean est responsable de la conception du programme, dont il va présenter les détails.
M. Gérard Miquel, président, a souligné que les membres de la mission sont également désireux de connaître l'opinion des personnes auditionnées sur l'évaluation de la perte d'autonomie des personnes âgées, en général, ainsi que sur la grille autonomie gérontologie groupes isoressources (Aggir) en particulier.
Le professeur Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie de l'hôpital européen Georges Pompidou, a précisé que le projet Prisma est fondé sur la notion de coordination des institutions ainsi que des opérationnels de terrain. L'objectif consiste effectivement à améliorer la continuité des soins et des services que les personnes âgées de soixante ans et plus, les handicapés ou les malades dits en « situation complexe » reçoivent à leur domicile.
Tous les acteurs concernés, notamment les structures hospitalières, les services d'aides et de soins, les centres locaux d'information et de coordination (Clic), les réseaux de santé, ainsi que le secteur psychiatrique, seront amenés à travailler ensemble. Cette démarche supposera également d'élaborer et de valider des outils communs, comme le Smaf (système de mesure de l'autonomie fonctionnelle) en matière d'évaluation. Trois sites d'expérimentation ont été retenus : le premier à Paris, le second dans une zone à dominante rurale du sud de l'Essonne et le dernier en milieu urbain, dans le Haut-Rhin.
La coordination « psycho-socio-sanitaire », telle qu'elle est envisagée ici, constitue un modèle de fonctionnement « imbriqué » au système de soins et de services d'un territoire donné. L'instauration d'un guichet unique pour les patients et leurs aidants sera complétée par la création de deux acteurs opérationnels : le « pilote local » et le « gestionnaire de cas ».
Outre la mise en oeuvre d'une problématique de gestion de cas complexes pour les personnes dépendantes, le projet Prisma repose également sur un second volet axé sur des recherches menées à partir d'analyses documentaires, d'observations des participants, ainsi que d'entretiens individuels et collectifs.
Le professeur Olivier Saint-Jean a indiqué que le gestionnaire de cas constitue l'interlocuteur unique de la personne âgée dépendante ainsi que de son médecin traitant. Il a pour mission d'assurer le lien avec tous les professionnels travaillant à son chevet et d'exercer un suivi dans le temps, y compris pendant les périodes d'hospitalisation. Il élabore un plan individualisé de prise en charge, en relation avec la famille. Le « pilote local » est chargé d'animer l'équipe des gestionnaires de cas et de leur apporter individuellement un appui opérationnel. L'ensemble de cette architecture s'appuie en dernier lieu sur un comité local organisationnel (Clo), institué sur proposition du comité départemental stratégique (CDS).
Après avoir observé que le projet Prisma a été lancé à l'initiative d'acteurs de terrain, le professeur Olivier Saint-Jean a souligné le caractère novateur de cette démarche : la recherche d'une meilleure qualité de vie des patients ne passe pas en l'espèce par l'invention de nouveaux médicaments, mais par l'amélioration de l'organisation de leur prise en charge. Cela suppose d'aller au devant des besoins des personnes dépendantes. Il s'agit donc d'un changement considérable en matière de politique gérontologique.
Il s'est félicité ensuite des progrès réalisés depuis vingt-cinq ans dans ce domaine. Mais les mesures progressivement mises en oeuvre par les pouvoirs publics se sont également traduites par une sédimentation de différents dispositifs aboutissant in fine à des cloisonnements institutionnels préjudiciables. Les personnes âgées dépendantes sont ainsi tributaires de l'intervention de nombreux acteurs, dont le financement est assuré de surcroît par des sources de financement différentes. Ce problème conduit à rechercher des solutions dans deux directions opposées : ou bien forcer les structures compétentes à collaborer et à partager leurs prérogatives, ou bien encore définir un « pilote » pour améliorer la coordination de l'ensemble, ainsi que le propose avec plus de souplesse le projet Prisma.
M. Bernard Garro, sous-directeur de l'action sociale à la Dases de la ville de Paris, a constaté que si la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales a bel et bien renforcé les compétences des conseils généraux en matière de coordination gérontologique, d'autres acteurs interviennent auprès des personnes âgées dépendantes, à commencer par les caisses de sécurité sociale et les structures sanitaires. Promouvoir le travail en commun suppose donc de partir des réalités du terrain.
Dans ce contexte, le XXe arrondissement de la ville de Paris a été choisi comme l'un des trois lieux d'expérimentation en raison de l'ancienneté et de la densité des collaborations déjà existantes. Le projet a été soutenu par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) comme par la direction générale de la santé (DGS). Outre l'intérêt de procéder à une comparaison avec les résultats qui seront observés dans l'Essonne et le Haut-Rhin, ainsi que l'opportunité de tester l'outil d'évaluation Smaf, Prisma doit servir d'exemple en matière de prise en charge des « cas complexes ». Ce terme désigne les personnes âgées très dépendantes suivies au quotidien par de nombreux intervenants différents.
M. Jean-Marc Mazurier, directeur de l'Amsad du XXe arrondissement, a précisé à titre liminaire que son association s'occupe d'environ 1 500 personnes dépendantes par an, âgées en moyenne de quatre-vingt quatre ans. Sur ce total, on dénombre environ cinq à six cents « cas complexes ».
Puis il a constaté l'ampleur des difficultés actuelles en matière de coordination avec les structures hospitalières. En pratique, la qualité des relations établies par l'association dépend beaucoup d'initiatives personnelles et apparaît largement tributaire de la volonté des uns et des autres de travailler ensemble. Dans ce contexte, la valeur ajoutée du projet Prisma consistera précisément à développer des liens et à faciliter la communication avec les hôpitaux, les médecins traitants, ainsi que l'ensemble des acteurs de la politique de maintien des personnes âgées à domicile. L'Amsad dispose à cet effet du concours de professionnels aussi différents que des ergothérapeutes, une psychologue, ainsi qu'une gériatre. Elle s'attachera également à travailler dans le domaine de la diététique.
Puis il a estimé qu'il faut sortir de la complexité des modes actuels d'organisation qui débouchent sur une méconnaissance générale du fonctionnement et des problématiques des uns et des autres, chacun des acteurs ne percevant pas l'effet de synergie d'un travail en commun. Le volet administratif du traitement des dossiers prend ainsi souvent le pas sur la qualité de la prise en charge des patients.
M. Jean-Marc Mazurier a précisé que le champ de l'outil Smaf utilisé dans le cadre du projet Prisma apparaît beaucoup plus large que la grille Aggir. Ce nouvel instrument présente en effet l'avantage de prendre en compte des aspects sanitaires, ainsi que l'environnement familial de la personne.
Faisant référence à son expérience de trente-cinq années d'exercice professionnel dans le XXe arrondissement, M. Albert Servadio, médecin généraliste, responsable du réseau gériatrique de l'Est parisien, a constaté qu'il existe sur ce territoire des habitudes de travail en commun bien plus fortes qu'ailleurs. En dépit de cet acquis très positif, les services sociaux, ainsi que les hôpitaux, découvrent régulièrement l'existence de personnes âgées dépendantes vivant totalement abandonnées, dans des conditions dignes du XVIIIe siècle. Le projet Prisma doit permettre d'agir davantage en amont, en détectant plus tôt des cas aussi dramatiques.
En ce qui concerne l'expérimentation conduite dans le XXe arrondissement, M. Dominique Somme, praticien hospitalier, a indiqué que le comité local organisationnel fonctionne depuis le mois de septembre 2006 et que la formation des gestionnaires de cas a débuté en octobre 2007. Une convention officialisant la création d'un groupement de coordination sociale et médicosociale a également été signée le 13 mai 2008 afin de créer le cadre juridique approprié. Dans l'Essonne et le Haut-Rhin, en revanche, le lancement de la mise en oeuvre de ce processus a été engagé plus récemment.
Il a ensuite considéré d'une façon générale qu'il convient de sortir d'un mode d'organisation en « tuyaux d'orgue », où chacun des acteurs se préoccupe essentiellement du respect de ses propres impératifs plutôt que des attentes du malade. Pour ce faire, le projet Prisma a prévu que les gestionnaires de cas bénéficient d'une formation axée sur l'évaluation des personnes et la gestion de l'information, tout en comportant une dimension éthique, ainsi qu'un module destiné à favoriser leur aptitude à la négociation. Le succès de cette démarche supposera également la collaboration des autorités de tutelle.
En ce qui concerne la prochaine mise en place des agences régionales de santé (ARS), M. Dominique Somme a considéré, bien que les contours de cette réforme ne soient pas encore connus, qu'elle représente néanmoins un espoir de parvenir à un renforcement des liens entre les secteurs sanitaires et sociaux. Une structure comme le comité départemental stratégique pourrait d'ailleurs constituer un instrument très utile dans une telle perspective.
Il a souligné les limites de l'outil Aggir, bien que les recommandations du docteur Colvez aient permis d'améliorer son utilisation par les acteurs de terrain. La multiplicité des autorités de tutelle pose en outre de réels problèmes de gouvernance, que le projet Prisma s'efforce de dépasser en s'inspirant de l'expérimentation qui a fait ses preuves au Canada, aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain.
Le professeur Olivier Saint-Jean a souligné que cette démarche a bénéficié de l'appui de la CNSA. L'importance des délais de mise en oeuvre - deux ans et demi - mérite d'être relativisée, dans la mesure où ils ont été deux fois plus importants au Canada. De tels délais ne constituent d'ailleurs pas réellement une surprise, compte tenu du fait que le projet Prisma a été lancé avant que ses modalités de financement ne soient entièrement définies : seule la couverture des dépenses de recherche et de méthodologie a été arrêtée dès l'origine. Pour le reste, l'ensemble des participants ont été conduits à dégager des moyens sur leurs propres ressources, dans l'attente que l'expérimentation engagée débouche sur des économies effectives.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité savoir si le projet Prisma est déjà opérationnel sur le terrain.
M. Dominique Somme a indiqué que tel n'est pas encore le cas.
Prenant acte qu'un travail indispensable a été réalisé en amont du lancement de cette expérimentation nationale, M. Alain Vasselle, rapporteur, a toutefois regretté que le législateur doive prochainement se prononcer sur le projet de loi relatif à la dépendance, sans disposer des résultats de l'évaluation de Prisma.
Le professeur Olivier Saint-Jean a fait valoir que ce projet s'appuie néanmoins sur une littérature scientifique importante, ainsi que sur plusieurs exemples réussis de mise en oeuvre à l'étranger, notamment en Amérique du Nord, en Italie et en Angleterre. On espère ainsi démontrer qu'il est possible en France de mieux utiliser les ressources publiques, d'augmenter le taux de satisfaction des assurés sociaux et d'enrayer la dérive consistant à accueillir les personnes âgées dépendantes dans les services d'urgence des hôpitaux.
M. Dominique Somme a estimé qu'au-delà même des avantages intrinsèques de Prisma, l'enjeu principal de ce dossier consiste à identifier les obstacles qui entravent la transposition dans notre pays de ce modèle de coordination qui a déjà fait ses preuves ailleurs.
M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est demandé si ces nouvelles modalités de coordination gérontologique nécessiteraient la modification de diverses dispositions législatives ou réglementaires.
Faisant référence au précédent des centres locaux d'information et de coordination (Clic), M. Bernard Garro a considéré qu'une mesure législative, même d'ordre assez général, serait la bienvenue. A défaut d'un encouragement de ce type, la réaction spontanée des différentes institutions parties prenantes risque en effet de n'être guère favorable à une initiative comme le projet Prisma.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité obtenir des précisions sur les problèmes de coordination rencontrés avec les établissements hospitaliers.
M. Jean-Marc Mazurier a confirmé que la qualité des échanges d'informations avec les hôpitaux dépend beaucoup de la nature des contacts établis directement entre les acteurs de terrain, ce qui a d'ailleurs conduit son association à faire appel à une ancienne assistante sociale connaissant personnellement tous les intervenants de l'arrondissement. Mais il s'agit, à l'évidence, d'une solution quelque peu empirique.
M. Albert Servadio s'est félicité de ce que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) soit partie prenante dans le projet Prisma. Pour autant, la coordination entre le secteur social et le secteur sanitaire connaît au quotidien des difficultés réelles, en particulier au niveau du flux de sortie des patients. Il n'est pas rare en effet que certaines personnes soient accueillies après une hospitalisation, pour des soins de suite ou en maison de retraite médicalisée, dans des structures situées à trente ou quarante kilomètres de leur domicile.
M. Dominique Somme a souligné que la réussite du projet Prisma reposera sur l'implication de l'ensemble des acteurs, ainsi que sur la définition d'un chef de projet.
M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est demandé si l'on retrouve dans l'Essonne et le Haut-Rhin les mêmes problèmes que ceux rencontrés à Paris.
M. Dominique Somme a répondu que si les difficultés apparaissent identiques sur le plan « stratégique », le poids des spécificités locales fait néanmoins ressortir des différences importantes. Le secteur choisi pour conduire l'expérimentation dans le sud de l'Essonne est ainsi caractérisé par sa très grande dimension, puisqu'il recouvre pas moins de trente-cinq communes. La situation est donc très différente de celle observée dans le XXe arrondissement de Paris.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité avoir des précisions sur le rôle du pilote local dans le cadre du projet Prisma.
M. Dominique Somme a indiqué que le travail de ce dernier consiste à prendre le relais du chef de projet, en encadrant et en animant le réseau des gestionnaires de cas, ainsi qu'en veillant à la remontée des informations au niveau du comité départemental stratégique.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité savoir ce que recouvre exactement la notion de guichet unique.
M. Dominique Somme a précisé que ce guichet unique prend la forme d'un système d'aiguillage de l'ensemble des demandes potentielles des personnes âgées dépendantes vers un lieu unique de traitement où sera effectuée une « validation de la situation complexe ». Mais à ce niveau aussi, on constate des différences significatives entre les trois sites choisis pour l'expérimentation du projet Prisma. En ce qui concerne le XXe arrondissement de Paris, le guichet unique a été organisé au niveau du Clic, qui jouait déjà un rôle important sur le plan opérationnel. Les autres guichets ne disparaîtront pas pour autant, leur rôle consistant désormais à transmettre les informations nécessaires. A l'inverse, dans le cas du Haut-Rhin, le choix a été fait de conserver différents guichets, mais le traitement des dossiers a été réorganisé suivant une procédure validée en commun par l'ensemble des structures compétentes. In fine, le résultat devrait donc être le même qu'à Paris, même si l'approche diffère quelque peu.
Après avoir pris acte des réserves formulées à l'encontre de la grille Aggir par les animateurs du projet Prisma, M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est demandé par quel instrument d'évaluation il conviendrait de la remplacer le cas échéant. Faudrait-il envisager de créer un autre outil national suffisamment précis pour éviter des distorsions de prise en charge sur le territoire national, ou donner à l'inverse davantage de marges de manoeuvre aux conseils généraux ? Conviendrait-il d'adopter un même module de formation pour les évaluateurs ? En quoi consiste la valeur ajoutée de l'outil Smaf ? Comment faire en sorte que la puissance publique, d'une part, les assureurs, les mutuelles et les institutions de prévoyance, d'autre part, combinent leurs interventions respectives en utilisant des référentiels communs pour reconnaître la dépendance ?
Le professeur Olivier Saint-Jean a regretté que la grille Aggir ne présente pas toutes les qualités suffisantes, aussi bien pour évaluer avec précision l'état d'une personne que pour apprécier les ressources qui lui sont nécessaires pour concevoir un plan d'aide approprié. De fait, les frontières entre les différents Gir apparaissent relativement ténues. Les résultats obtenus sur la base de la grille Aggir dépendent également beaucoup des évaluateurs et ne sont donc pas « reproductibles » en raison de leur degré de subjectivité. Une personne peut être classée aisément, suivant les cas, dans deux Gir différents, ce qui pose problème. Au total, Aggir constitue un instrument pour une bonne part obsolète, qui mériterait de faire l'objet d'un débat scientifique.
M. Albert Servadio a confirmé ces critiques, tout en précisant qu'il a constaté sur plusieurs centaines de cas l'existence de distorsions importantes entre le résultat de cette grille et l'état réel des patients atteints de la maladie d'Alzheimer.
M. Dominique Somme a précisé que l'outil Smarf utilisé au Canada a été élaboré avec une grande rigueur scientifique et présente des qualités éminentes. Cet instrument de mesure de la dépendance, qui a d'ailleurs été inventé en France avant d'être validé à Cambridge en Grande-Bretagne, apparaît très fiable. Les résultats auxquels il aboutit sont reconductibles d'un utilisateur à un autre. Par ailleurs, l'accent a été fort justement mis au Québec sur la rigueur de la formation préalable nécessaire pour utiliser cet outil, y compris pour les formateurs eux-mêmes.
En ce qui concerne les plans d'aide individualisée, M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité savoir ce que prévoit le projet Prisma quant à l'articulation des prestations légales et extra-légales, lorsque ces dernières existent.
M. Dominique Somme a confirmé que cette question pose effectivement problème. Un important travail a été conduit à ce sujet avec la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), le département ainsi que le centre d'action sociale de la ville de Paris afin de bâtir la meilleure articulation possible entre les sources de financement.
M. François Autain a souhaité savoir quelles sont les appréciations des participants au projet Prisma au sujet de l'Apa d'une part, des différents plans mis en oeuvre au cours des dernières années en faveur des personnes dépendantes, d'autre part.
Le professeur Olivier Saint-Jean a considéré qu'en dépit des lenteurs administratives et des besoins restant à satisfaire, la politique gérontologique a accompli des progrès considérables au cours des vingt-cinq dernières années. Ainsi, par exemple, plus de la moitié des centres hospitaliers dotés d'un service d'urgence comportent désormais un service gériatrique, ce qui aurait semblé être une perspective purement utopique au début des années quatre-vingt. Le simple fait de chercher à promouvoir une meilleure coordination afin d'améliorer la continuité des soins rendus aux personnes dites en « situation complexe » représente une évolution encourageante. D'une façon générale, la politique d'aide au maintien à domicile a permis d'obtenir des résultats performants, y compris au plan international. Mais à l'inverse, la situation des personnes dépendantes vivant en institution apparaît beaucoup moins satisfaisante. En définitive, la mise en oeuvre de l'Apa a représenté une étape décisive dans ce processus d'amélioration étalé sur de nombreuses années.
M. Bernard Garro a souligné qu'au même titre que la création de l'Apa, les événements tragiques de la canicule de 2003 ont suscité une large prise de conscience dans le corps social. Il en est résulté une évolution culturelle importante de l'ensemble des acteurs du dossier, permettant aux personnels sociaux, médicosociaux et sanitaires de travailler ensemble. Mais la coordination de toutes ces structures n'est pas une tendance spontanée, ni un exercice aisé à mener à bien.
M. François Autain s'est demandé si les futures agences régionales de santé (ARS) doivent être compétentes en matière médicosociale.
Le professeur Olivier Saint-Jean a jugé cette évolution indispensable.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité avoir des précisions sur la façon dont Prisma est financé.
M. Albert Servadio a indiqué que la sécurité sociale a autorisé l'Agep à affecter au projet un salarié à temps plein.
MM. Jean-Marc Mazurier et Bernard Garro ont précisé que la direction départementale de l'action sanitaire et sociale (Ddass) et le conseil général de Paris ont chacun mis à disposition de cette démarche expérimentale l'équivalent d'une personne travaillant à mi-temps.
Le professeur Olivier Saint-Jean a fait valoir que le coût, au demeurant modique, du projet sera de toute manière beaucoup moins onéreux que les médicaments inutiles aujourd'hui prescrits aux personnes dépendantes, dont certains représentent un coût de 1 200 à 2 400 euros par an pour l'assurance maladie. A contrario, un gestionnaire de cas peut raisonnablement prendre en charge entre trente et quarante personnes considérées comme des « cas complexes », ce qui est appréciable.
M. François Autain s'est félicité de ces propos qui rejoignent ses convictions personnelles et s'inscrivent à l'inverse des idées reçues souvent développées au sein de la commission des affaires sociales.
Le professeur Olivier Saint-Jean a estimé qu'il conviendrait effectivement d'entamer une réflexion sur la question de l'expertise scientifique en matière d'autorisation de mise sur le marché des médicaments.
M. Dominique Somme a indiqué que le projet Prisma fait également l'objet d'un soutien de la part de l'AP-HP, qui lui consacre l'équivalent d'une personne à plein temps. La direction générale de la santé, ainsi que la CNSA, fournissent également leur assistance.
Après avoir formulé une appréciation d'ensemble très positive sur le bilan de l'Apa, M. Gérard Miquel, président, a jugé très intéressante l'expérimentation décrite par les personnes auditionnées. Il a ensuite souhaité savoir s'il est envisageable de développer le projet Prisma dans des départements ruraux faiblement peuplés.
M. Jean-Marc Mazurier a considéré que la principale difficulté rencontrée par la politique de maintien à domicile consiste à faire face au défi de la professionnalisation des personnels. A titre d'illustration, l'association Amsad emploie au total 310 salariés, dont 210 aides à domicile et 80 personnes assurant des soins aux patients. Mais il est très difficile de trouver des candidats pour ce type de travail à Paris, même si l'on parvient à réunir les financements correspondants. La nécessaire augmentation des qualifications implique également une revalorisation des salaires, ce qui pose la question des financements publics disponibles pour y faire face. Aujourd'hui, les ressources de l'Amsad proviennent essentiellement du conseil général, de l'assurance maladie et des caisses de retraite, mais 12 % des dépenses sont prises en charge par les bénéficiaires eux-mêmes.
M. Jean-Marc Mazurier a jugé tout à fait possible d'expérimenter le projet Prisma dans les départements ruraux à faible densité de population. Les spécificités démographiques de ces territoires nécessiteront toutefois d'adapter en conséquence l'organisation du projet et occasionneront inévitablement des coûts supplémentaires.
M. Bernard Garro a confirmé que la professionnalisation des personnels se répercute logiquement sur le prix de revient de l'aide à domicile et représente in fine un coût pour les financeurs publics. Dans ce contexte, le plafonnement de l'Apa constitue un problème, dans la mesure où beaucoup de personnes âgées classées en Gir 1 et 2 doivent se contenter de bénéficier de l'assistance d'un aide familial au lieu de disposer du concours d'un prestataire extérieur.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé que la question des conséquences de la professionnalisation des personnels conduit à s'interroger tout à la fois sur le mode de financement mixte des aides soignantes, ainsi que sur les règles de tarification tripartite des établissements pour personnes âgées dépendantes. De la même manière, on peut se demander si certaines dépenses ne font pas l'objet d'une double facturation, dans la mesure où le forfait soins n'exclut pas que certains résidants en institution continuent à faire appel à leur ancien médecin traitant.
Sur la base de son expérience personnelle, M. Albert Servadio a considéré que le nombre moyen de visites des médecins libéraux en maison de retraite médicalisée (1,2 par mois) n'apparaît pas supérieur aux chiffres observés en ville. En revanche, l'accès à certains actes médicaux, notamment les soins de kinésithérapie, est à l'évidence beaucoup plus facile dans ces institutions.
M. Dominique Somme a souligné que le problème de la fragmentation du financement de la politique menée en faveur des personnes âgées dépendantes présente des conséquences tout à fait préjudiciables. Par ailleurs, l'absence de perspective d'évolution des carrières professionnelles nuit à l'attractivité de ce secteur professionnel.
M. Bernard Garro a également fait valoir la pénibilité du travail d'aide à domicile. L'existence d'un vaste bassin d'emplois en Ile-de-France rend de surcroît les recrutements plus difficiles à Paris qu'ailleurs en France.
M. Gérard Miquel, président, a observé que beaucoup de ces salariés sont employés à temps partiel.
M. Dominique Somme a considéré que les conséquences négatives de la fragmentation des financements sont encore plus sensibles dans le cas des personnes modestes, notamment celles vivant en milieu rural.
Mercredi 28 mai 2008
- Présidence de M. Philippe Marini, président -Audition de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité
La mission a procédé à l'audition de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité.
M. Philippe Marini, président, a rappelé que la mission a entendu, une première fois, le 16 janvier dernier, les deux ministres, alors qu'elle commençait ses travaux. Au cours de cette audition, le Gouvernement, qui entamait, lui-même, ses réflexions sur la prise en charge de la dépendance, s'était engagé à revenir devant les membres de la mission, afin de leur faire part de ses premières orientations.
Après avoir remercié M. Xavier Bertrand et Mme Valérie Létard d'avoir respecté leur engagement, M. Philippe Marini, président, a indiqué que, depuis le mois de janvier, la mission a, elle-même, avancé dans ses travaux, grâce aux nombreuses auditions auxquelles elle a procédé et aux déplacements à l'étranger et sur le terrain qu'elle a effectués.
Il a souhaité que quatre thèmes soient plus particulièrement abordés :
- la prise en charge à domicile des personnes âgées dépendantes, et notamment les ajustements à apporter à l'allocation personnalisée pour l'autonomie (Apa) à domicile ;
- la question des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à travers trois sujets : le plan « Solidarité-Grand Age », la tarification et la question sensible des restes à charge des personnes hébergées et de leur famille ;
- le mode de financement de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, notamment la question de l'articulation entre, d'une part, la solidarité nationale et, d'autre part, l'effort individuel, ainsi que celle des modalités de mise en place d'un pilier assurantiel ;
- enfin, le thème de la gouvernance locale et nationale, à travers la question du mode d'association des départements aux futures agences régionales de santé (ARS) et celle des compétences de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), ainsi que de la composition de son Conseil.
M. Philippe Marini, président, a rappelé la grande sensibilité des membres de la mission sur trois questions particulières : le partage équitable du financement de l'Apa entre l'Etat et les départements ; la prise en compte du patrimoine dans l'évaluation et la mise en place des droits des bénéficiaires de prestations ; les modalités d'allongement de l'épargne pour mieux l'adapter aux risques vieillesse et dépendance.
Après avoir indiqué qu'il revenait, à l'instant, du Conseil de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), où il a également exposé les premières orientations du Gouvernement, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, a évoqué deux chiffres révélateurs de l'importance de la question de la prise en charge de la dépendance. Aujourd'hui, 1 300 000 personnes ont plus de 85 ans. Elles seront 2 millions en 2015.
A titre liminaire, il a rappelé la finalité de la création d'un cinquième risque : le système français de sécurité sociale, mis en place en 1945 et construit autour de quatre risques (la maladie, les accidents du travail et maladies professionnelles, la famille, la vieillesse), n'a pas été conçu pour apporter une réponse au défi de la perte d'autonomie. Entre les prestations liées à l'état de santé et celles liées à une perte de revenu, il manque aujourd'hui un maillon qu'il convient de créer. Il s'agit d'un enjeu de société non seulement pour les toutes prochaines années, mais encore pour les décennies à venir.
Sur les modalités de mise en place de ce cinquième risque, M. Xavier Bertrand a tenu à préciser - sans vouloir apporter immédiatement de réponse définitive - que le cinquième risque doit reposer sur le principe de la liberté de choix des personnes en situation de perte d'autonomie. Cette liberté de choix vaut, tout d'abord, pour le mode de prise en charge : les individus doivent pouvoir choisir entre, soit rester à domicile, soit entrer en établissement, ce qui implique, d'une part, l'ouverture plus rapide de places plus nombreuses en institution, notamment de places médicalisées, à moindre coût et, d'autre part, un reste à charge allégé pour les familles, notamment pour les familles aux revenus les plus modiques et les classes moyennes.
La liberté de choix doit également s'appliquer aux modalités de financement de la prise en charge de la dépendance, afin de permettre aux individus, soit de souscrire volontairement à un mécanisme de prévoyance, soit de recourir à une prise de participation volontaire et limitée sur leur patrimoine.
M. Xavier Bertrand a ensuite exposé, plus en détail, chacune des quatre orientations retenues, à ce stade de la concertation, par le Gouvernement.
Il s'agit, tout d'abord, de permettre à l'ensemble des personnes en situation de perte d'autonomie de rester à domicile chaque fois que cela est possible. Tel est, en effet, le souhait exprimé par la majorité des personnes en situation de perte d'autonomie, ainsi que par leur famille. Pour ce faire, l'ensemble des besoins d'aide de la personne doivent être pris en compte. C'est pourquoi, le Gouvernement souhaite, comme l'y invite le rapport du Conseil de la CNSA, mettre en oeuvre un droit universel à un plan personnalisé de compensation pour l'autonomie. Celui-ci devra reposer sur une prise en compte de toutes les formes d'aides concourant à la compensation (aides humaines, techniques ou domotiques, aides d'aménagement, aide aux aidants familiaux). Le rapprochement des méthodes d'évaluation des besoins des personnes en perte d'autonomie, quel que soit l'âge des personnes, constitue, en ce sens, une avancée majeure.
M. Xavier Bertrand a indiqué qu'assurer le maintien à domicile suppose également que les aides publiques permettent aux individus de faire face à leurs besoins. Or, aujourd'hui, le niveau des plans d'aide apparaît souvent inadapté pour permettre le maintien à domicile de certains bénéficiaires de l'Apa, notamment les personnes isolées sans aidant familial, les personnes les plus lourdement dépendantes et les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Les niveaux des plans pour ces bénéficiaires doivent être améliorés.
En ce qui concerne plus particulièrement les personnes handicapées, il a rappelé que le Gouvernement a choisi, dès 2008, d'ouvrir la prestation de compensation du handicap (PCH) aux enfants, dans un premier temps sous la forme d'un droit d'option entre la PCH et l'allocation d'éducation pour l'enfant handicapé (AEEH). Une seconde étape doit désormais s'ouvrir. Elle se fera, en partenariat avec les conseils généraux et les associations, dans le cadre de la préparation de la Conférence nationale du handicap.
M. Xavier Bertrand a enfin déclaré que le maintien à domicile pose la question des aidants familiaux. Dans le même esprit que le plan Alzheimer, le Gouvernement souhaite multiplier les solutions dites « de répit » - accueils de jour, hébergement temporaire - pour soulager les personnes qui assument la lourde charge de soutenir leurs proches dépendants. Ces formules existent aujourd'hui, mais doivent désormais être réellement accessibles pour les familles.
Le deuxième objectif du cinquième risque est d'augmenter le nombre de places en établissements médicalisés et d'alléger le reste à charge pour les familles.
Sur ce sujet, M. Xavier Bertrand a indiqué que le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que le cinquième risque apporte aux familles des solutions concrètes, ce qui suppose :
- des places en nombre suffisant, en maisons de retraite ainsi qu'en établissements pour personnes handicapées, notamment en ce qui concerne les personnes atteintes d'autisme et de polyhandicap ;
- un reste à charge allégé pour les personnes aux revenus les plus modiques et les classes moyennes ;
- des établissements suffisamment médicalisés ;
- enfin, un « plan métiers » qui permette de faire face aux importants besoins de recrutement et de formation pour les années à venir.
Quant à la troisième orientation, relative aux modalités de financement du cinquième risque, M. Xavier Bertrand a mis en avant la nécessité d'assurer le financement de la perte d'autonomie pour aujourd'hui, mais aussi pour l'avenir.
Le cinquième risque doit d'abord reposer sur la solidarité nationale, sans que cela implique nécessairement une augmentation des impôts. Rappelant que la démographie et les besoins sociaux évoluent, il a souligné que cette évolution doit être accompagnée d'une meilleure répartition des financements au sein du système solidaire de protection sociale.
M. Xavier Bertrand a indiqué que, dans cette perspective, M. Gérard Larcher, président de la commission de concertation relative aux missions de l'hôpital, a proposé récemment, dans son rapport, de redéployer l'offre hospitalière vers les établissements et services médicosociaux.
Prenant un autre exemple, il a indiqué que le soutien à l'autonomie relève aussi de la politique de la famille. Celle-ci n'est pas seulement destinée aux enfants, elle recouvre également la question de la solidarité entre les différentes générations. Il est en effet possible, sans rien enlever de ce qui existe aujourd'hui dans la politique familiale, de relever, par son biais, de nouveaux défis, notamment celui des aidants familiaux.
En complément de la solidarité nationale, les organismes de prévoyance doivent également pouvoir intervenir dans le financement de la perte d'autonomie liée à l'âge. Afin d'éviter que cette intervention ne se fasse de manière désordonnée et sans coordination avec l'intervention publique, un vrai « partenariat public-privé » doit être mis en place. Le financement du cinquième risque devra également se faire dans le respect du principe de justice sociale, ce qui implique notamment de mieux prendre en compte les capacités contributives de chacun, comme l'y a invité le Président de la République.
Une meilleure prise en compte du patrimoine permettrait, en effet, d'assurer l'articulation entre les aides publiques et la prévoyance privée : à terme, les personnes devraient pouvoir faire, soit le choix de la prévoyance, soit celui d'une participation limitée et volontaire sur leur patrimoine. Dans cette hypothèse, deux principes-clé doivent être respectés :
- d'une part, cette participation ne peut résulter que du choix du bénéficiaire ;
- d'autre part, ce choix ne doit être ouvert qu'aux personnes les plus dotées en patrimoine.
Cette participation ne devra, en aucun cas, s'appliquer aux bénéficiaires de la PCH, dans la mesure où ces derniers sont placés dans une situation objectivement différente des personnes âgées dépendantes : leur situation professionnelle ne leur permet pas de se constituer un patrimoine dans les mêmes conditions que les personnes valides d'âge actif.
Après avoir mentionné la quatrième et dernière orientation du Gouvernement, qui consiste à mettre en place une gouvernance renouvelée pour le cinquième risque, et laissant à Mme Valérie Létard le soin de développer ce point, M. Xavier Bertrand a tenu à préciser qu'il venait d'exposer, dans ses grandes lignes, la façon dont le Gouvernement envisage le cinquième risque à ce stade de la concertation. Il a souligné qu'en tout état de cause, il n'est pas question de réinstaurer un recours sur succession. Il a enfin rappelé, pour conclure, que le cinquième risque est un véritable défi de société et une obligation morale qui se situe au-delà des clivages politiques.
Après avoir souligné la qualité des travaux menés par la mission, ainsi que le souci de celle-ci de mener une étude comparative des modes de prise en charge de la dépendance en vigueur dans d'autres pays européens, Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a insisté sur trois points : la politique en faveur des établissements, la gouvernance du cinquième risque et l'action en direction des professionnels de la perte d'autonomie.
Elle a, tout d'abord, souligné la nécessité d'une politique ambitieuse en direction des établissements d'accueil de personnes âgées et de personnes handicapées. Cette politique doit se fixer à la fois des objectifs quantitatifs, qualitatifs et d'amélioration de gestion. Les études démographiques, les remontées territoriales d'informations à travers les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC), ainsi que l'impact attendu de la politique de maintien à domicile permettent, en effet, d'évaluer les besoins de création de places pour les années à venir.
Concernant les maisons de retraite, Mme Valérie Létard a précisé qu'il faudra créer entre 5 000 et 7 500 places par an. Elle a insisté sur la nécessité que les autorisations se traduisent par des créations effectives de places pour les usagers. A cette fin, plusieurs leviers seront mis à contribution : les enveloppes anticipées, l'aide à l'investissement, l'aide à la formation professionnelle par la CNSA. Parallèlement, les procédures administratives de création de places doivent être simplifiées et inciter les porteurs de projets à proposer des formules innovantes.
S'agissant des établissements et services pour personnes handicapées, elle a annoncé que sera prochainement lancé, comme s'y était engagé le Président de la République, un plan pluriannuel de création de places avec pour objectifs, notamment, de mettre fin aux listes d'attente excessivement longues pour les familles, de mieux prendre en charge les handicaps lourds - autisme, polyhandicap, troubles graves du comportement - et de tenir compte de l'avancée en âge de la population accueillie en établissement.
Elle a, par ailleurs, indiqué que pour l'accélérer et la rendre plus efficace, la procédure d'autorisation des établissements et services médicosociaux devra être revue, et en particulier le rôle des comités régionaux de l'organisation sociale et médicosociale (Crosms), l'objectif étant de mettre en place une procédure reposant sur des appels à projets qui permettent réellement de faire émerger des solutions innovantes. Elle a noté que cela suppose également d'autoriser plus rapidement les établissements à créer des places en raisonnant dans un cadre pluriannuel d'autorisation. De même, elle a relevé qu'il est nécessaire de pérenniser les aides à l'investissement, y compris pour les établissements nouveaux, ces aides étant indispensables pour accélérer la modernisation et la création de places nouvelles sans accroître le reste à charge des familles.
Mme Valérie Létard a précisé que l'action en faveur des établissements ne pouvait pas se résumer aux créations quantitatives de places, mais doit se doubler d'une politique ambitieuse, tant sur la qualité des soins en maison de retraite que sur le reste à charge.
Elle a indiqué que la médicalisation des Ehpad est un impératif pour le bien-être des résidents, pour faciliter la coordination entre les soins de ville et la sphère hospitalière, ainsi que pour lutter contre toutes les situations de maltraitance, l'objectif du Gouvernement étant que 100 % des établissements aient pu passer en 2008 au moins une première convention avec l'Etat et le conseil général prévoyant cette médicalisation. Pour les établissements renouvelant leur convention, il s'agira d'accompagner la montée en puissance de la nouvelle tarification des soins (tarification dite « Pathos »), qui prévoit des taux d'encadrement supérieurs en personnels soignants.
Mme Valérie Létard a précisé que le Gouvernement souhaite également promouvoir le « tarif soin global », qui doit permettre à l'établissement de mieux coordonner les différents actes de soins effectués auprès des résidents, ce qui implique notamment de poursuivre la réflexion entamée, avec les acteurs concernés, sur le rôle du médecin-coordonnateur en Ehpad.
Elle a ensuite insisté sur la nécessité d'alléger les sommes laissées à la charge des familles. Or, d'après les dernières enquêtes statistiques, le tarif d'hébergement dépasse le revenu disponible pour près de 80 % des résidents en maison de retraite. Elle a noté qu'il s'agit là d'une des premières demandes des familles et des résidents et qu'il est de son devoir de se fixer cet objectif en privilégiant la solidarité publique, sans exclure qu'à partir d'un certain niveau de revenu ou de patrimoine, l'épargne ou les solidarités familiales puissent être mobilisées lors des dernières années de vie. Or, elle a relevé que tel n'est pas le cas actuellement avec l'Apa en établissement, dont le barème ne varie quasiment pas en fonction du revenu. Elle a souhaité que soit donc réformée cette prestation afin de couvrir davantage les personnes aux plus faibles revenus.
Plus largement, comme l'y invitent de nombreux rapports, Mme Valérie Létard est convenue que le Gouvernement pourrait davantage articuler entre elles l'ensemble des aides à l'hébergement ou à la dépendance dont peut aujourd'hui bénéficier un résident en maison de retraite (Apa, aide sociale à l'hébergement, aides au logement, aides fiscales à l'hébergement). La réduction du reste à charge implique, par ailleurs, d'assurer une meilleure maîtrise des tarifs d'hébergement et donc de réfléchir, avec l'ensemble des acteurs du secteur, à de nouveaux outils de régulation.
Concernant les conseils généraux, elle a précisé qu'il faut les conforter dans leur rôle de maîtres d'oeuvre des prestations de compensation en faveur de l'autonomie, car ils ont acquis, aujourd'hui, une légitimité incontestable comme échelon de proximité des politiques de compensation.
Au niveau régional, elle a noté que la mise en place des futures agences régionales de santé (ARS) doit être l'occasion d'avoir une vision territoriale décloisonnée des besoins sanitaires et médicosociaux. Dans le respect des compétences de chacun, il importera que les exercices de planification et de programmation de l'ARS et des conseils généraux soient étroitement coordonnés. Il devra en être de même dans les domaines de l'autorisation et de la tarification des établissements et services médicosociaux. Les partenaires sociaux et associatifs devront également occuper une place centrale dans les instances de gouvernance des ARS.
Enfin, Mme Valérie Létard a indiqué que la CNSA doit être érigée en véritable agence chargée du cinquième risque et, à ce titre, être l'interlocuteur des ARS en ce qui concerne la mise en oeuvre territoriale du cinquième risque. Elle a noté que ses moyens d'action devraient être ceux d'un véritable opérateur national, garant de l'égalité de traitement sur tout le territoire, de la transparence de l'information et de l'échange de pratiques.
Elle a précisé que sa vision de l'action de l'Etat est celle d'un Etat stratège, c'est-à-dire d'un Etat qui se recentre sur ses fonctions régaliennes. Aussi bien un pouvoir réglementaire délégué et circonscrit pourrait-il être reconnu à l'agence chargée du cinquième risque. Ces évolutions impliquent donc de renforcer l'efficacité et la gouvernance du Conseil de la CNSA.
S'agissant de la troisième action prioritaire du Gouvernement, le plan des métiers en faveur de l'autonomie, Mme Valérie Létard a indiqué que l'amélioration de la prise en charge, tant à domicile qu'en établissement, nécessite de nombreux recrutements qui ne seront pas possibles sans la mise en oeuvre d'un plan des métiers en faveur de l'autonomie, et que ce plan devra permettre de former de nombreux professionnels et d'ouvrir davantage de perspectives à ces personnels en leur proposant des carrières plus diversifiées.
Elle a précisé que ce plan s'appuiera sur une expérimentation réalisée avec les conseils régionaux, compétents en matière de formation professionnelle depuis la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Les gestionnaires d'établissements et de services seront également des partenaires privilégiés et, en tant qu'employeurs, devront veiller à favoriser la professionnalisation des personnels et assurer les recrutements nécessaires. Afin de les appuyer dans cette démarche, les moyens des conseils régionaux, de l'Etat et des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) seront mobilisés.
En conclusion, Mme Valérie Létard a affirmé que renforcer l'attractivité des métiers du médicosocial, permettre la construction de vrais parcours professionnels, et former des professionnels en nombre suffisant, sont les objectifs majeurs pour rendre effectives sur le terrain l'ensemble des orientations du cinquième risque. Elle a précisé que 400 000 emplois devront être créés.
M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est, tout d'abord, interrogé sur la soutenabilité financière du système proposé, alors que le coût du plan « Solidarité Grand-Age » a été évalué à 4,7 milliards d'euros, que la montée en charge de l'Apa n'est pas encore achevée et que le rythme d'évolution du nombre de personnes âgées dépendantes s'accélère. Il a souhaité savoir si cette coïncidence de charges à financer, qui implique des taux élevés de progression de la dépense publique, peut être assumée à niveau de prélèvements obligatoires constant, et s'est demandé s'il ne faudra pas effectuer des choix parmi les priorités affichées.
Il a ensuite demandé si l'on peut se contenter de transférer un milliard d'euros de dépenses des départements - qui correspond au financement à hauteur de 30 % des aides soignants - sur l'assurance maladie pour diminuer le reste à charge des ménages.
Evoquant la tarification inéquitable des Ehpad, M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est interrogé sur la façon dont il est possible de réduire les écarts de tarifs de soins entre établissements et d'améliorer la gouvernance des dépenses à caractère médical au sein des Ehpad.
Il a également souhaité connaître la position du Gouvernement sur le champ de compétences des futures agences régionales de santé et le mode d'association des départements à ces nouvelles structures.
Enfin, il a rappelé le souci commun des membres de la mission de rétablir la parité de financement de l'Apa entre l'Etat et les départements, interrogeant les ministres sur les moyens concrets envisagés par le Gouvernement pour y parvenir.
M. Xavier Bertrand a souligné qu'il n'a jamais évoqué une mise en oeuvre du cinquième risque à moyens constants et que des redéploiements de moyens n'y suffiraient pas. Le socle de solidarité nationale sera élevé, ce qui est impératif pour mener à bien une telle réforme, et, par ailleurs, une meilleure répartition des moyens au sein du système de protection sociale doit être recherchée. C'est notamment ce que préconise le rapport présenté par M. Gérard Larcher sur les missions de l'hôpital. Ceci concerne également la politique familiale, celle-ci devant à l'avenir permettre d'intervenir au profit des aidants familiaux, sans rien enlever aux actions actuellement menées par la branche famille, dont il convient d'avoir une vision prospective des comptes.
La prévoyance, dont il faudra préciser les garanties, complètera le socle garanti par la solidarité nationale et il est nécessaire d'examiner la possibilité d'affecter certaines sommes aujourd'hui épargnées, notamment celles investies en assurance-vie, à la couverture du risque dépendance.
Notant que des moyens supplémentaires seront nécessaires pour mener à bien cette réforme, M. Xavier Bertrand a indiqué qu'il conviendra d'offrir aux détenteurs de patrimoines importants la liberté d'opter pour une mise à contribution volontaire et limitée de leur patrimoine, afin d'obtenir une aide maximale. Il a également mis l'accent sur la prévention de la dépendance, qui doit être renforcée. Il a affirmé que le plan « Solidarité-Grand Age » entre dans le champ du cinquième risque et que le cadre de réforme ainsi proposé est soutenable financièrement.
M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est interrogé sur la cohérence de ce discours avec celui tenu lors de la conférence nationale des finances publiques par le Premier ministre et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui n'ont pas évoqué la possibilité d'augmenter les prélèvements obligatoires pour faire face à des dépenses nouvelles.
M. Xavier Bertrand a affirmé que son discours est en totale cohérence avec le discours tenu par le Gouvernement lors de la conférence nationale des finances publiques : il n'y aura pas d'augmentation des prélèvements obligatoires pour faire face au risque dépendance et les solutions imaginées devront répondre à l'impératif de la liberté de choix
M. Philippe Marini, président, a indiqué qu'il est important d'entendre le ministre affirmer qu'il n'y aura pas d'augmentation des prélèvements obligatoires.
M. Paul Blanc a déclaré partager globalement les orientations définies par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et a reconnu qu'un grand chantier tel que celui-ci nécessite une réflexion approfondie et du temps pour sa mise en oeuvre. Il a toutefois estimé qu'il est urgent d'agir dans un certain nombre de cas. Il a relevé que le développement de l'assurance dépendance est une réponse de moyen/long terme, mais qu'il faut également prendre en compte la situation des personnes âgées qui n'ont pas constitué d'épargne. S'agissant des créations de places nouvelles en établissement, il a noté que certains dossiers sont déjà prêts, mais sont actuellement bloqués, car les décisions des comités régionaux de l'organisation sociale et médicosociale (CROSMS) ne concordent pas avec les plans gérontologiques élaborés par les conseils généraux. Il a donc prôné la mise en place de mesures transitoires, notamment en matière d'hébergement, afin que la situation des personnes âgées dépendantes puisse être améliorée dès 2009.
Mme Sylvie Desmarescaux s'est déclarée en accord avec les orientations présentées par le Gouvernement, notamment avec l'accent mis sur la liberté de choix. Elle a toutefois souhaité obtenir des précisions sur les modalités de prise en compte du patrimoine, le système proposé lui semblant proche du mécanisme de récupération sur succession, ainsi que sur les capacités de financement des places nouvelles. En effet, certains projets de création de places ont reçu l'aval des CROSMS, mais sont bloqués, faute de financements suffisants.
M. Guy Fischer a rappelé que le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) s'était opposé à la création de la CNSA. Il a souligné l'importance de la question du reste à charge en établissement, qui atteint des niveaux insupportables pour un grand nombre de familles, et a souhaité que le Gouvernement apporte des précisions sur le niveau souhaitable de ce reste à charge. Il s'est déclaré favorable à une parité de financement de l'Apa entre l'Etat et les départements. Il a souhaité obtenir des précisions sur l'articulation entre le plan de création de places annoncé (entre 5 000 et 7 500 nouvelles places par an) et les restructurations hospitalières préconisées par le rapport de M. Gérard Larcher sur les missions de l'hôpital. Il a fait part de son scepticisme à l'égard des modalités de financement envisagées par le Gouvernement et s'est interrogé sur les dispositions envisagées afin de développer l'épargne dépendance et d'affecter une partie des sommes souscrites en assurance-vie à la couverture de ce risque. Enfin, il a souhaité obtenir des explications complémentaires sur les modalités de prise en compte du patrimoine, en se demandant si la mise en place d'un mécanisme de recours sur succession était envisagée.
M. Bernard Cazeau a souhaité que le Gouvernement précise ses intentions s'agissant de la place des conseils généraux au sein de l'organisation des futures agences régionales de santé. Il a, pour sa part, estimé qu'ils devraient siéger au sein de l'instance la plus active, et donc plutôt au sein d'un conseil de pilotage qu'au sein d'un conseil d'orientation.
Il s'est ensuite interrogé sur l'articulation future entre le pilier de solidarité nationale et le pilier assurantiel. S'agissant du premier, il a constaté une insuffisance de financement équivalente à environ un milliard d'euros pour parvenir à une parité de financement de l'Apa entre l'Etat et les départements. Il a réaffirmé son attachement à ce principe de parité de financement de l'Apa et s'est déclaré en accord avec l'analyse de M. Paul Blanc s'agissant de l'urgence de l'action, en estimant que la concertation pourrait être menée plus rapidement que ne l'envisage le Gouvernement.
M. Michel Mercier a estimé que l'ensemble de mesures proposées par le Gouvernement apparaît cohérent et repose sur le principe de personnalisation de la réponse, qui est aujourd'hui au coeur de la démarche d'action sociale. Il a toutefois jugé nécessaire, préalablement à ces mesures, de solder les comptes, en particulier à l'égard des départements. De ce point de vue, le transfert à l'assurance maladie de l'intégralité du financement des aides soignantes permettrait, outre une mise en cohérence et une simplification nécessaires de la gestion des tarifs, de régler assez largement la question de la parité de financement de l'Apa entre l'Etat et les départements, en l'état actuel de ce dispositif.
S'agissant de la création de 5 000 à 7 500 places par an, qui correspond à la création d'un établissement par département environ, il a noté que l'une des difficultés à régler concerne les modalités d'autorisation de création de places.
Puis il a émis certaines réserves concernant l'implication des conseils généraux au sein de structures d'orientation ou de pilotage des ARS, en soulignant la nécessité de maintenir leur autonomie de décision.
Enfin, il a salué la proposition de mise à contribution volontaire du patrimoine formulée par le Gouvernement, en mettant en évidence les différences avec le système antérieur de récupération sur succession : cette mise à contribution, qui interviendra à partir d'un certain niveau de patrimoine et permettra d'obtenir le bénéfice d'une allocation à taux plein, résultera d'un choix de la personne. A défaut d'accepter une telle participation, cette dernière bénéficierait d'une allocation à taux réduit.
M. Alain Milon s'est déclaré en accord avec les orientations proposées par le Gouvernement, mais s'est demandé si les mesures envisagées permettront de répondre aux besoins à l'horizon 2015. Il a souligné que les Ehpad connaissent une mutation de la population accueillie : les personnes âgées dépendantes sont, en général, hébergées en établissement de plus en plus tard et à un stade de dépendance plus élevé. Il a observé que la réhabilitation d'établissements, qui est nécessaire, pèse sur le prix de journée et a souhaité que des réflexions soient menées afin de ne pas répercuter sur ce dernier le coût des emprunts contractés. Il a également soutenu l'idée de transférer à l'assurance maladie l'intégralité du financement des aides soignantes.
M. Philippe Marini, président, a estimé que la méthode de concertation retenue par le Gouvernement est la bonne et qu'il est essentiel que Parlement et Gouvernement prennent le temps nécessaire pour « dégrossir » cette réforme, importante tant du point de vue social, voire sociétal, que de celui des finances publiques et de la bonne gestion à moyen et long termes de l'économie.
M. Xavier Bertrand a partagé l'analyse de M. Philippe Marini et a souligné que tous les éléments de la réforme ne sont pas encore précisés. Il importe que cette réforme entre en vigueur dans les meilleurs délais, idéalement en 2009, mais il convient d'éviter toute précipitation, dans la mesure où ce travail aura un impact pour des décennies.
En réponse à M. Alain Milon, il a indiqué que la question de la prise en charge du coût des emprunts avait déjà été abordée lors de précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale et qu'il faudra, si cette idée devait être retenue, préciser quel acteur supportera ce coût.
En complément de l'analyse développée par M. Michel Mercier, il a précisé que les modalités de prise en compte du patrimoine devraient permettre à une personne richement dotée d'opter, soit pour une prise de gage sur son patrimoine ouvrant droit à une allocation à taux plein, soit pour une allocation à taux réduit en cas de refus de toute mise à contribution de ce patrimoine. Il reste ensuite à définir le seuil à partir duquel ce mécanisme s'exerce, ainsi que l'ampleur de cette prise de gage qui ne devrait, en aucun cas, entraîner des effets d'éviction. Après avoir souligné les profondes différences entre ce mécanisme et celui du recours sur succession, M. Xavier Bertrand a estimé que la prise en compte du patrimoine n'est plus un sujet tabou et que le Gouvernement devra mener une analyse précise sur ce point avec les départements. Il a également rappelé que les bénéficiaires de la PCH ne seront pas concernés par ce dispositif.
Répondant à M. Bernard Cazeau, il a observé que la question de la gouvernance n'est pas si simple, les différents acteurs concernés ayant formulé un certain nombre de demandes.
S'agissant de l'articulation entre la solidarité nationale et la couverture assurantielle du risque dépendance, il a indiqué que le pilier de solidarité nationale, qui mobilise aujourd'hui 19 milliards d'euros, sera bien plus important que le pilier assurantiel. Il convient, en revanche, de permettre aux personnes disposant d'une épargne de l'orienter, dans un cadre de liberté de choix, vers la couverture de la dépendance.
En réponse à Mme Sylvie Desmarescaux, il a fait valoir la volonté du Gouvernement de réduire les délais de création de places en établissement, en ramenant à trois ans au maximum le délai moyen, qui s'établit aujourd'hui à quatre ans. Il a également mis en évidence la nécessité de faire correspondre les schémas de programmation existants aux besoins constatés.
Mme Valérie Létard a indiqué que le Gouvernement entend promouvoir la logique d'appels à projets et renforcer la mobilisation des enveloppes anticipées afin d'accélérer le rythme de création de places en établissement. Les 5 000 à 7 500 nouvelles places évoquées s'ajouteront aux places qui pourront être libérées dans le cadre des restructurations des établissements sanitaires. Elle a également fait état de besoins de 9 000 places supplémentaires par an pour améliorer la prise en charge des personnes âgées dépendantes à domicile, dont 6 000 places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et 3 000 places d'accueil de jour et d'hébergement temporaire.
Elle a observé que, sur 550 000 places d'Ehpad, 60 % sont gérées par des établissements publics, 20 % par des établissements associatifs et 20 % par des établissements privés. Toutefois, 70 % des créations de places en Ehpad interviennent dans des structures commerciales. Le reste à charge moyen s'établit à 2 000 euros dans un établissement commercial, contre 1 500 euros dans le secteur associatif ou public, pour une retraite moyenne de 1 200 euros. Elle a donc souligné l'importance de réduire le reste à charge pour un grand nombre de personnes.
En réponse à M. Alain Vasselle, elle a indiqué que le partage du financement des aides soignantes entre l'assurance maladie (70 %) et les départements (30 %) est complexe et rend difficile la maîtrise du reste à charge. Cette question de l'intégration des aides soignantes dans le tarif soins doit donc être débattue et tranchée.
S'agissant de la convergence tarifaire entre les établissements médicosociaux, Mme Valérie Létard a observé que la tarification actuelle est trop complexe, insuffisamment responsabilisante pour les gestionnaires et se traduit par des dotations d'assurance maladie pouvant varier de un à trois, selon les établissements, pour un service rendu équivalent. Elle a jugé nécessaire de mettre en place une évaluation et une tarification en fonction du service rendu et a prôné une convergence des tarifs de soins sur une période de huit à dix ans. Il convient également de responsabiliser davantage les gestionnaires d'établissement, suivant le modèle retenu dans le champ sanitaire avec la mise en place de la tarification à l'activité, et de réfléchir à l'instauration d'un forfait-soins élargi faisant des Ehpad de véritables coordonnateurs de soins.