- Mardi 1er avril 2008
- Mercredi 2 avril 2008
- Contrôle budgétaire - Sports - Droit à l'image collective des sportifs professionnels - Communication
- Economie mondiale - Situation économique et financière - Audition de Mme Mathilde Lemoine, directeur des études économiques et de la stratégie « marchés » de HSBC France, de MM. Michel Aglietta, professeur d'économie à l'université de Paris X, et Marc Touati, directeur général délégué de la société d'investissement Global Equities
- Marchés d'instruments financiers outre-mer - Examen des amendements
Mardi 1er avril 2008
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.Organisme extraparlementaire - Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles
Après avoir entendu les interventions de MM. Jean-Jacques Jégou et Philippe Marini, rapporteur général, la commission a désigné M. Jean-Jacques Jégou comme candidat appelé à siéger au sein du comité de surveillance de l'établissement de gestion du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA).
EADS - Evolution de l'actionnariat - Examen du rapport d'information
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, et de Mme Nicole Bricq sur les conditions d'évolution de l'actionnariat d'EADS.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé la réactivité dont avait fait preuve la commission pour jouer pleinement son rôle d'information et de contrôle dans « l'affaire EADS » afin de présenter les constatations et les enseignements à tirer sur la gouvernance publique et le fonctionnement de l'Etat actionnaire.
Soulignant la démarche pluraliste qui avait présidé à la réalisation du rapport d'information, il a rappelé que, dès la publication dans la presse, le 3 octobre 2007, de la transmission au parquet de Paris d'un rapport préliminaire d'enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF) tendant à établir un éventuel délit d'initié de la part de dirigeants et actionnaires d'EADS, la commission avait organisé, le vendredi 5 octobre 2007, un cycle d'auditions afin d'éclairer la représentation nationale et les citoyens sur les étapes et modalités techniques de l'opération de cession de la moitié de la participation du groupe Lagardère dans EADS et du rôle joué par les différents services concernés de l'Etat. Il a précisé qu'il ne s'agissait donc pas de s'intéresser aux éventuels « délits d'initiés », ni au fonctionnement même d'EADS.
Exposant les trois parties du rapport, outre le rappel de la chronologie et des modalités de la cession des actions d'EADS, il a mis en exergue le caractère « perfectible » de la circulation de l'information au sein des différentes instances gouvernementales et a jugé que les enseignements à tirer de ces travaux devaient conduire à une réforme de la gouvernance publique et notamment du mode de fonctionnement de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Alors même que le collège de l'AMF statuait, le 31 mars 2008, sur le rapport d'enquête, puis notifiait les griefs et s'apprêtait à transmettre au parquet une liste « d'initiés » présumés au sein du groupe EADS, M. Jean Arthuis, président, a fait le constat d'une forme de « connexité » temporelle des travaux de la commission et de l'AMF, soulignant ainsi l'actualité du travail de contrôle de la commission.
Revenant sur les modalités de cession des actions d'EADS, il a observé que la volonté du groupe Lagardère de se désengager partiellement d'EADS était avérée dès l'été 1999 et que les contacts entre le groupe Lagardère, l'Etat et DaimlerChrysler étaient rendus indispensables par les pactes d'actionnaires qui les liaient. La CDC avait été approchée entre octobre 2005 et mars 2006, en vue de la réalisation de la cession d'actions en avril 2006 selon des modalités « atypiques » de cessions à terme. Il a indiqué que ce montage s'inscrivait dans le cadre d'un placement privé à exécution échelonnée et à des conditions de marché, sous forme d'obligations remboursables en actions à parité ajustable (ORAPA). Décrivant ce montage comme « complexe » et présentant notamment des caractéristiques d'intéressement à la hausse du cours de l'action pour le groupe Lagardère moyennant une rémunération élevée pour Ixis CIB, il a jugé que l'avantage fiscal substantiel résultant de cette opération constituait en quelque sorte une « cerise sur le gâteau », mais pas un objectif prioritaire.
Par ailleurs, il a regretté le défaut de coordination entre les différents services de l'Etat, notamment entre Matignon, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'Agence des participations de l'Etat (APE) et la CDC. Dans ce contexte, il a mis en lumière le caractère perfectible de la gestion de l'information par l'Etat sur l'évolution de l'actionnariat d'EADS. L'interposition de deux holdings entre l'Etat et EADS, l'absence de représentation et d'exercice de son droit de veto au sein du conseil d'administration d'EADS et le rôle limité joué par l'APE ont ainsi, selon lui, cantonné l'Etat à un rôle de « figurant ». Il a considéré les lacunes de l'Etat comme la résultante d'une vigilance administrative morcelée et insuffisamment exercée, d'un intérêt limité porté par les responsables politiques au sort des actions cédées par le groupe Lagardère, et d'un défaut d'information sur la situation industrielle d'Airbus.
Il a souligné que si le rapport d'information ne pouvait conduire à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat, il convenait, notamment dans la perspective du prochain examen du projet de loi de modernisation de l'économie, de tirer plusieurs enseignements pour améliorer la gouvernance publique. S'agissant, en premier lieu, de la réforme de la CDC, envisagée par le prochain projet de loi de modernisation de l'économie, il a rappelé que la question de l'exercice effectif de son contrôle restait posée et qu'il était nécessaire de remédier aux lacunes du mode de prise de décision. En second lieu, il a admis que le rôle joué par l'APE dans le suivi de l'actionnariat d'EADS n'appelait pas de critique majeure mais que cette agence gagnerait en transparence en établissant, de manière plus systématique, des comptes rendus des réunions organisées avec les dirigeants des sociétés et des banquiers-conseils. A cet égard, il a jugé opportun de doter l'APE d'un « comité stratégique » dans lequel siègeraient des personnalités indépendantes et reconnues pour leur expérience économique et financière.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que ces travaux étaient le reflet d'une réflexion commune et rappelé qu'ils n'avaient pas pour vocation à interférer dans les procédures juridictionnelle et d'enquête, dans la mesure où il ne relevait pas de la compétence de la commission d'examiner la question d'éventuels « délits d'initiés » dont l'AMF et le parquet étaient saisis. Il a toutefois jugé que la commission avait bien rempli son rôle et clairement établi les dysfonctionnements de la circulation de l'information au sein des services de l'Etat. A cet égard, il a estimé que si l'Etat ne pouvait être considéré comme coupable, pour autant, cette affaire n'était « pas glorieuse » et mettait en lumière les ambiguïtés et imperfections d'un système, dont il a appelé la réforme de ses voeux dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'économie.
Mme Nicole Bricq a indiqué que malgré la fin de non-recevoir opposée, fin 2006, au groupe socialiste de constituer une commission d'enquête, elle se félicitait d'avoir participé à la série d'auditions publiques organisées promptement par la commission et ouvertes à l'ensemble des sénateurs. Elle a salué une « vraie valeur ajoutée » dans cette démarche, indiquant qu'elle s'inscrivait pleinement dans l'activité sénatoriale de contrôle. A cet égard, elle a souhaité que soit mise à l'étude la création d'une procédure de contrôle simplifiée et pluraliste.
S'agissant des enseignements retirés des auditions, elle s'est interrogée sur l'état réel de l'information de l'ensemble des acteurs et a fait le constat d'une « endogamie » des décideurs publics et privés du secteur, qui lui semblait être un facteur de doute. En outre, elle s'est étonnée du peu d'intérêt manifesté par l'administration dans la cession d'actions d'une entreprise que M. Dominique de Villepin, lors de son audition devant la commission, avait lui-même qualifiée de « hautement stratégique ». Aussi, elle a appelé de ses voeux l'ouverture d'un débat sur le rôle de l'APE afin que le caractère stratégique des participations de l'Etat ne soit pas négligé au bénéfice du seul intérêt patrimonial.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé le souci de réactivité qui avait animé la commission dans la conduite de ses travaux alors que la constitution d'une commission d'enquête aurait imposé une procédure nécessairement plus lourde et plus longue.
En réponse à M. Yann Gaillard, qui s'interrogeait sur un lien éventuel entre le départ évoqué par voie de presse de M. Dominique Marcel, directeur financier de la CDC, et le déroulement de « l'affaire EADS », il a indiqué que ce dernier se trouvait pour l'heure toujours en poste.
M. Paul Girod a regretté que les missions de l'APE ne s'appuient pas davantage sur des considérations d'ordre stratégique, privant ainsi les indicateurs de performance d'un réel contrôle politique.
La commission a alors décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication de ses travaux relatifs aux conditions d'évolution de l'actionnariat d'EADS sous la forme d'un rapport d'information, cosigné par MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, et Mme Nicole Bricq.
Mercredi 2 avril 2008
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.Contrôle budgétaire - Sports - Droit à l'image collective des sportifs professionnels - Communication
La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Michel Sergent, rapporteur spécial, sur son contrôle budgétaire relatif au droit à l'image collective des sportifs professionnels.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé que les deux derniers débats budgétaires sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » avaient été dominés par le coût du droit à l'image collective (DIC) des sportifs professionnels, créé par la loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004.
Ce dispositif, qui permet, sous certaines conditions, d'exonérer de cotisations sociales jusqu'à 30 % de la rémunération des sportifs, avait conduit à des remboursements à l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) sur le programme « Sport ». A ce titre, 32 millions d'euros avaient été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008 et, au vu de la modicité des crédits du sport, l'apparition d'une telle ligne avait abouti à des arbitrages douloureux, ce qui avait conduit le rapporteur à s'interroger sur l'efficacité du DIC.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, souhaitant revenir sur le contexte de son adoption par le Parlement, a rappelé que, le 15 décembre 1995, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) par son arrêt dit « Bosman » avait déclaré les règlements de l'Union européenne de football amateur (UEFA) instaurant des quotas liés à la nationalité contraires à l'article 39 du Traité de Rome sur la libre circulation des travailleurs entre les Etats membres de l'Union européenne (UE). L'abolition des quotas de joueurs communautaires à partir de la saison 1996-1997 a instauré une concurrence « sauvage » sur le marché du travail des sportifs. De plus, cette libéralisation s'est déroulée dans des conditions non harmonisées en Europe et pénalisantes pour les clubs français, moins riches que leurs homologues européens, subissant un niveau élevé de charges sociales et mieux encadrés financièrement.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, a indiqué que M. Jean-François Lamour, alors ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, avait, dans ce contexte, demandé un rapport sur « certains aspects du sport professionnel » à M. Jean-Pierre Denis, inspecteur des finances. Il a relevé que l'instauration d'un « droit à l'image collective » avait été la principale proposition de ce rapport, remis au ministre en novembre 2003. Il a noté que cette proposition avait ensuite été reprise par MM. Edouard Landrin et Jean-Marie Geveaux, alors députés, dans une proposition de loi, devenue la loi du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel.
Souhaitant dresser un bilan du DIC trois ans après sa création, M. Michel Sergent, rapporteur spécial, a constaté que ce dispositif était très populaire auprès du public visé : en effet, trois disciplines (football, rugby, basket-ball) l'ont adopté dès l'origine et mis en place en 2005, le cyclisme ayant suivi en 2006 tandis que le handball devrait en bénéficier dès la prochaine saison (2008-2009). Il a précisé qu'à ce jour 1.267 sportifs bénéficiaient du DIC.
Il a évoqué le grand attachement du monde sportif au DIC, que lui ont exprimé l'ensemble des personnalités auditionnées au cours de son contrôle budgétaire. Il a noté que, outre son aspect financier, les acteurs y voyaient un signe de soutien des pouvoirs publics dans le contexte concurrentiel précédemment décrit.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, s'est ensuite interrogé sur la réalité du DIC, précisant qu'il s'agissait certes d'un succès relatif, mais dont il convenait de prendre la mesure.
En termes d'écart de charges sociales, il a noté que le but était en partie atteint puisque, selon une étude du cabinet Deloitte, l'écart de charges entre la France et ses voisins avait été réduit de moitié par le DIC : alors qu'en 2001, le coût total du salaire net d'un footballeur était de 100 en France contre 60 à l'étranger, en 2006, cet écart avait été ramené de 100 à 80 avec les principaux championnats européens.
Il a cependant relativisé la réussite du DIC, expliquant que, ramené à l'ensemble du budget des clubs, le DIC représentait un avantage de l'ordre de 3 %, chiffre constaté aussi bien dans un club de basket que dans un club de rugby d'élite ou dans une « grosse écurie » de L1 de football. Dès lors, il a considéré que si le DIC pouvait constituer un utile complément au budget des clubs, il n'apportait pas de réponse à la mesure des déséquilibres du sport européen, en particulier du football.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, a estimé qu'une action efficace ne pouvait être menée qu'à un niveau international, par exemple en encourageant l'action de M. Michel Platini, président de l'UEFA, tendant à renforcer le contrôle financier des clubs européens, ou en soutenant des initiatives tendant à limiter les transferts internationaux de joueurs. Il a espéré que l'inclusion d'un article sur la spécificité du sport dans le traité de Lisbonne puisse permettre d'avancer sur cette voie.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, a ensuite évoqué le coût du DIC pour le budget de l'Etat. Il a indiqué que les exonérations relevées par l'ACOSS s'étaient élevées à 13,3 millions d'euros en 2005, à 21,2 millions d'euros en 2006 (+ 59 %) et à plus de 26 millions d'euros en 2007 (+ 23 %). Puis, après avoir relevé l'approximation des inscriptions budgétaires au titre du DIC dans les projets de loi de finances pour 2006 et 2007, il a déclaré que cette dépense pesait lourdement sur les crédits du programme « Sport ». En effet, les 32 millions d'euros inscrits au titre du DIC représentent plus de 15 % des crédits de paiement de ce programme dans la loi de finances pour 2008.
De plus, M. Michel Sergent, rapporteur spécial, s'est inquiété du caractère « incontrôlable » de cette dépense, notant, d'une part, que de nouvelles disciplines pouvaient intégrer le dispositif et, d'autre part, que l'évolution des recettes des clubs de football était imprévisible.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, a conclu qu'au vu de son efficacité relative et de son coût élevé, il apparaissait nécessaire de réformer le DIC.
Toutefois, il s'est dit défavorable à la suppression du DIC expliquant que, si tout devait être fait pour que le paysage du sport européen évolue, les clubs français avaient, pour l'heure, besoin de soutien. De plus, il a indiqué que les conventions collectives et les contrats pluriannuels clubs-joueurs avaient été construits en tenant compte du DIC et qu'il serait donc malvenu de bouleverser l'économie générale du sport en supprimant cette mesure.
Puis, après avoir examiné l'hypothèse d'une baisse de la fraction de la rémunération des sportifs exonérable au titre du DIC, il a exprimé sa préférence pour un plafonnement du dispositif, qui ne toucherait pas les clubs les plus modestes et qui garantirait un meilleur contrôle de la dépense à long terme. Il a conclu son propos en indiquant qu'un plafond s'établissant à 15 fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 41.595 euros bruts par mois, lui paraissait correspondre à la réalité actuelle du sport de haut niveau car il s'agit du salaire moyen des footballeurs de Ligue 1.
Un large débat s'est ensuite instauré.
M. Jean Arthuis, président, ayant constaté que le DIC s'inscrivait, pour ce qui concerne le sport professionnel, dans la problématique plus large de la délocalisation des compétences, a remercié M. Michel Sergent, rapporteur spécial, d'avoir « ouvert des pistes » de réflexion.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, a estimé que cette communication prenait bien en compte les enjeux auxquels doivent faire face les clubs professionnels. Il a regretté que, malgré l'entrée en vigueur du DIC, « l'exode » des meilleurs sportifs vers l'étranger continue et concerne même désormais de très jeunes joueurs. Il a souhaité qu'une réflexion sur une limitation du nombre des joueurs étrangers alignés sur le terrain puisse avancer, relevant, à cet égard, que l'Angleterre pourrait s'y montrer favorable, le succès de ses clubs du fait de la présence de nombreuses vedettes étrangères semblant pénaliser, dans une certaine mesure, son équipe nationale.
Après avoir de nouveau salué la démarche du rapporteur spécial, il a conclu son propos en s'inquiétant de la puissance des intérêts financiers liés au sport, en particulier au football.
M. Jean Arthuis, président, a observé que l'équipe de France de football pouvait paradoxalement bénéficier de la présence de nombreux joueurs français dans les meilleurs clubs étrangers. Il a également souligné que les clubs français étaient, d'une certaine façon, des entreprises immergées dans la concurrence européenne et que leurs difficultés conduisaient à s'interroger sur les modalités de financement de la protection sociale.
M. Jean-Paul Emin a jugé intéressante la démarche du rapporteur spécial consistant à évaluer le DIC trois ans après son entrée en vigueur. Il a estimé que ce dispositif avait également profité aux « deuxièmes divisions » des disciplines concernées. Il a également souligné que le DIC avait contribué à moraliser certaines pratiques de rémunération du monde sportif et que son coût devait être apprécié en prenant en compte le surcroît de recettes fiscales qu'il a engendré.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, a exprimé ses doutes quant à une stabilisation spontanée du coût du DIC pour le programme « Sport », faisant valoir que son assiette allait augmenter du fait de son application à de nouvelles disciplines, comme le handball, et que l'évolution de la masse salariale des clubs était largement imprévisible. Il a également expliqué que le surcroît de recettes évoqué par M. Jean-Paul Emin n'alimentait pas les crédits de ce programme. Par ailleurs, il a indiqué avoir rencontré quelques difficultés à obtenir certains chiffres auprès de l'ACOSS.
M. Jean Arthuis, président, a estimé que la distinction entre budget de l'Etat et comptes sociaux semblait parfois relever de « l'artifice ». De plus, il a relevé que la forte augmentation des budgets des clubs et de la rémunération des sportifs ces dix dernières années avait été alimenté, en grande partie, par l'augmentation des droits de retransmission des manifestions sportives.
Après une intervention de M. François Trucy, M. Jean-Paul Emin s'est demandé s'il convenait de revoir également les dispositions similaires au DIC dont bénéficient les artistes interprètes.
En réponse, M. Michel Sergent, rapporteur spécial, a observé que, du fait de l'ancienneté du dispositif dont bénéficient les artistes interprètes, les crédits de la mission « Culture » n'avaient pas à supporter le remboursement des exonérations de cotisation sociales à l'ACOSS.
M. Jean Arthuis, président, a déclaré que ce débat posait la question des liens entre le budget de l'Etat et celui de la protection sociale.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, a rappelé qu'au-delà de son impact financier, il convenait de garder en mémoire que l'objectif du DIC était de conserver, voire d'attirer les meilleurs sportifs professionnels sur le sol français.
Après une intervention de M. Michel Moreigne, la commission a décidé, à l'unanimité, de publier ces travaux sous la forme d'un rapport d'information.
Economie mondiale - Situation économique et financière - Audition de Mme Mathilde Lemoine, directeur des études économiques et de la stratégie « marchés » de HSBC France, de MM. Michel Aglietta, professeur d'économie à l'université de Paris X, et Marc Touati, directeur général délégué de la société d'investissement Global Equities
Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Mathilde Lemoine, directeur des études économiques et de la stratégie « marchés » de HSBC France, de MM. Michel Aglietta, professeur d'économie à l'université de Paris X, et Marc Touati, directeur général délégué de la société d'investissement Global Equities, sur la situation économique et financière internationale.
M. Jean Arthuis, président, a signalé que cette audition était ouverte à tous les sénateurs, ainsi qu'à la presse, afin de permettre l'information la plus large. Il a souhaité qu'elle contribue à une meilleure appréhension des difficultés économiques actuelles nées, à l'été 2007, de la crise américaine dite des « subprimes », et du risque de diffusion à la sphère économique « réelle » de la crise affectant la sphère financière.
Mme Mathilde Lemoine a jugé que cette crise financière était grave, en raison de sa nature de « crise de confiance » et de sa diffusion à l'ensemble de l'économie. Elle a expliqué cette diffusion par la titrisation des prêts immobiliers « subprimes » : la crise immobilière américaine, entraînant une dévalorisation de ces actifs titrisés, avait rapidement conduit à une crise financière globale. Elle a indiqué que les pertes subies par les acteurs financiers américains en 2007 étaient estimées à hauteur de 200 milliards de dollars, mais que les économistes ne pouvaient pas évaluer l'ampleur des pertes futures, qui dépendraient de l'évolution du secteur immobilier américain. Or elle a précisé que les agences de notation, à ce jour, avaient seulement dévalué 9 % des titres RMBS (« Residential mortgage backed securities ») adossés à des crédits immobiliers « subprimes ». Ces derniers étaient estimés, au total, à près de 900 milliards de dollars.
Puis elle a indiqué que la crise financière produisait déjà des effets sur la sphère économique « réelle » aux Etats-Unis, où l'on observait un resserrement du crédit, la dégradation de la confiance des ménages, une baisse du niveau d'emploi et une réduction des perspectives d'activité. En zone euro, la crise, pour le moment, touchait essentiellement le marché interbancaire, par la suite de l'augmentation des coûts de refinancement et des primes de risques. Cependant, on s'attendait à un impact sensible sur l'Europe puis sur la France, du fait du frein aux exportations constitué par le niveau de l'euro au regard du dollar, du ralentissement de la demande, notamment américaine, et du ralentissement de l'investissement des entreprises lié au resserrement du crédit.
Elle a précisé que le décalage dans le temps, par rapport au cycle économique américain, était ordinairement de 2,2 trimestres pour la zone euro et de 3,8 trimestres pour la France.
M. Michel Aglietta a déclaré partager l'essentiel de ces analyses, et a formulé plusieurs observations complémentaires.
En amont de la crise, il a mis en relief « l'excroissance » du secteur financier, en indiquant que la part de celui-ci, aux Etats-Unis, dans le total des profits du secteur privé, s'était élevé à 40 % en 2007, contre environ 10 % dans les années 1980, alors que ce secteur ne représentait que 15 % de la valeur ajoutée et 5 % des emplois privés américains. Cette « rente financière » avait été prélevée, essentiellement, au bénéfice des intermédiaires de la finance de marché, dont les banques d'investissement et les « hedge funds ».
En effet, il a estimé qu'un nouveau « modèle » de crédit avait été mis en place. Au modèle « classique » de la banque de détail, dans lequel le profit est fonction du risque supporté par la banque qui a accordé le crédit, s'était substitué le modèle de la banque d'investissement, dans lequel le crédit est vendu par les établissements financiers, au lieu d'être porté à leur bilan, de telle sorte que le risque associé à ce crédit se trouve éloigné. Ce modèle emportait deux conséquences : d'une part, une asymétrie de l'information entre les emprunteurs et les investisseurs, porteurs du risque afférent au crédit ; d'autre part, une dégradation massive de la qualité de ce crédit, les informations habituelles n'étant plus recueillies auprès des emprunteurs.
Il a mis en évidence l'intervention, dans le processus de la titrisation, de banques dites « fantômes », structures externalisées par les banques d'affaires afin d'éviter d'inscrire à leur bilan les crédits titrisés. Ce système porte des actifs « illiquides » (dont les RMBS et les CDO, « collateralized debt obligations »), se finance à très court terme et ne fait pas l'objet d'une régulation. Pour M. Michel Aglietta, il se situe au coeur des dysfonctionnements qui ont conduit à la crise financière de l'été 2007, le marché n'ayant pas joué de rôle « autorégulateur ».
En aval de la crise, il a estimé que les banques centrales, afin d'assurer le « sauvetage » des banques, avaient innové. En effet, leur rôle traditionnel de « prêteur en dernier ressort », consistant à injecter de la liquidité pour garantir l'effectivité du système de paiement, avait eu tendance à céder le pas, selon lui, à une fonction de « socialisation des pertes », assurant la stabilité du système financier dans son ensemble. Ce changement s'était traduit, notamment, par le rachat de prêts immobiliers de la part de la Réserve fédérale américaine, qui avait ainsi décidé de prendre un risque collectif. Il a reconnu que cette action de la puissance publique avait « évité le pire » au système financier américain, dans l'incapacité de s'autoréguler.
Au-delà de ces mesures d'urgence, il a évoqué deux interventions nécessaires de « remise en ordre » du système financier. La première consiste à placer les banques de dépôt, les banques d'investissement et les banques « fantômes » sous un même contrôle des banques centrales. Selon lui, il s'agit de la conséquence à tirer du développement de la titrisation, et d'une contrepartie légitime de la nouvelle mission des banques centrales tendant à garantir l'équilibre du système bancaire. Parallèlement, il a appelé de ses voeux la régulation des places actuellement « off shore ». A défaut, les efforts de régulation déployés en direction des banques d'investissement resteraient vraisemblablement illusoires.
La seconde évolution préconisée tient au passage de l'actuelle domination du système financier par des investisseurs aux préoccupations de rendement à court terme, vers un système assis sur des investisseurs institutionnels en capital, publics ou privés, privilégiant le long terme. A cette fin, il a proposé que la réglementation soit modifiée pour permettre à ces investisseurs d'évaluer, notamment, les crédits titrisés. Il a souligné que cette évaluation restait impossible tant que les agences de notation ne détaillaient pas la composition des actifs sur lesquels se trouvaient assis les titres dérivés. Il a également appelé à une plus grande transparence, de la part des banques d'investissement comme des agences de notation, afin d'autoriser une évaluation contradictoire des risques.
Evoquant la « crise de la tulipe » que la Hollande avait connue au XVIIe siècle, M. Marc Touati a souligné que la spéculation, et par conséquent le phénomène de « bulle », étaient inhérents au marché. Selon lui, la crise financière constituant la sanction d'une spéculation excessive, elle devait être tenue pour un évènement économiquement sain. En particulier, à ses yeux, elle ne remettait pas en cause la légitimité de la titrisation, mais appelait à une meilleure gestion des risques. Par ailleurs, bien qu'il en reconnaisse la gravité, il a déclaré ne pas croire qu'elle affecterait durement l'économie « réelle ».
En premier lieu, il a rappelé qu'alors que la Réserve fédérale américaine, en 1929, n'avait pas pris la pleine mesure de la crise, au contraire, en 2007, elle avait réagi, quoique tardivement, en mettant en oeuvre d'importantes mesures d'urgence. Il a estimé que le point le plus grave de la crise était déjà atteint aux Etats-Unis. Selon lui, on peut s'attendre à une baisse du PIB américain au premier trimestre 2008 et à une reprise progressive de la croissance américaine à compter du troisième trimestre 2008. Il a fait part de son « optimisme » sur une reprise de cette croissance, « courant 2009 », au niveau de 3 % du PIB.
En second lieu, il a fait observer que la crise et le ralentissement de la croissance dans les pays développés n'avaient pas affecté la croissance des pays émergents. Il a rappelé qu'en 2007 ils avaient engendré 65 % de la croissance mondiale, et qu'une performance semblable était attendue pour l'année 2008. Il n'y avait donc pas de pénurie de liquidités au niveau mondial. A preuve, le cas de la Chine, dont les réserves de change pourraient dans les prochaines années dépasser le niveau du PIB français, et celui des fonds « souverains ». Il a remarqué que ces investisseurs intervenaient sur des marchés boursiers où les actifs de toutes les catégories d'entreprises, et non seulement des banques, se trouvaient sensiblement dévalorisés. Aussi, selon lui, une profonde redistribution de la détention du capital, en termes de nationalité, était en cours, dont la France serait largement absente, faute de disposer de vrais fonds d'investissements.
Dans ce contexte, il a considéré que l'explosion de la « bulle Internet », en 2001, avait constitué une crise plus grave que celle des « subprimes ». En effet, cette dernière était avant tout bancaire, alors que la crise « Internet » se trouvait liée à un surinvestissement, qu'il avait fallu amortir. Il a indiqué que l'investissement privé aux Etats-Unis poursuivait son développement, malgré la crise. Selon lui, l'abaissement de ses taux directeurs par la Réserve fédérale, la faiblesse relative du dollar et la relance budgétaire importante qui était en cours ne pouvaient que conduire à un rapide redémarrage de la croissance économique du pays.
Au contraire, il a estimé que l'économie européenne courait un risque particulier du fait de l'inversion de la courbe des taux d'intérêt à long et à court termes, le niveau des taux à 10 ans s'avérant actuellement plus bas que celui du taux interbancaire à trois mois. Il a souligné que, dans ces conditions, les banques se trouvaient empêchées de pratiquer leur métier fondamental de financement à court terme. En conséquence, d'après lui, il revenait à la Banque centrale européenne (BCE) d'abaisser ses taux de référence.
Il a indiqué qu'il anticipait pour 2008 une croissance de 1,6 % du PIB dans la zone euro, et de 1,4 % du PIB en France, avec un déficit budgétaire de 3 % du PIB, pour un redémarrage progressif, en 2009, sous la condition d'une baisse des taux d'intérêt à court terme et d'une baisse du cours de l'euro par rapport à celui du dollar.
Mme Mathilde Lemoine, pour sa part, a fait état d'une prévision pour la croissance française à hauteur de 1,6 % du PIB en 2008, et de 1,4 % du PIB en 2009. M. Michel Aglietta a avancé une prévision de 1,5 % du PIB pour ces deux années.
Un large débat s'est alors engagé.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord soulevé deux questions. D'une part, la crise des « subprimes », compte tenu de la confusion dans la transmission des risques qu'elle avait révélée au sein du système économique, n'appelait-elle pas à renforcer la spécialisation des acteurs financiers, notamment par le rétablissement de distinctions claires entre banque de dépôt et banque d'investissement, à rebours de l'évolution récente ?
D'autre part, quelle devrait être la contrepartie de l'injection de liquidités dans le système financier à laquelle procédaient les banques centrales ? Il a souhaité savoir si les banques centrales, en particulier la BCE, étaient susceptibles de connaître des difficultés du fait de leurs engagements sur des actifs risqués.
Par ailleurs, il a fait remarquer que les fonds « souverains », en tant que tels, demeuraient une notion abstraite. Selon lui, la réalité de ces fonds décrivait un large éventail de combinaisons entre des intérêts patrimoniaux et des intérêts étatiques, incarnées par des acteurs et des modes de gouvernance très divers.
En réponse à la première question, M. Michel Aglietta a fait valoir que, si en 1929 la crise avait logiquement conduit à une distinction entre banque d'affaires et banque d'investissement, la division du travail du secteur financier était désormais fondée, non sur les institutions, mais sur les produits, par la voie de l'éclatement des risques en facteurs élémentaires, ce que permettaient les dérivés. En conséquence, il a estimé qu'une spécialisation institutionnelle n'était pas pertinente, mais qu'il fallait, au contraire, promouvoir une homogénéisation des modes de contrôle, afin que les banques de dépôt, les banques d'investissement et les « hedge funds » soient tous traités comme des entités créatrices de crédit. Il a donc préconisé que leur activité se trouve encadrée par des règles prudentielles strictes et identiques.
M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si les régulateurs prudentiels n'auraient pas dû se montrer plus attentifs qu'ils ne l'avaient été quant aux risques spécifiques présentés par les « hedge funds ».
M. Michel Aglietta a fait valoir la difficulté de cette tâche, dans la mesure où les « hedge funds », pour la plupart, n'étaient pas connus, faute d'enregistrement, et compte tenu du fait que leur activité ne se trouvait pas soumise à une obligation de « reporting ». Il a appelé à les faire sortir d'une situation de « non-droit », préjudiciable à la transparence de l'information du marché.
Mme Mathilde Lemoine a admis que la crise des « subprimes » avait révélé une défaillance dans la supervision du système financier. Elle a rejoint l'analyse de M. Michel Aglietta quant à la nécessité d'appliquer des règles communes à l'ensemble des acteurs financiers. Elle a également appelé les régulateurs, la BCE comme les banques centrales nationales, à remplir effectivement leur rôle. Dans cette perspective, elle a préconisé l'instauration d'un ratio de liquidité des produits financiers, harmonisé dans la zone euro.
M. Marc Touati s'est rallié à ces propos. Il a ajouté que l'absorption des risques pris par les banques d'investissement pourrait conduire à une minimisation des prises de risques des banques de détail. Un rationnement du crédit, de fait, était probable. En outre, il a envisagé l'année 2009 comme une année de restructuration bancaire importante.
Réagissant à la seconde question formulée par M. Philippe Marini, il a reconnu que les banques centrales avaient pris des risques lourds afin d'encourager le redémarrage économique. Il a estimé que l'enjeu justifiait cette prise de risque.
Par ailleurs, il a abondé dans le sens des remarques de M. Philippe Marini concernant les fonds « souverains ».
Revenant sur la prise de risques par les banques centrales, M. Michel Aglietta a fait observer que les contreparties de l'injection de liquidités par les banques centrales dépendaient du système propre de chaque zone monétaire. Il a présenté les différences existant, à cet égard, entre le système américain et le système européen. En outre, il a indiqué que les banques centrales, dans le cadre de la crise des « subprimes », avaient dû prêter des liquidités, de manière exceptionnelle, jusqu'à trois mois et non seulement au jour le jour.
Mme Mathilde Lemoine a ajouté que la Réserve fédérale américaine, dont elle a souligné l'intervention dynamique en acceptant de prendre en charge des RMBS notés « AAA », laissait supposer la pertinence de cette notation qui, pourtant, pouvait être mise en doute. Par ailleurs, elle a estimé nécessaire de définir la responsabilité des banques centrales dans des opérations de ce type.
M. Marc Touati a déclaré qu'une baisse de ses taux directeurs par la BCE constituerait, à ses yeux, la seule véritable voie de sortie de la crise pour l'Europe.
M. Jean Arthuis, président, a fait part de sa circonspection sur ce sujet. En effet, il a rappelé que le faible niveau des taux d'intérêt avait participé au déclenchement de la crise en cours, car il avait permis le développement de la survalorisation des actifs.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, a évoqué la situation d'Airbus, parvenant à réaliser 50 % de parts de marché malgré la concurrence de Boeing, alors que la recherche aéronautique bénéficiait d'environ 600 millions de dollars aux Etats-Unis, contre 60 millions d'euros en Europe. Il s'est demandé ce que devrait faire l'Union européenne en vue de soutenir l'activité d'Airbus, dont la compétitivité se trouvait affaiblie en raison du niveau de parité entre l'euro et le dollar.
M. Marc Touati a rappelé que le niveau de l'euro dépendait avant tout du marché. Il a observé que les dirigeants européens ne s'étaient pas accordés pour communiquer sur les désavantages économiques que présentait un euro « fort ». Par ailleurs, il a indiqué que l'inflation constatée en Europe ne résultait pas d'un excès de la demande, mais de tensions internationales sur les marchés de l'énergie et des denrées alimentaires. Il a souligné les risques que pourrait présenter la création d'une « bulle » spéculative sur les matières premières, situation qui requérait une baisse rapide des taux directeurs de la BCE.
Mme Mathilde Lemoine a reconnu que le niveau de l'euro était trop élevé, au regard de sa valeur d'équilibre, par rapport au dollar. En outre, elle a indiqué que l'économie française, dans la pratique, pâtissait de deux facteurs : non seulement une difficulté à réaliser une compétitive « hors prix », en termes de qualité de service et d'innovation, mais, de plus, une stabilité des prix des importations, même en cas d'appréciation de l'euro, au contraire de ce que connaissait l'économie allemande. Cette situation, qui ne trouvait pas d'explication macroéconomique, semblait résulter de l'absence de contrats régulièrement renégociables entre les entreprises françaises et leurs fournisseurs étrangers.
Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, elle a précisé que les prix à la consommation du textile, depuis 2001, étaient stables en France, alors qu'ils avaient baissé de plus de 10 % en Allemagne.
M. Michel Aglietta a souligné les spécificités de l'activité des avionneurs, qui connaissaient un temps de retour sur leurs investissements particulièrement long, compte tenu de la durée nécessaire au développement des avions, et, d'autre part, réalisaient leurs ventes en dollars. Dans ces conditions, la structure des prix du marché s'avérait défavorable à la société Airbus, dont les coûts de production se trouvaient libellés en euros. Elle se voyait donc contrainte de délocaliser ses structures de production en zone dollar.
Par ailleurs, il a rejoint les propos de M. Jean-Paul Emorine relatifs au déséquilibre que subissait Airbus, par rapport à Boeing, en termes d'efforts de recherche.
M. Joël Bourdin a souhaité savoir s'il était possible d'évaluer les effets sur la croissance économique française d'une appréciation de l'euro par rapport au dollar. Il s'est également interrogé sur les conséquences de l'évolution de l'économie américaine à la suite de la crise des « subprimes », notamment le resserrement du crédit, sur l'économie européenne. Il a rappelé que l'endettement des ménages américains constituait un moteur essentiel de la croissance dans les pays développés.
Mme Mathilde Lemoine a indiqué que, selon ses modèles économétriques, une hausse de 10 % du cours de l'euro entraînait une perte de 0,4 point de PIB pour la croissance française et de 0,27 point de PIB pour la croissance européenne. S'agissant de l'économie américaine, chaque dollar de création de richesse supplémentaire, qu'il s'agisse de crédit immobilier ou de valorisation d'actifs, engendrait une augmentation de la consommation à hauteur de 5,8 cents. Dans la mesure où la crise des « subprimes » s'analysait comme une crise de la confiance des acteurs du marché, la croissance économique américaine ne pourrait reprendre que lorsque le marché immobilier des Etats-Unis aurait atteint son point bas, attendu pour la fin de l'année 2009. En réponse à une demande de M. Jean Arthuis, président, elle a précisé que le secteur du bâtiment représentait environ 15 % du PIB américain.
M. Michel Aglietta a rappelé que, depuis le milieu de la décennie 2000, le taux d'endettement des ménages avait crû d'une façon continue, de sorte que les revenus avaient augmenté moins rapidement que la consommation. Dès lors, la relance de la croissance par l'incitation à un nouvel endettement des ménages ne serait pas de bonne politique économique. Le problème s'énonçait en ces termes : comment maintenir un niveau de croissance suffisant tout en rééquilibrant le niveau de la consommation et celui des revenus ? Dans ce cadre, la poursuite, par les entreprises, de forts profits à court terme, ne constituait pas une stratégie tenable. Au contraire, il a plaidé pour un développement du crédit, par les banques, en rapport avec le capital disponible, grâce à l'action d'investisseurs institutionnels sur le long terme.
M. Jean Arthuis, président, a fait part de ses préoccupations quant à l'importance de la spéculation permise par les opérations de LBO (« leveraged buyout »).
M. Marc Touati a confirmé que la crise financière aurait une incidence sensible sur l'économie « réelle ». Cependant, il a estimé que la stabilité des taux d'intérêt dans les années à venir garantirait la soutenabilité de l'endettement et que la réactivité des banques centrales devrait permettre d'éviter une crise économique grave.
Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur la possibilité de réformer le système financier, ainsi que l'avait préconisé M. Michel Aglietta, alors que cette réforme ne pouvait se trouver utilement conduite qu'au niveau international. D'autre part, elle a souhaité savoir dans quelle mesure les prévisions pour la croissance française mentionnées par les personnes auditionnées intégraient l'impact de la crise en cours. Rappelant que le gouvernement avait estimé que la France résisterait mieux que ses partenaires européens à la crise, elle s'est demandé quels éléments pouvaient étayer cette analyse.
Mme Mathilde Lemoine a indiqué que les prévisions qu'elle avait citées intégraient l'impact de la crise financière, notamment l'appréciation de l'euro, le ralentissement de l'investissement et celui de la demande mondiale, en considérant que les Etats-Unis ne devraient pas connaître de récession mais, selon elle, une croissance faible, à hauteur d'1,5 % en 2008 et d'1,2 % en 2009. Ces prévisions tenaient également compte des mesures adoptées en faveur du pouvoir d'achat des ménages.
Elle a estimé que la France pouvait être considérée comme moins exposée que l'Allemagne à la crise, puisque son économie dépendait moins du commerce extérieur et, par conséquent, se trouverait moins affectée par le ralentissement de la demande mondiale.
M. Marc Touati a indiqué que ses prévisions, qui intégraient le rationnement du crédit et le niveau élevé du cours de l'euro, restaient « optimistes ». Aussi, une tension particulière sur le marché ou l'absence de baisse des taux d'intérêt pourrait conduire à de moindres performances de l'économie française.
Cette dernière devait enregistrer en 2008, pour la sixième année consécutive, l'une des plus faibles croissances de la zone euro en moyenne annuelle. Selon lui, il était donc difficile de se féliciter de cette croissance. Il a précisé que la conjoncture, qui faisait peser sur la France un risque « social », appelait une politique de relance, que la baisse des recettes fiscales liée à la crise rendait cependant problématique.
M. Michel Aglietta a relevé des signes politiques « encourageants », aux Etats-Unis, en faveur d'une meilleure régulation du système financier, qui engloberait l'ensemble des acteurs. Toutefois, on ne pourrait envisager une phase de réalisation de ce projet qu'après la résolution de la crise en cours. Il a également signalé les travaux de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) sur la régulation prudentielle, qui témoignaient, selon lui, d'un travail en profondeur.
M. François Marc a estimé que, si la recherche de profits considérables par le système financier avait constitué un moteur essentiel dans le déclenchement de la crise des « subprimes », il convenait de s'intéresser au rôle déterminant des modes de rémunération des acteurs du système, afin de les encadrer en tant que de besoin. Il s'est demandé quelle était, sur ce plan, la capacité collective de régulation.
M. Michel Aglietta a considéré que la crise, effectivement, avait mis au jour les défaillances de la gouvernance du système financier, en faisant apparaître une survalorisation des « traders » au détriment des fonctions de « back office » et de « middle office ». En France, « l'affaire » de la Société générale constituait une illustration de cette tendance. A nouveau, il a donc préconisé le développement d'un actionnariat institutionnel, par exemple les fonds « souverains », dont les stratégies de long terme seraient de nature à assurer la stabilité du système et, à la fois, une pression sur les rémunérations de ses acteurs.
M. Jean Bizet a voulu savoir à quelle évolution de la parité entre l'euro et le dollar on devait s'attendre dans les prochains mois.
Mme Mathilde Lemoine a fait état de la prévision d'une stabilité jusqu'à l'été 2008, qui serait suivie d'une remontée du cours du dollar par rapport à l'euro dès lors que la BCE détendrait ses taux de référence. Dans ces conditions, on pourrait retrouver en 2009 un niveau de parité de 1,35 dollar pour 1 euro. Elle a précisé que l'arrêt des opérations de titrisation, consécutif à la crise des « subprimes », constituait un élément d'appréciation du dollar. A l'inverse, les tendances inflationnistes qu'on observait dans un certain nombre de pays émergents pouvaient exercer une pression à la baisse sur le dollar, du fait de l'appréciation des devises de ces pays, mais elle a indiqué qu'un tel scénario, pour le moment, n'était pas retenu par les prévisionnistes.
M. Michel Aglietta a jugé que des prévisions fiables, en matière de change, était impossibles. Il a posé les termes de l'alternative pour l'avenir du dollar : soit cette monnaie rétablira sa situation dominante, comme elle l'avait fait à l'issue des crises de 1973 et 1987, soit elle subira durablement la rivalité de l'euro dans la compétition pour la fonction de « monnaie internationale ». En outre, si la récente volatilité du dollar se confirmait, ce qui témoignerait d'une perte de confiance dans le système américain, l'Asie pourrait mettre en oeuvre des accords souples de coopération monétaire, en vue de s'émanciper de l'emprise du dollar. Un nouveau système monétaire international, « polycentrique », serait ainsi consacré. Tel était, à ses yeux, un scénario vraisemblable.
M. Jean Bizet a souligné l'importance de l'autonomie commerciale prise par l'Asie, qu'une telle autonomisation monétaire viendrait conforter.
M. Jean Arthuis, président, a remarqué que les pertes du système financier, dans la crise actuelle, avait été en quelque sorte « étatisées », du fait de l'intervention des banques centrales, alors que les profits auparavant réalisés par les acteurs du système étaient restés privés, ayant bénéficié de la libéralisation du secteur. Il a souligné le décalage entre ces profits et la part que le secteur financier représentait dans l'emploi comme dans la valeur ajoutée. En se demandant si la « financiarisation » de l'économie n'avait pas révélé ses limites, il a considéré que les régulations en place devaient être améliorées, par une action nécessairement engagée au niveau international. Par ailleurs, il a souscrit aux recommandations de M. Michel Aglietta en faveur du développement d'investisseurs institutionnels de long terme, parmi lesquels il a cité la Caisse des dépôts et consignations. Enfin, il a souligné que le ralentissement de la croissance, sur lequel débouchait la crise financière, appelait à des réformes structurelles, visant à restaurer la compétitivité nationale.
Marchés d'instruments financiers outre-mer - Examen des amendements
La commission a enfin examiné les amendements sur le projet de loi n° 156 (2007-2008) ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
M. Jean Arthuis, président, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général, a présenté deux amendements du gouvernement portant articles additionnels après l'article unique et tendant à proposer la ratification de deux ordonnances :
- l'ordonnance n° 2007-392 du 22 mars 2007 portant extension et adaptation en Polynésie de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et extension et adaptation de l'aide juridictionnelle en matière pénale à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie ;
- et l'ordonnance n° 2007-235 du 22 février 2007 étendant et adaptant à Saint-Pierre-et-Miquelon le régime des prestations familiales et le dispositif de retraite anticipée des assurés ayant commencé à travailler jeunes et ayant eu une longue carrière.
La commission a décidé de proposer un avis favorable à l'adoption de ces deux amendements.