Mercredi 26 mars 2008
- Présidence de M. Nicolas About, président -Santé - Adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament - Examen du rapport en deuxième lecture
La commission a tout d'abord procédé à l'examen, en deuxième lecture, du rapport de M. Gilbert Barbier sur le projet de loi n° 198 (2007-2008), modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.
M. Gilbert Barbier, rapporteur, a rappelé qu'un important travail de transposition en droit interne de la nouvelle législation européenne en matière de médicament est en cours. En raison du retard pris et afin d'éviter d'être condamné par la Cour de justice des communautés européennes, le Gouvernement a choisi de procéder par ordonnance. Le projet de loi prévoit donc la ratification de l'ordonnance du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament et propose un certain nombre de précisions sur la rédaction de cette ordonnance.
En première lecture au Sénat, une nouvelle habilitation a été accordée au Gouvernement, à sa demande, à la fois pour achever la transposition de la directive relative aux tissus et cellules humains et pour définir le régime de sanctions applicable en cas de non-respect de la réglementation relative aux médicaments humains et aux médicaments vétérinaires. M. Gilbert Barbier, rapporteur, a indiqué avoir reçu l'assurance du Gouvernement que les textes concernés seront prêts dans les prochaines semaines. L'ensemble de ces dispositions a fait l'objet d'un vote conforme à l'Assemblée nationale et n'est donc plus en navette.
En première lecture, l'Assemblée nationale a, à son tour, complété le projet de loi en apportant deux précisions et en adoptant quatre articles additionnels. Elle a d'abord repoussé du 1er avril au 1er juin 2008 l'entrée en vigueur du transfert à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) des compétences détenues par le ministère de la santé en matière de recherches biomédicales. Elle a ensuite modifié une fois de plus la durée de la période transitoire concernant la mise en oeuvre d'un nouveau mode de distribution et de destruction des médicaments non utilisés : compte tenu de l'avancée des travaux du groupe de travail constitué à cet effet, l'échéance peut désormais être ramenée au 31 décembre 2008. L'Assemblée nationale a, par ailleurs, allongé le délai autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à l'extension de dispositions communautaires sociales à différents territoires d'outre-mer ; elle a redéfini les conditions dans lesquelles les pharmaciens d'officine peuvent réaliser des préparations magistrales afin de renforcer les conditions de recours à la sous-traitance pour ces préparations ; enfin, elle a adopté deux articles additionnels pour reprendre des dispositions adoptées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 mais censurées par le Conseil constitutionnel en raison de leur caractère de cavalier social : le premier est relatif aux études post-AMM (autorisation de mise sur le marché), afin d'instituer des sanctions financières pour les entreprises pharmaceutiques qui ne réalisent pas les études prescrites par le comité économique des produits de santé ; le second renforce la régulation des dispositifs médicaux et notamment les conditions de leur prise en charge par l'assurance maladie.
M. Gilbert Barbier, rapporteur, a estimé que ces diverses dispositions, toutes relatives à la réglementation et à la régulation des médicaments et produits de santé, ne nécessitent pas de modification et peuvent donc être adoptées dans le texte de l'Assemblée nationale.
M. François Autain s'est déclaré satisfait de la réduction par l'Assemblée nationale du délai adopté au Sénat concernant la procédure de traitement des médicaments non utilisés. Il a jugé sans grande portée la prorogation de quatre mois du délai de transposition de la directive relative aux cellules souches, dont le contenu pourra toujours être revu dans la future loi bioéthique. Enfin, il s'est interrogé sur les modalités d'application et sur l'efficacité de l'article 8 nouveau sur les études post-AMM. Il a souhaité savoir si elles seraient intégrées à l'accord-cadre avant 2010. Il a rappelé que les études prescrites dans le cadre d'un plan de gestion des risques ne sont pas concernées, ce qui rend aléatoire l'efficacité des dispositions adoptées pour un certain nombre de produits. Il aurait préféré que l'on établisse un lien entre les essais et la réinscription des produits.
M. Nicolas About, président, a reconnu que les études post-AMM soulèvent deux questions : celle du délai d'application des mesures adoptées et celle de la sanction pour les études prescrites dans le cadre d'un plan de gestion des risques.
M. Gilbert Barbier, rapporteur, a rappelé que la sanction principale en matière d'études post-AMM est la révision du prix, cette sanction économique étant particulièrement efficace. Il a fait valoir la difficulté de conduire des études sur une molécule plutôt que médicament par médicament, ce qui explique la situation particulière des plans de gestion des risques.
M. Nicolas About, président, a insisté sur la nécessité d'interroger le ministre en séance sur l'applicabilité de la mesure nouvelle adoptée.
M. François Autain a rappelé que le rapport de la mission d'information du Sénat sur le médicament avait proposé la création d'une enveloppe de crédits pour le financement des études post-AMM, aujourd'hui seulement financées par les laboratoires pharmaceutiques. Les données récemment publiées par la Cour des comptes, montrant que sur 137 études prescrites depuis 1997 seulement seize ont été réalisées, sont loin d'être encourageantes.
M. Gilbert Barbier, rapporteur, a indiqué que le ministère n'envisage pas de financer lui-même ce type d'études en raison de leur coût très élevé. Celles-ci devraient d'ailleurs être conduites au niveau européen.
La commission a alors adopté le texte du projet de loi dans la version votée par l'Assemblée nationale.
Nomination de rapporteurs
Puis la commission a procédé à la nomination de rapporteurs. Elle a désigné :
- Mme Muguette Dini sur le projet de loi n° 241 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
- Mme Sylvie Desmarescaux sur la proposition de loi n° 195 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'extension du chèque emploi associatif ;
- M. André Lardeux sur la proposition de loi n° 245 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la journée de solidarité.
Questions diverses - Auxiliaires de vie scolaire - Formation professionnelle - Fin de vie
Mme Annie David a souhaité savoir si la commission pourrait apporter son soutien à la manifestation que souhaite organiser prochainement au Sénat la fédération des maladies orphelines. Par ailleurs, il conviendrait, à son sens, d'engager une réflexion sur le problème de la reconnaissance et de la formation des auxiliaires de vie scolaire (AVS).
M. Nicolas About, président, a déclaré avoir déjà soutenu la requête de la fédération des maladies orphelines. Sur le second point, il a jugé effectivement important le sujet des AVS. Ceux-ci ne disposent pas encore de perspectives de déroulement de carrière et la validation des acquis de l'expérience (VAE) devrait pouvoir s'appliquer à cette profession. Une question orale avec débat pourrait être déposée par la commission, avec son accord, sur ce thème.
M. Paul Blanc a rappelé que le rapport d'information de la commission du mois de juillet 2007 sur l'application de la loi « Handicap » souligne la nécessité de prévoir un déroulement de carrière et une formation professionnelle adaptée pour les AVS. Cette question soulève plus largement celle de la formation professionnelle en France et il souhaite l'organisation prochaine d'un « Grenelle de la formation professionnelle » en raison des moyens engagés et des défaillances constatées.
Mme Sylvie Desmarescaux a rappelé que les travaux récents de la mission sénatoriale d'information sur la formation professionnelle ont été salués et reconnus de grande qualité. Celle-ci a dénoncé un certain nombre de dérives et fait des propositions dont il conviendrait de tirer les conséquences.
M. Louis Souvet a souhaité savoir si la commission envisage de se pencher sur le problème des sur-irradiés et sur la question de l'euthanasie active posée par l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
M. Nicolas About, président, a indiqué que la justice est actuellement saisie de différentes affaires en matière de sur-irradiés, ce qui rend à ce stade difficile, pour la commission, de s'en saisir.
En ce qui concerne l'euthanasie active, une mission vient d'être confiée à M. Leonetti sur l'évaluation de la loi qui porte son nom. Le cas récent de Mme Sébire, visé par Louis Souvet, est en fait très particulier car la maladie dont cette personne était atteinte n'était pas incurable et des traitements anti-douleur auraient pu être utilisés si la patiente les avait acceptés. Il a reconnu l'intérêt des questions posées par l'ADMD qui ont le mérite de faire avancer la réflexion et aussi de favoriser la réalisation de progrès, par exemple dans le domaine des soins palliatifs. Ceci étant, même si des cas d'exception ou des circonstances extrêmes existent, il lui paraît plus utile et justifié de favoriser la prise en charge et l'accompagnement du malade plutôt que d'organiser une procédure autorisant le suicide assisté. L'expérience montre, malheureusement, qu'il n'est pas si difficile de décourager de vivre les personnes malades ou handicapées en ne leur apportant pas les soins quotidiens qui les aideraient peut-être à mieux supporter leur état. Ne devrait-on pas envisager l'institution d'un « droit opposable à l'humanité » pour éviter les situations de détresse ou de solitude aux personnes en fin de vie, malades ou handicapées ? Il paraît, en tout état de cause, indispensable de protéger la mission première du médecin et de la médecine, qui consiste à favoriser la vie plutôt qu'à donner la mort.
Revenant à la question de la formation, Mme Christiane Demontès a rappelé que, lors du débat sur le projet de loi relatif à la fusion de l'ANPE et de l'Unedic, Mme Christine Lagarde s'était engagée à déposer un projet de loi sur la formation professionnelle à l'automne 2008 et, pour la préparation de celui-ci, à constituer un groupe de travail associant les différents partenaires avant la fin du mois de mars. Il serait utile de savoir où en est ce projet.
Elle a par ailleurs demandé à être associée, dans la mesure du possible, aux auditions du rapporteur sur le projet de loi sur la lutte contre les discriminations, comme elle l'avait été pour la préparation de l'examen du projet de loi relatif au service public de l'emploi.
Mme Muguette Dini, approuvée par M. Nicolas About, président, s'est déclarée très favorable à l'idée d'associer les autres sénateurs de la commission aux auditions qu'elle organisera pour préparer l'examen de ce texte. Elle en transmettra la liste dès que possible.
Revenant sur le sujet de l'euthanasie active, Mme Isabelle Debré a estimé qu'il ne faut pas réagir à chaud sur des faits précis dans un domaine tel que celui de la fin de vie. Elle a dénoncé l'absence totale d'unité de soins palliatifs sur un certain nombre de points du territoire français et les grandes inégalités régionales en la matière.
M. Nicolas About, président, a souligné le caractère indispensable d'une avancée sur la question de l'hospitalisation à domicile et sur les moyens de favoriser la possibilité de mourir chez soi, entouré par les siens et sans souffrir, plutôt que seul dans des espaces sur-médicalisés, comme tel est le plus souvent le cas aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Godefroy a indiqué que le groupe socialiste va déposer une question orale avec débat sur la fin de vie dans le cadre de la prochaine séance mensuelle réservée afin de relancer le débat sur cette importante question au Sénat. Il a rappelé, pour les déplorer, les mauvaises conditions du débat de 2005 avec l'impossibilité d'amender le projet de loi et le départ des groupes centriste, socialiste et communiste de l'hémicycle avant le vote du texte. Sur le strict plan du bon sens, M. Leonetti ne paraît pas être, à son avis, le mieux placé pour l'évaluation de sa propre loi. D'ailleurs, un amendement socialiste, déposé en 2005, avait précisément pour objet d'organiser l'évaluation de la loi en 2008 ; il n'a bien sûr pas été adopté, puisque la consigne était alors de voter conforme le texte de l'Assemblée nationale. Pour sa part, il est favorable à la création d'une exception d'euthanasie, qui ne concernerait que des cas très exceptionnels. Mais pour pouvoir apprécier ces situations particulières, il faut une autorité spécifique qui reste à créer. Aucun tribunal, ni haute autorité morale ne peut se substituer à la loi : il paraît donc nécessaire de prévoir des conditions d'exception, et bien évidemment de légiférer à leur sujet. Cette demande peut être engagée rapidement, sans forcément attendre la révision de la loi bioéthique en 2009, laquelle se rapporte, qui plus est, à un tout autre thème.
M. Gérard Dériot a jugé le sujet extrêmement complexe. En tant que rapporteur, en son temps, de la proposition de loi Leonetti au Sénat, il a rappelé que la loi actuelle permet déjà beaucoup, même si elle reste mal connue. Elle autorise notamment d'améliorer la prise en charge de la douleur, mais cela suppose que le patient accepte les soins. Dans les circonstances dramatiques récentes, cela n'était précisément pas le cas et on peut regretter l'exploitation médiatique d'une situation particulière. Une évaluation de la loi est sans doute indispensable, mais le problème aujourd'hui est plutôt celui de sa bonne connaissance par nos concitoyens et de son application. Certes, le développement des soins palliatifs est encore largement insuffisant, mais il devrait s'amplifier grâce aux ressources issues des franchises médicales, créées notamment à cet effet.
M. Paul Blanc a déploré que l'on modifie en permanence la loi, alors que la priorité est d'appliquer complètement les textes existants. Le traitement de la fin de vie pose des questions majeures de conscience et d'éthique, en particulier pour les médecins, qui doivent donc être traitées avec mesure.
M. François Autain a regretté que le Sénat ne se soit pas davantage investi dans ce débat en 2005 et il a rappelé que la loi Leonetti a été certes adoptée à l'unanimité, mais seulement des parlementaires effectivement présents dans l'hémicycle ; en outre, il faut rappeler que ce texte n'est intervenu qu'à la suite de l'affaire Humbert, avec le caractère paradoxal de ne pas avoir constitué une réponse adaptée à ce cas très particulier. Les soins palliatifs et l'aide active à mourir ne sont pas contradictoires, mais complémentaires. Naturellement, une liberté de conscience doit être laissée aux médecins sur ces questions, comme tel est le cas pour l'interruption volontaire de grossesse. Peut-être serait-il judicieux de créer, au sein de la commission, un groupe de travail sur le sujet.
M. Nicolas About, président, a contesté le fait que la loi Leonetti n'aurait pu servir de réponse au cas particulier du jeune Vincent Humbert. En effet, en interdisant l'acharnement thérapeutique non souhaité par le malade, cette loi aurait au contraire évité que l'on procède, par deux fois, à des réanimations opérées dans des conditions extrêmes.
M. Jean-Pierre Michel s'est félicité de ce que la commission procède à un débat approfondi sur cette question difficile. Il a estimé que le problème posé est avant tout d'ordre philosophique et qu'il repose sur l'autonomie de la personne. Si on accepte de reconnaître ce droit à l'autonomie, il faut en tirer les conséquences et permettre l'euthanasie active tout en l'encadrant par la loi.
M. Gilbert Barbier a insisté sur la situation, très différente à son sens, de l'avortement et du droit à mourir de façon assistée. Il a confirmé le fait que la loi actuelle permet déjà beaucoup de choses, à l'exception de l'injection létale délibérée.
M. Jean-Pierre Michel a estimé important que le Sénat montre son intérêt sur cette question.
Pour conclure, Mme Janine Rozier a rappelé que les médecins prêtent serment de ne pas provoquer la mort délibérément.