- Mercredi 20 juin 2007
- Contrôle budgétaire - Fonctionnement des directions régionales de l'INSEE - Communication
- Règlement définitif du budget 2006 - Audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique
- Certification des comptes de l'Etat pour l'exercice 2006 - Audition de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes
Mercredi 20 juin 2007
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.Contrôle budgétaire - Fonctionnement des directions régionales de l'INSEE - Communication
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu une communication de M. Marc Massion, rapporteur spécial, sur le fonctionnement des directions régionales de l'INSEE.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé qu'au cours des derniers mois l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) avait fait l'objet d'une attention toute particulière de la part des décideurs économiques et politiques, comme de la part des médias. Il a insisté sur le fait que la fiabilité de ses statistiques, en particulier l'estimation du taux de chômage, avait été largement remise en question.
Il a précisé qu'il avait souhaité, dans ce contexte, en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », conduire un contrôle budgétaire, en application de l'article 57 de la LOLF, portant sur le fonctionnement des directions régionales de cette institution. Elles constituent, en effet, les « chevilles ouvrières » de la collecte des données statistiques, de leur traitement et de leur diffusion la plus large possible. Il a indiqué que cette mission s'était notamment articulée autour d'un « cas pratique », via le contrôle sur place et sur pièces d'une direction régionale représentative, celle de Haute-Normandie, et qu'elle s'était essentiellement attachée à s'assurer du bon usage des deniers publics et des conditions de mise en oeuvre de la LOLF dans ces services déconcentrés.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a rappelé qu'au sein de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », les directions régionales de l'INSEE relevaient du programme « Statistiques et études économiques » et correspondaient chacune à un budget opérationnel de programme (BOP), ce programme comprenant ainsi 24 BOP déconcentrés renvoyant aux 24 directions régionales.
Il a ensuite précisé que chaque direction régionale se structure autour de trois services :
- le service statistique, tout d'abord, qui représente le « coeur de la machinerie statistique » ; ce service procède à la collecte et à la mise en forme de l'information, prépare les fichiers régionaux et gère la relation avec les partenaires institutionnels ;
- le service des études et de la diffusion, ensuite, qui s'attache aux « exercices imposés » que sont les bilans annuels des différentes activités économiques et sociales, ainsi que les tableaux économiques régionaux, publiés tous les deux ans ;
- le service de l'administration et des ressources, enfin, qui assure les fonctions-support des deux précédents services.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a noté que l'exemple de la direction régionale de Haute-Normandie permettait d'éclairer les enjeux en termes budgétaires et de gestion des ressources humaines.
S'agissant du budget 2007 de cette direction, le rapporteur spécial a indiqué qu'il s'établissait à 8,3 millions d'euros, répartis en 7,7 millions d'euros de dépenses de personnel et 0,6 million d'euros de dépenses de fonctionnement. Il a noté que la masse salariale correspondait au traitement de 160 agents répartis entre les trois services composant la direction, avec un poids prépondérant pour le service statistique qui compte 79 agents, soit 50 % des effectifs. Il a précisé que les dépenses d'investissement s'imputent sur un BOP central destiné à abonder les BOP régionaux pour les opérations spécifiques.
Le rapporteur spécial a souligné que la mise en oeuvre de la LOLF avait été plutôt bien perçue par les personnels, et que si elle avait nécessité un investissement incontestablement important en temps et en pédagogie, elle avait aussi permis une responsabilisation appréciable des gestionnaires et une contractualisation des objectifs avec les agents.
Il a ajouté que, pour 2007, un contrat pluriannuel de performance avait été signé au niveau national de l'INSEE, contrat portant sur les moyens financiers alloués en contrepartie d'objectifs de réduction des personnels, et a précisé qu'il avait été décliné, au sein de chaque direction régionale, dans une charte annuelle de gestion.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a relevé qu'en Haute-Normandie l'objectif de réduction des personnels avait ainsi été fixé à - 1,5 % avec, à terme, la perspective d'un effectif réduit à 145-150 agents, la baisse du nombre d'emplois étant rendue possible par des gains de productivité portant, notamment, sur des agents de catégorie C, souvent anciennement vacataires.
En dépit de la mise en place d'un pôle de contrôle de gestion au sein de la direction régionale de Poitou-Charentes, il a estimé qu'on pouvait déplorer, toutefois, un déficit dans l'accompagnement de la mise en oeuvre de la LOLF, du fait de l'absence d'un réel contrôle de gestion et, qu'en conséquence, les gestionnaires étaient dans l'impossibilité de mesurer précisément le coût d'une opération ou d'une action engagée, ce qu'on ne pouvait que regretter.
Il a déploré que les opportunités offertes par la LOLF en termes de fongibilité n'aient pas été mises à profit en 2006, les directions régionales ayant pour la plupart bouclé leur exercice à l'équilibre sans avoir pu dégager de marges de manoeuvre substantielles. Il a relevé, par ailleurs, que la gestion des ressources humaines restait très lacunaire au sein des directions régionales, dès lors que ces dernières n'avaient aucun degré de liberté dans le choix des agents qui leur étaient affectés sur les postes vacants, la mobilité étant coordonnée au niveau central.
S'agissant de la mesure de la performance, M. Marc Massion, rapporteur spécial, a indiqué que les directions régionales de l'INSEE disposaient d'une batterie de quinze indicateurs, soit un nombre raisonnable, couvrant aussi bien l'activité administrative de support que le « coeur de métier » de l'activité statistique.
Il a souligné que l'INSEE s'était engagée depuis plusieurs années dans une action de rationalisation des moyens et de recherche de gains de productivité qui portait d'ores et déjà ses fruits au niveau régional, entraînant ainsi une réelle spécialisation des directions régionales sur certaines catégories d'études, avec, en ligne de mire, la recherche de la taille critique et d'économies d'échelle.
De même, il a noté que le principe de la mutualisation des moyens tendait à se diffuser concernant les fonctions-support et qu'une expérimentation était en cours, par exemple, pour un traitement de la paie mutualisé entre quatre directions régionales (Lorraine, Bretagne, Haute-Normandie et Basse-Normandie), de telles expérimentations étant, pour l'heure, effectuées uniquement sur la base du volontariat.
Il a indiqué, enfin, qu'une stratégie d'achats groupés était conduite par la direction générale de l'INSEE, via l'Agence centrale des achats, et qu'elle touchait des marchés tels que le nettoyage, le téléphone, l'entretien des bâtiments, etc. Il a précisé que les résultats étaient très significatifs, puisque le prix des matériels informatiques avait ainsi pu être divisé par un coefficient pouvant aller jusqu'à trois ou quatre, tandis que le coût du nettoyage avaient également enregistré une baisse substantielle, évaluée à 10 %, par exemple, au sein de la direction régionale de Haute-Normandie.
En conclusion, M. Marc Massion, rapporteur spécial, a tenu à préciser que, même si des marges de progrès demeuraient, des efforts louables de recherche de gains de productivité et d'économie étaient déployés depuis plusieurs années par les directions régionales de l'INSEE, et plus encore depuis l'entrée en vigueur de la LOLF.
Il a tenu, également, à éclairer une piste en matière de source de financement de l'activité statistique menée par les directions régionales de l'INSEE, en évoquant certains exemples étrangers, canadiens ou australiens notamment, qui reposent en partie sur des recettes de partenariats passés tant avec des collectivités publiques qu'avec des entreprises. Il a suggéré de s'inspirer de ce modèle, dès lors que nombre d'études menées par les directions régionales de l'INSEE intéressaient en priorité les acteurs économiques du pays. Il a rappelé que les directions régionales avaient d'ailleurs amorcé, d'ores et déjà, des politiques de partenariat qui pourraient être dans l'avenir développées et enrichies au profit de l'Etat, comme des collectivités territoriales et des entreprises.
Un large débat s'est alors instauré.
M. Jean Arthuis, président, s'est félicité des progrès réalisés en termes d'économies et de gains de productivité par les directions régionales de l'INSEE, mais a relevé que des marges de progression pouvaient encore être mises à profit.
M. Michel Charasse a salué la qualité du contrôle mené par le rapporteur spécial et rappelé que l'INSEE était placé sous l'autorité du gouvernement. Dès lors, il convenait de s'inquiéter de certaines dérives observées au cours des derniers mois de la part des services statistiques, notamment en matière de mesure du taux de chômage. Il a insisté sur le lien de dépendance unissant l'INSEE au gouvernement, lien qui ne pouvait, selon lui, en aucun cas être remis en cause.
Revenant sur la mise en application de la LOLF, il a estimé, par ailleurs, que les directions régionales de l'INSEE auraient à gagner à mutualiser leurs moyens avec d'autres services comptables et financiers déconcentrés dépendants de l'Etat.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a indiqué que l'examen du prochain projet de loi de finances pourrait être l'occasion de rappeler l'autorité du gouvernement sur l'INSEE, de manière à prévenir d'éventuelles dérives des services statistiques. Il a rappelé, par ailleurs, que les directions régionales de l'INSEE s'étaient d'ores et déjà engagées dans un processus de mutualisation de leurs moyens en interne, et que ce mouvement pouvait préfigurer une mutualisation plus large avec d'autres services de l'Etat.
M. Paul Girod s'est interrogé sur le sentiment des personnels de l'INSEE quant à l'interprétation et, parfois, à la remise en cause du résultat de leurs études statistiques.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a souligné l'ouverture d'esprit de ses interlocuteurs tout au long de sa mission de contrôle au sein des directions régionales de l'INSEE. Evoquant sa propre expérience d'élu local, il a insisté, en outre, sur les bonnes relations entretenues par la direction régionale de Haute-Normandie avec les autres services de son département, et en particulier la préfecture.
M. Michel Charasse a estimé qu'un certain repli de l'institution statistique pouvait, néanmoins, être constaté au niveau de son administration parisienne. Il s'est prononcé pour la coordination des services statistiques par une autorité supérieure, de manière à éviter les divergences récemment constatées, notamment en matière de taux de chômage.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a approuvé la nécessité de coordonner effectivement l'activité statistique afin de ne publier qu'une seule estimation des chiffres du chômage.
M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les conditions de la mesure du taux de chômage en France et sur la date de la publication d'un chiffre définitif en la matière par l'INSEE.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a rappelé qu'en matière de calcul du taux de chômage, deux enquêtes « Emploi » de l'INSEE se complétaient, l'une annuelle et publiée en mars, l'autre mensuelle.
Il a indiqué qu'entre deux livraisons annuelles, l'INSEE actualisait tous les mois son taux de chômage en fonction de l'évolution des demandeurs d'emploi inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), et que ce taux devait s'approcher le plus possible du concept du chômage défini par le Bureau international du travail (BIT). Il a explicité cette définition, le BIT utilisant trois critères pour délimiter le champ du chômage : la recherche active d'emploi, la disponibilité pour occuper cet emploi et le fait de ne pas avoir travaillé au cours de la semaine précédente.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a précisé que, pour l'enquête « Emploi » annuelle, l'INSEE interrogeait un échantillon de 40.000 personnes sur toute la France, six fois pendant six trimestres consécutifs, la première et la dernière vague de cette enquête ayant lieu par des entretiens en « face à face » et les quatre autres vagues étant, elles, réalisées par téléphone.
Il a souligné que la difficulté rencontrée au cours des derniers mois provenait d'un taux très important de non-réponses à l'enquête, notamment en Ile-de-France, où ce ratio avait dépassé 30 %. Il a indiqué que ce « mauvais » taux de retour s'expliquait par les difficultés matérielles auxquelles étaient confrontés les enquêteurs (interphones, répondeurs...), et par le fait que l'INSEE n'appliquait pas les sanctions prévues en cas de non-réponse, évitant ainsi les réponses bâclées et / ou non sincères.
Il a rappelé que, pour pallier ce mauvais taux de retour, un redressement avait eu lieu et que l'INSEE avait finalement décidé de reporter le calage annuel de son taux de chômage à septembre 2007.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a estimé que la récente polémique autour du taux de chômage avait été notamment alimentée par trois chiffres différents annoncés pour l'année 2006 : 9,8 % selon les échantillons sondés à l'occasion de l'enquête « Emploi » de l'INSEE, 9,1 % selon les données de l'ANPE et 9,4 % selon Eurostat, qui avait choisi de s'adosser à l'enquête « Emploi » de l'INSEE, et qui retient une définition du chômage sensiblement plus stricte que la définition française.
M. Michel Charasse a considéré que la divergence dans les estimations du taux de chômage contribuait à alimenter la défiance de l'opinion publique à l'égard des statistiques produites, et s'est prononcé en faveur de la publication d'un chiffre unique soumis à la validation d'une autorisation supérieure, évoquant la situation de la loi de finances, où le ministre de l'économie et des finances arrête le taux de croissance retenu comme hypothèse de travail.
M. Jean Arthuis, président, a remarqué qu'une telle prise de position tendait effectivement à militer pour la création d'une autorité indépendante.
M. Michel Charasse a estimé préférable de s'en tenir à un arbitrage institutionnel ne nécessitant pas la création d'une nouvelle autorité.
M. Jean Arthuis, président, a évoqué le préjudice en matière de crédibilité provoqué par une pluralité de chiffres pour rendre compte d'un même taux de chômage. Il a jugé nécessaire d'établir des règles claires et précises de calcul, de les faire connaître et de confier leur respect à une autorité.
M. Michel Charasse a ajouté qu'une fois de telles règles publiées, il s'agissait d'interdire tout autre mode de calcul.
M. Jean Arthuis, président, a estimé que la polémique autour du taux de chômage était tout aussi néfaste que celle à laquelle pourrait donner lieu une estimation contestable du déficit public.
M. Michel Charasse a rappelé, en outre, que les Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) pouvaient également prétendre à fournir une évaluation du taux de chômage dans le pays, semant encore un peu plus la confusion dans les esprits.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, s'est déclaré favorable à la fixation de règles claires et précises, mais a aussi rappelé les problèmes pratiques rencontrés par les enquêteurs de l'INSEE en charge d'interroger un échantillon de 40.000 personnes sur toute la France.
M. Jean Arthuis, président, s'est prononcé en faveur d'une redéfinition des règles fondée sur une référence internationale incontestable et d'un suivi étroit de leur bonne application.
M. Michel Charasse a estimé qu'en la matière l'essentiel n'était, d'ailleurs, pas le chiffre en tant que tel, mais son évolution.
M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître l'état des partenariats ayant pu être noués entre les directions régionales de l'INSEE et les collectivités territoriales, ainsi que leur niveau de contribution au financement de ces directions régionales.
M. Marc Massion, rapporteur spécial, a indiqué que la fraction des ressources des directions régionales de l'INSEE relevant de ces partenariats restait pour l'instant marginale, et qu'il était souhaitable de développer de tels partenariats, notamment via les régions.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que les études demandées à la Banque de France étaient également réalisées, moyennant contribution financière.
M. Michel Charasse a jugé que les collectivités territoriales n'avaient pas nécessairement le réflexe de solliciter les directions régionales de l'INSEE, mais que si cette pratique venait à s'étendre, elle devait s'accompagner d'un strict respect des règles de mise en concurrence.
M. Jean Arthuis, président, a souligné, à cet égard, qu'en matière d'études statistiques, la concurrence n'était d'ailleurs pas très développée.
La commission a alors, à l'unanimité, donné acte au rapporteur spécial de sa communication.
Règlement définitif du budget 2006 - Audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le projet de loi de règlement définitif du budget 2006.
M. Jean Arthuis, président, s'est félicité que la première présentation d'un projet de loi de règlement au « format LOLF » se fasse au Sénat. Il a déclaré que l'étendue des attributions du ministre, compétent pour l'ensemble des comptes publics, correspondait au souci de la commission de privilégier une vue d'ensemble des finances publiques.
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a rappelé que le Conseil des ministres avait adopté le matin même le projet de loi de règlement. Il a estimé qu'il s'agissait d'un événement important, puisque c'était le premier à présenter les comptes de l'Etat selon les nouvelles perspectives de la LOLF. Il a rendu hommage au rôle d'impulsion de la commission dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la LOLF, et salué la présence de M. Alain Lambert.
Il a indiqué que le déficit budgétaire de l'Etat s'était élevé en 2006 à 39 milliards d'euros, pour une prévision de 45,7 milliards d'euros en loi de finances rectificative pour 2006. Il a souligné que ces bons résultats provenaient, en particulier, du respect de l'autorisation parlementaire en matière de dépenses, avec la mise en oeuvre pour la quatrième année consécutive de la règle dite du « zéro volume », et une baisse du nombre d'emploi de 9.500 équivalents temps plein travaillés, contre une prévision de 5.300 en loi de finances initiale. Il a ajouté que l'amélioration du solde de l'Etat par rapport aux prévisions s'expliquait, quant à elle, par des plus-values de recettes fiscales de plus de 10 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, correspondant pour 6,4 milliards d'euros à l'impôt sur les sociétés. Il a précisé que, conformément à la règle fixée en loi de finances initiale, l'intégralité de ces plus-values avait été affectée à la réduction du déficit budgétaire.
Il a estimé que le présent projet de loi de règlement constituait, pour reprendre l'expression de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, un « big bang comptable ». Il a rendu un hommage appuyé à tous les artisans de ce « big bang », en particulier à la direction générale de la comptabilité publique, et à son directeur général, M. Dominique Lamiot. Il a insisté sur le fait que, pour la première fois, les comptes de l'Etat étaient présentés non plus selon une simple comptabilité de caisse, mais selon une comptabilité générale, avec, à l'égal des entreprises et des associations, un bilan, un compte de résultat et un tableau des flux de trésorerie. Il a estimé que ces comptes présentaient un double intérêt. Tout d'abord, ils donnent une vision plus précise et détaillée de l'exercice budgétaire. Ensuite, ils rendent compte plus justement du patrimoine de l'Etat : les immobilisations font désormais l'objet d'un recensement plus systématique, qui a conduit à augmenter l'actif immobilisé de près de 200 milliards d'euros, en particulier en ce qui concerne le patrimoine routier, les participations financières et les stocks ; et le passif est clarifié, avec l'enregistrement de provisions comptables, de 230 milliards d'euros dans le cas du besoin de financement des régimes spéciaux de retraite subventionnés par l'Etat. Il a considéré que cette réforme comptable correspondait à davantage de fiabilité et de transparence dans les comptes, et, par conséquent, à plus de démocratie, et à plus de contrôle. Il a néanmoins jugé que le « chantier comptable » n'était pas terminé, indiquant que les efforts seraient poursuivis afin d'améliorer la qualité de l'information et de parvenir, à terme, à la levée des réserves faites par la Cour des comptes, comme le gouvernement s'y était engagé vis-à-vis de cette dernière il y a trois semaines.
M. Eric Woerth a souligné que la nouveauté du présent projet de loi de règlement ne s'arrêtait pas à la présentation des comptes. L'examen des rapports annuels de performances (RAP) qui lui étaient annexés allait en effet permettre de juger, pour chaque politique publique, des résultats atteints, et des moyens mis en oeuvre à cette fin. Il a estimé que l'examen du projet de loi de règlement constituerait désormais le moment privilégié du contrôle de l'exécution budgétaire et serait, par conséquent, un point de passage majeur de la procédure budgétaire. Il a reconnu que, comme cela était normal pour un premier exercice, on pouvait encore déplorer certaines imperfections, comme des insuffisances des systèmes d'information, ou des difficultés dans l'imputation des dépenses. Il a néanmoins considéré que le bilan de ce premier exercice était très satisfaisant. Tout d'abord, les responsables de programme s'étaient approprié les nouvelles souplesses de gestion, ce dont témoignait le financement de la plupart des besoins apparus en cours de gestion par redéploiement au sein des programmes, grâce au mécanisme dit de « fongibilité asymétrique » des crédits, qui avait concerné 400 millions d'euros au total. Il a mentionné l'exemple du ministère de l'intérieur, qui a redéployé 20 millions d'euros pour financer des travaux d'aménagement (10 millions d'euros), l'achat et le renouvellement de matériel informatique (3 millions d'euros), ou encore le renouvellement du mobilier et du parc automobile (4 millions d'euros). Ensuite, le projet de loi de règlement permettait d'apprendre le coût réel des politiques publiques, qu'elles soient mises en oeuvre par un ou plusieurs ministères, ce qui allait faciliter la future revue générale des programmes. Il a indiqué que l'effort budgétaire avait été en 2006 de 36,3 millions d'euros pour la défense, 22 millions d'euros pour la recherche et l'enseignement supérieur, et 15,8 millions d'euros pour la sécurité. Il a ajouté que les RAP fournissaient même une esquisse du coût complet des politiques publiques, grâce à l'apport de la comptabilité générale, les dépenses budgétaires étant en effet complétées par les charges se rattachant à chaque programme, en particulier les dotations aux amortissements ou aux provisions.
M. Eric Woerth a rappelé que les indicateurs de performance avaient pour objet de permettre d'évaluer l'efficacité des politiques publiques. Il a estimé que cette avancée intéressait le citoyen, lorsque, par exemple, il constate le renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires, le taux d'évasion ayant été de 1,9 évasion pour 10.000 détenus, alors que le projet annuel de performances (PAP) prévoyait un taux de 3,6 évasions pour 10.000 détenus ; le contribuable, lorsqu'il voit que le taux de remplacement des enseignants absents pour congé maladie ou maternité avait été de 96,3 % en 2006, contre une prévision de 90 % dans le PAP ; l'usager, enfin, lorsqu'il observe, par exemple, que le délai moyen d'immobilisation des marchandises dédouanées dans la journée a été inférieur à 10 minutes, contre une prévision de 12 minutes dans le PAP. Il a précisé que, sur l'ensemble des indicateurs de performance qui peuvent être analysés, 60 % avaient correspondu aux prévisions, 20 % à une amélioration, et 20 % à une absence d'amélioration.
Après avoir exprimé la conviction que le Parlement s'approprierait cette réforme, comme la commission en avait donné la preuve en juin 2006, en procédant à l'audition de ministres et de responsables de programmes sur l'exécution de leur budget en 2005, il s'est interrogé sur les perspectives d'évolution de la procédure budgétaire ouvertes par la revalorisation de la loi de règlement. Il a indiqué que le Président de la République avait fait part de sa volonté de davantage concentrer la procédure budgétaire sur l'examen du projet de loi de règlement et, en particulier, sur les RAP. Il a estimé que ce changement aurait pour avantage d'instaurer les conditions d'exercice d'une vraie responsabilité des ministres, qui seraient jugés en fonction non plus du montant des crédits qu'ils obtiendraient, mais de la mise en oeuvre des politiques publiques dont ils seraient responsables. Il a considéré que, comme dans toute entreprise, le moment de la présentation des résultats devait l'emporter sur celui de la présentation du budget initial. Il a jugé qu'une telle rénovation de la procédure budgétaire conforterait le « chaînage vertueux » mis en place par la LOLF, qui articulait la discussion du projet de loi de règlement de l'exercice n-1, le débat d'orientation budgétaire pour la période n+1/n+3, et la présentation du projet de loi de finances de l'année n+1, ce projet de loi étant établi sur la base non seulement des prévisions de la loi de finances de l'année n, mais aussi des résultats concrètement obtenus l'année n-1. Il a indiqué à cet égard que les RAP 2006 avaient d'ores et déjà contribué à la préparation du projet de loi de finances pour 2008, pour ce qui relevait du volet « performance » des PAP 2008. Il s'est déclaré favorable à ce qu'une réflexion soit engagée à cet égard dans les prochains mois, en concertation étroite avec le Parlement, et, en particulier, ses commissions des finances.
Un large débat s'est alors ouvert.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu'au regard de la LOLF il convenait que la loi de règlement devienne désormais le « moment de vérité » budgétaire. Il a rappelé que le Président de la République avait fait part de son intention de confier au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique la responsabilité, dès le projet de loi de finances pour 2009, de présenter en séance publique les crédits de toutes les missions. Il a jugé qu'une telle réforme permettrait de faire évoluer la discussion budgétaire, en la recentrant sur les seuls aspects financiers. Il a par ailleurs estimé que la procédure budgétaire devait davantage se concentrer sur la loi de règlement. Il a déclaré que la commission était prête à explorer les possibilités de réforme de la procédure budgétaire.
Il a souligné que l'examen du présent projet de loi de règlement constituait une révolution, puisque, pour la première fois, l'Etat présentait des comptes en comptabilité générale, ceux-ci étant certifiés par la Cour des comptes. Il a constaté que la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution et la gestion budgétaire de l'année 2006, fournissait trois évaluations du déficit budgétaire en 2006 : 35,7 milliards d'euros ; 39,0 milliards d'euros, si l'on prenait en compte la régularisation des pensions de décembre 2005 ; 39,5 milliards d'euros, si l'on prenait également en compte certaines dépenses payées en 2006, comme l'autorisation de découvert auprès d'un établissement de crédit au titre de règlements à effectuer au-delà des crédits ouverts en loi de finances en matière d'épargne logement. Il a, en conséquence, interrogé le ministre sur le montant du « vrai » déficit.
M. Eric Woerth a indiqué le montant à prendre en compte, correspondant à celui figurant dans le présent projet de loi de règlement, soit 39 milliards d'euros. Il a déclaré que le gouvernement ne partageait pas l'analyse de la Cour des comptes au sujet de certaines dépenses qui, selon cette dernière, devaient être prises en compte pour le calcul du déficit.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité que la responsabilité de présenter en séance publique les crédits de toutes les missions soit confiée au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique dès le projet de loi de finances pour 2008. Il a estimé qu'une telle pratique faciliterait l'adoption, par le Parlement, d'amendements de réduction de crédits. Il s'est félicité de ce que la Cour des comptes ait certifié les comptes de l'Etat pour 2006. Il a considéré que des réserves de la Cour des comptes étaient inévitables, dès lors qu'il s'agissait du premier exercice de ce type. Il a demandé s'il était possible de hiérarchiser les réserves de la Cour des comptes. Il s'est interrogé sur les raisons de la non intégration dans les comptes de l'Etat du compte des opérations de la Compagnie française d'assurance du commerce extérieur (Coface) effectuées avec la garantie de l'Etat, et de la non intégration de la section des fonds d'épargne des comptes de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le calcul de la participation de l'Etat dans cet établissement public. MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, ont demandé des précisions sur les modalités de prise en compte, dans le bilan de l'Etat, des engagements de ce dernier relatifs à la dette de la SNCF, pour partie prise en charge par le service annexe d'amortissement de la dette (SAAD). M. Philippe Marini, rapporteur général, a envisagé d'améliorer la prise en compte des opérateurs de l'Etat par les lois de finances, par exemple en intégrant leurs effectifs et leur solde consolidé au sein du budget de l'Etat. Il s'est interrogé sur la possibilité, à compter de la loi de finances pour 2008, d'élargir les dépenses concernées par la norme de croissance des dépenses de l'Etat aux prélèvements sur recettes, voire aux dépenses fiscales.
En réponse, M. Eric Woerth a estimé que si le président de la République avait indiqué que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique aurait la responsabilité de présenter en séance publique les crédits de toutes les missions dès le projet de loi de finances pour 2009, il serait favorable, à titre personnel, à ce qu'une telle dynamique soit impulsée, à droit constant, dès le projet de loi de finances pour 2008. Il a considéré qu'une telle réforme serait favorable à la maîtrise des dépenses de l'Etat. Il a souligné que les réserves de la Cour des comptes sur la certification des comptes de l'Etat pour 2006 avaient été peu nombreuses, si on les comparait à celles des Etats ayant effectué une réforme analogue. La plupart de ces réserves ne pouvant pas être chiffrées, il est difficile de les hiérarchiser. Il a néanmoins considéré que les principaux enjeux concernaient l'évaluation des actifs du ministère de la défense, la fiabilité des comptes des opérateurs, et l'évaluation des infrastructures routières. Il a indiqué qu'il existait une différence d'appréciation entre le gouvernement et la Cour des comptes au sujet du compte des opérations de la Coface effectuées avec la garantie de l'Etat, le gouvernement considérant qu'il ne devait pas être intégré aux comptes de l'Etat, mais seulement faire l'objet d'une information en annexe au compte général de l'Etat. Il a déclaré que la traduction comptable du SAAD était prise en compte dans le bilan de l'Etat, non comme un élément du passif, mais comme une minoration, pour 8,3 milliards d'euros, de ses participations financières.
M. Alain Lambert s'est interrogé sur un possible durcissement de la position d'Eurostat, au sujet de la prise en compte des engagements de l'Etat relatifs à la dette de la SNCF.
M. Eric Woerth a annoncé la prochaine publication d'un « jaune » relatif aux opérateurs de l'Etat.
MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, ont indiqué que, selon la commission, les dépenses des opérateurs devaient être intégrées à celles de l'Etat.
En réponse, M. Eric Woerth a indiqué qu'une réflexion était en cours, pour élargir, à compter de 2008, le périmètre des dépenses prises en compte par la norme de croissance des dépenses de l'Etat.
M. Bernard Angels a jugé que les RAP étaient parfois « légers ». Il s'est interrogé sur la possibilité de consacrer une semaine à la discussion en séance publique du projet de loi de règlement. Il a souhaité savoir s'il était prévu d' « enchaîner » cette année la discussion du projet de loi de règlement, et du débat d'orientation sur les finances publiques.
M. Jean Arthuis, président, a considéré que le cadre le plus approprié pour entendre des ministres sur l'exécution des missions dont ils avaient la charge était celui d'auditions ouvertes aux autres commissions, dans les « petits hémicycles » que constituaient les salles Médicis et Clemenceau.
Mme Nicole Bricq a indiqué son intention d'approfondir la question des opérateurs de l'Etat, dans le cadre de son contrôle en cours du dispositif des agences en matière de sécurité sanitaire. Elle a considéré que le déficit budgétaire avait été artificiellement réduit en 2006 en anticipant certaines recettes et en retardant certaines dépenses, et a souhaité obtenir des précisions sur le futur élargissement du périmètre des dépenses prises en compte par la norme de croissance des dépenses de l'Etat.
M. Alain Lambert a jugé nécessaire d'accorder davantage d'importance à la loi de règlement. Il a considéré que le périmètre des missions et des programmes, de même que leurs responsables, devaient être les plus stables possible d'une année sur l'autre.
M. François Trucy a exprimé la crainte de voir réduite la responsabilité des ministres devant le Parlement si le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique présentait en séance publique les crédits de tous les ministères. Il a donc estimé qu'il devrait faire preuve de pédagogie à leur égard.
M. Michel Charasse, après avoir souligné le caractère technique du rapport de la Cour des comptes sur la certification des comptes de l'Etat, a considéré que confier un tel rôle au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique pourrait conduire, en cas d'indisponibilité de celui-ci, à ce que certaines missions soient défendues par de simples secrétaires d'Etat, sans compétence particulière en matière budgétaire ou sectorielle. Il s'est interrogé sur la cohérence temporelle des demandes formulées par la Cour des comptes au sujet de la comptabilité générale de l'Etat. Il a estimé que de nombreuses observations de la Cour des comptes venaient de l'absence de mise à jour du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, ce qui posait des problèmes de définition. Il a considéré que si les reports de crédits de l'année 2005 vers l'année 2006 avaient été traités conformément au régime de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, et non à celui de la LOLF, le présent projet de loi de règlement présentait un risque d'inconstitutionnalité. Il a jugé que si la stabilité du périmètre des missions et des programmes était souhaitable, ce périmètre devait avant tout être compatible avec la nouvelle architecture ministérielle.
M. Yves Fréville a regretté que le RAP de la mission « Défense » soit structuré exclusivement autour des programmes, et ne donne pas d'informations synthétiques pour l'ensemble de la mission, l'obligeant ainsi à calculer le montant total des contrats restant à exécuter. Il a estimé que la non coïncidence des budgets opérationnels de programme (BOP) et des actions rendait difficile l'évaluation de la gestion des responsables de BOP. Il a regretté la disparition des situations résumées des opérations du Trésor (SROT).
M. Jean Arthuis, président, a jugé que le fait que les services du ministère des finances aient été en mesure de présenter les comptes de l'Etat dans les délais constituait une « véritable performance », et qu'il convenait donc de « chaleureusement remercier » l'ensemble des fonctionnaires qui y avaient oeuvré.
En réponse à M. Bernard Angels, M. Eric Woerth a estimé que certains RAP pourraient être améliorés. Il s'est déclaré favorable à ce que le projet de loi de règlement soit examiné juste avant le débat d'orientation sur les finances publiques, mais a indiqué qu'il ne savait pas si tel serait le cas en juillet 2007. Il a souligné que confier au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, la responsabilité de présenter en séance publique les crédits de toutes les missions n'empêcherait pas, bien évidemment, les ministres d'être auditionnés par les commissions compétentes. En réponse à M. Alain Lambert, il a approuvé l'idée selon laquelle il conviendrait que le périmètre des missions et des programmes soit aussi stable que possible. Il a néanmoins jugé que l'architecture ministérielle impliquait certaines adaptations en matière de nomenclature budgétaire, en particulier dans le cas du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », devait prochainement présenter les conclusions d'un contrôle budgétaire concernant la politique des visas. Il a souhaité savoir si cette politique risquait d'être transférée vers une autre mission.
M. Michel Charasse a demandé si le codéveloppement était susceptible d'être transféré vers la mission « Aide publique au développement », dont il était rapporteur spécial.
En réponse, M. Eric Woerth a indiqué que ces questions n'étaient pas tranchées, et qu'en tout état de cause, il convenait de modifier le moins possible l'architecture budgétaire actuelle.
En réponse à M. François Trucy, M. Eric Woerth a estimé que le ministre du budget devrait effectivement faire preuve de pédagogie vis-à-vis de ses collègues, dans l'hypothèse où il serait chargé de présenter l'ensemble des crédits des missions devant le Parlement. En réponse à Mme Nicole Bricq, il a indiqué que la question du futur élargissement du périmètre des dépenses prises en compte par la norme de croissance des dépenses de l'Etat devait encore faire l'objet d'un arbitrage. Il a considéré qu'il n'était pas exact d'affirmer que le déficit budgétaire avait été artificiellement réduit en 2006 en anticipant certaines recettes et en retardant certaines dépenses, soulignant en particulier que la réforme du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés, qui s'inscrirait dans un cadre pérenne, n'aurait pas pour conséquence de réduire ultérieurement les recettes de cet impôt. En réponse à M. Michel Charasse, il a déclaré que l'administration avait travaillé en étroite concertation avec la Cour des comptes au sujet de la certification des comptes. Il a reconnu que de nombreux désaccords provenaient de divergences au sujet de définitions. En réponse à M. Yves Fréville, il a considéré que les RAP pouvaient parfois effectivement manquer de vue d'ensemble au niveau de la totalité de la mission. Il a jugé que l'absence de coïncidence entre les périmètres des BOP et ceux des actions ne posait pas de problème, dès lors que l'on considérait que le véritable responsable était le responsable de programme. Il a indiqué qu'il allait examiner la question de l'information infra-annuelle sur l'exécution budgétaire.
M. Yann Gaillard a souhaité obtenir des précisions sur les perspectives d'évolution de la procédure budgétaire.
M. Jean Arthuis, président, a déploré que la célèbre formule du président Edgard Faure : « litanie, liturgie, léthargie », parfois utilisée pour décrire la procédure suivie pour l'examen de la seconde partie, corresponde, hélas, encore trop souvent à la réalité.
M. Michel Charasse a exprimé, de nouveau, la crainte que le fait de confier au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique la responsabilité de présenter en séance publique les crédits de tous les ministères, ait pour conséquence de conduire, en cas d'indisponibilité de celui-ci, à ce que certaines missions soient défendues par de « simples » secrétaires d'Etat, sans compétence particulière en matière budgétaire ou sectorielle.
M. Yann Gaillard a estimé qu'une éventuelle modification du périmètre des missions et des programmes ne devrait pas avoir pour objet de « graver dans le marbre » l'actuelle architecture ministérielle.
M. Jean Arthuis, président, a jugé que la nouvelle architecture budgétaire devait, dès que possible, être transmise à la commission, afin que celle-ci procède, le cas échéant, aux ajustements nécessaires en ce qui concerne la répartition des compétences entre rapporteurs spéciaux. Il a indiqué, par ailleurs, que dans son récent rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, la Cour des comptes estimait qu'une information appropriée relative au fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui n'était pas intégré aux comptes combinés de la branche retraite, aurait dû être fournie dans l'annexe aux comptes 2006.
Certification des comptes de l'Etat pour l'exercice 2006 - Audition de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, sur la certification des comptes de l'Etat pour l'exercice 2006.
A titre liminaire, M. Jean Arthuis, président, a tenu à rappeler l'excellence des relations que la commission entretenait avec la Cour des comptes, qu'il s'agisse des enquêtes réalisées au titre de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), de la participation de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, au séminaire du Mans au printemps 2007, ou des nombreuses auditions de présidents de chambre auxquelles la commission avait procédé.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la présente audition intervenait à l'occasion de la première certification des comptes de l'Etat, rappelant que le document dont il était question était le rapport de certification des comptes de l'Etat, qui porte exclusivement sur le résultat patrimonial, et non sur le résultat budgétaire proprement dit.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Christian Babusiaux a indiqué que, dans un premier temps, au cours de son travail de certification, la Cour des comptes n'avait jamais oublié son objectif central, à savoir, d'une part, aider le gouvernement dans la production de nouveaux comptes plus complets et plus fiables, et, d'autre part, éclairer la représentation nationale sur la régularité, la fidélité et la sincérité des comptes de l'Etat.
M. Christian Babusiaux a rappelé que, l'année passée, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, lors de la présentation devant la commission des finances de son rapport sur les comptes de l'exercice 2005, avait annoncé un véritable « Big bang comptable ». Il a insisté sur le fait que ce « Big bang » avait bien eu lieu et qu'à cet égard, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique avait décrit, à la commission, les efforts considérables de l'administration pour mettre en oeuvre cette réforme.
Il a indiqué que plus de 35 millions d'écritures comptables avaient été passées dans l'année, soit 50 % de plus que les années précédentes. Il a précisé qu'au titre du bilan d'ouverture au 1er janvier 2006, les retraitements et classements avaient atteint 265 milliards d'euros à l'actif et 104 milliards d'euros au passif, de sorte que l'actif de l'Etat avait été réévalué en valeur nette de 346 milliards d'euros à 538 milliards d'euros entre 2005 et 2006, et le passif, de 1.008 milliards d'euros à 1.131 milliards d'euros.
Il a précisé que cette réévaluation du bilan de l'Etat résultait, pour partie, des suites données aux observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur les comptes de 2005 et s'est ainsi félicité de ce que 92 % de ces observations aient été suivies d'effet. Il a précisé que la Cour des comptes avait également contribué à cette transformation par les observations qu'elle avait formulées tout au long de la production des comptes de 2006.
M. Christian Babusiaux a indiqué qu'à l'issue des missions sur le bilan d'ouverture de 2006, puis des missions intermédiaires menées de septembre à décembre 2006, la Cour des comptes avait transmis aux administrations une soixantaine de documents de travail. Contrairement à la crainte de certains de la voir adopter une « posture de juge », la Cour des comptes avait ainsi pu faire état d'un dialogue constant et d'un accompagnement de la réforme, que n'ont pas empêché ses caractéristiques, à savoir le principe du contradictoire ainsi que la collégialité.
Il a ensuite relevé qu'à l'issue des missions finales, et malgré un délai très contraint, la Cour des comptes avait formulé 190 observations d'audit, dont 114 demandaient des rectifications d'écritures. Il a précisé que plus de 90 % d'entre elles avaient été prises en compte par l'administration, et que ces observations avaient conduit à des modifications représentant 143 milliards d'euros.
Puis il a souligné l'évolution intervenue sur la question sensible des provisions. Il a rappelé que, dans l'ancienne comptabilité, ces provisions n'étaient que de 74 millions d'euros, ce qui était apparu insuffisant à la Cour des comptes, et qu'elles étaient passées à 47 milliards d'euros, selon les nouvelles modalités de comptabilité.
Enfin, il a tenu à préciser que, comme dans tout processus de certification, ne figuraient dans ce document que les observations qui n'avaient pas encore été intégrées par l'Etat.
Concernant l'acte de certification de la Cour des comptes, M. Christian Babusiaux a constaté, à titre liminaire, que l'échéance du 31 mai 2007 avait été respectée.
Il a ensuite présenté certaines des treize réserves substantielles contenues dans l'acte de certification, précisant que les deux premières, appelées « limitations », avaient trait à des problèmes structurels : l'ancienneté des systèmes d'information financière de l'Etat et le caractère encore non opérationnel des dispositifs de contrôle et d'audit internes.
Concernant les onze autres réserves, appelées « désaccords et incertitudes », M. Christian Babusiaux a indiqué qu'il s'agissait de postes dont les montants devaient être majorés ou minorés en raison de problèmes de périmètre ou de choix de la valeur retenue et qu'il s'agissait, dans tous les cas, de montants importants.
M. Christian Babusiaux a pris en exemple la troisième réserve relative aux actifs du ministère de la défense qui posaient plusieurs problèmes, notamment la non-comptabilisation de l'ensemble des équipements militaires et la non-conformité de la méthode de valorisation retenue pour certaines opérations d'armement.
Il a indiqué, par ailleurs, que la quatrième réserve concernait les comptes des opérateurs car, pour certains opérateurs, l'Etat n'a pu intégrer dans ses comptes de 2006 que leurs comptes de 2005.
Concernant la cinquième réserve portant sur les immobilisations corporelles et incorporelles spécifiques à l'Etat, M. Christian Babusiaux a noté qu'elles n'avaient pas toutes été recensées et valorisées.
Il a enfin souligné que les « désaccords » portaient aussi sur le classement de certains passifs ou actifs, notamment les contrats d'échange de taux pour la gestion de la dette, qualifiés de « macro-couvertures ».
S'agissant de la certification, M. Christian Babusiaux a rappelé les quatre options qui étaient ouvertes à la Cour des comptes : certification sans réserves, impossibilité de certifier, certification avec réserves, refus de certifier. Il a toutefois précisé que la première et la dernière voies étaient, à l'évidence, exclues.
Il a précisé qu'entre les deux options restantes, la certification avec réserves était la seule voie qui permettait de rendre compte de l'équilibre entre, d'une part, les deux premières réserves, qui traduisaient des limitations et, d'autre part, les onze autres, donc plus nombreuses, qui tenaient à des désaccords ou incertitudes portant sur des montants élevés.
Enfin, il a indiqué que la formulation de réserves, accompagnées de précisions relatives aux conditions requises pour qu'elles puissent être levées, et d'engagements pris par les ministres concernés, était l'option la plus juste et la plus pédagogique.
M. Christian Babusiaux a enfin souligné la grande utilité de la nouvelle comptabilité générale, à la fois pour l'appréciation de la situation des finances publiques et pour la gestion des administrations. Concernant l'appréciation de la situation des finances publiques, il a indiqué que la nouvelle comptabilité générale permettait, par exemple, l'évaluation de la dette non financière de l'Etat et la constatation que, si la dette financière a légèrement baissé, la dette non financière a augmenté sensiblement. Quant à la gestion des administrations, il a indiqué que le nouveau système comptable avait permis, entre autres, des progrès dans le domaine de la gestion des opérations d'armement par la défense, de la gestion des stocks du ministère de la santé, de la gestion des actifs immobiliers de l'Etat et de l'évaluation des dépenses de personnel.
En conclusion, M. Christian Babusiaux a souligné qu'un axe de travail de la Cour des comptes dans le domaine comptable pour l'année 2007 serait l'examen de la cohérence entre la comptabilité budgétaire et le résultat comptable, d'une part, et entre, d'autre part, le tableau de financement de l'Etat, le résultat budgétaire et le résultat comptable.
Un large débat s'est ensuite instauré.
M. Jean Arthuis, président, s'est dit éclairé sur la démarche de la Cour des comptes et les difficultés auxquelles elle avait dû faire face.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité savoir comment la Cour des comptes hiérarchisait ses réserves et quelle interprétation économique elle faisait des données issues du compte général de l'Etat et du tableau retraçant les flux de trésorerie de l'Etat. Il a également souhaité connaître ses remarques ou ses réserves concernant les comptes de la Caisse des dépôts et consignations et les modalités de leur consolidation avec ceux de l'Etat.
M. Christian Babusiaux a indiqué que les réserves de la Cour des comptes étaient classées dans l'ordre décroissant d'importance. S'agissant de l'interprétation économique du compte général de l'Etat et du tableau de financement, il a précisé que c'était l'objet du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de l'Etat, ainsi que du rapport sur les résultats et la gestion de l'Etat, qui, cette année, utilisent déjà largement les résultats de la certification.
Concernant les opérations de trésorerie de l'Etat, il a indiqué que celui-ci avait, en partie, réussi à mieux gérer sa trésorerie. Il a également précisé que l'Etat avait souscrit à des billets de trésorerie émis par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), fin 2006, pour un montant de 5 milliards d'euros, ce qui n'était pas contestable. En revanche, M. Christian Babusiaux a indiqué que la Cour des comptes avait estimé critiquable la souscription d'un montant de 2 milliards d'euros par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), conduisant ainsi à diminuer le besoin de trésorerie de l'Etat en même temps que le niveau de la dette en termes « maastrichtiens ».
M. Yves Fréville a regretté, tout d'abord, la fin de la publication mensuelle des Situations résumées des opérations du Trésor (SROT). Il a ensuite émis des doutes sur l'utilité de la comptabilité générale de l'Etat, s'agissant de l'analyse de la mission « Défense », et a notamment soulevé la question de la valorisation des actifs militaires. Enfin, il s'est interrogé sur la signification du caractère exhaustif des données contenues dans la comptabilité générale et sur le lien de cette dernière avec la comptabilité nationale.
M. Jean Arthuis, président, a relevé que la comptabilité nationale n'aidait pas réellement les gestionnaires à prendre leurs décisions.
M. Christian Babusiaux a précisé que les comptes de l'Etat n'avaient pas encore atteint un degré de sophistication tel que celui décrit par M. Yves Fréville, et que les problèmes relevés par la Cour portaient sur des montants très élevés. Il a relevé que la comptabilité nationale avait vocation à être alimentée par la comptabilité générale. Il a souscrit à l'analyse développée par M. Jean Arthuis, président, et a également souligné l'intérêt de la comptabilité générale pour les gestionnaires.
M. Yann Gaillard, après avoir noté la qualité des travaux de certification des comptes de l'Etat menés par la Cour des comptes, s'est interrogé sur leur utilisation et leur diffusion au delà du Parlement.
M. Christian Babusiaux a mis en évidence l'utilité, pour le Parlement, de l'information comptable fournie par la Cour des comptes, qui rendait possible une meilleure analyse du budget de l'Etat. Il a également indiqué que cette utilité serait de plus en plus forte à l'avenir, puisque les Français seront de mieux en mieux informés de ces problématiques.
M. Jean Arthuis, président, a ensuite évoqué la nécessité de provisionner les contentieux qui engagaient l'Etat, citant à ce titre les récents travaux remis par Mme Fabienne Keller en sa qualité de rapporteur spécial, portant sur les contentieux communautaires en matière de droit de l'environnement.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a mis en évidence le lien existant entre budget et comptabilité patrimoniale. Il s'est interrogé, en particulier, sur l'évaluation du coût des travaux indispensables pour maintenir l'état de conservation des monuments historiques.
M. Yann Gaillard a déclaré souscrire à l'analyse de M. Philippe Marini, rapporteur général.
M. Jean Arthuis, président, s'est ensuite interrogé sur la prise en compte de la situation du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dans l'évaluation de la dette de l'Etat.
M. Jean-Jacques Jégou a évoqué, enfin, la dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale, évaluée à près de 7 milliards d'euros au 31 décembre 2006.
M. Christian Babusiaux a indiqué que le FSV, comme le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA), était considéré comme une entité non contrôlée par l'Etat, mais que la Cour des comptes en avait tenu compte dans la certification des comptes de la sécurité sociale, en jugeant nécessaire de consolider une quote-part du résultat du FSV avec les comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.