- Mardi 16 janvier 2007
- Mercredi 17 janvier 2007
- Jeudi 18 janvier 2007
- Nomination de rapporteurs
- Justice - Recrutement, formation et responsabilité des magistrats - Procédure pénale - Audition de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice
- Constitution - Modification du titre IX de la Constitution - Audition de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice
- Justice - Procédure pénale - Echange de vues
- Justice - Recrutement, formation et responsabilité des magistrats - Echange de vues
Mardi 16 janvier 2007
- Présidence de M. Pierre Fauchon.Modification de l'article 77 de la Constitution - Examen des amendements
La commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, à l'examen des amendements sur le projet de loi constitutionnelle n° 121 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant l'article 77 de la Constitution.
La commission a tout d'abord donné un avis défavorable à la motion n° 1 rectifiée octies, présentée par M. Simon Loueckhote et plusieurs de ses collègues tendant à opposer la question préalable.
Elle a ensuite examiné l'amendement n° 2 de M. Simon Loueckhote, tendant à insérer un article additionnel avant l'article unique du projet de loi constitutionnelle, afin d'inscrire à l'article 72-3 de la Constitution que la Nouvelle-Calédonie est une collectivité territoriale de la République.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué que dans son arrêt Genelle du 13 décembre 2006, le Conseil d'Etat, se fondant non seulement sur la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais aussi sur les travaux préparatoires de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, avait considéré que la Nouvelle-Calédonie n'était pas régie par le titre XII de la Constitution relatif aux collectivités territoriales de la République.
Rappelant qu'aux termes de l'article 72-3, troisième alinéa, de la Constitution, « la Nouvelle-Calédonie est régie par le titre XIII », il a indiqué que lors de la discussion de la loi organique dont il était le rapporteur, il avait donné, comme le Gouvernement, un avis défavorable à un sous-amendement de M. Simon Loueckhote visant à préciser que la Nouvelle-Calédonie était une collectivité territoriale de la République. Soulignant que l'accord de Nouméa désignait l'archipel seulement comme étant la Nouvelle-Calédonie, il a déclaré avoir toujours considéré qu'elle constituait une collectivité sui generis. Il a estimé que la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, redéfinissant le cadre constitutionnel des collectivités d'outre-mer, n'avait pas changé cette réalité, le régime de la Nouvelle-Calédonie demeurant celui d'un « partage de souveraineté » avec la France. Il a rappelé que cette organisation institutionnelle originale comportait notamment la définition d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie au sein de la nationalité française, comme l'avait autorisé le pouvoir constituant lors de la révision du 20 juillet 1998.
M. Simon Loueckhote a indiqué que son amendement visait à préciser, contre la décision du Conseil d'Etat et comme il avait déjà souhaité le faire en février 1999 lors de la discussion de la loi organique, le statut de la Nouvelle-Calédonie en tant que collectivité territoriale de la République.
La commission a demandé le retrait de cet amendement.
Elle a également demandé le retrait de l'amendement n° 3 de M. Simon Loueckhote, tendant à insérer un article additionnel avant l'article unique, afin de prévoir, à l'article 72-3 de la Constitution, que le suffrage universel est rétabli de plein droit en Nouvelle-Calédonie au terme de la période transitoire, fixé six mois après la dernière consultation en date des populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie défavorable à l'accession de la pleine souveraineté.
M. Simon Loueckhote a déclaré qu'il souhaitait préciser dans la Constitution les règles relatives au droit de vote qui s'appliqueront en Nouvelle-Calédonie à l'issue de la période transitoire définie par l'accord de Nouméa.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a rappelé que le suffrage universel s'appliquait en Nouvelle-Calédonie aux scrutins européens, nationaux et municipaux, ainsi qu'aux référendums nationaux. Il a estimé qu'il reviendrait aux partenaires politiques de redéfinir, à l'issue de la période transitoire en cas de rejet de l'accession à la pleine souveraineté, la nouvelle organisation politique de la Nouvelle-Calédonie, conformément aux stipulations de l'accord de Nouméa.
A l'article unique, la commission a ensuite demandé le retrait des amendements n° 4, 5 et 6 de M. Simon Loueckhote, tendant à :
- permettre à chaque assemblée de province de décider, par délibération adoptée à la majorité absolue de ses membres au scrutin public avant le 6 novembre 2008, de choisir l'application du corps électoral « gelé » ou « glissant » pour les élections provinciales et au congrès ;
- prévoir que les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie se prononcent, avant le 31 décembre 2007, sur l'interprétation opérée par le projet de loi constitutionnelle quant au corps électoral appelé à élire les assemblées de province et le congrès ;
- assurer le bénéfice de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, pour la durée de leur mariage, aux personnes de nationalité française inscrites sur les listes électorales générales en Nouvelle-Calédonie, mariées à une personne bénéficiant de cette citoyenneté.
Mercredi 17 janvier 2007
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.Nomination de rapporteurs
La commission a tout d'abord procédé à la nomination de rapporteurs sur les deux projets de loi constitutionnelle suivants :
- M. Jean-Jacques Hyest sur le projet de loi constitutionnelle n° 162 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, portant modification du titre IX de la Constitution ;
- M. Robert Badinter sur le projet de loi constitutionnelle tendant à inscrire dans la Constitution l'abolition de la peine de mort (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).
Assurances de protection juridique - Examen du rapport
La commission a ensuite examiné le rapport de M. Yves Détraigne sur les propositions de loi n° 85 (2006-2007) de M. Pierre Jarlier et plusieurs de ses collègues relative aux contrats d'assurance de protection juridique et n° 86 (2006-2007) de M. François Zocchetto visant à réformer l'assurance de protection juridique.
M. Yves Détraigne, rapporteur, a défini la garantie de protection juridique comme la prise en charge, en cas de litige, des frais de procédure ou la prestation de services en vue de permettre la défense de l'assuré partie à un procès ou confronté à une réclamation, ou le règlement amiable de son différend. Il a expliqué que le contrat d'assurance de protection juridique mettait à la disposition des assurés une large palette d'instruments : information, conseil juridique ou encore prise en charge des honoraires de l'avocat.
Après avoir relevé le succès de ce dispositif auprès des particuliers et des entreprises, dont les cotisations progressent de plus de 8 % par an depuis cinq ans, il a rappelé les principales critiques adressées à son fonctionnement, notamment celles formulées par la commission des clauses abusives le 21 février 2002, à savoir, les conditions trop restrictives de la mise en jeu de la garantie et les relations déséquilibrées entre les sociétés d'assurance, d'une part, et l'assuré et les avocats, d'autre part. Il a noté qu'en dépit des efforts des assureurs sous l'égide de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) pour remédier à cette situation, la position des avocats, acteurs essentiels de l'accès au droit et à la justice, dans le fonctionnement de l'assurance de protection juridique, n'était toujours pas satisfaisante.
Après avoir rappelé qu'avocats et assureurs avaient vainement tenté de rapprocher leurs points de vue depuis trois ans, M. Yves Détraigne, rapporteur, s'est félicité des avancées prévues par les propositions de loi pour remédier à ce blocage.
Présentant le contexte dans lequel s'inscrit la réforme, il a évoqué :
- le champ de la garantie de l'assurance de protection juridique, en théorie illimité, en pratique touchant principalement à l'immobilier et à la consommation et excluant de son bénéfice trois contentieux importants : le droit des brevets, le droit de la famille et des personnes et le droit de la construction ;
- les grands principes du régime de l'assurance de protection juridique, notamment l'individualisation obligatoire de la garantie et de la prime dans le contrat d'assurance, les modalités particulières de règlement en cas de désaccord entre l'assureur et l'assuré sur les mesures à prendre pour régler le litige et le droit pour l'assuré de choisir un avocat ou une personne qualifiée de son choix pour défendre ses intérêts en cas de litige avec un tiers et en cas de conflit avec l'assureur de protection juridique ;
- la nature des prestations fournies par l'assuré appelé à jouer un rôle central en phase amiable, qui ne se réduit pas à celui de simple tiers payant ; l'assureur est en effet habilité à proposer une grande diversité de services juridiques (information des assurés sur leurs droits et obligations, conseils juridiques, consultation juridique ou encore transaction amiable) ; les renseignements juridiques délivrés par téléphone représentent une part substantielle de son activité, qui s'appuie sur des plateaux techniques de renseignements téléphoniques performants.
Abordant le contenu même des contrats de protection juridique, le rapporteur a indiqué que les sommes engagées par l'assurance étaient limitées à un triple égard du fait de la fixation :
- de seuils d'intervention (montant minimal sur lequel doit porter le litige pour la mise en jeu de la garantie) ;
- d'un plafond global de dédommagement par litige dont le montant oscille entre 14.000 et 32.000 euros, destiné à financer tous les frais occasionnés par le sinistre ;
- d'un plafond de remboursement des honoraires d'avocat généralement, déterminé, pour la phase contentieuse, en fonction du degré de juridiction et de la nature du litige ; en moyenne, le montant de ces plafonds -730 euros- est supérieur à la dépense moyenne de l'Etat allouée aux avocats au titre des missions d'aide juridictionnelle, (301 euros en 2005) a précisé le rapporteur, relevant que les assureurs finançaient moins de 2 % (soit environ 130 millions d'euros) du montant total des honoraires d'avocat.
M. Yves Détraigne, rapporteur, a souhaité qu'à terme l'assurance de protection juridique relaie utilement l'aide juridictionnelle d'un poids croissant dans le budget de l'Etat, soulignant néanmoins que deux évolutions étaient indispensables au préalable : l'élargissement de l'étendue des garanties de protection juridique -la matière pénale comme le contentieux familial (le divorce) étant souvent exclus du champ des contrats de protection juridique- et le développement plus important de cette assurance. Le faible nombre de procès pris en charge au titre de la garantie de protection juridique (2 % des affaires nouvelles) démontre que les champs de l'aide juridictionnelle et de l'assurance de protection juridique se recoupent encore peu.
Revenant sur les critiques formulées à l'encontre de l'assurance de protection juridique, le rapporteur a regretté :
- le manque de transparence et de lisibilité des contrats : les assurés ignorent qu'ils en détiennent un et n'en connaissent généralement pas le contenu ; en outre, ils sont souvent couverts deux fois pour le même risque ;
- le positionnement marginal des avocats -le plus souvent absents de la phase amiable et exclus, pour la plupart, des missions d'assurance de protection juridique captées par quelques avocats liés aux réseaux des assureurs et rémunérés selon des barèmes préétablis ; le rapporteur a souligné que cette situation avait pour effet de vider de sa substance le principe du libre choix de l'avocat. Il a expliqué que la pratique dominante du choix d'un avocat correspondant d'un réseau de compagnies d'assurance par les assurés s'expliquait par plusieurs facteurs : les assurés ne connaissent généralement pas d'avocat et sont donc portés à s'adresser naturellement à leur assureur pour obtenir le nom d'un avocat ; en outre, les contrats incitent souvent les assurés à choisir un avocat correspondant de l'assurance ;
- les réticences des assureurs pour mettre en jeu la garantie, notamment du fait d'une interprétation restrictive de la date de l'origine du sinistre.
Présentant l'économie des propositions de loi, M. Yves Détraigne, rapporteur, a expliqué qu'elles visaient à :
- favoriser l'intervention de l'avocat à tous les stades du règlement du litige en rendant sa présence obligatoire lorsque la partie adverse est défendue par un avocat ; le rapporteur a précisé que cette novation aurait surtout un impact pour la phase amiable ;
- autoriser les assurés à solliciter une consultation juridique ou des actes de procédure avant d'avoir déclaré le sinistre ;
- permettre aux avocats d'exercer leurs missions dans le respect des grands principes qui régissent cette profession en encadrant la pratique des assureurs tendant à suggérer le nom d'un avocat en exigeant une demande écrite préalable de l'assuré et en prohibant tout accord sur les honoraires de l'avocat conclu entre l'avocat et l'assureur ;
- rendre la garantie de protection juridique plus effective pour le consommateur par une définition précise du point de départ du délai dans lequel le sinistre doit être déclaré.
Le rapporteur a mis en avant que les avancées proposées répondaient à une demande ancienne de la commission des lois, laquelle demande avec constance depuis plusieurs années dans ses avis budgétaires, une plus grande implication de la profession d'avocat pour les missions accomplies au titre de l'assurance de protection juridique. Il a souligné le caractère limité et technique des aménagements proposés, expliquant qu'ils n'avaient pas pour objet de porter atteinte au rôle -premier- des assureurs dans la gestion des sinistres en phase amiable ni de les cantonner à un rôle purement indemnitaire de tiers payant.
Selon le rapporteur, les propositions de loi apportent des solutions réalistes pour assurer une meilleure compatibilité entre l'exercice du métier d'avocat et les pratiques professionnelles des assurances ; la réforme proposée n'interdit pas à l'assureur de proposer, sur demande, le nom d'un avocat lié à son réseau, non plus qu'elle n'a vocation à régir les plafonds de remboursement des honoraires d'avocat, qui demeurent librement déterminés par le contrat.
M. Yves Détraigne, rapporteur, n'a pas minimisé le risque d'un renchérissement du coût des cotisations d'assurance de protection juridique. Il a estimé, contrairement à l'opinion exprimée par les assureurs, qu'une inflation des coûts ne devait pas faire craindre un détournement des ménages de l'assurance de protection juridique, estimant que les assureurs avaient démontré leur capacité à s'adapter aux contraintes du marché pour rester compétitifs, qu'au demeurant rien ne les empêcherait de faire supporter aux assurés une part des charges d'honoraires des avocats comme actuellement et qu'en outre, les consommateurs, bénéficiant de l'intervention d'un professionnel reconnu pour son indépendance et son impartialité, accepteraient sans doute de payer plus cher un contrat plus protecteur.
Le rapporteur a proposé des compléments au texte des propositions de loi pour :
- procéder à des coordinations nécessaires dans le code de la mutualité, afin de soumettre les mutuelles et les unions aux mêmes règles que celles désormais applicables aux sociétés d'assurance (article 6) ;
- affirmer le caractère subsidiaire de l'aide juridictionnelle en cas de détention d'un contrat d'assurance de protection juridique ; dans le contexte actuel budgétaire contraint et compte tenu des perspectives de développement de la protection juridique, il a jugé opportun d'éviter un double emploi des dispositifs d'accès au droit (article 5) ;
- affirmer le principe d'un remboursement prioritaire par la partie perdante des frais et des honoraires exposés par l'assuré pour le règlement du litige et subsidiairement à l'assureur dans la limite des sommes qu'il a engagées (article 4).
M. Patrice Gélard s'est tout d'abord interrogé sur l'utilité des textes proposés, jugeant le système en vigueur satisfaisant. Par ailleurs, il s'est inquiété des conséquences des principes, inscrits dans les propositions de loi, de libre choix de l'avocat et de libre détermination des honoraires, craignant des dépassements du plafond d'honoraires importants.
En réponse, M. Yves Détraigne, rapporteur, a indiqué que les propositions de loi visaient à surmonter le blocage actuel, rappelant l'insuccès des tentatives de rapprochement entre les représentants de la profession d'avocat et ceux des assureurs depuis 2003. En outre, il a rappelé que les conventions d'honoraires susceptibles d'être signées entre l'avocat et son client permettraient à ce dernier d'évaluer le montant des dépenses à engager.
Après avoir souligné l'existence ancienne de l'assurance de protection juridique dont le régime actuel donnait satisfaction, M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est interrogé sur l'opportunité d'y apporter des modifications. Il a regretté que ne soit pas abordée la question des mises en jeu de responsabilité, les assurances acceptant souvent le partage des responsabilités, au mépris de l'article 1384 du code civil.
M. Yves Détraigne, rapporteur, a rappelé que les propositions de lois ne visaient pas à refonder l'assurance de protection juridique, mais à remédier aux dérives constatées par la Commission des clauses abusives.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a ajouté que la question de la responsabilité était certes une question importante, mais distincte de celle des contrats de protection juridique. Il a précisé que les propositions de loi avaient notamment pour objet de rendre effectives les dispositions de l'article L. 127-3 du code des assurances relatives au libre choix de l'avocat, faisant valoir qu'il devait être loisible à l'assuré de choisir de payer plus cher un avocat dès lors qu'il pouvait en espérer une prestation de meilleure qualité. Après avoir salué l'objectif des textes de limiter les motifs de déchéance de garantie, il a rappelé que la commission des lois affirmait, depuis plusieurs années, la nécessité de réformer l'assurance de protection juridique pour offrir aux citoyens un nouveau mode d'accès au droit et à la justice. Il a enfin précisé que les assureurs redoutaient que le nouveau dispositif ne conduise à mettre en péril l'équilibre économique de ce secteur, actuellement très profitable.
M. Jean-René Lecerf a estimé nécessaire de légiférer sur la question de l'assurance de protection juridique. Il s'est déclaré surpris que les assureurs ne financent actuellement que de 2 % du montant total des honoraires d'avocat et s'est réjoui de la réaffirmation du principe fondamental de liberté de choix de l'avocat. Il s'est interrogé d'une part sur l'opportunité d'examiner le texte avant la tenue des assises sur l'aide juridictionnelle le 30 janvier 2007, d'autre part sur l'articulation entre l'aide juridictionnelle et la protection juridique.
En réponse, M. Yves Détraigne, rapporteur, a indiqué que les propositions de loi ne faisaient que procéder à des aménagements techniques sans préjuger de la tenue des assises. Il a souligné, en outre, que le texte présenté par la commission proposait, à l'article 5, que l'aide juridictionnelle ne soit pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide étaient pris en charge au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique, précisant que le ministère de la justice travaillait actuellement sur la question complexe des modalités pratiques de mise en oeuvre du dispositif.
M. Pierre Jarlier s'est réjoui de la qualité du rapport de M. Yves Détraigne, relevant que le texte proposé, équilibré, permettait de renforcer la protection des consommateurs, de clarifier les relations entre les assureurs et les avocats et de réaffirmer le principe de libre choix de l'avocat. Il a fait observer qu'il importait de tirer les conséquences des abus constatés dans les contrats de protection juridique par la commission des clauses abusives. Il a enfin estimé que le risque du renchérissement du coût de l'assurance de protection juridique n'était pas certain, compte tenu de la possibilité offerte aux assureurs de fixer des plafonds de remboursement des honoraires d'avocat. Au surplus, il a partagé l'avis du rapporteur selon lequel l'assuré peut espérer, grâce à l'intervention d'un professionnel du droit reconnu, bénéficier d'une prestation de qualité et, donc, accepter de payer plus cher un contrat plus protecteur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a jugé mineur l'apport des textes proposés, convaincue de ce que l'avocat de l'assurance continuerait, en pratique, à intervenir.
M. Yves Détraigne, rapporteur, a signalé qu'en exigeant une demande écrite préalable de l'assuré, le texte visait à empêcher que l'assureur n'impose trop systématiquement son avocat.
Puis la commission a procédé à l'examen des articles du texte présenté par le rapporteur.
A l'article premier, la commission a adopté le dispositif proposé par les propositions de loi initiales, en proposant toutefois une rédaction plus précise.
La commission a ensuite adopté le dispositif prévu par les propositions de loi initiales pour les articles 2 et 3.
Elle a complété le texte initial des propositions de loi par un article 4 afin de prévoir que le remboursement des frais exposés par l'assuré pour le règlement du litige lui revient prioritairement et que l'assureur ne peut être subrogé, subsidiairement, dans les droits de l'assuré que dans la limite des sommes qu'il a engagées.
A l'article 5, elle a adopté un article tendant à prévoir le caractère subsidiaire de l'aide juridictionnelle lorsque les frais exposés par l'assuré pour le règlement de son litige sont déjà couverts par un contrat de protection juridique ou tout autre système de protection.
Enfin, elle a complété, par coordination, le texte initial des propositions de loi par un article 6 afin de reproduire, dans les règles consacrées à l'assurance de protection juridique applicables aux mutuelles, l'intégralité des dispositions prévues aux articles premier à 4.
La commission a adopté les conclusions dans la rédaction proposée par le rapporteur.
Union européenne - Gestion des fonds structurels européens - Examen du rapport
Enfin, la commission a examiné le rapport de Mme Catherine Troendle sur le projet de loi n° 31 (2006-2007) relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens.
Mme Catherine Troendle, rapporteur, a rappelé que les crédits alloués par la Communauté européenne au titre de sa politique régionale, dite de « cohésion économique et sociale », constituaient une source importante de financements pour la France : 16,145 milliards d'euros pour la période 2000-2006 et 12,704 milliards d'euros pour la période 2007-2013.
Elle a expliqué que leur gestion était soumise à une réglementation détaillée, précisant les objectifs poursuivis, les modalités d'attribution des aides et les contrôles à effectuer, et faisait l'objet d'une programmation pluriannuelle.
Elle a indiqué qu'en France, cette gestion était assurée par l'Etat et était le plus souvent déconcentrée au niveau des préfets de région, mais que la Commission européenne, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux y étaient associés. Elle a ajouté qu'une synergie était recherchée avec la politique nationale d'aménagement du territoire conduite dans le cadre de contrats conclus entre l'Etat et les régions.
Mme Catherine Troendle, rapporteur, a souligné que cette compétence étatique relevait d'un choix national, la réglementation européenne permettant en effet aux Etats membres de confier la gestion de certains programmes à des collectivités territoriales, ainsi qu'à des organismes publics ou privés.
Elle a ainsi observé, d'une part, que des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des groupements d'intérêt public s'étaient ainsi vu déléguer, dès 2000, la gestion de crédits destinés à favoriser la coopération interrégionale (programme Interreg) et la rénovation de quartiers urbains en difficulté (programme Urban), d'autre part, que l'Etat avait confié à la région Alsace en 2003, par convention, la gestion des crédits affectés à la reconversion des zones en difficulté (crédits dits de l'« objectif 2 »).
Elle a expliqué que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait donné un cadre légal à ces initiatives, en les qualifiant de transferts expérimentaux de compétences organisés sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, et avait prévu une évaluation de leurs résultats.
Elle a ajouté que les autres collectivités territoriales avaient seulement bénéficié de subventions globales, la plus importante, représentant 80 % des crédits, ayant été consentie à la région Auvergne.
Mme Catherine Troendle, rapporteur, a constaté que le projet de loi avait pour objet de permettre la poursuite de ces expérimentations au cours de la période 2007-2013, en donnant une base juridique :
- d'une part, au transfert expérimental des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification des crédits européens qui seront opérés pour la période 2007-2013 au bénéfice de collectivités territoriales, de groupements de collectivités territoriales ou de groupements d'intérêt public au titre des programmes de l'objectif « coopération territoriale » ;
- d'autre part, à la poursuite, au cours de la période 2007-2013, de l'expérimentation menée par la région Alsace d'exercice des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement de plusieurs programmes de la politique de cohésion au cours de la période 2000-2006, c'est-à-dire le programme opérationnel de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » financé par le Fonds européen de développement régional et un programme opérationnel de l'objectif coopération territoriale.
Elle a indiqué qu'un bilan de ces nouvelles expérimentations serait établi au 31 décembre 2010.
Mme Catherine Troendle, rapporteur, a exposé que le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT) du 6 mars 2006 avait en effet estimé, d'une part, que l'Etat restait le mieux à même de garantir la coordination et la cohérence des différentes aides, d'autre part, que les expérimentations conduites sur le fondement de la loi du 13 août 2004 étaient encore trop récentes pour donner des résultats probants.
Elle a ajouté que le gouvernement avait décidé de poursuivre le recours au mécanisme de la subvention globale au bénéfice, notamment, des autres collectivités territoriales ou de leurs groupements, mais que la Commission européenne avait marqué son opposition à un recours massif à ce mécanisme dans la mesure où il aurait pour conséquence de contourner la double obligation, pour chaque programme opérationnel, de désigner une autorité de gestion unique et de respecter le champ géographique défini par la réglementation communautaire.
Compte tenu des résultats positifs de l'expérimentation d'une gestion décentralisée des programmes « Interreg » au cours de la période 2000-2006, Mme Catherine Troendle, rapporteur, a proposé d'approuver le transfert expérimental, aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou à des groupements d'intérêt public, des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification de programmes opérationnels relevant de l'objectif « coopération territoriale » de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne pour la période 2007-2013.
Estimant que les résultats obtenus par la région Alsace dans la gestion des crédits affectés à la reconversion des zones en difficulté étaient également positifs et justifiaient la poursuite de l'expérimentation engagée en 2003, elle a jugé nécessaire, pour que cette expérimentation soit significative, de permettre à d'autres régions et à la collectivité territoriale de Corse d'exercer elles aussi, à titre expérimental, les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification de programmes opérationnels relevant de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne pour la période 2007-2013, sous une double condition, dont elle a estimé qu'elle faisait le succès actuel de l'expérimentation alsacienne :
- l'existence d'un consensus politique local minimum, c'est-à-dire l'absence d'opposition des départements concernés ;
- un engagement de la région sur les moyens à mettre en oeuvre et sur l'association de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements à la gestion des fonds.
Enfin, la mise en oeuvre du règlement communautaire du 5 juillet 2006 relatif au groupement européen de coopération territoriale imposant de modifier la législation française, Mme Catherine Troendle, rapporteur, a proposé, à cette occasion, de rénover les instruments de la coopération décentralisée et de donner une base juridique aux actions d'aide au développement ou à caractère humanitaire des collectivités territoriales françaises, en reprenant les dispositions d'une proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 octobre 2005, à l'initiative de M. Michel Thiollière et sur le rapport de M. Charles Guené, toujours en instance à l'Assemblée nationale.
Déplorant les piètres résultats obtenus par l'Etat -les lenteurs administratives faisant perdre des crédits- MM. Patrice Gélard et Hugues Portelli se sont déclarés favorables à la décentralisation de la gestion des fonds structurels.
Indiquant qu'il s'exprimait à la fois en son nom personnel et en celui de Mme Michèle André, excusée, M. Pierre Jarlier a salué les résultats obtenus par la région Auvergne dans la gestion des crédits qui lui ont été délégués au cours de la période 2000-2006 et souhaité que cette expérimentation puisse se poursuivre en 2007-2013.
Mme Catherine Troendle, rapporteur, a précisé que l'amendement qu'elle proposait à la commission permettrait à cette région, sous les conditions précitées, d'exercer les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification de programmes opérationnels relevant de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne pour la période 2007-2013, donc d'avoir encore plus de responsabilités que dans le cadre d'une subvention globale par ailleurs toujours possible.
M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est interrogé sur la nécessité de subordonner à un accord des départements concernés la possibilité, pour d'autres régions que l'Alsace et pour la collectivité territoriale de Corse, d'exercer les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification de programmes opérationnels relevant de l'objectif « compétitivité régionale et emploi ».
Mme Catherine Troendle, rapporteur, a estimé qu'en l'absence de consensus politique local, une telle expérimentation serait vouée à l'échec.
A l'article 2 (transfert à la région Alsace, à titre expérimental, des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification de programmes relevant de la politique de cohésion au cours de la période 2007-2013), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de permettre à d'autres régions que l'Alsace et à la collectivité territoriale de Corse d'exercer elles aussi, à titre expérimental et sous certaines conditions de fond et de délai, les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification de programmes opérationnels relevant de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne pour la période 2007-2013.
Elle a ensuite adopté un amendement tendant à ajouter un article additionnel après l'article 2 afin de rénover les instruments de la coopération décentralisée et de donner une base juridique aux actions d'aide au développement ou à caractère humanitaire des collectivités territoriales françaises, en reprenant les dispositions d'une proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 octobre 2005, à l'initiative de M. Michel Thiollière et sur le rapport de M. Charles Guené, toujours en instance à l'Assemblée nationale.
Enfin, elle a adopté un amendement tendant à retenir l'intitulé suivant : « Projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens et à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements ».
La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.
Jeudi 18 janvier 2007
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.Nomination de rapporteurs
La commission a tout d'abord procédé à la nomination de rapporteurs sur les textes suivants :
- M. Patrice Gélard sur la proposition de loi n° 156 (2006-2007), présentée par M. Nicolas Alfonsi, tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse ;
- M. Patrice Gélard sur la proposition de loi organique n° 171, présentée par M. Philippe Richert, relative aux modalités de candidature aux élections municipales des citoyens de l'Union européenne résidant en France ;
- M. François Noël Buffet sur la proposition de résolution n° 246 (2005-2006), présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Robert del Picchia, au nom de la délégation pour l'Union européenne, et de la proposition de résolution n° 460 (2005-2006), présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Robert Bret et les membres du groupe républicain et citoyen, sur la proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (E 2948).
Justice - Recrutement, formation et responsabilité des magistrats - Procédure pénale - Audition de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice
La commission a tout d'abord entendu M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi organique n° 125 (2006-2007) relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, et le projet de loi n° 133 (2006-2007), tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.
Après avoir rappelé que le drame d'Outreau avait suscité une réelle attente de l'opinion publique pour réformer le fonctionnement de la justice, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que l'adoption de solutions de nature à éviter un nouveau drame ne pouvait être reportée après les échéances électorales.
Prenant acte des critiques formulées à l'égard de la présente réforme, il a déclaré avoir la conviction qu'elle constituait une étape nécessaire pour permettre aux Français de retrouver leur confiance dans la justice.
Il a estimé que le projet de réforme de la procédure pénale apportait des réponses précises et concrètes aux principaux dysfonctionnements constatés dans l'affaire d'Outreau.
Il a indiqué que, pour mettre fin à la solitude du juge d'instruction, des pôles de l'instruction, compétents pour les affaires criminelles et les affaires correctionnelles complexes donnant lieu à une co-saisine, seraient créés.
Il a précisé que ces pôles garantiraient l'effectivité des co-saisines et que ces dernières pourraient désormais être imposées par le président de la chambre de l'instruction, même sans l'accord du magistrat initialement saisi.
Il a estimé que la création des pôles permettrait de confier les affaires les plus complexes à des magistrats expérimentés et de faire travailler en binôme, à travers la co-saisine, les nouveaux juges d'instruction avec les plus anciens, et, plus généralement, de faire acquérir la culture du travail en équipe aux juges d'instruction.
Précisant que les pôles de l'instruction auraient en principe un ressort départemental, il a indiqué que, compte tenu de certaines particularités locales, des pôles pourraient toutefois s'étendre à plusieurs départements et que certains départements pourraient bénéficier de plusieurs pôles.
Il a insisté sur le fait que chaque tribunal de grande instance conserverait un juge d'instruction, chargé des affaires correctionnelles simples, et que les affaires resteraient jugées par la juridiction territorialement compétente.
Il a annoncé que les frais de déplacements supplémentaires supportés par les avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle pour se rendre dans les pôles de l'instruction seraient pris en charge dans le cadre de la réforme.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que, pour faciliter le fonctionnement des pôles, il avait décidé d'une part, d'accélérer la mise en place de la numérisation des procédures pénales, expérimentée par une centaine de tribunaux de grande instance actuellement, afin de favoriser l'accès en temps réel aux dossiers, et d'autre part, d'étendre l'utilisation de la visioconférence pour limiter les déplacements.
Affirmant que les pôles constituaient la première étape vers la collégialité de l'instruction, il a estimé que la mise en oeuvre immédiate de cette dernière aurait été impossible car impliquant environ 240 magistrats et 400 fonctionnaires de greffes supplémentaires.
Il a rappelé que tout en inscrivant le principe de la collégialité de l'instruction dans la loi, l'Assemblée nationale avait pris en compte cette contrainte en fixant l'entrée en vigueur de la collégialité dans un délai de cinq ans.
Il a déclaré que le projet de loi renforçait le caractère exceptionnel de la détention provisoire en limitant l'utilisation du critère du trouble à l'ordre public en précisant que ce dernier ne pourrait plus être employé en matière correctionnelle que pour le placement initial en détention provisoire.
Il a indiqué que le texte prévoyait également l'assistance obligatoire du mis en examen par un avocat lors du débat sur la détention provisoire et permettait au juge des libertés et de la détention de reporter ce débat en vue de favoriser le recours au contrôle judiciaire.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné l'importance du renforcement du contrôle de la chambre de l'instruction sur le déroulement des informations par l'institution d'une audience garantissant l'examen public et contradictoire de tous les aspects de la procédure en cours, dès lors qu'une personne est détenue.
Rappelant que le projet initial du Gouvernement fixait à six mois le délai à l'issue duquel pouvait se tenir cette audience publique, il a relevé que l'Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, avait ramené ce délai à trois mois, considérant qu'il était nécessaire dans certains cas d'avoir plus rapidement un contrôle approfondi de la chambre de l'instruction.
Il a ajouté que ce contrôle des chambres de l'instruction sur les cabinets des juges d'instruction serait aussi conforté par la mise en place d'assesseurs permanents au sein de ces chambres à partir de septembre 2007, lorsque l'activité de ces dernières le justifierait.
Il a noté que la transparence de la justice serait améliorée avec la publicité des audiences relatives à la détention provisoire et l'enregistrement audiovisuel, en matière criminelle, des interrogatoires de garde à vue et devant le juge d'instruction.
Il a expliqué que la publicité de ces audiences serait désormais le principe mais que certains gardes fous seraient posés pour préserver l'efficacité des investigations et la nécessaire sérénité des débats.
Déplorant le fait que l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue et devant le juge d'instruction soit souvent interprété, à tort, comme une mesure de défiance à l'égard des forces de police et des magistrats, il a affirmé qu'il permettait au contraire de lever tout soupçon et de prévenir les mises en cause injustifiées dont font parfois l'objet ces interrogatoires.
Il a indiqué que ces enregistrements pourraient être consultés en cas de contestation et qu'ils permettraient par conséquent de mieux sécuriser les procédures.
Notant que certains acteurs du monde judiciaire contestaient l'utilité de prévoir ces enregistrements devant le juge d'instruction, considérant que la présence de l'avocat et du greffier permettraient de s'en dispenser, il a reconnu la différence de nature entre l'interrogatoire en garde à vue et devant le juge d'instruction, mais a considéré qu'il n'était pas envisageable, dans une société de plus en plus transparente, de refuser les garanties pouvant être apportées par les nouvelles technologies.
Ajoutant que des déplacements en Angleterre et en Italie lui avaient permis de constater que l'utilisation de tels enregistrements y était aujourd'hui appréciée, il a précisé qu'il avait paru préférable au Gouvernement de limiter dans un premier temps leur usage aux affaires criminelles et aux personnes mises en examen.
Il a assuré que le rapport demandé par l'Assemblée nationale permettrait de faire un bilan d'application de ces dispositions après deux ans et d'envisager, le cas échéant, leur extension.
Rappelant que le caractère contradictoire de l'instruction avait fait défaut dans l'affaire Outreau, il a annoncé que la mise en examen pourrait dorénavant être contestée à intervalles réguliers, et non pas seulement dans les six premiers mois, et que des confrontations individuelles pourraient être demandées.
Il a signalé que le caractère contradictoire des expertises serait également conforté par l'information des parties de la décision du juge ordonnant une expertise, sauf si cette information nuit à l'efficacité des investigations, par la possibilité de désigner un coexpert au choix de ces parties, et par la suppression du filtre du président de la chambre de l'instruction en cas d'appel du refus d'une contre expertise.
Il a affirmé que le règlement des informations serait aussi plus contradictoire avec l'obligation pour le juge de statuer au vu des réquisitions du parquet et des observations des parties, et la possibilité pour ces dernières de répliquer à ces réquisitions ou observations, ajoutant que l'ordonnance de renvoi devrait préciser les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a insisté sur l'importance du renforcement, par le projet de loi, du caractère obligatoire de l'enregistrement des auditions des mineurs victimes et de l'assistance d'un avocat, le cas échéant commis d'office, pour ces derniers, lors de leurs auditions devant le juge d'instruction.
Estimant que la crédibilité de la justice passait aussi par sa célérité et par la nécessité de limiter, autant que faire se peut, les informations judiciaires injustifiées, il a rappelé que, conformément aux conclusions du rapport Magendie, le projet de loi supprimait l'extension jurisprudentielle de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l'état », cette règle n'étant maintenue que pour l'action civile engagée en réparation du dommage causé par l'infraction.
Prenant l'exemple d'une plainte avec constitution de partie civile pour vol déposée par l'employeur dans le seul but de paralyser la contestation du licenciement aux prud'hommes, il a indiqué qu'une telle procédure n'aurait désormais plus l'effet recherché et que cette réforme devrait limiter le nombre de plaintes avec constitution de partie civile et, par conséquent, celui des informations.
Il a déclaré qu'en matière délictuelle, la recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile serait subordonnée au refus de poursuites ou à l'inaction du parquet pendant trois mois.
Evaluant le coût de l'ensemble de la réforme à 30 millions d'euros pour le ministère de la justice, il a précisé qu'elle nécessiterait en particulier la création de 70 postes nouveaux de magistrats, pourvus par redéploiement, et de 102 emplois de fonctionnaires de greffe.
Indiquant que ce financement ne figurait pas dans le projet de loi de finances pour 2007, car le chiffrage précis de la réforme dépendait du périmètre définitif de la loi et de son calendrier de mise en oeuvre, il a assuré que le Gouvernement abonderait en tant que de besoin les crédits du ministère de la justice lorsque la loi serait promulguée.
Evoquant le projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné, à titre liminaire, la nécessaire actualisation des dispositifs de formation et de discipline des magistrats.
Affirmant qu'un bon magistrat devait, avant de décider, douter, écouter et examiner tous les arguments qui lui sont soumis, en accordant la même importance à la parole de la victime et à celle du mis en cause, il a estimé que le stage préalable obligatoire constituait le seul moyen de vérifier le respect de ces règles par un futur magistrat.
Précisant que désormais, pour toutes les voies d'accès à la magistrature, ce stage aurait un caractère probatoire obligatoire avant la nomination dans les premières fonctions, il a jugé cette généralisation d'autant plus justifiée que l'Assemblée nationale, par amendements, avait ouvert l'accès au corps judiciaire à des candidats bénéficiant déjà d'une expérience professionnelle dans le domaine juridique.
Cette diversification du recrutement lui semblant insuffisante, il a plaidé pour un allongement de la durée du stage des auditeurs de justice au sein de cabinets d'avocats, actuellement de deux mois, afin de permettre un rapprochement entre les professions d'avocat et de magistrat.
Soucieux de préserver l'architecture de la formation à l'école nationale de la magistrature (ENM) et opposé à l'allongement éventuel de la durée de cette formation, il a exclu la possibilité de supprimer les stages actuels permettant aux auditeurs d'apprendre les techniques de rédaction, d'entretien ou de se familiariser avec les services de police ou l'administration pénitentiaire, invitant le Sénat à trouver un juste équilibre entre ces différents impératifs.
Partageant avec les députés le souci d'ouverture de la magistrature, le Gouvernement a accepté la mobilité obligatoire pour les magistrats introduite par l'Assemblée nationale, cette mobilité conditionnant l'accès aux fonctions les plus élevées de la magistrature (environ 10 % du corps judiciaire). Il a constaté que cette mesure s'inscrivait dans le cadre de la réflexion demandée au Premier Président de la Cour de Cassation, sur la formation spécifique des chefs de juridiction.
Jugeant sensible l'adaptation du régime disciplinaire des magistrats, car liée à l'indépendance de l'autorité judiciaire, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que la réforme proposée s'inscrivait dans les limites posées par l'avis du Conseil d'Etat du 19 octobre dernier.
Il a précisé que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoyait de sanctionner la violation grave et intentionnelle par un magistrat des règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commise dans le cadre d'une instance close par une décision de justice devenue définitive :
- le critère de la violation intentionnelle signifie que le magistrat, consciemment, n'a pas respecté les règles de procédure ;
- la référence à la violation grave permet de tenir compte des conditions matérielles d'exercice des fonctions judiciaires, qui contraignent parfois à s'écarter délibérément de certaines règles procédurales ; le manque de greffiers au sein des juridictions peut par exemple contraindre un juge des enfants à statuer seul dans son cabinet en matière d'assistance éducative, et ainsi, à commettre une violation intentionnelle d'une garantie essentielle des droits des parties, sans que cette violation soit grave, une violation grave devant être interprétée comme faisant grief à une partie en la privant d'un moyen de défense ou nuisant à l'impartialité du juge ;
- la prise en considération des garanties essentielles des parties pour décider de sanctionner un magistrat permet d'éviter la paralysie de la justice, en autorisant par exemple l'engagement d'une action disciplinaire à l'encontre d'un magistrat ayant convoqué un avocat par une lettre simple plutôt que par une lettre recommandée ;
- l'exigence d'une violation intervenant dans le cadre d'une instance close par une décision de justice devenue définitive pour sanctionner le magistrat répond aux remarques du Conseil d'Etat pour lequel, d'une part, l'absence de cette mention introduit un risque de confusion entre l'office des juges d'appel et de cassation et celui du juge disciplinaire et, d'autre part, le conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne doit pouvoir statuer en matière disciplinaire qu'une fois la procédure judiciaire close.
Il a ajouté que la solution retenue permettrait d'éviter que la voie disciplinaire ne puisse être utilisée dans le cadre d'une instance en cours pour déstabiliser un magistrat et que la rédaction adoptée s'inscrivait dans le respect des principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire.
Rappelant que l'Assemblée nationale avait souhaité, avec l'accord du Gouvernement, que le CSM soit chargé d'élaborer et de rendre public un recueil des obligations déontologiques des magistrats, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que cette innovation renforcerait l'effectivité de la responsabilité des magistrats.
Estimant que les événements récents avaient démontré l'inaptitude de certains magistrats à exercer l'ensemble des fonctions judiciaires, il a jugé opportun, lorsque l'encadrement d'un magistrat était nécessaire, de lui interdire, pour une durée déterminée, d'exercer des fonctions à juge unique.
Dénonçant l'impossibilité actuelle d'écarter immédiatement de l'exercice de toute fonction juridictionnelle un magistrat dont le comportement révèle des problèmes pathologiques, il a jugé utile de permettre au garde des sceaux, sur avis conforme du CSM, de suspendre de ses fonctions un magistrat dont le comportement justifie la saisine du comité médical, appelé à statuer dans un délai de six mois.
Il a rappelé la volonté des Français de voir développés les contrôles externes sur le fonctionnement de l'autorité judiciaire.
Constatant qu'il n'existait pas en l'état du droit, d'autorité extérieure à l'institution judiciaire habilitée à recueillir, examiner et donner suite aux réclamations des justiciables sur les dysfonctionnements de la justice liés au comportement des magistrats, il a jugé utile de confier cette tâche au Médiateur de la République, institution désormais connue et respectée par les Français.
Rappelant qu'en 2004, 23 % des 57.000 dossiers dont le Médiateur avait été saisi concernaient un dysfonctionnement de la justice, il a constaté l'écho important que recueillait chaque année dans l'opinion son rapport d'activité et la rigueur dont il faisait preuve à la fois dans le traitement des saisines et dans les conclusions qu'il en tire.
Le Médiateur de la République lui a semblé la seule autorité compétente pour recevoir les réclamations émanant de toute personne mettant en cause le comportement d'un magistrat. Celui-ci pourra transmettre au garde des sceaux une réclamation jugée sérieuse et si ce dernier décide de ne pas engager de poursuites disciplinaires, il devra en informer le Médiateur par une décision motivée.
Afin de donner un caractère public et officiel à une éventuelle saisine du garde des sceaux par le Médiateur, il a indiqué qu'à la suite des réponses de ce dernier, un rapport spécial établi par cette autorité serait publié au journal officiel.
Il a rappelé que conformément à la volonté des députés de renforcer l'information du Médiateur pour lui permettre d'identifier les réclamations « sérieuses », le Médiateur pourrait demander aux chefs de cour d'appel tous les éléments d'information utiles à ses investigations, ajoutant que la Chancellerie mettrait à sa disposition les moyens nécessaires pour faire face à ses nouvelles missions.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a conclu son propos en soulignant que les textes soumis à l'examen du Sénat constituaient un rééquilibrage majeur de la procédure pénale et un approfondissement de la responsabilité des magistrats, et qu'ils permettraient à l'institution judiciaire d'intervenir de façon plus transparente et mieux comprise des justiciables, dans un plus grand respect des droits des parties.
Se déclarant favorable à l'institution de la collégialité en matière d'instruction, M. François Zocchetto, rapporteur, s'est demandé s'il ne serait pas possible de réduire le délai d'entrée en vigueur de cette réforme essentielle, actuellement fixé à cinq ans, en procédant notamment à un redéploiement des magistrats.
Après s'être réjoui du renforcement des pouvoirs des chambres de l'instruction en matière de contrôle des décisions des juges d'instruction, en particulier par la possibilité d'effectuer un examen régulier de l'ensemble de la procédure de détention provisoire, il a souhaité savoir dans quel délai les effectifs des chambres de l'instruction seraient accrus à cet effet, se faisant l'écho des craintes formulées par certains magistrats entendus en audition.
Rappelant que le projet de loi prévoyait l'obligation d'enregistrement audiovisuel des gardes à vue et des auditions des personnes mises en examen devant le juge d'instruction pour les seules affaires criminelles, M. François Zocchetto, rapporteur, s'est également demandé si le changement de qualification de l'infraction au cours de l'enquête ou de l'instruction ne risquerait pas de frapper la procédure de nullité.
Il s'est enfin interrogé sur l'opportunité de conserver le critère de l'ordre public pour décider de la détention provisoire d'une personne mise en examen.
Après avoir salué l'amendement des députés tendant à mettre en place un recueil des obligations déontologiques des magistrats, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur du projet de loi organique, s'est interrogé sur la définition de la faute disciplinaire proposée par le texte, considérant qu'en prévoyant que l'instance devait être close avant de pouvoir engager la responsabilité du magistrat, la rédaction proposée par l'Assemblée nationale risquait de conduire à ne sanctionner la faute du magistrat que très longtemps après sa commission. Il s'est prononcé en faveur d'une réforme ambitieuse mais réaliste de la formation et de la mobilité des magistrats. Tout en soulignant le rôle reconnu du Médiateur de la République, il a jugé complexe la procédure, introduite par l'Assemblée nationale, pour l'examen des plaintes des justiciables, le Médiateur, saisi par un parlementaire, ayant désormais la possibilité de solliciter des chefs de cour d'appel tous éléments d'informations utiles avant de saisir, le cas échéant, le garde des sceaux. Après avoir manifesté son hostilité à la saisine directe du CSM par le Médiateur, proposée par le rapport d'enquête de l'Assemblée nationale sur les dysfonctionnements de l'affaire Outreau, il a jugé utile de mettre en place un filtrage, composé de personnalités qualifiées, placé auprès du garde des sceaux, et chargé de traiter les réclamations.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord rappelé que la collégialité de l'instruction avait déjà été adoptée par le Parlement, à l'initiative de M. Robert Badinter, alors garde des sceaux, dans une loi du 10 décembre 1985 portant réforme de la procédure d'instruction en matière pénale qui n'est toutefois jamais entrée en vigueur, et que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire d'Outreau tenait beaucoup à l'instauration de cette collégialité.
Il a expliqué que cette réforme nécessitait toutefois du temps pour effectuer les recrutements et assurer la formation des magistrats. Faisant remarquer que de nombreux départs à la retraite devraient intervenir au cours des prochaines années et que, si le nombre de magistrats paraissait aujourd'hui satisfaisant, il n'en était pas de même pour les fonctionnaires des greffes, il a estimé qu'un délai de cinq ans pour l'instauration de la collégialité de l'instruction était réaliste.
Prenant pour exemple son expérience locale, il a mis en évidence les difficultés de mise en place de cette collégialité sur l'ensemble du territoire national, même si un poste de juge d'instruction était maintenu dans chaque tribunal de grande instance. Il a affirmé que cette réforme engendrerait nécessairement un recrutement supplémentaire de magistrats, le nombre de postes devant être créés étant estimé à 70, pour les seules chambres de l'instruction.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite indiqué que le maintien du critère de l'ordre public pour prononcer la détention provisoire s'expliquait principalement par la volonté de conserver la possibilité de mettre en détention des personnes mises en examen dans le cadre de violences urbaines.
Il s'est félicité que, conformément à l'objectif poursuivi depuis son arrivée au ministère de la justice, la détention provisoire ait baissé de 10 %.
Il a également estimé que le changement de qualification de l'infraction au cours de l'enquête ou de l'instruction ne devrait en aucun cas conduire à la nullité de l'interrogatoire de la personne gardée à vue ou de l'audition du mis en examen devant le juge d'instruction s'ils n'ont pas fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel, la procédure ayant été respectée au regard de la qualification retenue au moment de l'interrogatoire ou de l'audition.
Partageant l'analyse de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, sur la nécessité de préciser la faute disciplinaire pour donner une plus grande efficacité au dispositif, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, s'est en revanche déclaré hostile à la création d'une nouvelle « commission Théodule » qui aurait vocation à examiner les plaintes des justiciables, faisant valoir que le projet de loi organique proposait de confier cette mission à une institution connue et appréciée des Français, sans porter atteinte aux prérogatives des chefs de cour d'appel et du garde des sceaux, seules autorités habilitées à saisir le CSM.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a émis des doutes sur le bien fondé de l'enregistrement des gardes à vue et des auditions des mis en examen devant le juge d'instruction, arguant du fait que les enregistrements actuellement effectués n'étaient que très rarement consultés.
Il a souhaité que le président de la chambre de l'instruction ne dispose plus de compétences propres, avant d'affirmer que les chambres de l'instruction ne contredisent presque jamais les décisions prises par les juges d'instruction.
Après avoir plaidé pour la mise en place d'une commission d'instruction des plaintes compétente pour saisir le CSM en matière disciplinaire, M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé nécessaire de prévoir une procédure d'urgence pour suspendre de ses fonctions un magistrat atteint de troubles pathologiques. Il a souhaité la publicité des avis du Conseil d'Etat et a jugé inopportuns les nouveaux pouvoirs dévolus au Médiateur en matière disciplinaire.
Il s'est enfin déclaré favorable aux autres dispositions de la réforme.
M. Patrice Gélard a relevé le grand nombre d'auditeurs de justice n'ayant pas suivi d'études de droit. Regrettant le caractère inadapté de la formation dispensée aux étudiants en droit dans le cadre des Instituts d'Etudes Judiciaires (IEJ), il s'est prononcé en faveur d'une formation juridique commune à tous les professionnels du droit à l'instar de l'Allemagne. Il a relevé que les Instituts d'Etudes Politiques (IEP) avaient su mettre en place des préparations efficaces au concours d'entrée à l'Ecole Nationale de la Magistrature (ENM). Il a souhaité qu'une réflexion s'engage pour que l'Université suscite davantage de vocations vers les carrières judiciaires.
Partageant le point de vue de M. Patrice Gélard sur la situation des IEJ, M. Robert Badinter a indiqué que l'instauration d'un double filtre des parlementaires puis du Médiateur pour l'examen des plaintes des justiciables compliquait la procédure, la plupart des plaintes étant aujourd'hui directement adressées aux chefs de cour ou au garde des sceaux.
Rappelant que les dysfonctionnements de la justice dans l'affaire « Grégory » reposaient sur les mêmes causes que ceux constatés dans l'affaire d'Outreau, M. Robert Badinter a estimé que le système judiciaire ne pouvait fonctionner qu'avec une collégialité de l'instruction ou l'instauration de la procédure accusatoire, difficilement intégrable au système français.
Estimant qu'il convenait de rompre avec la solitude du juge d'instruction, il a affirmé que la collégialité de l'instruction ne pouvait réussir qu'accompagnée d'une réforme de la carte judiciaire, sinon il serait difficile d'affecter des juges d'instruction qui n'auraient plus à traiter des affaires criminelles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a appelé de ses voeux une réforme plus globale de la justice, regrettant l'insuffisance des crédits alloués à l'institution judiciaire. S'agissant de la garde à vue, elle a marqué sa préférence pour la présence de l'avocat plutôt que pour l'enregistrement audiovisuel systématique. Elle a souhaité qu'une réflexion s'engage sur les pouvoirs du Médiateur, récemment étendus aux prisons, ainsi que sur l'opportunité de maintenir le filtre parlementaire préalable à la saisine du Médiateur.
Elle a également souhaité qu'en matière de détention provisoire le critère de l'ordre public soit supprimé et que soit instauré un délai butoir.
Evoquant des avis récents du CSM s'opposant à la nomination au siège de magistrats du parquet, Mme Catherine Troendle a rappelé l'attachement des magistrats à l'unicité du corps de la magistrature et à la mobilité des carrières entre le siège et le parquet. Elle s'est interrogée sur l'opportunité d'une réforme de la composition et du mode de fonctionnement du CSM.
M. Jean-René Lecerf a jugé que la saisine directe du Médiateur permettrait d'éviter qu'un parlementaire n'enclenche, même indirectement, une procédure disciplinaire à l'encontre d'un magistrat. Relevant que les dysfonctionnements judiciaires n'étaient pas toujours imputables aux magistrats, il s'est interrogé sur la possibilité d'ouvrir au Médiateur l'instruction des plaintes concernant les autres acteurs de l'institution judiciaire (notaires, huissiers...).
Jugeant pertinentes les analyses de M. Patrice Gélard sur la qualité des centres de préparations des IEJ et IEP, M. Hugues Portelli a estimé nécessaire, pour le recrutement des magistrats, de valoriser les parcours professionnels et l'expérience de la vie, plutôt que la réussite au concours de l'ENM. Il a également prôné le renforcement de la formation continue des magistrats et une réflexion sur la fusion des deux ordres de juridiction (administratif et judiciaire), dans un souci d'efficacité et de rationalité.
M. Pierre Fauchon a considéré que la dualité de juridictions, legs historique souvent mal compris des Français, posait de nombreux problèmes pratiques. A cet égard, il a appelé de ses voeux l'unification du droit public et du droit privé, à l'instar de l'évolution amorcée en matière de dommages causés par des véhicules automobiles. Il a indiqué que la faculté de discernement, qualité première de tout magistrat, n'était pas nécessairement révélée par la réussite à un concours, faisant observer que dans le système britannique les juges étaient recrutés généralement parmi d'anciens avocats ayant démontré des compétences professionnelles et des qualités humaines certaines.
Insistant sur l'importance majeure de la prise en compte de la parole de l'enfant dans les affaires concernant des infractions de nature sexuelle, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le non respect de l'obligation légale d'enregistrement audiovisuel des auditions des mineurs victimes constituait l'un des dysfonctionnements essentiels de l'affaire d'Outreau.
Souscrivant aux propos de M. Robert Badinter qui a précisé qu'il convenait de prendre toutes les précautions souhaitables pour le recueil de la parole de l'enfant, qui dit « sa » vérité, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a salué la qualité et le savoir-faire des services judiciaires et hospitaliers spécialisés dans l'accueil des mineurs victimes et le recueil de leurs déclarations.
Il s'est ensuite déclaré défavorable à la suppression des pouvoirs propres du président de la chambre de l'instruction.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, s'est déclaré ouvert sur la saisine directe du Médiateur par les citoyens, rappelant qu'un tiers des plaintes sont aujourd'hui adressées sans passer par un parlementaire. Il a jugé opportun que le Parlement débatte de cette question, rappelant l'attachement de certains députés à la saisine par voie parlementaire. Il a souligné que la réussite des étudiants formés dans les IEP aux concours de l'ENM -d'ailleurs très bien classés- démontrait qu'ils recevaient une formation juridique appropriée. Quant à la publicité des avis consultatifs du Conseil d'Etat, il a indiqué que la décision appartenait au Premier Ministre, président de cette institution.
Il a renouvelé son attachement à un délai de cinq ans pour l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction, afin de procéder aux actions de formation et aux recrutements nécessaires, tout en rappelant les difficultés de mise en oeuvre de la réforme sur l'ensemble du territoire national.
Mme Borvo Cohen-Seat s'est prononcée en faveur d'une réforme de la composition du CSM.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a constaté l'absence de consensus sur la réforme de la composition du CSM, l'indépendance du parquet et la séparation des carrières entre le siège et le parquet, et a souligné que ces réformes ne répondaient pas aux dysfonctionnements apparus au cours de l'affaire d'Outreau. Il fait valoir, par ailleurs, que, fait sans précédent, le budget de la justice avait progressé de 38 % en cinq ans, contre 22 % lors de la précédente législature. Il a souhaité qu'une loi de programmation pour garantir des moyens de fonctionnement suffisants à l'institution judiciaire soit votée lors de la prochaine législature.
Après s'être félicité de l'augmentation du budget consacré à la justice dans le budget de l'Etat, passé de 1,2 % en 1986 à 2,2 % en 2006, M. Robert Badinter a déploré son niveau encore trop modeste.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a salué la qualité de la formation dispensée à l'ENM, évoquant le manque d'attractivité des voies parallèles, compte tenu des écarts de rémunérations. Il s'est déclaré favorable à l'ouverture de la magistrature à des profils plus diversifiés, permettant par exemple à une directrice des relations humaines d'une grande entreprise de terminer sa carrière à la chambre sociale de la Cour de cassation.
Constitution - Modification du titre IX de la Constitution - Audition de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice
La commission a ensuite entendu M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi constitutionnelle n° 162 (2006-2007) portant modification du titre IX de la Constitution.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a rappelé que l'article 68 de la Constitution disposait que « le Président de la République (...) ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de justice. ».
Il a constaté que ces règles d'apparence simple s'étaient en fait révélées ambiguës.
Ainsi, par sa décision du 22 janvier 1999 relative à la Cour pénale internationale, le Conseil constitutionnel avait interprété l'article 68 comme instituant un privilège de juridiction de portée générale pour le chef de l'Etat, supposant que pendant la durée de ses fonctions, la responsabilité pénale du Président de la République ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de justice selon les modalités fixées par le même article. Pour le juge constitutionnel, la Haute Cour avait compétence pour connaître de l'ensemble de la responsabilité pénale du Président de la République, y compris s'agissant d'actes antérieurs ou détachables de l'exercice des fonctions.
En revanche, dans son arrêt du 10 octobre 2001, la Cour de cassation n'avait pas eu la même interprétation, estimant qu'il n'existait pas de privilège de juridiction du chef de l'État et que la compétence de la Haute Cour de justice était limitée au crime de haute trahison. La Cour de cassation avait considéré que les juridictions de droit commun étaient compétentes en dehors du cas de haute trahison, à raison de faits antérieurs à l'élection du Président de la République ou sans rapport avec l'exercice de ses fonctions, tout en concluant à l'inviolabilité temporaire du chef de l'État pendant l'exercice de son mandat. Aussi la Cour avait-elle précisé que la prescription était suspendue pendant la durée du mandat présidentiel.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a constaté que les deux juridictions s'accordaient sur l'essentiel, à savoir le fait que le Président de la République, hors le cas de haute trahison, ne saurait, pendant son mandat, être mis en cause devant aucune juridiction pénale de droit commun, mais que leur divergence d'analyse révélait un doute sur la portée exacte des dispositions de l'article 68 de la Constitution, ajoutant que les termes de « haute trahison » devaient être précisés.
Rappelant que ces considérations avaient conduit le Président de la République à demander à une commission, présidée par le professeur Pierre Avril, de réfléchir au statut pénal du Président de la République, il a constaté que le projet de loi constitutionnelle déposé en juillet 2003 reprenait l'ensemble des propositions de cette commission.
Indiquant que l'article 67 nouveau réaffirmait le principe traditionnel d'immunité du Président de la République pour les actes accomplis en cette qualité, il a noté qu'il posait par ailleurs un principe d'inviolabilité de portée générale pour tous les autres actes du Président de la République, c'est-à-dire ceux accomplis pendant la durée de son mandat mais sans lien avec celui-ci et ceux commis antérieurement à son élection.
Il a estimé qu'était ainsi exclue, durant son mandat, toute action à l'encontre du Président, quels qu'en soient l'objet ou la finalité, devant toute juridiction y compris civile ou administrative, ajoutant que le Président ne pouvait notamment pas être requis de témoigner, cette interdiction ne faisant cependant pas obstacle à un témoignage spontané de sa part.
Il a précisé que l'article 67 fixait par ailleurs à un mois après la cessation des fonctions le délai à l'issue duquel prend fin la suspension des procédures et des prescriptions, ajoutant que l'Assemblée nationale avait souhaité préciser ce dispositif en inscrivant clairement dans la loi fondamentale que les délais de prescription ou de forclusion sont suspendus pendant la durée du mandat.
Concernant l'article 68 nouveau de la Constitution, il a expliqué qu'il introduisait dans nos institutions une procédure de destitution inédite, ajoutant que la destitution du Président de la République ne pourrait être décidée qu'« en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ».
Insistant sur l'abandon du critère incertain de « haute trahison » au profit de celui d'un manquement incompatible avec la poursuite du mandat, c'est-à-dire avec la dignité de la fonction, il a souligné qu'il était essentiel de confier l'appréciation du comportement d'un homme au regard des exigences de ses fonctions, au Parlement, siégeant dans son intégralité en Haute Cour, car ce dernier était doté d'une légitimité démocratique égale à celle du chef de l'Etat.
Rappelant que la procédure était aménagée en deux temps, de telle manière qu'elle ne puisse être utilisée à des fins partisanes, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que la proposition de réunion de la Haute Cour devrait d'abord être successivement adoptée par la majorité des membres composant chacune des deux assemblées et que, par la suite, la Haute Cour, présidée par le président de l'Assemblée nationale, statuerait à la majorité des membres qui la composent et à bulletins secrets, dans un délai de deux mois.
Il a souligné que la décision de réunir la Haute Cour, une fois adoptée par les deux chambres, emportait, à titre conservatoire, empêchement du Président de la République jusqu'à la fin de la procédure.
Constatant que l'Assemblée nationale avait souhaité remplacer la majorité simple à tous les stades de la procédure par la majorité des deux tiers, exigé que le vote soit personnel, et supprimé la procédure d'empêchement, susceptible de fragiliser la fonction présidentielle, tout en réduisant à un mois le délai dont disposait initialement la Haute Cour pour statuer, il a indiqué que ces modifications avaient eu l'aval du Gouvernement, car elles permettaient de mieux affirmer le caractère exceptionnel et non partisan de la procédure de destitution.
En conclusion, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé que le projet de loi constitutionnelle s'inscrivait dans le prolongement des Constitutions de 1875, 1946 et 1958, et qu'il apportait les précisions nécessaires pour clarifier l'irresponsabilité du chef de l'Etat tout en consacrant la simple suspension de la prescription relative à son inviolabilité.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a estimé nécessaire de garantir l'inviolabilité du Président de la République afin de le mettre à l'abri de procédures abusives pendant la durée de son mandat. Il s'est interrogé en revanche sur le régime de responsabilité civile applicable au chef de l'Etat.
En réponse, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, signalant que l'irresponsabilité envisagée était à la fois pénale, administrative et civile, l'objectif étant de protéger la fonction présidentielle, a précisé que rien n'empêchait cependant le Président de la République d'accepter la convocation d'un juge. Il a ajouté qu'en contrepartie de cette protection absolue, il était loisible aux parlementaires de destituer le chef de l'Etat, s'il se rendait coupable d'un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. Au surplus, a-t-il précisé, le Président de la République redevient un citoyen ordinaire au terme de son mandat et peut alors être poursuivi devant toutes les juridictions.
M. Robert Badinter a jugé choquant que la mise en cause de la responsabilité civile du Président de la République, pour les actes étrangers à l'exercice de ses fonctions, soit soumise à son consentement et relève de sa seule appréciation. Après avoir rappelé qu'il avait exprimé son hostilité au projet de loi constitutionnelle dès juillet 2003, il s'est étonné de ce que le texte proposé ait pour effet de rendre le chef de l'Etat irresponsable de ses actes, y compris dans le cadre d'une affaire de corruption ou d'un contentieux familial, patrimonial ou fiscal. Il a fait valoir, en outre, que la longueur du mandat présidentiel et son possible renouvellement lui procuraient une protection excessive. Il s'est félicité que l'Assemblée nationale ait prévu que la destitution ne puisse être prononcée qu'à la majorité des deux tiers, mais a regretté que la Haute Cour n'ait qu'un mois pour statuer sur la destitution, faisant observer que l'instruction du dossier devait respecter les droits de la défense et la présomption d'innocence. Il a souhaité savoir comment et par quelle autorité serait conduite l'instruction d'une demande de destitution par la Haute Cour.
M. Robert Badinter a mis en avant le risque que présenterait une destitution du chef de l'Etat prononcée après sa mise en cause dans une affaire de corruption, alors que la procédure judiciaire en cours sur les faits invoqués pourrait conclure à un non-lieu après la destitution du Président. S'interrogeant sur ce qu'il adviendrait alors du chef de l'Etat destitué qui, bien qu'il soit innocent, ne pourrait réintégrer ses fonctions présidentielles, il a souligné la nécessité de préciser comment pouvait être mise en oeuvre la procédure de destitution pour des manquements qui feraient par ailleurs l'objet d'une procédure.
Après avoir cité l'hypothèse d'un meurtre commis par le chef de l'Etat, il a expliqué qu'un acte de cette nature susciterait une telle émotion dans le pays que le Président de la République serait contraint de démissionner ou que sa destitution serait prononcée par le Parlement, considérant qu'il se serait rendu coupable d'un manquement aux devoirs élémentaires de sa fonction.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a rappelé que le projet de loi initial proposait que le délai d'instruction de la proposition de destitution soit de deux mois et que l'Assemblée nationale avait souhaité le réduire à un mois. S'agissant de l'instruction d'une proposition de destitution, il a estimé qu'elle devait relever d'autorités politiques, soulignant que la commission Avril proposait à cet égard que la loi organique la confie aux vice-présidents des deux assemblées, sans faire intervenir un seul magistrat. Il a insisté sur la nécessité que le manquement à l'origine de la procédure de destitution ait un caractère scandaleux et flagrant.
Evoquant les travaux de la commission Avril et la méthode retenue pour préparer la révision constitutionnelle, M. Hugues Portelli a souligné que le pouvoir constituant appartenait au peuple et à ses représentants, et non à des experts, aussi respectables soient-ils. Il a souhaité savoir s'il n'eût pas été opportun de s'en tenir à la décision du Conseil constitutionnel de 1999 sur la responsabilité pénale du chef de l'Etat, établissant la compétence générale de la Haute Cour de justice en vertu d'un privilège de juridiction, alors que les propositions de la commission Avril prenaient pour point de départ la décision de la Cour de cassation de 2001.
M. Pierre Fauchon a jugé contestables les dispositions du projet de loi constitutionnelle selon lesquelles le chef de l'Etat ne peut être attrait durant son mandat devant une juridiction civile, pour des actes étrangers à sa fonction.
En réponse, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice a indiqué que la majorité qualifiée des deux tiers offrait au chef de l'Etat des garanties importantes et que le texte avait pour objectif de clarifier son régime de responsabilité pénale. S'agissant de l'instruction des propositions de destitution, il a précisé qu'elle n'avait pas vocation à être conduite par des magistrats, la procédure étant politique et non juridictionnelle. Il a ajouté que la commission Avril avait décidé de retenir la position de la Cour de cassation exprimée dans un arrêt du 10 octobre 2001, selon laquelle la Haute cour n'est compétente qu'en cas de haute trahison.
Il a souligné que si les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les juridictions et aux pouvoirs publics, la Cour de cassation avait considéré que la décision du 22 janvier 1999 ne s'appliquait qu'au cas d'espèce, à savoir la compétence de la Cour pénale internationale pour connaître des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, sans distinction fondée sur la qualité officielle des personnes.
Enfin, évoquant l'affaire « Jones » aux Etats-Unis, il a mis en avant les dérives auxquelles une mise en jeu de la responsabilité civile du chef de l'Etat pouvait conduire, la frontière entre le civil et le pénal apparaissant alors très fragile.
M. Robert Badinter, considérant que le projet de loi constitutionnelle visait à instaurer une procédure d'« impeachment » à la française, permettant de rendre le Président de la République à la condition de citoyen ordinaire pour qu'il puisse être jugé, a estimé que le modèle américain n'était pas pertinent pour la France. Il a rappelé que la procédure d' « impeachment » était née en 1787 de la défiance des Etats fédérés à l'égard du pouvoir du Président des Etats-Unis, et que la destitution était d'ailleurs prononcée par le Sénat, représentant constitutionnel des Etats. Cette procédure peut d'ailleurs viser l'ensemble des hauts responsables du gouvernement et de la justice fédérale, qu'il s'agisse du président, des hauts fonctionnaires ou des juges, ces responsables ne comparaissant que devant le Sénat et non devant les deux chambres du Congrès réunies.
M. Pierre Fauchon a estimé que la révision proposée visait seulement à remplacer la notion de haute trahison, imprécise, par un motif de destitution mieux défini et à réformer la procédure en faisant comparaître le Président de la République devant le Parlement plutôt que devant une formation restreinte.
Justice - Procédure pénale - Echange de vues
La commission a ensuite procédé à un débat d'orientation sur le projet de loi n° 133 (2006-2007) tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.
Rappelant qu'il présenterait, la semaine suivante, son rapport sur le projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale devant la commission, M. François Zocchetto, rapporteur, a indiqué qu'il souhaitait évoquer, à ce stade, les principales questions posées par le texte.
Estimant que l'introduction de la collégialité de l'instruction par le projet de loi était une bonne mesure, il s'est interrogé sur la nécessité de reporter de cinq ans son entrée en vigueur.
Il a observé que la création de pôles de l'instruction pouvait être interprétée comme la première étape d'une refonte de la carte judiciaire, puisque chaque pôle réunirait au moins deux juges d'instruction, ajoutant que les autres tribunaux ne traiteraient plus d'affaires criminelles et d'affaires délictuelles complexes.
Concernant la détention provisoire, il a souligné que la réforme avait le mérite de restreindre l'usage du critère du trouble à l'ordre public et il s'est demandé si l'on ne pourrait pas cesser d'y faire référence.
Il a rappelé que la publicité des audiences devenait le principe et l'audience de cabinet l'exception, en particulier pour le placement en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention et pour le contentieux de la détention devant la chambre de l'instruction, et il a relevé que cette publicité ne bénéficierait pas toujours à la personne mise en examen.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a noté qu'il ne fallait d'ailleurs pas confondre la publicité des audiences avec le respect du caractère contradictoire de la procédure.
M. François Zocchetto, rapporteur, s'est demandé s'il ne fallait pas en outre étendre le principe de la collégialité pour la mise en détention et s'est interrogé sur l'efficacité de la procédure de réexamen des dossiers par la chambre de l'instruction tous les six mois, ajoutant que les présidents de chambres d'instruction lui avaient signalé que ces dernières étaient déjà débordées.
Il a souligné que le drame d'Outreau avait eu autant pour cause les déficiences individuelles d'un juge d'instruction que celles de la chambre d'instruction compétente.
Rappelant que le projet de loi introduisait l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires en matière criminelle des personnes placées en garde à vue et des personnes mises en examen par le juge d'instruction, il s'est interrogé sur l'utilité de procéder systématiquement à de tels enregistrements, ajoutant que la présence d'un greffier et d'un avocat constituaient déjà des garanties importantes.
Il a également envisagé une extension éventuelle des enregistrements aux témoins.
Il a rappelé qu'en dépit du caractère obligatoire de l'enregistrement des auditions des mineurs victimes depuis 1998, un grand nombre d'entre elles n'étaient toujours pas enregistrées en pratique à l'heure actuelle.
Evoquant un « effet Outreau », il a constaté que de nombreuses mesures du projet de loi issu de l'Assemblée nationale tendaient à renforcer les droits de la défense.
Il a indiqué que le projet de loi proposait par ailleurs de limiter le champ d'application de la règle « le criminel tient le civil en l'état » afin de limiter les procédures abusives et dilatoires.
Il a précisé que l'article 12 du projet de loi subordonnait notamment le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile en matière délictuelle à la saisine préalable du ministère public, constatant que les avocats étaient hostiles à l'ensemble de l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery s'est interrogée sur l'application du principe de collégialité de l'instruction dans l'hypothèse d'une nouvelle instruction consécutive à un appel.
M. François Zocchetto, rapporteur, a précisé que plusieurs des dispositions du projet de loi permettaient à la personne mise en examen de porter ses recours contre certains des actes de l'instruction directement devant la chambre de l'instruction sans passer par le « filtre » du président de cette juridiction.
Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président
Justice - Recrutement, formation et responsabilité des magistrats - Echange de vues
La commission a ensuite procédé à un débat d'orientation sur le projet de loi organique n° 125 (2006-2007) relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.
Après avoir évoqué les principales dispositions du projet de loi organique (allongement de la durée du stage avocat accompli lors de la formation initiale, obligation de formation continue, nouvelles règles de mobilité calquées sur celles applicables aux anciens élèves de l'ENA), M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, notant le fossé grandissant entre les avocats et les magistrats, préjudiciable au bon fonctionnement de l'institution judiciaire, a jugé opportune l'initiative des députés de porter à six mois la durée du stage avocat. Il a néanmoins envisagé de modifier légèrement cette durée afin de ne pas augmenter la durée globale de la formation initiale.
Il a souligné l'intérêt d'ouvrir la magistrature à la société civile et a proposé d'alléger les conditions de recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire. Abordant la définition de la faute disciplinaire proposée par le texte pour en clarifier la portée au regard des actes juridictionnels, il a indiqué qu'il réfléchissait à un dispositif permettant d'une part de ne pas introduire une confusion entre l'exercice des voies de recours et le pouvoir d'appréciation du CSM en matière disciplinaire, d'autre part de sanctionner plus efficacement les défaillances graves d'un magistrat, sans attendre la fin d'une procédure.
Jugeant trop complexe la procédure d'examen des réclamations des justiciables par le Médiateur de la République dont la saisine serait en outre soumise au filtrage des parlementaires, il a souhaité que ces réclamations soient examinées par un organisme indépendant, nommé par le garde des sceaux et chargé de transmettre à ce dernier les plaintes qui paraîtraient fondées. Soulignant l'intérêt d'un organisme collégial composé de personnalités ayant l'expérience du monde judiciaire pour examiner ces réclamations, il a fait valoir, en outre, que le Médiateur ne disposait pas des moyens nécessaires pour instruire les plaintes des justiciables dont il pourrait être saisi.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a souligné la nécessité que les plaintes des justiciables mettant en cause le comportement d'un magistrat fassent l'objet d'un examen effectif, et le cas échéant, donnent lieu à des poursuites disciplinaires.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, souscrivant à la démarche des députés tendant à instituer une obligation de mobilité extérieure, a suggéré un assouplissement du dispositif, afin d'autoriser l'accomplissement de la mobilité dès quelques années d'exercice et sur une ou deux années.
Evoquant ensuite la procédure de suspension des magistrats dont le comportement serait pathologique, il a jugé souhaitable la création d'un comité médical national, les comités départementaux, non spécialisés, ne prenant pas suffisamment en compte les spécificités de la magistrature.
M. Patrice Gélard, président, a signalé que plus de 45 % des réclamations reçues par le Médiateur à son siège parisien lui étaient adressées directement, sans passer par un parlementaire. Il s'est montré circonspect sur l'instauration d'une saisine préalable du Médiateur par les parlementaires pour l'examen des plaintes des justiciables mettant en cause le comportement des magistrats, estimant que ce filtre pourrait les mener à des appréciations portant atteinte à la séparation des pouvoirs.
Après s'être interrogé sur la valeur ajoutée des innovations proposées par le texte au regard du droit actuel, notamment s'agissant du dispositif concernant la faute disciplinaire, M. Pierre Fauchon a craint que l'intervention du Médiateur de la République ne complique inutilement la procédure. Il a fait valoir qu'il serait plus opportun de s'appuyer sur les structures existantes, telles que le corps d'inspection judiciaire et les chefs de cour, plutôt que de renforcer les prérogatives du Médiateur, dont le rôle essentiel consiste à intervenir pour trouver en équité une solution à des dysfonctionnements administratifs, après que les démarches entreprises par les usagers furent demeurées infructueuses. Considérant que la mission dévolue par le texte au Médiateur de la République dénaturait son statut, il a affirmé le rôle fondamental des chefs de cour d'appel dans la prévention et le traitement des manquements professionnels des magistrats et plus généralement en matière de déontologie. A cet égard, il a souhaité que les chefs de cour fassent un usage plus actif de la faculté de saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature en matière disciplinaire, ouverte par la réforme statutaire du 25 juin 2001. Il a également suggéré un renforcement des corps d'inspection.
Sceptique quant aux apports du texte concernant la définition de la faute disciplinaire, M. Jean-René Lecerf a constaté qu'il n'était pas envisagé de sanctionner l'erreur grossière et manifeste d'appréciation des magistrats.
M. François Zocchetto, faisant observer que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale conduisait à une mobilité statutaire trop tardive dans la carrière, a estimé que l'ouverture et l'enrichissement attendus d'une telle mobilité devraient plutôt intervenir en début de carrière, pendant une durée d'un ou deux ans. Après s'être demandé s'il était nécessaire d'inscrire dans le statut des magistrats des précisions sur la faute disciplinaire alors même que celle-ci faisait l'objet d'une jurisprudence étayée du CSM, il s'est interrogé sur l'articulation entre la faute disciplinaire et la procédure dans le cadre de laquelle elle aurait été commise.
S'agissant de la procédure d'examen des plaintes des justiciables, il a jugé choquant, au regard des règles constitutionnelles de séparation des pouvoirs, qu'un parlementaire puisse être à l'origine d'une poursuite disciplinaire à l'encontre d'un magistrat. Considérant que le Médiateur ne disposait pas de la légitimité nécessaire pour intervenir dans le fonctionnement de l'institution judiciaire, il s'est demandé si la mention du Médiateur dans un texte organique n'aurait pas pour effet de rendre obligatoire le reclassement au niveau organique de son statut. Il s'est prononcé en faveur d'une commission des requêtes chargée d'examiner les réclamations des justiciables, qui pourrait être rattachée au garde des sceaux ou au Président la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.
Jugeant inopportune l'extension des pouvoirs du Médiateur, M. Hugues Portelli a indiqué que ce dernier avait vocation à régler des dysfonctionnements administratifs et n'avait par conséquent aucune légitimité pour instruire des réclamations relatives au comportement des magistrats. Le transfert à cette autorité d'un pouvoir d'instruction des plaintes des justiciables lui a semblé attentatoire à la séparation des pouvoirs.
En conclusion, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a rappelé que le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, dressant un bilan des autorités administratives indépendantes, établi par M. Patrice Gélard, avait proposé que la saisine du Médiateur soit ouverte à tout citoyen et que soit cependant maintenue la possibilité d'une saisine par l'intermédiaire d'un député ou d'un sénateur.