- Mercredi 4 octobre 2006
- Economie - Situation de l'économie française - Audition de MM. Marc Touati, directeur des études économiques de Natexis Banques Populaires, et Nicolas Sobczak, directeur exécutif du service de la recherche économique de Goldman Sachs
- Contrôle budgétaire - « Justice » - Formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion - Communication de M. Roland du Luart, rapporteur spécial
- Energie - Secteur de l'énergie - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2007 - Audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat
Mercredi 4 octobre 2006
- Présidence de M. Jean Arthuis, président. -Economie - Situation de l'économie française - Audition de MM. Marc Touati, directeur des études économiques de Natexis Banques Populaires, et Nicolas Sobczak, directeur exécutif du service de la recherche économique de Goldman Sachs
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Marc Touati, directeur des études économiques de Natexis Banques Populaires, et Nicolas Sobczak, directeur exécutif du service de la recherche économique de Goldman Sachs, sur la situation conjoncturelle de l'économie française.
M. Jean Arthuis, président, a souligné la nécessité, au début de la discussion budgétaire, de pouvoir entendre des économistes sur les perspectives de croissance à court terme de l'économie française. Il a rappelé que si M. Marc Touati avait déjà été auditionné par la commission, c'était la première fois que la commission entendait M. Nicolas Sobczak.
Il a déclaré que la commission économique de la Nation, qui réunissait les principaux conjoncturistes français, et leur permettait de confronter leurs analyses avec celles du gouvernement, s'était réunie le mardi 3 octobre 2006. Il a indiqué que le gouvernement prévoyait une croissance du PIB de 2,25 % en 2006, contre 2,3 % pour le consensus des conjoncturistes, tout comme Goldman Sachs et Natexis Banques Populaires. Il a ajouté que la croissance du PIB en 2007 serait de 2 % selon le consensus des conjoncturistes, contre 2,25 % selon le gouvernement. Il a précisé que les prévisions pour 2007 de MM. Nicolas Sobczak et Marc Touati étaient respectivement au-dessus et en dessous du consensus, puisqu'elles étaient respectivement de 2,3 % et de 1,8 %. Il a souligné qu'il s'agissait, dans le cas de M. Marc Touati, de la prévision la plus faible de tous les conjoncturistes, alors que celle de M. Nicolas Sobczak était quasiment la plus élevée, le seul organisme à avoir une prévision supérieure ou égale étant JP Morgan, avec une prévision de croissance de 2,5 %.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Marc Touati a affirmé que si l'économie mondiale croissait à un taux de l'ordre de 3 % par an en moyenne, il prévoyait une forte croissance mondiale en 2006 et en 2007, de respectivement 5 % et 4,2 %. Il a estimé que cette forte croissance de l'économie mondiale permettrait à l'économie de la zone euro de croître de 2,5 % en 2006 et 1,8 % en 2007. Il a souligné l'importance des aléas, s'interrogeant en particulier sur les conséquences que pourraient avoir, en 2007, une diminution du taux d'épargne des ménages, ou une diminution brutale des prix de l'immobilier. Il a considéré qu'en sens inverse, le prix d'équilibre du baril de Brent étant compris entre 50 et 60 dollars, l'évolution du prix du pétrole constituait un « aléa positif », alors que le gouvernement et lui-même prévoyaient un prix du baril de Brent de respectivement 70 dollars et 61 dollars en 2007. Il a souligné, à cet égard, que les économies contemporaines étaient bien moins dépendantes de l'évolution du prix du pétrole qu'il y avait une ou deux décennies, du fait d'une moindre intensité énergétique, de la diminution de la part des industries manufacturières dans le PIB, et de la relative déconnexion de l'inflation et des fluctuations du prix du pétrole. Il a considéré que la faiblesse de l'inflation dans les pays européens, conséquence d'une concurrence nationale et internationale accrue, n'était d'ailleurs pas sans susciter certains problèmes, la recherche de gains de productivité qui en découlait rendant la croissance moins « riche en emplois ».
M. Jean Arthuis, président, a déploré la « désindustrialisation » de la France. M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que la faiblesse des créations d'emplois concernait la seule Europe continentale.
M. Marc Touati a indiqué que, contrairement à ce qui s'était produit lors des cycles précédents, l'Europe ne s'était pas « raccrochée » en 2002 à la reprise de la croissance mondiale. Il a considéré que la croissance de l'économie française était soutenue par le dynamisme de la consommation, qui présentait l'inconvénient de susciter davantage d'importations. Il a estimé que l'économie des Etats-Unis connaîtrait en 2007 un scénario d' « atterrissage en douceur », la baisse des prix immobiliers prévue pour 2007 devant selon lui être, en partie, compensée par celle des taux directeurs de la Banque centrale des Etats-Unis. Après avoir indiqué que, selon lui, les « pays émergents » devaient désormais être appelés les « pays submergeants », du fait de leur part croissante dans le PIB et dans les exportations mondiales, il a jugé que la Chine verrait son PIB croître à un taux de l'ordre de 10 % en 2007, malgré un léger ralentissement. Il a souligné que la zone euro connaissait un taux de croissance du PIB inférieur depuis 2002 à celui des Etats-Unis, et depuis 2003, à celui du Japon. Il a indiqué que si le progrès technique, mesuré par la croissance de la productivité totale des facteurs de production, s'accélérait aux Etats-Unis depuis le début des années 1990, du fait de la « nouvelle économie », il se ralentissait en revanche régulièrement dans la zone euro depuis le début des années 1970. Il a considéré que l'augmentation de 3 points de la TVA allemande au 1er janvier 2007 aurait pour effet d'accroître la consommation à la fin de l'année 2006 et de la réduire au début de l'année 2007, suscitant une moindre croissance en 2007, avec un niveau de l'ordre de 1,2 % en 2007, contre 2,3 % en 2006. Il a jugé que la formule de M. Helmut Schmidt, chancelier de la République fédérale d'Allemagne de 1974 à 1982, selon laquelle « les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain », ne s'était pas vérifiée, depuis 2005, dans le cas de l'Allemagne, les profits et les investissements ayant été élevés, alors que l'emploi total augmentait peu. Il a exprimé son scepticisme quant à la capacité de la France à résorber à court terme son déficit public, rappelant que les administrations publiques avaient été en déficit chaque année depuis 1980.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a précisé que le budget général de l'Etat avait été voté en équilibre pour la dernière fois en 1975.
M. Marc Touati a considéré que, du fait de l'augmentation de l'endettement brut des ménages, et de la diminution de leur épargne brute, la consommation ne pourrait être durablement maintenue en l'absence de reprise de l'emploi. Il a jugé qu'il existait une « bulle immobilière » en France, et estimé que les prix commenceraient à baisser dès 2007. Il a cependant estimé que le faible niveau des taux d'intérêt permettait d'écarter le risque de krach.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné l'effet redistributif d'une baisse des prix immobiliers.
M. Marc Touati a considéré que la baisse du taux de chômage observée depuis un an, de l'ordre d'un point, provenait essentiellement des modalités de « traitement statistique du chômage ».
M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que cela réduisait les dépenses d'indemnisation du chômage.
M. Jean-Jacques Jégou a souligné l'impact du vieillissement de la population sur la diminution du taux de chômage.
M. Marc Touati a déploré que la diminution du taux d'endettement public affichée par le gouvernement, selon lequel ce taux reviendrait de 66,6 % du PIB en 2005 à 64,6 % du PIB en 2006 et 63,6 % du PIB en 2007, découle de la diminution de la trésorerie, et non de celle du déficit public, et soit donc purement optique.
La commission a alors entendu M. Nicolas Sobczak, directeur exécutif du service de la recherche économique de Goldman Sachs.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Nicolas Sobczak a considéré qu'il convenait de minorer les différences entre ses prévisions et celles de M. Marc Touati. Il a cependant indiqué qu'il jugeait, contrairement à ce dernier, que la différence des taux de croissance du PIB observée sur le long terme entre la France et les Etats-Unis provenait non d'une plus grande productivité totale des facteurs aux Etats-Unis, mais de la démographie, responsable d'environ 1 point de croissance d'écart chaque année. Il a estimé que le principal problème auquel l'Europe était confrontée était son taux de chômage.
En ce qui concernait les perspectives économiques à court terme, il a jugé que deux facteurs, en particulier, étaient favorables à la croissance en Europe : l'assainissement de l'économie allemande, et la forte consommation des ménages en France, permise par le recours au crédit. Il a cependant estimé que l'Allemagne et l'Italie verraient leur croissance significativement réduite en 2007, du fait de l'ampleur de leur ajustement budgétaire, le déficit de leurs administrations publiques devant revenir, dans le cas de l'Allemagne, de 3,3 % du PIB en 2006 à 2,5 % du PIB en 2007, et, dans celui de l'Italie, de 3,5 % du PIB en 2006 à 2,8 % du PIB en 2007. Il a souligné la différence avec la France, menant une politique budgétaire qu'il a qualifiée de « modérément expansionniste », avec un déficit public qui resterait selon lui de l'ordre de 3 % du PIB en 2006 et en 2007, contre respectivement 2,7 % du PIB et 2,5 % du PIB selon le gouvernement.
M. Nicolas Sobczak a estimé que certains aspects de l'économie française étaient sources d'inquiétude : la diminution des exportations, résultant d'un mauvais positionnement, tant sur le plan géographique que sur celui des gammes de produits, la faiblesse des intentions d'investissement des entreprises, la faible confiance des ménages, résultant du modique nombre de créations d'emplois (environ 100.000 par an, contre 500.000 autour de l'an 2000), résultant selon lui, en partie, des effets retardés de la réduction du temps de travail menée par la précédente législature. Il a considéré, contrairement à M. Marc Touati, que le marché immobilier resterait porteur en France en 2007. Il a souligné à cet égard qu'en France, une partie des ménages, comme les jeunes, n'avait pas accès au crédit, ce qui constituait une différence importante par rapport aux Etats-Unis, en particulier dans le cas du financement des études.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que le coût des études était nettement plus élevé aux Etats-Unis qu'en France, de sorte que les situations n'étaient pas comparables.
En réponse, M. Nicolas Sobczak a estimé que si les droits d'inscription à l'université étaient plus élevés aux Etats-Unis, le coût global des études était analogue, du fait des autres dépenses, comme le logement et l'alimentation.
Il a jugé que la faible confiance des ménages venait en particulier de la situation difficile où se trouvaient les classes moyennes. D'un côté, les classes moyennes profitaient peu de la mondialisation, dont l'un des principaux effets était de susciter l'augmentation du prix des matières premières, alors que les baisses de prix des produits de consommation importés étaient souvent « captées » par le système de distribution. De l'autre, les salariés payés au SMIC avaient vu depuis 1997 leur rémunération horaire nettement augmenter du fait de la réduction du temps de travail. Il a considéré que ce phénomène était l'une des causes de la faible confiance des Français envers leurs dirigeants, telle que la mesuraient les sondages. Il a par ailleurs indiqué que, selon une enquête, moins de 40 % des Français considéraient l'économie de marché comme « le meilleur système pour l'avenir du monde », contre environ 70 % pour les Chinois, les Américains, les Britanniques, les Allemands, les Espagnols et les Polonais, ce qui la plaçait en outre après l'Italie, le Brésil, la Turquie et la Russie.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé que les exposés de MM. Marc Touati et Nicolas Sobczak étaient complémentaires, le second étant selon lui « très influencé par l'esprit anglo-saxon ». Il s'est interrogé sur la viabilité du modèle de croissance français, qui reposait sur la consommation, dont une part importante était importée, alors que celui de l'Allemagne reposait davantage sur l'investissement et les exportations. Il a jugé souhaitable un « atterrissage en douceur » du marché de l'immobilier.
En réponse, M. Marc Touati a indiqué que, depuis 1998, le taux de croissance de l'économie française était supérieur d'un point en moyenne à celui de l'économie allemande. Il a cependant indiqué que l'Allemagne avait profité de cette période pour rendre le partage de sa valeur ajoutée plus favorable aux entreprises, ce qui le rendait plus optimiste, à long terme, sur les perspectives de l'économie allemande que sur celles de l'économie française, considérant que l'écart de croissance actuellement observé allait probablement disparaître, voire s'inverser. Il a estimé que 100 euros de consommation supplémentaire suscitaient 40 euros supplémentaires de produits importés.
M. Jean Arthuis, président, a considéré que la consommation était un moindre facteur de croissance que l'investissement.
M. Marc Touati a estimé que si une baisse des prix immobiliers pouvait bénéficier aux ménages les moins aisés, qui n'étaient pas encore propriétaires, aucune économie au monde n'avait connu de baisse des prix immobiliers sans traverser de récession.
M. Jean Arthuis, président, a déclaré craindre que certains dispositifs d'incitation à la construction de logements locatifs ne favorisent la chute des prix de l'immobilier, considérant que les propriétaires de ces logements pourraient les vendre lorsqu'ils seraient parvenus au terme de la durée minimale de détention nécessaire pour bénéficier de ces dispositifs.
M. Nicolas Sobczak a considéré que M. Marc Touati avait exposé une vision « très industrielle » de l'économie. Il a indiqué qu'il ne convenait pas, selon lui, de privilégier le « modèle allemand » par rapport au « modèle français », reposant sur des services dynamiques, et où la dérégulation des services permettait à ceux-ci de croître plus rapidement qu'en Allemagne. Il a estimé que la « stratégie » adoptée par l'Allemagne provenait en grande partie de la réunification, qui avait rendu nécessaire l'intégration de nombreux travailleurs peu productifs. Il a jugé que les importations n'étaient pas une « mauvaise chose », dès lors que les consommateurs bénéficiaient du moindre prix des importations. Il a cependant déploré que tel ne soit pas suffisamment le cas en France. Il s'est pour cette raison déclaré favorable à une réforme de la « loi Galland ».
M. Jean Arthuis, président, s'est réjoui de ce que M. Nicolas Sobczak semble suggérer l'existence d'une « stratégie » française dans le domaine économique.
M. Joël Bourdin s'est interrogé sur la dépendance du marché immobilier vis-à-vis des taux d'intérêt, sur les conséquences qu'une productivité insuffisante était susceptible d'avoir sur le niveau des exportations, et sur les modalités de mesure du pouvoir d'achat.
Mme Nicole Bricq a considéré que l'audition de MM. Nicolas Sobczak et Marc Touati conduisait à relativiser « l'autosatisfaction du gouvernement » en matière économique. Elle s'est inquiétée des conséquences de l'absence de coordination des politiques économiques en Europe, et de l'insuffisance de l'investissement en France.
M. Auguste Cazalet a souligné que l'achat de biens immobiliers par des étrangers était diversement apprécié dans les zones rurales, et que le développement de l'économie espagnole au cours des dernières décennies avait été considérable.
M. Jean Arthuis, président, a estimé que les évolutions économiques étaient « plus subies que pilotées ». Il a néanmoins jugé que, dans le cas de l'Allemagne, les réformes structurelles réalisées par la précédente majorité commençaient à porter leurs fruits. Il s'est interrogé sur le poids du secteur du bâtiment dans la croissance économique, et sur l'intérêt d'accroître le pouvoir d'achat des ménages, alors que celui-ci suscitait davantage d'importations, et que cet objectif pouvait parfois sembler contradictoire avec celui de lutte contre le chômage.
En réponse, M. Marc Touati a considéré qu'il faudrait, en France, créer environ 400.000 emplois par an pour susciter une augmentation durable du pouvoir d'achat, génératrice d'investissement. Il a jugé que si les délocalisations d'activité n'étaient pas néfastes par elles-mêmes, il importait de conserver les activités recourant à une main-d'oeuvre qualifiée. Il a estimé que la France devait, comme l'Allemagne, réaliser d'importantes réformes de son marché du travail et de sa fiscalité.
M. Nicolas Sobczak a souligné que le marché immobilier était très sensible aux taux d'intérêt, et qu'il ne devrait pas non plus se produire de krach l'année prochaine, aucune augmentation de ceux-ci n'étant prévue en 2007. Il a considéré que pour augmenter durablement le pouvoir d'achat, la France devait déréguler davantage son économie, en particulier en ce qui concernait le marché des biens et le marché du travail. Il a, par ailleurs, jugé que le problème en France n'était pas tant le niveau du pouvoir d'achat que son partage, l'un des enjeux étant en particulier de permettre aux salariés de mieux bénéficier des revenus du capital.
Contrôle budgétaire - « Justice » - Formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion - Communication de M. Roland du Luart, rapporteur spécial
La commission a ensuite entendu une communication de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, sur la formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué qu'après s'être intéressé, l'année dernière, à la question essentielle des frais de justice, il avait souhaité aborder, dans le cadre de ses travaux de contrôle, le thème de la formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion.
Il a, tout d'abord, rappelé que les impératifs d'une bonne gestion des crédits étaient, aujourd'hui encore plus qu'hier, au coeur des enjeux de la justice et que, dans ces conditions, la formation à la gestion devenait une dimension incontournable du cursus des acteurs de l'institution judiciaire.
Il a indiqué que les conclusions qu'il soumettait à l'approbation de la commission s'appuyaient sur des auditions menées à l'occasion de ses déplacements à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) et à l'Ecole nationale des greffes (ENG), ainsi que sur des rencontres avec les équipes pédagogiques, les élèves en cours de formation et les acteurs de la vie des juridictions.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a insisté sur la nécessité de consolider le lien de confiance entre la Nation et ses magistrats, à l'heure où un divorce semble se dessiner entre l'opinion publique et le corps de la magistrature.
Il a indiqué que la formation à la gestion des magistrats et des greffiers en chef consistait, en formation initiale, à les sensibiliser aux problématiques et aux outils de gestion. Elle était ensuite complétée par une approche plus pratique et plus directement opérationnelle, en formation continue.
Décrivant le cursus des auditeurs de justice et des élèves de l'ENG, il a précisé que pour ces élèves, dont la culture et le profil étaient essentiellement juridiques, la gestion constituait souvent une découverte, pour laquelle leur appétence était relativement faible. Concernant la scolarité des auditeurs de justice à l'ENM, il a expliqué qu'une série de modules de formation consacrés aux techniques budgétaires et aux enjeux financiers était proposée aux élèves. Revenant, ensuite, sur la formation dispensée à l'ENG, il a indiqué que la gestion y revêtait une importance toute particulière, les élèves greffiers en chef ayant à mobiliser, dans leurs futures fonctions, des compétences en gestion administrative et budgétaire, en gestion du personnel, en organisation, en management et en communication. Il a ajouté que la réforme de l'ENG, menée en 2003, avait permis, avec l'allongement de la durée de scolarité, un fructueux « reprofilage » des programmes et s'était accompagnée d'une revalorisation des cours de management et de gestion. Il a cité, parmi les thèmes traités par ces formations, les frais de justice, la collecte de l'information statistique, la conception de tableaux de suivi, la maîtrise de l'outil informatique et la prévision budgétaire.
S'agissant de la formation continue, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que les deux acteurs majeurs étaient l'ENM et l'ENG, certaines formations étant, d'ailleurs, mises en place en partenariat entre ces deux écoles. Il a précisé que, à côté de cette offre de formation à vocation nationale, coexistait une offre « déconcentrée », conçue et proposée à l'échelle des cours et des juridictions, via les Magistrats délégués à la formation (MDF) et les Responsables de la gestion de la formation (RGF). Il a, également, évoqué l'administration centrale, amenée à développer, ponctuellement, des programmes de formation spécifiques sur des problématiques de gestion identifiées comme prioritaires.
Concernant la formation continue des magistrats, il a souligné qu'il n'y avait pas, pour les magistrats en poste, d'obligation à se former au cours de leur carrière, mais qu'ils disposaient d'un droit à la formation de cinq jours par an. Il a insisté sur l'adéquation entre les modules proposés et les attentes de la part des magistrats. Il a précisé que cette formation avait pour objectif d'accompagner les magistrats dans leurs changements de fonction, de répondre à leurs besoins de formation à l'encadrement et de les aider à mieux appréhender les réformes législatives ayant un impact sur la gestion des juridictions. A cet égard, il a estimé que les parlementaires devraient, avant toute réforme législative, se fixer pour règle de procéder à des simulations sur l'impact des textes en discussion ayant des conséquences sur le travail des juges.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a cité, à titre d'exemple, une session sur les « Frais de justice », un cycle de formation portant sur « La LOLF, les contrats d'objectifs et les indicateurs d'activité », un atelier consacré au « Plan de formation des cadres » et un module dédié à l'« Actualité des cours d'appel ». Etant lui-même intervenu dans le cadre du cycle consacré à la LOLF, le 18 mai 2006, il a témoigné de la qualité d'écoute des magistrats, de la haute tenue des échanges et du souci de l'ENM d'aborder, à cette occasion, les vrais sujets de préoccupation de l'institution judiciaire.
Décrivant la formation continue des greffiers en chef, il a indiqué que ceux-ci bénéficiaient de dix jours de formation obligatoire par an, sur une période de cinq ans à compter de la titularisation. Il a précisé que, par la suite, ils continuaient de se voir proposer une offre de formation à la gestion, mais cette fois sur la base du volontariat.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, s'est félicité que certaines de ces formations, comme par exemple celle relative à la LOLF, soient ouvertes tant aux greffiers en chef qu'aux magistrats. Il a estimé que de tels partenariats permettaient de bénéficier, à la fois, d'économies d'échelle dans l'organisation de ces modules et de synergies grâce aux échanges d'expériences qu'elles favorisaient.
Il a souligné que les méthodes pédagogiques mises en oeuvre à l'ENM et à l'ENG se caractérisaient par une réelle professionnalisation et que, face au défi de la technicité et de la complexité de la gestion appliquée à la justice, cet enseignement remplissait son contrat. Il a estimé que cette formation avait su prendre le tournant de la modernité et de l'efficacité, notamment en tirant profit des compétences internes au ministère de la justice et en ayant judicieusement recours aux partenariats.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, s'est, en outre, félicité que les formations offertes reposent largement sur l'intervention et l'expérience des praticiens, en citant l'exemple de l'ENM, où l'équipe pédagogique était constituée de trente cinq magistrats expérimentés et était renforcée par des conférenciers occasionnels, issus des juridictions ou extérieurs au ministère de la justice, venant partager leur expertise.
Il a, par ailleurs, porté un jugement très positif sur les conditions de travail offertes par les deux écoles, à Bordeaux et à Paris, pour l'ENM, et à Dijon, pour l'ENG. Il a, également, salué le recours aux stages et à une politique de partenariats dynamique, gage de qualité de l'enseignement.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a, toutefois, jugé perfectible cette formation à la gestion et a fait part à la commission des améliorations qui, selon lui, étaient envisageables.
Il a, tout d'abord, évoqué l'évaluation de la formation, qui ne devait plus se limiter à une évaluation « à chaud », c'est-à-dire immédiatement à l'issue du cours reçu, mais, au contraire, permettre la prise de distance. Dans cette perspective, il a estimé souhaitable de la compléter par une évaluation a posteriori, dans une période de six mois à un an après la sortie des élèves de l'école ou la fin de la session de formation continue. Il a indiqué que l'ENG avait, d'ailleurs, déjà commencé à s'engager dans cette voie. Il a ajouté que cette évaluation devait, aussi, procéder à un tour d'horizon plus complet des acteurs concernés par la formation (chefs de cour, magistrats, chefs de greffe, coordonnateurs de SAR) et non plus être uniquement tournée vers le « formé ».
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué qu'une autre amélioration résidait dans la diversification des profils à l'entrée des deux écoles. A cet égard, il a précisé que les candidats reçus aux concours n'avaient que rarement un profil gestionnaire, et que la majorité présentait un profil très juridique. Il a estimé qu'une telle homogénéité pénalisait la diffusion souhaitable d'une culture de gestion au sein de l'ensemble de l'institution judiciaire. Aussi, afin d'attirer un plus grand nombre de diplômés en gestion, a-t-il préconisé la présence de l'ENG et de l'ENM sur les campus de recrutement, organisés par la plupart des écoles et des universités de gestion, ainsi qu'une évolution des épreuves du concours d'entrée de ces deux écoles, en y introduisant une composante liée à la gestion.
Il a, en outre, rappelé que les nouvelles technologies devaient être encore mieux mises au service de la formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion. Il a précisé que les deux écoles avaient, d'ores et déjà, commencé à tirer profit de l'apport des nouvelles technologies dans la pédagogie qu'elles mettaient en oeuvre. Dans cette perspective, il a cité l'exemple de l'ENM mettant à la disposition de chaque auditeur de justice un ordinateur portable. Il a, néanmoins, considéré que tout le potentiel de cette révolution technologique était loin d'être épuisé. Evoquant l'éloignement géographique entre les deux écoles et la journée de train nécessaire pour aller de l'une à l'autre, il a estimé que la « visioconférence » et le « e-learning » constituaient les prochaines étapes à franchir.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a souligné que la formation à la gestion des magistrats et des greffiers en chef devait, également, pouvoir s'enrichir d'approches différentes et d'expériences encore plus diversifiées. De ce point de vue, il a souhaité que la politique de partenariats et de stages soit encore densifiée pour aller chercher l'expertise en matière de gestion là où elle se trouvait le plus développée : dans les écoles de commerce, les universités et les entreprises. Il a précisé que l'ENM travaillait d'ailleurs, d'ores et déjà, sur une telle collaboration, avec l'école des Hautes études commerciales (HEC) et l'Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), l'objectif étant d'impliquer les enseignants de ces écoles dans la direction de certaines sessions de formation et de favoriser les transferts de savoir-faire pédagogiques.
Il a, par ailleurs, regretté que la distinction fondamentale entre la gestion et le management ne soit pas clairement établie dans les formations proposées. Il a rappelé que l'enseignement de la gestion, au sens strict, renvoyait à l'acquisition de techniques, tandis que la formation au management correspondait à des savoir-être : savoir motiver une équipe, savoir encadrer, savoir imaginer des solutions nouvelles... Il a indiqué que la formation à la gestion des magistrats et des greffiers en chef tendait, jusqu'à présent, à privilégier la gestion, stricto sensu, au management. Aussi, a-t-il jugé utile un rééquilibrage de la formation, au profit de l'enseignement du management, l'une des clefs de succès des réformes engagées au sein de l'institution judiciaire résidant dans la capacité des magistrats et des greffiers en chef à s'impliquer et à mobiliser les équipes.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a, également, appelé de ses voeux une plus grande valorisation des efforts de formation dont faisaient preuve les magistrats et les greffiers en chef. Il a insisté sur la nécessité de mieux prendre en compte ces efforts dans l'évaluation des personnels et leurs déroulements de carrière.
Il s'est félicité que la formation à la gestion tienne, désormais, une place essentielle dans les enseignements dispensés aux auditeurs de justice, aux élèves de l'ENG, ainsi qu'aux magistrats et aux greffiers en chef en fonction. Il a souligné, à cet égard, les efforts très significatifs, engagés au cours des dernières années, au sein de l'ENM comme de l'ENG, pour prendre la mesure de ce nouvel impératif et l'inscrire dans des programmes déjà très chargés. Il a affirmé que la gestion n'était plus le « parent pauvre » de ces cursus et a insisté sur cette révolution culturelle, qui marquait autant la volonté de s'adapter à la nouvelle donne budgétaire que la capacité à mener à bien ce défi. Il a considéré que l'entrée en application de la LOLF expliquait certes, en partie, cette volonté, mais qu'il fallait également voir dans ce mouvement une véritable prise de conscience et une adhésion aux nouvelles règles budgétaires.
Il a estimé que ce constat encourageant n'était pas neutre, à l'heure où la Nation semblait douter de la Justice, comme des hommes et des femmes qui la rendaient. Il a affirmé qu'il fallait y voir le signe de la capacité d'adaptation de l'institution judiciaire, de son souci de bien faire et de rester en phase avec les attentes que les Français nourrissaient à son égard.
Pour conclure, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a souhaité que cette mission de contrôle puisse efficacement contribuer à renouer le lien si précieux qui unissait, au sein de la République, la justice et le justiciable, le service public de la justice et l'administré, le magistrat et le citoyen. S'appuyant sur l'expérience d'un stage réalisé, au cours du mois de mai 2006, à la Cour d'appel de Paris, il a estimé que le Sénat était perçu par les magistrats comme un interlocuteur de qualité, fiable et sérieux.
Un large débat s'est alors instauré.
M. Jean Arthuis, président, approuvant les analyses de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, et soulignant la grande qualité de son travail, a rappelé l'importance du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire. Il a souligné que les impératifs de bonne gestion des crédits n'entraient pas en contradiction avec cette règle constitutionnelle. Se souvenant d'avoir exercé les fonctions de rapporteur spécial des crédits de la justice pendant trois ans et rappelant tout l'intérêt qu'il y avait trouvé, il a souhaité que la commission continue de travailler au renforcement du lien de confiance unissant l'ordre judiciaire et le Parlement.
M. François Trucy a salué l'utilité de la mission de contrôle menée par M. Roland du Luart, rapporteur spécial, dans la perspective d'une future réforme de la justice. Evoquant l'expérience tirée de son stage au sein du tribunal de grande instance de Pontoise, il a confirmé le peu d'appétence pour la gestion chez les jeunes auditeurs de justice. Il a, toutefois, relativisé ce comportement, jugeant qu'il évoluait ensuite favorablement avec le temps. Il a, enfin, fait part de ses craintes de voir la Nation divorcer de ses magistrats, tout en soulignant qu'il était parfaitement possible de porter un jugement sur le fonctionnement de l'institution judiciaire sans remettre en cause le principe de son indépendance.
M. Philippe Dallier a insisté sur la volonté des élus locaux d'aider la justice, en s'insérant, par exemple, au sein de la chaîne pénale ou en jouant un rôle dans le cadre des condamnations à un travail d'intérêt général. Il s'est, par ailleurs, félicité des bonnes relations entretenues par le procureur du tribunal de grande instance de Bobigny avec les élus de son ressort de juridiction. Il a, enfin, rappelé que la LOLF pouvait, parfois, être abusivement tenue pour responsable des difficultés matérielles auxquelles se trouvait confronté l'ensemble des personnels de l'institution judiciaire.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a salué l'initiative de M. Christian Poncelet, président du Sénat, permettant aux sénateurs d'effectuer des stages en juridiction, et a estimé que cette démarche contribuait fortement à l'image positive des élus de la Haute Assemblée auprès des magistrats.
Il a affirmé que, progressivement, les juridictions avaient intégré les principes de la LOLF. Evoquant l'actualité récente en Seine-Saint-Denis et rappelant le stage qu'il avait effectué, en 2005, au sein du tribunal de grande instance de Bobigny, il a souhaité que la commission suive avec une grande attention ces questions et soit ainsi à l'écoute du malaise gagnant actuellement l'ordre judiciaire. Evoquant les dysfonctionnements de la justice, et notamment l'affaire dite d'Outreau, il a considéré qu'il convenait, également, de porter au crédit de l'institution judiciaire la résolution rapide d'affaires complexes, comme celle survenue il y a quelques mois à Angers.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a estimé fondamental de réduire la fracture apparaissant entre certains responsables politiques et les juges, et a souhaité que les conclusions de sa mission de contrôle puissent y contribuer.
Il a, par ailleurs, salué l'ouverture d'esprit et la conscience vive des nouveaux enjeux budgétaires, dont faisaient preuve les directeurs de l'ENM et de l'ENG. Il a, en outre, estimé souhaitable de ne pas engager de réforme de la justice trop hâtive, afin d'éviter des conséquences contraires aux résultats espérés.
Revenant sur les propos de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, M. Jean Arthuis, président, a notamment rappelé le rôle considérable du greffier en chef au sein des juridictions, celles-ci ne se limitant pas à une dyarchie composée du président et du procureur.
A cet égard, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a rappelé que l'urgence, dans les juridictions, n'était pas tant un besoin de nouveaux magistrats qu'un manque de greffiers. Il a expliqué que le déficit actuel en greffiers résultait de l'effet d'une pyramide des âges défavorable et était renforcé par les conséquences de l'allongement de la scolarité de l'ENG, celle-ci étant passée de douze à dix-huit mois à l'occasion de la réforme de l'école en 2003.
M. Philippe Dallier a considéré, s'agissant du tribunal de grande instance de Bobigny, qu'il conviendrait de s'intéresser aux conditions matérielles dans lesquelles cette juridiction exerce ses fonctions.
La commission a alors donné acte, à l'unanimité, à M. Roland du Luart, rapporteur spécial, de sa communication et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information.
Energie - Secteur de l'énergie - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 3 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au secteur de l'énergie.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission s'était saisie pour avis du projet de loi relatif au secteur de l'énergie et avait désigné M. Philippe Marini, rapporteur général, en tant que rapporteur. Il a alors invité celui-ci à présenter son rapport.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a tout d'abord souligné que la commission avait pour l'essentiel limité le champ de sa saisine à l'article 10 autorisant la privatisation de la société Gaz de France et définissant les modalités du contrôle public sur cette entreprise et ses filiales. Il a déclaré avoir eu une approche patrimoniale de ce sujet, en se plaçant du point de vue de l'Etat actionnaire.
Il a indiqué qu'il lui avait paru nécessaire, malgré tout, de compléter le présent projet de loi par des dispositions concernant la Commission de régulation de l'énergie (CRE), rappelant qu'il s'inscrivait en cela dans la continuité des travaux de la commission. En effet, lors de l'examen des projets de lois de finances rectificatives pour 2004 et pour 2005, il avait déjà présenté des amendements similaires que la commission, puis le Sénat, avaient adoptés, la commission mixte paritaire les ayant, par la suite, rejetés. En outre, il a expliqué qu'il proposerait l'adoption d'un amendement, rédigé en étroite concertation avec M. Ladislas Poniatowski, rapporteur au fond du projet de loi au nom de la commission des affaires économiques, afin de revenir sur les dispositions votées par l'Assemblée nationale quant à la composition de la CRE, et figurant à l'article 2 bis.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué la situation de Gaz de France.
En premier lieu, il a rappelé que la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières avait autorisé l'Etat à ouvrir le capital d'EDF et de Gaz de France. Il a également rappelé qu'en application de ces dispositions, Gaz de France avait été introduit en Bourse le 7 juillet 2005 au moyen, d'une part, de la cession d'actions alors existantes pour un montant de 2,5 milliards d'euros, d'autre part, de l'émission de nouvelles actions, pour un montant de 1,9 milliard d'euros. Il a relevé qu'entre son introduction et la fin du mois de septembre 2006, le cours de l'action de l'entreprise avait progressé de 34 %, augmentant la valorisation de la participation de l'Etat de 270 millions d'euros. Il a ajouté que Gaz de France avait, par ailleurs, versé à l'Etat un dividende de 536 millions d'euros au titre de l'exercice 2005, en progression de près de 50 % par rapport à l'exercice précédent.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a estimé que Gaz de France était une entreprise saine. A cet égard, il a tout d'abord insisté sur sa puissance commerciale, qui lui a permis de conserver une part de marché proche de 80 % sur les marchés ouverts à la concurrence, tout en poursuivant son développement hors du territoire national, 36 % de son chiffre d'affaires de l'exercice 2005 ayant ainsi été réalisé à l'étranger. Il a également souligné la rentabilité du groupe qui, en 2005, a réalisé un bénéfice net de 1,7 milliard d'euros, en hausse de près de 30 % par rapport à 2004, pour un chiffre d'affaires de 22,4 milliards d'euros. Il a enfin mis en exergue le faible endettement de Gaz de France.
Puis il a expliqué que, malgré ces bons fondamentaux, Gaz de France devait grandir, deux arguments justifiant selon lui la recherche d'une taille critique dans le contexte actuel :
- la nécessité de « peser » au cours des négociations commerciales avec les fournisseurs de gaz. A ce propos, il a rappelé que l'Europe dépendait de la Russie et de l'Algérie pour plus d'un tiers de ses approvisionnements gaziers, ce chiffre étant de l'ordre de 40 % pour Gaz de France, ce qui pouvait poser des problèmes géostratégiques, particulièrement après l'accord du 4 août 2006 entre les sociétés russe Gazprom et algérienne Sonatrach ;
- les fusions en cours entre distributeurs de gaz européens, de nature à créer des groupes de grande taille pouvant proposer des offres multi-énergies à leurs clients.
Il a estimé qu'au vu de ces évolutions en cours, Gaz de France ne pourrait se permettre de demeurer un acteur isolé de taille moyenne, et que tel n'était pas l'intérêt de l'Etat actionnaire.
Puis M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, s'est interrogé quant aux alliances possibles pour Gaz de France.
Il a tout d'abord rejeté l'hypothèse d'une fusion entre cette entreprise et EDF, s'appuyant principalement sur les conclusions d'une étude juridique réalisée, en 2004, par le cabinet Bredin-Prat, à la demande de l'Agence des participations de l'Etat. Il a indiqué qu'après avoir montré qu'une telle fusion renforcerait la position dominante d'EDF et de Gaz de France sur leur marché historique, ladite étude concluait que la Commission européenne ne déclarerait ce rapprochement compatible avec le marché commun qu'au prix de très lourdes contreparties. Il a, en particulier, cité la cession d'au moins 10 à 15 % du parc nucléaire d'EDF et de 15 à 20 % des capacités de stockage de gaz de Gaz de France. De plus, il a émis de fortes réserves quant à l'opportunité de créer un tel « empire énergétique », estimant que son contrôle par l'Etat serait de facto à peu près impossible.
A l'inverse, il a jugé que le profil de Suez s'accordait mieux à celui de Gaz de France, indiquant, en premier lieu, qu'une fusion de ces deux groupes permettrait à Gaz de France de diversifier et de sécuriser ses approvisionnements en gaz, notamment en réduisant de façon significative la part de la Russie et de l'Algérie dans le portefeuille des fournisseurs. En outre, il a relevé la grande complémentarité des actifs gaziers et électriques de l'éventuel groupe fusionné. Estimant que cet atout donnerait audit groupe une forte crédibilité en matière d'offre multi-énergies, il s'est félicité que puisse ainsi apparaître un premier « concurrent sérieux d'EDF » sur le marché français. Enfin, s'appuyant sur les estimations de plusieurs analystes financiers, il a conclu qu'une fusion de Gaz de France et de Suez serait de nature à augmenter sensiblement la valeur des actions de l'entreprise, ce dont bénéficierait l'Etat actionnaire.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a ensuite décrit les modalités du contrôle public de Gaz de France prévues par le projet de loi.
A ce sujet, il a tout d'abord indiqué que, possédant plus d'un tiers du capital de l'entreprise, l'Etat disposerait de la minorité de blocage et pourrait donc s'opposer aux décisions relevant de l'assemblée générale extraordinaire, telles que les changements de statuts, d'objet social, de capital social ou de siège social. De plus, il a relevé que le « groupe de contrôle » de l'entreprise inclurait d'autres actionnaires stables, atteignant une proportion supérieure à 40 % de son capital. Il a estimé que ce facteur était de nature à dissuader une éventuelle offre publique d'achat non sollicitée.
Il a ajouté que l'article 10 du projet prévoyait la transformation d'une action de Gaz de France détenue par l'Etat en action spécifique, qui permettrait à la puissance publique de s'opposer à la cession de certains actifs au nom de l'intérêt national. Il a déclaré que la jurisprudence européenne montrait que la création d'une telle action spécifique était compatible avec le marché commun, précisant que le décret prévu par le projet de loi devrait indiquer quels actifs seraient concernés.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a relevé, de plus, que selon les termes du projet de loi, un commissaire du gouvernement participerait, avec voix consultative, à l'ensemble des réunions des organes de gouvernance de Gaz de France.
Après avoir remarqué que la privatisation de Gaz de France ne remettrait en cause ni le service public du gaz, ni le statut du personnel, fondés sur d'autres dispositions législatives, il a conclu que le dispositif prévu par l'article 10 du projet de loi offrait toutes les garanties pour que cette privatisation, qu'il a qualifiée de « condition indispensable du développement de l'entreprise », se déroule sans léser les intérêts des acteurs concernés, ni celui de l'Etat. En conséquence, il a recommandé à la commission d'adopter cet article sans modification.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué la situation des distributeurs non nationalisés.
Il a estimé qu'il serait paradoxal que le projet de loi proposant de privatiser Gaz de France maintienne en l'état l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, dont les dispositions régissent les sociétés d'économie mixte de distribution de gaz détenues par des collectivités territoriales, ledit article ayant précisément été conçu comme une exception au principe de nationalisation prévu par ailleurs par ladite loi.
Il a, en outre, exprimé sa crainte que ces distributeurs, de taille modeste et qui ne peuvent se développer en dehors du territoire des collectivités présentes dans leur capital, connaissent des difficultés après l'entrée en vigueur de la libéralisation totale du marché du gaz.
Il a donc proposé à la commission d'adopter à l'article 6 un amendement autorisant les collectivités territoriales concernées à transformer ces sociétés d'économie mixte en sociétés anonymes de droit commun, ainsi qu'à privatiser lesdites sociétés, une fois transformées en sociétés anonymes de droit commun.
Enfin, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a évoqué la question de la CRE.
Il a estimé qu'au vu de l'importance des décisions qu'il revenait à la CRE de prendre, il était nécessaire qu'aucun doute ne puisse subsister quant à son indépendance, et qu'elle ne devait, en particulier, être liée ni au gouvernement ni aux entreprises du secteur. Il a expliqué que, pour cette raison, il regrettait les modifications apportées par l'Assemblée nationale à la composition de la CRE, en particulier la présence de parlementaires, ès-qualités, au sein du collège. Il a souhaité que la commission revienne sur ces dispositions, en adoptant pour cela, à l'article 2 bis, un amendement, élaboré en étroite liaison avec M. Ladislas Poniatowski, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires économiques. Il a indiqué que ledit amendement rétablissait, dans les grandes lignes, l'actuelle composition de la CRE, ajoutant que ce texte définissait également les objectifs de la CRE, dont le concours au bon fonctionnement des marchés devrait, prioritairement, s'exercer au bénéfice des consommateurs finals. Il a également déclaré que cet amendement prévoyait l'instauration d'un comité de règlement des différends, de la médiation et des sanctions au sein de la CRE, distinct du collège des commissaires, en conformité avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Pour conclure, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a proposé à la commission d'adopter, comme elle l'avait déjà fait lors de l'examen des projets de lois de finances rectificatives pour 2004 et pour 2005, deux amendements portant articles additionnels avant l'article 2 bis et qui concernent la CRE. Il a précisé que le premier de ces amendements visait à doter la CRE de la personnalité morale et à poser le principe de son autonomie financière, et que le second tendait à établir les modalités du financement de la CRE, en créant une contribution spécifique acquittée par les consommateurs de gaz et d'électricité.
M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, pour la clarté de son exposé, et rappelé que la réalisation de la fusion entre Gaz de France et Suez dépendrait, en dernier ressort, de la décision des actionnaires des deux groupes.
Un large débat s'est alors instauré.
Mme Nicole Bricq, après avoir exprimé son souhait que l'examen du texte en séance publique fournisse l'occasion d'engager un débat de fond, et non une bataille de procédure, assurant que son groupe politique y veillerait, a regretté que « les Français ne puissent pas être juges » de la question de la privatisation de Gaz de France, le dépôt de ce projet de loi précédant de peu les élections nationales prévues en 2007.
Elle a ensuite estimé que la fusion avec Suez ne constituait pas le seul scénario possible pour l'avenir de Gaz de France, évoquant, en particulier, une fusion avec EDF, dont elle a contesté l'impossibilité, ou des participations croisées entre Gaz de France et Suez.
Puis Mme Nicole Bricq a déploré que la fusion de Gaz de France et de Suez soit envisagée pour de « mauvaises raisons », c'est-à-dire du fait du projet évoqué par d'aucuns d'acquisition de Suez par le groupe italien Enel.
En outre, elle a jugé que la fusion envisagée ne renforcerait pas la sécurité des approvisionnements de gaz de Gaz de France, estimant que celle-ci devait reposer avant tout sur l'amélioration de l'accès direct de l'entreprise aux réserves de gaz par le développement de ses activités d'exploration et de production, stratégie que Gaz de France était à même de mener seul.
Mme Nicole Bricq a ajouté que la structure capitalistique du nouvel ensemble le rendrait vulnérable à une offre publique d'achat non sollicitée, notamment d'entreprises originaires de grands pays de production d'hydrocarbures, citant, pour appuyer son propos, l'intervention de M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis du projet de loi au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Elle a également dénoncé « l'inanité » de l'action spécifique de Gaz de France que l'Etat devrait détenir, estimant, de plus, que le commissaire du gouvernement n'aurait aucun pouvoir réel.
Par ailleurs, elle s'est interrogée sur les conditions financières de la fusion de Gaz de France et de Suez. Remarquant que les actionnaires de Suez ne semblaient pas satisfaits de la parité envisagée entre les actions des deux entreprises, elle a jugé probable que soit l'Etat, soit en définitive Gaz de France, ait à leur acquitter une compensation financière au moment de l'opération. Elle a estimé que cela obérerait la capacité future d'endettement de Gaz de France, indiquant qu'en tout état de cause, la capacité d'endettement du groupe fusionné serait moindre que celle de la seule entreprise Gaz de France.
D'autre part, Mme Nicole Bricq s'est inquiétée du fait que les problèmes de gouvernance de la nouvelle structure ne soient pas réglés, jugeant, en outre, qu'au vu de la différence de métiers et de cultures entre les deux groupes, leur fusion risquait de se traduire par un échec. Elle a qualifié cette prise de risque « d'inconséquence grave » au moment où, a-t-elle expliqué, la plupart des Etats essayaient de reprendre le contrôle de leur approvisionnement en énergie.
Elle a enfin estimé que le Parlement devait se prononcer trop tôt sur la privatisation de Gaz de France, la Commission européenne n'ayant pas encore fait connaître les compensations qu'elle exigerait afin de déclarer la fusion de Gaz de France et de Suez conforme aux règles du droit communautaire.
En conclusion, Mme Nicole Bricq a indiqué que son groupe refuserait, dans le même esprit, la privatisation des distributeurs non nationalisés.
M. Yann Gaillard s'est interrogé sur l'opportunité de la saisine pour avis de la commission des finances sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie, ainsi que sur le degré de conviction du rapporteur pour avis au sujet de la privatisation de Gaz de France, indiquant que, pour sa part, il n'était pas convaincu que tel était l'intérêt de cet opérateur gazier. Il a conclu son propos en faisant part de son hésitation entre un vote favorable au projet de loi en séance publique et une abstention.
M. Michel Sergent a fait part de son opposition à la privatisation de Gaz de France, soulignant qu'il doutait, lui aussi, de la fermeté des convictions d'un certain nombre de membres de la majorité sénatoriale. Rejoignant Mme Nicole Bricq, il a regretté que ce dossier soit traité peu avant d'importantes échéances électorales.
Il a déploré, de plus, que le projet de loi « casse le bel outil qu'est Gaz de France afin de secourir Suez », estimant, pour sa part, que la fusion de cette entreprise avec Enel aurait abouti à la constitution d'un grand groupe européen. Citant M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis du projet de loi au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, il a, en outre, estimé que la minorité de blocage que conserverait l'Etat au sein du capital de Gaz de France n'aurait pas d'utilité particulière. Il a également exprimé ses doutes quant au dispositif d'action spécifique envisagé par le projet de loi, relevant que la Commission européenne avait, la semaine précédente, déclaré illégales les actions spécifiques détenues par l'Etat néerlandais dans l'opérateur de télécommunications KPN et dans la société de messagerie TNT.
Enfin, M. Michel Sergent a exprimé l'inquiétude des collectivités territoriales propriétaires de leur réseau de distribution, déclarant qu'elles n'avaient pas de visibilité quant à leur avenir, du fait du projet de privatisation de Gaz de France.
Mme Marie-France Beaufils a exprimé sa vive opposition à ce projet, estimant qu'il aurait mieux valu attendre les élections prévues en 2007 avant d'engager un tel débat. Elle a douté que la situation des marchés de l'énergie ait tant changé depuis la discussion du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et des entreprises électriques et gazières, en 2004, pour qu'il soit nécessaire de revenir sur l'engagement pris alors par le gouvernement de maintenir une participation supérieure à 70 % au capital d'EDF et de Gaz de France.
Elle a jugé, par ailleurs, que l'importance de l'électricité et du gaz en faisait des produits à part, tant pour les ménages que pour les entreprises, relayant également l'inquiétude de ces dernières quant à l'évolution des prix de l'énergie.
Elle a exprimé sa préférence pour une fusion de Gaz de France avec EDF, regrettant que le refus de la « domination du marché par une entreprise publique » aboutisse à la « domination d'une entreprise privée », construite pour concurrencer EDF.
D'autre part, Mme Marie-France Beaufils a relevé que Suez intervenait également dans le domaine du traitement de l'eau et des déchets, s'inquiétant qu'à l'avenir, certaines collectivités territoriales soient contraintes de ne traiter qu'avec ce seul groupe pour l'ensemble de leurs délégations de services publics.
Elle s'est enfin interrogée sur les contreparties demandées par la Commission européenne afin de pouvoir déclarer l'éventuelle fusion de Gaz de France et de Suez conforme au marché commun.
En réponse aux différents orateurs, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que le débat ainsi ouvert en commission avait naturellement vocation à se poursuivre en séance publique. Il a déclaré, en outre, qu'il avait apprécié le caractère argumenté et constructif de chaque intervention des commissaires.
Puis il a tenu à affirmer son adhésion à la privatisation de Gaz de France, rappelant que, lors de la discussion du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et des entreprises électriques et gazières, en 2004, il avait déposé, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, un amendement tendant à ramener le plancher de la participation de l'Etat dans le capital de Gaz de France de 70 % à 50 %, précisément afin que cette entreprise puisse conclure des alliances avec d'autres partenaires industriels. Après avoir indiqué que sa position n'avait pas varié depuis lors, il a déclaré, de manière plus générale, assumer ses convictions en faveur de la privatisation des entreprises détenues par l'Etat.
A propos de l'éventuelle compensation financière à attribuer aux actionnaires de Suez, il a estimé que la parité proposée publiquement étant raisonnable à son sens, elle ne saurait donc varier qu'à la marge au moment de la réalisation de l'opération.
Enfin, évoquant le projet d'acquisition de Suez par Enel, il a souligné qu'au vu de l'importance des missions, notamment en termes de délégations de services publics, de ce groupe français, sa prise de contrôle par une société étrangère aurait été lourde de conséquences, en particulier pour les collectivités territoriales et les usagers. En guise de conclusion, il a indiqué sa préférence pour un schéma où les entreprises françaises travaillant dans ce type de secteurs regrouperaient leurs forces avant d'envisager des rapprochements au niveau européen.
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.
La commission a tout d'abord adopté un premier amendement portant article additionnel avant l'article 2 bis, tendant à doter la CRE de la personnalité morale et à poser le principe de son autonomie financière.
Puis, après une intervention de M. Philippe Adnot, qui a exprimé son opposition de principe à la création de toute nouvelle imposition, elle a adopté un second amendement portant article additionnel avant l'article 2 bis, tendant à définir les modalités de financement de la CRE, au moyen de la création d'une contribution spécifique, au sujet de laquelle M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a précisé qu'elle s'élèverait, en moyenne, à moins de 20 centimes d'euros par an et par foyer.
La commission a ensuite adopté, après une demande de précision de Mme Nicole Bricq, un amendement à l'article 2 bis, tendant à mieux définir les missions de la CRE, à modifier sa composition et à créer, en son sein, un comité de règlement des différends, de la médiation et des sanctions.
La commission a enfin adopté un amendement à l'article 6, visant à autoriser le changement de statut et la privatisation des sociétés d'économie mixte de distribution de gaz.
La commission a ensuite émis un avis favorable à l'ensemble du projet ainsi amendé.
Loi de finances pour 2007 - Audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat
Enfin, la commission a procédé à la suite de l'audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, qui s'était initialement déroulée le mercredi 27 septembre.
Après avoir excusé M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, retenu par son audition devant la commission des affaires économiques, M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, de revenir devant la commission, une semaine après la présentation du projet de loi de finances pour 2007, afin d'apporter à ses membres toutes les précisions nécessaires à l'appréciation de ce budget qui présentait « les apparences de la vertu budgétaire ».
M. Jean-Jacques Jégou, après avoir rappelé l'importance fondamentale des audits de modernisation lancés par le ministre du budget et qui portaient sur plus de 100 milliards d'euros de dépenses publiques, s'est interrogé sur les modalités d'action des parlementaires dans le cadre rénové offert par la LOLF, et notamment sur les moyens de donner, au moment de la discussion budgétaire, une traduction concrète aux propositions formulées par les rapporteurs spéciaux lors des missions de contrôle menées durant l'année en application de l'article 57 de la LOLF. Par ailleurs, il a fait état de sa préoccupation concernant le FFIPSA (fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles) qui accusait de lourds déficits qui n'étaient toujours pas comblés par le budget de l'Etat, nonobstant le versement en décembre 2005 de 2,5 milliards d'euros.
M. Philippe Dallier a évoqué la question de l'apport de l'Etat au budget de l'ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine), rappelant que le contrôle qu'il avait effectué avec son collègue rapporteur spécial M. Roger Karoutchi en 2006, et qui avait donné lieu à la parution d'un rapport d'information, montrait que des besoins de financement de l'ordre d'un milliard d'euros par an pourraient s'avérer nécessaires en 2008 et 2009. Il s'est interrogé sur la possibilité pour l'Etat d'augmenter sa contribution de manière significative, notant qu'elle s'élevait à 600 millions d'euros dans le projet de budget pour 2007.
M. François Trucy s'est interrogé sur le déroulement des négociations budgétaires avec le ministère de la défense, et notamment sur le financement des opérations extérieures (OPEX), ainsi que sur le maintien en condition opérationnelle des matériels.
M. Eric Doligé a évoqué la question de la réforme du FAI (fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours), rappelant que la part de l'Etat, qui s'élevait à 67 millions d'euros (à comparer au coût de 3,5 milliards d'euros pour les collectivités territoriales des services d'incendie et de secours), ne devrait donc pas être abaissée.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a évoqué l'utilisation des soultes dans le budget, estimant que ces opérations présentaient un double intérêt : budgétaire, d'une part, en améliorant le solde, de clarté, d'autre part, en rendant plus transparent le financement des retraites des entreprises publiques. Il a souhaité connaître l'état d'avancement des négociations avec la Poste et la Banque de France, rappelant qu'un arbitrage devrait être opéré, dans ce dernier cas, entre l'augmentation des dividendes versés par la Banque à l'Etat et le versement d'une soulte.
M. Jean Arthuis, président, a pour sa part jugé que le traitement « maastrichien » des soultes, qui conduisait à les déduire du déficit public l'année de leur constatation, même si le versement en était différé, était inadapté. Il s'est, par ailleurs, étonné qu'une fraction des droits de mutation à titre onéreux soit, dans le projet de loi de finances pour 2007, affectée au bénéfice des monuments historiques, exprimant des doutes sur sa compatibilité, si ce n'est avec le texte, du moins avec l'esprit, de la LOLF.
En réponse à M. Jean-Jacques Jégou, M. Jean-François Copé, a estimé que le Parlement disposait avec la LOLF d'un outil de contrôle et d'évaluation qu'il lui fallait dorénavant s'approprier. Cet outil de contrôle passe par l'analyse des indicateurs fournis au sein des documents budgétaires par les projets et rapports annuels de performances (PAPs et RAPs), le respect des objectifs soumis devant la représentation nationale devant désormais devenir le critère d'évaluation de l'efficacité d'un ministre, ce qui constitue une rupture avec l'époque où son action était uniquement jugée au vu de la hausse de ses crédits. Par ailleurs, il a fait état de l'attention qu'il portait aux suites à donner aux audits de modernisation, estimant que les parlementaires se devaient de demander des comptes aux différents ministres quant à leur application des recommandations formulées dans ces rapports.
M. Jean Arthuis, président, a approuvé ces propos, observant que la commission se devait, à l'issue des contrôles budgétaires qu'elle réalisait, de formuler des propositions de réformes plus précises et directement opérationnelles. Cette nécessité, qui était apparue lors des débats organisés à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2005, devait donc guider la commission dans ses travaux à venir.
En ce qui concerne le FFIPSA, M. Jean-François Copé, a rappelé qu'il avait été nécessaire d'abonder le fonds de 2,5 milliards d'euros l'année précédente et qu'un tel effort, eu égard à son ampleur, ne pouvait pas se prolonger indéfiniment. Il a jugé nécessaire d'engager le débat le plus large possible entre l'Etat, la sécurité sociale et les agriculteurs cotisants, estimant, si la solidarité nationale était nécessaire, qu'il était urgent de réfléchir aux moyens de trouver un équilibre dans la durée.
En réponse à M. Philippe Dallier, il a déclaré que les moyens de l'ANRU seraient réajustés à partir de 2008, soulignant l'importance de cette politique pour les quartiers sensibles.
En réponse à M. François Trucy, il a précisé que tous les ministres avaient montré leur volonté de réforme et de sincérité budgétaires. Cet effort, en ce qui concerne plus spécifiquement le budget de la défense, s'est traduit par un meilleur chiffrage des opérations extérieures.
En réponse à M. Eric Doligé, il a précisé que la réforme du FAI serait menée par le ministère de l'intérieur, et qu'il était donc de sa compétence d'apporter toutes les précisions.
M. Jean-François Copé a approuvé les propos de Philippe Marini, sur les soultes, souscrivant à l'idée qu'elles devaient être associées à des réformes de structure. En ce qui concerne plus spécifiquement la Poste, il a fait état de son souhait de progresser dans les négociations avec la CNAV (caisse nationale d'assurance vieillesse). Il a par ailleurs indiqué que les retraites de la Banque de France seraient financées sans amputer les dividendes et que l'on devrait arriver prochainement à l'adossement du régime.
En réponse aux interrogations de M. Jean Arthuis, président, relatives à la compatibilité au regard de « l'esprit de la LOLF » de la disposition consistant à affecter une recette aux bénéfices des monuments historiques, il a considéré que l'affectation d'une fraction des droits de mutation à titre onéreux à un établissement public, en l'occurrence le centre des monuments nationaux, lui paraissait opportune, tout en n'étant pas contraire à la LOLF. Elle présentait également des garanties d'efficacité et de pérennisation des ressources.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a abordé la question des plus-values de recettes en 2006. Il a rappelé que la loi de finances pour 2006, en application des dispositions en ce sens de la LOLF, en prévoyait l'affectation, en priorité, au désendettement de l'Etat. Il s'est interrogé sur la possibilité d'utiliser également cette somme pour le remboursement de la dette de la sécurité sociale, jugeant qu'une telle utilisation serait susceptible de mettre fin à une vision parcellaire des comptes publics.
M. Jean-François Copé a indiqué que cette question était tout à fait légitime mais qu'en l'état, elle présentait trois inconvénients : des difficultés juridiques de mise en oeuvre, un manque de clarté au regard des règles de gouvernance, la nécessité d'en faire un axe politique majeur, ce qui nécessitait un débat.
M. Jean Arthuis, président, s'est intéressé aux conditions de mise en place du bilan d'ouverture au 1er janvier 2006, prélude à la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes, en application de l'article 58-5° de la LOLF.
M. Jean-François Copé a indiqué qu'un travail très important était en cours dans l'ensemble de l'Etat, en relation avec la Cour des comptes. Il a indiqué qu'un projet de bilan d'ouverture pourrait être présenté à la commission des finances début novembre 2006. Il s'est dit soucieux de l'esprit dans lequel les travaux étaient conduits, et notamment du respect de la différence des fonctions de certification et de jugement.
M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'opportunité d'un changement de statut de la Cour des comptes, observant qu'il était difficile d'être à la fois certificateur et magistrat.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, a confirmé que la difficulté existait, et a noté que d'autres Etats avaient trouvé des solutions, y compris en ayant recours, pour la certification, au secteur privé. Il a indiqué qu'il appartenait en tout état de cause au Parlement d'être très attentif aux conditions dans lesquelles se dérouleraient les opérations de certification et d'établissement du bilan d'ouverture.