- Mardi 6 juin 2006
- Mercredi 7 juin 2006
- Sécurité sociale - Tarification médicale - Communication de M. Michel Cretin, président de la 6e chambre et de Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteur à la Cour des comptes
- Travail et emploi - Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) - Communication
- Mission d'information - Argentine - Désignation des membres
Mardi 6 juin 2006
- Présidence de M. Nicolas About, président -Famille et enfance - Audition de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille
La commission a procédé à l'audition de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le projet de loi n° 330 (2005-2006) réformant la protection de l'enfance.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a tout d'abord insisté sur la très large concertation qui a présidé à l'élaboration du projet de loi réformant la protection de l'enfance. Un débat national décentralisé a été organisé par les présidents de conseils généraux, auquel ont été associés les professionnels de la protection de l'enfance et les associations. Une vingtaine de journées de réflexion thématiques ont par ailleurs été organisées par le ministère, avec le concours d'experts et de spécialistes. Le projet de loi s'appuie également sur les recommandations de plusieurs rapports parlementaires, établis respectivement par Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Philippe Nogrix et M. Louis de Broissia.
Le ministre a ensuite indiqué que l'élaboration de ce projet de loi avait trois motivations principales :
- d'abord, renforcer la prévention, à laquelle ne sont consacrés que 4 % des 5 milliards d'euros de crédits alloués chaque année à la protection de l'enfance, par le repérage, dès le stade de la grossesse, des situations potentiellement à risque et par la participation des enfants à des examens médicaux organisés vers l'âge de trois et six ans ;
- ensuite, améliorer le dispositif d'alerte pour éviter que des enfants ne continuent de souffrir en silence, alors que des signes auraient pu permettre de détecter leur situation de détresse. S'inspirant des expériences conduites avec succès dans certains départements, le projet de loi prévoit la création, dans chaque département, d'une cellule centralisée de signalement. Composée d'experts, elle aura pour vocation de recueillir des informations et de procéder à une première évaluation de la situation de l'enfant, préalable à une éventuelle saisine de l'autorité judiciaire si un danger grave et imminent est avéré. Le bon fonctionnement de ces cellules suppose un partage d'informations entre professionnels, qui ne doit toutefois pas porter atteinte à la règle du secret professionnel indispensable à l'établissement d'une relation de confiance avec les familles ;
- enfin, diversifier les modes de prise en charge des enfants en danger, afin d'éviter que les professionnels ne soient trop souvent confrontés à une alternative binaire : laisser l'enfant dans sa famille ou le placer dans une famille d'accueil. Une aide pourrait par exemple être dispensée aux familles aux moments les plus difficiles de la journée, entre le moment de la sortie de l'école et la fin du dîner notamment ; de même, pour les enfants qui souffrent de problèmes psychologiques lourds, des unités d'accueil thérapeutiques, associant équipe médicale et famille d'accueil, vont être développées.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a ensuite souligné que le Conseil d'Etat a confirmé la nature législative de l'ensemble des dispositions contenues dans le projet de loi. Il a indiqué que la mise en oeuvre du projet de loi nécessiterait l'élaboration, en concertation avec l'Association des départements de France (ADF) et l'Association des régions de France (ARF), de guides de bonnes pratiques et de référentiels, destinés aux professionnels.
Abordant enfin la question des moyens, il a estimé que le coût de la réforme, qui vise surtout à améliorer l'organisation du dispositif de protection de l'enfance, serait limité, soit environ 150 millions d'euros par an, au terme d'une période de montée en charge de trois ans. Rappelant que la plus grande partie de ces dépenses seraient supportées par les conseils généraux, il a pris l'engagement que ces charges supplémentaires seraient intégralement compensées.
S'inquiétant de la pénurie de personnel qualifié dans les métiers de la protection de l'enfance, M. André Lardeux, rapporteur, a demandé combien de créations de postes seraient nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a répondu que la pénurie de personnel est localisée dans certains secteurs et souligné que les techniciennes d'intervention sociale et familiale, les psychologues et les éducateurs spécialisés sont en nombres suffisants. En revanche, le recrutement des puéricultrices, des sages-femmes et des médecins est plus difficile. Il a souhaité, en conséquence, que les vacations de médecins libéraux dans les écoles soient encouragées, même si l'ampleur des besoins, estimée à environ 150 médecins en équivalent temps plein, ne doit pas être surestimée. Au total, 400 travailleurs sociaux ou médicaux supplémentaires devraient être recrutés par l'Etat et 2.500 par les départements.
M. André Lardeux, rapporteur, a alors fait observer que le contrôle de légalité effectué par les préfectures rend parfois difficile l'organisation de vacation de médecins libéraux dans des établissements publics.
M. Gérard Dériot a confirmé ce point de vue, indiquant que le conseil général qu'il préside s'est vu interdire de faire appel à des médecins libéraux pour accomplir des vacations en médecine du travail, alors que ces praticiens possédaient les qualifications requises.
M. André Lardeux, rapporteur, s'est ensuite enquis des conditions de la participation des magistrats du siège au travail des cellules départementales de signalement.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué que la réforme a été élaborée en étroite concertation avec le ministère de la justice, de sorte que les craintes qu'il avait pu avoir initialement d'un cloisonnement excessif entre les administrations se sont révélées infondées. Il a ajouté qu'un groupe de travail, rassemblant les ministères concernés, les représentants des conseils généraux et les associations, met au point un protocole national des signalements, en s'appuyant sur les expériences conduites dans plusieurs départements.
Après avoir rappelé que les conseils généraux ont souvent organisé leurs services de manière déconcentrée, M. André Lardeux, rapporteur, a demandé si les cellules de signalement auront vocation à centraliser toutes les informations recueillies à l'échelle du département.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué qu'une centralisation des signalements est souhaitable au niveau du département, pour qu'un groupe d'experts puisse effectuer une première analyse du dossier. En revanche, la cellule n'a pas obligatoirement vocation à effectuer elle-même une évaluation approfondie des situations, cette mission pouvant être assumée par des équipes plus proches du terrain.
M. André Lardeux, rapporteur, a noté que la protection maternelle et infantile (PMI) n'intervient plus dans les écoles et s'est interrogé sur la manière d'associer l'éducation nationale à la politique de prévention souhaitée par le Gouvernement. Il a également demandé s'il fallait envisager une décentralisation de la médecine scolaire.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a rappelé que la décentralisation de la médecine scolaire a été envisagée il y a deux ans, mais que le projet avait été retiré en raison de la forte opposition qu'il avait suscitée. Dans un souci d'apaisement, le Gouvernement n'a pas souhaité revenir sur cette question à l'occasion de cette réforme et propose de réhabiliter la médecine scolaire dans le cadre institutionnel actuel.
M. Bernard Cazeau a salué l'ample concertation effectuée à l'occasion de la préparation de cette réforme, ce qui n'est pas si fréquent de la part du Gouvernement. A cette occasion, les départements ont obtenu des améliorations du texte, notamment la reconnaissance de la notion de collectivité territoriale « chef de file ». Il a insisté sur la nécessaire coordination de la prise en charge psycho-sociale des enfants en danger, qui déborde largement du seul cadre médical. Il a ensuite regretté que les moyens alloués à la réforme de la protection de l'enfance soient insuffisants, évaluant à environ 4.000 les créations de poste nécessaires pour permettre aux départements d'accomplir pleinement leurs missions. Il a enfin souhaité avoir des précisions sur l'articulation entre ce projet de loi et le projet de loi de prévention de la délinquance en cours de préparation, qui place le maire au coeur du dispositif de prévention.
M. Alain Milon a insisté sur l'importance d'une prévention précoce, dès le stade de la grossesse, des situations potentiellement dangereuses pour l'enfant. Il s'est réjoui de ce que l'intérêt supérieur de l'enfant soit le fil conducteur du projet de loi et a souhaité que le développement affectif et social de l'enfant soit pris en compte au même titre que son développement physique et intellectuel. Il a évoqué les problèmes posés par l'audition des enfants dans le cadre des procédures judiciaires et souhaité que les jeunes puissent être entendus seuls lorsque cela s'avère nécessaire. Il a mis en garde enfin contre les inconvénients de placements en famille d'accueil de trop courte durée, soulignant à quel point ils peuvent être déstabilisants pour l'enfant, et s'est interrogé sur l'opportunité d'une réforme de l'article 375 du code civil, qui fixe à deux ans la duré maximale des mesures éducatives décidées par les institutions.
M. Paul Blanc a insisté sur la pénurie de médecins dans les services de médecine scolaire et de PMI et a suggéré de proposer à des médecins en retraite d'effectuer des vacations dans ces services. Il a confirmé les inconvénients de placements de trop courte durée dans les familles d'accueil. Il a aussi insisté, citant un drame survenu dans son département, sur les dangers d'une politique visant à maintenir l'enfant trop longtemps dans sa famille alors que des risques sont avérés. En guise de boutade, il a enfin demandé si le projet de loi prévoit la création de Maisons départementales de l'enfance, par analogie avec les Maisons départementales du handicap.
M. Alain Vasselle s'est félicité que le ministre ait chiffré le coût de sa réforme et a demandé si la mise en oeuvre du texte nécessiterait des décrets d'application. Rappelant que la parution des décrets d'application est souvent tardive, il a souhaité que les projets de loi soient, de manière générale, accompagnés des projets de décret s'y rapportant dès le moment de leur présentation au Parlement. Il s'est également préoccupé de la prise en compte du développement social de l'enfant, estimant que les problèmes auxquels sont confrontés les enfants sont aujourd'hui rarement d'origine médicale. Il a jugé que trop d'enfants souffrent d'une inattention de la part de leurs parents et s'est interrogé sur l'accompagnement des familles dans leur mission éducative, ainsi que sur la formation des travailleuses familiales. Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur l'articulation du projet de loi avec la réforme de la prévention de la délinquance.
En réponse à une remarque de Mme Gisèle Printz, qui s'inquiétait des intentions du Gouvernement en matière de décentralisation de la médecine scolaire, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a répété qu'elle demeurerait de la compétence de l'Etat.
Mme Janine Rozier a souligné les difficultés du partage de l'information entre services sociaux et le rôle pivot souvent joué par le maire en la matière, qui justifierait qu'il soit tenu au courant des suites données en cas de signalement de mineurs en danger.
M. Claude Domeizel a insisté sur la vulnérabilité des enfants face aux agressions sexuelles et rappelé que les mineurs victimes ne disposent que d'un délai de dix ans après leur majorité pour porter plainte contre leur agresseur. Or, le souvenir de ces agressions peut parfois resurgir à la faveur d'un événement, le décès de l'auteur par exemple, survenant bien après l'expiration du délai de dix ans. Souhaitant ouvrir le débat sur ce point, il a annoncé son intention de déposer des amendements à ce sujet.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué, en réponse à M. Bernard Cazeau, que l'évaluation des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme a été effectuée en partenariat avec l'ADF et que les chiffres qu'il a cités lui paraissent représenter un ordre de grandeur raisonnable. Il a ensuite expliqué que le texte relatif à la prévention de la délinquance est actuellement soumis à concertation et que les principaux problèmes de coordination avec la réforme de la protection de l'enfance ont été résolus. Il a souligné que la coopération des maires et des présidents de conseils généraux en matière d'action sociale pourrait être formalisée dans des conventions et qu'un coordinateur pourrait être désigné. Les règles relatives au partage d'informations entre travailleurs sociaux sont également harmonisées entre les deux textes.
En réponse à M. Alain Milon, M. Philippe Bas a jugé souhaitable d'éviter la multiplication des auditions d'enfants dans le cadre des procédures judiciaires. Il a rappelé que, dans les affaires d'agressions sexuelles sur mineurs, les examens médicaux ne permettent d'attester de la réalité de l'agression que dans 3 % des cas. La parole de l'enfant est donc déterminante dans ces procédures. Il a recommandé la création d'unités médico-judiciaires chargées de recueillir la parole de l'enfant, dans des conditions telles qu'elles rendent inutiles la répétition de ces auditions.
En ce qui concerne l'article 375 du code civil, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a rappelé que la loi oblige simplement à réexaminer les décisions de placement tous les deux ans, mais qu'elle n'impose pas d'attribuer à chaque fois une nouvelle famille d'accueil à l'enfant. Sans s'opposer à la mise en oeuvre de mesures de placement pour une durée plus longue, il a néanmoins jugé indispensable de prévoir, dans ce cas, un rapport d'étape pour assurer un suivi efficace de l'enfant.
En réponse à M. Paul Blanc, il a estimé qu'une prise de décision collégiale peut permettre d'éviter que les services d'aide sociale à l'enfance ne s'obstinent à maintenir l'enfant dans sa famille, alors que cette solution s'est révélée dangereuse. Il a indiqué que les départements pouvaient s'inspirer de l'exemple de l'Alsace, où des Maisons départementales de l'enfance ont été constituées, mais que ce n'était pas une obligation prescrite par le projet de loi. Il a également jugé que l'accomplissement de vacations par des médecins retraités s'inscrirait aisément dans la logique du plan pour l'emploi des seniors présenté par le Premier ministre.
Répondant à M. Alain Vasselle, il a déclaré que la loi s'accompagnerait de sept ou huit décrets d'application. Il a estimé difficile de présenter les projets de décret en même temps que les projets de loi, faisant valoir, d'une part, qu'il est malaisé de rédiger les décrets avant que le texte de loi définitif ne soit connu, d'autre part, que la préparation des décrets nécessite souvent une phase de concertation. La présentation simultanée des projets de loi et de décret rendrait par ailleurs peu opérante la distinction entre la loi et le règlement prévue à aux articles 34 et 37 de la Constitution.
Abordant la question de la participation de l'éducation nationale à la protection de l'enfance, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué que M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, annoncera prochainement un plan triennal de rénovation de la médecine scolaire.
Réagissant aux propos de Mme Janine Rozier, il a noté que les règles imposent déjà le retour d'informations vers le maire, mais qu'elles pourraient être rendues plus opérationnelles.
Répondant enfin à M. Claude Domeizel, il s'est déclaré ouvert à un débat relatif à l'allongement du délai de dix ans prévu pour la dénonciation des atteintes sexuelles sur mineur, bien que cette question relève plutôt des compétences du Garde des sceaux.
M. Claude Domeizel a répété que cette question s'inscrit pour lui pleinement dans la problématique de la protection de l'enfance.
M. Alain Vasselle a demandé quels budgets seraient mis à contribution pour financer la compensation des dépenses supplémentaires mises à la charge des départements.
Rappelant que les sommes en jeu étaient limitées, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué que le financement de ces dispositions serait assumé par le budget de l'Etat et par la branche famille de la sécurité sociale, grâce à des mesures de bonne gestion et de redéploiement de crédits.
Mercredi 7 juin 2006
- Présidence de M. Nicolas About, président -Sécurité sociale - Tarification médicale - Communication de M. Michel Cretin, président de la 6e chambre et de Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteur à la Cour des comptes
La commission a tout d'abord entendu M. Michel Cretin, président de la 6e chambre et Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteur à la Cour des comptes, sur l'étude relative à la tarification à l'activité.
M. Michel Cretin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes, a rappelé que le but de la réforme introduisant la tarification à l'activité (T2A) est de répartir les ressources financières entre les établissements de santé en fonction de leur activité réelle. Bien que mises en oeuvre récemment, ces nouvelles modalités de financement constituent d'ores et déjà un élément structurant de la gestion du secteur hospitalier grâce aux efforts soutenus de l'ensemble des acteurs concernés.
La rapidité de conception et de mise en place de ce nouveau dispositif peut expliquer une partie des défauts relevés par la Cour, la période de réglage de transformation de cette ampleur étant au minimum de l'ordre de cinq à six ans. Néanmoins, pour parvenir à une stabilisation de la situation actuelle, la Cour considère qu'une réflexion doit être conduite autour de trois axes : la gouvernance de la réforme, la clarification des règles de financement des établissements et la précision des objectifs de la réforme.
M. Michel Cretin a d'abord estimé que la répartition des compétences entre les différentes structures et acteurs en charge de la réforme n'est pas optimale. La mission T2A, en charge de la conception et de la maîtrise d'oeuvre de la réforme, ne joue plus son rôle d'impulsion et l'Agence technique pour l'information sur l'hospitalisation (Atih) remplit difficilement sa mission d'expert, notamment en matière de classification des groupes homogènes de séjour (GHS). De facto, la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins est devenue responsable du déploiement de la réforme qu'elle réalise sans véritable vision stratégique. Par ailleurs, la direction de la sécurité sociale (DSS) et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) restent peu associées à la réforme.
Il a observé, pour le regretter, que les organisations professionnelles (Fédération des hôpitaux de France et Fédération de l'hospitalisation privée) ont été systématiquement associées aux multiples groupes de travail destinés à expliciter les choix stratégiques et techniques à l'ensemble des acteurs. Devenues parties prenantes à toutes les décisions, ces organisations ont parfois même été chargées d'animer ou de mener à bien certains travaux de nature apparemment technique, comme par exemple dans les groupes de travail relatifs à la convergence et aux personnels hospitaliers. Or, compte tenu des enjeux financiers et politiques que recouvre chacune des questions ouvertes à la négociation, ce mode de pilotage nuit gravement à une mise en place rapide de la réforme et menace sa cohésion.
De la même façon, M. Michel Cretin s'est étonné de ce que le groupe de travail chargé de l'évaluation de la réforme soit placé sous l'autorité des fédérations hospitalières, alors qu'il devrait être animé par des représentants de la Drees ou de la Haute Autorité de santé. Il a souligné l'absence de définition des indicateurs nécessaires à l'évaluation de la réforme, empêchant ainsi toute appréciation du processus en cours.
Des retards sont également constatés d'une part, dans le processus de facturation qui demeure sous un régime transitoire dans l'attente de la mise à niveau des systèmes d'information des établissements de santé, d'autre part, pour la mise en oeuvre de la procédure de contrôle externe des factures, à la suite d'une divergence d'appréciation entre la DHOS et la Cnam sur ses modalités d'application.
Il a estimé que le dispositif retenu, qui confie le contrôle de la facturation à la commission exécutive (Comex) de chaque agence régionale d'hospitalisation (ARH), soulève plusieurs difficultés, d'une part en raison de l'insuffisance des moyens matériels et humains des ARH pour l'exécution de cette tâche, d'autre part, parce que cela prive la Cnam de la compétence du contrôle des factures qu'elle est amenée à régler. Ce dernier point pourrait causer des problèmes lorsque la Cour des comptes devra certifier les comptes de la Cnam.
M. Michel Cretin a ensuite rappelé que, dans un premier temps, la réforme ne s'applique qu'aux disciplines hospitalières de court séjour (médecine, chirurgie, obstétrique, dites MCO), soit à un montant de dépenses de 44 milliards d'euros, à rapprocher de l'objectif de dépenses d'assurance maladie consacrées à l'hospitalisation, qui s'est élevé à 60 milliards en 2005. La redistribution des allocations budgétaires versées aux établissements opérée par l'intermédiaire de la T2A s'effectue dans le cadre de cette enveloppe.
Ce nouveau dispositif ne se limite pas à la fixation de tarifs forfaitaires par séjour, les GHS, mais comprend en outre une dotation relative aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), des forfaits annuels rémunérant certaines activités comme les urgences ou l'hospitalisation à domicile, des coefficients compensateurs attribués en fonction de critères géographiques ou techniques et des prises en charge spécifiques pour les médicaments onéreux et les dispositifs médicaux implantables.
En matière de fixation des tarifs, certains défauts remettent en question les principes mêmes de la réforme. Tel est le cas pour les procédures déconnectées des coûts de production comme lorsque, dans le secteur privé, les tarifs sont calculés sur la base des montants facturés les années précédentes et, dans le public, lorsqu'ils le sont sur la base d'un coût moyen fondé sur un échantillon réduit selon une méthodologie peu transparente.
M. Michel Cretin a considéré qu'une part plus grande des activités hospitalières doit être tarifée à l'activité, notamment certaines aujourd'hui incluses dans les Migac. Ces missions qui se répartissent entre les missions de service public assurées par les hôpitaux (50 % du montant total), les activités d'enseignement et de recherche (38 %) et les mesures d'accompagnement (12 %) doivent faire l'objet d'une définition plus claire, plus précise et mieux motivée afin d'éviter que les mesures d'accompagnement ne se transforment en variable d'ajustement destinée à compenser d'éventuelles baisses de recettes liées à un manque d'activité.
Il a regretté que la part réellement financée à l'activité ne soit pas prioritairement prise en compte pour la répartition des enveloppes budgétaires au sein de l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie et obstétrique. En 2005, les tarifs nationaux n'ont pas été calculés à partir de l'enveloppe MCO totale, celle-ci ayant d'abord été diminuée du montant de la dotation des Migac et de certaines contributions spécifiques (forfaits annuels, produits facturés en sus). L'augmentation importante des montants consacrés à ces éléments a fait baisser mécaniquement l'enveloppe allouée aux tarifs. Ainsi, entre 2004 et 2005 la base affectée aux tarifs a diminué de 2,5 %. Cette réduction a résulté d'un recul de 8,5 % des tarifs forfaitaires de séjour, tandis que l'enveloppe Migac a augmenté de 3,5 % et la dotation destinée à la prise en charge des médicaments onéreux et des dispositifs médicaux, de 100 %.
Abordant enfin l'économie générale de la réforme, M. Michel Cretin a rappelé que l'objectif est de réduire les fortes disparités de ressources financières, pour une activité identique, entre les établissements de santé. Cette réduction est recherchée à travers une convergence des tarifs vers des coûts moyens déterminés au niveau national.
Cette convergence des tarifs qui revêt deux aspects, celui d'une convergence intrasectorielle propre à chaque secteur et d'une convergence intersectorielle, devrait s'opérer vers les tarifs des établissements les plus performants, et non vers une moyenne constatée, comme tel est le cas jusqu'à présent. Elle doit aboutir à des tarifs uniques, complets, incluant en particulier l'ensemble des charges de personnel et d'honoraires.
Cette redistribution financière particulièrement importante dans le secteur public (près d'un milliard d'euros) doit s'opérer sur une courte période et suppose des efforts soutenus qui viennent en sus des contraintes imposées par la modération de l'évolution de l'Ondam au cours de la même période. La réussite de ce processus repose donc sur la capacité des établissements publics, dont les dépenses de personnel représentent 70 % des charges, à dégager les gains de productivité nécessaires pour faire face à la baisse des tarifs. Les pouvoirs publics devront être attentifs à ce que cette démarche ne soit pas contournée, soit par le déplacement d'une partie des charges sur les budgets hors MCO ou vers les assurés, soit par une spécialisation excessive des activités sur des segments rentables.
M. Michel Cretin a indiqué que la convergence intersectorielle, dont les principes figurent dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, doit être mise en oeuvre selon un calendrier très contraint. Or, aucune méthodologie précise ne peut être établie faute d'une connaissance précise de l'amplitude des écarts de coûts à réduire et du périmètre des tarifs.
Une première étape de convergence vers la moyenne a été mise en oeuvre « à l'aveugle » en 2005 par différenciation des hausses tarifaires accordées à chacun des secteurs, ce qui s'est traduit par un transfert de 35 millions d'euros du secteur public vers le secteur privé.
Bien que le Parlement ait réaffirmé son souhait, lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, de voir le calendrier respecté, avec l'objectif d'une convergence réalisée à 50 % en 2008 et à 100 % en 2012, le Gouvernement a décidé de suspendre temporairement le processus en 2006 afin de permettre la réalisation d'études, seules à même de préciser les modalités de mise en oeuvre de cette démarche. Or, les résultats de ces travaux ne seront pas disponibles avant 2008, ce qui semble incompatible avec l'objectif intermédiaire fixé par le Parlement, pour la même date.
En conclusion, M. Michel Cretin a fait état de certaines incohérences dans l'articulation entre la mise en place de la T2A et les autres volets de la politique hospitalière, notamment en ce qui concerne la régulation macroéconomique de la dépense et l'organisation de l'offre de soins. La question se pose de façon aiguë au moment de la signature par chaque établissement de santé d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) fondé sur des prévisions d'activité déterminées dans le cadre des schémas régionaux d'organisation de l'offre de soins (SROS). Dans une telle perspective, la Cour des comptes estime que les CPOM doivent être utilisés comme des instruments d'accompagnement de la T2A et de lissage des effets trop brutaux qu'elle pourrait engendrer.
M. Alain Vasselle s'est félicité des convergences de vues existant entre les résultats de l'enquête menée par la Cour des comptes et le rapport consacré à la tarification à l'activité adopté par la commission le 5 avril dernier, notamment sur l'analyse des retards dans la mise en oeuvre des procédures de contrôle et de régulation, ou sur les objectifs du processus de convergence.
Il a rappelé qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, la commission des affaires sociales du Sénat avait adopté un amendement visant à confier à la Cnam l'intégralité du contrôle de la facturation des établissements de santé, amendement auquel le Gouvernement avait opposé un avis défavorable.
Il s'est interrogé sur la qualité des outils de contrôle de gestion dont disposent les établissements de santé, sur les marges de manoeuvre des ARH pour adapter la réforme aux spécificités locales, sur les obstacles susceptibles de freiner le développement de la réforme et sur la possibilité d'étendre les compétences de la Cnam en matière de contrôle de la T2A.
Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteur à la Cour des comptes, a précisé que, d'une manière générale et contrairement à une idée répandue, les établissements de santé disposent d'une comptabilité analytique de bon niveau. Or, avec la mise en oeuvre de la T2A, cette comptabilité ne doit plus être organisée pour suivre l'activité des centres de production, mais être recentrée sur les pathologies. A l'heure actuelle, cette démarche est balbutiante et les établissements ne sont pas en mesure de comparer leurs coûts de production avec les tarifs des GHS. De façon générale, il ne s'agit pas d'un manque d'information, mais d'un problème d'organisation.
La logique de la T2A réduit le pouvoir financier des ARH. En 2005, c'est d'ailleurs la DHOS qui a déterminé l'enveloppe Migac de chaque établissement. Une réflexion est en cours afin d'optimiser le rôle des ARH, qui disposent de compétences importantes en matière de planification hospitalière, pour les étendre à la mise en oeuvre de la T2A et de ses outils de régulation.
Elle a jugé regrettable le fait que la Cnam ne dispose pas d'une compétence plénière en matière de vérification des factures émises par les établissements de santé, ce qui constitue une entorse à ses compétences en matière de vérification des prestations. En outre, seule la Cnam dispose des moyens matériels et humains pour exécuter ce contrôle.
Mme Marie-Thérèse Hermange s'est interrogée sur les modalités de détermination des tarifs des GHS, notamment pour la prise en compte des critères d'âge, sur la tarification applicable aux maladies orphelines et sur le coût administratif induit par la mise en oeuvre de la réforme.
M. Francis Giraud a souligné les difficultés d'établir une classification pertinente des différentes pathologies. Il a rappelé que la T2A s'insère dans un ensemble plus vaste de réformes touchant l'hôpital (gouvernance, accréditation, SROS) ce qui produit des répercussions considérables sur le fonctionnement des établissements. Il a insisté sur la nécessité de garantir un financement pérenne des missions d'enseignement et de recherche qui sont le garant de l'excellence de la médecine française.
M. Gilbert Barbier s'est interrogé sur les différences de coûts de fonctionnement existant entre les centres hospitaliers généraux et les centres hospitaliers universitaires. Il a mis en garde contre les effets pervers liés aux nouvelles modalités de financement, comme celui de favoriser les techniques les moins coûteuses, ce qui ralentit l'innovation médicale, ou d'empêcher la prise en charge suffisante des produits à usage unique, indispensables à certains actes.
M. Bernard Cazeau s'est interrogé, compte tenu des spécificités de l'hospitalisation publique, sur la pertinence de la convergence intersectorielle.
M. Michel Cretin a estimé que les modalités du processus de convergence intersectorielle devront être adaptées afin de prendre en compte la spécificité des établissements publics de santé. La détermination des GHS est un sujet d'une grande complexité sur lequel il n'est pas en mesure d'apporter des réponses techniques et expertes.
M. Nicolas About, président, a précisé que, plus que des critères d'âge, les GHS tiennent compte de l'état d'avancement des pathologies.
Mme Anny Golfouse-Buet a souligné qu'au-delà des problèmes d'adaptation des GHS à la complexité des pathologies, perce une interrogation sur le nombre de GHS pertinents dans le cadre de la T2A. Elle a indiqué que ce chiffre a été fixé en fonction des expériences étrangères et des profils d'activités des établissements et a souligné qu'une trop grande diversification des GHS se traduirait par des difficultés de codage pour les médecins. La T2A doit permettre la prise en charge de l'innovation médicale, mais les tarifs sont aussi calculés en fonction d'un ratio coût - avantages.
En conclusion, M. Nicolas About, président, a rappelé qu'une seconde enquête demandée à la Cour devrait être rendue en janvier 2007. Portant sur la fiabilité des instruments de gestion financière et comptable des hôpitaux, elle complétera utilement les observations formulées par la présente étude.
Travail et emploi - Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) - Communication
Puis la commission a entendu une communication de M. André Lardeux sur sa participation à la XXVIe session nationale de l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP).
M. André Lardeux a rappelé que l'INTEFP est une grande école rattachée au ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il assure la formation des inspecteurs du travail depuis 1975, ainsi que celle des contrôleurs du travail et de l'ensemble des agents du ministère. Il conduit, en outre, des missions de coopération avec des pays en développement.
L'INTEFP organise, depuis 1986, une session nationale annuelle de formation et de réflexion, destinée à des responsables de syndicats de salariés, responsables d'organisation professionnelle, chefs d'entreprise, directeurs des ressources humaines, cadres supérieurs des administrations publiques, élus.
Sous la responsabilité d'un comité de pilotage et d'un comité scientifique, chaque session étudie un thème particulier dans le cadre d'une réflexion collective intégrant largement les comparaisons internationales. Ces travaux font l'objet d'une publication. Quelque mille auditeurs ont participé aux sessions depuis leur création.
La XXVIe session a rassemblé trente-trois auditeurs, dont un sénateur et un député, sur le thème des régulations sociales en devenir. Elle s'est déroulée en six modules, comprenant deux séjours d'étude à l'étranger, au Brésil et au Canada. L'objectif était d'étudier l'évolution des normes sociales sous l'influence de la mondialisation et la compétition internationale entre les systèmes sociaux. Deux axes majeurs de la réflexion en ont été l'identification des acteurs modernes de la régulation et la mise en évidence du caractère global des facteurs dont résultent les évolutions en cours.
L'approche historique fournit un certain nombre de pistes. La régulation sociale est apparue à la fin du XIXe siècle, au moment où des réglementations étatiques ont commencé à accompagner la régulation monétaire jusqu'alors prédominante. C'est ainsi que l'Etat-providence a fait son apparition avec Bismarck dans l'Empire allemand et avec Beveridge au Royaume-Uni. La création de l'Organisation internationale du travail (OIT) en 1919 a entériné cette évolution et le système a fonctionné correctement jusqu'au choc pétrolier des années 1970.
L'élaboration de nouvelles formes de régulation sociale s'effectue actuellement sous l'influence d'une mondialisation restreignant progressivement la marge de manoeuvre des Etats. Dans ce contexte, les principales questions à résoudre sont les suivantes : quelles réformes opérer pour faire face aux nouveaux enjeux ? Que faut-il conserver du « hard law » traditionnel, essentiellement législatif ? Qu'est-ce qui peut, ou doit, faire l'objet d'un « soft law » en progression constante, spécialement par le biais de la négociation entre partenaires sociaux ? Jusqu'où la dérégulation peut-elle aller ? L'Europe a formulé une réponse au cours du Conseil européen de Lisbonne, au printemps 2000, en se fixant l'objectif de construire l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010. La « stratégie de Lisbonne » est fondée sur l'équilibre entre trois piliers interdépendants : l'économie, le social et l'environnement.
L'approche sociologique complète l'éclairage historique. Dans cette optique, on a pu définir la règle comme un cadre comportemental sujet à évolution. La régulation sociale n'est pas seulement le fait de l'Etat, ni celui du marché, mais résulte de l'interaction entre l'ensemble des acteurs impliqués, selon un processus qui n'est pas consensuel, mais conflictuel. La dérégulation que suscite actuellement la mondialisation augmente l'instabilité naturelle de la règle. Dans ce contexte, l'Etat, dont les traditionnelles prérogatives de commandement sont plus difficiles à mettre en oeuvre, recourt de plus en plus à la régulation. La tutelle publique a donc moins reculé qu'elle ne s'est déplacée.
M. André Lardeux a ensuite exposé les conclusions auxquelles il est parvenu à l'issue des travaux de la session.
La diversité des acteurs est croissante, spécialement au plan international. Une approche franco-française de la régulation sociale est donc nécessairement réductrice et inopérante. Par ailleurs, l'influence du monde anglo-saxon progresse, y compris à l'OIT. Le système onusien est de son côté sous influence anglo-saxonne. C'est à l'ONU qu'a été élaborée la notion, d'origine anglo-saxonne, de « global contact », qui prône le dialogue entre l'Organisation et les entreprises. Cette notion a été jusqu'à présent mise en oeuvre dans le cadre de la lutte contre la corruption.
Par ailleurs, désormais, la nouvelle régulation sociale ne se construit pas à l'OIT, mais plutôt à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui regroupe cent quarante-huit pays, dans la mesure où les conditions juridiques du commerce international influencent profondément l'évolution des règles sociales. Le Fonds monétaire international (FMI) pèse aussi sur cette évolution, comme le Brésil en a fait l'expérience en se trouvant dans la nécessité d'infléchir sensiblement sa politique sociale en fonction des exigences du Fonds, de même que le forum de Davos et celui de Porto Alegre. Enfin, les organismes régionaux, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et Union européenne, participent au mouvement, selon leur propre logique.
Parmi les autres acteurs émergeants, il convient de citer les juges, encore que la montée en puissance des procédures d'arbitrage et de médiation tende à atténuer leur rôle, ainsi que les organisations non gouvernementales (ONG). Celles-ci sont très actives dans des pays comme le Brésil et le Canada, où elles se manifestent dans le domaine de l'environnement et dans le domaine social, allant jusqu'à exiger que les entreprises nationales respectent des normes sociales minimales dans les pays en développement où elles sont présentes.
M. André Lardeux a mentionné enfin les acteurs cruciaux de la régulation sociale que sont les entreprises, les médias, et même le crime organisé, dont le poids paraît augmenter dans les mouvements financiers internationaux.
Il a ensuite évoqué l'opposition des deux catégories de règles : le « hard law » et le « soft law ». D'un côté, le « hard law » est un droit normatif écrit qu'il est tentant de mobiliser pour régler un grand nombre de problèmes, ce qui débouche parfois sur des textes difficiles à lire. Certains pays parviennent à éviter cet écueil : par exemple, dans un souci de clarté, le droit canadien du travail distingue les règles concernant l'emploi de celles qui régissent les relations professionnelles et deux inspections du travail relaient cette distinction. De l'autre côté, le « soft law » est largement fondé sur la négociation collective, souvent encouragée par la loi. La négociation collective peut parfois déroger aux règles légales. Il convient aussi de tenir compte des codes éthiques, des normes d'adhésion élaborées par des organismes tels que l'OCDE, des recommandations émises par certaines institutions, des travaux de normalisation et de certification. L'opposition entre le « hard law » et le « soft law » peut revêtir une expression géographique. On constate ainsi, au Brésil, une nette césure entre, d'une part, les quartiers où s'applique le droit officiel du travail, extrêmement rigide et précis, d'autre part, les quartiers où se développe le secteur informel. Certaines entreprises du secteur formel ont d'ailleurs tendance, par la sous-traitance d'activités, à se « délocaliser » vers ces quartiers.
Il est difficile de porter un jugement sur l'efficacité relative des formes de régulation. La norme législative contribue à sauvegarder le système économique et social et à égaliser les conditions. En revanche, une aspiration au desserrement des contraintes qu'elle impose se manifeste dans la plupart des pays étrangers. La France résiste à cette tendance. L'Etat-providence se défend contre les évolutions en cours en produisant une législation pléthorique. Cependant, le droit du travail est attaqué par le droit commercial, d'où la question qui pourrait synthétiser les réflexions de la XXVIe session de l'INTEFP : le droit français du travail a-t-il un avenir ?
Soulignant la grande qualité de la formation délivrée par l'Institut, M. Nicolas About, président, a indiqué que Mme Catherine Procaccia a été désignée, cette année, comme membre de la XXVIIe session de l'INTEFP et il a demandé que les candidatures éventuelles aux sessions ultérieures lui soient transmises.
Mission d'information - Argentine - Désignation des membres
Enfin, M. Nicolas About, président, a indiqué que la délégation qu'il conduira en Argentine du 8 au 17 septembre est composée de MM. Gilbert Barbier, Claude Domeizel, Mmes Françoise Henneron, Raymonde Le Texier, MM. Alain Milon, Roland Muzeau, Mmes Anne-Marie Payet, Janine Rozier, Michèle San Vicente et M. Alain Vasselle.