Mercredi 15 mars 2006
- Présidence de M. Nicolas About, président -Travail et emploi - Chantiers d'insertion - Projection suivie d'un débat du film documentaire d'Anne Kunvari « Bénéfice humain »
La commission a tout d'abord procédé à la projection, suivie d'un débat, du film documentaire d'Anne Kunvari, « Bénéfice humain », consacré à l'activité des entreprises d'insertion.
A l'issue de la projection, M. Gérard Dériot s'est félicité de la qualité du documentaire qui retrace fidèlement la situation des entreprises d'insertion, les difficultés liées à l'accompagnement personnalisé des salariés en insertion et celles rencontrées par les chefs d'entreprise pour financer et asseoir leur activité face aux entreprises de droit commun, avec lesquelles elles entrent souvent en situation de concurrence. Il a enfin insisté sur le fait que le service apporté par les entreprises d'insertion resterait nécessaire même en situation de forte croissance, pour aider les salariés les plus fragiles à s'adapter aux mutations de l'appareil productif.
M. Alain Vasselle a salué l'engagement des chefs d'entreprise qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion, soulignant le combat permanent qu'ils doivent mener pour maintenir leur activité à flot. Il a estimé que les difficultés qu'ils rencontrent ne sont pas uniquement liées à un manque de subventions, mais aussi à la faiblesse de l'accompagnement qui leur est proposé.
M. Nicolas About, président, a souligné la qualité de l'accompagnement réalisé dans les entreprises d'insertion pour favoriser l'insertion des personnes qu'elles accueillent dans les entreprises ordinaires. Il a insisté sur la nécessité de prévoir un suivi de ces personnes quand elles ont quitté l'entreprise d'insertion afin de limiter les échecs et les ruptures de parcours professionnels.
Mme Janine Rozier a rappelé que les petites et moyennes entreprises (PME) ordinaires connaissent souvent, elles aussi, des difficultés pour pérenniser leur activité, ce qui permet a fortiori de mesurer les efforts que les entreprises d'insertion doivent réaliser pour s'intégrer à un marché concurrentiel. Elle a également tenu à saluer l'expérience menée depuis de nombreuses années par les communautés Emmaüs qui allient insertion par l'activité économique et insertion par le logement dans un esprit d'entraide, de solidarité et d'accompagnement humain.
Mme Valérie Létard a insisté sur le fait que les entreprises d'insertion travaillent dans le secteur concurrentiel et sont donc soumises aux mêmes contraintes et aux mêmes charges que les entreprises ordinaires. Elles ne peuvent compter que sur les exonérations de charges sociales et l'aide au poste dont elles bénéficient pour compenser les surcoûts liés à la spécificité du public qu'elles accueillent et à l'accompagnement qui leur est nécessaire. Elles se distinguent en cela des régies de quartier qui peuvent mobiliser les emplois aidés réservés au secteur non marchand et pour lesquels le soutien de l'Etat est bien plus important. Elle a donc souligné la nécessité de pérenniser le soutien public aux entreprises d'insertion pour la part de leur activité qui ne relève pas du secteur marchand, c'est-à-dire l'accompagnement social et professionnel des salariés en insertion. Elle a enfin observé que les difficultés des entreprises d'insertion témoignent de la difficulté de faire travailler ensemble secteur marchand et secteur social.
M. Dominique Leclerc a estimé que le documentaire projeté permet de mesurer l'écart existant entre les entreprises d'insertion et le reste du monde du travail. Il a observé que ces structures se trouvent en concurrence non seulement avec des entreprises ordinaires, mais aussi avec les ateliers des prisons et les centres d'aide par le travail. Il a considéré que ces frottements sont inhérents au positionnement des entreprises d'insertion, à mi-chemin du monde de l'entreprise et du domaine social.
Mme Marie-Thérèse Hermange a tenu à saluer la volonté commune des chefs d'entreprise d'insertion et de leurs salariés, qu'ils soient permanents ou en insertion, pour maintenir à flot l'activité de la structure. Elle a estimé que l'exemple des entreprises d'insertion devrait inciter tous les chefs d'entreprise à mieux tenir compte du capital humain. Elle a enfin indiqué que la ville de Paris avait mis en place un dispositif permettant de jumeler les entreprises d'insertion avec un système d'appartement d'insertion, afin de proposer aux personnes en difficulté à la fois une insertion professionnelle et une insertion par le logement.
M. Alain Vasselle a regretté que les difficultés juridiques liées à la reconnaissance de la notion de « handicap social » aient empêché jusqu'ici de développer des outils plus performants pour répondre à des situations d'exclusion profonde et durable. Il a observé que les pouvoirs publics mettent systématiquement en avant les coûts liés aux efforts réalisés en faveur de l'insertion, mais jamais les économies qu'on peut en attendre à plus long terme. Il a invité le groupe de travail sur les minima sociaux à réfléchir à cette question.
M. Bernard Seillier a estimé que l'intérêt du documentaire projeté réside dans le fait qu'il montre que la prise en compte de la dimension d'insertion est possible dans le monde de l'entreprise. Il a souligné combien le titre de ce documentaire, « Bénéfice humain », invite à dépasser une appréciation de la richesse uniquement fondée sur des motifs financiers.
Il a rappelé que les entreprises d'insertion sont des entreprises à part entière dont la seule spécificité est qu'elles bénéficient d'une exonération de charges sociales et d'une aide au poste pour chacun de leurs salariés en insertion. Au 1er janvier 2005, cette aide au poste s'élevait à 9.681 euros par salarié en insertion et par an. Il a considéré que la preuve de l'efficacité d'une entreprise d'insertion est faite quand ses salariés réussissent à prendre leur autonomie et retrouvent un emploi dans une entreprise ordinaire. Telle est la raison pour laquelle il s'est montré plus réservé quant à l'expérience des communautés Emmaüs, regrettant que la vie communautaire qu'elles proposent puisse devenir un obstacle à la prise d'autonomie des personnes accueillies.
Il a également tenu à saluer l'engagement des travailleurs sociaux, qui sont à l'origine du concept d'entreprise d'insertion. Il a enfin souhaité que soit mis fin aux retards de subvention récurrents qui accroissent les difficultés de trésorerie des entreprises d'insertion.
Mme Sylvie Desmarescaux s'est interrogée sur la capacité du service public de l'emploi et des travailleurs sociaux à orienter les personnes en difficulté vers les entreprises d'insertion. Elle a également souligné l'importance d'accompagner non seulement le salarié en insertion, mais également sa famille, ce qui rend nécessaire une coordination avec les travailleurs sociaux.
M. Nicolas About, président, a considéré que la référence à une notion de « handicap social » est porteuse d'ambiguïtés, même s'il a reconnu qu'une partie du public accueilli par les entreprises d'insertion relève du secteur du handicap, notamment du handicap psychique. Il a insisté sur la nécessité de mettre l'accent sur les capacités de la personne, et non sur une inemployabilité présupposée.
Mme Marie-Thérèse Hermange s'est émue de constater combien la précarité affective peut engendrer une précarité sociale et professionnelle.
Nomination de rapporteur
Puis la commission a nommé M. Nicolas About en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 158 (2005-2006) présentée par M. Christian Gaudin et plusieurs de ses collègues visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant.
Programme de travail - Communication
M. Nicolas About, président, a ensuite indiqué que le bureau de la commission s'est réuni la veille, 14 mars, pour faire le point sur le programme de travail attendu pour les mois à venir.
Il a été décidé de choisir l'Argentine comme destination de la mission qui se rendra à l'étranger début septembre. La composition de la future délégation est celle traditionnellement retenue, soit quatre sénateurs membres du groupe de l'union pour un mouvement populaire (UMP), trois pour le groupe socialiste et un pour chacun des groupes union centriste-UDF, communiste républicain et citoyen (CRC) et rassemblement démocratique et social européen (RDSE). Elle sera conduite par le président de la commission.
Il a ensuite indiqué que la Mecss, qui commence ses travaux, effectuera un déplacement à Berlin pour étudier la réforme du financement de la protection sociale allemande. Initialement envisagé pour la fin du mois de mars, ce déplacement est reporté à la mi-mai pour permettre la présence d'un plus grand nombre de membres de la Mecss. Par ailleurs, la commission sera prochainement appelée à approuver le règlement intérieur de la Mecss.
Enfin, M. Nicolas About, président, a précisé que, selon les informations dont il dispose, l'ordre du jour législatif de la commission ne devrait pas être trop chargé pour les mois à venir. Deux textes sont annoncés, mais non encore arbitrés : l'un sur l'enfance maltraitée, l'autre sur la transposition d'une directive relative à la mise sur le marché des médicaments, pour lesquels aucun calendrier n'est encore proposé.
De ce fait, la commission pourra se consacrer à l'achèvement des travaux de contrôle lancés en début de session : le rapport de Mmes Marie-Thérèse Hermange et Anne-Marie Payet dans le cadre de la mission d'information « Médicaments » est prévu pour mai, le rapport de M. Alain Vasselle sur l'hôpital sera présenté à la mi-avril et la proposition de loi « minima sociaux » résultant des travaux du groupe de travail présidé par Mme Valérie Létard pourrait être étudiée courant mai.
Par ailleurs, deux suggestions ont été favorablement accueillies et donneront lieu à l'organisation d'auditions : celle de Mme Anne-Marie Payet, pour étudier les phénomènes d'addiction, notamment aux jeux vidéos ; celle de M. Roland Muzeau, pour établir un bilan sur la pilule du lendemain.
Enfin, M. Nicolas About, président, a confirmé son souhait de déposer prochainement une proposition de résolution pour modifier le règlement du Sénat afin d'y mentionner les modifications résultant de la nouvelle loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) et de la création de la Mecss.
M. Alain Vasselle a rappelé qu'il a déjà souligné, par le passé, que certaines lois votées par le Parlement ne sont pas assorties, dans les délais requis, des mesures réglementaires nécessaires à leur application. Il a notamment fait état du retard pris pour l'entrée en vigueur de la loi « Handicap », pour laquelle manquent encore les dispositions relatives à l'accessibilité des locaux privés et des lieux publics.
M. Nicolas About, président, a alors proposé à la commission d'organiser, chaque année, l'audition des ministres en charge des textes votés relevant de leur secteur de compétences, pour qu'ils fassent le point des décrets publiés et qu'ils justifient les éventuels retards de parution de ceux attendus.