Mercredi 20 novembre, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté les conclusions du rapport du groupe de suivi des lois Egalim, dont Anne‑Catherine Loisier et Daniel Gremillet sont rapporteurs. Créé dans la foulée de l’adoption de la première loi Egalim de 2018, le groupe de suivi s’inscrit dans la durée : il mène chaque année un travail d’évaluation de l’application des lois Egalim de 2018, 2021 et 2023, notamment à l’issue des négociations commerciales. Cette année, les spécificités du contexte – sortie d’une période de forte inflation des matières premières, crise agricole, tensions persistantes sur le pouvoir d’achat des Français et reconfiguration du secteur de la grande distribution – l’ont conduit à formuler des recommandations en vue d’éventuelles évolutions.

Pour Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission : « Le Sénat est à l’origine de plusieurs apports importants aux dernières lois Egalim, comme la sanctuarisation de la matière première agricole des produits commercialisés sous marques de distributeurs. Il dispose, avec son groupe de suivi des lois Egalim, d’un recul précieux pour appréhender ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins au sein du cadre juridique. »

Les rapporteurs mettent en garde contre la tentation d’un bouleversement du cadre des négociations commerciales et d’une complexification à l’heure où les acteurs sont en quête de stabilité juridique. Plus globalement, ils font le constat alarmant d’un décrochage de la « ferme France » dans les rayons, concomitant à deux phénomènes qu’ils jugent particulièrement préoccupants : l’affaiblissement de la sanctuarisation de la matière première agricole en 2024 ainsi que la généralisation des centrales d’achat internationales qui contournent les lois Egalim.

Pour Daniel Gremillet : « Le décrochage de la ferme France et de ses marques nationales dans nos rayons est un des constats sous‑jacents à nos travaux. À l’heure où l’inflation a généré des tensions sur le pouvoir d’achat des Français, qui recherchent légitimement à alléger leur porte‑monnaie, cela illustre les limites de la stratégie de montée en gamme initiée en 2018 avec les objectifs ambitieux de la première loi Egalim ».

Les rapporteurs soulignent néanmoins des réussites récentes des lois Egalim, qu’il faut préserver, comme l’encadrement des pénalités logistiques ou l’extension de l’encadrement des promotions à tous les produits de grande consommation.

Les 20 recommandations en 5 axes du rapport visent à mieux appliquer la logique Egalim :

- Renforcer la construction « marche en avant » du prix selon les réalités économiques agricoles : le groupe de suivi appelle les interprofessions à prendre leurs responsabilités en publiant les indicateurs de référence. Une place prépondérante doit être donnée aux indicateurs de coûts de production au sein des formules de détermination et de révision du prix, afin de protéger les agriculteurs de la volatilité des prix.

- Généraliser enfin la contractualisation écrite amont : les rapporteurs recommandent qu’un bilan annuel des contrôles de la contractualisation soit rendu public et d’assurer un suivi de la contractualisation, aujourd’hui trop peu appliquée.

- Fluidifier les relations commerciales aval au service de la sanctuarisation de la matière première agricole : face à la période d’inflation récente qui a montré les faiblesses des clauses de révision automatique du prix, les rapporteurs recommandent de les renforcer en les intégrant au socle unique de la négociation. Ils recommandent aussi, pour les négociations postérieures à 2025, un allègement de la durée de négociation de trois mois à deux mois.

- Mieux documenter les effets de la guerre des prix sur la matière première agricole française : les rapporteurs déplorent l’absence d’évaluation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP + 10 %) dont l’expérimentation arrive à échéance en avril 2025. Conscient des effets assurément néfastes pour les agriculteurs d’une guerre des prix entraînée par la fin du SRP + 10 %, ils plaident néanmoins pour une prolongation assortie d’une véritable évaluation et non pour une pérennisation.
Ils estiment aussi important d’évaluer les effets sur l’amont agricole de la publicité comparative portant sur les prix des denrées alimentaires et d’envisager son encadrement.
Enfin, ils recommandent que soit assuré un suivi des prix et de l’origine des produits vendus sous « marque de distributeurs » par rapport aux produits de marques nationales.

- Mieux réguler les pratiques des centrales d’achat et de services à l’échelle européenne.
Pour Anne‑Catherine Loisier, « les centrales d’achats et de services à l’échelle européenne sont devenues une voie de contournement des lois Egalim, quand elles ne sont pas le support de pratiques abusives. Il faut être intraitable à leur égard et ne pas amoindrir la portée de la loi du 30 mars 2023, qui érige le cadre français des négociations commerciales, protecteur pour l’amont agricole, en loi de police. Nous appelons le ministre à intensifier les contrôles et à systématiquement prononcer des sanctions importantes à leur encontre ».

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