Jeudi 20 octobre 2022
- Présidence de M. Stéphane Artano, président -
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer - Table ronde sur les aspects fiscaux de la gestion des déchets dans les outre-mer
M. Stéphane Artano, président. - Mesdames, Messieurs, Chers collègues, dans le cadre de la préparation d'un rapport sur la gestion des déchets dans les outre-mer, nous tenons ce matin une table ronde sur les aspects financiers et fiscaux de cette problématique avec :
- pour le ministère de l'intérieur et des outre-mer : MM. Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques, et Tony Chesneau, chef du bureau de la réglementation économique et fiscale, de la Direction générale des outre-mer (DGOM) ;
- pour le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique : M. Thibaut Fiévet, chef du bureau en charge de la fiscalité énergétique et environnementale ;
- pour le ministère de la transition écologique et solidaire : M. Jean-François Ossola, adjoint à la cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets, direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;
- pour Interco' Outre-mer : M. Maurice Gironcel, président, et président de la Communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) ;
- pour le Syndicat intercommunal d'élimination et de valorisation des déchets de Mayotte (Sidevam 976) : M. Chanoor Cassam, directeur général des services.
Sur la base de la trame qui vous a été transmise, vous interviendrez dans l'ordre que je viens d'énoncer pour une dizaine de minutes. Les enjeux financiers sont particulièrement importants sur ce sujet et seront pris en compte dans nos propositions.
Puis les co-rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, vous interrogeront pour approfondir certains points.
M. Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques, Direction générale des outre-mer (DGOM). - Les deux premières questions de la trame portent sur la part que représente en moyenne le service public des déchets dans les budgets des collectivités ultramarines et le taux de couverture des coûts du service public des déchets par des recettes dites propres.
Une partie substantielle de ces données se situe chez nos collègues de la Direction générale des collectivités locales (DGCL). Mais compte tenu du calendrier présentant le projet de loi de finances, les administrations sont particulièrement mobilisées et dans le temps relativement court qui nous était imparti, nos collègues ont rencontré des difficultés à nous fournir tous les éléments que nous aurions voulu partager avec vous aujourd'hui. Néanmoins, nous en avons obtenu un certain nombre. Nos collègues se sont engagés à se tenir à la disposition du Sénat et des autres administrations pour fournir des éléments plus complets par la suite.
Des calculs permettent d'obtenir une idée du coût moyen pour les collectivités. Les départements et régions d'outre-mer (DROM) ont une population estimée de 2,2 à 2,3 millions d'habitants. Dans ces collectivités, le coût constaté de la gestion et du traitement des déchets, est, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), environ 1,7 fois plus élevé que le coût moyen constaté au niveau national. Ainsi, la moyenne nationale varie entre 90 et 95 euros par habitant et par an, tandis que le coût moyen annuel par habitant des outre-mer oscille entre 160 et 165 euros. Le coût moyen de la gestion des déchets est de l'ordre de 10 % du budget de fonctionnement de ces collectivités locales. Cependant, la DGCL nous a demandé de faire preuve de précautions dans l'appréciation de ces chiffres, car la fiabilité des chiffres remontés par les collectivités locales n'est pas pleinement garantie.
Les taux de couverture de ces coûts par des recettes propres, en particulier la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), sont variables selon les collectivités. Les taux de couverture sont des moyennes pour chacun des territoires. L'Ademe a montré que ces taux de couverture sont extrêmement variables et vont de 14 à 92 %. À La Réunion, le taux serait de 91 %. En Guyane, il serait de 73 %. Concernant la Martinique, selon le Plan national de prévention des déchets (PNPD) établi il y a deux ans, ce taux est à 71 %. Pour Mayotte, nous ne disposons pas de chiffres, et pour la Guadeloupe le taux se situe à environ 80 %. La moyenne globale dans les DROM est donc de 80 %. La Réunion se situe à un niveau assez proche de la moyenne nationale, en deçà de 100 %.
La troisième question porte sur les principaux facteurs expliquant le coût moyen supérieur de la collecte et du traitement des déchets dans les outre-mer et je cède la parole à la DRPR.
M. Jean-François Ossola, adjoint à la cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets, Direction générale de la prévention des risques (DRPR). - Au niveau national, le coût moyen des flux de déchets ménagers et assimilés se situe entre 95 et 96 euros par an et par habitant. Dans les outre-mer, la moyenne est de 150 euros par habitant. Des enquêtes réalisées par l'Ademe en 2018 ou 2019 font état d'un coût moyen qui peut aller jusqu'à 193 euros pour les Antilles et la Guyane. Comme on le sait, les coûts résultent à la fois d'un niveau de service proposé à la population, des quantités collectées et de l'efficacité des moyens pour collecter, transporter et traiter ces déchets. L'un des facteurs est le manque de déchetterie avec en parallèle une multiplication des collectes en porte-à-porte qui génèrent beaucoup plus de déchets collectés et augmentent le coût du service public. Par ailleurs, dans les territoires ultramarins, le volume d'ordures ménagères résiduelles, d'encombrants et de déchets verts est proportionnellement plus important que dans l'Hexagone. Les charges de transport et de traitement sont donc 1,3 fois supérieures à la moyenne nationale, d'autant que les installations multifilières ne sont pas encore effectives comme dans l'Hexagone.
Pour résumer, les principaux facteurs de coût sont le contexte insulaire, générateur de coûts de revient élevés, les conditions climatiques, l'impact touristique, une multiplication des services de collecte en porte-à-porte, des quantités importantes d'encombrants, de déchets verts, d'ordures ménagères résiduelles et des filières industrielles ainsi que des soutiens des éco-organismes qui sont plus limités. Cependant, il existe des marges de manoeuvre pour limiter les coûts qui n'ont rien d'inéluctables. Il convient pour ce faire de diffuser plus largement le partage d'expérience et de bonnes pratiques entre DROM-COM afin de trouver des solutions plus efficientes.
L'engagement politique fort en faveur de la maîtrise des dépenses publiques passe aussi par le dialogue avec les usagers, la responsabilisation, le développement de la prévention pour limiter la production de déchets et la mise en pratique de collectes moins coûteuses. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020 a donné une impulsion en faveur du développement de filières de recyclage locales créatrices de richesses, d'emplois locaux, du réemploi et des ressourceries. Des volontés très fortes sont présentes sur le territoire. Nous espérons que les dispositifs de la loi AGEC, assez nombreux pour l'outre-mer, permettront d'améliorer l'efficience en termes de coût et de libérer des marges de manoeuvre pour les collectivités.
M. Thibaut Fievet, chef du bureau en charge de la fiscalité énergétique et environnementale, sous-direction de la fiscalité des transactions, fiscalité énergétiques et environnementale et fiscalité sectorielle. - La quatrième question porte sur les montants de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets versés à l'État depuis 2017 et les prévisions de recettes de la TGAP d'ici à 2025.
Les systèmes déclaratifs ont évolué au cours de la période sur laquelle vous nous interrogez, puisque la TGAP était initialement recouvrée par la douane et qu'elle est depuis 2020 recouvrée par la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Je vais vous présenter les grandes tendances et les données chiffrées que nous avons pu réunir sur les rendements de TGAP pour les périodes de 2017 à 2019 ou 2020, étant noté que nous n'avons pas les chiffres 2020 pour la Martinique.
En Guadeloupe, le rendement évolue à la baisse puisqu'il était de l'ordre de 6 millions d'euros en 2017 et de 5 millions d'euros en 2018 et 2019, puis finalement de 4 millions d'euros en 2020. Le rendement de la taxe en Martinique suit une évolution plus irrégulière sur la période 2017-2019 dans la mesure où il s'établit à 4 millions d'euros pour 2017, 7 millions d'euros pour 2018 et 5 millions d'euros pour 2019. Pour la Guyane, le rendement reste relativement stable, il se situe entre 1,1 et 1,2 million d'euros. Pour La Réunion, sur la période 2017-2020, le rendement diminue sensiblement de 11 millions en 2017 à 7 millions en 2020 en passant à 9 millions et à 8 millions en 2018-2019. Enfin, pour Mayotte, le rendement évolue entre 700 000 et 500 000 euros sur la période pour finalement remonter à 750 000 euros en 2020.
La tendance est donc plutôt à la baisse et de façon relativement différenciée selon les territoires. En 2020, nous observons pour la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion un décrochage que nous n'avons pas encore expertisé. Nous nous interrogeons naturellement sur les effets de la crise sanitaire.
M. Jean-François Ossola. - Votre question n°5 porte sur le maintien du produit de la TGAP sur les territoires concernés, afin de financer des actions en faveur de la valorisation des déchets et de l'économie circulaire. Sous quelle forme cette affectation ou ce fléchage pourrait-il s'opérer ?
La TGAP est une taxe environnementale qui s'appuie sur le principe du pollueur-payeur. La partie « déchets » représente la composante la plus significative et le principe d'universalité du budget de l'État impose donc cette non-affectation d'une recette à une dépense particulière, sauf à de rares exceptions. La TGAP n'y déroge pas. Le renforcement et la rationalisation de cette composante des déchets de la TGAP ont conduit à décider d'une hausse progressive entre 2021 et 2025, pour inciter les apporteurs de déchets, collectivités et entreprises, à privilégier le tri et le recyclage plutôt que l'élimination des déchets. Cette mesure était prévue par la feuille de route économie circulaire de 2018, qui est l'un des éléments-clés de l'atteinte des objectifs nationaux et européens de la baisse de quantité des déchets mis en décharge ou incinérés. Cependant, afin de tenir compte des caractéristiques propres aux outre-mer, des réfactions sont appliquées et ont été renforcées notamment par la loi de finances rectificative de décembre 2021. Actuellement, ces réfactions sont de l'ordre de 35 % pour la Guadeloupe, La Réunion et la Martinique et de 75 % en Guyane et à Mayotte, là où la TGAP s'applique. Pour les outre-mer, les aides à l'investissement du fonds « économie circulaire » est supérieur au produit de la TGAP. Pour l'année 2020, sur les cinq territoires concernés, l'ensemble déclaré est de 13,1 millions d'euros, tandis que les montants engagés au titre du fonds « économie circulaire » de l'Ademe pour ces territoires sont de 22,2 millions d'euros. En complément de ces fonds, les financements du Fonds européen de développement régional (Feder) ne doivent pas être oubliés. La période 2021-2027 a débuté et des financements sont disponibles pour soutenir les projets locaux, dans les outre-mer, contrairement à l'Hexagone où les installations de gestion des déchets ou les CSR ne sont plus financés par ce fonds Feder.
M. Thibaut Fievet. - Un autre argument en défaveur de l'affectation de la TGAP aux collectivités est qu'en cas d'incident de recouvrement, la recette prévue ne pourra pas être versée à la collectivité. Le maintien de dispositifs budgétaires en complément de la TGAP nous semble davantage protectrice pour les collectivités.
M. Jean-François Ossola. - Concernant la Taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMi), à ce jour et à notre connaissance, le seul territoire ultramarin à avoir étudié le sujet est La Réunion. La direction régionale de l'Ademe avait fait réaliser une étude d'opportunité. Il s'agit en effet d'un processus long. En général, deux ou trois ans sont nécessaires pour le mettre en oeuvre. Mais cette étude, qui date de 2013, n'avait pas eu de suites.
Au niveau national, les objectifs de généralisation de la TEOMi sont ambitieux. Je crois qu'il s'agit de 15 millions d'habitants en 2025, alors que nous sommes actuellement en dessous de 10 millions. Peut-être cette tarification incitative à la redevance devrait-elle être appliquée à la Redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) plutôt qu'à la TEOM. Les exemples les plus courants actuellement sur le territoire national concernent d'ailleurs la REOM. Mais l'application semble plus aisée sur un territoire qui dispose des filières de valorisation, de traitement, d'un réseau de déchetterie, que sur un territoire plus isolé outre-mer qui manque encore des infrastructures de base.
M. Tony Chesneau, chef du bureau de la réglementation économique et fiscale à la Direction générale des outre-mer. - La question n°9 porte sur l'intégration dans l'octroi de mer d'une sorte d'écotaxe à l'importation, en considérant que la quasi-intégralité des déchets est issue de produits importés.
Cette proposition nous semble rencontrer plusieurs obstacles. L'octroi de mer est une taxe qui a deux objectifs principaux : le financement des collectivités locales et le soutien à la production locale. Ces deux objectifs peuvent parfois entrer en contradiction quand la région souhaite par exemple exonérer un secteur économique et donc renonce à des recettes. Ajouter un troisième objectif qui serait plutôt environnemental rendrait encore moins lisible et plus complexe cet octroi de mer. Il est généralement admis qu'un dispositif de politique publique - j'y inclus la fiscalité - dès lors qu'il a plus d'un objectif, est difficile à concevoir. D'autres pistes devraient être envisagées pour atteindre cet objectif.
Une autre difficulté et non des moindres est la question de la compatibilité avec le droit de l'Union européenne. Cet octroi de mer fait l'objet d'une double autorisation à la fois du Conseil de l'Union au titre de l'Union douanière et de la Commission européenne, et de la Direction générale de la concurrence au titre du droit des aides d'État. La Commission verrait probablement cette taxe additionnelle comme une taxe d'effet équivalent qui serait contraire au droit européen. Nous devrions donc justifier cette écotaxe auprès de l'Union européenne et à tout le moins l'appliquer aux marchandises importées, mais aussi à celles produites localement pour éviter des accusations de discrimination. Enfin, cette écotaxe additionnelle augmenterait le coût des produits importés et nos concitoyens l'accepteraient difficilement. Aujourd'hui, la région ou la collectivité territoriale peut moduler les taux à la hausse ou à la baisse de tous les produits de la nomenclature douanière en fonction de ce qu'elle considère comme plus nuisible à l'environnement par exemple. Les régions peuvent s'emparer de ce sujet et prendre des initiatives. Globalement, nous pouvons nous appuyer sur des dispositifs nationaux. L'objectif de cette écotaxe pourrait être aussi satisfait à travers le développement des filières à Responsabilité élargie des producteurs (REP) ou des systèmes d'éco-participation.
M. Thibaut Fievet. - Dans le cadre d'une éco-contribution, toute la difficulté réside dans le fait d'identifier les critères environnementaux. La difficulté est juridique, c'est-à-dire que nous devons réussir à trouver des critères qui ne portent pas atteinte au principe d'égalité et qui s'appliquent à tout type de produits équivalents. Nous pouvons imaginer des équivalents émissions de CO2 et faire en sorte, d'une part, que ces critères soient facilement applicables pour les opérateurs, et, d'autre part, qu'ils permettent des contrôles par l'administration fiscale pour s'assurer que l'éco-contribution est versée à bon droit. De prime abord, la conception d'un tel dispositif paraît complexe.
M. Jean-François Ossola. - La révision du règlement européen sur les batteries a été lancée au premier semestre 2022 sous la présidence française de l'Union européenne. Les discussions sont toujours en cours. Une disposition prévoit la mise en place d'une filière REP pour l'ensemble des batteries.
Le principe des filières REP s'applique sur l'ensemble du territoire national et, en cas de retard constaté, une des dispositions de la loi AGEC de 2020 permettra de prévoir un plan d'amélioration des performances de la collecte et du traitement des déchets dans ces territoires, afin qu'elles égalent celles atteintes en moyenne dans l'Hexagone au cours des trois ans suivant la mise en place du plan. De nombreux cahiers des charges de filières REP existantes sont en cours de renouvellement et de nouvelles filières REP sont en train d'être lancées sur la période de 2021-2024. Ces plans de rattrapage outre-mer vont permettre de guider et de renforcer l'implication des éco-organismes dans la mise en oeuvre des filières dans les territoires ultramarins.
La mise en place en outre-mer d'un système de consigne distinct du dispositif national engendrerait des coûts plus élevés que dans l'Hexagone. Il semble donc difficile de l'envisager localement et préférable de s'appuyer sur un dispositif national de consigne pour amortir les coûts. En 2023, une phase de réflexion et d'expérimentation de consignes sur les emballages sera engagée. Elle concernera l'ensemble du territoire national avec des péréquations pour les outre-mer.
S'agissant de la question 11, le Parlement demande de façon récurrente une baisse de la TVA sur les activités de réparation, pilier de l'économie circulaire. Historiquement, seuls les produits listés dans la directive européenne TVA étaient éligibles à un taux réduit au niveau du droit européen. Il est appliqué sur le cuir et les textiles, mais pas sur l'ensemble des produits. Il faut rappeler que les territoires guyanais et mahorais sont déjà exemptés de TVA.
La loi AGEC prévoit deux types de fonds à partir de 2022. D'une part, des fonds Réparation pour différentes catégories de produits soumis aux filières REP qui prennent en charge une partie des coûts de réparation auprès des réparateurs labellisés. Le prix est ainsi directement baissé pour le consommateur. D'autre part, les fonds Réemploi sont destinés aux acteurs de l'économie sociale et solidaire et adaptés conformément aux quantités réemployées fixées dans le cahier des charges de chaque filière REP. Les filières qui produisent des produits électriques, électroniques, des meubles et des textiles ou des articles de sport, de bricolage et de jardinage, doivent contribuer à ces fonds à hauteur de 5 % de leur contribution à la filière REP. Ces fonds permettront, notamment, de soutenir les acteurs qui réparent les objets, leur donnent une deuxième vie, soit pour être donné, soit pour être revendu. Ces fonds doivent être mis en place dans les six mois de l'agrément de la filière REP. Pour les déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE), le déploiement du fonds Réemploi au niveau national est en cours et sera entièrement opérationnel en 2023.
M. Thibaut Fievet. - Les produits reconditionnés peuvent déjà faire l'objet d'un dispositif favorable, c'est-à-dire que la TVA, sous certaines conditions, ne s'applique qu'à la marge et pas à l'ensemble du prix du produit. Mais le terme « réemploi » recouvre un certain nombre de réalités parfois complexes à traduire fiscalement et qui introduirait effectivement des difficultés tant du point de vue des professionnels, que de l'administration. En effet, comment le périmètre de la nature des prestations peut-il être déterminé ? S'agit-il de réparation ou de remise à état neuf ? S'agit-il de fourniture de matériaux ou de fourniture de prestations ? Toutes ces questions se poseraient dans le cadre de l'introduction d'un taux réduit de TVA. Enfin, une acception large du terme de réemploi induirait probablement un coût budgétaire important pour l'État, si cette disposition était adoptée.
M. Maurice Gironcel, président de l'association Interco' Outre-mer et président de la Communauté intercommunale du Nord de La Réunion (Cinor). - Dans nos pays d'outre-mer et notamment dans nos îles, nous devons traiter nos déchets sur notre territoire. Nous devons maîtriser la question du traitement des déchets de bout en bout. Moins d'emballages devraient être produits. Une discussion devrait également porter sur la possibilité de commercer avec les pays de la zone. Aujourd'hui, nos importations viennent de l'Europe et bien sûr de la France hexagonale. Nous inscrire dans un partenariat dans nos zones respectives, nos bassins d'océan, nous ouvrirait des perspectives de traitement de nos déchets. Pourquoi ne pourrions-nous pas traiter nos déchets dans notre zone géographique ? Cette pratique permettrait un coût de transport moindre et favoriserait la création d'emplois locaux.
Dans nos îles, nous avons un sérieux problème de foncier. À La Réunion, une île de 2 500 km2 avec 900 000 habitants, la zone habitée se situe sur le littoral et à mi-hauteur, car c'est un pays très montagneux. Les centres d'installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) ou d'Installation de stockage de déchets inertes (ISDI) se situent donc forcément à proximité des habitations. L'approche doit donc être différente de celle de la France hexagonale. De même, les taxes en vigueur dans l'Hexagone ne peuvent pas s'appliquer chez nous. Compte tenu du faible nombre d'habitants à La Réunion, une seule installation de traitement semblerait suffisante, mais la circulation est difficile entre le Nord et le Sud. Concernant la TEOM incitative, avec la Cinor, nous sommes en train de mener une petite opération dans un quartier pour étudier la faisabilité. La loi concernant les bio-déchets s'avère difficile à mettre en oeuvre à La Réunion.
M. Chanoor Cassam, directeur général des services du Syndicat intercommunal d'élimination et de valorisation des déchets de Mayotte (Sidevam 976). - Pour la clarté de mon exposé, j'ai préparé quelques graphiques qui vous ont été distribués. Concernant les efforts budgétaires consentis par les collectivités, je me suis concentré sur les budgets des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), puisqu'elles détiennent à titre principal la compétence collecte et traitement de déchets. Dans le cas de Mayotte, c'est le Sidevam qui assure essentiellement la mission de collecte et traitement des déchets, à l'exception de la communauté d'agglomération Dembéni-Mamoudzou (Cadema) qui regroupe la commune de Mamoudzou, la principale ville de Mayotte, et la commune de Dembéni. La Cadema gère seule sa compétence collecte. Les intercommunalités fournissent des efforts plus ou moins élevés, avec une moyenne de 42 % de leurs budgets pour 2022. Une des intercommunalités consacre 63 % de son budget au Sidevam.
Les contributions directes des budgets des intercommunalités au Sidevam représentaient, jusqu'à cette année, le principal poste de financement du service public de gestion des déchets. Cette forte contribution, qui représente 60 % du budget du Sidevam, entraîne aussi une forme de dépendance de la trésorerie, puisque nous subissons les aléas de décaissement et d'encaissement par les intercommunalités membres. Les 40 % restants sont couverts par la TEOM qui est beaucoup plus intéressante en matière de trésorerie, puisque son versement est mensualisé. Les contributions des intercommunalités au service public des déchets ont atteint un niveau élevé. Les EPCI ne sont plus prêts à relever leur contribution, alors même qu'elles ont d'autres missions à financer.
La TEOM représente le deuxième levier de financement. En moyenne, les taux de la TEOM votés par les EPCI ayant choisi d'instaurer cette taxe croissent chaque année. Ils se situaient à 14 % en 2019 et 19 % en 2021. La communauté de communes de Petite-Terre est passée de 10 % en 2019 à 16 % pour cette année. Quant à la Cadema qui a instauré cette taxe depuis cette année seulement, elle a fait bondir le taux moyen au niveau du département, de telle sorte que les recettes de la TEOM devraient couvrir en 2022, pour la première fois, plus de la moitié du coût du service public des déchets. La TEOM s'appuie sur la taxe foncière. À Mayotte, où les valeurs locatives ont été excessivement élevées, la mise en place de la fiscalité s'est avérée un peu chaotique depuis 2014. Elles ont été corrigées partiellement via la loi « Égalité réelle » en 2017 avec un abattement de 60 % de la valeur locative. Cependant, la valeur locative reste élevée par rapport aux standards nationaux, alors que 77 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Les Mahorais sont en grande majorité propriétaires de leurs biens. Nous pouvons difficilement compter sur ce levier de financement pour augmenter encore les recettes.
La TGAP est payée par le Sidevam, seule compétente en matière de traitement de déchets. La tendance d'évolution des charges semble donc difficile à inverser. On observe une dégradation progressive des épargnes : épargne de gestion, épargne brute et épargne nette du Sidevam. Sur le scénario présenté, nous voyons que dès 2024-2025, nous basculerons sur des épargnes négatives. Une approche différente de la question semble donc nécessaire, en envisageant peut-être un levier de financement supplémentaire, un moyen beaucoup plus efficace pour orienter le comportement des producteurs de déchets et donc des consommateurs. Le Sidevam adopte, en collaboration avec la Cadema, son programme local de prévention des déchets ménagers assimilés et prévoit des études au niveau de la fiscalité incitative.
Néanmoins, nous n'avons pas beaucoup d'espoir, puisqu'à Mayotte, beaucoup de populations informelles ne contribuent pas aux finances locales. Par ailleurs, la taxe foncière s'appuie également sur le cadastre non actualisé. Une grande partie de la population productrice de déchets ne sera donc pas concernée par la fiscalité incitative. Nous réfléchissons donc à d'autres solutions, notamment des solutions de gratification du geste de tri avec le commerce de proximité. Pourquoi ne pas envisager une écotaxe qui permettrait un couplage entre la gestion déchets et l'activité de consommation ? Cette solution d'écotaxe permettrait de financer une partie de la gestion des déchets par le consommateur. Mais la question de la gouvernance se pose. Les décideurs locaux pourront-ils fixer le niveau de taxation des différents produits et de déchets concernés ?
Notre véritable problème réside dans les moyens de contraintes. Pourquoi ne pas envisager des pénalités vis-à-vis de ces éco-organismes qui ne se mobilisent pas suffisamment dans les territoires ultramarins ?
Le rapport de Jacques Vernier sur les filières REP, publié en 2018, documente longuement ces moyens de pénalités possibles vis-à-vis des éco-organismes. Si nous parvenons à structurer et mobiliser plus d'éco-organismes sur le territoire, les volumes enfouis et donc la charge de TGAP diminueront. Par ailleurs, nous souhaiterions que les objectifs de taux de collecte, de valorisation et de recyclage ne soient pas nationaux, mais territorialisés.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Lorsque nous nous sommes rendus à Mayotte ou à La Réunion, nous avons noté une demande récurrente pour un allégement de la TGAP qui pèse sur les intercommunalités. Ne pourrait-on pas obtenir un moratoire sur ces questions, de manière à permettre aux territoires ultramarins redevables de cette TGAP de pouvoir investir dans le perfectionnement de la chaîne liée aux déchets ?
Même si notre proposition de consigne ne paraît pas d'une grande pertinence, comment pourrait-on trouver des correctifs ? En parcourant certains territoires, nous avons vu les efforts déployés, mais la situation endémique liée à l'accumulation des déchets représente un problème récurrent. Il me semble que l'outil fiscal devrait intégrer certaines modulations.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Nous estimons que la TGAP est injuste. À La Réunion, nous avons obtenu 10 % de réfaction supplémentaires l'année dernière, nous sommes donc passés à 35 %. En 2021, la TGAP représentait environ 10,8 millions d'euros pour La Réunion. Elle passera à 12,8 millions d'euros l'année prochaine, et si le taux d'enfouissement reste le même, en 2025, elle atteindra 16 millions d'euros. Nous préférerions garder cette somme sur notre territoire pour développer un cercle plus vertueux.
M. Thani Mohamed Soilihi. - À Mayotte, la problématique du foncier influe directement sur la taxation des déchets, car aujourd'hui 70 % des terres ne sont pas immatriculées. Autrement dit, une pression fiscale insupportable s'exerce sur seulement 30 % des propriétaires. Une réforme en cours vise à poursuivre l'immatriculation et le titrement des parcelles foncières.
Mme Marta de Cidrac, présidente du groupe d'études sur l'économie circulaire au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Beaucoup de nos territoires ultramarins sont aussi des régions ultrapériphériques de l'Europe. À cet égard, un certain nombre d'obligations leur incombe, mais des fonds qui sont censés promouvoir les emplois doivent aussi leur profiter.
Lors de mes déplacements dans ces régions, l'insuffisance de masse critique pour créer des unités de traitement des déchets localement a souvent été identifiée.
En tant que sénatrice des Yvelines, si je rencontre des difficultés avec les déchets de mon territoire, je peux m'adresser à l'un de mes voisins, mais cette pratique s'avère beaucoup plus compliquée pour nos territoires ultramarins.
Existe-t-il un mécanisme que nous pourrions porter au sein de l'Union européenne pour permettre à nos territoires ultramarins de créer des unités qui seraient pionnières en matière de recyclage ou de Combustible solide de récupération (CSR) ?
Mme Micheline Jacques. - J'aimerais partager l'expérience de Saint-Barthélemy, puisque nous sommes un petit territoire de 21 km2 et que la problématique des déchets s'est posée depuis fort longtemps. Nous avons fait le choix de revaloriser la majorité des déchets par l'incinération avec un traitement des fumées et une production d'énergie. Notre usine d'incinération est couplée à une usine de production d'eau potable par dessalement d'eau de mer. Une deuxième usine d'incinération vient d'être inaugurée qui sera couplée à un générateur de production d'électricité. Comme le disait Viviane Malet, pourquoi ne pas geler quelque temps la TGAP, afin de permettre aux collectivités d'investir dans ce type d'installation ? Par ailleurs, nous avons passé un contrat avec les concessionnaires qui récupèrent les batteries au lithium.
M. Stanislas Alfonsi. - Nous pouvons nous demander si la TGAP mérite d'exister sous cette forme ou si elle doit être transformée. Des adaptations ont été faites, parce que les territoires ont démontré que celles-ci favorisaient les dynamiques. Les projets commencent à sortir et les retards pris, quels qu'en soient les motifs, ne sont plus de nature à empêcher leur existence.
Mayotte est entrée récemment dans le cadre institutionnel d'un département de plein exercice et doit être traitée de manière responsable avec toute l'attention à apporter à un territoire fragile. Le territoire présente en effet un retard de développement et des taux de pauvreté très élevés. Cette situation nécessite une attention plus spécifique et nous nous efforçons tous de l'apporter. Mais le travail des acteurs locaux est perfectible, tout comme celui des administrations ou du Parlement. Du côté du ministère des outre-mer, Mayotte concentre une grande partie de notre activité. Des adaptations législatives ont été proposées pour apporter une aide plus spécifique au territoire. Un projet de loi a été initié l'année dernière qui n'a pas été validé par le Conseil départemental. Nous ne pouvons que le regretter. Je me rappelle que lorsque l'avis négatif du Conseil départemental a été formulé, nous étions à la veille du passage devant le Conseil d'État. Le Gouvernement était donc dans une dynamique très volontariste. À ce stade du processus, de nombreux sujets pouvaient encore être ajoutés ou modifiés. Ce projet mérite d'être réexaminé pour trouver les nouvelles adaptations qui devront être conçues spécifiquement pour Mayotte.
En ce qui concerne les fonds européens, les autorités de gestion sont, en règle générale, constituées par les collectivités et doivent faire des choix sur l'affectation et l'utilisation des fonds européens. Nous ne pouvons pas sortir du cadre de la programmation telle que définie par les institutions européennes, ni du cadre national qui en est une déclinaison pour chaque État membre. De notre côté, nous ne pouvons pas dicter aux autorités de gestion constituées par les collectivités ce qu'elles doivent faire des fonds européens qui leur sont confiés. Nous pouvons tout de même encourager, ne serait-ce que par l'orientation de certains cofinancements, le soutien en matière d'ingénierie qui peut être apporté sur tel ou tel type de projet. Nous pouvons les aider à favoriser cette thématique des déchets.
Les fonds européens sont d'une gestion particulièrement complexe et je comprends que, parfois, des collectivités hésitent à aller dans les directions de la mobilisation des fonds européens pour tel projet ou telle thématique, étant donné leur complexité et les risques inhérents. En effet, l'application pourrait être considérée comme insuffisamment régulière, rigoureuse, ou discutable au regard des cadres réglementaires produits par l'Union européenne. Parfois, les collectivités hésitent à se lancer pour ces raisons.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Les critères pour certains dossiers sont trop difficiles à remplir. Depuis quasiment huit ans que je siège dans cette commission, les fonds spécifiques européens pour les départements ultramarins ont toujours été difficiles à mobiliser. Nous avons toujours dû mener des combats et des batailles dans ce secteur-là.
M. Jean-François Ossola. - Nous sommes bien conscients des difficultés de gestion des taxes et le poids dans les finances locales des territoires ultramarins. Dans le cadre du programme précédent de 2014 à 2020, les fonds du Feder ont représenté à peu près 156 millions d'euros. Certains territoires en ont plus bénéficié que d'autres en raison des critères établis ou du consensus politique. Mais pour les régions ultrapériphériques (RUP), dont font partie nos territoires d'outre-mer, les critères assez larges offrent la possibilité du financement de CSR notamment, alors que cela n'est plus possible dans l'Hexagone.
Nous pourrions réfléchir à des mécanismes qui permettent d'avoir un partenariat entre nos territoires, et également avec les territoires voisins, pour avoir une certaine masse critique dans le traitement des déchets. En effet, notamment dans les îles isolées ou d'autres territoires, les augmentations, même faibles, se ressentent d'autant plus fort. Un travail peut être mené sur ce mécanisme partenarial par zone géographique. Des travaux sont également menés pour les déchets dangereux, afin d'obtenir des révisions du règlement sur les transferts transfrontaliers. Cela intéresse tout particulièrement La Réunion et Mayotte. La crise du Covid a généré dans ces deux territoires de sérieux problèmes d'export de déchets dangereux, car, contrairement aux Antilles, les exportations directes vers l'Hexagone s'avèrent moins faciles. L'affrètement d'un navire dédié pour l'export d'une petite partie des déchets dangereux stockés sur ces deux îles vers Le Havre devrait prochainement être annoncé. Il n'existe pas de solution unique, mais différents leviers à actionner.
Concernant les batteries et plus particulièrement celles au lithium, nous n'avons pas la solution de traitement, l'export doit donc être systématique avec son coût et ses aléas.
S'agissant de l'idée de la consigne de batteries, nous souhaitons utiliser et exploiter le développement des filières REP, et le renouvellement de leurs cahiers des charges pour que des éco-organismes puissent apporter des solutions, pas seulement sur le territoire hexagonal, mais aussi en outre-mer.
Concernant les éco-organismes et leurs possibles sanctions : ils sont actuellement dans une période de renouvellement de leurs cahiers des charges pour les filières REP. De nouvelles filières vont être créées telles que la filière « produits et matériels de construction et bâtiments » qui va être pleinement opérationnelle en cours de l'année 2023. Grâce à la loi AGEC, nous pouvons exiger un plan d'action détaillé pour chaque territoire d'outre-mer par filière, dès six mois après l'agrément. Certains dispositifs seront mobilisés à la suite par l'État pour veiller à ce que les taux de collecte ou de traitement n'atteignent pas 95 % sur le territoire national et 40 % en outre-mer.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Concernant les cahiers des charges, je sais que vous allez augmenter les taux, afin que nous puissions rattraper les taux de l'Hexagone. Mais si le cahier des charges n'est pas rempli, aucune pénalité n'est prévue. À l'inverse des collectivités qui, elles, doivent s'acquitter de la TGAP.
M. Chanoor Cassam. - Le rapport Vernier précité mentionne des dispositions de pénalité ou de sanctions, certes perfectibles. Elles se traduiraient, par exemple, par des mécanismes d'amende de 15 000 ou 30 000 euros pour les éco-organismes, mais aussi pour les membres des éco-organismes. Toutefois, il me semble que le rapport mentionnait que les services de l'État chargés du contrôle et des sanctions se trouvaient insuffisamment dotés de moyens pour mettre en oeuvre de telles mesures.
Sur la question de la valorisation au niveau des territoires, le Sidevam porte justement un projet de valorisation en CSR. Nous voulons profiter du renouvellement de la délégation de service public portée par le Sidevam avec la filiale de Suez, Star Urahafu.
Nous aimerions solliciter les financements du Feder. Cependant, l'enveloppe, qui se dessine sur la programmation 2021-2027, prévoit a priori 8 millions d'euros pour la gestion des déchets et ce montant est à peine suffisant pour déployer toutes les déchetteries prévues sur la mandature.
En raison des problématiques de maîtrise foncière, le Sidevam essaie de déployer des déchetteries depuis deux mandatures. Nous n'en avons pas encore pour l'instant, mais je vous confirme que nous allons démarrer le chantier de la première déchetterie de Mayotte, qui sera inaugurée l'année prochaine au sud de l'île. La construction de deux autres déchetteries est en bonne voie.
Pourquoi ne pourrions-nous pas, sur le modèle du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), envisager une enveloppe spécifique abondée pour les projets de valorisation de déchets, qui serait mise à contribution lorsque le montage de la prochaine délégation du service public sera finalisé, prévoyant notamment des unités de valorisation en CSR ?
M. Thani Mohamed Soilihi. - Vous avez parlé du travail parlementaire qui est perfectible, c'est précisément le sens de mon intervention. La mission constitutionnelle de contrôle de l'action de l'administration nous incombe et nous avons le devoir de poser ici des questions. Je déplore comme vous, peut-être plus que vous, que le projet de loi Mayotte ne soit pas arrivé jusqu'au Parlement. Cette loi contenait 75 % de bonnes propositions, et nous devions la compléter. Nous n'avons pas eu cette occasion : à la suite d'un long processus piloté par le préfet, le Conseil départemental a donné un avis défavorable.
M. Stanislas Alfonsi. - Nous devons mener ensemble l'accompagnement du territoire de Mayotte et je pense que, du côté de l'administration que je représente, nous faisons un certain nombre d'efforts avec tous les autres partenaires, y compris le Parlement, pour mener cet accompagnement. Beaucoup de temps et beaucoup de travail seront nécessaires pour faire en sorte que Mayotte parvienne à un certain niveau de développement et que les résidents de Mayotte bénéficient du niveau de service public dont normalement tout citoyen et résident en France doit pouvoir bénéficier.
M. Thibaut Fievet. - Je reviens très rapidement sur la TGAP. Du côté de la Direction de la législation fiscale (DLF), nous partageons le mécontentement sur le nom de la TGAP qui en réalité recouvre quatre taxes différentes et pourrait, le cas échéant, être vu dans le cadre de la recodification en cours. Elle a déjà donné lieu à des redénominations de taxes et quand viendra le moment de recodifier la TGAP « déchets », une autre dénomination n'est pas exclue.
Concernant les réfactions de TGAP, nous n'avons pas de mandat pour nous prononcer sur le sujet. Mais nous pouvons nous engager à transmettre auprès de nos autorités les différents points d'alerte que vous nous avez rappelés aujourd'hui. Je voudrais juste relever deux points. Premièrement, les réfactions ont effectivement évolué au fil du temps. Vous évoquiez l'hypothèse d'un moratoire ou d'un dispositif transitoire. Selon notre expérience, en termes de gouvernance fiscale, des moratoires sont toujours complexes, parce qu'il est souvent difficile d'en sortir. Il s'agit juste d'un constat technique en termes de fiscalité, je ne porte aucun jugement sur votre proposition.
Deuxièmement, pour confirmer les propos qui ont été tenus sur la composante « déchets » de la TGAP, cette taxe est incitative par excellence. Elle applique un barème en fonction des méthodes de traitement qui sanctionne davantage l'enfouissement que l'incinération et encourage au réemploi. Différentes exemptions ont été ajoutées pour justifier le fait de ne pas taxer certaines situations très particulières.
Le dernier élément très caractéristique de cette TGAP « déchets » réside dans le fait que le législateur impose de la répercuter sur les apporteurs de déchets, c'est-à-dire que cette taxe est en quelque sorte indirecte. Un tel dispositif ne se retrouve pas forcément dans les autres taxes.
Les dispositifs financiers publics en matière de déchets doivent être pris dans leur ensemble. Nous ne devons pas nous focaliser sur un seul, car chacun a son utilité. En définitive, nous identifions trois piliers. Tout d'abord, la TGAP présente une vocation incitative dont l'assiette se réduit au fur et à mesure, c'est-à-dire que quand les objectifs seront atteints, la TGAP « déchets » aura un rendement nul. De son côté, la TEOM est une taxe de rendement dont l'objectif est de financer le service public. Enfin, le troisième pilier correspond à tous les dispositifs budgétaires évoqués tels que ceux de l'Ademe ou les fonds européens. Ces dispositifs ont vocation à accompagner les collectivités et les opérateurs pour qu'elles investissent et atteignent les objectifs leur permettant de ne plus être redevable de la TGAP.
Concernant la problématique d'affectation de la TGAP, qui rejoint aussi celle de sa dénomination, il existe, dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), une sorte de TGAP complémentaire, à la main des communes, et qui est limitée à 1,50 euro par tonne. Nous n'avons pas vérifié si elle était applicable dans les territoires ultramarins, mais il me semble qu'elle pourrait répondre, à la marge, au problème de réaffectation des fonds.
M. Stéphane Artano, président. - Sur le sujet de Mayotte, je rejoins Thani Mohamed Soilihi. Un message doit vraisemblablement être passé auprès du préfet pour que les données, si elles existent, soient collectées et remontées. C'est un message que je passerai volontiers au ministre. Ce sujet est important pour vous, car vous devez pouvoir disposer des éléments techniques nécessaires.
Je vous remercie pour ces échanges très riches.