Sommaire
Présidence de M. Didier Guillaume
Secrétaires :
Mmes Odette Herviaux, Catherine Procaccia.
3. Cessation du mandat et remplacement d’un sénateur
4. Commissions mixtes paritaires
6. Renvoi à une commission d'une proposition de loi
7. Modification de l'ordre du jour
8. Communication du Conseil constitutionnel
9. Démission de membres de commissions et candidatures
MM. François Rebsamen, le président.
Mme Nathalie Goulet, M. le président.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. le président.
MM. David Assouline, le président.
11. Délégués des établissements publics de coopération intercommunale. – Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi ; Alain Richard, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Jean-Jacques Hyest, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian Favier, Jacques Mézard, Yves Krattinger, Claude Bérit-Débat, Mmes Josette Durrieu, Frédérique Espagnac.
MM. le ministre, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 16 de M. Patrice Gélard. – MM. Patrice Gélard, Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le ministre. – Rejet par scrutin public.
MM. le président de la commission, François-Noël Buffet, le ministre.
Suspension et reprise de la séance
M. François Zocchetto, Mme Catherine Troendle, MM. le président, François-Noël Buffet.
Suspension et reprise de la séance
Adoption, par scrutin public, des conclusions de la conférence des présidents.
Mme Catherine Troendle, MM. François Zocchetto, François Rebsamen, François Fortassin, Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.
13. Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution
M. Philippe Marini, président de la commission des finances ; Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
14. Nomination de membres de commissions
15. Communication du Conseil constitutionnel
16. Renvoi pour avis
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
17. Candidatures à une commission mixte paritaire
18. Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (suite)
Mmes Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; MM. Philippe Marini, président de la commission des finances ; Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales ; Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.
M. Aymeri de Montesquiou, Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Dominique de Legge, Mme Michèle André, MM. René-Paul Savary, Jean Arthuis, François Patriat, François Fortassin.
Mme la ministre.
19. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
20. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Didier Guillaume
vice-président
Secrétaires :
Mme Odette Herviaux,
Mme Catherine Procaccia.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d'anciens sénateurs
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Roger Lagorsse, qui fut sénateur du Tarn de 1998 à 2004, Michel Giraud, qui fut sénateur du Val-de-Marne de 1977 à 1988, et Guy Robert, qui fut sénateur de la Vienne de 1977 à 1997.
3
Cessation du mandat et remplacement d’un sénateur
M. le président. En application de l’article 23 de la Constitution et de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, M. le président du Sénat a pris acte de la cessation le 1er novembre 2011, à minuit, du mandat de sénateur de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, qui avait été proclamé sénateur de la Meuse à la suite des opérations électorales du 25 septembre 2011.
Conformément à l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration a fait connaître que, en application de l’article L.O. 319 du code électoral, M. Claude Léonard est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de la Meuse, M. Gérard Longuet.
Le mandat de notre collègue a débuté aujourd’hui mercredi 2 novembre, à zéro heure.
Au nom du Sénat, je lui souhaite un bon retour parmi nous.
4
Commissions mixtes paritaires
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les demandes de constitution de commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d’une part, du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé et, d’autre part, de la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
5
Dépôt de documents
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :
- en application de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, le projet de contrat d’objectifs et de moyens d’Arte France pour la période 2012-2016 ;
- en application de l’article 1er de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le rapport annuel sur la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement durable 2010-2013.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Le premier a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ainsi qu’à la commission des finances, le second à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
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Renvoi à une commission d'une proposition de loi
M. le président. À la suite de la demande de la commission des affaires sociales, qui a souhaité, en raison de l’encombrement de son ordre du jour, se dessaisir de la proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité, présentée par Mme Françoise Laborde et les membres du groupe RDSE, cette proposition de loi est envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
7
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par courrier en date du 2 novembre, M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe Union pour un mouvement populaire, a demandé l’inscription à l’ordre du jour du jeudi 8 décembre de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.
Acte est donné de cette inscription.
En conséquence, l’ordre du jour du jeudi 8 décembre est complété et s’établit désormais comme suit :
Jeudi 8 décembre 2011
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste-EELV :
- Proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France.
De 15 heures à 19 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.
À 19 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
- Proposition de loi visant à faire du logement une priorité nationale, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
8
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 27 octobre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-211 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
9
Démission de membres de commissions et candidatures
M. le président. J’ai reçu avis de la démission de M. Jean-Claude Gaudin, comme membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et de M. Alain Gournac, comme membre de la commission des affaires sociales.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et leur nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
10
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à François Rebsamen, pour un rappel au règlement.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous parler de la situation dans laquelle se trouve la population de la Réunion.
Voilà près de dix jours que la forêt réunionnaise, site du patrimoine mondial de l’UNESCO, brûle.
Le Gouvernement a beaucoup tardé à satisfaire la demande des élus et des habitants de la Réunion, qui réclamaient l’envoi de bombardiers Dash 8, ces avions équipés pour lutter contre les incendies. En cet instant même, chaque Réunionnais considère qu’une partie de son patrimoine est en passe de partir en fumée.
C’est pourquoi, au nom de tous mes collègues du groupe socialiste-EELV et, sans doute, de l’ensemble de ceux qui siègent sur ces travées, je veux exprimer la solidarité du Sénat à l’égard de la population réunionnaise et le souhait que ces avions entrent en action le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Mon intervention se fonde sur l’article 29 bis du règlement du Sénat.
Nous avons assisté, ce week-end, à un vote historique, celui intervenu en faveur de l’admission de la Palestine comme État membre à part entière de l’UNESCO.
Mon époux, Daniel Goulet, a créé et animé à l’Assemblée nationale, à partir de 1973, et dès son élection au Sénat, en 1992, le groupe d’amitié France-Palestine, et a été un artisan passionné de la diplomatie parlementaire dans cette région ; vous en fûtes d’ailleurs le témoin, monsieur le ministre.
Vous comprendrez donc que j’exprime en cet instant, au nom de nombreux collègues, la profonde satisfaction que nous inspirent ce vote et la position adoptée par le gouvernement français. En effet, celui-ci n’a pas cédé aux habituels atermoiements de bon aloi qui se font entendre dès qu’il est question du conflit israélo-palestinien.
Nous souhaitons qu’Israël vive dans des frontières sûres et reconnues, mais les réactions consécutives à cette décision de l’UNESCO font craindre le pire.
Le vote de ce week-end justifie que nous accompagnions le processus de normalisation de la situation de la Palestine, en tant que membre à part entière de la communauté internationale. Je réitère donc la demande que j’avais formulée à l’occasion d’un rappel au règlement, le 18 octobre dernier, d’organisation d’un débat sur le rôle de la diplomatie parlementaire.
Je vous prie donc, monsieur le président, de bien vouloir soumettre au bureau de la Haute Assemblée la proposition de création d’une mission commune de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, destinée, d’une part, à accompagner dans cette nouvelle aventure Israéliens et Palestiniens, et, d’autre part, à assurer la présence effective des Palestiniens à l’UNESCO… en attendant qu’un siège leur soit attribué au sein de l’Organisation des Nations unies. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Votre demande sera transmise au bureau du Sénat.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour un rappel au règlement.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette nuit, le siège de la rédaction de Charlie Hebdo a été la cible d’un attentat. De nombreux dégâts matériels, et notamment informatiques, de nature à compromettre la fabrication de ce journal, sont à déplorer.
Cet incendie qui serait, selon nos informations, volontaire, s’est produit alors que ce journal devait sortir, ce matin, un numéro spécial intitulé Charia Hebdo, dans lequel figuraient des caricatures de Mahomet.
Je tiens à faire part de l’émotion de mon groupe face à un tel acte de violence, que nous condamnons vigoureusement. Avec cet attentat, c’est non seulement la liberté de la presse qui est menacée, mais aussi la démocratie qui est attaquée. Le débat politique et médiatique, quel qu’il soit, ne peut pas se régler à coup de cocktails Molotov.
Nous voulons également condamner toute tentative de récupération qui, au prétexte de défendre la liberté de la presse, ferait en réalité le jeu de ceux qui veulent attiser les violences et créer de nouveaux clivages dans notre société.
Au nom de mon groupe, je veux apporter mon soutien aux journalistes, partager leur tristesse, appeler à la mobilisation à leurs côtés et au refus de tels actes, qui menacent la démocratie. Plus que jamais, nous devons rester vigilants ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jacques Legendre applaudit également.)
M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Mon rappel au règlement concerne également la question évoquée par Mme Gonthier-Maurin, bien que nous ne nous soyons pas concertés.
M. Charles Revet. Sur quel article du règlement est-il fondé ?
M. David Assouline. L’article 35 ! À moins qu’il ne s’agisse de l’article 36… Cela vous suffit-il, mon cher collègue ?
M. Charles Revet. Il se moque du monde !
M. David Assouline. Le sujet est important. En ma qualité d’élu du XXe arrondissement, j’ai été alerté, cette nuit, sur l’attentat perpétré contre les locaux de Charlie Hebdo. Il nous a fallu attendre six heures du matin pour savoir de quoi il retournait, alors même que l’alerte avait été donnée vers deux ou trois heures du matin.
Un tel acte était à craindre, hélas, car les messages d’intimidation formulés à l’encontre de la rédaction de ce journal depuis l’affaire des caricatures de Mahomet s’étaient, ces derniers temps, multipliés.
Deux cocktails Molotov auraient donc été lancés la nuit dernière dans ces locaux, détruisant du matériel. Nous ne devons pas prendre cet acte à la légère !
Les journalistes de Libération ont décidé d’héberger dès aujourd’hui, à partir de treize heures, ceux de Charlie Hebdo, qui pourront ainsi continuer à travailler en toute indépendance, comme ils le souhaitent.
Cette affaire ne doit pas être prise à la légère, car la liberté de la presse est au cœur de tous les combats que nous menons en faveur de la liberté d’expression. Dans notre République, l’une ne peut pas exister si l’autre est menacée !
Or une atteinte est bel et bien portée à la liberté de la presse, de façon insidieuse, lorsque des journalistes sont menacés physiquement, font l’objet d’intimidations, et courent un danger en s’efforçant de mener à leur terme certaines enquêtes.
Charlie Hebdo, journal satyrique, et s’affichant comme tel depuis de nombreuses années, considère que le droit de critiquer et de se moquer de toutes les religions – et non pas d’une seule ! – fait partie de la liberté d’expression.
Sa rédaction agit de la même façon à l’égard de toutes les religions : elle a pris le soin d’indiquer qu’elle n’était hostile à aucune d’entre elles en particulier, ni à aucun groupe de croyants, mais qu’elle se donnait le droit de toutes les moquer et les critiquer.
Ce droit doit être absolument préservé. En effet, si nous nous laissons intimider, toutes les dérives seront alors possibles et la liberté d’expression se trouvera remise en cause.
Au nom de mon groupe, je veux m’associer aux propos qui viennent d’être tenus par Mme Gonthier-Maurin. D’ailleurs, nous tous, ici présents, devons partager la même volonté et manifester une très grande vigilance face à ce problème, car toutes les démocraties, y compris notre République, sont et seront encore sujettes à de telles intimidations.
Nous nous sommes parfois demandés dans le passé si l’on avait le droit de tenir tels ou tels propos, s’il ne s’agissait pas de provocations ; nous avons banalisé ce type de discours. Il est donc utile d’affirmer ici que Charlie Hebdo a le droit de continuer à travailler comme il l’a toujours fait, en faisant preuve d’impertinence, et en usant de sa liberté d’expression et de son droit à la caricature. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
11
Délégués des établissements publics de coopération intercommunale
Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste-EELV, de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (proposition n° 793 [2010-2011], texte de la commission n° 68, rapport n° 67).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous faut regarder la réalité en face.
Mme Muguette Dini. Certes ! (Sourires sur les travées de l’UCR.)
M. Jean-Pierre Sueur. Dans cette assemblée, nous sommes un certain nombre, et même un nombre certain, à avoir rencontré, cet été, des maires, des adjoints aux maires, des conseillers municipaux, que ce soit à cause de la campagne pour les élections sénatoriales ou pour toute autre raison, car notre habitude, et même notre raison d’être, est de nous tenir auprès des élus locaux.
Or, mes chers collègues, la réalité, que vous connaissez tous pour l’avoir vécue et pour avoir entendu les élus locaux de toutes tendances politiques, est que l’application de la réforme territoriale qui a été votée pose de réels problèmes.
M. Alain Gournac. Il est trop tôt pour la critiquer !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour répondre à cette question toute simple, monsieur le ministre, nous vous proposons, dans un premier temps, des solutions toutes simples, pratiques, concrètes.
Premièrement, à l’origine de cette démarche se trouve une proposition de loi que j’ai eu l’honneur de déposer au mois de septembre dernier. En effet, de nombreux élus, au niveau cantonal ou communal, m’avaient rapporté avoir désigné des représentants, souvent deux par commune, pour siéger au sein de la communauté de communes. Or, en raison de l’entrée en vigueur de la loi votée, le nombre de ces représentants était réduit à un seul. Nous devions donc dire à des collègues élus démocratiquement et dont le mandat était en cours que, à partir de telle date, ils n’étaient plus délégués des établissements publics de coopération intercommunale. La tâche était difficile, et elle a paru telle partout.
Nous proposons donc que, en cas d’extension d’une communauté, à laquelle adhéreraient une ou plusieurs autres communes, ou en cas de fusion de plusieurs communautés, on puisse préserver les mandats des délégués en cours jusqu’à la fin du présent mandat municipal.
M. Claude Domeizel. C’est simple !
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà une proposition simple et pratique, et je ne sais pas si quelqu’un ici pourra y être opposé. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Vous allez le savoir !
M. Jean-Jacques Hyest. Attendez la discussion générale !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, nous entendrons vos arguments, mes chers collègues, et nous y serons très attentifs. C’est d’ailleurs ainsi que nous usons toujours les uns vis-à-vis des autres. (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Deuxièmement, puisque j’avais lancé le mouvement, si j’ose dire, en déposant cette proposition de loi, plusieurs de nos collègues ont réfléchi à cette question. En particulier, le rapporteur de ce texte, M. Alain Richard, qui a accompli un travail considérable, a émis une idée intéressante ; à vrai dire, d’autres l’avaient eue avant lui, notamment M. Jacques Pélissard, le président de l’Association des maires de France.
M. Bruno Sido. Il n’est pas sénateur !
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit de légiférer afin de repousser le délai fixé au 31 décembre 2011, qui semble poser, dans nombre d’endroits, bien des difficultés. D’ailleurs, Mme Nathalie Goulet a présenté une proposition de loi allant dans le même sens, de même que Mme Valérie Létard, et M. le Premier ministre a affirmé qu’il était tout à fait favorable au report de la date prévue.
Vous-même, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, vous avez adopté cette position. Or il ne vous aura pas échappé, pas plus qu’à M. le Premier ministre, que cette date étant inscrite dans la loi, le minimum de sécurité juridique exigeait naturellement que le Parlement se prononce pour que le délai soit prolongé. À cette fin, nous proposons un dispositif très simple afin de répondre à l’attente concrète de nombre d’élus locaux.
Aussi, mes chers collègues, en ce qui concerne le premier point de cette proposition de loi, je n’ai pas vu se manifester beaucoup d’oppositions, mais ce sera peut-être le cas ici tout à l’heure. (Murmures sur les travées de l’UMP.) Quant au deuxième point de ce texte, je constate que M. le Premier ministre y est favorable, que M. le ministre chargé des collectivités territoriales convient qu’il s’agit d’un dispositif de bon sens et que nombre de nos collègues, y compris M. le président de l’Association des maires de France, qui est aussi député, ont déposé une proposition de loi visant à revoir ce délai.
M. Jean-Jacques Hyest. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. Je pense tout de même que M. Pélissard est représentatif des maires de France et des intercommunalités… Par conséquent, mes chers collègues, nous devrions souscrire à cette proposition de bon sens, qui est à la fois la sienne, la vôtre et la nôtre.
M. Alain Gournac. C’est une interprétation !
M. Jean-Pierre Sueur. Troisièmement, se pose la question des syndicats intercommunaux.
J’ai été étonné de constater que, pendant trois ou quatre mois, les préfets et les sous-préfets, répondant aux instructions de M. le ministre de l’intérieur, mais aussi, je le suppose, de M. le ministre chargé des collectivités locales, s’étaient employés, du matin au soir, à expliquer qu’il fallait supprimer les syndicats intercommunaux.
Ainsi, MM. les préfets et les sous-préfets recevaient les élus ou leur écrivaient pour leur demander, ou leur suggérer, de supprimer le syndicat scolaire, le syndicat de rivière ou le syndicat de cimetière. Je suis donc allé voir M. le ministre de l’intérieur et plusieurs préfets, et je leur ai demandé s’ils pensaient vraiment, compte tenu de tous les événements qui se produisent dans le monde, en Europe et en France, que l’urgence du moment était de mobiliser tous les préfets et les sous-préfets pour supprimer incontinent tous ces syndicats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. - Démagogie ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Il est bien triste de tenir de tels propos !
M. Jean-Pierre Sueur. Ainsi, trois villages ayant un cimetière en commun sont sommés de supprimer leur syndicat, de toute urgence et en répondant du moindre retard !
En ce qui concerne les syndicats de rivière, de nombreux élus ont créé ces structures pour protéger les berges. Est-il vraiment nécessaire de les fusionner quand les élus ne le souhaitent pas ?
Plus importante encore, mes chers collègues, est la question de l’école. Vous le savez, dans ce pays, les Républicains ont installé une mairie et une école dans chaque village, dans chaque commune. Et le lien entre la commune et l’école est constitutif de l’esprit républicain en France.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exact !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est là un point très important. Quand les maires de deux, trois ou quatre villages qui ont créé un syndicat pour gérer leur école reçoivent une lettre leur demandant, ou leur suggérant, de supprimer cette structure, ils ne comprennent pas, car si la proximité est nécessaire, c’est bien pour l’école.
Nous sommes favorables aux communautés de communes – ô combien ! –, mais à condition qu’elles ne fassent pas tout, car, comme le soulignent nombre d’élus, si l’on commence à retirer la vocation scolaire aux communes, que restera-t-il in fine à ces dernières ? Et si, à l’échelle de la communauté, un bureau avec un directeur gère trente, quarante ou cinquante classes, le lien entre l’école et la commune aura disparu. Il faudra se déplacer jusqu’à ce bureau quand se posera un problème de cantine ou d’horaire, ou quand un employé sera absent, entre autres.
M. Jean-Jacques Hyest. Mais comment fait-on dans les autres pays ?
M. Jean-Pierre Sueur. Nous comprenons donc très bien le souci des élus, notamment dans les petites communes, de maintenir des syndicats scolaires, en particulier pour les questions de fonctionnement, parce que c’est le réel qui l’impose. C’est pourquoi la commission des lois a adopté, à une large majorité, un amendement de Mme Jacqueline Gourault visant à maintenir les syndicats scolaires, ainsi que les syndicats à vocation sociale.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Cette proposition, monsieur le ministre, monsieur Hyest, constitue un premier pas.
Dans quelques jours, le 15 novembre prochain, nous débattrons d’une proposition de loi, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et que nous cosignerons, François Rebsamen, Jacques Mézard et moi-même, visant à supprimer le conseiller territorial. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées de l’UMP.)
C’est un point auquel nous tenons beaucoup, car nous avons toujours considéré que le dispositif prévu susciterait beaucoup de confusion et institutionnaliserait le cumul des mandats. Il s’agit d’un sujet important, mes chers collègues, et nous en débattrons.
De même, vous ne serez pas déçus…
M. Philippe Dallier. C’est sûr ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. … – d’ailleurs, nous ne vous décevons jamais ! – par une autre de nos propositions.
Puisque le président du Sénat, M. Jean-Pierre Bel, a préconisé l’organisation d’états généraux des élus locaux, nous pourrons réfléchir dans ce cadre à une nouvelle étape de la décentralisation, car, manifestement, cet objectif n’a pas été atteint par la réforme territoriale qui a été adoptée.
Il y aura donc trois temps. Le deuxième sera consacré au conseiller territorial ; le troisième portera plus largement sur l’avenir de la décentralisation. Toutefois, dans l’immédiat, pourquoi ne pas choisir, ensemble, d’apporter des réponses précises aux problèmes concrets posés par les élus locaux que nous rencontrons tous les jours ? Qu’est-ce qui s’y opposerait ?
Pour finir, mes chers collègues, une philosophie a guidé la rédaction des différents articles qui vous sont présentés par la commission des lois : rendre du pouvoir aux élus. L’État a un rôle éminent à jouer. Néanmoins, nous considérons que, pour des questions de responsabilité locale, il est juste que ce soient les élus locaux qui adoptent un certain nombre de décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Luc Fichet. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes un certain nombre, dans cette assemblée, à nous souvenir de l’émotion avec laquelle nous avons voté, à l’Assemblée nationale et, pour certains, au Sénat, les lois de 1982, 1983 et 1984. Quelle ferveur, et quel idéal que celui qui devenait peu à peu réalité, avec la mise en œuvre concrète de ces libertés locales auxquelles nous tenions tant.
M. Jean-Jacques Hyest. Des fromages !
M. Jean-Pierre Sueur. À l’époque, le Président de la République, François Mitterrand, avait souligné que l’on avait pris le pouvoir aux collectivités territoriales, et que le projet de son gouvernement était de le leur rendre.
Notre projet, mes chers collègues, est encore et toujours de rendre le pouvoir aux élus locaux, qui représentent les citoyennes et les citoyens de ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient donc de vous présenter brièvement la cohérence de la proposition de loi telle qu’elle est issue des travaux de la commission.
Pour ce faire, il est nécessaire de résumer, le plus sobrement possible, l’état du processus d’achèvement et de rationalisation de l’intercommunalité. Je dois toutefois préciser que, tous autant que nous sommes, y compris M. le ministre, nous ne disposons que d’une information parcellaire. Le directeur général des collectivités locales, que j’ai eu l’honneur de rencontrer il y a quelques jours, ne disposait pas lui-même d’un tableau synthétique des différentes situations – processus en voie d’achèvement ou rencontrant des difficultés – dans les départements concernés. Notre connaissance de la diversité des situations, et elle est grande, demeure donc quelque peu imprécise.
Dans certains cas, tout indique que les élus locaux membres de la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, sont proches d’un accord avec le préfet, ou ne souhaitent modifier ses propositions que de manière consensuelle ; dans d’autres cas, en revanche, des difficultés voire des tensions persistent. Or nous nous préparons à légiférer pour l’ensemble de ces situations, aussi bien celles où les acteurs sont proches d’un accord que celles où les tensions et les divergences les en éloignent.
À cet égard, dans la mesure où le processus de constitution des communautés de communes est engagé depuis maintenant dix-huit ans, et où il a été nettement accéléré, stimulé par la réforme de 1999, les situations dans lesquelles le processus n’est pas achevé sont toutes les plus épineuses et dues à des obstacles objectifs, des désaccords empêchant la convergence. Nous devons garder cette donnée à l’esprit, si nous voulons piloter avec succès l’achèvement de la carte intercommunale.
En résumé, ce qui a conduit la majorité de la commission, dans un cadre souvent consensuel, à modifier le dispositif actuel, c’est l’existence de trois problèmes.
Le premier problème, qui a déjà été évoqué par M. Sueur, tient à la brièveté du délai dans lequel le schéma départemental de coopération intercommunale doit être adopté. En effet, ce délai n’a pas suffi aux différents acteurs pour rapprocher suffisamment leurs points de vue dans tous les départements, loin s’en faut, ce qui ne peut que nuire à la mise en œuvre du schéma, puisqu’il existe alors des risques de « mariage forcé », si vous me permettez cette expression…
Le deuxième problème, qui rejoint l’observation faite à l’instant par M. Sueur, vient de ce que la législation actuelle permet au préfet, même si un accord a été trouvé sur le schéma départemental de coopération intercommunale, SDCI, avant le 31 décembre 2011, de soumettre à l’approbation des communes au cours de l’année 2012 d’autres dispositifs que ceux qui seraient issus du schéma.
Il nous semble que cette possibilité d’une divergence entre, d’une part, le schéma négocié et agréé, et, d’autre part, les propositions de constitution ou de modification de communautés de communes ou d’agglomération, comporte un risque d’ambiguïté et, pour tout dire, ne garantit pas une transparence suffisante.
Je crois avoir compris l’intention du Gouvernement : lorsqu’il souhaiterait, dans certaines situations choisies, dépasser le délai du 31 décembre, il pourrait soit ne pas faire approuver de schéma, ce que la loi permet, soit en faire approuver un tout en indiquant que ce n’est pas celui qu’il appliquera. Cela ne me semble pas une bonne méthode pour qui cherche un consensus dans la transparence.
Le troisième problème concerne les fameux syndicats. En effet, il nous paraît peu rationnel de se prononcer à la même date tout à la fois sur la constitution et le périmètre des communautés de communes et des communautés d’agglomération, dont la base de compétence est prévue par la loi, plus précisément par le code général des collectivités territoriales, et sur la suppression des syndicats. Il nous semble évident qu’il existerait alors un risque de confusion et de perturbation.
La suppression des syndicats doit donc être reportée et ne peut être envisagée avant que la lumière ait été faite sur les compétences assumées par les communautés. Par conséquent, c’est en suivant la procédure de droit commun qu’il faudra procéder à l’ajustement du rôle, des compétences et du périmètre des syndicats.
M. François Rebsamen. Très bien !
M. Bruno Sido. Ce n’est pas faux !
M. Alain Richard, rapporteur. Telles sont les trois raisons qui ont conduit la commission à adopter les solutions que je vais maintenant vous présenter.
La commission a fait un choix de principe, qui ne recueille pas l’assentiment de tous les membres de notre assemblée. Elle a décidé de modifier la répartition des compétences de décision entre le représentant de l’État et la CDCI statuant collégialement. En effet, il nous semble à la fois possible et souhaitable que, en respectant le même délai, le périmètre des nouvelles communautés soit voté par la CDCI à la majorité des deux tiers – il faut conserver cette majorité, car elle constitue une garantie d’impartialité –, le préfet n’intervenant que si une telle majorité ne peut être obtenue au sein de la CDCI.
Le pouvoir de décision reviendrait donc en priorité aux élus. Notre postulat est en effet que ces derniers ont la maturité et la hauteur de vues nécessaires pour réaliser la synthèse des différentes préoccupations, et ainsi réaliser l’achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale aussi efficacement que le pourraient les seuls préfets, lesquels, en tout état de cause, président les CDCI et auront donc une influence certaine sur la conduite des débats.
C’est ce point qui donnera lieu à des discussions dans notre assemblée, car l’opinion inverse, selon laquelle c’est le préfet qui devrait disposer du pouvoir principal et piloter le processus, a également ses partisans. Nous ne pourrons donc sans doute pas parvenir à un consensus sur ce point ; j’ose cependant affirmer que c’est probablement le seul sur lequel nous ne pourrons nous accorder.
En effet, les autres propositions introduites par la commission afin de modifier, souvent à la marge, le texte actuel, constituent des modifications purement pragmatiques, et à la conception desquelles ont participé des sénateurs de tous les groupes politiques de cette assemblée.
Ces modifications traduisent la volonté de réussir l’achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale, et ce dans le délai prévu, c'est-à-dire avant l’été 2013, afin que les nouvelles communautés soient en place lors des élections municipales du printemps 2014. Il s’agit donc non pas d’étirer le processus, mais de l’unifier en remplaçant les deux phases actuellement prévues – l’une préparatoire, approuvée par la CDCI, l’autre définitive, sous la conduite du seul préfet – par une seule phase, pilotée par la CDCI.
Les autres mesures visent à faciliter l’achèvement de la carte intercommunale dans la cohérence. Je ne les citerai que brièvement, puisqu’elles font l’objet de différents amendements.
Tout d'abord, la commission a adopté trois séries d’ajustements relatifs aux exigences de fond encadrant l’achèvement de la carte intercommunale – sans pour autant, je le répète, que cet achèvement soit mis en question.
La première série d’ajustements vise à prendre en compte les différentes situations géographiques.
Le plancher des 5 000 habitants pourra être modulé en fonction des particularités géographiques ; le texte prévoit déjà cette modulation, mais nous souhaitons qu’elle relève de la responsabilité de la CDCI et non de celle du préfet.
En outre, des exceptions géographiques doivent être mentionnées. Il s’agit, d’une part, des îles, qui sont par définition éloignées du continent, et qu’il n’est donc pas forcément opportun d’inclure, pour des raisons purement administratives, dans des communautés, et, d’autre part, de ces communes situées en dehors du territoire départemental et enclavées dans un département voisin. Les îles et les enclaves terrestres font l’objet des deux seules modifications que nous proposons dans ce domaine, et elles ont recueilli un accord unanime.
La deuxième série d’ajustements consiste en quelques mesures relatives à la composition des instances communautaires, afin, là encore, de tenir compte, dans l’esprit décrit à l’instant par M. Sueur, des difficultés de transition engendrées pour une communauté par le passage d’un périmètre à un autre, plus large.
Nous avons repris le principe du maintien des mandats en cours, tout en nous efforçant de l’adapter à toutes les situations institutionnelles, qu’il s’agisse d’une extension de périmètre ou d’une fusion, la question ne se posant évidemment pas dans le cas d’une création.
La commission a adopté deux autres dispositions. La première de ces mesures, qui vise à tenir compte du resserrement des représentations communales, dont on peut penser qu’il deviendra très fréquent, est d’élargir les conditions de la suppléance pour les communes qui n’ont qu’un conseiller communautaire. La seconde consiste à favoriser les accords à l’amiable en matière de représentation des communes : s’il existe un tel accord, réunissant la majorité qualifiée des communes au sein de la nouvelle communauté, le plafond du nombre de sièges total sera non pas celui résultant du tableau législatif, mais ce plafond majoré de 25 %.
Je précise, au passage, que cette modification n’entraîne pas de conséquences financières, puisqu’il s’agit d’élus non rémunérés.
La troisième série d’ajustements a trait aux syndicats de communes et syndicats mixtes, auxquels j’ai déjà fait allusion.
Le texte de la commission prévoit, conformément à des amendements présentés par des sénateurs n’appartenant pas à la majorité, de faciliter la recréation, à la suite d’une fusion de communautés, de syndicats pour gérer les compétences auparavant détenues par une petite communauté mais non reprises par la communauté issue de la fusion.
Le texte prévoit également que seront supprimés uniquement les syndicats dont les compétences sont reprises par une communauté ; cela signifie que la majorité des syndicats que décrivait tout à l'heure M. Sueur, c'est-à-dire les syndicats de regroupement pédagogique, les syndicats ayant en commun un centre communal d’action sociale, ou les syndicats gérant une unité de petite enfance, n’auront pas à être inclus dans le processus de fusion, si leurs compétences ne sont pas reprises par une communauté créée ou fusionnée.
Enfin, une dernière mesure d’adaptation a été adoptée de manière consensuelle : le rappel de la mission de conseil des administrations déconcentrées de l’État quant aux conséquences fiscales et financières des mouvements qui seront entrepris.
En effet, nous savons tous que, à l’heure actuelle, les interrogations relatives à l’équation financière, aux charges de fonctionnement estimées et au dispositif fiscal des nouvelles communautés, constituent l’un des motifs d’hésitation ou d’appréhension de beaucoup de nos collègues élus locaux. Il nous semble donc que les administrations déconcentrées de l’État – les préfectures et les directions des finances publiques – doivent, conformément du reste à leur mission, être astreintes à cette obligation de conseil, en particulier envers les plus petites communautés, qui sont les plus démunies et auront donc du mal à faire appel immédiatement à des sociétés de conseil.
Nous envisageons également de reprendre l’une des dispositions de la proposition de loi de notre collègue Bernard Saugey, celle qui concerne le statut de l’élu communautaire.
Nous avons également opéré, sur la proposition de plusieurs autres collègues, une adaptation du partage des pouvoirs de police en fonction des compétences spécifiques remises aux communautés, à savoir l’assainissement, la gestion des aires d’accueil des gens de voyage ainsi que le ramassage et le traitement des ordures ménagères.
Tel est donc l’ensemble du dispositif conçu pour faciliter l’achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, dans cet ensemble relativement sobre et très proche de la pratique, une seule disposition fait débat, la répartition des pouvoirs entre le préfet et la collégialité de la CDCI sur l’achèvement du processus. Toutes les autres adaptations proposées feront sans doute l’objet d’un large consensus en séance publique, comme cela fut le cas en commission.
Je fais observer que cette proposition de loi, dont nous avons conservé la base pour effectuer ces adaptations, a donné lieu à un travail approfondi de notre commission. Ce texte, s’il demeure certes perfectible, est donc réfléchi, pesé et évalué. Malgré le bref délai qui nous était imparti, nos propositions ont leur cohérence. Je considère que ceux qui voteront cette proposition de loi auront fait œuvre législative utile et auront répondu à une attente très largement partagée sur le terrain par nos collègues élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine aujourd'hui une proposition de loi dont le contenu, il faut bien le reconnaître, n’a plus grand-chose à voir avec celui du texte initial,…
M. Éric Doligé. C’était prévisible !
M. Philippe Richert, ministre. … texte initial pour lequel j’avais plutôt de la sympathie et que nous étions prêts à considérer avec intérêt – y compris certains des amendements déposés. Mais c’était avant que des modifications de fond y soient apportées. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Éric Doligé. C’est un appel au crime !
M. Pierre Hérisson. Eh oui : ça commence bien…
M. Philippe Richert, ministre. Je sais bien, pour avoir siégé sur ces travées, que le droit d’amendement est inhérent à la fonction parlementaire, qu’il s’exerce en commission comme en séance,…
M. Roland Courteau. Quand même !
M. Philippe Richert, ministre. … et ce n’est pas moi qui songerais à le remettre en cause de quelque façon que ce soit.
Mais tout de même, nous devons nous demander quelles sont les raisons qui ont pu conduire à s’écarter à ce point de la sagesse qui caractérisait, monsieur Sueur, le texte initial de la proposition de loi que vous avez déposée.
M. Bernard Piras. Des raisons de bon sens !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est agréable : tout le monde m’encense, maintenant ! (Sourires.)
M. Philippe Richert, ministre. D’un point de vue seulement formel, et puisque cela n’a pas encore été fait, nous pouvons déjà poser la question de la constitutionnalité de la procédure et de l’éventuelle adoption de cette proposition de loi ainsi transformée.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit d’amendement prévu par l’article 45 de la Constitution a précisé le sens de cet article qui dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
M. Jean-Jacques Mirassou. On est bien dans ce cas !
M. Philippe Richert, ministre. Compte tenu de l’objet très précis de l’article unique de la proposition de loi dans sa version initiale, on peut légitimement s’interroger sur la possibilité constitutionnelle d’introduire des dispositions qui, d’une part, remanient complètement l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale et, d’autre part, modifient tout aussi complètement la mise en œuvre, sur le terrain, de la réforme de la carte intercommunale.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Bernard Piras. C’est tiré par les cheveux !
M. Philippe Richert, ministre. Je dois dire que seule une interprétation très large, je dirais même une interprétation très libérale du « lien indirect » permettrait de justifier la recevabilité des apports de la commission des lois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Certes, les onze articles nouveaux issus des travaux de la commission des lois traitent de la réforme de la carte intercommunale,…
M. Roland Courteau. Vous le reconnaissez quand même !
M. Bernard Piras. Cela fait mal ?
M. Philippe Richert, ministre. … mais je rappelle que l’article unique de la proposition de loi initiale visait à préserver les mandats en cours des membres des bureaux des EPCI qui pourraient ne pas aller à leur terme normal en 2014…
M. Roland Courteau. C’est lié !
M. Philippe Richert, ministre. … du fait de la disparition ou, plus fréquemment, de la fusion des EPCI concernés avant cette date.
Cette mesure, que prévoyait la proposition de loi initiale, est intelligente…
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Philippe Richert, ministre. … et j’avais d’ailleurs dit ici-même qu’il me paraissait intéressant de la reprendre.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Philippe Richert, ministre. Elle tend en effet à faciliter la mise en place des nouvelles intercommunalités rationalisées prévues par la loi du 16 décembre 2010.
Elle a été demandée par de nombreux élus, de droite comme de gauche,…
M. Bernard Piras. De gauche, surtout !
M. Claude Bérit-Débat. C’est l’objet du texte !
M. Philippe Richert, ministre. J’ai eu l’occasion à de nombreuses reprises de dire que le Gouvernement était d’accord avec cette proposition. Je l’ai dit, par exemple, en réponse à Mme Jacqueline Gourault,…
Mme Jacqueline Gourault. Du centre !
M. Philippe Richert, ministre. … devant le président Martin Malvy, lors des Assises des petites villes de France à Saint-Flour, le 26 mai dernier. Je l’avais réitéré encore devant le Sénat, en particulier en réponse à des questions d’actualité qui m’avaient été posées sur le sujet.
M. Jean-Jacques Mirassou. Tout ça pour quoi ?
M. Philippe Richert, ministre. Je le redis aujourd’hui devant vous : il faut permettre aux membres des bureaux des EPCI actuellement existants qui seraient amenés à fusionner avant 2014 de conserver leur mandat jusqu’à cette date.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. Il ne faut pas en effet provoquer de rupture artificielle de la gouvernance, et écarter de leurs responsabilités des élus qui n’ont pas de raison d’être forcés à les abandonner.
M. François Patriat. C’est ce qu’a dit Bernard Saugey !
M. Philippe Richert, ministre. Or le texte issu des travaux de la commission des lois ne concerne plus les bureaux des intercommunalités que de façon très marginale. Soyons clairs : il remplace le dispositif de réforme de la carte intercommunale prévu par la loi du 16 décembre 2010 par un autre (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur certaines travées du RDSE.), tout à fait différent.
M. Pierre-Yves Collombat. Bien meilleur !
M. Philippe Richert, ministre. Seules les appellations ne changent pas : on retrouve un projet de schéma départemental de coopération intercommunale, une commission départementale de la coopération intercommunale, des communes et des EPCI, un préfet. Mais la comparaison s’arrête là.
Je suis dans l’obligation de rappeler que les nouveaux articles du texte que nous examinons aujourd’hui correspondent le plus souvent à des amendements qui ont été rejetés en 2010, lors des débats sur le volet intercommunal de la réforme des collectivités territoriales.
Tout se passe comme si la commission des lois voulait refaire à l’envers,…
Mme Nathalie Goulet. À l’endroit !
M. Philippe Richert, ministre. … en quatre heures, le travail accompli par le Parlement l’année dernière pendant près de onze mois. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Bruno Sido. C’est exactement ça !
M. Jean-Luc Fichet. Ce n’était pas du bon travail !
M. Bruno Sido. Si, c’était du bon travail !
M. Philippe Richert, ministre. Je prends quelques exemples parmi les plus significatifs.
Dans cette proposition de loi, je vais le démontrer, ce n’est plus le préfet qui élabore le projet de schéma, c’est la CDCI. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Tel était l’objet d’un amendement examiné et rejeté par le Sénat le 3 février 2010 en première lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, puis à nouveau rejeté en deuxième lecture le 7 juillet 2010. Mesdames, messieurs les sénateurs, je siégeais avec vous, dans cet hémicycle, quand vous en avez débattu et que vous avez adopté le texte final.
M. Roland Courteau. Il n’y avait pas la même majorité !
M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi de rappeler qu’alors il s’agissait non pas de donner le pouvoir au préfet,…
M. Pierre-Yves Collombat. Il ne sert à rien !
M. Philippe Richert, ministre. … base de discussion entre les élus. C’est ce qui a toujours été prévu : il n’a jamais été dans les intentions du Gouvernement non plus que du Parlement de reprendre leurs prérogatives aux élus. (Si ! sur les travées du groupe socialiste-EELV)
M. Pierre-Yves Collombat. Le préfet fait ce qu’il veut !
M. Philippe Richert, ministre. L’objectif était de proposer à ces élus un schéma sur la base duquel ils pourraient ensuite travailler, discuter et décider.
M. Jean-Jacques Mirassou. Alors, les élus n’ont rien compris ?...
M. Bernard Piras. Allez dans les préfectures !
M. Philippe Richert, ministre. Vous savez comme moi que l’une des principales difficultés rencontrées dans l’élaboration des SDCI ces derniers mois réside dans les désaccords qui peuvent exister entre les élus eux-mêmes sur certains projets de fusion ou de regroupement d’EPCI ou de syndicats.
Donner la compétence pour élaborer – je dis bien pour élaborer – le projet de schéma à la CDCI, c’est accroître cette difficulté et, in fine, en l’absence d’accord, cela revient à donner au préfet la compétence pour arrêter le schéma définitif, puisque c’est ce que prévoit le quinzième alinéa de l’article 5 de la proposition de loi. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non, allez !
M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi de le redire ici, en toute sincérité, il est difficilement imaginable que l’on fasse avancer le débat si l’on ne dispose pas d’un document à proposer aux élus et sur lequel ils puissent travailler.
M. Roland Courteau. Vous considérez les élus comme des incapables !
M. Philippe Richert, ministre. Nous savons tous en effet qu’il est parfois difficile – notamment lorsqu’il s’agit d’intégrer des communes fiscalement riches – de trouver un accord entre les élus.
M. Pierre-Yves Collombat. Ils ne sont pas incapables de discuter !
M. Philippe Richert, ministre. Si vous décidez qu’il faut d’abord un accord avant tout projet de schéma, comment voulez-vous qu’une discussion sérieuse soit possible ?
M. Éric Doligé. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. Ne serait-ce que par le biais de cette seule disposition, cette proposition de loi revient tout simplement à repousser aux calendes grecques l’examen des dossiers de la commission départementale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Roland Courteau. Quelle démonstration alambiquée !
M. Alain Richard, rapporteur. Votre analyse est inexacte, monsieur le ministre !
M. Philippe Richert, ministre. Quant à l’article 7 de la proposition de loi réécrite, où il est prévu que le schéma départemental de coopération intercommunale est adopté avant le 1er mars 2013,…
M. Alain Richard, rapporteur. Non, 2012 !
M. Philippe Richert, ministre. … je dis bien « 2013 », soit juste un an avant les élections municipales de 2014.
M. François Patriat. C’est 2012 !
M. Philippe Richert, ministre. Non, relisez le texte.
Monsieur le rapporteur, vous indiquez que le schéma est ensuite mis en œuvre au cours du deuxième semestre 2013. Permettez-moi trois remarques à ce propos.
Tout d’abord, le calendrier exigeant prévu par la loi du 16 décembre 2010 résulte d’un consensus qui a fini par se dégager au sein de l’Association des maires de France, en 2010, pour que la réforme de la carte intercommunale soit terminée suffisamment longtemps avant les élections municipales de 2014.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. Il s’agissait ainsi, conformément au souhait de l’AMF, de disposer d’assez de temps pour mettre en œuvre les schémas départementaux élaborés ainsi que pour statuer, dans le cadre des intercommunalités créées à partir des réorganisations ou des fusions, sur la situation des personnels et agents concernés sans « impacter les élections » de 2014 et afin que tout se déroule dans les meilleures conditions.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. Avec le calendrier que vous proposez, monsieur le rapporteur, nous aurons au contraire beaucoup trop de contraintes de délais pour que les élections de 2014 puissent se dérouler dans de bonnes conditions. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la meilleure !
M. Philippe Richert, ministre. Deuxième remarque à propos des délais, je rappelle que, lors des débats de l’année dernière, certains d’entre vous avaient déposé des amendements qui raccourcissaient encore le calendrier d’élaboration et de mise en œuvre des schémas pour donner plus de temps avant les élections municipales de 2014.
En particulier, le groupe socialiste avait déposé un amendement en deuxième lecture au Sénat qui tendait à avancer de trois mois la date d’expiration du délai prévu pour terminer sur le terrain la rationalisation de la carte intercommunale, en la faisant passer du 1er juin au 1er mars 2013.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !
M. Philippe Richert, ministre. Je me permets de citer à cet égard Yves Daudigny ou Anne-Marie Payet lors de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, donc en juillet 2010.
« Cet amendement tend à avancer la date d’entrée en vigueur de la procédure exceptionnelle d’achèvement de la couverture totale du territoire par des structures intercommunales à fiscalité propre au 1er mars 2013, au lieu du 1er juillet 2013. Ainsi, la carte devrait être achevée avant le 30 juin 2013, et non pas à la fin de 2013.
« Les associations de maires et de présidents de communauté se sont unanimement prononcées en faveur de l’institution d’une date butoir pour la couverture totale du territoire par des EPCI à fiscalité propre et la résorption des enclaves et des discontinuités territoriales. Elles estiment que cette date butoir doit être suffisamment éloignée des prochaines élections municipales afin de ne pas paralyser les débats qui les précéderont.
« Par ailleurs, et afin de permettre aux élus de déterminer la composition des assemblées communautaires avant le 30 juin 2013, il est indispensable d’avancer l’entrée en vigueur de la procédure exceptionnelle pour l’achèvement de la carte intercommunale au 1er mars 2013. À défaut, il serait impossible de déterminer précisément la composition des assemblées en juin 2013. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
« La date du 1er mars 2013 correspond en outre au point de départ de l’application des dispositions relatives à la campagne électorale municipale, notamment à son financement. »
Et maintenant, c’est cette même date que vous nous proposez de retenir !
M. Rémy Pointereau. Que de contradictions !
M. Alain Gournac. Que c’est bizarre…
M. Alain Richard, rapporteur. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre, dans un souci de clarification ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l’autorisation de M. le ministre.
M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit pour moi de lever un risque d’incompréhension : le I de l’article 7 nouveau prévoit que « le schéma départemental de coopération intercommunale mentionné à l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est adopté avant le 31 mars 2013 ».
C’est cette date qui va être soumise à l’approbation du Sénat tout à l’heure, monsieur le ministre ! Nous sommes donc d’accord sur la date.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Laissez-moi expliciter ma pensée, monsieur le rapporteur.
Si le schéma départemental de coopération intercommunale doit être adopté avant mars 2013, c’est-à-dire avant la date butoir du 1er mars 2013, tout ce que je viens d’exposer vaut.
M. Jean-Jacques Hyest. Exactement !
M. Philippe Richert, ministre. En effet, jusqu’à présent, la date était au plus tard le 1er juin 2013.
M. Alain Richard, rapporteur. Non, deux mois plus tôt !
M. Philippe Richert, ministre. Il suffit de se reporter au texte de la commission : vous êtes pour le 1er mars 2013.
M. Alain Richard, rapporteur. Non !
M. Bernard Piras. Vous vous enfoncez !
M. Philippe Richert, ministre. Il s’agit là d’un décalage sur lequel il nous faudra revenir, et nous y reviendrons.
M. Alain Richard, rapporteur. Ce serait fâcheux, monsieur le ministre !
M. Philippe Richert, ministre. Nous verrons, monsieur le rapporteur. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Le calendrier qui est proposé ici est tout simplement irréaliste.
M. David Assouline. Pas du tout !
M. Claude Bérit-Débat. C’est le même !
M. Philippe Richert, ministre. Il rend impossible la mise en œuvre du SDCI avant les élections municipales de 2014. Pour faire passer aujourd’hui un nouveau calendrier d’élaboration des SDCI qui donne l’impression de répondre aux critiques formulées sur le calendrier actuel, on sacrifie en réalité la mise en œuvre effective de la réforme.
M. Bernard Piras. Rien compris !
M. Philippe Richert, ministre. Nous étions tous d’accord pour le support que vous proposiez, monsieur Sueur,...
M. Pierre-Yves Collombat. On avait compris !
M. Philippe Richert, ministre. ... mais vous comprenez bien que nous ne pouvons approuver les dates proposées.
M. David Assouline. Il n’a rien compris !
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi au demeurant de revenir sur ce qui s’est dit à la Convention nationale de l’intercommunalité organisée à Rennes au mois d’octobre dernier par l’ADCF, l’Assemblée des communautés de France. J’y étais.
M. Jean-Pierre Michel. Ici, on est au Parlement, on n’est pas dans une association !
M. Bernard Piras. Vous n’avez rien compris au débat !
M. Jean-Pierre Michel. Ici, c’est le Parlement, monsieur le ministre !
M. Philippe Richert, ministre. … notamment le président de l’ADCF, qui n’est autre que le maire de Rennes, ont souhaité que les schémas départementaux de coopération intercommunale en état d’être adoptés puissent l’être avant le 31 décembre 2010 ... (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)
Mme Nathalie Goulet. Non, 2011 !
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela ne va plus !
M. David Assouline. On ne comprend rien !
M. Philippe Richert, ministre. Vous avez raison, avant le 31 décembre 2011. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Mais je reprends. Oui, il y a quelques semaines, j’étais à Rennes, avec d’autres, et le président de l’ADCF comme la majorité des élus présents, qui, je le répète,…
M. David Assouline. Vous le faites exprès pour gagner du temps !
M. Philippe Richert, ministre. … représentent des intercommunalités, ont demandé que nous puissions respecter chaque fois que ce serait possible la date du 31 décembre 2011.
Il s’agit tout simplement de respecter le travail qui a été accompli par les élus. C’est seulement ainsi que nous pourrons mettre en œuvre les SDCI dans les délais impartis.
M. Bernard Piras. Quelles sont les dates ?
M. David Assouline. Oui, à quelles dates ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Richert, ministre. Personne ne comprendrait aujourd'hui que nous remettions en cause l’ensemble du travail accompli par les élus.
C’est pourquoi, aujourd'hui, les élus demandent que ce travail soit respecté et serve tout simplement de base à ce qui sera, demain, le protocole d’accord, comme manifestation du plus grand consensus réalisé entre tous ceux qui auront travaillé sur ces schémas.
M. David Assouline. Il faut un traducteur ! C’est laborieux !
M. Philippe Richert, ministre. Je rappelle, mais vous le savez déjà, que la mise en place des commissions départementales de la coopération intercommunale a eu lieu au début de cette année dans des conditions sereines.
M. François Rebsamen. Non !
M. Philippe Richert, ministre. Je sais bien que quelques-uns déjà nous avaient annoncé que cela poserait problème.
Mme Nathalie Goulet. Ils ne sont plus là !
M. Philippe Richert, ministre. Ce ne fut pas le cas, et l’opération s’est déroulée dans une réelle sérénité.
Dans soixante-dix départements, une seule liste a été présentée, sous le patronage de l’association départementale des maires, car elle était représentative de l’ensemble des élus communaux et intercommunaux du département.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout va très bien !
M. Philippe Richert, ministre. Il faut en féliciter les élus, les associations départementales et l’Association des maires de France dans son ensemble.
Les projets de SDCI ont ensuite été présentés aux CDCI par les préfets. Dans plusieurs départements, les observations émises en CDCI ont conduit à des modifications du projet de schéma initial, car le Gouvernement avait déjà demandé aux préfets de tenir le plus grand compte de l’avis des élus, avant d’envoyer en consultation les projets de schéma.
Mme Nathalie Goulet. Changement total !
M. Philippe Richert, ministre. Les communes, les EPCI et les syndicats ont ensuite disposé de trois mois pour émettre un avis sur les projets de schéma. C’est maintenant au tour des CDCI de se prononcer. Ce sont les CDCI qui in fine décideront de ce que ce sera le schéma dans chaque département.
Dans certains territoires, je tiens à le dire, l’exercice n’est pas facile. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un euphémisme !
M. David Assouline. C’est la modernisation de l’État ! C’est le rationalisme !
M. Philippe Richert, ministre. Différentes raisons expliquent ce constat.
Il y a d’abord les délais, relativement courts.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Philippe Richert, ministre. Il y a ensuite la réforme de la taxe professionnelle et la mise en place des nouvelles ressources fiscales,...
M. Jacques Mézard. Ah ?
M. Philippe Richert, ministre. ... qui nous privent du recul nécessaire pour apprécier certains impacts financiers et budgétaires des évolutions proposées.
Vous le voyez, je sais reconnaître les réalités. Faites en de même, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il y a aussi la méthode, qui a parfois conduit certains à imaginer que les préfets cherchaient à imposer coûte que coûte les projets qu’ils avaient élaborés. (Mêmes mouvements.)
Il y a enfin le calendrier électoral chargé de cette année 2011, qui n’a pas porté à la sérénité, surtout lorsque certains n’ont pas hésité à faire campagne en utilisant les incertitudes ou les inquiétudes existantes et en dénigrant la réforme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Ils l’ont fait avec justesse !
M. Bernard Piras. Nous n’avons pas eu besoin de faire campagne, vous l’avez faite pour nous !
M. Philippe Richert, ministre. De nombreux parlementaires, et je les en remercie, n’ont toutefois pas hésité à me faire remonter les points de crispation ou de blocage existants. À chaque fois, nous avons répondu par l’ouverture et l’incitation au dialogue. Nous avons répété aux préfets qu’il fallait pousser aussi loin que possible les échanges et la concertation, dans un esprit constructif.
Pour autant, il n’est pas honnête d’imputer à une prétendue surdité des préfets tous les désaccords qui persistent entre les élus, par exemple lorsqu’il s’agit de prévoir le rattachement d’une commune isolée riche à une communauté de communes ou à une autre. Il est tout aussi peu honnête de reprocher publiquement au préfet un projet trop ambitieux après l’avoir incité en petit comité à se montrer volontaire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) C’est pourtant ce qui s’est passé.
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui paraissent avoir oublié leurs prises de position d’hier.
M. Jean-Luc Fichet. Ce n’est pas bien !
M. Philippe Richert, ministre. Aujourd’hui, cette réforme est pour les uns l’une des causes, pour ne pas dire la cause...
M. Jean-Jacques Mirassou. De votre échec !
M. Philippe Richert, ministre. ... du changement de majorité au Sénat. Pour d’autres, compte tenu des échéances à venir, il faudrait absolument tout arrêter et tout remettre à plat. Pourtant, vous comme moi, vous savez que cette réforme répond à un besoin impérieux.
M. Jean-Jacques Mirassou. Paroles !
M. Philippe Richert, ministre. Comme l’a rappelé le Premier ministre, François Fillon, le 7 octobre dernier en Indre-et-Loire : la révision de la carte intercommunale est une nécessité pour notre pays afin que « nos communes et nos intercommunalités soient véritablement en capacité d’exercer les nombreuses compétences qu’elles détiennent ». Ces propos ne sont pas sans rappeler ceux que vous teniez devant le Sénat le 3 février 2010, monsieur Sueur, et que vous me permettrez de citer. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Quel honneur ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Éric Doligé. Avec de grands guillemets !
M. Philippe Richert, ministre. « Notre position est très claire, mes chers collègues. Nous avons indiqué à de nombreuses reprises que nous étions attachés à la liberté des communes et nous ne retirons rien sur ce point. En outre, nous pensons qu’il faut achever la carte de l’intercommunalité,… »
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. « ... contrairement à ceux qui ne souhaitent pas que le préfet prenne une décision in fine. Mais nous voulons que cette décision soit prise dans le respect du schéma établi par la CDCI. »
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! Tout cela est très bien dit ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. C’est ce que l’on propose !
M. Philippe Richert, ministre. « Selon nous, il faut mener la démarche de l’intercommunalité à son terme et, aujourd’hui, il apparaît raisonnable que les 36 700 communes de France soient rattachées à une intercommunalité. »
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. « Il n’est donc pas choquant que les préfets assument leur mission pour les dix, vingt ou trente communes – d’après moi, il n’y en aura guère plus – qui, sur l’ensemble du territoire, se montreront totalement récalcitrantes. »
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! In fine !
M. Philippe Richert, ministre. « Dans ce cas, c’est évident, la décision prise par le représentant de l’État sera, par définition, une décision "autoritaire". » (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est ce que l’on dit toujours !
M. Jean-Patrick Courtois. Que de contradictions !
M. Philippe Richert, ministre. « Néanmoins, elle sera parfaitement fondée si elle respecte le schéma départemental de coopération intercommunale. »
Je le répète, c’est aussi ce que j’ai entendu à Rennes lors de la Convention de l’Association des communautés de France. Son président, Daniel Delaveau, a alors rappelé la nécessité, pour l’efficacité de l’institution communale, d’achever la carte de l’intercommunalité en France en permettant à la réforme engagée en 2010 d’aller à son terme dans des délais raisonnables, et ce, bien sûr, avant les élections de 2014.
Ce n’est pas ce qui est proposé aujourd’hui. Faut-il croire que ce qui est vrai à Rennes ne l’est plus quinze jours plus tard à Orléans ou à Paris ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez en conséquence de remettre en perspective la réforme intercommunale.
Cela a été souligné tout à l’heure, l’intercommunalité ne date pas de la loi de 2010.
M. Jean-Pierre Michel. Il va parler combien de temps ?
Mme Bernadette Bourzai. Oui, combien de temps ?
M. Alain Richard, rapporteur. C’est jouer la montre !
M. Jean-Pierre Michel. Il parle pour ne rien dire !
M. Philippe Richert, ministre. La réforme actuelle s’inscrit dans la continuité d’un mouvement lent et progressif de décentralisation engagé depuis plus de quarante ans par les différents gouvernements, de gauche comme de droite, qui a permis d’inscrire en 2003 dans la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. [...] Son organisation est décentralisée. » (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Michel. On a compris la manœuvre ! C’est affligeant !
M. Jean-Jacques Mirassou. Blablabla !
M. Philippe Richert, ministre. La coopération intercommunale est un fait ancien qui n’a cessé de se développer.
Il est bon de rappeler quelques dates de ce mouvement.
La loi du 31 décembre 1966 crée les communautés urbaines. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il faudrait remonter au Déluge !
M. Philippe Richert, ministre. La loi du 13 juillet 1983 crée les communautés et syndicats d’agglomération nouvelle, pour regrouper les communes autour des villes nouvelles.
M. Jean-Pierre Sueur. On parlait sans doute déjà de l’intercommunalité dans la Haute Antiquité ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Richert, ministre. La loi d’orientation de 1992 relative à l’administration territoriale de la République, dite « loi Joxe », crée les communautés de communes.
Il faudrait encore citer dans la loi d’orientation de 1995, la loi du 12 juillet 1999, dite « loi Chevènement », et celle de 2002.
M. Roland Courteau. À quoi jouez-vous ? À faire passer le temps ?
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la décentralisation tout comme l’intercommunalité ne sont ni de gauche ni de droite. Elles sont devenues aujourd’hui le patrimoine commun de notre pays. (Marques d’impatience continues sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Elles ont contribué à la vitalité démocratique de notre République, renforcé les libertés locales, libéré les énergies et développé une nouvelle forme de gestion publique, plus proche des citoyens.
Personne, ni à droite ni à gauche, n’envisage aujourd’hui sérieusement de revenir sur cette avancée.
Pour autant, notre organisation territoriale comporte encore quelques faiblesses, soulignées par de nombreux travaux et rapports, qui demandent des adaptations.
Nous dressons le même portrait d’une décentralisation vivante et utile, mais pénalisée par une trop grande complexité, qui ne facilite pas l’accès des citoyens à la démocratie locale, qui décourage les bonnes volontés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme et son contenu ont fait l’objet pendant plus de dix-huit mois d’intenses débats, de quantités d’amendements, de nombreuses modifications tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Cher Jean-Jacques Hyest, vous avez observé avec raison que l’intercommunalité avait fait l’objet de 126 heures de débats parlementaires en 2010. Est-ce bien raisonnable, moins d’un an après, de remettre en cause ce dispositif abondamment discuté et amendé en tentant de le remplacer par un autre en seulement quatre heures ? (Oui ! sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La méthode que nous préférons n’est pas celle d’un bouleversement à la va-vite de ce travail parlementaire patient et, je dois le dire, de qualité. Nous avons choisi de progresser dans la concertation et le consensus.
C’est pour à la fois rassurer et apaiser que M. le Premier ministre, François Fillon, a été conduit, vous vous en souvenez, à redéfinir et à préciser le cadre dans lequel devait s’inscrire l’élaboration des schémas départementaux dans les semaines qui viennent : il s’agit de donner davantage de temps à une concertation approfondie, partout où cela s’avère nécessaire, pour parvenir, dans un esprit de coproduction entre les élus et les préfets, à un consensus le plus large possible sur la révision de la carte intercommunale.
C’est très exactement ce que M. le Premier ministre a écrit au président de l’AMF, Jacques Pélissard, la semaine dernière.
Mme Catherine Tasca. Cela ne remplace pas la loi !
M. Philippe Richert, ministre. Des instructions en ce sens ont été données aux préfets de façon très claire.
Tout d’abord, la loi du 16 décembre 2010 a fixé au 31 décembre 2011 la date limite de décision pour arrêter le schéma, mais elle a également prévu l’hypothèse où il n’y aurait pas de SDCI arrêté au 1er janvier 2012. En conséquence, si le contexte ne permet pas d’arrêter le schéma avant la fin de cette année, il est possible de déroger à cette date et de prendre plus de temps.
M. Alain Richard, rapporteur. Et c’est l’obscurité !
M. Claude Bérit-Débat. « Il est possible de déroger »….
M. Philippe Richert, ministre. En revanche, lorsqu’il est possible d’arrêter le schéma, il faut le faire, tout en sachant que, dans la phase de mise en œuvre, il sera toujours permis de s’en écarter pour « coller » aux réalités du terrain ou prendre en compte des évolutions qui n’auraient pas été anticipées. La situation n’est donc pas figée.
M. Alain Richard, rapporteur. Encore l’obscurité !
M. Philippe Richert, ministre. J’observe que l’article 5 du texte élaboré par la commission supprime toute possibilité d’adaptation en abrogeant les articles 60 et 61 de la loi du 16 décembre 2010 relatifs à la mise en œuvre de la rationalisation de la carte intercommunale, avec ou sans schéma.
Ce que vous proposez aujourd’hui, monsieur le rapporteur, n’est qu’un dispositif rigide et sans possibilité d’adaptation pour les élus comme pour le préfet, ni plus ni moins ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Au contraire, pour le Gouvernement, la date du 31 décembre 2011 n’est pas un couperet ! Mais prendre le temps nécessaire ne veut pas dire tout arrêter ou tout freiner.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi, par ailleurs, d’insister sur un point qui me paraît fondamental : le schéma départemental de coopération intercommunale est le résultat d’une coproduction entre le préfet et les élus. Un consensus doit ainsi apparaître sur la mise en place d’une organisation territoriale plus efficace et mieux comprise par nos concitoyens.
Pour aboutir à un schéma départemental réaliste, il ne faut donc pas hésiter à revenir sur les projets qui bloquent ou sur les propositions trop ambitieuses. La révision de la carte intercommunale ne doit pas être une course au gigantisme, je l’ai indiqué clairement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Personne ne dit le contraire !
M. Philippe Richert, ministre. J’ai identifié quelques priorités. (Marques d’impatience renouvelées sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Catherine Tasca. C’est trop long !
M. Philippe Richert, ministre. La première de ces priorités est impérative : il s’agit d’intégrer les communes isolées dans un EPCI à fiscalité propre et de mettre un terme aux discontinuités et aux enclaves territoriales.
La deuxième est un objectif : le seuil des 5 000 habitants pour les communautés de communes doit être interprété avec souplesse, je l’ai déjà rappelé.
La troisième est qualitative : il faut rechercher l’accord des élus sur la simplification de la carte des EPCI et des syndicats, pour la faire correspondre aux bassins de vie et favoriser une plus grande efficacité des services publics de proximité à moindre coût.
Je m’arrête un instant…
M. Alain Richard, rapporteur. Prenez tout votre temps, monsieur le ministre !
M. Philippe Richert, ministre. … sur un problème que l’on rencontre fréquemment dans l’élaboration des schémas. Il fait l’objet de l’article 10 du texte élaboré par la commission.
Il est ici question de l’avenir des syndicats, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous n’avons jamais indiqué qu’il fallait en supprimer 10 %, 20 % ou 30 %, juste pour « faire du rendement » ! Nous souhaitons seulement être attentifs aux besoins des syndicats, qui doivent continuer à exister, notamment dans le domaine scolaire, comme vous l’avez rappelé, monsieur Sueur. Les services de distribution de l’eau sont également concernés.
Pour autant, faut-il partir de l’idée, comme vous le faites, que garder indéfiniment une école dans chaque village est la solution d’avenir pour les communes ?
Pour ma part, je pense que le regroupement pédagogique intercommunal, le RPI, permettant de scolariser sur une seule commune l’ensemble des élèves des communes membres, n’est pas une solution rétrograde.
M. Bruno Sido. Au contraire !
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur Sueur, en affirmant qu’il n’est pas acceptable que certaines communes ferment des écoles, vous n’êtes pas en phase avec les besoins et les attentes de beaucoup d’élus et de parents d’élèves qui partagent notre opinion.
Seule compte la qualité du service rendu, notamment en matière d’éducation ! Telle doit être, pour nous, la priorité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UCR.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en termine. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Je tiens à répéter que, partout où il est impossible d’arrêter le schéma au 31 décembre 2011, le délai peut être prorogé.
S’il faut donc discuter de la situation des collectivités dans les départements où l’on ne pourrait pas arriver à un accord, soit ! Mais ne partons pas de l’idée que tous les départements prêts à adopter leur schéma au 31 décembre 2011 – c’est la majorité ! – seront obligés d’attendre les nouvelles échéances que vous proposez. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Bruno Sido. Bien sûr, c’est le bon sens !
M. Philippe Richert, ministre. Bien entendu, j’ai rencontré des élus qui pestaient contre la date prévue initialement, celle du 31 décembre 2011. Écoutons-les, mais écoutons aussi la majorité des élus, même si on les entend moins que ceux à qui la réforme pose des problèmes, et c’est bien normal.
Mais pourquoi voudriez-vous obliger les départements déjà prêts à adopter le schéma à attendre plus longtemps ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Absolument !
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai créé, auprès de mon ministère, une cellule…
M. Pierre-Yves Collombat. Psychologique ?
M. Philippe Richert, ministre. … destinée à prendre en compte les demandes, les exigences, les exaspérations remontant des territoires, afin qu’elles soient traitées au cas par cas, quelle que soit la couleur politique des élus qui en sont à l’origine.
Mme Catherine Tasca. Ce n’est pas la loi !
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la modernisation de l’outil intercommunal doit dépasser le clivage droite-gauche. Nous devons être capables d’aller au-delà et de nous écouter les uns les autres. C’est ce que je vous propose de faire.
Enfin, permettez-moi également d’aborder quelques questions qui me paraissent d’importance. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste-EELV. –Exclamations sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Certains avancent que cette réforme de l’intercommunalité s’intéresserait trop aux périmètres et pas assez aux compétences.
Lorsque j’ai participé, à l’invitation des présidents Delaveau et Collomb, aux journées des présidents d’agglomération, à Paris, le 24 mai dernier, l’Assemblée des communautés de France, l’ADCF, a présenté une étude fort bien faite sur les projets de SDCI. Elle rejoint l’analyse que mon ministère a pu mener à partir des projets présentés par les préfets : aucun n’a négligé la problématique de la reprise des compétences par un nouvel EPCI né d’une fusion.
Nous aurons le temps, d’ici au 1er juin 2013, d’organiser la question des compétences. Nous avons un an et demi devant nous pour prendre cet important dossier à bras-le-corps, mais ne faisons pas de la date initialement prévue un obstacle infranchissable, ce qui reviendrait à empêcher ceux qui le souhaitent d’avancer.
Pour conclure, je reviens en un mot sur l’importance de la réforme de l’intercommunalité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Certains diront que ce n’est ni l’alpha ni l’oméga de la réforme institutionnelle en France, et ils auront sans doute raison. Mais il n’est pas raisonnable de vouloir systématiquement dénigrer des propositions, discutées ici même, je m’en souviens, qui ont pour l’essentiel repris des positions émanant d’élus de droite comme de gauche, notamment de l’AMF.
Je me rappelle qu’un grand élu de gauche déclarait à cette même tribune que la droite comme la gauche étaient au fond d’accord sur la réforme de l’intercommunalité. Il nous proposait alors d’abandonner la création du conseiller territorial pour continuer d’avancer ensemble sur le sujet.
M. Alain Richard, rapporteur. C’est ce que nous ferions si vous nous laissiez le temps de parler !
M. Philippe Richert, ministre. À l’époque, le Gouvernement a considéré qu’il était important d’avancer sur la question du conseiller territorial. Si j’ai bien compris, nous y reviendrons dans les semaines qui viennent. S’agissant de la réforme de l’intercommunalité, nous étions, en revanche, tous d’accord sur la plupart des sujets.
Pourquoi donner aujourd’hui le sentiment de vouloir tout remettre en cause ? Mettons-nous d’accord pour garder l’essentiel !
M. Gérard Collomb, maire de Lyon, nous a remerciés d’avoir écouté les grands élus pour créer les pôles métropolitains. Aujourd’hui, on nous reproche d’avoir dénaturé le texte et d’être allés trop loin ! C’est tout le contraire !
M. Charles Revet. Il faut les développer !
M. Philippe Richert, ministre. Bien sûr ! À cet égard, je me réjouis que le sillon lorrain voie certainement aboutir un projet de pôle métropolitain et que, cette fois autour de Nice, une métropole soit créée au 1er janvier 2012.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis prêt à discuter, mais revenons-en à ce qui était la proposition de loi initiale, aux amendements que nous avions les uns et les autres retenus, plutôt que de nous mettre dans la situation du « tout ou rien ». À défaut, le Gouvernement ne pourra pas donner son accord, qui serait un blanc-seing aux propositions que vous formulez, car vous ne tenez pas compte de ceux qui, à force de travail, ont réussi à trouver un accord sur un schéma départemental. Vous ne pouvez pas les renvoyer à leurs chères études.
M. Jean-Luc Fichet. Mais non, ce n’est pas ce que nous souhaitons !
Mme Françoise Cartron. Ce n’est pas cela du tout !
M. Philippe Richert, ministre. C’est pourquoi, à l’inverse de la commission des lois, je vous propose de ne pas dénaturer le texte initial et d’en rester aux amendements qui permettent d’ajuster le dispositif, sans remettre en cause l’ensemble de la réforme telle qu’elle a été votée il y a à peine un an. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on le sait depuis fort longtemps, la réforme inquiète et le changement mécontente. Ainsi est la nature humaine !
Il est tellement plus facile de ne rien changer ou de seulement faire semblant de changer, plutôt que d’engager des réformes indispensables. Nous devons avoir cela à l’esprit à tout moment et faire preuve de courage face à certaines exigences, surtout dans la période actuelle.
Aussi, moins d’un an après l’adoption de la réforme des collectivités territoriales, qui nous a fortement mobilisés, et sur toutes les travées,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Oh que oui !
M. Jean-Jacques Hyest. … je trouve le débat d’aujourd’hui un peu surréaliste.
Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Mirassou. Non, hyperréaliste !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Mirassou, respectez les autres orateurs. Je vous ai toujours écouté, sans bouger, même lorsque je devais entendre les pires billevesées. (Sourires.)
Nous n’allons pas refaire tout le débat, mais sachez que cette réforme des collectivités territoriales était nécessaire et même indispensable.
M. le ministre l’a dit, nous avons connu un continuum de réformes, qui, je peux en témoigner, sont venues s’ajouter les unes aux autres pour tenter d’améliorer notre organisation territoriale et notre paysage institutionnel.
Si la dernière réforme a fait l’objet de nombreuses critiques, personne ne peut soutenir qu’elle n’était pas fondée. D’ailleurs, sur la question de l’intercommunalité, M. le ministre a évoqué les positions de l’AMF, de l’ADCF, mais on pourrait y ajouter – je le rappelle sous votre contrôle, monsieur Krattinger – tout ce qui avait été dit sur la nécessité d’engager une telle réforme dans le rapport que vous avez rédigé au nom de mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, présidée par Claude Belot.
M. Claude Bérit-Débat. Nous ne disons pas le contraire !
M. Jean-Jacques Hyest. Je considère qu’il s’agit d’une première étape qui permettra la mise en place d’une nouvelle organisation institutionnelle, lors des prochaines élections locales, c’est-à-dire en 2014. Mais nous aurons l’occasion de parler du conseiller territorial dans quelques semaines.
La rationalisation de l’intercommunalité, dans le sens où nos communes et nos intercommunalités doivent désormais être véritablement en capacité d’exercer les nombreuses compétences qu’elles détiennent, paraît indispensable.
Tout le monde en conviendra, certaines communes n’ont toujours pas « joué le jeu » et ne veulent participer à aucune intercommunalité.
Doit-on leur donner raison ? (Non ! sur plusieurs travées.)
Évidemment, non ! Il faudra bien les intégrer d’une manière ou d’une autre.
M. Claude Bérit-Débat. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Alors, certes, la méthode, le calendrier ont été critiqués, mais que proposiez-vous à l’époque ?
Ayant assisté à tous les débats…
M. Claude Bérit-Débat. Nous aussi !
M. Jean-Jacques Hyest. … j’ai bien compris les raisons de vos divergences, qui sont réelles.
M. Alain Richard, rapporteur. Il n’y a pas de divergences !
M. Jean-Jacques Hyest. Comme le dit M. le ministre, si nous avons jusqu’au 30 juin 2013 pour affiner le dispositif, s’agissant notamment des compétences, le schéma, lui, est censé être « bouclé » à la fin de 2011, avec possibilité d’une prolongation éventuelle là où se présenteraient des difficultés.
Pour autant, entre le moment où le schéma est établi et celui où tous les problèmes sont considérés comme réglés, il faut bien dix-huit mois de discussions.
Autrement dit, dès lors que la date d’approbation du schéma est repoussée à juin 2013, ou même à mars 2013, rien ne sera fait avant les élections municipales et la mise en application du schéma sera reportée au-delà.
M. Alain Richard, rapporteur. Non !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais si !
M. Alain Richard, rapporteur. Nous allons en débattre tranquillement, monsieur Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Lors de la présentation de ce texte devant notre assemblée, l’opposition de l’époque proposa donc la conclusion immédiate des débats. Chers collègues, vous nous avez tout fait : d’innombrables motions, des prises de parole sur la plupart des articles. Techniquement, cela s’appelle de l’obstruction.
Certes, sur l’intercommunalité, la résistance fut moindre, parce que le débat intéressait tout le monde. Et il s’en est trouvé pour défendre ici la situation qui était la leur au sein de leur assemblée territoriale…
Se sont ainsi succédé à la tribune les défenseurs des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération… La discussion a permis de mettre en évidence l’importance que chacun attachait au nombre de délégués, aussi.
M. Alain Gournac. Ah oui ! Et au nombre de vice-présidents !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y eut aussi les défenseurs de la Seine-et-Marne…
M. Jean-Jacques Hyest. Pour ma part, monsieur Sueur, je me suis efforcé de défendre l’intérêt général.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Alain Richard, rapporteur. Quelques autres aussi !
M. Jean-Jacques Hyest. Peut-être, mais certains ont tellement défendu leurs intérêts particuliers que cela en devenait gênant !
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Bruno Sido. C’est clair !
M. Jean-Jacques Hyest. Une telle attitude fut du reste observée sur diverses travées.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument, vous avez raison !
M. Claude Bérit-Débat. C’est bien de le préciser.
M. Jean-Jacques Hyest. L’immobilisme et l’absence de perspectives sont peut-être électoralement payants, comme on l’a vu, car cela a fonctionné ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Mais ils ne correspondent pas à la nécessité de moderniser nos institutions locales.
Chers collègues de la majorité, j’entends vos travées bruire de la rumeur naissante, cet après-midi, sur le fait que nous allons, nous aussi, présenter une motion.
Il est vrai, monsieur le ministre, que nous aurions pu déposer une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ; l’idée que vous nous avez donnée est excellente. C’est dommage, mais, faute d’y avoir pensé, nous nous contenterons de demander le renvoi à la commission.
Monsieur le rapporteur, le temps imparti fut bien court, même si vous et les fonctionnaires de la commission des lois, comme à leur habitude, ont beaucoup travaillé. Avouez tout de même que tout refaire en une semaine était franchement osé. Nous avions eu des débats approfondis.
M. Jean-Patrick Courtois. Quatre-vingt-quinze heures de débat !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous les avez sûrement relus ; personnellement, je n’en ai pas ressenti le besoin puisque je les avais vécus, ce qui est encore mieux !
M. Claude Bérit-Débat. Vous n’êtes pas le seul !
M. Jean-Jacques Hyest. Sur l’intercommunalité, nous avions tout de même, me semble-t-il, abouti à un relatif consensus. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Il n’empêche, certains entendent profiter de la discussion de cette proposition de loi pour glisser de nouveau leurs amendements. Nous allons encore entendre des propos du genre : « Moi, je ne veux pas d’untel dans mon intercommunalité ! », « Moi, je veux plus de vice-présidents ! »…
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. … ou d’autres choses encore !
M. Claude Bérit-Débat. Il faut prendre un peu de hauteur, monsieur Hyest ! Revenons-en à l’intérêt général !
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis bien d’accord avec vous, mais les amendements qui ont été déposés, ce ne sont pas les miens ! Je n’ai jamais agi de la sorte.
Mes chers collègues, je vous rends tous attentifs aux risques de dérapages dans ce domaine. Il n’y a qu’à lire l’édition d’un journal satirique parue ce matin pour s’en convaincre.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas Charlie Hebdo !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais je sais que tel n’est absolument pas l’état d’esprit de M. le rapporteur.
Pour en revenir à la méthode, vous voulez, de votre côté, démolir tout ce que nous avons fait. Du nôtre, nous nous opposons à la révision systématique des textes adoptés au cours de la dernière législature.
M. Roland Courteau. C’est ce que nous avions compris…
M. Jean-Jacques Hyest. Reconnaissez-le, notre attitude est logique.
M. Bruno Sido. La législature n’est pas encore terminée, monsieur Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest. Heureusement, il ne reste plus beaucoup de « niches parlementaires » d’ici à la fin.
Revenons au débat qui nous préoccupe, celui de l’intercommunalité.
M. Claude Bérit-Débat. Atterrissons ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le rapporteur, vous préconisez, selon vos propres termes, de refondre « le dispositif d’achèvement et de rationalisation de la carte de l’intercommunalité pour en assurer le succès et faciliter la gouvernance des nouveaux groupements. »
Loin d’une refonte, vous proposez bel et bien une destruction des procédures que le Parlement avait élaborées grâce à un consensus fort. Demandez plutôt – M. le ministre y a déjà fait référence – à notre collègue Gérard Collomb, qui s’était fortement impliqué dans cette grande réforme, comment les décisions ont été prises, et dans quelles perspectives !
On semble oublier aujourd’hui les prises de position d’hier. Peut-être est-ce la faiblesse des nouveaux sénateurs de vouloir faire table rase des travaux de leurs prédécesseurs ? Je n’en crois rien !
Nous sommes favorables aux propositions du Gouvernement pour adapter, en respectant la loi, les délais aux contraintes locales. Mais nous ne pouvons accepter l’anéantissement, la suppression de mécanismes élaborés dans la concertation. Or tel est, au fond, votre objectif, chers collègues.
Que nous propose le Gouvernement ? Je reprendrai ici les propos tenus par le Premier ministre, François Fillon, à Richelieu : « Je sais que cette rationalisation de l’intercommunalité a créé de l’inquiétude chez de nombreux élus, notamment dans les départements ruraux. J’ai donc décidé de donner, partout où cela s’avère nécessaire, davantage de temps à la concertation. Les préfets viennent de recevoir des instructions. Le ministère en charge des collectivités locales va réaliser un état des lieux dans chaque département et, au cas par cas, la procédure ne sera menée à son terme que lorsqu’une large majorité des élus concernés se dégagera en faveur du projet. »
Voilà une disposition qui peut être inscrite dans la loi.
M. Claude Bérit-Débat. Qui décide ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je souhaite que ce soit le cas, mais ce n’est pas ce que vous proposez.
M. Alain Richard, rapporteur. On s’en rapproche !
M. Jean-Jacques Hyest. Mes chers collègues, il est important de le souligner, dans les départements où il a été constaté qu’une large majorité ne se dégage pas pour élaborer une nouvelle carte de l’intercommunalité, le temps nécessaire sera pris pour revoir les schémas de coopération intercommunale.
En clair, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le délai du 31 décembre 2011 sera respecté dans les départements où cela est possible. Dans les autres, le maximum sera fait pour arriver à l’élaboration d’un schéma accepté par les élus.
Mme Marie-France Beaufils. Sous la responsabilité des préfets…
M. Roland Courteau. Tout cela n’est pas très convaincant !
M. Jean-Jacques Hyest. Contrairement à ce que nous avons pu entendre, il ne sera pas recouru aux pouvoirs exceptionnels des préfets sans l’accord préalable du Gouvernement. Cet élément est, à mon sens, très important.
Je vous le dis, mes chers collègues, j’en ai assez que l’on mette toujours en cause les préfets. Ne l’oublions pas, ce sont les préfets de la République !
M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. Et ils ne font qu’appliquer la loi.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce ne sont pas eux qui sont en cause : ils sont les représentants de l’État et, à ce titre, appliquent les décisions du ministre, à l’égard duquel ils sont d’une grande loyauté !
M. Éric Doligé. Monsieur le président, sommes-nous autorisés à nous associer à ce dialogue ?
M. Jean-Jacques Hyest. Dans le cadre du projet d’ensemble que vous présentez pour la CDCI, le préfet se voit chargé de préparer et de proposer un schéma de coopération intercommunale. Croyez-vous vraiment qu’une assemblée d’une quarantaine de personnes ait souvent réussi à faire des propositions communes en la matière ? Soit cette commission sera dominée par un leader, soit elle sera influencée par quelques féodaux, car cela existe dans nos provinces et nos départements.
Mme Nathalie Goulet. Certes !
M. Jean-Jacques Hyest. Ainsi remaniée, la CDCI sera-t-elle plus à même d’agir que le préfet seul ? Franchement, j’en doute beaucoup !
C’est la raison pour laquelle je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur. Là est le point l’essentiel : il n’est pas acceptable de modifier toute l’architecture que nous avons conçue.
Bien entendu, ce sont les élus qui décident à la fin. À eux de se mettre d’accord. Mais il faut une autorité neutre : le préfet, lui, ne fait que passer ; au cours des trois années qu’il passe généralement dans le département, ce haut fonctionnaire fait en sorte que tout se passe le mieux possible. Quel intérêt personnel peut-il avoir pour que la CDCI échoue ? Aucun !
On ne peut pas en dire autant de certains élus. Si nous nous trouvons dans cette situation, c’est parce que, dans de nombreux cas, les intercommunalités se sont constituées pour des raisons totalement étrangères à l’intérêt général. Leurs périmètres ne correspondaient pas du tout à un même bassin de vie, mais, aux yeux de leurs promoteurs, ils avaient le mérite de séparer les uns qui ne voulaient pas travailler avec les autres, parce que les niveaux de richesses respectives…
M. Philippe Dallier. Et de dotations !
M. Jean-Jacques Hyest. … n’étaient pas les mêmes,…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. … parce que les élus étaient de tendances politiques différentes,…
M. Bruno Sido. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. … parce que, tout simplement, ils ne s’entendaient pas, parfois en raison de rivalités de « coqs de villages », si je puis me permettre cette expression.
À mes yeux, le plus important était de régler les quelques points restant en discussion et que l’Association des maires de France avaient mis en exergue.
Monsieur Sueur, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse s’agissant du titre choisi pour ce texte : l’emploi de l’adjectif « menacés » pour décrire la situation des mandats en cours était pour le moins inadapté.
M. Éric Doligé. C’était vraiment exagéré !
M. Jean-Pierre Sueur. S’il n’y a que cela qui vous pose problème, nous pouvons changer ce libellé !
M. Jean-Jacques Hyest. De toute façon, vous avez tout changé, même le titre ! (Sourires ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il a en effet été modifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Au moins la discussion des amendements nous a-t-elle donné le privilège de faire disparaître ce titre malheureux !
Nous aurions pu trouver un accord s’il s’était agi de répondre, comme vous le faisiez dans votre proposition initiale, à quelques problèmes particuliers que l’AMF souhaitait résoudre. Je tiens à les rappeler.
Il convient, tout d’abord, de régler le problème des regroupements pédagogiques intercommunaux, ou RPI, en zone rurale. J’en conviens d’autant plus que je parle d’expérience, étant maire d’un village d’Île-de-France. Jamais nous n’avons imaginé de placer le regroupement pédagogique intercommunal une intercommunalité. Pourquoi ?
Mme Nicole Bricq. Il serait intéressant de le savoir !
M. Jean-Jacques Hyest. Parce qu’il est préférable que les intercommunalités dépassent un seuil minimal de population pour pouvoir réaliser – dois-je vous le rappeler, monsieur le rapporteur ? – des actions dans les domaines, notamment, du développement économique et de l’aménagement du territoire.
Il est incohérent de laisser hors du champ d’une intercommunalité des compétences de services tout en prônant un abaissement du seuil. Pour ma part, je suis opposé à cet abaissement de seuil, sauf exceptions.
Mme Nicole Bricq. Lesquelles ?
M. Jean-Jacques Hyest. S’il faut donner la possibilité à la CDCI de se prononcer, pourquoi pas ? Mais cela doit, à mon sens, s’appuyer véritablement sur des motifs d’intérêt général.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est dans notre texte !
M. Jean-Jacques Hyest. Sinon, il ne sert à rien de maintenir des intercommunalités qui ne sont pas viables
Mme Nicole Bricq. Nous sommes d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest. Je me félicite, madame Bricq, de vous voir ainsi opiner, car vous aussi connaissez des cas précis.
Mme Nicole Bricq. Les mêmes que vous ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Nous voilà revenus en Seine-et-Marne !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, laissez M. Hyest s’exprimer ; lui seul a la parole.
M. Jean-Jacques Hyest. Il importe, ensuite, de régler le problème des pouvoirs de police spéciale en matière de déchets ménagers. Le sujet est assez compliqué, je dois l’avouer, car nous avons pris différentes positions au fil du temps. Faut-il revenir au choix initial ? Cela mérite d’être discuté, mais convenons que la question est tout de même limitée.
Il s’agit encore, bien sûr, de se préoccuper de l’aménagement des délais, pour permettre une meilleure concertation au sein de la CDCI.
Il convient aussi, c’est vrai, de traiter du cas des îles.
Il ne faut pas oublier, enfin, la clause de « revoyure », sur laquelle nous pouvons discuter et peut-être permettre la poursuite du débat à l’Assemblée nationale.
Dans la mesure où tel n’est pas votre objectif et où vous entendez démontrer que toutes les lois votées par le Parlement, alors que le Sénat avait bien travaillé sur le thème de l’intercommunalité, sont nulles et non avenues, vous comprendrez que nous ne pouvons que nous opposer à une telle posture,…
Mme Nicole Bricq. Non, nous ne le comprenons pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout, même !
M. Bruno Sido. Mais si !
M. Jean-Jacques Hyest. … bien éloignée de ce que préconisait le président Bel dans le discours prononcé à l’occasion de sa prise de fonctions. Nous verrons bien ce qu’il adviendra lors du débat.
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne s’agit que de mesures simples et pratiques !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mes chers collègues, nous ne pouvons que rejeter ce qui remet en cause l’essentiel de l’architecture de la loi de 2010 sur l’intercommunalité. Mais nous sommes prêts, et nous l’avons prouvé en déposant des amendements, à discuter sur les points susceptibles de nous rassembler ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc de nouveau conduits à débattre de la réforme territoriale. S’il est vrai que, dans sa partie intercommunale, celle-ci avait recueilli un accord assez large au Parlement, sans toutefois que l’on puisse parler de consensus, il n’en demeure pas moins que, dans les territoires, elle a donné lieu à des interrogations, voire à des inquiétudes.
M. Roland Courteau. C’est le moins que l’on puisse dire !
Mme Jacqueline Gourault. Comme un certain nombre de mes collègues, je viens de faire campagne pour les élections sénatoriales.
Mme Nathalie Goulet. Ouf !
Mme Jacqueline Gourault. Hormis les angoisses sur la situation de l’emploi et de l’endettement de la France, le sujet de l’intercommunalité était le premier à être abordé par les élus de mon département.
Mme Nathalie Goulet. Comme dans le mien !
Mme Jacqueline Gourault. Dès le mois de juin, j’avais alerté le Gouvernement, et vous en particulier, monsieur le ministre, vous l’avez vous-même rappelé tout à l’heure, sur la nécessité de procéder à des ajustements sur la loi de décembre 2010, afin d’en faciliter l’application et ce faisant de répondre positivement aux préoccupations des élus.
Et je dois dire que j’ai fait campagne sur un mode très optimiste, expliquant qu’il ne fallait pas s’inquiéter, par exemple, de la limitation du nombre de vice-présidents, puisque le Gouvernement était d’accord provisoirement - j’insiste sur le terme en réponse à M. Hyest - pour ne l’appliquer qu’à partir de 2014. Il s’agissait non de revenir sur la loi, mais simplement de l’appliquer de façon transitoire.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
Mme Jacqueline Gourault. Cette campagne, je l’ai donc faite très tranquillement, parce qu’un autre texte était prévu, sans avoir encore été inscrit à notre ordre du jour, je veux parler du fameux projet de loi n° 61, c’est-à-dire le texte relatif notamment au mode de scrutin pour l’élection des conseillers municipaux et au statut de l’élu. Nous aurions ainsi disposé d’un véhicule législatif pour procéder à nos ajustements.
Je regrette infiniment que le Gouvernement ait pris la décision de ne pas inscrire ce texte à l’ordre du jour parlementaire !
Monsieur le ministre, cette solution aurait eu trois avantages. D’abord, vous auriez rassuré les élus, qui étaient également très inquiets quant au mode de scrutin pour les élections municipales et trouvaient beaucoup trop bas le seuil de 500 retenu dans le projet de loi du Gouvernement. Or, je le sais, vous étiez d’accord pour le relever. Mais vous ne pourrez pas le faire puisque, pour l’instant, il n’y a plus la loi. À mon avis, c’est une erreur !
Ensuite, on aurait pu y intégrer les données de la très intéressante proposition de loi de notre collègue Bernard Saugey, qui comporte plusieurs dispositions sur le statut de l’élu.
Enfin, monsieur le ministre, vous auriez « eu la main ». Alors que là, faute de projet de loi n 61, le Parlement, qui a besoin de légiférer, parce qu’il faut naturellement répondre aux élus, le Parlement, donc, a dû lui-même prendre l’initiative de déposer des textes, la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, au Sénat, et celle de Jacques Pélissard, à l’Assemblée nationale.
Évidemment, on peut toujours regretter le trop ou le pas assez. Mais que n’avez-vous pris l’initiative de poursuivre le débat parlementaire que vous aviez entamé ! Je pense que c’est une erreur stratégique de la part du Gouvernement !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. C’est pourquoi nous nous opposerons au renvoi à la commission. Notre groupe est, en effet, toujours favorable à la discussion, laquelle permet de faire évoluer les textes, d’où qu’ils viennent.
Le texte initial de la proposition de loi de notre collègue M. Jean-Pierre Sueur a été largement modifié en commission. Il comprend un certain nombre d’amendements auxquels nous avons été très sensibles. Je pense, notamment, au report après 2014 de l’application des dispositions relatives au nombre de vice-présidents et de délégués ; je pense aussi à la possibilité de créer de nouveaux syndicats.
Cela m’amène à revenir à ce qui a été dit par M. Hyest. La possibilité de créer de nouveaux syndicats à la suite d’une fusion - entre une commune rurale et une communauté plus grande, souvent une communauté d’agglomération -, évite de redonne aux communes des compétences, en matière scolaire, notamment. Cela me paraît très important. En tout cas, en élue du terrain, je salue cette disposition pragmatique.
Il en va de même en ce qui concerne les compétences sociales. Mon collègue Yves Détraigne a, d’ailleurs, déposé un amendement visant à ajouter la petite enfance, amendement qui a reçu ce matin un avis favorable de la commission.
Reste posé le problème du financement, mes collègues Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lasserre y reviendront.
Deux autres sujets étaient pour nous primordiaux, le calendrier et la perte du pouvoir d’amendement de la CDCI à partir du 1er janvier 2012, l’un et l’autre étant d’ailleurs liés.
Je me permets de m’arrêter sur un point que personne n’a relevé depuis le début de la discussion : la date du 31 décembre 2011 concerne le projet de schéma, mais, à partir du 1er janvier 2012, le droit d’amendement de la CDCI n’existe plus. (Murmures sur les travées de l’UMP) C’est écrit noir sur blanc dans la loi !
Par ailleurs – et je suis tout à fait à l’aise pour le dire, car je me suis battue au Parlement sur ce point ! - le préfet aura, dès le premier trimestre 2013, des pouvoirs exceptionnels.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault. Il faut tout de même le rappeler ! Il apparaît, en effet, que ce texte était contraint sur un certain nombre de points et méritait donc qu’on y revienne.
J’ai pris acte, monsieur le ministre, de la lettre du Premier ministre. Mais une lettre, c’est une lettre, et une loi, c’est une loi, jusqu’à preuve du contraire !
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Jacqueline Gourault. Au vu du nombre de propositions de loi déposées – je pense à celles de Mmes Goulet, Férat et Létard, à la proposition de loi de M. Lecerf - il y a là un vrai sujet !
Tout l’enjeu est donc de ne pas freiner ceux qui sont prêts…
Mme Jacqueline Gourault. … et de donner du temps à ceux qui en ont besoin (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Le calendrier modifié par la commission des lois ne retarde pas le terme du processus actuellement en cours, fixé au 1er juin 2013.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault. Le temps de la concertation est donc respecté.
En ce qui concerne les schémas en cours qui sont consensuels et qui comportent des projets prêts à démarrer, la CDCI pourrait les adopter sous la forme de proposition finale de schéma avant le 31 octobre 2012, sans procéder à d’autres consultations.
Les communes qui seraient prêtes pourraient donner leur accord, à la majorité qualifiée, aux propositions et les préfets pourraient prendre les arrêtés nécessaires.
Je voudrais m’arrêter à cet instant sur une idée qui m’est venue en écoutant les orateurs qui m’ont précédée.
M. le président. Ma chère collègue, il va être temps de conclure !
Mme Jacqueline Gourault. Quel dommage !
Je suis vice-présidente d’une communauté d’agglomération, celle de Blois, qui va fusionner au 1er janvier 2012 avec une communauté rurale voisine. Pourquoi cette date ? Parce que les réflexions ont été très rapides et les élus, très demandeurs. C’est dire que, pour ceux qui veulent fusionner vite, il y a toujours le droit commun, cela existe !
C’est d’ailleurs la deuxième fusion de communautés d’agglomération que je vais vivre à Blois. Au fond, personne n’est arrêté dans sa volonté de fusionner, sur notre territoire !
Puisque le temps m’est compté, j’en viens directement à ma conclusion pour dire à M. le ministre, dans le prolongement de mon propos initial, que je ne sais pas très bien quel sera l’avenir de la proposition de loi dont nous discutons. Elle a le mérite de répondre aux questions que se posent les élus de terrain. Il en va d’ailleurs de même pour le texte de M. Pélissard, président de l’Association des maires de France.
Je me permets donc de vous suggérer, monsieur le ministre, de bien vouloir organiser le plus rapidement possible une discussion commune.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le bon sens !
Mme Jacqueline Gourault. Certes, le calendrier parlementaire est serré et l’ordre du jour chargé. Mais pourquoi ne pas répondre vite, comme vous l’avez fait dans d’autres cas, à ce que notre collègue Jean-Pierre Raffarin appelle « la République des territoires » ?
L’intercommunalité est une réalité de la vie locale. L’objectif de la loi de 2010 est, à de rares exceptions, partagé par de nombreux élus. Mais il faut aussi écouter le terrain, et l’on y réclame l’introduction de garanties pour les élus des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UCR, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le groupe CRC, cette proposition de loi, déposée par Jean Pierre Sueur, par ailleurs président de notre commission des lois, est doublement symbolique. Nous souhaitons, en effet, y voir, d’abord, la marque d’une volonté d’aller vers l’abrogation totale de la réforme des collectivités locales.
Nous nous réjouissons d’une telle perspective. En effet, nous n’avons jamais cessé d’agir contre l’adoption de cette mauvaise loi qui n’a rien à voir avec un vrai projet de coopération intercommunale !
Depuis, nous voulons contribuer à l’abrogation de cette réforme emblématique du Gouvernement, réforme que nous jugeons contraire à la décentralisation. Elle vise, en effet, à mettre aux pas l’ensemble des élus locaux et à susciter, à terme, la disparition des communes et des départements, leur « évaporation », comme avait pu le dire l’ancien Premier ministre Edouard Balladur.
Aussi, au cours des élections sénatoriales, nous avons mené campagne, sans ambiguïté, contre cette réforme. Et nous savons que nos collègues de gauche, voire un peu au-delà, ont aussi été de ce combat pour porter cette exigence d’abrogation.
C’est, chacun le reconnaît aujourd’hui, l’un des motifs majeurs à l’origine de ce basculement à gauche de la Haute Assemblée même si, à l’écoute du débat de cet après-midi, certains semblent ne pas avoir entendu complètement ce message.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Christian Favier. L’incompréhension, l’inquiétude, la colère de l’immense majorité des élus locaux, face à cette réforme et contre la fragilité financière de leur collectivité, doit donc trouver aujourd’hui un débouché politique.
Ces élus, ces grands électeurs, nous ont demandé de tout faire jusqu’à l’abrogation de cette loi.
Permettez-moi de reprendre les propos du président Bel, en ouverture de son intervention à cette tribune, le 11 octobre dernier : « Le 25 septembre dernier, les grands électeurs nous ont adressé un message fort. Ce message, nous l’avons entendu. À nous, en conséquence, de ne pas décevoir cette attente, de ne pas trahir cet espoir. »
Dans cette perspective, les modifications apportées par cette proposition de loi à la loi du 16 décembre 2010 représentent donc pour nous une première étape utile que nous ne saurions négliger, sans pour autant oublier toutes les autres marches qu’il nous faut encore franchir, comme l’abrogation du conseiller territorial, que nous défendrons devant vous dans quelques jours, pour parvenir à notre objectif commun porté par notre majorité sénatoriale.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Christian Favier. Cet objectif a été rappelé du haut de cette tribune par le président Bel, le 11 octobre dernier. Il déclarait alors : «La réforme territoriale doit être abrogée et entièrement repensée. Une réforme est à l’évidence nécessaire, comme je l’ai entendu dire en bien des endroits. Mais celle-ci est allée, je le crois, dans le mauvais sens. »
Il s’agit pour nous non de tenter de la modifier, de l’aménager, d’en gommer seulement les excès, mais d’agir jusqu’à son abrogation.
Aujourd’hui, avec cette proposition de loi, il s’agit de stopper le rouleau compresseur en cours, avec la mise en place, à la hussarde, des schémas départementaux de coopération intercommunale ; de donner du temps à la réflexion de chaque commune et de chaque intercommunalité sur leur avenir ; enfin, et c’est un point essentiel pour nous, de retirer aux préfets le rôle exorbitant que la loi leur conférait dans ce domaine.
Il y a donc une certaine urgence à légiférer sur ces questions, puisque le terme des délais prévus dans la loi se rapproche dangereusement. Or tout le monde le reconnaît aujourd’hui, y compris le Premier ministre, il est devenu urgent de donner du temps au temps pour mettre en place ces schémas départementaux. Je crois même que François Fillon a déclaré qu’il envisageait d’utiliser un véhicule législatif pour y parvenir.
Eh bien, cette proposition de loi est là, à sa disposition ! Elle peut rapidement, si elle est adoptée par notre assemblée, être présentée devant l’Assemblée nationale pour y être votée.
Ainsi, les dysfonctionnements que chacun reconnaît aujourd’hui seraient alors gommés dans un cadre législatif assurant une assise juridique plus solide que les propos d’un ministre, fût-il Premier ministre, qui ne peut, même par circulaire, remettre en cause les termes de la loi.
Monsieur le ministre, à ce propos, permettez-moi de vous faire une double demande.
Partout dans la presse locale, des échos sont apparus laissant entendre qu’en de très nombreux endroits ces schémas départementaux ont été massivement rejetés lors des votes sur les propositions préfectorales, dans les conseils municipaux, les assemblées intercommunales et les assemblées délibératives des syndicats.
De votre côté, vous avez reconnu, y compris cet après-midi, l’existence de nombreux désaccords, tout en en minimisant globalement le nombre.
Ma première question est donc simple : monsieur le ministre, pour éclairer notre assemblée, pourriez-vous nous transmettre un état récapitulatif, département par département, des situations en nombre d’intercommunalités et de syndicats actuellement en place et, en regard, les propositions actuelles des préfets ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous remettre un état complet, département par département, du résultat des consultations qui se sont déroulées sur ces projets ? Nous avons, me semble-t-il, tous besoin d’une telle transparence.
M. Alain Richard, rapporteur. Très juste !
M. Christian Favier. En répondant favorablement à ces demandes, monsieur le ministre, vous éclaireriez nos travaux futurs.
Mais revenons à la proposition de loi qui nous est soumise.
Au début de mon propos, j’ai indiqué que ce texte était symbolique à un double titre pour les membres de notre groupe. Après avoir affirmé notre souhait de voir abroger la loi du 16 décembre 2010, je voudrais maintenant évoquer le chemin qu’il nous reste à parcourir pour parvenir à une nouvelle réforme, démocratique, de nos institutions locales.
En effet, une fois la loi précitée abrogée, il nous faudra bien entendu reconstruire. Nous ne pouvons en rester au statu quo, car le besoin de réforme est réel. Les états généraux des élus locaux en préparation nous permettront, me semble-t-il, d’ouvrir d’autres voies ; nous en serons, pour notre part, des acteurs engagés et responsables, mais aussi exigeants et vigilants.
En attendant, nous voterons en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, qui permettra de régler un certain nombre de questions importantes, en reprenant notamment des propositions que nous avons déjà soutenues ; en particulier, le rôle exorbitant des préfets se trouvera restreint. Voilà qui va dans le bon sens et ne peut que nous satisfaire.
Nous tenons, dans le même temps, à réaffirmer notre opposition à l’achèvement autoritaire de la carte de l’intercommunalité, laquelle doit, à nos yeux, être toujours librement consentie et fondée sur un vrai projet de territoire, au service des habitants de celui-ci. Cette question me semble plus importante que le débat quelque peu laborieux sur la date d’adoption de la carte de l’intercommunalité auquel nous avons assisté cet après-midi et qui n’est pas à la hauteur des enjeux, ni des attentes de nos concitoyens.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. Christian Favier. Nous ne pensons toujours pas que les schémas départementaux de la coopération intercommunale doivent avoir pour finalité de supprimer systématiquement tous les syndicats intercommunaux existants ou de réduire drastiquement leur nombre : ils répondent souvent à de réels besoins.
Aussi, afin d’affirmer avec force notre volonté d’abroger l’ensemble de la loi du 16 décembre 2010, soutiendrons-nous un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er ayant cet objet. Ainsi, la nouvelle majorité de gauche du Sénat mettra ses actes en cohérence avec ses paroles : nos concitoyens attendent de nous un tel courage politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la loi du 16 décembre 2010 soulevait l’enthousiasme, cela se saurait !
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jacques Mézard. Si elle n’avait pas besoin d’améliorations, cela se saurait aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Jacques Mézard. D’ailleurs, vous avez reconnu vous-même, monsieur le ministre, la nécessité de l’améliorer.
Comment ne pas se réjouir que le Sénat reprenne son rôle prioritaire s’agissant des collectivités territoriales, prévu à l’article 39 de la Constitution ?
En effet, nous n’oublions pas, mes chers collègues, la manière dont notre assemblée fut mal considérée lors du débat sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ; en ont témoigné l’épisode relatif au mode de scrutin, le passage en force lors de la réunion de la commission mixte paritaire, de même que les conditions du vote final dans cet hémicycle…
Pourtant, nous sommes de ceux qui souhaitent une réforme des collectivités territoriales, une simplification des mécanismes, davantage de lisibilité pour nos concitoyens et une rationalisation des compétences.
La loi du 16 décembre 2010, conjuguée au remplacement de la taxe professionnelle par une « usine à gaz » dans les tuyaux de laquelle l’État lui-même se perd (Sourires.), aboutit à une complexification et à un non-sens, caractérisé par la création de cet être hybride que serait le conseiller territorial, dont nous souhaitons qu’il trépasse avant d’avoir vécu !
À cet égard, j’avais affirmé que l’architecture de cette loi relevait du « baroque non flamboyant », propos que je maintiens ici, car nous attendons toujours que le projet de loi n° 61 soit examiné, ainsi que l’a opportunément rappelé notre collègue Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, qu’attendez-vous ? Dans quel tuyau ce projet de loi est-il coincé ?
Au passage, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous éclairiez le Sénat sur le découpage cantonal à venir, même si celui-ci relève de la procédure réglementaire.
M. Claude Bérit-Débat. Oui !
M. Jacques Mézard. S’il est un sujet qui nous est apparu non seulement consensuel, mais aussi capital pour l’avenir de nos collectivités, c’est bien celui de l’intercommunalité.
La loi Chevènement fut un succès : comme elle était bien faite, elle a recueilli un véritable consensus. Certes, nous ne l’oublions pas, sa mise en œuvre a été facilitée par l’utilisation de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, mais elle fut un réel succès parce que, dans une nation viscéralement attachée au fait communal, elle a fait comprendre, dans ce qui constitue le nouveau bloc communal, les avantages de la coopération intercommunale, levier essentiel du développement local.
Dans le cadre de l’actuelle réforme, une large majorité s’était dessinée sur la question de l’achèvement de la carte intercommunale et de sa rationalisation. Oui, l’avenir du bloc communal passe par le renforcement de l’intercommunalité : si la commune est le lieu de proximité par excellence, l’intercommunalité est le moteur du développement. Ceux qui opposent commune et EPCI s’égarent, car l’intercommunalité est le seul moyen efficace de préserver le maillage communal.
La réforme devrait être l’occasion de conforter les pôles de centralité autour des bassins de vie, ainsi que de passer, il faut le dire, à l’offensive contre les intercommunalités défensives. Une vision prospective doit partir de la constatation que, pour faire du développement local, pour avoir les moyens de mener une politique d’investissement, pour éviter les implantations anarchiques d’équipements, il est impératif que les intercommunalités disposent d’une taille critique, celle qui donne les moyens d’agir.
Cependant, nous le savons sur le terrain, il est des fusions ou des extensions de périmètre souhaitables qui sont freinées ou bloquées par des conflits personnels, certes respectables, par des querelles de clochers, voire, tout simplement, par la méconnaissance des avantages à en attendre. L’alchimie des relations entre ville-centre, bourg-centre et communes périphériques est délicate ; souvent la peur de la ville-centre engendre des réticences. Il faut donc faire preuve de patience, de tolérance, de clarté, tout en se calant sur les échéances électorales : cela impose beaucoup de concertation, de dialogue, d’études financières.
Disons-le, la manière dont est conduite cette réforme est détestable parce qu’elle est diverse, voire contradictoire, selon les départements et les préfets, parce que le travail préparatoire technique et politique fut insuffisant, parce que, de ce fait, nombre d’élus ont eu une réaction de repli, sinon de rejet. Pourquoi ne pas le dire ? Souvent, la noria incessante des préfets n’a pas donné à ceux-ci le temps d’acquérir une bonne connaissance des hommes et des territoires. Il était donc inadéquat de leur donner tant de pouvoir, concentré sur si peu de temps !
D’ailleurs, le Gouvernement lui-même s’en est rendu compte, grâce d’abord aux récentes élections sénatoriales. Vous avez ainsi fait la déclaration suivante devant le Sénat, monsieur le ministre : « la date butoir du 31 décembre 2011 devra être respectée autant que possible, mais elle pourra être dépassée si cela se révèle nécessaire » !
Certes, il n’y a pas de sanction prévue en cas de dépassement, mais avouez que ce n’est pas très sérieux ! On n’applique pas la loi « si c’est nécessaire »… Est-ce vous le juge de la nécessité, par le canal de chacun des préfets ?
Voilà, en tout cas, la démonstration par l’absurde que la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur était indispensable pour remettre le dispositif dans le sens de la marche : sans modifier la date butoir du 1er juin 2013, le texte de la commission apporte la souplesse nécessaire, prévoit le temps indispensable pour mener la concertation, la poursuite des mandats en cours des élus communautaires, le renforcement de la place des suppléants, auquel nous tenions beaucoup pour les petites communes, une marge de manœuvre pour les présidents d’EPCI quant au transfert partiel des pouvoirs de police, l’obligation de conseil pour l’État en matière financière et fiscale…
En revanche, je suis plus réservé s’agissant des dispositions relatives au seuil minimal de 5 000 habitants pour les intercommunalités : les « spécificités géographiques locales » peuvent tout permettre, monsieur le rapporteur, en particulier le maintien ou la création d’EPCI à vocation défensive ; les zones de montagne et les « îles » présentent des spécificités qu’il conviendrait d’encadrer, au lieu de généraliser le dispositif.
De la même manière, je considère que les dispositions relatives au choix des compétences optionnelles transférées d’un EPCI créé ont été intégrées trop rapidement dans le texte qui nous est soumis. Cette question mériterait un débat plus approfondi ; l’avenir le montrera.
Sous ces réserves, notre groupe votera très majoritairement en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, car elle est légalement indispensable et souhaitée par la grande majorité des élus locaux, confrontés aux réalités du terrain. Il conviendra ensuite de veiller à supprimer le conseiller territorial, mais c’est une autre histoire… (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai envie de dire, en préambule, que ce qui devait arriver arriva ! Le pouvoir recentralisateur n’a pas suffisamment écouté les élus locaux.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. C’est vrai !
M. Yves Krattinger. Pourtant, ils ont été nombreux, toutes sensibilités politiques confondues, à exprimer leur préoccupation et leurs réserves sur la méthode employée pour achever et rationaliser la carte de l’intercommunalité.
Plutôt que de renforcer le rôle des élus locaux et celui des membres des commissions départementales de la coopération intercommunale dans la définition de périmètres pertinents pour les intercommunalités de demain, le Gouvernement, nous nous en souvenons tous, força – oui, c’est bien le mot ! –…
M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait !
M. Yves Krattinger. … l’adoption, ici même au Sénat, le « temple des territoires », de règles tendant à octroyer des pouvoirs ressentis comme excessifs et exceptionnels aux préfets, ses représentants, la réforme s’inscrivant en outre dans un calendrier qui s’avère aujourd’hui intenable dans un très grand nombre de départements.
Avec la loi telle qu’elle a été votée, seule une « jacquerie » au sein même de la CDCI peut amener le préfet à modifier ses propositions : en effet, il faut que les deux tiers des membres de la CDCI entrent collectivement en conflit avec le préfet pour qu’il soit obligé de revoir sa copie. Vu le caractère improbable de cette hypothèse, le Gouvernement croyait avoir la main ! Or, en pratique, ce ne fut pas le cas !
Il n’y a pas eu de révolution, mais une grogne sévère, de plus en plus forte, a gagné les territoires. Le pouvoir recentralisateur croyait avoir muselé les élus locaux. Or la fronde grondait, et elle s’est exprimée, monsieur le ministre, dans les urnes lors des élections sénatoriales ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Dès lors, comment aborder désormais ce chantier qui nous préoccupe tous ?
En ce qui concerne l’intercommunalité, les objectifs généraux sont très largement partagés, mais, faute de méthode, d’écoute, de dialogue approfondi, d’études suffisamment poussées, même une assez bonne cartographie préfectorale peut ne pas convaincre ! C’est trop souvent ce que l’on constate aujourd'hui.
Combien de fois avons-nous dit qu’il fallait, en bonne logique, définir d’abord les missions relevant de chacun des niveaux de collectivités, notamment de la coopération intercommunale, puis les compétences à attribuer, enfin les moyens humains et financiers affectés à leur mise en œuvre ? Or le Gouvernement, en commençant par la réforme de la taxe professionnelle, a pris le chemin exactement inverse, suscitant ainsi un doute général sur ses intentions et ses objectifs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Monsieur le ministre, le Gouvernement porte donc une lourde responsabilité dans les difficultés rencontrées !
Si nous partagions les principaux objectifs de la réforme, nous étions en désaccord avec la méthode retenue. Comment, dans ces conditions, rebondir et remettre le train de l’intercommunalité sur les rails ? Aujourd’hui, monsieur le ministre, il fait du surplace dans les territoires !
Je souhaite d’abord rappeler que, au sein de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, nous étions parvenus, sur ce chapitre de la réforme, à harmoniser nos visions respectives, grâce à un travail long et approfondi, à un dialogue entretenu par des échanges nombreux, tant ici même, au Sénat, que dans les territoires, où nous nous sommes souvent déplacés. Ces échanges ont réuni des représentants de toutes les sensibilités politiques et de tous les niveaux de collectivités.
À cette occasion, je me suis rendu, comme d’autres, à l’invitation d’élus tant de droite que de gauche, dans plus d’une trentaine de départements. J’ai pris la parole, j’ai écouté… J’ai entendu le message des territoires : ils veulent être respectés et rejettent toute stigmatisation des élus et de leurs collectivités, qui veulent continuer à marcher librement dans le sens du progrès.
Ce progrès, nous le savons, passe par plus d’intercommunalité, mais cette évolution doit être librement consentie et décidée par les élus, qui, dans leur sagesse, demandent à disposer d’un temps suffisant d’échange et de réflexion pour fixer collectivement les objectifs et ensuite, patiemment, les mettre en œuvre. Ils demandent à être mieux informés, monsieur le ministre. Ils expriment un besoin d’expertise préalable plus approfondie sur les sujets en débat, en ce qui concerne tant les compétences que les questions fiscales et financières. En effet, après la suppression de la taxe professionnelle, plus personne ne sait comment seront élaborés demain les budgets !
Les élus revendiquent le droit de décider librement, d’où la réforme proposée du mode de décision en commission départementale de la coopération intercommunale. Pour être solide, pour durer et prospérer, l’intercommunalité doit se construire sur la confiance. Cette proposition de loi, renforcée par l’adoption d’amendements, tant en commission que peut-être ici dans l’hémicycle, tout à l’heure ou demain, vient donc fort à propos pour éteindre les feux qui couvent et atténuer les craintes, sans détruire les maisons de l’intercommunalité.
Il s’agit d’abord de desserrer l’étau jacobin et d’insuffler davantage de dialogue et de démocratie dans la démarche engagée, monsieur le ministre. Oui, il faut donner aux élus un peu plus de temps pour débattre, pour expertiser, pour décider, car un maire ne peut pas toujours convaincre instantanément son conseil municipal ; il a besoin de temps pour cela.
M. Claude Bérit-Débat. Exactement !
M. Yves Krattinger. Oui, il faut croire en la responsabilité locale, ne pas avoir peur de la démocratie, permettre aux élus de décider ensemble de l’avenir des territoires. Il ne suffit pas de quelques voix arrachées au Sénat en décembre 2010 pour avoir le droit d’imposer ses vues.
Je terminerai en évoquant le rôle du Sénat dans la situation actuelle. Que peut apporter notre assemblée ? L’occasion est bonne, pour elle, de reprendre toute sa place, une place très légitime, dans le débat sur l’avenir des collectivités territoriales. Le Sénat doit le faire sans complexes, en écartant le procès en conservatisme qui lui avait été intenté à tort.
Au sein de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, nous avons, tous ensemble, ouvert de nombreuses pistes, en nous fondant sur l’expérience accumulée, partagée par tous les membres de la mission, et sur la diversité enrichissante de nos parcours.
Bien sûr, il n’est pas nécessaire de revenir au point de départ. Beaucoup de travaux ont été conduits, qui sont la matière première de nos délibérations. Il est indispensable de poursuivre la marche en avant. L’intercommunalité est la grande aventure des vingt dernières années. Il est impératif de lui permettre de continuer à orienter l’avenir des territoires.
Toutefois, à ce stade, il nous faut montrer, tous ensemble, que nous avons entendu les élus locaux, car c’est à nous tous qu’ils s’adressent, quelle que soit leur sensibilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le président du Sénat a, fort à propos, annoncé un moment d’écoute : les états généraux des élus locaux. Les élus du peuple ne sont pas des révolutionnaires ; ils sont à l’écoute de leurs concitoyens et ils les représentent.
Notre assemblée doit continuer à écrire un texte qui permette de débloquer la situation sans tout mettre par terre, de donner de la souplesse sans tout décomposer, de conserver et de renforcer les perspectives de l’intercommunalité tout en diversifiant les chemins menant vers elles, afin de les adapter à chacune des situations locales.
Nous devons élaborer un texte qui permette de rétablir la confiance. Plus que jamais, nous devons nous écouter, nous entendre les uns les autres, et continuer à faire confiance à l’intelligence territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est un bon texte. Je remercie M. Jean-Pierre Sueur et M. Alain Richard de leur initiative. Ils ont entendu les élus locaux, que la loi du 16 décembre 2010 ne satisfait pas.
Cette proposition de loi est pragmatique, cohérente et efficace. Elle tient compte des problèmes de délais et, en prévoyant un report de trois mois de la date butoir pour l’adoption des SDCI, elle vise à donner une traduction législative aux propos tenus par M. le ministre et par M. le Premier ministre. Elle ne modifie en rien le calendrier prévu par la loi de 2010, puisqu’il ne s’agit que de le réorganiser, en donnant la main, si je puis m’exprimer ainsi, aux élus locaux membres des commissions départementales de la coopération intercommunale. En effet, la loi de 2010 accorde aux préfets le rôle primordial au sein de ces commissions, puisque, in fine, ils peuvent imposer les SDCI et les dispositions afférentes.
En cas d’extension ou de fusion d’EPCI, le présent texte tend à permettre de conserver, au moins jusqu’aux prochaines élections municipales, des dispositifs existants. En fait, il place au centre du débat la question des compétences et celle des ressources fiscales, lesquelles ont été mises à bas par la suppression de la taxe professionnelle.
Enfin, la proposition de loi revient sur le problème de la gouvernance, en permettant que l’on ne s’en tienne pas au nombre de vice-présidences et de conseillers communautaires prévu dans la loi.
Par ailleurs, je m’étonne des propos de M. le ministre et de M. Hyest, qui se sont opposés au texte qui nous occupe.
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Claude Bérit-Débat. Selon eux, celui-ci remet en cause une loi qui a été votée par le Sénat et il relèverait d’une logique du tout ou rien. Ils oublient que cette proposition de loi ne remet nullement en cause ce qui a été fait ;…
M. Claude Bérit-Débat. … elle apporte simplement des améliorations, en tenant compte des réalités des territoires. À ce sujet, je tiens à dire que nos collègues maires et présidents d’établissement public de coopération intercommunale sont demandeurs d’une telle révision de la loi.
Lors de la dernière convention nationale de l’Assemblée des communautés de France, qui s’est tenue à Rennes et à laquelle j’ai pris part, les participants ont demandé que ne soit pas remise en cause la loi de décembre 2010 ; ils souhaitent seulement qu’elle soit améliorée, or tel est bien l’objet de la présente proposition de loi ! C’est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de son adoption ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense que nous sommes tous d’accord sur un point : il faut achever la carte de l’intercommunalité. Nous sommes même d’accord sur les délais, à condition de dépasser la question confuse des dates évoquée tout à l’heure.
Le mérite de la loi de décembre 2010 et de la réforme qu’elle porte est d’avoir touché les plus petites communes de France et tous les maires, et cela à un moment privilégié, celui des élections sénatoriales.
Nous avons indéniablement pu entendre s’exprimer, à cette occasion, une contestation portant sur la méthode – il est inutile d’y insister davantage – et sur l’esprit de la réforme.
L’idéal de la décentralisation est devenu une réalité. Or les élus ont senti souffler un vent contraire à l’esprit de la décentralisation.
En effet, la décentralisation, c’est l’intercommunalité, mais c’est aussi la concertation, la proximité et la responsabilité des élus. Ces derniers veulent être responsables, et ils le sont !
La décentralisation, c’est encore le partenariat financier et la contractualisation, volet essentiel que nous aborderons en une autre occasion.
L’intercommunalité a fait ses preuves et a « sanctuarisé » – le mot est un peu fort, je le reconnais – l’existence des 36 000 communes de notre pays. Cependant, celles-ci perdureront-elles au sein de l’intercommunalité telle que la redessine la loi de 2010 ? Nous devons lever les doutes sur ce point, d’autant que l’utilisation de mots tels que « fusion », « évaporation », a suscité des interrogations, qui se sont exprimées au cours du débat.
En ce qui concerne la définition du périmètre pertinent, encore faut-il savoir à quoi correspond exactement la notion de « bassin de vie », si souvent invoquée. Elle ne s’identifie pas à celle de bassin géographique : la géographie humaine et économique est plus importante que la géographie physique.
S’agissant du seuil minimal de population, fixé par la loi à 5 000 habitants, il est heureux que ce soit un objectif, mais pas forcément un impératif. Mon département, les Hautes-Pyrénées, comptant 10 % des plus petites communes de France, je m’attacherai surtout aux petits problèmes, d’autant que ce sont eux qui bloquent déjà le débat au sein de la commission départementale de la coopération intercommunale.
Je parle ici non seulement des zones de montagne, mais aussi des petites intercommunalités qui ont su satisfaire les demandes de leur population : petits services quotidiens, entretien des chemins communaux, déneigement, débroussaillage. Elles vont disparaître, mais qui assumera les compétences qu’elles exerçaient ? La nouvelle intercommunalité qui les englobera ne voudra pas reprendre leurs missions. Cela représentera une régression : il faut en avoir conscience, car de nombreuses petites collectivités sont concernées.
Pour les départements ruraux comptant un grand nombre de petites communes, le seuil minimal de 5 000 habitants prévu par la loi est élevé. Cela représente des intercommunalités regroupant une cinquantaine de communes au moins, avec un périmètre très large.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir insisté sur la question des enclaves historiques, ces « îles » que le législateur a oublié de prendre en compte. Dans mon département, des communes béarnaises, relevant du département des Pyrénées-Atlantiques, sont ainsi enclavées en Bigorre depuis dix siècles. Or la loi leur assigne de rejoindre une intercommunalité ! (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Josette Durrieu. Je m’arrête, monsieur le président.
Le Sénat s’honorerait d’engager ce grand débat lors des états généraux des élus locaux : c’est ce qu’attendent les communes et les maires de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de réforme des collectivités territoriales aura su, ces derniers mois, attiser les débats ; nous pouvons encore le constater aujourd’hui. C’est un texte qui transcende largement les clivages partisans ; il n’a d’ailleurs été adopté, ici même, qu’à une très courte majorité. Le Sénat, qui s’est toujours attaché à prendre en compte la réalité complexe de nos territoires, s’honore de s’emparer à nouveau de ce sujet.
Tout d’abord, je tiens à remercier notre collègue Jean-Pierre Sueur d’avoir pris l’initiative – ou la « main », pour reprendre le terme utilisé par Jacqueline Gourault –, en déposant cette proposition de loi. Il était en effet nécessaire de remettre sur la table une problématique qui concerne l’ensemble des élus locaux. Je salue également le travail accompli par Alain Richard, rapporteur du texte, qui, par la qualité des amendements qu’il a déposés, a contribué à améliorer le texte en commission, contrairement à vos dires, monsieur le ministre.
Dans nos territoires, cette réforme suscite encore aujourd’hui méfiance et défiance. L’exécutif, ignorant les nombreuses protestations qui s’élevaient dans notre pays, n’a pas pris le temps de la concertation, du dialogue, de la compréhension réciproque et, surtout, du respect mutuel. J’ai constaté, dans mon département des Pyrénées-Atlantiques, que cette réforme est incomprise et va à l’encontre des volontés exprimées par les élus. Au sein même de la majorité présidentielle, certaines voix discordantes se sont élevées sans être entendues. Le Gouvernement voulait en finir avec le « millefeuille territorial » ; il n’a fait que créer confusion et désordre dans l’esprit des administrés. Ainsi, la loi de réforme des collectivités territoriales a été perçue, à juste titre, comme l’acte I de la recentralisation.
L’examen de la proposition de loi qui nous est soumise permet à l’institution sénatoriale de réagir rapidement face à la mise sous tutelle des collectivités, à la dénaturation du profond mouvement de décentralisation engagé depuis 1982, aujourd’hui unanimement salué par les élus locaux.
Car c’est bien de la décentralisation – l’essence même de notre conception de la République – qu’il est aujourd’hui question. Or celle-ci n’est pas seulement une affaire de transferts de compétences ; elle est au cœur de notre démocratie, de notre Constitution. En bafouant les règles mêmes de la décentralisation, c’est la démocratie que vous avez bafouée, monsieur le ministre : tel est pour partie le message que les électeurs ont délivré en faisant basculer le Sénat à gauche le 25 septembre dernier. Voici donc ce que nous tentons de restaurer aujourd’hui : une confiance partagée entre l’État et les élus locaux, un respect qui a été brisé, rompu, par l’application uniforme d’une loi inadaptée.
Cette proposition de loi ne tend pas à remettre en cause toute la réforme territoriale. Nous aurons l’occasion de revenir sur les points controversés, plus particulièrement le 16 novembre prochain et lors des états généraux des élus locaux souhaités par notre président, Jean-Pierre Bel.
Si nous n’entendons pas revenir ici sur le galimatias indigeste qu’aura été la réforme territoriale, c’est qu’il nous faut parer au plus urgent. Ainsi, cette proposition de loi visait au départ à répondre aux exigences des titulaires de mandat de conseiller communautaire, afin que ceux-ci puissent exercer leurs fonctions jusqu’à la fin du mandat municipal. Enrichie des amendements adoptés par la commission, elle tend désormais à renverser au profit des élus la logique de décision au sein de la commission départementale de la coopération intercommunale.
M. Alain Gournac. Pas du tout !
Mme Frédérique Espagnac. Elle a pour objet d’instaurer une souplesse qui aura fait grandement défaut dans l’élaboration du schéma départemental de la coopération intercommunale, d’une part, et de renforcer les droits du conseiller communautaire suppléant, d’autre part.
Ce texte doit donc être adopté rapidement afin que le dialogue puisse être de nouveau érigé en priorité.
Je conclurai en citant un illustre défenseur et bâtisseur de la décentralisation : « La décentralisation est aujourd’hui le meilleur moyen de réaliser et d’accentuer la démocratie. Elle est, pour tous, la possibilité d’accéder à la responsabilité et à la liberté… » Ces propos sont de Pierre Mauroy, monsieur le ministre. Pour réussir le pari de la décentralisation, faisons enfin confiance à l’intelligence territoriale et à la capacité d’action des élus locaux. Accédons ensemble, mes chers collègues, à la responsabilité et à la liberté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Beaucoup d’orateurs ont prétendu que le pouvoir central entend remettre en cause la décentralisation. Ainsi, selon Mme Espagnac, la loi de réforme des collectivités territoriales susciterait de la méfiance et de la défiance, et serait perçue par les élus locaux comme l’acte I de la recentralisation.
Permettez-moi d’insister sur le point suivant : je crois profondément en la décentralisation, qui est effectivement davantage, madame Espagnac, qu’un transfert de compétences. La décentralisation, c’est aussi un état d’esprit. Elle n’est pas toujours facile à mettre en œuvre, car cela suppose parfois de renoncer aux idées préconçues, de savoir écouter ceux qui ont des vues différentes.
La décentralisation est à mes yeux un outil de modernisation de notre pays. Il serait dommage de continuer à présenter la loi qui a été votée comme un texte dont l’objet serait de recentraliser à tout prix, en s’opposant aux collectivités territoriales. Comment pourrait-on soupçonner M. Hyest, qui était au banc de la commission tout au long des débats, d’être un recentralisateur ? J’espère que vous ne me faites pas non plus l’injure de me considérer comme un adversaire des collectivités !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il n’y a pas que vous au Gouvernement !
M. Philippe Richert, ministre. Nous devons être pragmatiques et étudier les moyens de progresser ensemble.
On reproche aussi au Gouvernement d’avoir voulu aller beaucoup trop vite. J’observe cependant que la réforme a été préparée par les travaux du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, puis par ceux de la mission sénatoriale temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, dont j’étais membre.
M. Jean-Jacques Mirassou. Son travail a été liquidé !
M. Philippe Richert, ministre. Une commission ad hoc a également été constituée à l’Assemblée nationale. Un grand nombre des propositions formulées par ces différentes instances ont été intégrées au texte.
Ensuite, le débat parlementaire a donné lieu à des modifications profondes du projet de loi, au point que les élus de terrain ont pu avoir le sentiment que chaque lecture débouchait sur un nouveau texte, très différent de la version précédente. Mais on ne saurait reprocher au Parlement d’avoir accompli un travail de fond, y compris en prenant en compte des demandes formulées par les élus de terrain, notamment au travers de l’AMF.
On ne peut donc pas prétendre que cette réforme a été conçue dans la précipitation : il a été tenu compte des avis des acteurs de terrain. Cela étant, il est vrai que, au fil des modifications apportées au projet de loi par le Parlement, certaines difficultés n’ont pas été anticipées. Je reconnais, madame Gourault, qu’il aurait fallu d’emblée préciser certains points, s’agissant notamment du maintien des exécutifs jusqu’en 2014 ou du seuil de 500 habitants. Lors de ma première rencontre, en tant que ministre, avec les responsables de l’AMF, je leur avais demandé si ce seuil leur paraissait vraiment pertinent. Ils m’avaient répondu que c’était une préconisation du bureau de l’AMF, que le Gouvernement a reprise. Je l’ai déjà dit et je le répète, il revient au Parlement de trancher cette question.
De même, il convenait d’apporter des précisions sur la situation de quelques « îles », ainsi que sur celle des départements qui n’auront pas réussi à adopter leur schéma départemental de la coopération intercommunale au 31 décembre 2011. M. le Premier ministre a indiqué clairement, à cet égard, qu’en aucun cas le préfet n’arrêtera le schéma sans que la commission départementale de la coopération intercommunale ait été dûment consultée. S’il faut préciser ce point, nous le ferons, pour qu’il ne subsiste aucune incertitude.
M. Alain Richard, rapporteur. Mais la date butoir est inscrite dans la loi !
M. Philippe Richert, ministre. Je voudrais maintenant revenir sur quelques éléments importants évoqués par les orateurs.
Était-il vraiment nécessaire d’élaborer une telle loi, se sont demandé certains d’entre vous. Eh bien oui ! Bien qu’étant un partisan résolu de la décentralisation, je suis intimement convaincu que nous devons réorganiser nos collectivités, pour aller vers plus d’efficacité, de transparence à l’égard de nos concitoyens et d’économie dans l’utilisation de l’argent public.
M. Krattinger a conclu son intervention en soulignant que les élus de terrain s’adressaient à nous tous. Croyez bien que, de notre côté, nous les écoutons !
M. François Fortassin. C’est un peu tard !
M. Philippe Richert, ministre. La gauche n’a pas l’exclusivité sur ce plan !
M. Krattinger a indiqué en outre qu’il convenait de débloquer la situation sans tout mettre par terre. Je suis tout à fait d’accord avec lui sur ce point : il faut apporter des améliorations, en évitant cependant de tout remettre en cause.
En ce qui concerne la question des dates, soulevée tout à l’heure par M. le rapporteur et M. Sueur, le principe de base est que les schémas seront arrêtés, chaque fois que c’est possible, avant le 31 décembre 2011. Ensuite s’ouvrira une période d’un an et demi durant laquelle il sera possible de discuter des compétences, de réajuster les choses le cas échéant, d’étudier comment permettre à des collectivités rejoignant une intercommunalité de plus grande taille de continuer à exercer certaines compétences spécifiques, de dialoguer avec le personnel…
La proposition de loi dont nous débattons prévoit de reporter à mars 2013 l’échéance à laquelle le schéma départemental de la coopération intercommunale devra avoir été arrêté.
Mme Nathalie Goulet. Mais non : c’est mars 2012 !
M. Alain Richard, rapporteur. Ne vous fatiguez pas, monsieur le ministre ! Nous allons vous expliquer…
M. Philippe Richert, ministre. D’ici là, on préparerait à la fois le nouveau découpage des collectivités et la répartition des compétences. Or permettez-moi de penser que tant que l’organisation d’ensemble n’aura pas été arrêtée, il sera difficile de répartir les compétences. Si l’on fixe l’échéance au mois de mars 2013, le risque sera que les délais ne puissent être respectés, les élections municipales se tenant en mars 2014.
M. Hyest l’a également souligné. Il a en outre rappelé l’ampleur du travail réalisé avant l’adoption de la loi du 16 décembre 2010, en incitant à ne pas démolir tout ce qui a déjà été fait. À cet égard, nous ne pouvons bien entendu être d’accord avec M. Favier, qui a clairement indiqué qu’il entendait tout remettre en cause !
Je confirme à M. Mézard que l’organisation des découpages, comme le prévoit la loi, n’interviendra pas avant l’élection présidentielle, afin d’éviter toute interférence et d’écarter tout soupçon d’arrière-pensées politiques.
Vous avez aussi évoqué à juste titre, monsieur Mézard, les réticences que peuvent éprouver les communes périphériques à l’égard des bourgs-centres. C’est ce qui nous a amenés à prévoir un délai d’un an et demi, qui laissera le temps à la discussion de se poursuivre. Je rappelle qu’il sera possible, le cas échéant, de dépasser la date du 31 décembre 2011 pour l’achèvement du SDCI, et que le préfet ne pourra arrêter celui-ci sans avoir consulté la commission départementale de la coopération intercommunale.
M. Krattinger a estimé que les préfets avaient trop de pouvoir, mais le seul pouvoir que nous leur avons donné, c’est celui d’élaborer un projet de schéma servant de base de travail aux élus membres de la CDCI : le schéma doit être une co-construction. Les débats venant seulement de commencer au sein des CDCI, il ne m’est pas possible de donner des indications, comme cela m’a été demandé, sur l’état d’avancement de ce travail. Il reste encore deux mois pour élaborer les schémas : donnons ce temps aux CDCI pour aboutir dans le plus grand nombre de cas possible, dans l’esprit de co-construction et de dialogue entre le préfet et les élus que j’invoquais à l’instant.
Madame Durrieu, nous entendons que les approches soient différenciées selon les territoires, afin de tenir compte des spécificités locales, comme vous le souhaitez.
Enfin, madame Espagnac, notre volonté est bien que cette réforme soit une nouvelle étape de la décentralisation, et en aucun cas une forme de recentralisation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre. À vous entendre, on a l’impression que vous oscillez entre deux positions : la première consiste à tenir ce texte pour ce qu’il est, à savoir un ensemble de mesures simples et pratiques ; la seconde est de considérer que l’adoption de ces mesures aurait pour effet de mener à un détricotage complet de la loi de décembre 2010.
J’ai indiqué d’emblée que le débat de fond sur le conseiller territorial se tiendrait à l’occasion de l’examen d’un texte spécifique. Nous ne fuyons donc nullement ce débat, bien au contraire.
Cela étant, parce que nous sommes concrets et réalistes, nous constatons que, en l’état actuel des choses, il faut prendre des dispositions sur un certain nombre de points.
S’agissant d’abord de la prolongation des mandats en cours des délégués des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale, il me semble que personne n’a formulé d’objection. C’est donc un point d’accord.
Pour ce qui concerne ensuite la question des dates, il me semble que vous faites une lecture erronée du texte adopté par la commission des lois. Je rappelle donc que l’alinéa 2 de l’article 7 prévoit que « le projet de schéma est établi avant le 31 mars 2012 ». Il s’agit bien de 2012, et non de 2013 ! L’alinéa 4 du même article dispose que « la proposition finale est adoptée avant le 31 octobre 2012 ». Quant à l’alinéa 17 de l’article 5, il précise que le schéma « est mis en œuvre par arrêtés préfectoraux ». Pour ce qui est de la date butoir pour recueillir l’avis des communes, celle que prévoit l’alinéa 5 de l’article 7, à savoir le 31 janvier 2013, est antérieure de deux mois, voire de quatre mois, à celle qui figurait dans le projet initial.
En ce qui concerne les dates, le texte adopté par la commission des lois est donc limpide. Pour peu que vous la preniez en considération, monsieur le ministre, la réalité de son contenu est de nature à dissiper vos craintes.
Cela étant posé, faut-il que le changement de date – que chacun, à commencer par M. le Premier ministre, considère comme indispensable – soit inscrit dans la loi ? De nombreux parlementaires, tels MM. Jacques Pélissard et Jean-René Lecerf, Mmes Valérie Létard et Nathalie Goulet, ainsi que la majorité des membres de la commission des lois, sont de cet avis. Je n’ai entendu personne soutenir qu’il serait préjudiciable ou mauvais qu’il en soit ainsi ! J’en conclus qu’il y a un accord sur ce point. Dans ces conditions, il serait préférable que ce report de date que chacun appelle de ses vœux fût inscrit dans la loi.
De même, je n’ai entendu aucune objection contre le maintien des syndicats scolaires en vigueur – sauf, bien entendu, si les élus sont d’accord pour les supprimer –, ni même contre la possibilité d’en créer, le cas échéant.
Par conséquent, si je fais abstraction de l’habillage politique et idéologique des propos de M. le ministre, je constate que, sur les trois mesures simples et pratiques que je viens d’évoquer, soit il y a accord, soit aucun argument n’a été présenté pour fonder l’absence d’accord…
Dans ces conditions, j’appelle de mes vœux un vote favorable sur au moins ces trois mesures, qui constituent l’essentiel de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi du texte à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 16.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Patrice Gélard, auteur de la motion.
M. Patrice Gélard. Je voudrais commencer mon intervention en félicitant le président de la commission des lois… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
La proposition de loi qu’il avait déposée est en effet un modèle de ce qu’il faut faire : un seul article de cinq lignes, une rédaction d’une clarté absolue. Un tel texte ne pouvait que recueillir un accord unanime ! (Sourires.)
Certes, on a relevé que l’emploi du mot « menace » pouvait peut-être poser problème. C’était sans doute là une erreur de style ; pourtant, le style de M. Sueur est toujours parfait…
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai ! C’est trop d’honneur !
M. Bruno Sido. Attendez la suite…
M. Patrice Gélard. À l’arrivée, toutefois, la proposition de loi se compose de douze articles, dont le plus court compte quatre lignes et le plus long quatre-vingt-neuf, chacun de ces articles étant subdivisé en alinéas, dont le nombre peut aller jusqu’à dix-neuf… Voilà ce qu’un bon législateur ne doit pas faire !
On a quelque peu tendance, en effet, à multiplier les amendements, à rédiger des articles de plus en plus longs, alors qu’une bonne loi est concise et que ses articles ne traitent pas d’un ensemble de sujets disparates, comme c’est le cas par exemple de l’article 5 du présent texte.
Je tiens néanmoins à rendre hommage au travail assez remarquable accompli par le rapporteur de la commission des lois, M. Alain Richard. (Sourires.)
Le train de mesures qu’il a su constituer est satisfaisant en apparence. D’abord, il a eu l’intelligence d’intégrer à ce train toute une série de propositions avancées notamment par M. Pélissard, qui faisaient pratiquement l’unanimité sur nos travées. Un certain nombre de membres de notre groupe en ont été gênés, dans la mesure où le wagon de M. Pélissard en côtoyait d’autres qui ne passaient pas forcément aussi bien…
À ce stade, nous sommes confrontés à plusieurs problèmes.
Ainsi, dans le rapport de M. Richard, il n’est plus du tout question du thème original : il s’agit simplement de faire en sorte que le changement intervenu le 25 septembre dernier trouve une traduction dans les lois qui ont été adoptés au cours de la session précédente !
De façon tout à fait étonnante, le chandail que nous avions confectionné se trouve entièrement détricoté,…
M. Claude Bérit-Débat. Pas du tout !
M. Patrice Gélard. … afin d’en faire un autre avec la même laine ! Malheureusement, ce nouveau chandail n'a plus la même taille ni la même forme que le précédent… (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Pour illustrer mon propos, je prendrai quelques exemples.
Il nous a été dit tout à l’heure que le projet de loi de réforme des collectivités territoriales n’avait pas été accompagné d’une étude d'impact suffisante.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la vérité !
M. Patrice Gélard. Or il en va de même pour la présente proposition de loi !
On a également prétendu que l’élaboration du projet de loi avait été bâclée, marquée par une concertation insuffisante ; le présent texte encourt le même reproche.
Par conséquent, les critiques qui ont été formulées à l'encontre de la loi de réforme des collectivités territoriales peuvent tout aussi bien s’appliquer à la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui. Surtout, aucune étude des conséquences qu’entraînerait l’adoption des dispositions de cette dernière n’a été réalisée. Quelles seraient les conséquences pratiques de la mise en œuvre du report de date proposé ? Quelles seraient les conséquences pratiques de la modification du rôle des CDCI ? Ne sera-t-on pas, comme je le crois, contraint de refaire tout le travail déjà accompli ? Cela prendra du temps, et le calendrier initialement fixé ne pourra donc être tenu.
En outre, parmi les wagons de M. Richard se sont glissés quelques wagons de marchandises… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) D’autres encore apparaîtront au cours de l’examen des articles.
Par exemple, la commission a adopté ce matin un amendement visant à prévoir que, dans certains domaines, les pouvoirs de police du maire pourront être transférés à des syndicats de communes.
M. Alain Richard, rapporteur. C’est déjà dans la loi !
M. Patrice Gélard. Ce n'est pas tout à fait exact. Par ailleurs, une telle évolution pourrait conduire un jour à proposer de transférer les pouvoirs de police du maire à un concessionnaire de service public ! Pour ma part, je me méfie comme de la peste de cette tendance consistant à multiplier les concours de pouvoirs de police.
J’en viens à un deuxième wagon de marchandises.
Dans cette proposition de loi, on a multiplié les dispositions visant à augmenter le nombre de vice-présidences dans les EPCI (M. Alain Gournac s’exclame.), à élargir la représentation des communes dans les grandes intercommunalités, etc. Si l'on examine attentivement chacune des mesures du texte qui nous est soumis, on s'aperçoit que, à la suite de glissements successifs, des revendications que nous avions rejetées presque unanimement lors de l’élaboration de la loi de réforme des collectivités territoriales sont maintenant présentées comme tout à fait légitimes. Eh bien elles ne le sont pas !
Je pense que l’on est allé trop vite en besogne. Ce n'est pas en dix jours que l’on peut établir un nouveau texte, et refaire entièrement la réforme élaborée l’année dernière.
Cela a été dit, il y a de bonnes choses dans ce texte. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) M. Sueur a mis en exergue un certain nombre de points d’accord. L’intention initiale était excellente, mais il faut retravailler cette proposition de loi, en éliminer tous les ajouts inutiles, toutes les scories,…
M. Roger Karoutchi. Absolument !
M. Patrice Gélard. … toutes les dispositions dont la seule finalité est de détruire ce qui a été fait voilà quelques mois.
M. Jacques Legendre. C’est très vrai !
M. Patrice Gélard. C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion tendant au renvoi du présent texte à la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.
M. Jean-Pierre Michel. La présentation de cette motion constitue, à l'évidence, une manœuvre de retardement. (Protestations sur les travées de l’UMP.) D'ailleurs, depuis le début de l'après-midi, nous avons pu constater à quel point le Gouvernement, d'habitude beaucoup moins loquace, se perdait en explications plus ou moins vaseuses ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) M. le président de la commission des lois l’a fort bien montré tout à l'heure.
S’il ne s’agit pas là d’une manœuvre dilatoire, pourquoi des membres du groupe UMP ont-ils déposé ce matin en commission de nombreux amendements, dont certains ont d’ailleurs été adoptés ? De deux choses l'une : ou bien vous voulez que ce texte soit renvoyé à la commission, ou bien vous considérez que celle-ci a déjà assez travaillé, comme semble le montrer le fait que vous ayez vous-mêmes présenté des amendements ce matin.
Aujourd’hui, le groupe socialiste est heureux. Il est exact, monsieur Gélard, que nous avons profité de l’examen de cette proposition de loi de M. Sueur pour étendre son dispositif, afin de répondre aux préoccupations de nombreux élus locaux, ainsi qu’aux réserves qu’avait suscitées parmi eux la méthode employée pour réformer l’intercommunalité. Ces préoccupations, ces réserves, vous les avez entendues comme nous durant tout l’été. Les élus locaux s’inquiètent du caractère précipité de cette réforme et se demandent à quoi tout cela va aboutir.
La présente proposition de loi vise donc à répondre à de telles interrogations pragmatiques. À cet égard, le groupe socialiste félicite le rapporteur, Alain Richard, qui a accompli un travail remarquable au cours de deux longues séances de commission. Il était nécessaire de consacrer du temps à l’examen d’un tel texte. Nous avons ainsi pu aborder toutes les questions soulevées, et M. Richard a accepté des amendements issus de l’ensemble des groupes. La commission a donc fourni un travail approfondi. M. le rapporteur a personnellement procédé à de nombreuses auditions.
Pour que ce travail ait été utile, il faut que le texte soit promulgué avant la fin de l'année. Chacun, dans cet hémicycle puis à l’Assemblée nationale, devra donc prendre ses responsabilités devant l'ensemble des élus locaux. D'ailleurs, depuis que le rapport de la commission des lois a été publié, j'ai reçu de nombreux appels téléphoniques ou courriels de félicitations de la part d’élus locaux de mon département, y compris de membres de l’UMP ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Ils me disent espérer que nous serons suivis par l’ensemble de nos collègues. C’est la réalité !
Bien entendu, nous voterons contre cette motion dilatoire tendant au renvoi du texte à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Cette proposition de loi telle qu’issue des travaux de la commission comporte douze améliorations consensuelles du texte de la loi de décembre 2010. Au cours de la discussion générale, elles n’ont fait l’objet d’aucune objection.
Permettez-moi d’énumérer ces améliorations, afin de bien fixer les choses : la modulation du plancher des 5 000 habitants ; la prise en compte des particularités géographiques au regard du principe de continuité territoriale ; la prime favorisant l'entente entre les collectivités pour le choix de la répartition des sièges au conseil communautaire ; l'amélioration de la suppléance dans le cas des communes à conseiller communautaire unique ; le nouveau tableau de modulation du nombre de vice-présidents ; la clause de rendez-vous à l'issue du prochain renouvellement municipal ; le maintien des mandats en cours ; la recréation des syndicats pour reprendre les compétences non déléguées aux communautés fusionnées ; le maintien des syndicats si leurs compétences ne sont pas reprises par les communautés ; le statut de l’élu communautaire, sur proposition de notre collègue Bernard Saugey ; l'amélioration de la concertation sur la question des pouvoirs de police, dont le transfert, monsieur Gélard, est déjà permis par la loi du 17 mai 2011 ; enfin, l'obligation d’un devoir de conseil financier des administrations de l'État face aux ambiguïtés et aux incertitudes fiscales.
Tous ces points qui sont aujourd'hui soumis à votre approbation font l’objet d’un consensus. Au moins la moitié de ces dispositions émanent de représentants de la minorité sénatoriale. Le travail d'écoute, de dialogue et d'amélioration de la loi a donc été fait.
En ce qui concerne l’adoption du schéma départemental de la coopération intercommunale, j’en appelle à votre bonne foi, monsieur le ministre, monsieur Hyest et monsieur Gélard.
Le dispositif actuel est fondé sur une coupure : avant le 31 décembre 2011, le schéma doit être adopté ; pendant la période allant du 1er janvier 2012 au 1er juin 2013, ce schéma pourra être remis en cause par le préfet, qui sera soumis aux instructions du Gouvernement, que ce soit avant ou après mai 2012. Comme l’a très justement fait remarquer Mme Gourault tout à l’heure, la législation actuelle ne garantit pas l’expression collective des élus si le préfet procède à des modifications du schéma qu’ils auront adopté.
Bien entendu, personne ne met en cause la probité et la hauteur de vues du corps préfectoral.
M. Alain Gournac. Ce n’est pas ce qu’on avait cru entendre !
M. Alain Richard, rapporteur. Mon expérience me permet d’affirmer qu’il fait honneur à l’État et le sert bien. Sa grandeur tient aussi au fait que, en toutes circonstances, quelles que soient les difficultés et les controverses, un préfet applique les instructions du gouvernement, quel qu’il soit. C’est vrai aujourd’hui, et ce le sera demain.
Dans les cas difficiles, nous pensons que la sagesse collective de la CDCI est au moins aussi estimable que le sens de l’État du préfet. Je rappelle d’ailleurs que ce dernier préside la CDCI, ce qui préserve entièrement son rôle d’initiative et de régulation.
Comme l’a parfaitement démontré M. Sueur, dans la mesure où, pour notre part, nous n’opérons pas la coupure que j’évoquais à l’instant, nous considérons que les conseils municipaux doivent se prononcer sur le schéma élaboré par la CDCI et les nouvelles communautés se constituer alors, sans qu’une période de plus d’un an soit laissée à l’exercice de l’initiative préfectorale, éventuellement non contrôlable. Ainsi, monsieur le ministre, avec notre dispositif, les nouvelles communautés seront constituées avant le débat prévu par la législation actuelle, et non pas après, et ce sans risque que le schéma adopté par la CDCI soit contredit par une initiative préfectorale.
En cas de consensus, la proposition de loi prévoit que la CDCI pourra, dès le 1er janvier 2012, recueillir sans nouveau délai le consentement des conseils municipaux pour que les nouvelles communautés soient créées. Dans cette hypothèse, nous irons plus vite que ne le permet le dispositif actuellement en vigueur ; c’est la CDCI qui aura pour mission de vérifier si la situation est consensuelle ou non.
Si la situation n’est pas consensuelle – il est regrettable que nous ne sachions toujours pas, monsieur le ministre, combien de départements sont dans ce cas, mais il semble que vous ne le sachiez pas non plus –, un nouveau délai sera ouvert pour que la CDCI procède à une concertation ouverte, sans obligation d’aboutir à une décision. C’est dans cette seule hypothèse que l’achèvement de la carte de l’intercommunalité interviendra à la fin de l’année 2012, c’est-à-dire plus tôt, en tout état de cause, que ne le prévoit la loi de décembre 2010.
Je tiens à vous assurer de notre bonne foi : mon rapport et nos amendements ne procèdent pas d’une intention maligne de défaire ce qui a été fait par le législateur. La preuve en est que nous maintenons le dialogue entre la CDCI et le préfet, sans considération de préséance. Le dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité est entièrement préservé, selon le même calendrier et avec davantage de garanties en matière d’impartialité.
J’en appelle au témoignage de M. Gélard, législateur expérimenté et grand juriste : si nous ne devons pas manquer de considération pour la loi antérieurement adoptée par le Parlement, il ne faut pas non plus faire preuve de dédain à l’égard du droit d’initiative parlementaire, cette grande conquête de la démocratie que tout le monde ici a défendue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Peut-être reste-t-il un peu de travail à accomplir sur ce texte, monsieur Gélard. Je suis tout à fait disposé à entendre vos remarques à ce sujet et à prendre en considération les imperfections que vous pourriez être amené à relever dans la suite du débat, mais cela ne devrait pas occuper beaucoup de votre temps de parole… En tout état de cause, le cas échéant, il pourra être aisément remédié à de telles imperfections : il suffira que le Gouvernement, prenant en compte les éléments consensuels qui figurent dans cette proposition de loi, laisse s’engager la navette, sachant que nos collègues députés souhaiteraient eux aussi pouvoir discuter ce texte, en particulier M. Pélissard. Ce serait là de votre part, monsieur le ministre, un geste d’ouverture : puisque vous avez fait référence aux propos tenus par M. le président Bel, le moment est venu de vous en inspirer ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Tout à l’heure, M. Gélard a souligné que cette proposition de loi, qui comptait à l’origine un seul article, en comporte désormais onze de plus, dont il est difficile de mesurer les conséquences. On voit bien que les appréciations des uns et des autres ne sont pas totalement convergentes à cet égard.
M. Alain Richard, rapporteur. Il suffit de lire le texte !
M. Philippe Richert, ministre. Dans ces conditions, eu égard à l’ampleur du texte, il paraît légitime de renvoyer celui-ci à la commission, afin d’étudier plus en profondeur son impact.
Au-delà, je rappelle une nouvelle fois que le Sénat a débattu pendant plus de cent heures du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Il convient donc de consacrer du temps à l’examen du présent texte, qui vise à remettre en cause la loi de façon substantielle.
Je le redis, mon approche n’est pas dogmatique. Pourquoi refusez-vous l’application de la loi telle qu’elle a été votée pour les départements où un accord a pu être trouvé ?
M. Claude Bérit-Débat. Nous ne le refusons pas !
M. Philippe Richert, ministre. Dans les cas difficiles, je souhaite que l’on puisse trouver des solutions pragmatiques. Pour ma part, j’ai déjà indiqué sur quels points je suis tout à fait disposé à aller dans le sens de vos propositions.
Monsieur le rapporteur, vous m’avez demandé de préciser le nombre de départements où un consensus n’apparaît pas. Comme je le disais tout à l’heure, le débat ne fait que commencer au sein des commissions départementales de la coopération intercommunale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) On trouvera toujours, au sein d’une CDCI, une ou deux personnes qui expriment un désaccord ; faut-il, pour autant, tout remettre en cause lorsqu’un très large consensus se dégage ?
Mme Odette Herviaux. Parfois, oui !
M. Philippe Richert, ministre. Pourquoi ne pas admettre simplement que les dispositions actuelles de la loi de réforme des collectivités territoriales s’appliquent lorsque les propositions du préfet ont pu être modifiées afin de répondre à l’attente du plus grand nombre des élus ?
Pour l’heure, je ne peux qu’émettre un avis favorable sur la motion tendant au renvoi à la commission de la présente proposition de loi, même si, je le répète, j’approuve certaines de ses dispositions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la motion n° 16, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 13 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La motion tendant au renvoi à la commission n’ayant pas été adoptée, le débat va donc se poursuivre. Je m’en réjouis d’autant plus qu’il suscite un vif intérêt, comme en témoigne l’affluence dans notre hémicycle. Les élus locaux, nous le savons, attendent des réponses aux problèmes concrets qui se posent à eux.
Par ailleurs, il n’aura échappé à personne que, nonobstant le fait qu’ils aient présenté une motion tendant au renvoi du texte à la commission, un certain nombre de nos collègues du groupe UMP ont déposé force amendements ; je ne doute pas qu’ils seraient déçus de ne pouvoir les défendre ! (M. Alain Gournac s’exclame.) Je pense ici tout particulièrement à M. Hyest, qui a pris le soin de rédiger au moins un amendement sur chaque article.
Or le temps imparti pour examiner ces différents amendements n’est pas à la hauteur de l’intérêt qu’ils recèlent. C’est pourquoi je propose, monsieur le président, de renvoyer la suite de l’examen du présent texte à la fin de l’ordre du jour de demain, le soir et éventuellement la nuit. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir soumettre cette proposition au vote de notre assemblée, souveraine en matière d’organisation de l’ordre du jour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Il s’agit effectivement d’un sujet important, sur lequel nous avons tous beaucoup à dire.
Cela étant, permettez-moi de vous faire observer respectueusement, monsieur le président de la commission des lois, que si le présent texte n’avait pas été alourdi de tous les wagons qu’a évoqués M. Gélard tout à l’heure (Sourires.), nous aurions sans doute pu achever son examen avant 18 heures 30, comme cela était prévu.
Le fait est que vous avez laissé filer les affaires (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.), et que nous nous retrouvons bien en peine de mener à son terme ce soir la discussion de ce texte.
J’attire votre attention sur le fait que, lors de la dernière conférence des présidents, M. Bel a indiqué qu’il nous fallait impérativement avoir achevé cette discussion à 18 heures 30, un autre débat important devant commencer à cette heure.
Vous proposez maintenant que nous reprenions l’examen de cette proposition de loi demain soir. Afin que les membres de notre groupe puissent se concerter, je demande une suspension de séance.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement se tient bien sûr à la disposition du Sénat. Je dois cependant indiquer que, demain soir, je serai à l’Assemblée nationale, pour participer à la discussion des dispositions du projet de loi de finances pour 2012 concernant les collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais le Gouvernement est multiple !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)
M. François Zocchetto. Une modification substantielle de l’ordre du jour nous est proposée.
J’observerai d’abord que cette situation était prévisible, et qu’il n’est donc pas normal que l’on ait attendu ce soir la dernière extrémité pour en parler : ceux d’entre nous qui ont participé aux dernières réunions de la conférence des présidents pourront confirmer que la question a déjà été évoquée au sein de cette instance.
Dans sa sagesse, le président de la commission des lois avait attiré l’attention de M. le président du Sénat et de l’ensemble de la conférence des présidents sur le risque de voir la présente discussion excéder le créneau horaire imparti à l’ordre du jour réservé au groupe socialiste-EELV. À une très large majorité, la conférence des présidents avait néanmoins décidé qu’il n’y avait pas lieu de modifier l’ordre du jour.
Je relèverai ensuite que les onze articles supplémentaires ajoutés à la proposition de loi initiale émanent du groupe socialiste-EELV. La commission, sous la houlette de M. le rapporteur, a certes accompli un brillant travail, mais la rédaction initiale du texte s’est trouvée complètement modifiée.
M. Alain Richard, rapporteur. Non ! Pas du tout !
M. François Zocchetto. La responsabilité de la situation présente incombe donc clairement à ce groupe.
Demain, d’autres propositions de loi doivent être examinées, dans le cadre de l’ordre du jour réservé aux groupes UMP et UCR. Pour notre part, nous présenterons un texte qui fait déjà l’objet de quelque quatre-vingts amendements. Je le dis sans ambages, il ne peut y avoir deux poids, deux mesures ! Si nous sommes conduits à modifier très substantiellement l’ordre du jour afin d’achever la discussion de la proposition de loi du groupe socialiste, j’entends que nous le modifiions également lorsqu’une circonstance analogue se présentera pour l’examen de textes présentés par d’autres groupes.
Bien évidemment, nous ne refusons pas de débattre d’un sujet qui, depuis des mois, passionne chacun d’entre nous. Ayant rencontré nombre d’élus locaux au cours des dernières semaines, je suis moi aussi impatient de proposer quelques modifications au texte actuellement en vigueur.
Néanmoins, une telle discussion ne peut pas être menée à la va-vite, dans n’importe quelles conditions. En application de l’article 29 du règlement du Sénat, je demande donc que la conférence des présidents soit réunie afin de se prononcer sur l’ordre du jour de cette semaine. Si cet ordre du jour doit être modifié, il faut que ce soit de manière globale et équilibrée. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Le groupe UMP considère qu’il ne serait pas convenable de prendre une décision aussi importante hors la conférence des présidents.
En effet, lors de la conférence des présidents du 12 octobre dernier – à laquelle j’ai pris part, comme M. Zocchetto –, M. le président Bel a précisément décidé de maintenir à quatre heures le temps imparti à la discussion de cette proposition de loi. Je cite les propos qu’il a alors tenus : « Il n’est guère possible d’aller au-delà de 18 heures 30, le débat sur les prélèvements obligatoires nécessite trois heures et la séance doit être levée avant minuit, celle du lendemain devant reprendre à 9 heures. »
Vous-même, monsieur le président de la commission des lois, aviez alors déclaré : « Dans ces conditions, je préfère maintenir ce temps à quatre heures, pour permettre de terminer la discussion dans les délais impartis. »
Monsieur le président, je considère qu’il serait irrespectueux, à l’égard des parlementaires présents sur l’ensemble de nos travées, de décider sans concertation une telle modification de notre ordre du jour.
Ainsi, à l’instar de M. Zocchetto, nous demandons, conformément à l’article 29, alinéa 2, du règlement du Sénat, que cette question soit tranchée par la conférence des présidents. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’article 29, alinéa 2, du règlement du Sénat stipule que la réunion de la conférence des présidents peut être demandée par deux groupes au moins pour un ordre du jour déterminé.
Il y a des précédents récents, dont voici le « pompon » : une proposition de loi présentée par le groupe UMP, qui devait être examinée dans le cadre de l’ordre du jour réservé à ce dernier, a été entièrement débattue et votée hors de ce créneau. En outre, au printemps dernier, l’examen de six textes, qui avait commencé dans le cadre des ordres du jour réservés aux groupes politiques, s’est ensuite poursuivi hors de ceux-ci, sans autre forme de procès…
M. Alain Gournac. Ce n’est pas du tout pareil !
M. le président. C’est exactement la même situation aujourd’hui, mon cher collègue !
Je pourrais demander au Sénat de statuer sur cette question. Toutefois, M. le président du Sénat vient de m’indiquer que la conférence des présidents se réunira à dix-huit heures quarante-cinq pour trancher. Aussitôt après, nous aborderons la suite de l’ordre du jour, conformément à ce qui avait été initialement prévu.
La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, permettez-moi de faire observer que la nouvelle majorité sénatoriale pratique ce qu’elle dénonçait hier… Voilà quelques semaines, on nous annonçait pourtant une nouvelle gouvernance ! Je rappellerai ce précepte bien connu : nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Alain Gournac. C’est une honte !
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Donneur de leçons !
M. le président. Monsieur Buffet, comme je viens de l’indiquer, c’est la conférence des présidents, réunie à la demande des groupes UCR et UMP, qui va décider. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour la réunion de la conférence des présidents.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-neuf heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
12
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, je vous donne lecture des conclusions de la conférence des présidents qui vient de se réunir :
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Jeudi 3 novembre 2011
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (texte de la commission, n° 40, 2011-2012) ;
De 15 heures à 19 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UCR :
2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (n° 740, 2010-2011) ;
À 19 heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Texte de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, présentée par Mme Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 63, 2011-2012) ;
4°) Suite de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (texte de la commission, n° 68, 2011-2012) ;
5°) Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État.
Éventuellement, Vendredi 4 novembre 2011
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 9 heures 30 et 14 heures 30 :
- Suite de l’ordre du jour de la veille.
Le reste de l’ordre du jour est inchangé.
Je vais mettre aux voix les conclusions de la conférence des présidents.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 14 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’ordre du jour est ainsi complété.
J’ai été saisi de plusieurs demandes de prise de parole, à commencer par Mme Catherine Troendle.
Vous avez la parole, ma chère collègue.
Mme Catherine Troendle. Le groupe de l’UMP prend acte de ce passage en force. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nos arguments n’ont pas été entendus, y compris celui concernant l’incertitude qui pèse sur la présence effective d’un ministre demain soir dans l’hémicycle, M. Richert ne pouvant vraisemblablement pas se libérer. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Le président Jean-Pierre Bel a appelé de ses vœux un fonctionnement républicain du Sénat, et je me permets de soumettre cette profession de foi à votre réflexion, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. –Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Je regrette également les circonstances dans lesquelles cette modification de l’ordre du jour est intervenue. Nous sommes nombreux ici à souhaiter qu’un tel événement ne se reproduise pas.
En l’occurrence, c’est bien le Sénat, et non le Gouvernement, qui porte la responsabilité de cette difficulté. La proposition de loi qu’il était prévu d’examiner cet après-midi dans un délai de quatre heures contenait initialement un seul article, avant qu’elle ne se transforme subitement en un texte de douze articles…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Disons qu’elle a été enrichie !
M. François Zocchetto. Quoi qu’il en soit, les emplois du temps des uns et des autres doivent faire l’objet d’un minimum de respect.
Je regrette que les différentes propositions d’aménagement de l’ordre du jour que nous avions avancées n’aient pas été retenues. La décision prise va sérieusement compliquer le travail de tous nos collègues. Je le déplore vivement, et, je le répète, nous ne devons pas prendre cette habitude.
Si, au sein de l’ordre du jour réservé aux groupes, les textes de trois lignes se transforment systématiquement en textes de trente pages, nous allons au-devant de grandes difficultés. Et le travail parlementaire n’en sortira pas grandi ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Le débat en conférence des présidents a été riche et, s’il a duré si longtemps, c’est parce que M. le ministre a tenu à répondre à tous les arguments.
Nemo auditur propriam turpitudinem allegans, mes chers collègues. Vous le savez, la moitié des nouveaux articles ont été proposés par la minorité du Sénat.
M. Alain Richard. Eh oui !
M. François Rebsamen. Voilà pourquoi nous avons souhaité poursuivre l’examen de ce texte, ainsi que de celui inscrit à l’ordre du jour du groupe de l’UCR, demain soir et, le cas échéant, vendredi.
Lors des semaines d’initiative, il est normal que le Sénat fixe lui-même son ordre du jour. Il n’y a donc aucun manquement à la démocratie, madame Troendle. En outre, il me semble que le vote majoritaire reste un fait démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Je ne vois rien qui puisse heurter la démocratie dans cette décision et, en toutes choses, il convient d’éviter les mots trop forts.
Je me permettrai de faire une suggestion de bon sens. Je ne sais trop si elle sera retenue…
Il est normal de réserver des niches aux groupes politiques. Reste que celles-ci peuvent en effet perturber notre emploi du temps, car il est très difficile de prévoir la durée des débats. Dès lors, la solution consisterait peut-être à débuter systématiquement l’examen de ces textes à vingt et une heures et à le poursuivre jusqu’à plus soif !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et l’on arrête la pendule si besoin ! (Sourires.)
M. François Fortassin. Les orateurs se feraient sans doute moins prolixes après une heure du matin, et il ne serait dès lors plus nécessaire de modifier l’ordre du jour ! (Sourires et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Applaudissements sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Au cours de la conférence des présidents qui vient de se dérouler, à laquelle j’ai moi-même participé, des propositions ont été formulées et une discussion s’est engagée, comme vient de l’indiquer M. Rebsamen.
Nous avons en effet voté en faveur de la modification de l’ordre du jour de nos travaux. Il nous a semblé important que l’examen des textes inscrits à l’ordre du jour de cette semaine sénatoriale d’initiative soit mené à leur terme.
Au demeurant, les choses ont été faites dans les règles et la démocratie a été respectée.
Cela étant, je profite de cet instant, monsieur le président, pour livrer une information à mes collègues de la commission des affaires sociales.
En raison de la transmission par l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale en fin d’après-midi, la commission des affaires sociales va devoir se réunir de façon impromptue, dès la suspension de séance, pour voter de manière formelle les dispositions qu’elle a adoptées ce matin.
13
Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, le débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, est-il opportun de commencer le débat maintenant, sachant que nous allons devoir suspendre nos travaux dans quelques instants ? Une interruption entre le propos de Mme la ministre, celui des représentants de la commission des finances et de la commission des affaires sociales et celui des différents orateurs pourrait être regrettable.
Après avoir consulté Mme la rapporteure générale et Mme la ministre, je pense qu’il serait préférable de commencer notre discussion après le dîner.
M. le président. Madame la ministre, que pensez-vous de la suggestion de M. le président de la commission des finances ?
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Une telle organisation permettrait de nouer un vrai dialogue avec la représentation parlementaire. Le débat ne serait pas entrecoupé par une pause de deux heures.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait d’accord !
14
Nomination de membres de commissions
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe de l’Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi qu’une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. Jean-Claude Gaudin membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à la place laissée vacante par M. Gérard Longuet, dont le mandat de sénateur a cessé ;
- M. Alain Gournac membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en remplacement de M. Jean-Claude Gaudin, démissionnaire ;
- M. Claude Léonard membre de la commission des affaires sociales en remplacement de M. Alain Gournac, démissionnaire.
15
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 2 novembre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-2012 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
16
Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012 (n° 73, 2011-2012), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq précises.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
17
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale m’a fait connaître qu’elle avait procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
18
Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (suite)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Dans le débat, la parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dès l’origine, le débat sur les prélèvements obligatoires a été conçu comme un rendez-vous stratégique. À travers lui, la Haute Assemblée, qui avait demandé sa création, voulait aborder les perspectives globales tracées par le projet de loi de finances et par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce soir, je vous présenterai donc les axes directeurs de notre politique fiscale. Naturellement, à travers cette dernière, ce sont aussi les fondements de notre stratégie budgétaire que j’aurai l’occasion d’évoquer.
Les principes directeurs de notre politique fiscale, mesdames, messieurs les sénateurs, sont la constance, la justice et l’efficacité. Nous portons donc un tout autre regard – cela ne vous surprendra pas – que Mme la rapporteure générale sur la politique fiscale conduite depuis bientôt cinq ans.
Madame Bricq, nous partageons toutefois, me semble-t-il, une même analyse de la situation de nos finances publiques. J’en veux pour preuve les chiffres qui figurent dans votre rapport et qui établissent clairement trois faits essentiels.
Premier fait que votre rapport met en lumière : la crise explique intégralement l’augmentation du déficit entre 2007 et 2012. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Oui, la crise, ou plutôt ce que vous appelez les « facteurs ne dépendant pas de l’action du Gouvernement » ! J’espère que vous serez entendue en dehors de cette enceinte et qu’il ne se trouvera désormais plus personne pour affirmer le contraire et tromper les Français.
Si la dette a augmenté partout en Europe – elle a d’ailleurs davantage crû en moyenne dans la zone euro qu’en France –, il y a bien une raison. Et celle-ci, c’est la crise !
Deuxième fait qui se déduit de la lecture de votre rapport : la politique du Gouvernement a permis de diviser par deux l’effet de la crise sur le déficit public. Comme vous le notez très justement, si le Gouvernement n’avait pas agi, le déficit se serait creusé non pas de 1,8 point, comme c’est le cas aujourd'hui, mais bien de 3,8 points de la richesse nationale entre 2007 et 2012. Sans notre détermination à redresser nos finances publiques, la France serait sans doute dans la situation que connaissent certains de nos voisins.
Troisième constat tiré des chiffres de votre rapport : l’action du Gouvernement pendant cinq ans aura débouché sur une amélioration structurelle du déficit public, à hauteur de 2,1 points de PIB. Là encore, je souhaite que vous soyez lue et que nous n’entendions plus parler de « cadeaux fiscaux » imaginaires à hauteur de 75 milliards d’euros. La mauvaise foi a des limites, et plus encore quand les circonstances exigent de tous le plus grand sérieux.
Notre stratégie, elle, est très claire et ses résultats sont visibles. Notre effort de réduction du déficit en cinq ans repose en priorité sur des économies en dépenses, à hauteur de 1,1 point de PIB, et ensuite, mais ensuite seulement, sur des recettes fiscales ciblées, à hauteur de 0,7 point de PIB, auxquelles s’ajoutent des recettes non fiscales.
Là encore, je ne fais que reprendre votre rapport et je me réjouis, madame Bricq, de vous voir l’écrire noir sur blanc. Force est de le reconnaître : notre politique est vertueuse et responsable, même si nous ne partageons naturellement pas les mêmes orientations.
Aujourd’hui, une même réalité s’impose à nous, quelles que soient nos convictions politiques, et elle porte un nom : la dette.
Notre niveau d’endettement est le fruit de la crise et de trente années de facilité, durant lesquelles nous avons vécu à crédit, avec une dette dont la valeur n’a jamais – j’y insiste – cessé de progresser. C’est pourquoi la priorité absolue du Gouvernement est de conduire la France sur le chemin du désendettement. Ce processus, mesdames, messieurs les sénateurs, comporte des étapes, qui sont toutes décisives : 2012, qui marquera le retour à 4,5 % du déficit – nous prendrons d’ailleurs toutes les mesures nécessaires pour nous en assurer, comme l’a souligné le Président de la République –, mais aussi 2013, avec un déficit réduit à 3 %, ce qui permettra à la France d’entamer son désendettement ; au-delà de 2013, il nous faudra poursuivre nos efforts, pour revenir à l’équilibre en 2016.
La seule manière d’y parvenir, c’est de faire des économies. Le déficit, c’est la hausse perpétuelle des dépenses qui l’a creusé.
M. François Marc. Ce n’est pas vrai !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons aujourd’hui un débat sur les prélèvements obligatoires, mais celui-ci ne doit pas nous conduire à perdre de vue cette évidence fondamentale : c’est d’abord grâce aux économies sur les dépenses que nous parviendrons à désendetter la France. Il faut cesser de penser et de dire que le problème de notre pays serait des prélèvements obligatoires insuffisants. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. François Marc. Ce sont les cadeaux fiscaux !
Mme Marie-France Beaufils. Les prélèvements fiscaux sont surtout inégalitaires !
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est un non-sens dans une nation qui présente à la fois l’un des plus hauts niveaux de dépenses publiques et l’un des plus hauts niveaux de prélèvements obligatoires.
La réalité, c’est que nous devons nous appliquer la même règle que tous les ménages et commencer par faire des économies. C’est pourquoi les textes que vous examinerez dans quelques jours marqueront un tournant historique, avec des dépenses de l’État qui baissent pour la première fois depuis 1945 et des dépenses sociales maîtrisées pour la troisième année consécutive. En effet, pour la troisième fois de suite, l’ONDAM, l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, sera tenu. Nous continuerons dans cette voie, parce qu’il n’y en a pas d’autre.
Madame la rapporteure générale, je me réjouis de vous voir reconnaître que des économies sur les dépenses sont indispensables. Toutefois, je ne peux que le constater, je vous sens très seule. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur les travées de l’UCR.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pas du tout !
M. Jean-Yves Leconte. Parlez-nous de votre parti ! Où sont vos amis ?
Mme Nathalie Goulet. Où sont les sénateurs de l’UMP ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est un fait : en pleine crise de la dette, les primaires socialistes se sont gagnées à coups de promesses et de milliards d’euros, et, à ce jour, aucune source précise d’économies n’a encore été évoquée par ceux-là mêmes qui ont pris ces engagements. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Daniel Raoul. Passons au vote tout de suite !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous resterons donc fidèles à ce principe intangible : la hausse générale des impôts n’a pas d’avenir en France ; elle n’est pas un avenir pour notre pays.
La véritable question, ce n’est pas celle du taux de prélèvements obligatoires. Vous le soulignez vous-même, madame la rapporteure générale, ce taux est « sans grande signification politique », a fortiori dans un contexte de crise économique, donc de forte variation des recettes et de la richesse nationale.
Non, la véritable question, la voici : ce pays choisira-t-il la voie de la hausse générale des impôts ou celle des prélèvements ciblés ? À nos yeux, la réponse ne fait aucun doute.
Il est en effet temps, mesdames, messieurs les sénateurs, de le reconnaître : les recettes fiscales ne peuvent être qu’un outil complémentaire, qui doit être manié avec des objectifs précis. Cette conviction, elle se trouve au cœur de notre stratégie fiscale depuis cinq ans.
M. Daniel Raoul. C’est ça ! Et les niches fiscales ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, vous rappelez vous-même les objectifs que s’est fixés le Gouvernement en 2008, avec la revue générale des prélèvements obligatoires : modifier la structure de notre fiscalité autour de trois grands axes, à savoir l’équité (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.), la compétitivité et, enfin, l’efficacité, avec, notamment, la fiscalité écologique.
M. Daniel Raoul. Pour l’équité, vous êtes mal partis !
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est précisément ce que nous avons fait. Car si la crise a rendu impossible toute baisse générale des prélèvements obligatoires, elle a aussi rendu plus nécessaire encore la refonte de notre système fiscal autour de ces trois objectifs. C’est pourquoi nous avons agi.
Premièrement, nous avons rendu beaucoup plus juste notre système fiscal.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une blague ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. À nos yeux, l’équité est une exigence fondamentale. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Elle l’est plus que jamais en période de crise. Tous les Français et toutes les entreprises participent aujourd’hui à l’effort national de réduction des déficits.
M. Daniel Raoul. Et les propriétaires de Rolex ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Toutefois, il est juste qu’il soit demandé plus aux ménages les plus aisés et aux plus grandes entreprises.
Mme Michèle André. C’est nouveau ça !
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est ce que nous avons fait, en partant d’un constat indiscutable : la prolifération des niches avait fini par « miter » l’impôt sur le revenu. Quant aux revenus du patrimoine et du travail, ils étaient inégalement taxés. Enfin, l’écart d’imposition entre les PME et les grandes entreprises se creusait. C’était inacceptable, et nous avons donc pris des mesures fortes.
Nous avons agi pour plus de justice fiscale pour les Français, tout d’abord. Je pense ainsi à l’impôt sur le revenu : avec le plafonnement global des niches, avec la réduction des avantages sociaux et fiscaux et la suppression des dispositifs inefficaces, nous avons reconstitué son assiette et nous lui avons rendu sa progressivité.
Il y a cinq ans, mais c’était aussi vrai à l’époque de Lionel Jospin, que certains d’entre vous ont mieux connu que moi, mesdames, messieurs les sénateurs, un ménage qui gagnait 1 million d’euros pouvait avoir un impôt sur le revenu égal à zéro, s’il choisissait les bonnes niches. Eh bien, c’est fini ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ça alors !
M. Claude Bérit-Débat. C’est de la caricature !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Avec le plafonnement global créé par le Gouvernement, aujourd’hui, ce foyer paie au moins 300 000 euros d’impôt sur le revenu.
M. Daniel Raoul. Quel aplomb !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces résultats, nous les devons à une politique constante de réduction de l’écart d’imposition entre les revenus du patrimoine et ceux du travail, une différence qui conduisait à taxer moins ceux qui avaient plus !
Là encore, c’est nous qui avons remis à l’endroit notre système fiscal. En cinq ans, nous avons pris vingt-cinq mesures, j’y insiste, qui alourdissent l’imposition des plus aisés ; elles portent en priorité sur les revenus de l’épargne et du patrimoine.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mieux vaut une bonne mesure que vingt-cinq mauvaises !
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’en veux pour preuve les décisions prises le 24 août dernier par le Premier ministre : en 2012, les ménages les plus aisés seront taxés trois fois.
Mme Michèle André. Les pauvres !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ils ont plus de revenus : ils acquitteront la contribution exceptionnelle de solidarité ; ils ont plus de biens immobiliers : ils seront concernés par la refonte de l’abattement sur les plus-values immobilières ; ils ont plus de patrimoine : ils devront acquitter des prélèvements sociaux plus élevés sur les revenus que celui-ci génère.
M. Daniel Raoul. On va pleurer !
Mme Christiane Demontès. Mais ils n’ont plus à payer l’impôt de solidarité sur la fortune !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je veux enfin le rappeler, c’est le Gouvernement qui a réformé l’impôt sur la fortune, afin de le concentrer sur les foyers les plus aisés et de mettre fin ainsi à des effets pervers dénoncés depuis des années. Le bouclier fiscal était une première réponse, encore imparfaite. (M. Daniel Raoul s’exclame.) En renforçant l’imposition sur la transmission plutôt que sur la détention et en alourdissant la fiscalité sur les plus hauts patrimoines, nous avons enfin fait de l’ISF un impôt plus intelligent (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste-EELV.), autrement dit, un impôt qui touche les plus aisés au lieu de peser sur des foyers qui bénéficiaient virtuellement de la hausse des prix de l’immobilier. Cette réforme est donc juste…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … et, comme vous le constatez vous-même, madame la rapporteure générale, elle est parfaitement financée en régime de croisière.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au total, en 2011 et en 2012, effet de la réforme de l’ISF compris, ce sont près de 2 milliards d’euros supplémentaires que nous aurons demandés aux plus aisés.
La justice, c’est aussi la redistribution. Là encore, les chiffres sont éloquents : avec le revenu de solidarité active, nous avons renforcé le pouvoir d’achat des Français, en particulier de ceux qui retrouvent le chemin de l’emploi. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est scandaleux de dire ça ! (Mme Christiane Demontès surenchérit.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous pose la question : vous préférez le revenu minimum d’insertion au revenu de solidarité active ? Si tel est le cas, vous avez tort, car le RSA est bien plus avantageux.
Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui d’un couple avec deux enfants qui est au SMIC : grâce au RSA, le revenu disponible de ce couple a augmenté de 256 euros par mois. Cela représente une hausse de 15 % entre 2006 et 2011. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Le RSA, je vous le rappelle, nous l’avons financé notamment avec une hausse de la fiscalité sur le patrimoine. Voilà le vrai symbole d’un quinquennat d’équité et de justice ! (Mêmes mouvements.)
C’est vrai également pour les entreprises : la question de l’écart d’imposition entre les grands groupes et les PME, nous l’avons prise à bras-le-corps. J’en veux pour preuve non seulement la suppression du bénéfice mondial consolidé, mais aussi la réforme de l’impôt sur les sociétés, avec la limitation des reports en avant et en arrière des déficits.
M. Claude Bérit-Débat. On n’a plus rien à faire alors !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons ainsi créé un impôt minimum pour les grandes entreprises bénéficiaires, qui vient s’ajouter à l’imposition forfaitaire annuelle, l’IFA, que ces mêmes entreprises continueront à acquitter. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
En retour, nous avons allégé la pression fiscale pesant sur les PME, qui bénéficient d’ores et déjà de la suppression de l’IFA. En outre, les PME sont les grandes gagnantes, vous le savez, de la disparition de la taxe professionnelle.
M. Jean-Jacques Mirassou. Tout va bien alors !
M. Jean-Jacques Mirassou. Qui a écrit le discours ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le sénateur, il s’agit d’un débat sur les prélèvements obligatoires et sur notre stratégie en la matière. Ayez donc la courtoisie de m’écouter quand je vous l’expose ! Vous aurez tous les arguments pour me répondre ensuite.
Je le disais, c’est un fait : nous avons renforcé l’équité fiscale.
Le deuxième objectif de notre politique fiscale était d’améliorer notre compétitivité.
Sur ce point également, nous avons agi en toute lucidité, à partir d’un constat très simple, un constat que, je l’espère, nous pouvons tous partager : la France souffrait d’un triple handicap. En effet, notre coût du travail était trop lourd, nous n’investissions pas assez et nous n’avions pas pris le virage de l’innovation.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous n’avons toujours pas pris ce virage !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Sur ces trois points, nous avons agi pour rendre la France plus compétitive et plus forte.
Nous avons commencé par rendre le travail plus attractif. Nous savons tous – à défaut de tous le reconnaître – que les 35 heures ont été une erreur, une faute historique. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Daniel Raoul. On y est !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ?
M. Daniel Raoul. Eh oui, vous êtes au pouvoir depuis dix ans !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Au moment même où nous les instaurions, Gerhard Schröder choisissait, quant à lui, une tout autre voie. Nos voisins allemands doivent donc notamment leur compétitivité à un chancelier social-démocrate qui a su regarder la réalité en face. Ce dernier avait d'ailleurs tenu ces propos historiques : « Les 35 heures en France, c’est une bonne nouvelle pour l’Allemagne. »
Avec Lionel Jospin, la France est allée à contresens. Les 35 heures n’ont pas seulement alourdi le coût du travail pour les entreprises,…
M. François Fortassin. Pourquoi ne pas les avoir supprimées ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’y viens, monsieur le sénateur.
… elles ont également pesé sur le pouvoir d’achat des Français. En outre, elles ont contraint l’État à acquitter chaque année des milliards d’euros d’allégements de charges pour éviter que les Français les moins qualifiés ne soient les victimes de cette politique absurde. C’est pourquoi nous n’avons jamais remis en cause ces exonérations de charges.
M. François Fortassin. Eh bien, il fallait le faire !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, nous leur avons permis de gagner plus en travaillant plus, grâce à la défiscalisation des heures supplémentaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Daniel Raoul. Elle est bien bonne !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette mesure, libre à vous de la critiquer, voire d’en proposer la suppression ! Mais, dans ce cas, allez jusqu’au bout et dites aux neuf millions de Français qui en bénéficient que vous avez le projet de leur retirer 450 euros chaque année. Ils ont le droit de le savoir !
Les mesures de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », profitent à 90 % aux classes moyennes grâce non seulement aux heures supplémentaires, mais également à la suppression des droits de succession sur les patrimoines des classes moyennes qui sont le fruit d’une vie de travail.
Vous souhaitez taxer le travail ; nous préférons l’encourager.
C’est bien cet objectif d’encourager le travail qui nous a guidés lorsque nous avons appliqué le taux réduit de TVA au secteur de la restauration. J’ai lu votre rapport sur le sujet, madame la rapporteure générale, mais il oublie de mentionner les emplois créés dans ce secteur, l’amélioration de la couverture des salariés et la hausse de leurs rémunérations ainsi que les baisses de prix. Il oublie également de rappeler que, en 2000, une ministre de l’emploi, nommée Martine Aubry, avait demandé au Premier ministre de l’époque l’application de la TVA à taux réduit dans la restauration pour « moderniser ce secteur ». Vous le voyez, parfois de grands esprits se rencontrent…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il n’y a jamais eu d’accord au sein du groupe socialiste sur ce sujet !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Renforcer l’économie française face à la crise, cela implique également de favoriser l’investissement, qui soutient la croissance et crée des emplois.
J’ai entendu le parti socialiste proposer de ressusciter un dispositif que Lionel Jospin lui-même avait décidé de supprimer, tout simplement parce qu’il ne marchait pas : le taux variable d’impôt sur les sociétés en fonction du niveau d’investissement.
Il aurait été bien plus simple, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter avec nous la suppression de la taxe professionnelle (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.), cet impôt « imbécile », selon le mot de François Mitterrand, qui pénalisait les entreprises qui investissent ! Vous auriez été bien inspirés de le faire, car, Mme la rapporteure générale le reconnaît elle-même, les résultats sont là.
M. Claude Bérit-Débat. Avec quelles conséquences ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. En effet, quelles sont les trois grandes gagnantes de la suppression de la taxe professionnelle ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Les collectivités territoriales, peut-être !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce sont nos industries, nos PME et, plus spécialement, nos entreprises de taille intermédiaire. Autrement dit, ce sont les trois maillons clefs dont notre économie a besoin pour créer des emplois et reconquérir des parts de marché à l’export, afin de sortir renforcée de cette crise.
Oui, cette réforme a amélioré notre compétitivité ! La suppression de la taxe professionnelle constitue sans doute le meilleur investissement que l’État ait réalisé depuis longtemps. Je regrette que vous vous soyez opposés à cette réforme majeure ; je n’ose imaginer que vous l’ayez fait par pure tactique politique.
Je constate également que vous n’avez jamais cessé de vous opposer à la refonte du crédit impôt recherche.
M. Daniel Raoul. C’est faux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’y reviendrai.
Pour renforcer notre compétitivité et continuer à simplifier la vie de nos entreprises, nous devons également regarder ce qui se passe ailleurs en Europe et avancer sur le chemin de la convergence.
C’est la raison pour laquelle, sous l’impulsion du Président de la République et de la Chancelière Angela Merkel, nous avons fixé un calendrier précis pour harmoniser les impôts sur les sociétés de la France et de l’Allemagne. Au premier trimestre de 2012, les gouvernements français et allemand feront des propositions précises sur le sujet, afin que ce dispositif soit mis en œuvre sans délai.
La compétitivité passe également par l’innovation. Or, chacun le sait, la France avait pris du retard en la matière : l’État lui-même n’investissait plus assez, et l’effort de recherche et développement de nos entreprises restait très insuffisant.
Avec 9 milliards d’euros en cinq ans pour nos universités et notre recherche, sans compter les 22 milliards d’euros que les investissements d’avenir réservent à l’innovation, la France a fait plus que rattraper son retard. Grâce au crédit impôt recherche, nos entreprises sont elles aussi au rendez-vous.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’Allemagne n’a pas de crédit impôt recherche, et ses entreprises s’en sortent très bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2007 et 2009, le nombre d’entreprises bénéficiant de ce dispositif a augmenté de 60 %. Qui plus est, 80 % des nouveaux déclarants sont des PME. J’ajoute que l’industrie est le premier secteur – et de loin – à bénéficier du crédit impôt recherche. C’est pourquoi je regrette, madame la rapporteure générale, que vous n’ayez pas eu un mot pour ce dispositif qui dope notre compétitivité.
Notre politique fiscale nous a permis de bâtir une France plus forte, une France qui, sans naïveté mais avec détermination, s’impose dans la mondialisation au lieu de se replier sur elle-même.
M. Daniel Raoul. Ce sera tout ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le troisième axe de notre politique fiscale est l’efficacité : nous nous donnons les moyens de modifier les comportements.
Là encore, nos objectifs sont simples : tout d'abord, modifier les habitudes des Français pour les mettre au service du développement durable ; ensuite, agir pour la santé publique.
La fiscalité verte, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est en effet ce gouvernement qui l’a mise en place. Dans la droite ligne du Grenelle de l’environnement, nous avons agi. Je pense par exemple aux dispositifs qui favorisent les économies d’énergie, comme l’éco-prêt à taux zéro ou encore au crédit d’impôt développement durable. Dans quelques jours, vous examinerez la prorogation de ce dernier, dans le cadre du projet de loi de finances ; vous constaterez alors que nous renforçons son efficacité en le concentrant sur les travaux qui ont le plus d’impact sur les économies d’énergie.
La fiscalité comportementale est un domaine nouveau. Peu à peu, nous affinons les dispositifs en tirant les leçons des évaluations et des études. C’est une démarche raisonnée, une démarche exemplaire, qu’illustre notamment le bonus-malus automobile.
J’en suis convaincue, personne ne reviendra jamais sur la fiscalité verte.
Certains affirment que nous avons créé beaucoup de taxes. De fait, nous avons appliqué la fiscalité verte à tous les produits polluants. C'est pourquoi de nombreuses taxes ont été créées dans le cadre de du Grenelle de l'environnement. Je sais que vous ne remettrez pas ces taxes en cause, car personne ne reviendra sur une fiscalité qui améliore les comportements en matière d’environnement et de développement durable.
M. Alain Richard. Il n’est pas encore certain que nous changerons de gouvernement… (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. De même, je suis convaincue que personne ne reviendra sur nos décisions en matière de santé publique.
Dans ce domaine, nous voulons passer à une politique préventive. Je pense non seulement à la hausse continue des prix du tabac, que nous avons mise en œuvre depuis 2004, mais aussi aux augmentations des impositions sur l’alcool et à la taxe sur les boissons contenant des sucres ajoutés, dont vous débattrez bientôt.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et sur les mutuelles ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est ce gouvernement qui aura été le premier à donner des signes très forts de sa détermination à lutter contre l’obésité, qui est devenue, vous le savez, l’un des premiers fléaux en matière de santé publique dans notre pays.
La prévention, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, c’est l’avenir de nos politiques de santé et la condition de la réduction de nos déficits sociaux. C’est pourquoi la fiscalité comportementale est appelée à se développer tout au long des années qui viennent. J’aimerais déjà être en 2015 ou en 2016 pour voir quelle sera l’évolution de notre fiscalité en la matière.
M. Alain Richard. Vous êtes donc convaincue de la victoire de la gauche en 2012. Merci !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Richard, ne prenez pas vos désirs pour des réalités. Prêtez plutôt attention à la cohérence de notre politique fiscale.
Nous avons semé une graine, et nous allons la faire fleurir. La voie fiscale des cinq prochaines années s’inscrira dans la lignée de cette fiscalité comportementale que vous critiquez abondamment, mais à tort, car c’est la voie de l’avenir. Vous devriez donc m’écouter davantage, plutôt que de rester dans votre bulle, persuadé que, puisque vous avez remporté les élections sénatoriales, vous avez déjà gagné l’élection présidentielle. Attendez un peu ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Les maîtres mots de notre politique fiscale sont l’équité, la compétitivité et l’efficacité. Oui, le Gouvernement fait des choix, des choix raisonnés et mûrement pesés ! Il les assume pleinement.
M. Daniel Raoul. Hélas !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Notre politique fiscale est le reflet de nos valeurs ; elle est également le reflet de nos convictions économiques. En la matière, s’engager dans une augmentation générale des impôts serait – je le répète avec force – une faute historique. Aucun pays européen n’a fait ce choix. Si elle le faisait, la France s’isolerait une fois encore, en s’engageant dans une voie sans issue : celle de la divergence européenne, celle du « grand soir fiscal » évoqué au cours des primaires socialistes, qui reste terriblement nébuleux. Je souhaite d'ailleurs qu’il le reste encore très longtemps, monsieur Richard !
Mme la rapporteure générale elle-même n’est pas parvenue à préciser les contours de ce « grand soir fiscal » : vous nous parlez, madame Bricq, d’un impôt unique, mais vous ne nous donnez pas le moindre détail ; cela intéresserait pourtant les Français…
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous ne sommes pas en campagne électorale !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous nous parlez de milliards d’euros de suppression de niches, en reprenant le constat de l’Inspection générale des finances, mais vous ne vous donnez pas votre avis sur chacune de ces niches.
En vérité, le flou le plus total règne. La seule chose qui soit claire, c’est que votre programme comportera une augmentation des impôts à hauteur de 50 milliards d’euros. C’est une erreur, car le seul chemin de désendettement qui soit à la fois réaliste et juste – j’y insiste, au risque de me répéter – passe d’abord, et avant tout, par une baisse des dépenses. C’est le cœur de la stratégie du Gouvernement, qui continuera dans cette voie pour garantir le respect de nos engagements. Dans l’intérêt du pays, je souhaiterais que la Haute Assemblée rejoigne ce chemin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, vous avez opportunément rappelé la singularité de ce débat sur les prélèvements obligatoires, dont la tenue est prévue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. Reste qu’il n’a lieu qu’au Sénat, car le calendrier imposé à nos collègues de l’Assemblée nationale les empêche de pouvoir l’organiser.
Ma première réflexion consiste à me demander si ce débat demeure pertinent. En effet, l’évolution de la gouvernance de nos finances publiques depuis l’adoption de la LOLF, en 2001, a montré que l’objectif recherché par ses auteurs – obtenir une vision consolidée des prélèvements obligatoires avant la discussion des deux lois financières – a été atteint par d’autres moyens.
De fait, cette approche consolidée a gagné du terrain : nous adoptons des lois de programmation des finances publiques qui fixent des objectifs consolidés en matière de prélèvements obligatoires ; nous votons chaque année sur le programme de stabilité, qui couvre les finances publiques dans leur ensemble – recettes et dépenses –, sans tenir compte de la segmentation entre les deux lois financières.
Ce constat étant fait, on pourrait considérer que ce débat n’est plus nécessaire, sauf lorsque le contexte politique justifie sa tenue. Or tel est précisément le cas cette année. En cette fin de quinquennat, j’ai fait un bilan de la politique menée par le Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires, dans le cadre du rapport sur les prélèvements obligatoires que j’ai commis au nom de la commission des finances. Certains s’en sont étonnés, mais j’estime normal, voire d’une évidente nécessité, à la veille d’une année au cours de laquelle seront tranchées les options qui engageront la France pour cinq ans, de faire le point sur les résultats obtenus par l’équipe sortante.
Je n’ai de surcroît pas innové. En 2006, le rapport sur les prélèvements obligatoires présenté par le Gouvernement de Dominique de Villepin comportait un bilan détaillé de la politique conduite entre 2002 et 2007.
Cela n’est pas le cas cette année. On peut penser, et je le pense, qu’un tel « oubli » n’est pas fortuit tant les choix fiscaux du quinquennat ont été nuisibles et incohérents dans la durée.
M. Daniel Raoul. C’est la vérité !
M. François Marc. Eh oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mes appréciations sur les différents volets de la politique de prélèvements obligatoires, et plus particulièrement de la politique fiscale, sont sévères, sévérité que je revendique.
J’ai du reste intitulé mon rapport Prélèvements obligatoires 2007-2012 : un quinquennat d’incohérences et d’injustices.
M. Jean-Jacques Mirassou. Au pluriel !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. De quelque côté que l’on se tourne, quel que soit le pan de la politique fiscale que l’on analyse, on est en effet saisi par l’incohérence et la partialité des choix.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous aurons le temps d’y revenir dans le détail dans les semaines qui viennent en examinant les amendements destinés à corriger les principales erreurs commises ces dernières années, dans l’attente d’une alternance qui permettra de remettre globalement notre système fiscal sur de bons rails.
Cependant, je ne peux tout de même pas ne pas mentionner les réformes successives de la fiscalité du patrimoine, dans le sens tantôt d’un allégement, tantôt d’un alourdissement, sauf pour une catégorie bien déterminée de Français, les plus riches, qui, eux, sont toujours gagnants, que le mouvement soit à la baisse ou à la hausse ! Tout cela est non seulement injuste, mais aussi illisible.
Je dois aussi mentionner la fiscalité des entreprises et revenir sur la réforme de la taxe professionnelle.
Vous avez allégé de près de 5 milliards d’euros les charges qui pèsent sur les entreprises, dégradant d’autant le déficit structurel, cette réforme ayant été financée par l’emprunt. Ce faisant, vous avez provoqué un désordre sans précédent dans les finances locales et même, comme nous l’avons observé la semaine dernière en examinant en commission une enquête de la Cour des comptes, perturbé sensiblement la reforme de votre administration.
Or les entreprises avaient-elles besoin de ce dispositif ? On peut en douter si l’on fait la liste des mesures qui, depuis lors, ont accru les prélèvements qui pèsent sur elles, liste qui n’est d’ailleurs pas close puisqu’une surtaxe de l’impôt sur les sociétés est annoncée dans un projet de loi de finances rectificative ! Allez comprendre : après avoir allégé cet impôt de 5 milliards d’euros, on le surtaxe en fin de quinquennat… Incohérence, une fois encore !
Quoi qu’il en soit, on attend toujours l’étude économique sur les effets de la réforme de la taxe professionnelle sur la compétitivité, la croissance et l’emploi, puisque c’est au nom de ces trois facteurs que Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi nous avait à l’époque présenté cette réforme comme nécessaire. On doute cependant que le bilan soit positif.
Vous avez parlé, madame la ministre, du crédit impôt recherche, dispositif pour lequel la période d’évaluation est, nous dit-on, de cinq ans. J’ai cependant observé, dans le cadre du travail de convergence fiscale avec l’Allemagne, que ce pays ne disposait pas d’un tel crédit d’impôt mais qu’il était très supérieur au nôtre en termes de compétitivité et de parts de marché. Les chiffres de notre commerce extérieur et nos pertes de parts de marché depuis, il faut bien le constater, une dizaine d’années me conduisent d’ailleurs à m’interroger sur la pertinence de nos dispositifs fiscaux.
Je m’arrête là et vous renvoie, mes chers collègues, au rapport de la commission pour ce qui est d’autres graves erreurs, qu’il s’agisse de la fiscalité écologique, que le Gouvernement a « plombé » dans l’opinion avec la calamiteuse taxe carbone, du régime des heures supplémentaires, contre-productif en période de chômage intensif et, hélas ! toujours croissant, ou encore des réformes allant dans le mauvais sens de la fiscalité immobilière.
Je veux maintenant aborder la contribution des prélèvements obligatoires à la trajectoire de nos finances publiques, ce qui est l’objet de ce débat.
Il ressort de l’analyse des programmations successives que le Gouvernement n’a, pendant trop longtemps, ni compris la nature ni perçu la profondeur de la crise de 2008 et qu’il a entretenu, jusqu’à tout récemment – y compris dans le programme de stabilité qu’il a transmis à la Commission en avril 2011 –, l’espoir de terminer la législature sans faire remonter le taux de prélèvements obligatoires au-dessus de son niveau de 2007. De ce point de vue, la programmation associée au projet de loi de finances pour 2012 marque une rupture puisqu’elle prévoit que notre pays battra son record en matière de taux de prélèvements obligatoires à partir de 2013, à 45 % et plus.
À ce sujet, je me souviens du débat de 1999, auquel j’ai participé dans une autre assemblée, entre majorité et opposition d’alors ; je note qu’il vous est de plus en plus difficile, madame la ministre, de nous accuser d’incarner les augmentations de prélèvements obligatoires puisque vous les avez vous-mêmes augmentés. Je me souviens aussi que, en début de quinquennat, le Président de la République s’était engagé à les diminuer de quatre points.
Votre refus de vous rendre à l’évidence constitue la raison principale de l’éparpillement et de l’incohérence de votre politique fiscale. Le Gouvernement augmente les impôts à reculons, mais il ne peut pas inscrire les mesures qu’il propose dans la cohérence, les privant ainsi de lisibilité pour les agents économiques : les ménages, qui épargnent au lieu de consommer, les entreprises, qui hésitent à investir, les collectivités locales, qui freinent leurs projets, leur taux d’investissement étant ainsi passé, je le rappelle, de 71 % à 63 %.
Pourtant, la hausse des prélèvements obligatoires que vous avez opérée est une évidence mathématique dès lors que l’on s’inscrit dans une trajectoire de réduction du déficit et, pour peu que l’on reconnaisse que la dynamique de la dépense publique dans notre pays est forte, on doit assumer, et non pas subir, les hausses de prélèvements pour les répartir – c’est une différence entre nous – de manière juste socialement et pertinente économiquement. Un exemple particulièrement éclairant du déni qui caractérise l’attitude du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires est fourni par ce qu’il est convenu d’appeler les « niches » fiscales et sociales.
On peut être d’accord, et je crois que nous le sommes tous, sur le fait que la réduction du poids des dispositifs dérogatoires est une nécessité ; notre désaccord, légitime en démocratie, porte sur les choix de réductions, madame la ministre. Au reste, il est paradoxal que le Gouvernement choisisse de réduire, de préférence, des niches jugées efficaces dans le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, rapport dont la commission des finances a disposé peut-être tardivement mais qu’elle a néanmoins eu le temps d’examiner dans le détail.
Encore plus grave à nos yeux est la perte de crédibilité de la parole publique que produit le discours du Gouvernement sur les niches fiscales.
D’une part, le Gouvernement considère que les réductions de niches n’ont pas les mêmes effets économiques que les hausses faciales des barèmes. C’est absurde : toutes les hausses de prélèvements obligatoires, niches ou non, ont un impact sur la croissance économique.
D’autre part, le Gouvernement communique sur le fait qu’il réduit les niches plutôt que de procéder à des augmentations généralisées de la fiscalité. Ce n’est pas vrai ! Parmi toutes les mesures soumises au Parlement en 2010 et 2011, il apparaît que plus de 40 % portent sur des dispositifs non dérogatoires, donc généraux, et moins de 30 % sur des niches au sens strict.
Si le Gouvernement communique sur les niches, c’est aussi pour s’abstenir de remettre en cause plus profondément la structure de nos « grands » impôts, à commencer par l’impôt sur les sociétés, qui est tellement « mité » que ses « modalités de calcul » coûtent presque autant que ce qu’il rapporte, soit près de 40 milliards d’euros !
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, ce débat sur les prélèvements obligatoires est très utile, car il éclaire l’avenir. Le bilan des cinq dernières années auquel j’ai procédé dans un rapport écrit l’est également, car c’est le précipité de tout ce qu’il ne faut pas faire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela ne va pas être la même chose !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires est le coup d’envoi de la session budgétaire ; à la vérité, c’est le seul débat qui nous offre une vision consolidée du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Notre nouvelle rapporteure générale est bien dans son rôle lorsqu’elle s’efforce de dresser un bilan de la politique en matière de prélèvements obligatoires du quinquennat qui va s’achever. La critique est facile, madame la rapporteure générale ! Soyez cependant assurée que nous serons très attentifs aux propositions…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Attentifs et impatients ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … que vous ne manquerez certainement pas d’exprimer dans les jours et les semaines qui viennent…
M. François Rebsamen. Absolument !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et que nous serons – avec une correction totale – tout aussi exigeants à votre égard que vous l’êtes aujourd'hui vis-à-vis du Gouvernement.
Mme Nathalie Goulet. Correct mais ambigu tout de même !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Peut-être aussi avez-vous tendance à considérer ce quinquennat comme une seule et même période, alors qu’il se divise en trois temps : avant la crise, pendant la crise de 2008-2009, durant la période que nous espérons être la sortie de crise.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On n’y est pas !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous savez fort bien que ce sont, dans une large mesure, les circonstances internationales qui ont conduit à remettre en cause les politiques publiques en cours de mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les prélèvements obligatoires !
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Ce n’est pas ce que disait Mme la ministre !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la rapporteure générale, j’ai lu avec grand intérêt votre rapport. J’y ai même trouvé des passages stimulants, en particulier les critiques que vous portez sur les régimes d’aide à l’investissement immobilier, car il m’a semblé à vous lire que vous n’étiez, en votre fors intérieur, peut-être pas très loin de partager la vision libérale selon laquelle la fiscalité ne devrait pas trop interférer avec le fonctionnement normal du marché. C’est en tout cas plutôt de cette façon que j’ai interprété le scepticisme que vous exprimez à propos des mesures d’aide fiscale à l’investissement immobilier.
Au moins pourrait-on reconnaître que ces dispositifs n’ont pas été complètement hors de propos dans la période de récession que nous avons connue au tournant des années 2008 et 2009…
Sans doute faudra-il aussi cependant, sur un autre plan et le moment venu, que nous nous livrions ensemble, mes chers collègues, à l’analyse du rapport coût-efficacité de la suppression de la taxe professionnelle,…
M. François Rebsamen. En effet !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … car, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, cela reste, aujourd'hui encore, reconnaissons-le, un sujet de perplexité.
M. François Rebsamen. C’est un euphémisme !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite articuler cette brève intervention autour de trois remarques.
Tout d’abord, il me semble qu’il ne faut pas en rester à une polémique inutile et stérile sur le taux des prélèvements obligatoires.
Nous devrions être à 44,5 % en 2012, voire à 45 % en 2013 selon Mme Bricq, contre 44 % en 2007.
Peut-être devrions-nous nous souvenir du débat que nous avons eu à la charnière des années 2008 et 2009 : nous étions descendus, chère collègue rapporteure générale, à un taux de 42 %, jamais connu depuis les années quatre-vingt.
M. François Rebsamen. À quel prix !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À l’époque, vous n’avez pourtant pas félicité le Gouvernement.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il se félicite tout seul !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Or cette baisse du taux de prélèvements obligatoires était simplement liée à l’effondrement de certaines ressources fiscales, l’impôt sur les sociétés notamment. Nous pensions même que nous allions nous situer à un niveau de 40 %.
Convenons que le taux de prélèvement obligatoire rapporté au PIB est un outil ambigu, imparfait, auquel on se réfère faute de mieux, mais dont l’interprétation ne peut pas être la même à chaque instant du cycle économique.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Absolument !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas polémiquer que de souligner cette autre ambiguïté majeure consistant, pour la nouvelle majorité sénatoriale, par votre voix, madame la rapporteure générale, à reprocher au Gouvernement d’avoir maintenu un niveau élevé de prélèvements obligatoires, …
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il ne fallait pas faire de promesses !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … tout en plaidant pour une augmentation significative des mêmes prélèvements obligatoires.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pas de la même manière !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Que vous le vouliez ou non, il faudra bien que vous expliquiez cette contradiction qui me semble forte.
Ensuite, ma réflexion portera sur la méthode appliquée aux niches fiscales ou à la dépense fiscale.
Pour préserver la compétitivité de la France dans un contexte d’ouverture et d’interdépendance de nos économies, et ce dans la conjoncture incertaine, voire imprévisible que nous connaissons, le Gouvernement a pris la décision – sage, de mon point de vue – d’éviter d'agir par un relèvement général des impôts ou même par le relèvement de certains d'entre eux.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Et la taxe sur les mutuelles, c'est quoi ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À mon sens, il a eu raison de préférer prélever – c’est, je suppose, madame la ministre, ce que vous allez nous proposer prochainement – un supplément temporaire de ressources sur les plus fortes capacités contributives, qu'il s'agisse de personnes physiques, de foyers fiscaux ou d’entreprises. C'est également à juste titre qu’il nous invitera à une politique de réduction importante des niches fiscales. Lesquelles ? Où ? À quel moment ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On attend !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la rapporteure générale, vous vous référez à une approche intelligente, celle du rapport Guillaume, qui a entrepris une sorte de cotation des régimes par degré d’efficacité. La commission Guillaume, c'est un peu l'agence de notation de la dépense fiscale. Toutefois, mes chers collègues, aussi sérieuse soit-elle, cette démarche demeure une simple évaluation administrative,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C'est vrai, mais c'est la première fois que cela existe.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … qui ne prend pas en compte l’impact politique de la suppression ou du maintien de tel ou tel dispositif. À la vérité, madame la rapporteure générale, en tant qu'ancien membre de ce corps, j'ai été très touché par l’hommage que vous avez rendu à l'inspection générale des finances. (Sourires.)
Toutefois, cette démarche issue du rapport Guillaume ne peut déboucher que sur des mesures ciblées qui, à mon avis, dans la période actuelle, sont autant de pièges, comme on l’a très bien vu lors de la discussion du collectif budgétaire de printemps ; je pense par exemple à l'idée d'une TVA majorée sur les entrées dans les parcs à thème. On comprend bien qu’un rapporteur général qui s'inscrit dans l'opposition au Gouvernement est tout à fait dans son rôle en souhaitant que celui-ci tombe dans de tels pièges.
En période de crise, les mesures ciblées se heurtent nécessairement à des oppositions catégorielles ou corporatives exprimées par les lobbies et les groupes d’intérêt.
M. Aymeri de Montesquiou. Bien sûr !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Or, dans le même temps, il est encore plus urgent que dans une période ordinaire d’agir et de « faire rentrer l’argent ».
La seule façon de le faire et de contourner la difficulté, c’est le recours à une mesure arithmétique simple, le « rabot large » appliqué à une assiette étendue. Cette méthode est seule susceptible de garantir un rendement élevé et rapide, tout en étant équitable et acceptable politiquement, dès lors que l’effort exigé par la situation actuelle des finances publiques et par l'état de troubles que nous connaissons dans le monde financier international et dans la zone euro est le plus largement partagé possible.
Les évaluations conduites cette année par la commission des finances révèlent qu’il est possible, en recourant à ce procédé, de majorer les rentrées d’impôt sur le revenu et de TVA de plusieurs milliards d’euros.
L'un des exemples qui vient le plus spontanément à l'esprit est bien celui de certains secteurs d'activité qui bénéficient aujourd'hui d’une TVA à taux réduit de 5,5 % …
Mme Nathalie Goulet. La restauration !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et qui pourraient fort bien, sans modifier de manière sensible le comportement des agents économiques, supporter une TVA à 7 %. C’est ce que je proposais ici même l'an dernier. Cela représenterait simplement une réduction de 10 % de l’avantage dont bénéficient le secteur du BTP et celui de l'hôtellerie-restauration.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’essentiel réside dans le respect de notre trajectoire de convergence des finances publiques et que l’action publique doit aussi passer au moins autant par la réduction des dépenses que par les dépenses fiscales.
Certes, je quitte là très brièvement le débat sur les prélèvements obligatoires stricto sensu pour évoquer les sujets que nous examinerons lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 et sur lesquels nous avons commencé à nous pencher en commission des finances, mais je tiens à souligner que la réflexion menée sur l’évolution des finances publiques a trop longtemps privilégié la définition de nouvelles recettes.
Il faut donc se féliciter, madame le ministre, que le Gouvernement auquel vous appartenez ait eu le courage d’agir déjà sur les dépenses publiques. Cela s'inscrit dans une contrainte annuelle d'augmentation limitée à 0,6 % dans le cadre de la loi de programmation triennale des finances publiques, alors que l'augmentation annuelle moyenne sur les dix années précédentes était de 2,4 %. À ce sujet, il convient de rappeler que l’objectif de déficit de 3 % du PIB en 2013 repose sur une réduction sans précédent du rythme d’évolution des dépenses. Ce courage doit être d’autant plus souligné que nous sommes à la veille d’échéances électorales essentielles.
En ce qui concerne la méthode et à titre de conclusion, …
M. Claude Domeizel. Enfin !
M. François Fortassin. Déjà ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur Fortassin, mes collègues du groupe UMP ont accepté que je profite un peu du temps de parole qui leur est accordé. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) J’espère que cela ne vous choquera pas. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Claude Domeizel. Ce n'est pas normal !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite exprimer des doutes sur notre capacité collective à cibler telle ou telle catégorie de dépense. Si l’on souhaite « tailler dans le vif » et désigner les charges qu’il convient de diminuer, sans doute faut-il procéder dans la période actuelle de la même manière dans le domaine budgétaire et dans le domaine fiscal. De même que le rabot fiscal doit être réglé au plus large, la toise budgétaire doit être la plus uniforme possible. Les efforts à accomplir susciteront d’autant moins de contestations qu’ils seront partagés par le plus grand nombre.
Certes, le chemin qui va nous être proposé pour les prochaines semaines sera ardu et nous aurons à nous adapter aux circonstances. J’espère que ce débat sur les prélèvements obligatoires nous guidera, compte tenu tant des éléments d'ordre de grandeur que de la vision consolidée des enjeux qu’il doit nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je tiens à préciser que le dépassement du temps de parole réservé à M. le président de la commission des finances sera décompté du temps de parole global accordé au groupe UMP. (Murmures sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Berson. C'est la confusion des genres !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons le débat sur les prélèvements obligatoires dans des circonstances bien différentes de celles de l’an dernier. La brutale aggravation du contexte économique depuis quelques semaines, avec la hausse du chômage et la crise des dettes européennes, nous contraint plus que jamais à avoir un discours sans langue de bois, sérieux et responsable.
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous sommes également à la veille d’échéances électorales majeures pour notre pays et nous devrons présenter à nos concitoyens un bilan complet, une analyse détaillée et sincère de la politique menée depuis dix ans.
Le regard permanent des marchés nous interdit d’ailleurs de travestir la réalité. Celle-ci est malheureusement sombre. La situation de nos comptes publics, et singulièrement de nos comptes sociaux, est arrivée au bout d’une logique. Nous ne pouvons plus procrastiner. Le Gouvernement a gravement failli en laissant filer les déficits et en refusant de prendre les décisions qui pourtant s’imposaient et sont aujourd’hui plus nécessaires encore pour un retour rapide à l’équilibre des comptes sociaux.
Vous le savez bien, ces prélèvements sociaux ne permettent pas, et depuis trop longtemps, de couvrir les dépenses de sécurité sociale. Le ratio de couverture des dépenses par les recettes qui était, pour le régime général, de 96,6 % en 2008 – nous le jugions déjà très faible – est passé à 92,3 % en 2010. Il remonte en 2012 mais dépassera à peine 95 %. Vous le voyez, nous sommes très loin du principe, inscrit dans le code de la sécurité sociale, de l’équilibre de chacune des branches de la sécurité sociale !
Cette persistance de déficits à un niveau très élevé a conduit la Cour des comptes à analyser en détail leur nature et à chercher à en distinguer la part conjoncturelle et la part structurelle. D’après ses estimations, plus des deux tiers du déficit du régime général en 2010 ont un caractère structurel, essentiellement dû à une insuffisance de recettes. Avant la crise, la Cour des comptes avait évalué le niveau du déficit structurel de la sécurité sociale à environ 10 milliards d’euros, précisément celui qui est enregistré chaque année depuis 2004. On ne peut s’empêcher de penser que la situation aurait été bien différente si la sécurité sociale avait abordé la crise avec des comptes équilibrés...
Malheureusement, pour l’avenir, la distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel présentera peu d’intérêt. En effet, même en retenant l’hypothèse d’une croissance forte et régulière assortie d’une bonne maîtrise des dépenses de santé, le déficit annuel du régime général restera fixé aux alentours de 10 milliards d’euros jusqu’en 2014, comme le montre la prévision pluriannuelle de l’annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, bâtie, cette année encore, sur des hypothèses extrêmement volontaristes, à savoir une croissance annuelle de 2 % pour le PIB et de 4 % pour la masse salariale à partir de 2013.
Seules des mesures nouvelles significatives pourront donc permettre une réduction du déficit, le retour de la croissance étant tout juste suffisant pour stabiliser le solde actuel, contrairement à ce que nous a longtemps dit le Gouvernement.
Récemment, toutefois, vous semblez avoir un peu changé d’optique, peut-être sous la regrettable pression des marchés. Cela se manifeste par l’augmentation du taux des prélèvements obligatoires prévue pour 2011 et 2012. Cette hausse n’est en effet possible que grâce à l’adoption de mesures nouvelles. Mais, malgré tout, comme le montre également l’annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou les perspectives de la loi de programmation votée l’année dernière, nous sommes encore très loin de l’équilibre.
Une question, terrible, se pose alors : le Gouvernement aurait-il abandonné tout objectif de retour à l’équilibre des comptes sociaux ? Nous le craignons et le déplorons.
Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport du mois de septembre, cette situation de déficit perpétuel des comptes sociaux est une véritable exception française. Aucun autre pays européen ne laisse filer ses déficits de la protection sociale au-delà des inévitables ajustements conjoncturels. En Allemagne, par exemple, il est même interdit aux caisses d’assurance maladie d’être en déséquilibre.
Pour quelle raison n’avons-nous pas compris – je ne peux m’empêcher de viser là, en premier lieu, le Gouvernement actuel – qu’il est totalement irresponsable de financer à crédit des dépenses courantes ? Est-il moralement admissible de prévoir d’imposer à nos enfants et à nos petits-enfants de payer nos dépenses de santé en plus des leurs ?
Bien sûr, les comparaisons internationales et même simplement européennes doivent être utilisées avec précaution, car tout dépend aussi de l’organisation de nos systèmes respectifs. Mais la Cour des comptes, qui s’est penchée avec discernement sur la question, considère que nous sommes réellement les seuls à enregistrer de manière constante de tels niveaux de déficits sociaux.
Aussi, face à la situation actuelle, je suis animé par deux certitudes : la première est que notre système de protection sociale est, cette fois-ci, réellement menacé du fait de l’ampleur des déficits atteints; la seconde est que nous devons cesser de reporter nos difficultés d’aujourd’hui sur les générations futures en creusant encore la dette.
Cela signifie que tous nos efforts et notre réflexion doivent désormais porter sur la manière de réduire les déficits des années à venir. Autrement dit : comment financer le maintien d’un haut niveau de protection sociale pour nos concitoyens, tout en tenant compte, bien sûr, du montant déjà élevé de nos prélèvements obligatoires et des contraintes de compétitivité d’une économie ouverte ?
La maîtrise des dépenses est évidemment essentielle – je le dis à nos collègues de l’opposition, ici, au Sénat –, dès lors qu’elle est juste et mise en œuvre dans un vrai souci d’efficience, mais ce n’est pas notre sujet de débat aujourd’hui.
La définition d’un niveau de recettes suffisant pour assurer une bonne couverture sociale est en effet la priorité. Je constate d’ailleurs qu’aucun observateur, aucune institution, aucun expert avisé n’exclut, en la matière, une hausse des prélèvements pour faire face aux dépenses supplémentaires, liées notamment au vieillissement de la population. La Cour des comptes elle-même – et on ne peut la suspecter de laxisme – ne cesse de rappeler, rapport après rapport, cette nécessité. Philippe Séguin, d’abord, puis Didier Migaud l’ont vigoureusement affirmé plusieurs fois devant notre commission.
Cette dernière proposera d’ailleurs, la semaine prochaine, des mesures concrètes lors de l’examen du PLFSS pour 2012. Mais il est d’ores et déjà possible de définir les grandes pistes qu’elle retient. Elles s’orientent autour de trois axes : en premier lieu, la révision des mesures coûteuses et sans fondement, au premier rang desquelles je place les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, votées dans le cadre de la loi TEPA d’août 2007, qui représentent un coût de 3,5 milliards d’euros pour la sécurité sociale (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.) ; en second lieu, l’amplification de la réduction des niches sociales, qui constitue un levier prioritaire pour le relèvement des finances publiques, au travers notamment de la hausse du forfait social, de l’accroissement des contributions sociales sur les retraites chapeaux, les stock-options ou les parachutes dorés ; …
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … en troisième lieu, la mobilisation de nouvelles ressources, en organisant, par exemple, un meilleur ciblage des allégements généraux de charges sociales, dont le coût total est supérieur à 20 milliards d’euros.
Avant de terminer mon propos, je voudrais insister sur la dette sociale, qui, vous le savez, atteindra 141 milliards d’euros à la fin de l’année. Elle résulte, pour sa majeure partie, de l’accumulation des déficits sans précédent des dix dernières années. Le gouvernement actuel en porte bien l’entière responsabilité, puisqu’elle a plus que doublé depuis 2007.
Afin d’en permettre le remboursement, 15 milliards de prélèvements sont affectés à la CADES pour couvrir à la fois la charge d’intérêt et l’amortissement de cette dette. Est-il satisfaisant de devoir se priver aujourd’hui de ces ressources pour corriger les défaillances du passé ? Nous nous privons là d’une réelle marge de manœuvre qui contraindra tous les gouvernements jusqu’en 2025 !
Si nous avions augmenté la CRDS, recette en principe exclusivement affectée au remboursement de la dette sociale – comme l’a d’ailleurs toujours souhaité notre commission, y compris dans sa précédente configuration – au lieu de ponctionner les différentes branches, nous disposerions aujourd’hui de 9 milliards d’euros de ressources supplémentaires pour les différentes branches de la sécurité sociale. Cette somme correspond à la part de CSG prélevée sur le FSV – le fonds de solidarité vieillesse – et la branche famille et à la part du prélèvement social sur les revenus du capital antérieurement affectée au Fonds de réserve pour les retraites.
En conclusion, mes chers collègues, dans ce contexte très préoccupant pour les finances publiques et sociales de notre pays, notre commission a choisi de vous livrer deux messages, simples mais essentiels.
À l’évidence, nous ne pouvons plus continuer dans la voie tracée depuis dix ans : nous devons nous interdire de transférer des prélèvements sociaux aux générations futures, par le maintien de déficits structurels élevés et par le biais d’une gestion différée de la dette ; le retour à l’équilibre est une priorité.
Et, pour ce faire, nous devons sans tarder mobiliser les prélèvements nécessaires, en exploitant toutes les marges de manœuvre encore disponibles – il y en a ! – afin de préserver un modèle de protection sociale auquel nous sommes tous attachés et qui ne pourra survivre qu’avec une volonté très affirmée de mettre en place les recettes nécessaires à la couverture de besoins maîtrisés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yves Daudigny, vient de dresser un tableau grave et même alarmant de nos finances sociales. Mme la rapporteure générale de la commission des finances l’avait également évoqué auparavant.
Notre sécurité sociale connait en effet les plus grandes difficultés ; notre système même de protection sociale est aujourd’hui menacé.
Tel est le résultat de la politique budgétaire, fiscale, sociale inefficace menée depuis des années. C’est la conséquence du refus systématique du Gouvernement de trouver des recettes pour assurer un meilleur équilibre financier de notre protection sociale et de l’inertie opposée devant les préconisations de tant d’experts, de tant de rapports, notamment de la Cour des comptes, pour une mobilisation plus active des niches sociales et fiscales.
Nous avons toutes et tous en mémoire, à la commission des affaires sociales – Yves Daudigny le rappelait à l’instant – les propos tellement clairs de Philippe Séguin sur le sujet. Didier Migaud ne dit pas autre chose, aujourd’hui, quand il déclare qu’il est urgent de recourir à ces assiettes largement exemptées de contributions sociales.
Nous le savons, les recettes existent. Nous sommes nombreux à l’affirmer et mon groupe ne fait pas exception.
Je pense à cet instant aux nombreuses interventions de Guy Fischer pour dénoncer le tabou des niches sociales et fiscales. Pourquoi, madame la ministre, est-il si difficile de les mobiliser ?
Votre gouvernement a préféré faire le choix de la maîtrise de la dépense publique, une « maîtrise ambitieuse », proclamez-vous même ! Or nous assistons plutôt à la réduction, parfois même l’amputation, de la dépense publique.
En matière de protection sociale, cette politique a des conséquences immédiates pour un grand nombre de nos concitoyens qui doivent subir sacrifices et injustices. Vous avez même, dans le cadre du PLFSS, que nous examinerons la semaine prochaine, fait des choix profondément injustes, par exemple en décidant l’assujettissement à la CSG du complément de libre choix – disposition heureusement supprimée par les députés –, puis en prévoyant le report de trois mois de la revalorisation des allocations familiales.
Madame la ministre, vous vous attaquez ainsi directement aux ménages les plus modestes, aux foyers avec de jeunes enfants. N’y a-t-il vraiment aucune autre « cible » à mettre à contribution ?
L’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « Une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés. »
Il s’agit d’un principe fondamental, auquel la commission adhère, mais que vous semblez avoir oublié ces dernières années. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis, mais le Conseil des prélèvements obligatoires en faisant référence, dans son rapport de mai 2011, à une enquête de l’INSEE qui indique que, depuis 2004, le niveau de vie des plus modestes a cessé d’augmenter plus rapidement que celui des niveaux intermédiaires, tandis que celui des plus aisés continuait de progresser, essentiellement en raison de l’augmentation rapide des revenus du patrimoine.
Les revenus du patrimoine : voilà une piste facile à exploiter ! D’ailleurs, le dernier collectif budgétaire a augmenté les prélèvements sociaux qui les affectent, mais de 1,2 point seulement !
N’était-il vraiment pas possible d’aller plus loin ? Pourquoi ne pas envisager que ces prélèvements sur les revenus du capital alimentent davantage le budget de l’État ?
Peut-être pourrez-vous nous expliquer, madame la ministre, pourquoi, dans le contexte actuel si tendu des finances publiques, le Gouvernement se prive d’une telle marge de manœuvre ?
Permettez-moi de faire une autre citation tirée du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires : « Globalement, le taux d’effort moyen des ménages a augmenté de 4,3 points entre 1990 et 2009 […] Ce taux d’effort n’a pas augmenté de façon identique pour toutes les catégories de ménages. »
Dans le secteur social, c’est évident ! Avec l’addition, dans le domaine de la santé, des franchises, des dépassements d’honoraires ou encore de la hausse du coût des mutuelles, force est de constater que les efforts ne sont pas répartis équitablement. Ces ponctions sur les ménages ne sont pas du tout effectuées en proportion de leurs revenus.
Le débat de ce soir nous aura permis de faire le constat – Mme la rapporteure générale de la commission des finances l’évoquait également dans sa conclusion – qu’il est donc urgent de changer l’orientation de notre politique de prélèvements obligatoires. La commission des affaires sociales, dans sa nouvelle configuration, en a pleinement conscience.
Mes chers collègues, comme l’a annoncé Yves Daudigny, nous nous emploierons à faire des propositions audacieuses et constructives à l’occasion du débat sur le PLFSS. Il nous faut en effet mettre un terme à l’incroyable accumulation de déficits que nous connaissons aujourd’hui. Nous aurons surtout à cœur de répartir équitablement les efforts entre l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelques chiffres désastreux doivent nous faire prendre conscience de l’urgence d’une réforme de nos prélèvements obligatoires : un déficit budgétaire de98 milliards d’euros ; 10 points d’écart entre une dépense publique démesurée – 54 % du PIB – et des prélèvements obligatoires parmi les plus hauts de l’Union européenne – 44,2 % du PIB ; 75 milliards de déficit commercial, interne à l’Union européenne pour 60 %.
Votre tâche est ardue, madame la ministre, car avec une croissance modeste de 1 %, vous devez trouver 10 milliards d’euros sur le budget pour 2012. Il serait, me semble-t-il, prudent de considérer une hypothèse de croissance encore plus faible, et donc des recettes moins importantes. S’il y a un surplus par rapport aux prévisions, il devra être consacré à réduire le déficit.
Votre tâche devient schizophrénique dès lors que l’on compare nos impôts à ceux de nos partenaires et concurrents européens. Les nôtres devraient être baissés dans le cadre d’une harmonisation fiscale, mais le niveau de notre déficit budgétaire en rend, hélas ! l’augmentation inévitable.
J’y ajouterai une réduction urgente et indispensable de la dépense publique, qui excède de 162 milliards d’euros celle de l’Allemagne.
Comment entendre Alphonse Allais en demandant plus à l’impôt et moins au contribuable ?
M. François Marc. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Les classes moyennes sont surtaxées. Il n’est pas souhaitable de s’acharner encore plus sur elles.
Inspirons-nous du justicier Robin des Bois : après avoir, enfin, abrogé le bouclier fiscal, créons une cinquième tranche imposant les détenteurs des plus hauts revenus. Ce serait justice que ceux-ci participent proportionnellement à leurs revenus à l’indispensable effort fiscal national. Une fiscalisation des contrats dérivés à 0,01 % et des actions-obligations à 0,1 % pourrait rapporter 8 milliards d’euros. Il serait normal, car équitable, de taxer les stock-options et les parachutes dorés au niveau des revenus.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Pour éviter un exode fiscal improbable, pourquoi ne pas prendre exemple sur les États-Unis, qui imposent leurs citoyens en fonction de leur appartenance à la collectivité nationale et non selon leur résidence ?
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Les niches fiscales représentent une dépense fiscale approchant les 65 milliards d’euros, sur lesquels nous pourrions prélever 10 %.
M. François Marc. Voilà !
M. Aymeri de Montesquiou. Je n’entrerai pas dans le détail : la baisse de la TVA dans la restauration, la loi Scellier, le PTZ, entre autres, s’ajoutent à toutes ces niches dont l’incidence positive est estimée comme nulle part Henri Guillaume, inspecteur des finances, dans un rapport publié pour la Cour des comptes, déjà cité par le président de la commission des finances, Philippe Marini.
M. François Marc. Il y en a beaucoup !
M. Aymeri de Montesquiou. L’alternative est la suivante : soit une réduction des niches selon les critères retenus par Henri Guillaume, ce qui provoquera un gigantesque lobbying, une pluie d’amendements, et tout cela nécessiterait beaucoup de temps alors qu’il y a urgence ; soit un coup de rabot uniforme, sans aucune modulation.
Soyons pratiques et recherchons l’efficacité : écoutons Saint-Just, qui affirmait que « nul ne saurait gouverner sans laconisme », car il avait parfois raison.
M. François Patriat. Il avait toujours raison !
M. Aymeri de Montesquiou. Notre déficit commercial se monte à 75 milliards d’euros. Il trouve son origine, pour près des deux tiers, au sein de l’Union européenne, ce qui souligne bien l’absence de compétitivité de nos entreprises. C’est pourquoi il nous est absolument impossible d’aggraver leur fiscalité.
J’insiste sur cette compétitivité : sa faiblesse n’est pas due à une mauvaise gouvernance ni à une productivité déficiente, car notre main-d’œuvre est l’une des meilleures ; c’est le niveau de nos prélèvements obligatoires qui en est très largement responsable.
En effet, l’imposition de la production représente près de 15 points de notre richesse annuelle, soit 2 de plus que la moyenne de l’Union, mais 4 de plus que l’Allemagne. Structurellement défavorisés au regard de nos principaux concurrents, nous sommes de moins en moins compétitifs.
Ne pénalisons donc pas encore plus notre économie en surtaxant les PME, qui représentent les deux tiers des emplois en France et dont la compétitivité, je le souligne de nouveau, est indispensable à notre croissance, et donc à l’emploi. !
M. François Marc. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Il est impératif de rapprocher le taux de l’impôt sur les sociétés des PME de celui de nos concurrents majeurs : l’Allemagne et l’Italie. De même, nous devons faire converger les politiques économiques et fiscales de tout l’Euroland, pour éviter les divers dumpings.
En revanche, les grandes entreprises du CAC 40, dont certaines sont en partie délocalisées à l’étranger, devraient être soumises à un taux d’imposition supérieur aux 15 % constatés en moyenne par la Cour des comptes, sur des bénéfices évalués à 46 milliards d’euros.
Résistons à la concurrence faussée des pays où les charges et les salaires sont infiniment plus faibles en augmentant la TVA à taux normal. Cela permettrait de baisser les charges, donc le coût de fabrication de nos produits, et, partant, d’améliorer notre compétitivité. Taxons ainsi la consommation plutôt que la production. L’incidence serait neutre pour les consommateurs, neutre pour leur pouvoir d’achat et compenserait, en partie, le dumping social et écologique de certains pays.
Même si nous considérons comme injuste toute mise en garde ou tout verdict négatif des agences de notation, il n’y a pas d’appel possible et leurs conséquences seraient très lourdes pour notre dette. Leur pression nous contraint – finalement, c’est heureux – à prendre nos responsabilités sur le fond et à ne plus viser que le court terme. Notre fiscalité sera le révélateur de notre justice sociale et d’une économie plus dynamique.
Chacun s’accorde à considérer que les convulsions qui ont frappé l’euro sont dues essentiellement à l’absence d’une politique économique et fiscale de l’Euroland. Nous devons donc absolument rapprocher nos fiscalités et nos politiques économiques afin de faire converger nos intérêts.
Madame la ministre, mes chers collègues, cette harmonisation indispensable trouverait sa traduction dans un poids accru de l'économie de l'Union européenne, la première du monde, et permettrait d’en faire, à moyen terme, la première puissance politique. Elle devra être mise en place au cours des cinq prochaines années de la future présidence, quel que soit celui qui en aura la charge. (MM. Jean Arthuis et Philippe Marini applaudissent.)
M. François Marc. Nous sommes d’accord sur l’essentiel !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous occupe aujourd’hui peut être l’occasion d’une discussion de fond sur la conception de la fiscalité et de son rôle. Il prend une acuité particulière en cette période précédant l’élection présidentielle, mais aussi au moment où l’avenir de l’Europe pose de nouveau question. Je dis « de nouveau » à dessein, car, bien que certains semblent l’oublier, cette question a bien été soulevée à l’occasion d’un référendum précédent, mais il n’en fut pas tenu compte.
L’élection présidentielle devrait être marquée par le débat fiscal et social ; les positions des uns et des autres seront autant de repères pour que nos concitoyens fassent le choix de la société dans laquelle ils veulent vivre, au moment de leur vote.
Il y a toujours eu une façon particulière de concevoir la question des prélèvements obligatoires : garder les yeux rivés sur le pourcentage de ces prélèvements au regard du produit intérieur brut et fournir une interprétation ou une caractérisation de la société française dans son ensemble à mesure de la progression, ou non, d’un tel pourcentage.
Il fut un temps, pas très ancien, où le fait de dépasser les 40 % de prélèvements obligatoires suffisait pour certains à démontrer qu’un pays était entré dans une sorte de « socialisme rampant », la puissance publique sous toutes ses formes – État, collectivités locales, sécurité sociale – tendant à pourvoir à l’ensemble des besoins collectifs et individuels de la population.
Nous en sommes, dans le projet de loi de finances pour 2012, à un niveau de plus ou moins 45 %. Cependant, il ne viendrait à l’idée de personne de qualifier la politique du présent gouvernement, menée sous la direction de François Fillon et le patronage de Nicolas Sarkozy, de « socialiste ». (Sourires sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
Autant le dire, la part des prélèvements obligatoires pourrait être plus élevée encore que cela ne suffirait aucunement à qualifier une politique gouvernementale.
Malgré tout, il semble bien que le taux relativement élevé de prélèvements obligatoires dans notre pays ait eu, dans la dernière période, au moins un avantage : éviter à notre pays de connaître la même récession que bien d’autres ; je pense notamment à nos voisins espagnols, quand la surchauffe et la méfiance ont commencé à contaminer les marchés financiers internationaux à l’été 2008.
Il est encore heureux que la France, avec son système de sécurité sociale, son assurance chômage, quoique imparfaite, les effets redistributifs de ses impôts, bien que fortement réduits ces dernières années, et la rigidité de son code du travail – on ne licencie pas en France aussi facilement qu’ailleurs dans le monde –, ait disposé des moyens d’éviter que la situation ne devienne par trop compliquée.
On a vu d’ailleurs combien l’absence d’une politique de santé, prise en charge solidairement par le budget de l’État, avait pesé lourd lors de la crise des subprimes aux USA.
Cela dit, ces différents « amortisseurs », comme souvent le Gouvernement les a appelés, qui ont le prix de notre système de prélèvements, n’ont pas pu nous empêcher de voir croître le chômage dans des proportions toujours inquiétantes et, surtout, se réduire l’activité économique de manière particulièrement significative.
La reprise, bien modeste, de 2010 n’aura pas duré et nous sommes sur une perspective de ralentissement de l’activité en 2012, qui pose avec une force renouvelée la question de l’évolution de nos prélèvements.
Dans le rapport qu’elle a établi au nom de la commission des finances, notre collègue Nicole Bricq, rapporteure générale du budget, nous apporte des éléments fournis, à l’appui de la démonstration critique des politiques menées depuis 2007 et, pour tout dire, durant la législature précédente. Cette politique fiscale et sociale se caractérise par un bilan négatif pour la majeure partie de la population.
La législature et le mandat présidentiel qui s’achèvent auront été marqués par le plein succès des orientations fixées par le Président de la République.
Dans un contexte de maintien et même de renforcement final de la part des prélèvements obligatoires dans la richesse créée, nous avons pu voir se réduire la contribution au budget de l’État des plus grandes entreprises ainsi que des ménages les plus aisés et les plus fortunés.
Madame la ministre, mes chers collègues, n’était-ce pas le mandat assigné à Nicolas Sarkozy par ceux-là mêmes qui l’ont soutenu et qui furent invités à fêter son élection au Fouquet’s ? Je prendrai quelques exemples particulièrement éclairants à cet égard.
Depuis 2007, le Gouvernement a supprimé la taxe professionnelle, qui constituait, depuis sa création en 1976, l’une des exigences des milieux patronaux français.
Instrument ayant servi à rassembler les plus petites entreprises aux côtés des plus grandes, alors que les secondes ponctionnent pourtant les premières en les épuisant régulièrement avec des contrats de sous-traitance léonins, la taxe professionnelle, première ressource fiscale des collectivités territoriales, fortement allégée, avait encore une certaine dynamique, même si elle pesait plus lourd sur l’activité industrielle que sur la sphère financière.
La contribution économique territoriale, appelée à la remplacer, montre ses limites. Elle annule tout effet, positif ou négatif, des politiques d’aménagement local, puisque le fait d’accueillir des entreprises n’aura bientôt plus aucun intérêt sur le plan fiscal.
De surcroît, l’instauration de la contribution économique territoriale a mis à mal, quoi qu’on en dise, l’autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Évidemment !
Mme Marie-France Beaufils. En effet, la répartition de l’essentiel, c'est-à-dire la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, est effectuée en dehors de toute décision locale, y compris s’agissant du taux d'imposition.
Il est en revanche établi que les collectivités ont perdu 11 milliards d’euros de recettes fiscales, remplacés, pour une part, par des dotations de compensation. Or celles-ci figent les ressources des collectivités sans que l’on sache si ces 11 milliards d’euros ont permis de créer le moindre emploi.
L’état de la courbe du chômage en 2011 et les prévisions pour 2012 laissent plutôt entendre que l’allégement fiscal consenti aux entreprises n’a pas eu d’effet positif.
Le front de l’impôt sur les sociétés a, également, été bien tenu.
Entre la niche Copé, l’accélération des processus de remboursement de créances, la réforme du crédit d’impôt recherche – pur exercice d’optimisation –, et jusqu’à l’allégement des provisions pour reconstitution des gisements miniers et pétroliers, accordé peu de temps avant de délivrer des permis de recherche des gaz et huiles de schiste, rien n’a échappé aux attentions du Gouvernement et de sa majorité.
En 2009, rappelons-le, il a fallu attendre le 1er juillet pour que les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, l’IS, commencent à le payer réellement – je parle de l’IS net –, puisque les six premiers mois de l’année furent marqués par le remboursement des crédits disponibles.
Rien non plus ne fut décidé sur le bénéfice mondial consolidé avant le dernier collectif de l’année 2010, tombé un peu trop tard puisqu’il est intervenu au moment même où les dernières entreprises jouissant du dispositif n’y trouvaient plus intérêt.
Sur le fond, le produit de l’IS n’a, de manière évidente, pas connu de progression spectaculaire. Je serais curieuse de voir comment les entreprises françaises vont accueillir, le jour venu, la mise en œuvre intégrale du principe d’assiette commune de l’impôt sur les sociétés entre la France et l’Allemagne.
En 2006, l’IS rapportait en effet 47,8 milliards d’euros de recettes fiscales pour l’État, et pas moins de 50,8 milliards d’euros en 2007.
En 2008, son produit restait à un niveau important, s’élevant à 49,2 milliards d’euros, avant de connaître une sensible décrue en 2009, sur la base des éléments que je viens de rappeler, avec une chute à 20,9 milliards d’euros nets.
En 2010, on a enregistré une recette de 32,9 milliards d’euros et vous attendez un total de 40,9 milliards d’euros de rendement cette année.
Autrement dit, nonobstant la réalité économique, qui ne semble pas, singulièrement au niveau des grandes entreprises du CAC 40, montrer le moindre effondrement ni de la rentabilité ni des retours sous forme de dividendes distribués, alors que le rendement moyen de l’IS se situait à près de 50 milliards d’euros avant 2007, il s’établit aujourd’hui à environ 35 milliards d’euros.
Il y a donc, en effet, des contribuables satisfaits du passage de M. Sarkozy à la présidence de la République !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est clair !
Mme Marie-France Beaufils. De nombreux rapports, notamment de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires, ont montré, s’il en était besoin, que le segment « imposition des sociétés » était mal mené dans la législation française et que la majorité d’aujourd’hui a, de fait, contribué ces cinq dernières années, à créer ce qu’il faut bien appeler un paradis fiscal !
La situation est telle que nous avons aujourd’hui, en France, un taux d’impôt sur les sociétés qui, rapporté au PIB, est inférieur à celui de l’Irlande !
Ce sont 15 milliards d’euros, en moyenne, qui sont perdus sur l’IS. Ce sont 11 milliards d’euros, même réduits d’un tiers, qui sont perdus au titre de la taxe professionnelle pour l’État. Cela fait déjà plus de 22 milliards d’euros de recettes fiscales qui sont « perdues », ce qui représente plus d’un point de PIB ! La même démonstration vaut évidemment pour les ménages.
Pour trouver de nouvelles ressources, la majorité gouvernementale avance, une fois de plus, l’idée de recourir à l’augmentation de la TVA. Elle retiendrait un taux intermédiaire de 7 %, probablement pour mieux le faire accepter. Mais, sur le fond, c’est un impôt qui pèse lourd sur les ménages les plus modestes et très lourd sur les plus pauvres.
Or, pendant cette législature qui s’achève, les familles les plus fortunées ont bénéficié de baisses d’impôts qui montrent bien, une fois de plus, le choix de société du Gouvernement.
Je ne ferai qu’évoquer ici la réforme des droits de succession dont il est évident qu’elle a surtout profité aux patrimoines les plus importants, notamment avec l’adoption du principe de transmission de plein droit et sans droits à acquitter sur la part des biens du conjoint défunt revenant au conjoint survivant.
Mme Nathalie Goulet. C’est très bien !
Mme Marie-France Beaufils. Quand le bien est une petite maison de famille à la campagne, c’est, certes, autant de soucis en moins, mais quand il s’agit d’un appartement bien situé dans Paris ou d’un manoir en Normandie, là, cela devient une excellente affaire !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est plafonné !
Mme Marie-France Beaufils. Je pourrais aussi évoquer la véritable ouverture de la chasse à l’optimisation fiscale induite par la loi TEPA et ses articles réformant notamment les donations.
Combien de familles aisées se sont contentées de doter leurs enfants des 300 000 euros plafonnés de donation sans droits à payer ?
Combien ont ainsi tiré parti des conseils éclairés d’un notaire ou d’un conseiller en patrimoine leur rappelant que, au-delà de la donation, ce pouvait être l’ISF et, surtout, plus tard, les droits de succession qui pouvaient s’en trouver allégés ?
Pour en rester au patrimoine, comment ne pas rappeler également ce qui a été fait sur l’ISF ?
Attaqué par le dispositif ISF-PME, qui s’est rapidement transformé en pur outil d’optimisation fiscale, l’ISF a, finalement, été réduit de moitié en juillet dernier.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement !
Mme Marie-France Beaufils. On peut toujours chercher la moindre justification économique ou sociale d’une telle disposition, mais on peut aussi se poser la question : comme nous cherchons à trouver quelques milliards d’euros pour alléger un déficit 2012 qui s’annonce plus important que prévu, pourquoi ne pas annuler cette réforme de l’ISF ?
La cohérence politique de ce que nous avons vécu depuis l’été 2007 est donc établie : le Gouvernement a décidé de faire droit aux plus riches, aux plus grands groupes, aux entités financières, industrielles et commerciales et de faire payer les autres, tous les autres, depuis le consommateur jusqu’au patron de PME, pour retrouver, au mieux, les mêmes recettes fiscales et sociales, au pire, réduire le déficit qui se creuse.
Car là est la question. Ce pari fiscal et macro-économique n’a pas permis la relance de l’activité et le retour de la création d’emplois. Il semble même qu’il ait tendance à favoriser la récession, les comportements de rentier et le développement du chômage.
Comme il me reste peu de temps pour énumérer ce qu’il conviendrait de faire, j’aurais tendance à dire : exactement tout le contraire de ce qui a été fait depuis 2007 !
Nous aurons l’occasion, lors des débats sur la loi de financement de la sécurité sociale, comme sur la loi de finances pour 2012, de faire valoir la nécessité de repenser profondément notre fiscalité et nos prélèvements sociaux.
Donner les moyens à la sécurité sociale pour qu’elle puisse accomplir son action au bénéfice des malades, des retraités, des familles comme des personnes dépendantes, donner aux collectivités locales les outils financiers de leur action au profit des populations et redonner à l’État les moyens d’accomplir pleinement ses missions de service public et de répondre aux impératifs d’égalité entre tous les citoyens, voilà ce qui constituera notre ligne de conduite à venir.
Construire une fiscalité plus juste dans laquelle chacun contribue en fonction de ses capacités pour donner au budget de l’État les capacités de répondre à l’intérêt général, tels nous semblent être les choix qui devraient être faits pour redresser la situation de la France et améliorer la vie des habitants.
Cela passera, en partie, bien sûr, par une hausse des prélèvements, mais surtout par une meilleure répartition de la charge fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat sur l’évolution des prélèvements obligatoires entre 2007 et 2012 intervient au lendemain d’une actualité économique extrêmement tourmentée, pour ne pas dire très inquiétante.
L’annonce d’un référendum sur le plan de sauvetage grec a, de nouveau, brouillé l’horizon économique de la zone euro. C’est dans ces conditions qui hypothèquent toujours davantage un peu plus la croissance française pour les prochains mois que nous allons bientôt examiner le projet de loi de finances pour 2012.
Or je crains que ce texte ne suffise pas à inverser une tendance observée depuis 2007 et excellemment analysée par notre collègue rapporteure de la commission des finances démontrant que la politique suivie par le Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires s’est révélée à la fois économiquement inefficace et socialement injuste.
Bien sûr, on peut toujours interpréter les chiffres dans un sens ou dans l’autre, mais il y a des réalités qui s’imposent et des indicateurs implacablement objectifs.
Madame la ministre, si l’on s’en tient au programme de stabilité 2009-2012, dans lequel il était envisagé de ramener le taux des prélèvements obligatoires de 44 points de PIB à 43,4 points, force est de constater que vous n’avez pas réussi puisque nous devrions probablement atteindre 45 points !
Vous nous aviez pourtant promis, en 2010, de ne pas recourir à une augmentation des prélèvements obligatoires afin de ne pas placer la France en situation concurrentielle défavorable. Finalement, ce sont 12,5 milliards d’euros qui ont été prélevés de 2008 à 2012. Notre pays avait déjà l’un des taux les plus élevés de l’Union européenne. Cela ne va pas s’arranger !
Certes, la crise est passée par là et nous pourrions entendre, mes chers collègues, que les promesses faites en des temps ô combien plus cléments ne puissent plus être tenues depuis.
Mais si la conjoncture est en partie responsable de nos difficultés, beaucoup de vos choix ont aggravé la situation sur le plan structurel. C’est peu dire ! Dans un rapport publié en 2011, la Cour des comptes a estimé à 0,7 point de PIB l’augmentation du déficit structurel due aux mesures prises depuis 2007.
La loi TEPA est, bien sûr, dans tous les esprits. Vous avez, certes, tenté d’en atténuer les effets avec la suppression du bouclier fiscal ou encore l’intégration des heures supplémentaires dans le barème de calcul des allégements généraux de charges. Mais tout cela est venu bien tard, le mal était fait. L’impact de la loi TEPA sera encore de 9,3 milliards d’euros sur les recettes de 2012.
Tenu par une promesse de campagne, votre gouvernement n’a pas eu le courage, ni même l’envie, de revenir sur un dispositif coûteux et socialement injuste. Dès 2008, alors que la récession s’annonçait d’une ampleur exceptionnelle, pourquoi avoir maintenu une politique des prélèvements obligatoires en décalage avec les besoins économiques du moment ?
Et quand il s’agit de s’attaquer aux niches fiscales, on ne peut pas dire, là encore, que l’efficacité vous serve de boussole ! Pourtant, il vous suffisait de vous appuyer sur le rapport Guillaume pour éliminer celles qui affichent un coefficient de 0 ou 1 sur une échelle allant jusqu’à 3 pour les plus efficaces.
Oui, madame la ministre, des solutions existent, mais vous persistez à ne pas les voir car, comme notre collègue Nicole Bricq l’a très bien exposé, votre gouvernement s’est enfermé dans une politique fiscale incohérente. Il aurait fallu mener une véritable réforme, à la fois courageuse et audacieuse, afin d’assurer rapidement le retour du solde public à l’équilibre et de réintroduire la justice fiscale qui fait défaut à notre système d’imposition.
Comme je le rappelais en introduction de mon propos, la situation économique est grave et la sortie de crise n’est pas pour demain malgré les efforts – il faut bien le reconnaître – déployés à l’échelle européenne par le Président de la République pour, au moins, stabiliser la situation.
Mais ce contexte de fortes turbulences ne doit pas nous conduire à repousser, encore une fois, le grand chantier fiscal souhaité au fond par la grande majorité d’entre nous. Si nous nous y attaquions très vite, nous donnerions un signe positif en direction des agences de notation qui surveillent particulièrement la France. Même si, j’en conviens, nous ne devons pas vivre sous le diktat de ces agences, une dégradation de la note française serait tout à fait malvenue.
Mes chers collègues, les radicaux de gauche ont souvent eu l’occasion de rappeler, ici ou dans d’autres tribunes, leur souhait de refondre le système fiscal français dans un objectif d’égalité entre les ménages et de compétitivité des entreprises.
Depuis 1997, nous défendons l’idée de la fusion de l’impôt sur le revenu, de la CSG et d’une bonne partie des cotisations sociales salariées en un impôt unique et progressif et une prise en compte de la capacité contributive du capital des contribuables.
À mon sens, les entreprises devraient également être assujetties à un impôt progressif. Actuellement, les règles d’assiette favorable, combinées aux niches fiscales, altèrent, de mon point de vue, la productivité de l’impôt sur les sociétés. Il faudrait créer plusieurs tranches de taxation des bénéfices, sans oublier d’intégrer le bénéfice mondial consolidé, pour ne pas épargner les grands groupes qui se voient aujourd’hui proportionnellement moins taxés que les PME.
S’agissant des charges sociales payées par les employeurs, ne faudrait-il pas asseoir la part « entreprise » des charges sociales non plus sur la masse salariale versée, mais sur la valeur ajoutée nette produite par l’entreprise afin d’encourager l’emploi ?
Ce sont, madame la ministre, quelques pistes qui pourraient être enrichies par une réflexion élargie au plus grand nombre. Je crois, en effet, que sur ce sujet, nous sommes nombreux à partager l’ambition de ramener notre pays sur le chemin de l’équilibre budgétaire. Je pose la question : avons-nous d’autres choix ? Nos concitoyens sont conscients de l’effort à fournir pour restaurer la crédibilité économique de notre pays. Mais ce qu’ils souhaitent, c’est une réforme fiscale naturellement efficace et, surtout, profondément juste. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Vous avez fait le choix, madame la rapporteure, de sortir du cadre strict de l’article 52 de la LOLF et de faire une analyse sur l’ensemble de la législature avant d’anticiper sur la suivante.
Je vous donne acte qu’en 2006 le Gouvernement avait souhaité présenter un bilan complet de la mandature. Mais, cette fois-ci, tel n’est pas le cas, ce qui rend assez déséquilibré votre rapport au regard de la contribution gouvernementale. Le positionnement se trouve, de fait, plus politique que technique et anticipe sans doute sur le débat que nous aurons dans quelques mois.
Je ne conteste pas les chiffres que vous avancez, mais je souhaite faire quelques commentaires qui divergent des vôtres.
Vous affirmez que les prélèvements obligatoires n’ont pas diminué et qu’ils ont même légèrement augmenté sur la période récente.
Néophyte à la commission des finances, je ne souhaite pas entrer dans un débat sémantique sur le point de savoir si une niche fiscale est une dépense fiscale ou une moindre recette. Mais j’avoue n’avoir pas bien compris si vos critiques portaient sur le fait que les prélèvements obligatoires avaient légèrement augmenté sur la période, alors que nous voulions, c’est vrai, les maîtriser et les voir baisser, ou si vous regrettiez, au contraire, qu’ils n’aient pas plus augmenté, comme vous promettez de le faire si, hélas !, demain, vous arriviez au pouvoir.
Pour nous, les choses sont claires, nous voulons les limiter, car la reprise est conditionnée au maintien du pouvoir d’achat et à la compétitivité des entreprises. Toute augmentation des prélèvements obligatoires ne peut, à terme, que conduire à un renchérissement des coûts de production et donc nuire à la compétitivité.
La vérité, c’est que, entre 2007 et 2011, la crise est passée par là et que nous avons dû trouver un juste équilibre entre, d’un côté, réduire la dépense publique, une question sur laquelle je reviendrai ultérieurement, et, de l’autre, revisiter certains dispositifs susceptibles d’améliorer les recettes. Ainsi, vous omettez de dire que le taux des prélèvements était plus faible en 2009 qu’en 1981.
Face à cette situation financière, vous semblez privilégier l’augmentation des prélèvements et de l’impôt. Pour notre part, nous pensons qu’il faut surtout agir – je dirais même qu’il faut d’abord agir ! – sur la dépense publique.
Vous citez souvent en exemple l’Allemagne, dont les résultats financiers sont unanimement salués. Mais je tiens à dire que ce pays a eu le courage de réformer son système de retraite alors que vous persistez, pour ce qui vous concerne, à vouloir revenir à un départ à la retraite à soixante ans.
Par ailleurs, l’Allemagne a réduit le nombre de ses personnels dans les administrations publiques alors que vous semblez vouloir en augmenter le nombre en France.
Quoi qu’il en soit, pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’État, hors dette et pensions, et les dépenses de personnel baisseront en 2012. Aucun gouvernement n’était allé aussi loin dans la réduction du train de vie de l’État.
Le budget que nous allons examiner dans quelques semaines correspond au budget des engagements tenus, avec une réduction de 15 % du déficit budgétaire, qui vient s’ajouter à la baisse de 40 % du déficit de la sécurité sociale. L’objectif d’augmentation des dépenses de santé fixé par le Parlement n’avait jamais été respecté depuis 1997 ; il l’est de nouveau depuis 2010, et cela représente, depuis 2008, une économie de 11 milliards d’euros. Là encore, cet effort repose sur des réformes de fond que vous n’avez pas votées ; je pense notamment à la réforme de l’hôpital et à la réforme des soins en ville.
Toutes ces réformes ont amélioré notre solidité financière, tout en préservant notre système de protection sociale.
La réforme des retraites, que vous avez critiquée et sur laquelle vous voulez revenir, permettra d’économiser 5,6 milliards d’euros dès 2012, 9 milliards d’euros en 2014 et 25,7 milliards d’euros en 2018.
Tous les pays d’Europe sans exception font des économies sur les dépenses publiques, car c’est la seule stratégie qui permette à terme le désendettement. Certes, elle n’est pas populaire, mais elle est responsable. À cet égard, je tiens à saluer, avec mes collègues du groupe UMP, le courage et la ténacité du Gouvernement, ainsi que son volontarisme.
Voyez-vous, madame la rapporteure générale, il y a des moments où le politique sortirait grandi si, face à une crise aussi grave, nous pouvions ensemble tenir un langage de vérité ! De ce point de vue, je regrette que votre rapport se borne à émettre des critiques et qu’il ne trace aucune perspective. Quelle part affectez-vous dans la résorption de nos déficits à l’augmentation des prélèvements ? Et lesquels ? Quelle part affectez-vous à la réduction de la dépense ? Laquelle visez-vous ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. 50-50 !
M. Dominique de Legge. Je note que, dans d’autres pays européens, majorité et opposition ont envoyé des signaux clairs quant à la détermination de leur pays à revenir à l’équilibre budgétaire, et ce indépendamment des alternances démocratiques. De ce point de vue, je ne suis pas certain que vous ayez servi la France, dont vous aspirez à prendre la destinée, en refusant le débat sur la règle d’or.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Appliquez-la avant de l’inscrire dans la Constitution !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si déjà vous respectiez la loi de programmation…
M. Dominique de Legge. En votre qualité de rapporteure générale, j’aurais apprécié un rapport certes sans concession, mais sans excès ni caricature.
Parler de l’inconséquence de la réforme de la taxe professionnelle, alors même que la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale vient tout juste de s’installer au Sénat, me semble excessif. Sans compter que, comme vous l’avez reconnu vous-même, madame la rapporteure générale, cette réforme a été bénéfique pour une grande majorité des entreprises de taille intermédiaire, ainsi qu’à l’industrie, qui devait acquitter de lourdes charges, avec la taxation des investissements.
En 2000, Lionel Jospin nous avait expliqué que, pour lutter contre le chômage, il ne fallait pas taxer les emplois : il avait alors supprimé la part salaires de la taxe professionnelle ; et il avait eu raison de le faire. C’est ce même raisonnement qui a prévalu en 2009 lorsque, constatant que notre industrie souffrait d’un manque d’investissement, nous avons supprimé la part investissement, parachevant ainsi la réforme entamée par M. Jospin.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela n’a pas amélioré la compétitivité !
M. Dominique de Legge. Il est vrai que le coût a été plus élevé que prévu initialement. C’est l’aveu que le manque à gagner pour les collectivités locales a été intégralement compensé, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est faux !
M. Dominique de Legge. Dans le cadre de la réforme, nous devrons d’ailleurs aborder la question de la péréquation.
Quant à l’efficacité de la réforme, elle s’est avérée : elle a été un ballon d’oxygène pour le secteur industriel, qui était touché par la crise. Toutes les auditions réalisées dans le cadre de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires l’ont confirmé.
Par ailleurs, il est assez paradoxal de demander une harmonisation des fiscalités européennes et de contester, dans le même temps, les réformes allant en ce sens. J’avoue avoir quelque peine à suivre ce raisonnement.
Vous affirmez, madame la rapporteure générale, que la défiscalisation des heures supplémentaires est inefficace. Je vous invite à en débattre avec les milliers de travailleurs, souvent modestes, qui en bénéficient et y voient une amélioration de leur pouvoir d’achat.
De même, vous parlez de l’échec de la fiscalité écologique ; débattez-en avec vos amis Verts ! Franchement, fallait-il ne pas toucher aux effets d’aubaine induits par le secteur photovoltaïque, qui ouvrait la porte à toutes les spéculations, sans pour autant favoriser la filière française ?
M. Dominique de Legge. Invoquer constamment la défense des intérêts des plus défavorisés, c’est tomber dans la démagogie et la caricature. Je persiste à penser que la réforme des retraites était le seul moyen d’en garantir une à ceux qui n’ont pas les moyens d’épargner. L’équité fiscale me semble avoir été bien présente dans les décisions annoncées le 24 août dernier par le Premier ministre, dans la mesure où 82 % des recettes nouvelles pèsent sur les grands groupes et les ménages aisés.
Dans le projet de budget pour 2012, le Gouvernement respecte ses engagements, avec la poursuite de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse.
À ce stade de la discussion, je forme le vœu que, face à la difficulté de la crise, au fait que le calendrier nous échappe en partie dans un contexte européen et mondial, chaque jour apportant son lot de complications, telle l’initiative du chef du gouvernement grec, nous puissions faire œuvre de mesure et d’humilité.
S’il y avait une recette miracle, nous serions, me semble-t-il, tous d’accord pour l’appliquer. L’heure est non pas à donner des leçons, mais à nous retrousser les manches, considérant qu’il y a urgence à ajuster nos politiques et les dépenses qu’elles induisent sur nos moyens, alors que nous avons longtemps considéré que la ressource était inépuisable pour satisfaire nos ambitions. Cela est vrai tant pour l’État que pour nos collectivités. Le débat qui va s’ouvrir aura sans doute le mérite de poser de nouveau la question de la place de l’État et de ses missions et de redéfinir des priorités. C’est tout l’honneur du débat politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un constat sévère pour le candidat Sarkozy « version 2007 » s’impose à nous, lui qui avait annoncé qu’il diminuerait de quatre points les prélèvements obligatoires !
Si la période 2007-2009 a connu une baisse de ces prélèvements avec la multiplication des cadeaux fiscaux aux contribuables les plus aisés, l’aggravation de la crise des dettes souveraines lors de l’été 2011 a conduit le Gouvernement à accentuer les mesures d’austérité.
Au terme de ces cinq années, les impôts et prélèvements sociaux auront augmenté de plus de 100 milliards d’euros, pour atteindre 44,5 % du PIB, soit 1,1 point de plus qu’en 2007.
Toutefois, la politique mise en œuvre reste marquée par l’iniquité et l’absence de volonté réformatrice. Je ne crois pas que l’instauration temporaire d’une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ou encore la création d’une taxe sur les boissons sucrées permettront de renforcer la cohérence de la politique fiscale.
En 2012, la prévision de croissance s’annonce d’ores et déjà plus faible que la prévision révisée par le Gouvernement en septembre dernier à 1,75 %, l’obligeant donc à court terme – peut-être la semaine prochaine, madame la ministre ! – à prendre de nouvelles mesures d’économie ou de hausse d’impôts.
Le fait que le Gouvernement en ait pris conscience, contrairement aux années précédentes, est certes relativement encourageant, mais les bases d’études retenues pour l’élaboration du projet de loi de finances pour 2012, actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale, s’en trouvent, de fait, disqualifiées, ce qui ne contribue pas à la clarté des travaux du Parlement.
In fine, le taux des prélèvements obligatoires sera passé en cinq ans de 43,4 % en 2007 à 44,5 % en 2012, soit une hausse de 1,1 point de PIB, pour une augmentation de 102 milliards d’euros en valeur absolue. C’est tout le contraire du bilan que l’on a pu dresser pour la période 1997-2002 sous le gouvernement Jospin, qui, lui, avait réussi a abaissé ce taux de 44,1 % à 43,3 %. Facile, me direz-vous, madame la ministre, si l’on tient compte d’une période plus favorable de croissance…
Mme Michèle André. Toutefois, il faut le mettre en perspective avec le constat dressé par Philippe Séguin, confirmé par son successeur à la Cour des comptes au travers du Conseil des prélèvements obligatoires, à savoir que les deux tiers des déficits publics depuis 2007 sont imputables aux choix du Gouvernement, contre un tiers seulement à la crise.
Dans ces choix malheureux des gouvernements Fillon, comment ne pas penser à la loi TEPA, censée être l’application du slogan : « Travailler plus pour gagner plus » ?
Je ne reviendrai pas sur l’aménagement du bouclier fiscal, les collègues qui m’ont précédé ayant largement évoqué cette question, pas plus que sur la diminution des droits de succession, la défiscalisation et l’exonération de charges sur les heures supplémentaires pour un coût de près de 5 milliards d’euros, ni encore sur l’effet d’aubaine de déductibilité des intérêts d’emprunt sur l’immobilier, dont l’inefficacité a été constatée dans le rapport Guillaume, pour un coût de 1,8 milliard d’euros encore en 2012 malgré l’arrêt de la mesure qui perdurera, pour partie, jusqu’en 2016.
Ce sont autant de mesures dont l’inefficacité, voire les effets pervers coûtent encore 10 milliards d’euros au budget pour 2012 : 10 milliards d’euros pour un slogan ; 10 milliards encore cette année pour rien ou presque !
Et l’on peut ajouter à la loi TEPA quelques autres mesures, telle que la baisse de la TVA dans la restauration, une mesure qui coûte plus de 3 milliards d’euros annuellement, sans contrepartie contraignante pour les bénéficiaires. Quid du réajustement ? Saurons-nous demain à quel taux ce secteur sera assujetti ?
Je pourrais encore citer la réforme de la taxe professionnelle, une réforme précipitée, coûteuse et génératrice de dégâts fondamentaux sur les finances et, surtout, sur la confiance des collectivités locales en l’État et en leur capacité à agir demain.
Et je n’oublie pas non plus les effets pervers sur l’immobilier des dispositifs Robien, Borloo et maintenant Scellier, des cadeaux que savent depuis longtemps capitaliser les promoteurs, qui avancent l’argument commercial suivant : « Zéro euro d’impôts pour vous constituer un patrimoine ! Offre de la dernière chance ! », une offre que nous recevons tous en ce moment dans nos boîtes électroniques. Mais ces cadeaux, ce sont tout de même les contribuables qui les paient ! Pour notre part, nous aurions largement préféré voir se développer le logement social.
Je vous ferai grâce, mes chers collègues, de toutes les autres mesures…
Le bilan des quatre dernières années aboutit à un enchaînement de diminutions de recettes des prélèvements obligatoires opérées au profit des plus favorisés, quand d’autres impôts ou taxes, telles que la création, puis la hausse, de la taxe sur les mutuelles, de la taxe sur les boissons sucrées ou édulcorées, de la TVA sur les offres triple play, impactent directement le pouvoir d’achat de tous, et donc mécaniquement des plus défavorisés.
Alors même que la crise des dettes souveraines repartait en Europe, le Gouvernement permettait à 300 000 contribuables d’échapper à l’impôt sur la fortune, ce qui représente une perte de recettes fiscales pour l’État de près de 1,8 milliard d’euros.
En période de crise, et alors même que le jeu essentiel des amortisseurs sociaux et le plan de relance contribuaient à creuser le budget de l’État, la politique fiscale du Gouvernement le conduisait à abandonner totalement le levier « recettes » pour tenter de retrouver le chemin de l’équilibre des comptes publics. Il ne lui restait donc plus qu’à actionner le levier « dépenses ». Il s’est donc ensuivi le gel en volume, puis en valeur, des dépenses de l’État, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et ce au risque d’entraîner, nous le constatons maintenant, une dégradation du service public offert à nos concitoyens.
Aujourd'hui, il nous faut rechercher dans la politique fiscale et sociale de notre pays plus de justice pour les ménages et d’efficacité économique pour les entreprises. Il est vrai que les choix à faire sont difficiles. Le levier « recettes » aurait dû être activé plus tôt et plus fortement, et pas de la manière dont vous entendez le faire, madame la ministre ! Pas de cette manière toujours aussi inéquitable, au bénéfice d’un nombre restreint de personnes aisées et au détriment de toutes les autres ! C’est notre nation tout entière – l’État, les organismes sociaux ou les collectivités locales – qui est perdante dans le creusement de la dette. Et qu’en est-il du sentiment de justice fiscale ? D’ailleurs, n’est-ce qu’un sentiment ? Non, c’est bien malheureusement une réalité !
Nous aurons donc à faire face à de grands défis, en vue de rétablir l’équité, la justice, l’efficacité de l’impôt, et ce au moyen de prélèvements clairs et compris de tous.
L’impôt sur le revenu devra disposer d’une assiette large, mêlant à la fois revenu du travail et du capital, mais nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur cette question. Il faudra intégrer la CSG à l’impôt sur le revenu pour permettre une plus grande progressivité. Il faudra également réduire ou supprimer de nombreuses niches fiscales ; cette question a été suffisamment abordée pour que je ne m’y attarde pas.
Enfin, en matière d’impôt sur les sociétés, une réforme sera également nécessaire pour mettre un terme à l’injustice actuelle.
Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de nos collègues François Marc et François Rebsamen, on constate que l’impôt sur les sociétés s’avère plus favorable en termes de taux réels pour les entreprises qui dégagent des bénéfices importants : il s’établit à 33,33 % pour les plus petites entreprises, contre à peine 8 % pour nos poids lourds du CAC 40 !
Dans cet exercice de mitage de l’impôt, le régime des sociétés mères et filiales coûte plus de 25 milliards d’euros au budget national.
La France devra également contribuer à l’accélération, au niveau européen, de l’uniformisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, afin de limiter l’optimisation fiscale au sein de l’Union européenne.
Enfin, au profit des collectivités territoriales et des contribuables locaux, la réforme de la fiscalité locale devra s’orienter vers le renforcement de l’autonomie fiscale et du lien entreprises-territoires, aujourd'hui brisé, ainsi que vers une meilleure prise en compte du revenu. La solidarité territoriale devra s’exprimer au travers de dispositifs de péréquation verticale et horizontale, afin de permettre un égal accès de tous nos concitoyens aux services publics sur l’ensemble du territoire, un principe auquel nous sommes tant attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais remercier le rapporteur général de la commission des affaires sociales pour la pertinence de sa communication, mais souligner la partialité de ses commentaires.
Mon intervention se fera donc sous la forme de trois questions inspirées de ce rapport.
Première question : le déficit est-il essentiellement structurel, comme il le prétend en sous-estimant l’effet crise ? Personnellement, je ne le crois pas. Le problème est chronique ; il est donc surtout structurel, certes, mais aussi conjoncturel. Les dépenses sociales s’accroissent chaque année, ne serait-ce que par l’augmentation de la durée de vie. La dette ne peut mécaniquement diminuer qu’à partir de 2,2 % de croissance. Or la dynamique de la croissance a été cassée par les crises récentes.
Il ne faut pas l’oublier, les experts économiques ont reconnu que la France était le pays européen qui avait le mieux résisté aux crises...
La perte de recettes, principale actrice du déficit, correspond avant tout à une diminution des ressources en matière d’impôt sur les sociétés, de TVA et d’impôt sur le revenu.
Nous en sommes tous conscients, la crise a provoqué la destruction de 330 000 emplois en France. C’est donc plus d’assurance chômage à financer et, de ce fait, moins de cotisations sociales perçues.
Ne l’oublions pas, cela fait très longtemps que les déficits ont filé ! Cela fait longtemps que la France vit au-dessus de ses moyens, et pas toujours en raison de crises historiques.
Les lois de décentralisation, la création de services supplémentaires, les différentes conventions collectives sont des améliorations significatives pour nos concitoyens, mais consommatrices de personnels et d’un coût qui n’est plus supportable. Du toujours plus, mais à crédit ! Cela ne peut plus durer.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous irez le leur dire !
M. René-Paul Savary. Et si la droite n’a pu diminuer les prélèvements obligatoires autant que prévu, c’est bien parce qu’elle a hérité d’une situation structurellement défaillante, chroniquement déficitaire, et que nous avons traversé une crise sans précédent. Cet héritage, ce n’est pas que le nôtre !
Et la course vers toujours plus d’impôts, c’est le renoncement au juste équilibre, le renoncement à des services adaptés à nos moyens, le renoncement aux règles simples de gestion.
J’en viens à ma deuxième question : le Gouvernement a-t-il failli, comme vous l’affirmez ? Personnellement, je ne le crois pas.
Un exemple simple des lois mises en œuvre durant ce quinquennat en vue de retrouver l’équilibre financier, notamment celui des établissements de santé, est la mise en œuvre de la tarification à l’activité dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Pourquoi ? Parce que nous sommes maintenant en mesure de comprendre les déficits et de chercher à les résoudre. Il est même dit qu’une comptabilité analytique serait intéressante, alors qu’aucune entreprise ne sait faire sans !
Le retard accumulé de longue date en termes de gestion des ressources publiques est tel que nous parvenons seulement aujourd’hui à faire comprendre aux acteurs publics l’importance de plans de financement pluriannuels, qui donnent une vision, non pas jusqu’en 2014, mais jusqu’en 2025, et permettent de rationaliser l’évolution de l’objectif national de dépenses d'assurance maladie, par exemple.
Alors j’entends bien les propositions : augmenter les prélèvements, supprimer les exonérations liées, comme par hasard, aux heures supplémentaires ! Certes, nous aurions pu mieux faire en revenant sur les trente-cinq heures, par exemple. Nous avions déjà beaucoup à faire, sur les retraites notamment, et nous savons bien que nul ne reviendra dessus.
Vous avez proposé l’amplification de la réduction des niches sociales, sans mentionner, et c’est bien dommage, la couverture maladie universelle, dont les conditions d’allocation pourraient aussi faire l’objet d’un débat, celui sur le modèle social.
C’est l’objet de ma troisième question : faut-il cotiser toujours plus pour toucher toujours moins, ou faut-il revoir notre modèle social à crédit ?
Le budget 2012 est donc une étape essentielle sur le chemin du désendettement, reconnaissons-le. Cela a déjà été souligné.
Les prévisions sont de 4,5 % en 2012, de 3 % en 2013 et de 2 % en 2014. Nous tenons nos engagements avec une réduction de 15 % du déficit budgétaire de l’État, qui vient s’ajouter à la baisse de 40 % du déficit de la sécurité sociale. Cela a déjà été souligné.
Au total, entre 2011 et 2012, nous aurons fait 45 milliards d’euros d’efforts. En matière de maîtrise des dépenses publiques, ces efforts n’ont aucun précédent historique. Ils nous permettent de faire baisser l’endettement à partir de 2013. C’est une avancée considérable, certes, mais pas suffisante pour financer notre modèle social.
À la lecture de ce rapport sur les prélèvements obligatoires, l’inquiétude est légitime. Elle n’est ni de droite, ni de gauche.
Les conditions sont différentes de l’après-guerre.
L’augmentation de l’espérance de vie et les progrès de la médecine sont à prendre en compte.
L’État providence connaît ses limites. À force de vivre à crédit, au-dessus de leurs moyens, les États ne sont même plus des clients privilégiés pour les banques.
Il nous faut donc inventer d’autres solutions, responsabiliser davantage nos concitoyens, arrêter de leur faire des promesses non tenables pour leur proposer des solutions nouvelles. Permettez-moi d’en évoquer quelques-unes.
Quelques pistes sont à approfondir dans le domaine social ou médical : l’innovation avec la télémédecine pour le suivi des malades ou la téléassistance pour les personnes dépendantes ; une répartition de tâches différentes entre professionnels médicaux et paramédicaux ; une alternative à l’hospitalisation, aux transports sanitaires, avec la domomédecine, les téléconsultations, une prévention accrue ; des normes adaptées aux moyens des collectivités ou des établissements en fonction de leur taille ou de leur spécificité.
Bref, sans vouloir remettre en cause notre modèle social, je pense que son adaptation s’impose pour la maîtrise des prélèvements obligatoires, ce qu’a insuffisamment développé le rapporteur général de la commission des affaires sociales, je tenais à le souligner. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires est un privilège pour les sénateurs, car nous savons bien que ces prélèvements sont au cœur d’enjeux vitaux pour notre société : des enjeux d’assainissement de nos finances publiques et de compétitivité de notre économie.
Malheureusement, la croissance est en berne, le chômage ne cesse de progresser et les injustices se creusent. Madame la ministre, votre tâche est particulièrement délicate.
Je voudrais formuler trois propositions.
S’agissant de la compétitivité, tout d’abord, n’est-il pas temps de rompre avec les tabous, de constater que l’option pour la consommation et, oserai-je le dire, les loisirs est une impasse et, en conséquence, de proclamer le primat de la production et de l’emploi ?
Madame la ministre, quel nouveau signe de désastre faut-il encore attendre pour cesser de taxer la production, pour alléger enfin les cotisations destinées au financement des branches « santé » et « famille » ? Dans ces conditions, pourquoi différer l’incontournable débat sur la « TVA sociale » ou bien sur la « TVA antidélocalisation » ou encore – pourquoi pas ? – sur la « TVA réindustrialisation » ?
À ce stade, je voudrais dissiper une inquiétude, madame la ministre.
Est-il vrai que le Gouvernement s’apprête à soumettre au Parlement un dispositif tendant à instituer un taux intermédiaire de TVA ? C’est une proposition que j’ai souvent défendue ici même. Elle recevrait donc, dans son principe, mon appui.
Pour autant, est-il vrai, madame la ministre, que le produit de ce supplément de TVA, puisqu’un taux intermédiaire serait établi, serait affecté à la réduction du déficit et non à celle des cotisations sociales ? Je tiens à vous le dire, une telle option irait à l’encontre de mes convictions.
Tout supplément de TVA doit être affecté, à l’euro près, à la réduction des cotisations sociales pour retrouver de la compétitivité et créer de l’emploi ; vous ne pouvez en disconvenir ! Il n’y a pas si longtemps, en effet, vous déclariez, il est vrai à titre personnel, que vous étiez plutôt favorable à la TVA sociale. Est-il besoin de vous dire combien je me suis réjoui de cette déclaration ?
Toute hausse de TVA doit aboutir à une baisse des cotisations sociales. Combien de temps encore allons-nous nous rendre complices des délocalisations d’activités et d’emplois ?
Dès lors, pourquoi repousser encore cette réforme fondamentale qui conditionne la croissance et l’emploi dans notre pays ? L’année 2007 avait fait naître un espoir. Malheureusement, je crains que cet espoir ne soit déçu.
L’assainissement des finances publiques nécessite un effort accru de compression des dépenses, aussi bien budgétaires que fiscales. C’est en cela qu’un nouveau coup de rabot sur les niches fiscales s’impose.
Parmi les hausses de prélèvements obligatoires inévitables eu égard à la situation de nos finances publiques, il nous faudra revenir sur la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Je me permets de rappeler que, voilà un an, j’ai déposé et voté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale tendant à augmenter cette contribution de 0,25 %.
Madame la ministre, vous le savez très bien, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, telle qu’elle est profilée, structurée, va tout droit à la faillite. Nous ne pouvons pas laisser ainsi dériver la situation de cette Caisse.
Avec mes amis du groupe de l’Union centriste et républicaine, je déposerai un amendement tendant à augmenter la contribution au remboursement de la dette sociale. Son adoption conditionnera notre vote en faveur du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, s’agissant de la justice fiscale, à la cotisation exceptionnelle sur les hauts revenus, qui va constituer un deuxième dispositif à barème progressif, donc source de complexité et au rendement modeste, je préfère l’institution d’une tranche supplémentaire, voire deux, dans le barème de l’impôt progressif sur le revenu.
Mme Nathalie Goulet. Mais oui !
M. Jean Arthuis. Il doit être alors entendu que l’assiette de l’impôt sur les plus-values mobilières et immobilières nécessite d’être purgée des restrictions nombreuses et d’exemptions pour faire l’objet d’une imposition se rapprochant progressivement du barème général.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean Arthuis. Telles sont, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler à cette heure tardive sur les prélèvements obligatoires, dans ce débat préalable à la discussion des lois financières pour 2012. (Mme Nathalie Goulet et M. Philippe Marini applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat sur les prélèvements obligatoires devrait être placé sous le double signe du courage et de la lucidité. Il ne semble pas que ce soit ces deux vertus qui aient animé la politique au cours de ces dernières années.
Bien sûr que la crise est profonde et que l’actualité est difficile. Mais, en aucun cas, elle ne peut vous dispenser du constat qui est celui d’aujourd’hui et que Mme la rapporteure générale et mes collègues ont évoqué.
Quelle est la marge d’action avec une hypothèse de croissance probablement en dessous de 1 % ? Réduire les dépenses et jouer sur la fiscalité. Or, madame la ministre, vous n’avez pas réduit les dépenses.
M. François Patriat. En 2001, la dépense publique rapportée au PIB était de 51,6 %. En 2007, elle était de 52,3 %. Cette année, elle est de 56,3 %, soit quatre points de PIB en dix ans, 80 milliards d’euros. C’est cela la réalité !
À l’heure de rendre des comptes aux Français, vous ne pourrez plus nous accuser de l’irresponsabilité supposée de ceux qui augmenteraient la dépense publique alors que vous-mêmes avez aggravé celle-ci comme jamais.
Reste la fiscalité, qui conditionne le taux des prélèvements obligatoires, mais le niveau de ces derniers ne suffit pas à déterminer une politique fiscale juste et utile pour la nation. C’est un levier qui donne tout son sens à une politique et des choix économiques, budgétaires et de société.
Au terme de ce quinquennat, le taux des prélèvements obligatoires et son évolution reflètent les choix inadaptés de votre majorité en matière de niveau de financement des services publics et des biens collectifs : vous n’avez ni relevé les dépenses d’investissement ni pérennisé la prise en charge des postes de dépenses structurelles, comme l’emploi, la santé ou encore les retraites.
Les prélèvements obligatoires, qui devaient baisser de 4 points au cours de cette mandature, atteindront dans deux ans, en 2013, un niveau historiquement élevé. Notre pays n’a jamais connu un taux de prélèvements obligatoires rapporté au PIB supérieur à 45 %. Vous aviez rêvé que la gauche en porte la responsabilité, mais c’est à la droite que revient ce record ! Cette année, ce taux sera de 43,7 % et l’année prochaine, de 44,5 %. S’il atteint 45 % en 2013, cela coûtera 2,5 points supplémentaires de PIB, soit 50 milliards d’euros, en seulement trois ans ! C’est exactement le montant du prétendu choc fiscal que vous dénoncez dans le programme socialiste.
Mme la rapporteure générale nous l’a dit, pour atteindre, demain, un budget en équilibre, il faudrait prévoir 50 milliards d’euros d’économies et 50 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires. Mais vous avez déjà largement anticipé le processus, et ce bien inutilement !
Or cette hausse sans commune mesure ne servira à rien : ni à combler le déficit, ni à soutenir la croissance, ni à préserver nos équipements et services publics, rabotés durement par la RGPP!
Vous n’avez pas su utiliser ce levier pour rendre la France plus compétitive, pour soutenir la croissance et faire progresser le pouvoir d’achat, parce que vous n’avez pas eu la volonté politique d’élaborer une fiscalité juste, afin de dégager des moyens supplémentaires modifiant la structure des recettes.
C’est là toute la différence avec ce que nous proposons : nous ne demanderons un effort aux Français qu’après avoir mis en œuvre une réforme fiscale générale, afin que cet effort soit juste, équitablement réparti, grâce, notamment, à l’application d’une fiscalité égale sur les revenus du travail et ceux du capital.
La crise a bon dos : chaque fois que vous avez eu l’occasion d’agir, vous avez fait le contraire de ce qu’il fallait faire, dans une incohérence et une inconséquence totales avec les cycles de l’économie : non-sens de la réforme de la taxe professionnelle, inefficacité de la défiscalisation des heures supplémentaires, et même inutilité des mesures prises en matière de fiscalité immobilière.
En fait, ces erreurs successives sont la marque, me semble-t-il, d’un entêtement dogmatique que nous n’avons cessé de dénoncer. Et c’est pour cela que, avant de dégrader le triple A de la France, les agences de notation ont d’abord mis sous surveillance votre politique budgétaire, marquée par une incapacité à protéger les recettes publiques et à assurer la reprise de la croissance.
Elles ont aussi mis sous surveillance une marque de fabrique, à savoir le manque de réalisme et l’insincérité, qui ont fait qu’aucun des soldes budgétaires présentés dans les lois de finances initiales n’a été, depuis 2008, tenu en exécution. Le budget pour 2012 n’échappera pas à cette insincérité.
De surcroît, vous ne pourrez pas compter sur la consommation des ménages, première composante de la croissance : avec un chômage qui s’est approché des 10 % en août dernier, il est normal que la consommation peine à 0,7 % sur l’année passée.
Nous le savons, vous n’aurez pas été le Gouvernement du pouvoir d’achat. Pire, avec l’augmentation de la TVA que vous prévoyez, ce pouvoir d’achat sera encore plus contraint. Pour que cette mesure de dévaluation compétitive soit efficace, il faudrait geler les salaires et les pensions. Je vous engage à dire, pour une fois, la vérité aux Français, qui consomment 40 % de produits importés : l’augmentation de la TVA fera baisser leur pouvoir d’achat.
Il ne vous sera pas possible non plus de compter sur l’investissement des entreprises, qui représente pourtant 10 % de notre PIB. Celles-ci ont vu en effet leurs marges baisser jusqu’à 29 %, un taux jamais atteint. Vous ne les avez aidées ni à investir ni à restaurer leur compétitivité, ce qui aurait pu leur permettre de créer des emplois.
Par ailleurs, 30 % de cet investissement est exclusivement financé par le crédit. Autrement dit, 3 % de la croissance de la France dépend intégralement, aujourd’hui, du crédit, alors que celui-ci se raréfie, à la suite de la politique que vous avez conduite à l’égard des banques.
Je ne parle pas du commerce extérieur, cet autre indicateur de la compétitivité nationale, qui atteindra un déficit de 75 milliards d’euros. Et c’est avec la zone euro que notre déficit commercial est le pire ! Pendant cinq ans, le Chef de l’État a dit et répété qu’il ne serait pas le président des hausses d’impôts. Tandis que vous mettez en œuvre une politique d’augmentation des prélèvements obligatoires, il est dommageable pour le crédit de la parole publique que le Président de la République tente de nous faire croire le contraire.
Pour maintenir les apparences, vous avez multiplié les hausses en matière de prélèvements fiscaux ou sociaux, que celles-ci soient partielles, catégorielles, émiettées, prétendument temporaires mais reconduites, comme celles qui sont inscrites dans le projet de budget pour 2012 : je pense aux taxes additionnelles sur les boissons sucrées ou sur les chambres de bonne ! Dites-moi, madame la ministre, sous quelle mandature, hormis celle-ci, aurions-nous voté autant de taxes ? Au total, vous aurez créé trente prélèvements, pour 50 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, qui rendent notre système fiscal de plus en plus complexe, incompréhensible aux yeux de nos compatriotes, donc injuste et de plus en plus mal supporté, d’autant que le taux des prélèvements obligatoires auquel ils sont soumis est l’un des plus élevés d’Europe.
Comment nos concitoyens ne pourraient-ils pas trouver injuste et inefficace la fameuse taxation des hauts revenus, que vous nous présentez en fin de mandature et qui ne rapportera que 400 millions d’euros par an, alors que vous avez renoncé, voilà quelques semaines, cela a déjà été évoqué, à la réforme de l’ISF.
Pour trouver des recettes supplémentaires, vous avez, encore une fois, renoncé à l’équité. Plutôt que d’instaurer une taxe exceptionnelle et temporaire, il aurait mieux valu aligner sur un même barème de l’impôt sur le revenu les revenus du capital et ceux du travail. Cela pourrait rapporter près de 2 milliards d’euros !
Le débat qui nous réunit ce soir sur les prélèvements obligatoires révèle une chose simple, que tous les Français comprendront : le compte n’y est pas ! Tel est le bilan que vous laissez sur le plan de la fiscalité, comme le reflètent la structure et le montant des prélèvements obligatoires, décrits tout à l’heure par Mme la rapporteure générale.
On peut comprendre que la crise vous conduise à abandonner, enfin, certaines certitudes en matière de baisse des prélèvements obligatoires et à conduire une politique différente de celle que vous aviez promise au départ. Mais ce qui est grave, c’est que vous n’avez toujours pas réalisé qu’il est nécessaire de protéger les recettes publiques.
Il est certain, mes chers collègues, madame la ministre, que le débat de ce soir sera au cœur de la campagne présidentielle de 2012.
Au contraire de cette politique illisible, injuste et brouillonne, nous présenterons aux Français une fiscalité plus claire et plus juste, qui sera le socle du changement que nous portons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’heure tardive, j’ai décidé de me dégager totalement de mes notes. En effet, un certain nombre de choses ont été dites de manière excellente par mes collègues. Aussi, en cet instant, je me bornerai à vous faire part de quelques réflexions du citoyen lambda que j’ai l’honneur de représenter, comme vous tous, mes chers collègues.
En réalité, madame la ministre, le pacte de confiance est rompu. Nos concitoyens en ont assez de ces discours incantatoires, qui annoncent pour l’avenir une situation meilleure et une compétitivité accrue. Ils n’y croient pas ! Les gesticulations verbales des différents ministres sonnent faux, car un mot semble avoir disparu de leurs discours, celui d’équité. Depuis quinze ans, l’éventail des revenus n’a cessé de s’ouvrir. Certains de nos concitoyens sont de plus en plus riches, tandis que d’autres, malheureusement très nombreux, rencontrent des difficultés pour vivre.
Or cela, vous semblez ne pas l’avoir compris ! C’est le résultat particulièrement grave de la fracture née d’une gestion technocratique mal perçue par l’opinion publique. Lorsque vous avez supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune, vous vous êtes tiré une balle dans le pied ! Lorsque vous avez décidé de faire des cadeaux fiscaux, par le biais de remboursements, aviez-vous été alertés au sujet de citoyens aisés qui auraient dû emprunter pour payer leurs impôts ? Était-il vraiment utile de rembourser ce que certains avaient prétendument payé « en trop » ?
M. François Marc. Eh oui !
M. François Fortassin. À l’évidence, une telle politique ne prend pas en compte les besoins de nos concitoyens les plus fragiles. Or, si les élus représentent l’ensemble de la population, ils sont surtout utiles pour défendre les plus fragiles, les plus démunis.
Pour essayer de vous en sortir, vous avez eu recours à des gadgets : je pense à la taxation des parcs à thème et à celle des boissons sucrées. Certes, nous ne sommes pas opposés à de telles dispositions, même si celles-ci prêtent surtout à sourire, mais ce n’est pas avec ce genre de remèdes que nous réussirons à résoudre nos problèmes.
Et, dans le même temps, les subventions accordées aux collectivités territoriales deviennent de plus en plus chiches, ce qui se traduira par une réduction des investissements,…
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. François Fortassin. … entraînant, immanquablement, une baisse de la croissance.
Par ailleurs, la réduction des services publics n’est étudiée que d’un point de vue comptable. Pourtant, ces services publics, désormais abandonnés, sont particulièrement nécessaires dans les zones les plus fragiles de notre pays, qui sont devenues des déserts médicaux, alors même que nombre de nos concitoyens souhaiteraient s’y implanter, à condition d’y trouver un certain nombre de services.
Voilà ce que je voulais dire, même si je l’ai fait dans le désordre. En tout cas, voilà ce que pensent un certain nombre de nos concitoyens, qui considèrent que la gestion de notre pays est, aujourd’hui, mauvaise.
Pour conclure, je souhaite évoquer la règle d’or. C’était vraiment nous prendre non pas pour des débiles profonds, mais pour des débiles légers que de croire que nous allions voter une telle mesure à quelques mois de l’élection présidentielle ! Cela sentait tout de même l’arnaque ! Il faut être clair : avons-nous besoin, pour adopter un budget en équilibre, d’une règle d’or ? Non ! Il suffit d’une volonté politique, qu’aucune règle d’or ne pourra remplacer ! (M. le rapporteur général et Mme la présidente de la commission des affaires sociales approuvent.)
Madame la ministre, vous l’aurez compris, l’immense majorité du RDSE ne votera pas le projet de budget pour 2012.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il n’y a pas de vote ce soir !
M. François Fortassin. Je le sais bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Attendez donc pour vous prononcer ! Vous aurez peut-être la révélation ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il n’y croit pas !
M. François Fortassin. Bien entendu, si vous modifiiez profondément ce texte après nous avoir attentivement écoutés, nous serions obligés d’applaudir des deux mains ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce débat, nous sommes allés, me semble-t-il, au fond des choses. C’est pourquoi je veux d’abord remercier l’ensemble des orateurs : chacune des interventions successives a permis d’éclairer la différence de point de vue, si ce n’est la différence de philosophie, qui sépare le Gouvernement et la majorité présidentielle, d’un côté, la nouvelle majorité sénatoriale, de l’autre.
Parler d’une différence de philosophie n’est pas exagéré car nous divergeons sur deux points fondamentaux.
Notre premier désaccord porte sur les causes du déficit. Pour vous, c’est essentiellement la responsabilité du Gouvernement qui est en cause. Ce n’est pourtant pas ce qu’a écrit Mme Bricq dans son rapport général. Je vous invite à le relire : elle y souligne que la crise seule explique le creusement du déficit entre 2007 et 2012 !
M. François Marc. Vous savez bien que c’est faux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Reportez-vous au tableau global présenté par la rapporteure générale !
Quant au rapport que vous avez cité, monsieur Daudigny, il précise que la moitié du déficit est héritée, mais pas seulement des cinq dernières années, des trente dernières années, ce qui explique 60 % de notre endettement. En outre 30 % à 35 % supplémentaires s’expliquent par la crise, ce qui fait qu’au total plus de 90 % de notre dette est le produit d’un héritage : celui de la crise, mais aussi celui du laxisme budgétaire des gouvernements successifs depuis trente ans.
Dans l’analyse des causes, mesdames et messieurs les sénateurs de l’opposition, ne soyez donc pas simplistes. Ne dites pas : « Le déficit et la dette, c’est le Gouvernement de Nicolas Sarkozy ! » Vous n’êtes pas crédible.
La dette n’est pas une spécificité française, loin de là !
M. Yves Daudigny. La dette sociale, si !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La nôtre a beaucoup moins augmenté que celle de la plupart des pays de la zone euro ; elle est moins élevée, vous le savez, que celle des États-Unis ou du Japon.
Comme l’analyse des causes de la dette, le choix que nous opérons de donner la priorité à la maîtrise des dépenses nous sépare profondément de vous.
Vous avez déclaré, madame la rapporteure générale, qu’il fallait « prendre acte du dynamisme de la dépense publique en France ». C’est précisément sur ce point que nous divergeons : vous pensez que la hausse des dépenses publiques est au fond inévitable et qu’en conséquence le Gouvernement n’a pas d’autre choix que d’augmenter les impôts.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est bien ce que vous faites !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous sommes convaincus du contraire : le Gouvernement peut et doit manier la « toise budgétaire » – pour reprendre la formule du président Philippe Marini.
Le projet de loi de finances dont vous allez être saisis le démontrera, puisque nous vous présenterons un budget de l’État en baisse en valeur par rapport à l’année précédente.
Son examen sera l’occasion de discuter du rabot ; et j’ai, d’ores et déjà, bien entendu la nette préférence exprimée par le président Marini et Aymeri de Montesquiou pour un rabot uniforme et large.
De la même façon, monsieur le rapporteur général Yves Daudigny, vous semblez considérer que la progression continue des dépenses sociales est inévitable. Cette manière de penser appartient à une époque où l’ONDAM, après avoir été voté à 3 %, était réalisé à 5,5 ou 6 % – ce qui était le cas entre 1998 et 2002... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Quand on vote l’ONDAM à 3 % mais qu’on le réalise à 5,5 % ou 6 %, ce sont 13 milliards d’euros supplémentaires qui sont dépensés par rapport à ce que le législateur a voté. Aujourd’hui, l’État s’engage à faire respecter l’ONDAM au niveau auquel vous l’aurez voté – si vous le votez !
En respectant l’ONDAM, le Gouvernement sera parvenu, au cours du quinquennat, à réaliser 11 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de santé ; c’est autant de déficits en moins, autant de recettes que nous n’aurons pas eu à chercher.
En outre, madame David, aucune prestation sociale n’a été réduite au cours du quinquennat. Ce n’est pas ce qui se passe dans de nombreux pays voisins…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Et les déremboursements de médicaments ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Les filets de protection sociale n’ont jamais été aussi solides dans notre pays ! Je vous rappelle que l’allocation aux adultes handicapés a augmenté de 25 %, de même que le minimum vieillesse et que nous avons créé le revenu de solidarité active avec Martin Hirsch, qui n’était d’ailleurs pas membre de l’UMP.
Vous avez parlé, monsieur Patriat, de courage et de lucidité. Franchement… Vous osez dire cela à la ministre qui a conduit la réforme de l’université, réforme que vous n’avez même pas votée alors que tous, sur ces travées, vous la saviez nécessaire et qu’aujourd’hui vous reconnaissez ne pas vouloir la remettre en cause ! Mais le courage et la lucidité sont du côté du Gouvernement et non pas du côté d’un parti qui, entre 1997 et 2002, a renoncé à réformer les retraites pour ne pas déplaire au cœur de son électorat : la fonction publique.
Ne nous donnez donc pas des leçons de courage et de lucidité, à nous qui avons conduit la réforme des retraites, celle de l’université, celles de la taxe professionnelle, de l’État et de l’hôpital ! Pas cela, pas à nous, pas ce soir : je ne l’accepterai pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, lorsque vous refusez de faire supporter par les générations futures le poids du financement de notre protection sociale.
C’est précisément pour ne pas le faire que des réformes structurelles étaient indispensables comme celle des retraites, qui engendrera 5,5 milliards d’euros d’économies dès 2012. Préserver notre modèle social, c’est l’objectif que poursuit la politique du Gouvernement ; je remercie Dominique de Legge de l’avoir souligné.
Pour finir, monsieur Daudigny, je veux dire un mot de l’exemple allemand. Il est important que vous souhaitiez vous inspirer des bonnes pratiques étrangères. Mais n’oubliez pas un détail, qui a son importance : ce sont les subventions versées par l’État fédéral – 15,6 milliards d’euros en 2010 – qui ont permis aux caisses allemandes d’être chaque année proches de l’équilibre. Il faut le garder à l’esprit lorsqu’on considère l’exemple allemand.
M. Yves Daudigny. Nous savons cela.
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai beaucoup entendu louer, sur ces travées, les vertus de l’équilibre budgétaire… Aussi, j’ai trouvé incompréhensible, monsieur Fortassin, que vous refusiez la main tendue du Gouvernement au sujet de la règle d’or.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Elle ne réglerait rien !
M. François Fortassin. Pourquoi ne l’avez-vous pas adoptée voilà trois ans ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’accepter, ce n’aurait pas été faire un cadeau au Gouvernement – je sais bien que vous n’avez pas envie de nous en faire, surtout en cette période pré-électorale. C’est aux Français que vous auriez fait un cadeau en acceptant de voter la règle d’or dans l’union nationale, considérant qu’elle était nécessaire pour rassurer nos partenaires, les observateurs et l’ensemble des acteurs économiques mondiaux. En effet, l’adopter serait garantir à notre pays que, quel que soit le résultat des élections à venir, le Gouvernement en place poursuivra la politique de réduction des déficits.
Cette ceinture de sécurité, vous l’avez refusée non pas à Nicolas Sarkozy, mais aux Français !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est l’esprit de parti !
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est une faute grave dont vous porterez la responsabilité – je suis désolée de vous le dire – si le reproche nous en est fait, dans quelques mois, par des observateurs étrangers.
Au sujet des prélèvements obligatoires, madame la présidente Annie David, vous avez cité le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Mais il faut le citer jusqu’au bout ! Car il reconnaît qu’« en prenant en compte les transferts en espèce, le système socio-fiscal est globalement devenu plus progressif » entre 1990 et 2009… « Plus progressif » !
Et il faut ajouter que cette étude, parce qu’elle s’arrête en 2009, ne prend pas en compte l’effet cumulé des vingt-cinq mesures prises depuis cinq ans et dont je vous ai parlé tout à l’heure : plafonnement des niches, suppression des avantages fiscaux et sociaux, renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu, réforme du régime des plus-values immobilières, augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus de l’épargne, taxation des stock-options, parachutes dorés et retraites-chapeaux. Tout ce que vous n’avez pas taxé lorsque vous étiez au pouvoir, nous l’avons taxé !
M. François Marc. C’est indécent !
M. François Patriat. Et le bouclier fiscal ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Comme vous le souhaitez, madame David, nous avons rapproché l’imposition des revenus du travail et celle des revenus du patrimoine. Je sais que cet objectif tient à cœur à Mme Michèle André ; elle devrait donc approuver la politique du Gouvernement sur ce sujet !
Mme Michèle André. Sûrement pas !
Mme Valérie Pécresse, ministre. S’agissant de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, je vous répondrai, monsieur Arthuis, que la solution que nous avons proposée permet de taxer aussi bien les revenus du capital que ceux du travail. La création d’une ou plusieurs tranches supplémentaires d’imposition sur le revenu n’aurait frappé que les seconds alors que notre contribution de solidarité pèse sur l’ensemble des revenus : elle touche donc davantage les ménages les plus aisés, ce qui est plus juste et plus efficace.
Vous vous êtes étonnée, madame la rapporteure générale, de voir le Gouvernement modifier, à plusieurs reprises, le régime fiscal applicable aux entreprises ou aux ménages. C’est qu’à nos yeux une politique fiscale ne porte pas seulement sur le niveau des prélèvements obligatoires. Le Gouvernement considère qu’il lui appartient aussi de modifier petit à petit la structure de notre fiscalité, c’est-à-dire la répartition de la charge fiscale.
Nous devons le faire en fonction de la situation économique. Aujourd’hui – le président Marini l’a très bien dit – la situation n’est plus du tout la même qu’en 2007, lorsque le taux de chômage était à 7 %, elle n’est plus du tout la même qu’en 2008 et 2009, au plus fort de la crise. Les évolutions de la conjoncture économique nécessitent une adaptation permanente de l’outil fiscal ; nous nous employons à ce faire, avec le souci de ne pas briser une croissance convalescente, encore extrêmement fragile, et de renforcer notre compétitivité, c’est tout l’enjeu du crédit impôt recherche ou de l’abandon de la taxe professionnelle.
Nous sommes aussi guidés par la recherche de l’équité. C’est un mot que vous avez souvent à la bouche. Mais j’attends avec impatience vos propositions…
Pour moi, une politique vraiment équitable réduit d’abord la dépense ; elle ne crée pas un choc fiscal qui, par définition, serait injuste, parce qu’il briserait la croissance et l’emploi.
Je regrette, madame Beaufils, que vous ne perceviez pas la nécessité d’une telle politique de compétitivité. Pour ma part, je crois que la hausse du coût du travail a pesé et pèse encore sur nos capacités d’exportation.
Je remercie Jean Arthuis d’avoir, en soulignant ce point, ouvert un débat essentiel : celui d’un transfert de fiscalité dans le cadre d’une politique de compétitivité fondée sur la baisse du coût du travail en France. L’Allemagne, pour ne citer qu’elle, met en œuvre une telle politique depuis dix ans ; elle en recueille aujourd’hui tous les fruits.
Une hausse générale des impôts serait aveugle et injuste. C’est pourquoi nous lui préférons des prélèvements ciblés au service de l’équité et de la compétitivité.
Le désendettement de la France, comme l’a parfaitement dit René-Paul Savary, suppose d’abord de faire des économies sur les dépenses : c’est là, je le répète, notre divergence fondamentale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
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Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Jean-Pierre Sueur, Mmes Virginie Klès, Catherine Tasca, Éliane Assassi, MM. Jean-Jacques Hyest, François Pillet, François Zocchetto ;
Suppléants : MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Christophe Béchu, Mme Esther Benbassa, MM. Gaëtan Gorce, Jacques Mézard, André Reichardt.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 3 novembre 2011 :
De neuf heures trente à treize heures trente :
1. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (n° 744, 2010-2011).
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 39, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 40, 2011-2012).
À partir de quinze heures :
2. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (n° 740, 2010-2011).
Rapport de Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 37, 2011-2012).
À partir de dix-neuf heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
3. Texte de la commission de la culture sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans (n° 447, 2010-2011).
Rapport de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 62, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 63, 2011-2012).
4. Suite de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité (n° 793, 2010-2011).
Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 67, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 68, 2011-2012).
5. Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (n° 745 rectifié, 2010-2011).
Rapport de M. Christian Favier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 71,2011-2012).
Texte de la commission (n° 72, 2011-2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 3 novembre 2011, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART