Sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
2. Dépôt de rapports du Gouvernement
3. Financement de la sécurité sociale pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Débat sur la démographie médicale
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ; MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; François Autain, Georges Othily, Mme Muguette Dini, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Marc Juilhard.
M. Bernard Murat.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
Mme Annie David, MM. Jean-Pierre Bel, le président, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Jacques Jégou, au nom de la commission des finances ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Jean-Pierre Godefroy, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
5. Financement de la sécurité sociale pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Débat sur la démographie médicale (suite)
MM. Claude Domeizel, François Fortassin, Pierre-Yves Collombat, Alain Fouché.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
PRÉSIDENCE DE Mme MichÈle AndrÉ
Troisième partie (Dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour 2008)
M. Bernard Cazeau, Mme Annie David.
Amendements identiques nos 142 rectifié de Mme Christiane Demontès et 275 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie ; Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article et de l'annexe B.
MM. Claude Domeizel, Guy Fischer, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
Adoption de l'article.
Articles 9 B et 9 C. - Adoption
Article additionnel avant l'article 9 D
Amendement n° 460 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendements identiques nos 1 de la commission et 77 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis ; amendement n° 209 de Mme Muguette Dini. - MM. le rapporteur, Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Mme Muguette Dini, MM. le ministre, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Retrait des trois amendements.
Mme Annie David.
Adoption de l'article.
M. François Marc, Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur général.
Amendement n° 224 de M. François Marc. - Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, Mme Isabelle Debré. - Rejet par scrutin public.
Amendements nos 269 rectifié, 268 rectifié de M. Bernard Murat, 406, 407 de M. Jean-Marc Juilhard, 225 à 229 de M. François Marc, 222 de M. Yves Pozzo di Borgo et 78 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Mme Isabelle Debré, M. Jean-Marc Juilhard, Mme Nicole Bricq, MM. François Marc, Yves Pozzo di Borgo, le rapporteur pour avis.
Suspension et reprise de la séance
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Isabelle Debré, M. François Marc. - Retrait des amendements nos 406 et 222 ; rejet des amendements nos 225, 226, 227, 228 et 229 ; adoption des amendements nos 269 rectifié bis et 268 rectifié, les amendements nos 78 et 407 devenant sans objet.
Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Cantegrit.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 9 E
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Articles additionnels avant l'article 9
Amendement n° 277 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 276 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 278 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Mme Raymonde Le Texier.
Amendement n° 280 de M. François Autain. - MM. François Autain, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 279 de M. François Autain. - MM. François Autain, le rapporteur, le ministre. - Retrait
Amendements nos 3 de la commission et 79 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre, le président de la commission des affaires sociales, François Autain. - Rejet de l'amendement n° 3, l'amendement n° 79 devenant sans objet.
Amendement n° 281 de M. François Autain. - MM. François Autain, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 258 de M. Dominique Leclerc. - MM. Dominique Leclerc, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 9
Amendements nos 4 de la commission et 122 rectifié de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. le rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, le ministre, le président de la commission, Mme Nathalie Goulet. - Adoption de l'amendement n° 4 insérant un article additionnel, l'amendement n° 122 rectifié devenant sans objet.
Amendements identiques nos 143 de Mme Christiane Demontès et 282 de M. François Autain. - Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. François Autain, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 5 de la commission et 80 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 9 bis
Amendement n° 198 de Mme Anne-Marie Payet. - Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 111 de M. Bernard Cazeau et 283 de M. Guy Fischer. - MM. Bernard Cazeau, Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 284 et 285 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Bernard Cazeau. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 6 et 7 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° 8 de la commission et sous-amendement n° 455 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 9 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 286 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 10 rectifié de la commission. - Devenu sans objet.
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
M. Guy Fischer.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Amendements identiques nos 144 de M. Claude Domeizel, 287 de M. Michel Billout et 462 du Gouvernement. - MM. Claude Domeizel, Guy Fischer, le ministre, le rapporteur pour avis, le rapporteur, Dominique Leclerc. - Adoption, par scrutin public, des trois amendements supprimant l'article.
Amendement n° 247 rectifié de M. Gérard César. - MM. Gérard César, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
6. Dépôt d'une question orale avec débat
7. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
8. Dépôt d'un rapport d'information
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Dépôt de rapports du gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 9 de la loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, le rapport relatif à l'exécution de cette loi en 2007.
M. le président du Sénat a également reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article D. 114-4-3 du code de la sécurité sociale, le rapport annuel du Haut conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.
Ils seront transmis respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des affaires sociales, et seront disponibles au bureau de la distribution.
3
Financement de la sécurité sociale pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 67,72 et 73).
débat sur la démographie médicale
M. le président. Nous allons procéder au débat sur la démographie médicale.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est désormais une tradition bien instituée et fort utile qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous puissions nous retrouver pour débattre d'un sujet de fond de ce projet de loi.
Le choix que vous avez arrêté, monsieur le président de la commission, nous permet d'aborder une des questions les plus cruciales que nous ayons à traiter dans le cadre de notre politique de santé publique.
Sur le sujet de la démographie médicale, l'heure n'est plus à l'évaluation. Chacun le sait depuis longtemps : si rien n'est fait pour rééquilibrer la répartition géographique des médecins, la situation deviendra rapidement irréversible dans de nombreuses régions, si ce n'est déjà fait. De nombreux sénateurs sont d'ailleurs intervenus dans ce sens hier soir lors de la discussion générale.
Aujourd'hui déjà, 4 millions de Français ont des difficultés à accéder à un médecin généraliste.
Il n'y a plus de pédopsychiatres en Lozère, alors qu'on en trouve trente dans le département de l'Hérault, tout proche.
À Paris, dans le IVe arrondissement, la densité de médecins est deux fois et demie supérieure à la moyenne de l'Île-de-France : 52,2 pour 10 000 contre 20,5 pour 10 000. Pour cet arrondissement de 30 000 habitants, on compte quarante-six médecins généralistes et cent seize spécialistes. À titre de comparaison, la ville de la Courneuve compte vingt-deux généralistes et six spécialistes pour 37 000 habitants.
Je prendrai encore un autre exemple : à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, depuis 2000, trente-six médecins ont quitté la commune, dix-sept généralistes et dix-neuf spécialistes, pour seulement vingt installations. L'âge moyen de départ n'est que de 54 ans. Tout cela n'est pas acceptable.
Il convient de savoir regarder la réalité en face, telle qu'elle est objectivement décrite.
Certes, aujourd'hui, les indicateurs démographiques confirment une croissance persistante du nombre de praticiens en exercice : 212 711 médecins au 1er janvier 2007, soit une croissance de 7 % par rapport à 2000.
Toutefois, cette évolution s'accompagne d'un vieillissement marqué des médecins dont l'âge moyen est de 49,4 ans en 2007.
Cette profession se caractérise également par une féminisation croissante : 38,8 % des praticiens actuellement en exercice sont des femmes et sur les bancs des facultés cette proportion est de 70 %.
De plus, comme le précise très justement le rapport d'information sur la démographie médicale de M. Jean-Marc Juilhard - que nous entendrons tout à l'heure -, les projections les plus raisonnables prévoient, à l'horizon 2025, une chute de la densité médicale de 15,6 % pour la ramener à un niveau proche de celui du milieu des années quatre-vingt, soit 283 médecins pour 100 000 habitants, alors que nous sommes actuellement à 336 pour 100 000 habitants.
Enfin, une dernière caractéristique mérite d'être soulignée : le développement des modes d'exercices salariés traduit bien une véritable mutation sociologique.
Au total, on constate depuis plusieurs années une répartition inégale des médecins sur le territoire, générant des zones déficitaires ainsi qu'une désaffection relative pour certaines spécialités. La médecine générale, en particulier, qui constitue, comme chacun sait, un pivot essentiel du système, ne bénéficie pas de l'attractivité qu'elle mérite.
Ce n'est pas d'ailleurs l'un des moindres avantages du débat qui a eu lieu voilà quelques semaines dans l'opinion publique que d'arriver à faire partager ce constat. Les médecins qui sont ici savent bien que, s'il n'y a pas de diagnostic, il n'y a pas de traitement possible. À mon arrivée au ministère de la santé, avenue Duquesne, j'ai entendu certaines organisations représentatives dire qu'il n'y avait pas de problème de démographie médicale, tout au plus quelques difficultés çà et là.
Maintenant, partant d'un tel constat, il nous revient d'en analyser les déterminants, si nous voulons être en mesure d'engager les réformes utiles et d'accompagner les mutations structurelles qui s'imposent.
Quels sont donc les déterminants de l'accroissement et de la modification de la demande de soins ?
Les données du problème sont claires.
La population française augmente de manière continue et sa structure par âge évolue au profit des classes les plus âgées.
La transition épidémiologique qui en résulte implique l'augmentation de l'incidence et de la prévalence des pathologies chroniques, ainsi que des structures et des modalités de prises en charge nouvelles qui les accompagnent.
Près de huit millions de Français sont atteints d'une affection de longue durée. Ce nombre progresse de 10 % par an depuis dix ans et les soins correspondants représentent près de 60 % du montant actuel des dépenses d'assurance maladie.
Les professionnels de santé sont désormais requis, bien au-delà des cabinets et des établissements de santé, dans de nombreuses structures de prise en charge et d'accompagnement alternatives à l'hospitalisation.
Parallèlement, l'offre de soins se remodèle.
Aussi, les choix faits aujourd'hui en matière de numerus clausus et de postes offerts aux épreuves classantes nationales, les ECN, sont des choix cruciaux. Ils détermineront l'évolution des caractéristiques de la population médicale, en termes de volume et de spécialités. Ces choix auront un impact direct d'ici à trois ans pour les internes qui viennent de passer les ECN et d'ici à dix ans pour les étudiants entrant dans les études médicales.
Face à ce constat, des voix se sont élevées, venant de tous horizons politiques, préconisant pour la plupart - nous en avons eu le témoignage hier soir ici même - la mise en place de mesures coercitives qui, pour certaines, remettent profondément en cause un des principes fondateurs de la médecine libérale telle qu'elle existe depuis 1927 : la liberté d'installation.
Ces propos sont relayés par les courriers que je reçois quasi quotidiennement, en provenance d'élus locaux et de parlementaires, pour me signaler des situations sanitaires désespérées et implorer la mise en place de mesures de régulation désincitatives.
Monsieur Juilhard, dans votre rapport d'information sur la démographie médicale, vous vous interrogez sur l'opportunité d'envisager d'autres mesures que celles qui sont fondées sur la seule incitation. Vous citez notamment des actions sur la rémunération des professionnels de santé, sur la prise en charge des cotisations sociales et, enfin, sur des modulations de conventionnement dans certaines zones. Comme beaucoup, je partage vos interrogations.
Comment répondre ? Si nous sommes les garants de la liberté d'installation, nous sommes également tenus d'assurer l'accès de tous les Français à des soins de qualité.
Je veux le dire ici sans ambages : jamais un seul instant, je n'ai imaginé m'attaquer à cette question fondamentale par le seul biais de la restriction de la liberté d'installation des médecins.
Je connais bien les obligations et les contraintes des professions de santé, pour en avoir moi-même pratiqué l'exercice. Je mesure aussi la complexité de notre système. J'ai clairement conscience que, même si l'action peut être locale et sectorielle - beaucoup ici pourraient en témoigner -, la réflexion préalable à toute prise de décision doit être une réflexion globale.
Les réponses aux problèmes liés à la démographie médicale ne sont donc pas à chercher uniquement dans notre capacité à contraindre ou à inciter les professionnels de santé à s'installer et à exercer dans certaines zones plus ou moins déshéritées.
Poser la question de l'accès aux soins, c'est s'interroger sur l'organisation globale de notre système de santé : la formation, les conditions d'exercice, la répartition et l'aménagement du territoire, l'organisation du premier recours, son articulation avec le reste de l'offre de soins, la coordination entre la ville et l'hôpital, les modes de rémunération et, bien entendu, la gouvernance du système au niveau aussi bien local que national
L'amélioration de l'organisation de notre système de santé constitue ainsi l'un des axes cardinaux de ma stratégie. Elle est le maître mot des réflexions complémentaires que j'ai engagées depuis mon arrivée au ministère.
Les États généraux de l'organisation de la santé nous ont permis de mener la réflexion sur l'offre de soins libérale, notamment de premier recours.
La commission Larcher a ouvert une vaste concertation sur l'hôpital et ses missions.
Enfin, la création des agences régionales de santé permettra de faire la synthèse entre ces deux secteurs et de définir les conditions d'une nouvelle gouvernance.
L'ouverture des États généraux de l'organisation de la santé symbolise l'accord passé avec les étudiants, les internes et les jeunes médecins. Durant la période que nous venons de traverser, nous avons beaucoup reçu, écouté, expliqué. Et toujours, j'ai senti cette volonté commune de garantir aux générations futures des soins de qualité. Les jeunes professionnels que nous avons rencontrés ont prouvé leur sens des responsabilités, en faisant des propositions qui coïncident avec nos objectifs gouvernementaux et qui répondent aux attentes de nos concitoyens.
Cet équilibre se matérialise dans les articles 32, 32 bis et 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, tels que modifiés par les amendements du Gouvernement et adoptés à l'Assemblée nationale.
L'article 32 bis, spécifique aux infirmières, conforte les acquis de l'accord conventionnel du 22 juin 2007 passé entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, et les quatre syndicats infirmiers. Je tiens, d'ailleurs, à saluer la qualité de ce travail exemplaire qui prouve bien que la réforme est possible quand le sens des responsabilités et l'esprit de concertation se conjuguent. Ainsi, les négociations entre l'assurance maladie et les infirmières sont, pour moi, la preuve tangible qu'il est toujours possible d'avancer quand le souci de l'intérêt général permet de triompher de l'inertie.
En proposant une régulation de leur démographie professionnelle, les infirmières ont donné un bel exemple de solidarité responsable. Je tiens à ce que les termes de cet accord soient respectés. L'article 32 bis pose les bases législatives nécessaires pour que les négociations conventionnelles puissent progresser en ce sens.
J'ai demandé au professeur Yvon Berland et à la directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins de présider les états généraux de l'organisation de la santé, qui devront se tenir en février 2008.
C'est la première fois, mesdames, messieurs les sénateurs, que des élus, des patients et des professionnels de santé vont se retrouver pour définir ensemble l'évolution de notre système de santé.
M. François Autain. Ce n'est pas la première fois ! Il y a déjà eu des états généraux !
M. François Fortassin. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ma commande est précise et volontaire : l'offre de soins de premier recours doit être rénovée. Les Français doivent avoir accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.
Je veux que ces états généraux soient l'occasion pour tous les acteurs de santé, médicaux, paramédicaux et pour les patients de réfléchir à la mutation de leurs pratiques et de leurs comportements. Je veux également que tous les acteurs institutionnels concernés par la santé et l'accès aux soins - je n'oublie pas que je suis dans une assemblée qui représente les territoires de notre pays - reconsidèrent leurs périmètres d'intervention et leurs relations pour définir une stratégie globale plus cohérente.
Les réflexions devront concerner l'ensemble des professionnels de santé et se faire bien entendu en liaison avec la problématique de l'hôpital.
Il s'agit clairement ici de mettre en cohérence l'ensemble des réflexions engagées, notamment dans le cadre de la mission menée par Gérard Larcher, pour aboutir à une importante réforme de structure de notre administration sanitaire et de l'organisation de l'offre de soins dans notre pays.
Concrètement, ces états généraux seront préparés par une série de consultations et d'auditions dont l'objectif sera de mettre en valeur les expériences et les réflexions locales pertinentes. Dans cet esprit, il conviendra - vous y serez sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs - d'organiser des séances de travail délocalisées en région.
Sans préempter le débat, il est évident qu'un certain nombre d'idées largement reprises dans de nombreux rapports ou interventions seront discutées. Il ne s'agira pas, dans ce domaine, de les répéter ou de les présenter différemment, mais de prévoir concrètement les modalités de leur intégration et de leur mise en oeuvre dans notre système de santé.
Je pense bien sûr, en l'occurrence, au numerus clausus et à la formation, aux maisons de santé et à l'organisation des métiers qui constituent l'offre de soins de premier recours.
Les mesures incitatives, dans la mise en place desquelles les collectivités territoriales jouent un rôle important, devront être privilégiées. Mais, au moment où les états généraux de l'organisation de la santé commencent, les débats doivent être ouverts aux propositions les plus innovantes.
Je veillerai particulièrement à ce que les recommandations émises par M. Juilhard, dans son rapport d'information sur la démographie médicale, fassent l'objet d'une étude approfondie.
À ce titre, le recensement des besoins, la valorisation et l'évaluation des dispositifs en place, ainsi que l'information des plus jeunes, me semblent être des mesures incontournables.
De la même manière, il conviendra de renforcer les efforts engagés dans le domaine des simplifications administratives, dans le développement des centres de santé, l'évolution de l'examen classant national et la valorisation des maîtres de stage, notamment dans les zones sous-denses.
Vous l'aurez compris, cette réflexion, nous la conduirons sans tabou, animés par le seul souci de dégager des solutions pertinentes et structurantes, de trouver des réponses concrètes aux préoccupations des Français.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 pose les fondations de la stratégie globale de rénovation de l'organisation des soins et nous fournit les principaux outils de sa mise en oeuvre : les expérimentations de nouveaux modes de rémunération et d'organisation de la permanence des soins, les contrats individuels pour les médecins qui veulent aller plus loin, la possibilité de constituer des groupements de coopération sanitaire sur le territoire, l'extension du panel des mesures d'adaptation des relations conventionnelles en fonction de l'offre de soins.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les perspectives en fonction desquelles j'ai voulu élaborer le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui se veut un projet de loi de fondation. J'espère que nos débats seront riches et fructueux autour de ces sujets, mais, connaissant le Sénat, je n'en doute pas un instant. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici venu le débat sur la démographie médicale. Ne nous méprenons sur son intitulé, car nous n'avons pas trouvé une autre dénomination pour traiter le sujet qui nous occupe.
Certains pourraient considérer qu'il s'agit de définir le nombre de médecins, généralistes ou spécialistes, pouvant exercer sur notre territoire, mais le problème n'est pas tant celui du nombre - car la France est l'un des pays européens qui n'a jamais disposé d'autant de médecins qu'aujourd'hui, ...
M. François Autain. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... et Mme le ministre vient de citer les chiffres en la matière - que celui de la répartition des professionnels de santé sur notre territoire.
M. François Autain. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur. La démographie médicale est un problème d'aménagement du territoire, puisqu'il s'agit de bien répartir les médecins sur l'ensemble du territoire pour une meilleure offre de services. Les difficultés les plus aiguës concernent les généralistes, notamment dans les territoires ruraux et les zones sensibles, mais aussi certains spécialistes. Des patients doivent parfois attendre un an, voire plus, avant d'obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, par exemple, et doivent ensuite parcourir, dans certains cas, des dizaines de kilomètres pour s'y rendre.
Madame la ministre, dans le cadre des états généraux de l'organisation de la santé que vous appelez de vos voeux, et qui se tiendront en février prochain, j'espère que cette vraie question de santé publique sera abordée.
Pourtant, ce phénomène n'est pas nouveau. Perceptible depuis une dizaine années, cette pénurie de médecins n'a été véritablement établie qu'au cours des cinq dernières années, sur la base des travaux réalisés par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé.
Son diagnostic semble partagé, mais je n'y reviendrai pas ; Mme la ministre en a elle-même rappelé les principaux éléments.
Plus que le nombre de médecins en activité, le sujet qui me paraît le plus préoccupant - et tous les élus locaux ici présents partagent, j'en suis sûr, mon avis - est celui de la répartition des professionnels de santé sur le territoire national.
Le Gouvernement s'est saisi de la question des zones sous-médicalisées en faisant le choix d'une politique fondée sur l'incitation. Les mécanismes mis en oeuvre visent les différentes étapes de la carrière d'un médecin, de sa formation à son installation, sans oublier les conditions de son exercice professionnel. Toutes ces mesures ont une cible principale : favoriser l'installation et/ou le maintien de médecins dans les zones sous-médicalisées, qu'il s'agisse des zones rurales ou des quartiers sensibles des périphéries de nos villes, qui sont également touchés.
Des aides ont été mises en place, pour la plupart au cours des quatre dernières années, en réaction, de façon somme toute assez rapide, aux premiers indices d'une possible pénurie. Elles reposent presque essentiellement sur des mécanismes d'incitation financière.
Quels sont les résultats de cette politique qui cherche à convaincre ? Ils sont encore faibles, nous devons aujourd'hui en convenir. Cela étant, il faut être juste et ne pas méconnaître le caractère récent de ces dispositions, même si les premières datent de 2004. Ce qui me paraît plus grave, c'est le manque d'information des étudiants et des professionnels de santé sur les dispositifs d'incitation qui leur sont pourtant destinés.
Dans un rapport récent, notre collègue Jean-Marc Juilhard a constaté que la diffusion de l'information sur ces aides a été jusqu'à présent très insuffisante, y compris au sein des services de l'État. On peut s'étonner que ceux-ci n'aient pas été plus dynamiques en la matière et que les ministres en charge de ces services n'aient pas plus mobilisé tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse des DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, des DRASS, les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, ou des MRS, les missions régionales de santé, pour obtenir une traduction concrète des mesures législatives voulues par le législateur dans les textes relatifs notamment à l'aménagement du territoire.
Les étudiants et les jeunes médecins qui ignorent le détail de ces dispositifs n'y ont évidemment pas suffisamment recours.
En 2004, dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, pour régler ce problème, M. Douste-Blazy avait pourtant prévu toute une boîte à outils, notamment des mesures incitatives, à laquelle s'est ajouté l'avenant conventionnel n° 20 entre la CNAM et les professionnels de santé, pouvant peser sur les cotisations sociales.
Ce n'est pas à nous, parlementaires, de faire notre mea culpa, mais bien à Mme la ministre et à ses services ! Dans sa réponse, elle pourra nous donner tout à l'heure les raisons pour lesquelles cette information n'a pas été diffusée auprès des étudiants et des professionnels de santé.
L'État, qui a pour mission de garantir l'accès effectif des assurés aux soins sur l'ensemble du territoire, doit prendre toute sa part dans cette politique de communication, et ne pas laisser l'assurance maladie et les collectivités territoriales assumer seules cette mission.
À cette occasion, je tiens à saluer les actions, souvent créatives, engagées par les collectivités territoriales pour attirer et conserver des professionnels de santé sur leur territoire. Nous pouvons le reconnaître, ces collectivités sont, en définitive, les seules à développer une politique volontariste en ce domaine.
M. Jacques Blanc. Oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Hier, au cours de la discussion générale, on a cité notamment le département de l'Allier, ...
M. Jacques Blanc. La Lozère !
Mme Nathalie Goulet. L'Orne !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... celui de la Lozère et la région Lorraine, alors que l'État, lui, traîne les pieds, même s'il fait une politique d'affichage sur ce sujet.
Par exemple, la loi de février 2005 relative au développement des territoires ruraux autorise les collectivités à aider financièrement les médecins au moment de leur installation. Plusieurs régions ou départements proposent d'accorder des bourses aux étudiants en médecine, ...
M. Éric Doligé. Le Loiret !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... soit pour favoriser les stages dans les zones sous-médicalisées - dans la région Bourgogne, par exemple -, soit en contrepartie d'une installation future dans une zone sous-médicalisée, une fois le médecin diplômé - c'est le cas des départements de l'Allier et de la Manche.
Les collectivités territoriales soutiennent également la création de maisons de santé, dont nous aurons l'occasion de reparler lors de l'examen des amendements. Reprenant certaines des propositions de notre collègue Jacques Juilhard, nous avons déposé toute une série d'amendements sur ce sujet. Malheureusement, on nous a opposé l'article 40 de la Constitution, ...
M. François Autain. Ah l'article 40 !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ...une pratique dénoncée par nos collègues Guy Fischer et Jean-Pierre Godefroy.
À cet égard, permettez-moi, mes chers collègues, d'ouvrir une parenthèse.
Avec cette nouvelle procédure, on ne peut plus examiner en séance publique un amendement que la commission a déposé parce qu'il lui semble pertinent, alors que, s'il avait pu être examiné, il aurait suffi au Gouvernement, s'il partageait son bien-fondé, de lever le gage et l'amendement aurait été adopté. Cela ne sera plus le cas.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il appartiendra donc au Gouvernement, s'il le juge utile et nécessaire, de reprendre ces initiatives en ce qui concerne les maisons de santé.
M. François Autain. Après les états généraux !
M. Guy Fischer. Il faut revoir ce procédé !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il ne suffit pas d'affirmer que l'on a la volonté d'agir. Lorsque le législateur se donne les moyens d'avancer sur les dossiers, encore faut-il que la commission des finances ne lui scie pas les jambes !
M. Jean-Pierre Godefroy. Absolument !
M. Guy Fischer. On ne peut pas vivre sous la tutelle de la commission des finances !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si nous voulons que les travaux parlementaires soient efficaces, il faut prévoir, pour certains amendements, une autre manière de procéder.
Je reviens maintenant à mon propos.
Le conseil régional de la Lorraine a également conclu une convention avec l'ARH, l'agence régionale de l'hospitalisation, et l'UNCAM, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, pour promouvoir ce type de structures.
Si les collectivités territoriales ont pris en charge les questions liées à l'installation des professionnels libéraux, que peuvent faire les autorités sanitaires ? Il reste en réalité bien des choses à essayer, et d'autres pistes, parfois innovantes, sont à explorer.
Par exemple, comment ne pas être frappé par la faible place accordée à la télémédecine ? Hier, dans un exposé particulièrement brillant, M. Etienne a appelé l'attention de la Haute Assemblée et de Mme la ministre sur l'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour en favoriser le développement. On nous oppose des problèmes liés à l'installation d'un réseau à haut débit sur l'ensemble du territoire. C'est un fait avéré, notamment dans des zones rurales très retirées, malgré les initiatives prises par certains conseils généraux.
On fait valoir que le développement de la télémédecine suppose des aménagements juridiques et de nouvelles règles de financement des structures et de rémunération des professionnels de santé. Admettons ! Mais alors qu'attendons-nous pour prendre les mesures qui permettraient justement à la télémédecine de fonctionner ? Qu'attendons-nous pour prendre des initiatives ?
Je trouve regrettable que la télémédecine ne fasse pas l'objet d'un développement plus rapide, comme l'a souligné notre collègue Jean-Claude Etienne, qui en est le plus ardent défenseur. S'il faut, à l'intérieur du ministère, procéder à d'heureux redéploiements de moyens budgétaires, financiers, humains, faisons-le ! Le tout, c'est de parvenir à convaincre Bercy de permettre au ministre de la santé de disposer de moyens nécessaires à la défense de ce dossier.
En dehors des nouvelles technologies, d'autres moyens pourraient favoriser un meilleur accès aux soins.
D'abord, les hôpitaux, et notamment les hôpitaux locaux, pourraient jouer un rôle important dans ce domaine. Il revient au Gouvernement de le définir clairement.
Ensuite, on pourrait aussi imaginer de favoriser l'accès du patient au médecin, et non l'inverse. C'est assez logique ! Je pense, par exemple, à favoriser des systèmes de transport des patients à mobilité réduite, de manière collective ou individuelle, vers les cabinets médicaux et les maisons de santé, notamment dans les territoires déficitaires. L'expérience menée en ce domaine par le conseil général de la Marne, que connaît bien le professeur Etienne, me paraît devoir être suivie de près. Il faut en tirer les conséquences et voir comment on pourrait développer ce type d'actions.
Enfin, on peut agir sur d'autres leviers.
Ainsi, dans son rapport annuel pour 2007, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, instance qui réunit l'ensemble des acteurs du système de santé, estime indispensable d'agir sur le taux d'activité des femmes et des seniors, afin d'augmenter l'offre médicale disponible. Il est exact que la féminisation des professions médicales n'est pas exempte de conséquences sur la durée d'activité des médecins car - et heureusement d'ailleurs ! - elles sont plus souvent amenées à interrompre ou à organiser différemment leur carrière pour s'occuper de leurs enfants.
De même, il serait judicieux de transformer l'actuel examen classant national en épreuve régionale ; le professeur Etienne est intervenu sur ce point hier. L'expérience montre que les étudiants s'installent dans la région dans laquelle ils ont fait leurs études ; il y a donc là une possibilité de guider leur choix.
Madame la ministre, la commission a aussi pensé qu'il serait utile d'obtenir une meilleure adéquation entre le nombre de postes ouverts au concours et le nombre de candidats. Aujourd'hui, et c'est un choix de votre ministère, on propose plus de postes que de candidats : c'est ainsi que 542 postes de médecine générale n'ont pas été pourvus cette année !
M. François Autain. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas rien !
Si l'on ajustait l'offre et la demande, comme c'est par exemple le cas dans les grandes écoles,...
M. Jean-Pierre Godefroy. Exactement ! Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... on amènerait mécaniquement les étudiants à la médecine générale tout en facilitant leur implantation dans les zones les plus fragiles.
M. François Autain. Tout à fait d'accord !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, je voudrais conclure mon intervention en évoquant les travaux de recensement confiés aux missions régionales de santé, les MRS. Car, ne nous y trompons pas, la mesure la plus novatrice du projet de loi de financement en matière de matière de démographie médicale, c'est bien celle-là : désormais, des zones médicalement surdotées seront définies à côté de celles qui sont considérées comme sous-dotées.
Au cours des auditions auxquelles j'ai procédé, il m'a été rapporté que, si les mesures concernant la démographie médicale prévues dans la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et celles qui ont été prises à l'occasion de l'avenant n° 20 à la convention nationale avec les médecins, n'avaient pas été mises en oeuvre en agissant notamment sur les cotisations sociales, c'est parce les missions régionales de santé avaient seulement défini les zones sous-dotées. Or il est évident que, pour parvenir à une bonne répartition, il fallait également définir les zones surdotées !
M. François Autain. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les dispositions juridiques n'avaient pas été adoptées pour permettre aux MRS de faire ce travail. Nous procédons donc à une correction quatre ans après avoir voté les précédentes dispositions. Il était plus que temps de s'en apercevoir, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire, dit-on ! Cela montre que, malgré les débats, nous oublions parfois l'essentiel pour obtenir les résultats que nous souhaitons.
M. François Autain. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le chiffon rouge avait été agité avec le conventionnement, mais l'Assemblée nationale a tout corrigé dans le texte de loi ; il semble donc que tout soit maintenant calé. Mes chers collègues, il est désormais possible de consulter les internes les plus représentatifs ; tous les problèmes seront donc résolus ! (Rires.) C'est en particulier la fin des problèmes de sous-médicalisation et de la surmédicalisation dans un certain nombre de secteurs.
Ces points seront évoqués, je l'espère, durant les états généraux de l'offre de soins, dont Mme la ministre a parlé et qui auront lieu au mois de février prochain. J'espère que les discussions porteront leurs fruits et que, l'année prochaine, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, nous serons en mesure de nous féliciter, les uns et les autres, des travaux parlementaires accomplis et des résultats que nous seront en passe d'obtenir en matière de démographie médicale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aujourd'hui, la France compte 207 000 médecins en activité ; c'est l'effectif le plus élevé jamais atteint dans notre pays.
M. François Autain. C'est la pénurie !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourtant, tout porte à croire qu'une pénurie s'annonce, et cela pour trois raisons : d'abord, la réduction du nombre d'étudiants en médecine imposée dans les années quatre-vingt et dont on commence à sentir les effets ; ensuite, le nombre croissant de départs à la retraite qui concernera, comme c'est le cas pour la population dans son ensemble, les générations nombreuses d'après-guerre ; enfin, la conjugaison de ces deux phénomènes avec une demande accrue de soins exprimée par une population vieillissante.
Il faut, bien sûr, essayer de corriger cette tendance et, à mon avis, c'est par une série d'actions complémentaires, susceptibles d'enclencher un processus plus favorable, que nous pourrons y parvenir.
Le premier réflexe est évidemment d'augmenter le nombre des étudiants en médecine, le fameux « numerus clausus », ce que l'on fait d'ailleurs depuis quatre ans, mais ce qui ne produira ses effets que dans de nombreuses années.
M. François Autain. Eh oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et encore s'agira-t-il d'effets partiels, car, si l'on peut s'attendre à former davantage de médecins, il n'est pas du tout certain que leurs installations se feront d'une manière équilibrée sur l'ensemble du territoire et qu'elles corrigeront les inégalités d'accès aux soins que l'on constate déjà.
Mme la ministre et notre rapporteur, M. Vasselle, ont détaillé avec talent la situation, les risques, ainsi que leurs propositions. Je n'insisterai donc pas, d'autant que notre collègue M. Jean-Marc Juilhard vous exposera tout à l'heure son rapport sur les déséquilibres qu'il a pu observer et auxquels nous sommes confrontés.
Les états généraux prévus en janvier prochain permettront d'aborder les questions liées à la formation, mais je crois important d'apporter deux éléments à la préparation de ce débat.
Premièrement, il ne doit pas y avoir de génération sacrifiée. Les études médicales sont longues et difficiles ; elles demandent aux jeunes qui ont l'audace et la volonté de les entreprendre du courage, de la constance et beaucoup de travail. En ce qui concerne leur future installation, il me semble tout à fait inenvisageable de changer les règles du jeu en cours de route. Pour cette raison, je suis très favorable au fait d'associer, sous une forme ou sous une autre, les représentants des étudiants aux négociations conventionnelles qui traitent des questions relatives à l'installation.
Deuxièmement, il convient de réfléchir aux moyens de redonner une dimension régionale aux études de médecine. Les analyses portant sur l'installation des jeunes médecins montrent que, dans l'immense majorité des cas, ceux-ci « vissent leur plaque » dans la région où ils ont achevé leurs études et effectué leur stage. C'est là un phénomène bien compréhensible qui n'est d'ailleurs pas propre aux médecins. Cet aspect doit être mieux pris en compte dans l'organisation du cursus universitaire médical, sans doute en réformant l'actuel examen classant national, comme l'indiquait tout à l'heure Alain Vasselle.
Cela étant, l'action sur les études a ses limites. Je suis convaincu qu'il faut simultanément agir sur l'organisation du système de soins. Mon expérience personnelle de médecin généraliste m'a enseigné que l'offre de soins est étroitement corrélée aux missions confiées aux médecins et à leurs conditions d'exercice professionnel.
Je crois que le problème n'est pas tant un problème de pénurie, même si j'ai moi-même employé plusieurs fois ce terme. La question centrale est plutôt celle du temps médical, c'est-à-dire du temps que le médecin consacre précisément à l'examen de ses patients, au temps disponible pour ce colloque singulier qui fait la spécificité et la grandeur de ce métier.
Le temps médical, malgré une démographie en apparence constante, se réduit comme une peau de chagrin pour trois raisons majeures.
Premièrement, le temps médical n'est aujourd'hui qu'une partie limitée du temps de travail des médecins. En effet, chaque année, les tâches administratives sont plus importantes et plus chronophages.
Deuxièmement, le temps médical, partie du temps de travail, se réduit avec celui-ci, les jeunes médecins n'acceptant plus les contraintes horaires de leurs aînés : la garde à domicile, la permanence des soins, la disponibilité permanente ne se font plus aujourd'hui selon les modèles que nous connaissions autrefois. Je n'ai pas eu la même pratique que mon grand-père ou mes oncles et nos enfants n'auront pas la même pratique que nous. Par conséquent, il faut en tenir compte.
Troisièmement, la profession se féminise et le travail à temps partiel devient fréquent ; le temps réservé à la vie de famille, aux loisirs, s'impute sur le temps médical.
La bonne question est donc la suivante : comment peut-on optimiser ce temps médical ?
Je crois d'abord à la délégation des tâches, au partage du travail, c'est-à-dire au fait de faire effectuer les différents soins par les professionnels qui sont, en définitive, les mieux formés pour les effectuer, sous la responsabilité du médecin, bien sûr. Des expérimentations ont eu lieu ; je crois savoir que le bilan en est positif. Le projet de loi de financement prévoit d'ailleurs d'autoriser les infirmières à pratiquer la vaccination, ce qui me semble être une excellente mesure, car elles sont incontestablement mieux formées que les médecins pour y procéder. Je suis persuadé, pour ma part, que la suppression de la vaccination obligatoire pour le BCG doit beaucoup au fait que les médecins ne sont pas formés pour pratiquer les injections intradermiques. Je ferme là cette parenthèse.
La seconde manière d'agir sur ce temps, c'est à mon sens de rendre plus favorable l'environnement professionnel dans lequel évolue le médecin, et donc de le décharger de toutes les tâches administratives qui viennent réduire le temps qu'il peut consacrer à l'examen de ses patients. Les médecins lancent des appels de plus en plus pressants à la simplification administrative de leurs relations avec les caisses. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre commission a supprimé, dans le projet de loi de financement, l'obligation d'établir un énième document d'information semestriel, parfaitement inutile, car redondant avec les éléments dont disposent déjà les caisses d'assurance maladie.
La troisième façon d'améliorer les conditions de vie des médecins, c'est aussi - cela a été dit - de favoriser l'exercice de groupe, qui permet de mutualiser les frais fixes, de faire réaliser les tâches administratives par des personnels spécialisés, et plus encore d'éviter le sentiment d'isolement dans l'exercice médical en permettant aux professionnels de confronter leurs pratiques et de consulter leurs collègues pour affiner un diagnostic ou une prise en charge. De surcroît, c'est aussi une façon de les sécuriser sur le plan juridique à une époque où, de plus en plus, les contestations se règlent dans les tribunaux, notamment sur les questions médicales.
Une formule assez novatrice commence d'ailleurs à se développer, notamment en zone rurale, c'est celle des maisons de santé pluridisciplinaires, dont notre collègue Jean-Marc Juilhard parlera sans doute mieux que je ne puis le faire, à la suite du rapport d'information qu'il a établi sur le thème de la démographie médicale. Ce qui est certain, d'ores et déjà, c'est que la promotion des maisons de santé contribuera à une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire.
Je crois vraiment que ces structures constituent une solution appropriée au manque d'attractivité de certains territoires. Les jeunes professionnels de santé s'installent plus volontiers dans ces structures collectives qui répondent mieux à leurs aspirations en termes de pression horaire, d'organisation du travail ou de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Cela les autorise, par exemple, à habiter en ville, près des écoles et du travail de leur conjoint, tout en exerçant dans une zone fragile voisine.
Pour ces motifs, notre commission souhaite promouvoir le développement de ces structures, en leur permettant de recevoir des financements spécifiques et en levant les obstacles administratifs qu'elles peuvent rencontrer.
Ces problèmes se posent dans les zones rurales comme dans les zones urbaines pauvres et denses, lorsqu'il est question de l'implantation de structures médicalisées, cabinets de groupe ou maisons de santé pluridisciplinaires.
Il faut une tête de file, un médecin ayant non seulement le courage de se lancer dans la conception, la mise au point et le financement de cette opération, mais aussi la capacité d'entraîner des confrères spécialistes et généralistes et d'autres professionnels de santé à prendre le risque collectif d'un tel projet.
Aujourd'hui, il faut le savoir, les médecins ont du mal à franchir le pas d'un engagement collectif et solidaire avec un bailleur dans les solutions locatives actuelles. Le bailleur, de son côté, se refuse aussi à signer des actes séparés avec chacun des professionnels. Nous devons nous efforcer de régler cette difficulté.
Les collectivités locales sont là pour nous aider ; elles ont un rôle à jouer, en servant d'interface, à la fois dans la recherche et la mise à disposition de locaux. Souvent, près de 1 000 mètres carrés sont nécessaires à l'ouverture d'une maison de santé.
De plus en plus, leur réalisation reposera sur l'engagement d'un investisseur « social » et « patient », car de telles opérations ne seront ni « rentables » ni « juteuses » ; il s'agit d'un service public. Cet investisseur devra se doubler d'un spécialiste de la conception et de la gestion de ces structures.
D'autres investisseurs peuvent aussi soutenir l'action des collectivités locales ; je pense notamment à la Caisse des dépôts et consignations ou aux grands groupes d'assurance, qui ont un rôle à jouer dans ce domaine.
La réussite est à ce prix ; la mutation est possible. Il est temps de passer des cabinets de groupe de un, deux ou trois médecins, qui forment le tronc du système actuel, à un réseau de maisons de santé pluridisciplinaires réunissant, aux côtés d'autres professionnels de santé, des médecins exerçant prioritairement en secteur 1, si l'on veut une réelle solution de premier recours - j'allais dire de premier secours ! - en zone rurale ou en zone urbaine dense.
Toujours pour ce qui concerne les obstacles techniques qui rendent plus complexe le développement de nouvelles structures de groupe, n'est-il pas singulier que les règles du parcours de soins fassent obstacle à la reconnaissance de la maison de santé en tant que « médecin traitant » ? Il conviendrait, madame la ministre, de demander aux caisses d'assurance maladie d'appliquer les règles en vigueur et d'autoriser cette reconnaissance dans les faits.
Telles sont quelques-unes des réflexions que m'inspire cette question essentielle, qui conditionne le respect du principe, affirmé par la Constitution de 1946 et réaffirmé par le préambule de notre Constitution, du droit à la protection de la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la régulation de la démographie médicale est depuis longtemps, dans notre pays, non seulement un sujet de préoccupation, mais aussi un objet de controverses et de débats.
Avant d'être confrontés, depuis quelques années, à un risque de pénurie, nous avons longtemps vécu dans la crainte d'une pléthore, au point d'avoir, dans les années quatre-vingt-dix, mis en place un système, le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, dont vous vous souvenez sûrement, mes chers collègues, (M. le président de la commission des affaires sociales s'exclame.), destiné à encourager le départ en préretraite des médecins âgés de 57 à 65 ans, afin de réduire les dépenses de l'assurance maladie.
Cette opération, qui rencontra un grand succès auprès des médecins, fut un échec retentissant pour l'assurance maladie, puisque, au lieu de faire des économies, il lui en coûta environ 700 millions d'euros. Tout cela pour dire que, en matière de démographie médicale, il faut être très prudent quand il s'agit de prendre des mesures dans un sens ou un autre !
Cette opération s'est d'ailleurs poursuivie jusqu'en 2004, au moment même où l'on parlait déjà de pénurie. C'est en 2003 que les pouvoirs publics ont pris conscience de ce problème. L'Observatoire national de la démographie des professions de santé, dont la présidence fut confiée au professeur Yvon Berland, fut alors créé. S'il ne s'agit pas, pour moi, de nier le phénomène qui nous intéresse aujourd'hui, il convient tout de même, à mon avis, de le relativiser.
Comme M. le président de la commission des affaires sociales, je ne crois pas que le terme de « pénurie » soit exact pour caractériser la situation que nous connaissons aujourd'hui. Il existe, je le répète, non pas une insuffisance globale du nombre de praticiens, mais une inégale répartition disciplinaire et territoriale des médecins libéraux.
Même si les données démographiques soulèvent quelques incertitudes, elles sont sans conteste : avec 340 médecins pour 100 000 habitants, la France arrive en tête des pays européens, précédée seulement par l'Italie, et loin devant le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Allemagne. Le risque de pénurie à l'horizon de l'année 2025 doit être relativisé, puisque, dans l'hypothèse d'un numerus clausus fixé, comme aujourd'hui, à 7 100, la densité médicale baisserait, certes, mais ne descendrait pas en dessous du niveau de la moyenne actuelle des pays de l'OCDE, soit 283 médecins pour 100 000 habitants.
En revanche, les données disponibles concernant la répartition territoriale sont effectivement très préoccupantes. En effet, 4% de la population, soit un peu plus de 2 millions de nos concitoyens - vous avez même évoqué, madame la ministre, une situation encore plus grave que je ne le pensais, en avançant le chiffre de 4 millions de personnes - n'ont pas accès dans des conditions normales aux soins primaires.
Cette population se répartit dans des zones déficitaires qui sont situées le plus souvent dans les départements ruraux ou à la périphérie des grandes villes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'espérance de vie n'y est pourtant pas plus mauvaise !
M. François Autain. Ces zones ont fait l'objet d'un recensement dans deux études, dont les résultats ne sont malheureusement pas concordants. Sur 4 078 communes classées en zone déficitaire, ces deux études ne se recoupent que pour 1 000 d'entre elles, ce que nous ne pouvons que regretter.
En ce qui concerne les zones surmédicalisées, les informations dont nous disposons, comme vous l'avez dit, monsieur le président de la commission, sont pour le moins lacunaires. À ma connaissance, il n'existe pas d'études qui les recensent, si tant est que cela soit possible.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'inscription à l'ordre ne vaut pas pratique !
M. François Autain. Tout au plus pouvons-nous dire, au stade des recherches actuelles, que leur degré d'ensoleillement est souvent plus élevé que celui des zones déficitaires ! (Sourires.)
D'une manière générale, tout le monde s'accorde à reconnaître que, sur ces questions de démographie médicale, nous manquons de données fiables, cohérentes et partagées, ce qui est dommageable si l'on souhaite prendre des mesures adéquates.
Cependant, sans risque de nous tromper, puisque c'est un constat, nous pouvons d'ores et déjà dire que notre système de soins ambulatoires fondé sur la liberté d'installation des praticiens et leur conventionnement automatique n'est plus susceptible, comme par le passé, de garantir, dans des conditions normales, pour chacun, quel que soit son lieu de résidence, un égal accès aux soins. Ce droit, reconnu dans le préambule de notre Constitution, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission, n'est plus respecté pour plus de 4 millions de nos concitoyens.
J'exclus pour le moment de mon propos, car nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement, les autres causes de limitation de ce droit que peuvent être ou devenir les dépassements d'honoraires, les franchises et les déremboursements.
Face à cette situation, les gouvernements précédents ont développé une activité brouillonne, pendant trois années, de 2004 à 2006, au cours desquelles furent adoptées à la hâte un grand nombre de dispositions, sans véritable concertation, sans stratégie ni vision d'ensemble. Le plan démographie médicale de 2006 a été présenté une fois les mesures prises, alors qu'il aurait fallu, à mon sens, peut-être commencer par là !
Chaque année, de nouvelles mesures sont venues s'ajouter aux anciennes, avant même qu'on ait eu le temps de les appliquer ou de les évaluer, la plupart d'entre elles empruntant des véhicules législatifs divers et variés, souvent étrangers au domaine de la santé. Elles furent de ce fait soustraites à l'avis des commissions compétentes des assemblées, ainsi qu'à la tutelle de vos prédécesseurs, madame la ministre.
À cet égard, la création du Comité de la démographie médicale en 2004, sur lequel je reviendrai, restera un cas d'école, puisqu'il n'a jamais pu fonctionner, ses membres n'ayant jamais été nommés. J'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à supprimer cette instance qui n'existe pas.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est toujours utile ! (Sourires.)
M. François Autain. À cette effervescence législative et réglementaire, il convient d'ajouter les 137 mesures régionales ou locales recensées en 2003 dans une enquête de l'IRDES, l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, sur les mesures nationales, régionales ou locales de régulation de la répartition géographique des professionnels de santé.
Estimant sans doute que cela ne suffisait pas, votre gouvernement, sur l'initiative du Président de la République, s'est attaqué sans ménagement à la liberté d'installation des futurs médecins. Ce sujet, il faut le reconnaître, soulève un véritable problème. À tout le moins, une discussion préalable avec les intéressés aurait été souhaitable. Il n'en a rien été, puisque vous avez voulu passer en force. Le résultat ne s'est pas fait attendre. Sous la pression des internes descendus dans la rue, vous avez dû retirer les articles 32 et 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre, et M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non ! Ces articles ont été complétés !
M. François Autain. Certes ! Ils ont tout de même été légèrement transformés, reconnaissez-le ! Ceux que vous présentez aujourd'hui sont différents des précédents, n'est-ce pas ?
M. François Autain. Quoi qu'il en soit, vous vous en remettez désormais à la tenue d'états généraux de l'organisation de la santé en février prochain.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Génial !
M. François Autain. Pour votre information, madame la ministre, je vous signale qu'il ne s'agit pas des premiers états généraux sur la santé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est comme les Grenelle, il en faut !
M. François Autain. M. Kouchner avait réuni, voilà quelques années, des états généraux de la santé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n'a cependant pas réglé le problème de la démographie médicale !
M. François Autain. Certes, la suite n'a peut-être pas été ce qu'on aurait pu penser...
La sagesse eût certainement été de procéder à une évaluation de l'efficacité des innombrables mesures déjà en vigueur, qui, souvent, ne sont même pas connues de ceux qui pourraient en bénéficier. Les étudiants que j'ai rencontrés réclament avec insistance la création d'un guichet unique pour l'installation, mesure qui était pourtant, me semblait-il, prévue par le plan de démographie médicale de 2006. Or ce guichet n'est toujours pas en place !
Bien que l'on dispose d'un recul insuffisant pour juger de l'efficacité des mesures que vous avez déjà prises, on peut cependant, pour certaines d'entre elles, porter une première appréciation.
J'évoquerai tout d'abord la majoration de 20 % de la rémunération des médecins généralistes dans les zones déficitaires. Cette mesure, décidée en 2004, n'est effective que depuis le 23 mars 2007, date de la signature de l'avenant conventionnel auquel son application était subordonnée.
Les effets pervers de cette majoration sont connus. Elle risque de conduire les médecins à réduire le nombre de leurs actes et, partant, à diminuer l'offre de soins globale, ce qui va à l'encontre du but recherché.
Une telle mesure pose aussi des problèmes de limite de zone, communs à toutes les aides de ce type, qui excluent de leur bénéfice les praticiens exerçant hors de la zone, mais à sa limite.
Les aides au maintien ou à l'installation sont multiples et rendues inutilement complexes par la référence aux trois zonages hétérogènes que sont les zones déficitaires en offres de soins définies par les missions régionales de santé, les zones franches urbaines et les zones de revitalisation rurale.
De plus, il n'existe aucune coordination entre les aides aux zones sous-médicalisées et le zonage lié à la politique d'aménagement du territoire.
Enfin, les incitations à l'installation ne sont jamais considérées comme déterminantes par les étudiants et les jeunes médecins. Le choix du lieu d'installation est lié non pas au niveau de la rémunération, mais à la qualité de vie qu'il permet d'espérer.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. François Autain. J'en viens au relèvement du numerus clausus.
On a vu que la réduction du nombre de médecins pouvait ne pas produire les effets escomptés. Il est à craindre qu'il en soit de même si l'on décide de l'augmenter. En effet, on peut douter que le relèvement du numerus clausus puisse, à lui seul, remédier à la pénurie de médecins généralistes.
Le numerus clausus doit tenir compte de la disparité territoriale des besoins. Le déterminer de façon bureaucratique et uniforme pour toutes les facultés de médecine n'apporterait aucune garantie de meilleure répartition de l'offre de soins. Il doit être modulé en fonction des régions, comme le préconise d'ailleurs la Conférence nationale de santé.
En même temps, il faut réformer profondément la formation initiale et continue des médecins généralistes et leurs conditions d'exercice. Sur ce point, je note avec satisfaction que ce texte compte des dispositions qui ouvrent des perspectives intéressantes, qu'il importe d'encourager et sans doute de conforter ; j'y reviendrai.
En ce qui concerne la formation initiale, il faut commencer par appliquer les réformes qui sont déjà décidées, à savoir rendre effectifs les stages chez les médecins généralistes. Les stages de deuxième cycle, pourtant obligatoires depuis 1997, ne sont accessibles en 2007, soit dix ans après, qu'à 25 % des étudiants !
M. François Autain. De plus, il n'y a toujours pas de stages chez les généralistes pour les internes.
Enfin, il convient de reconnaître la médecine générale comme une spécialité à part entière, enseignée aux côtés des autres spécialités par des enseignants généralistes, professeurs de faculté, et non pas, comme c'est le cas aujourd'hui, par des praticiens hospitaliers.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet !
M. François Autain. Aujourd'hui, l'enseignement de la médecine générale théorique et pratique est absent des programmes de deuxième cycle des études médicales.
Les épreuves classantes nationales telles qu'elles se déroulent depuis leur instauration, en 2004, ne permettent pas de pourvoir les postes de médecine générale. Ainsi, au cours des trois dernières années, près de 2 000 postes sont restés vacants.
En attendant que la médecine générale redevienne attractive pour les étudiants, il semblerait utile de régionaliser les épreuves en réduisant le nombre de postes offerts.
Enfin, il convient de réformer les conditions d'exercice de la médecine générale. Ce texte ouvre la voie, bien que trop timidement à mon gré, à des expérimentations qui devraient préfigurer la médecine de demain.
M. François Autain. C'est à cette condition que la médecine générale redeviendra attractive auprès des étudiants.
Mais le temps de parole qui m'est imparti ne me permet pas de développer cette question, au demeurant remarquablement traitée par notre collègue Jean-Marc Juilhard dans son excellent rapport.
Permettez-moi simplement d'ajouter que cette formule n'est pas nouvelle, puisque celui qui vous parle a créé, en 1968, une maison médicale, où j'avais d'ailleurs eu le plaisir de vous recevoir, madame la ministre, lors de votre visite pour promouvoir un médicament fabriqué par le laboratoire qui vous employait. (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Maintenant, il faudrait un « CRC-bloquant » ! (Nouveaux sourires.)
M. François Autain. Aujourd'hui, c'est fini, bien entendu !
M. le président. Depuis, elle a progressé ! (Nouveaux sourires.)
M. François Autain. Elle a progressé, certes, mais les échanges que nous avions eus à cette époque avaient déjà été très fructueux ! (Nouveaux sourires.)
Permettez-moi, pour terminer, puisque j'y suis contraint, de souligner que la crise de la démographie médicale n'est qu'un aspect de la crise plus générale que traverse notre système de santé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un problème d'aménagement du territoire !
M. François Autain. Ma conviction est qu'on ne peut pas les dissocier dans la recherche de solutions. Il serait illusoire d'espérer régler l'une sans régler l'autre.
M. François Autain. Aussi, l'urgence est de trouver de nouvelles recettes pour répondre aux besoins de financement de l'assurance maladie.
Sur ce point, madame le ministre, le Gouvernement ne semble malheureusement pas sur la bonne voie. Votre budget de fondation manque singulièrement d'assises !
C'est pourquoi je vous indique d'ores et déjà que, à l'évidence, nous ne pourrons pas le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame le ministre, le problème de la démographie médicale est depuis longtemps au coeur de la réflexion des élus et des acteurs de santé, tant en France hexagonale qu'en France d'outre-mer.
Avant d'exprimer mon sentiment sur ce problème très grave pour les Français de l'Hexagone et de l'outre-mer, je veux vous faire part de mon profond mécontentement concernant le rapport d'enquête établi en juin 2007 par l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des finances, à la demande de Jean-François Copé et de Xavier Bertrand, alors qu'ils étaient respectivement, dans le précédent gouvernement, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État et ministre de la santé et des solidarités.
En effet, ce document, énième rapport sur la situation sanitaire en Guyane est rempli d'erreurs, d'idées préconçues et de manipulations, notamment à l'encontre de la médecine libérale. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Blanc. Rien que ça !
M. Georges Othily. Alors qu'ils n'ont séjourné en Guyane que quarante-huit heures, ses auteurs prétendent vous apporter l'éclairage nécessaire pour vous permettre de prendre une décision tendant à régler problème de la démographie médicale en Guyane ! Mais qui mieux que l'élu de terrain peut vous décrire objectivement la situation sanitaire de son pays ?
Vous êtes venue en Guyane, vous connaissez la situation sanitaire de la Guyane, aussi bien que vos collègues Xavier Bertrand et Christian Estrosi.
Les rapporteurs en question sous-estiment très nettement le nombre d'habitants, qui ne cesse de croître du fait de l'immigration irrégulière.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Georges Othily. Ils prétendent que les revenus des médecins exerçant en Guyane sont élevés, considération totalement insensée lorsque l'on sait que ces derniers, en particulier les spécialistes, sont sous-payés et s'acquittent de leur tâche avec beaucoup de coeur et d'humanité.
Ils auraient également observé que, dans les centres de santé, certaines actions de santé publique, de prévention et d'éducation pour la santé n'étaient pas exécutées. Il faut savoir que cette observation ne porte que sur le seul centre de Saint-Georges-de-l'Oyapock, dans lequel 75% des patients sont des Brésiliens en situation irrégulière...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Georges Othily. ... qui agressent les médecins, fusil à la main ! Et croyez-moi, ils ne sont pas la fleur au fusil !
M. Georges Othily. Les auteurs du rapport excluent que, si de nouvelles mesures d'incitation étaient mises en place, les médecins déjà installés puissent en bénéficier. Pourtant, la Guyane éprouve manifestement de grandes difficultés pour maintenir son tissu de professionnels de santé. Surchargés de travail, épuisés et souvent âgés, ils sont de plus en plus nombreux à réduire leur activité ou à quitter la Guyane pour aller exercer ailleurs. Les exemples de généralistes ou de spécialistes qui ont fui pour rejoindre l'Hexagone ou d'autres pays sont multiples.
Les mêmes auteurs estimant qu'il est impossible d'envisager la mise en place d'un centre hospitalier universitaire à Cayenne, ils considèrent qu'un cursus complet d'études médicales ne peut avoir lieu en Guyane.
Si la Guyane possède un centre spatial, un commandement interarmes, pourquoi ne disposerait-elle pas d'un CHU de haut niveau, qui permettrait en outre d'aider les pays voisins et de former leurs étudiants ? Les évacuations sanitaires coûtent très cher. Or l'objectif que vous poursuivez, madame le ministre, est bien de réduire les dépenses de santé !
Par ailleurs, la démographie médicale de la Guyane est la plus faible de France. Ce département compte 3,5 fois moins de généralistes et de spécialistes que l'Hexagone, alors que la population guyanaise ne cesse de croître : elle a plus que triplé en vingt-cinq ans, principalement en raison d'une forte natalité et d'un taux élevé d'immigration.
Un tel état des lieux, bien connu depuis plusieurs années, ne peut être perpétuellement décrit et analysé passivement, dans l'espoir d'une amélioration miraculeuse qui interviendrait avec le temps. Cette situation n'est évidemment pas acceptable !
Le défi que doit relever la Guyane en matière de santé est immense. Il représente un véritable challenge pour notre région, impliquant, aux yeux de la population une obligation de résultats.
L'une des pistes envisagées afin de remettre à niveau le secteur de la santé, pilier incontournable du développement économique et social, est la création d'une zone franche sanitaire.
Malheureusement, aux yeux des fameux rapporteurs, elle serait inutile, injustifiée et inefficace, au même titre que tout autre dispositif supplémentaire !
Pourtant, une telle mesure, plébiscitée depuis des années par tous les professionnels de santé de Guyane, permettrait d'y maintenir ceux qui s'y trouvent et d'en attirer de nouveaux.
Très récemment, le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, Christian Estrosi, a présenté les grandes lignes du projet de zone franche globale d'activité. Le but de ce projet phare du Président de la République pour les départements d'outre-mer est d'améliorer la compétitivité des entreprises et l'économie des pays d'outre-mer.
La santé figure au nombre des carences les plus criantes de l'outre-mer et, singulièrement, de la Guyane, en termes tant d'infrastructures, d'équipement, que de présence médicale.
C'est pourquoi les élus et les partenaires économiques guyanais estiment que, parallèlement aux programmes publics d'investissement et à la déclinaison des orientations sanitaires nationales, il est impératif d'inscrire les professionnels soignants au nombre des bénéficiaires de la zone franche globale d'activité.
En effet, différentes études l'ont démontré, l'accès à des équipements performants et l'existence de plateaux techniques adaptés, conjugués à une pression fiscale et sociale minorée, constituent des facteurs déterminants pour maintenir et attirer les professionnels en Guyane.
Madame le ministre, si l'espoir soulevé par la zone franche sanitaire permet de faire attendre les professionnels de santé, il risque de laisser place à un sentiment d'exaspération, puis de renoncement et de déstructuration de l'existant, ce qui aurait un coût autrement plus important, avec des conséquences économiques et sanitaires désastreuses.
Je sais que vous pouvez nous aider. Les Guyanais en ont besoin. Vous avez la capacité, avec le Gouvernement, d'apporter la solution qu'ils attendent. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la démographie médicale fait apparaître au moins deux problèmes distincts : la localisation inégale des professionnels de santé sur notre territoire et l'inadaptation du numerus clausus aux besoins de soins.
C'est le premier point que je me propose de développer.
D'emblée, il convient d'affirmer que, en matière d'amélioration de la répartition géographique des professionnels de santé, nous faisons fausse route.
J'insisterai donc sur deux des mesures capables de susciter l'adhésion des professionnels de santé à l'idée d'exercer dans des zones à ce jour délaissées.
Nous le savons tous, les densités en professionnels de santé présentent de fortes disparités d'une région à l'autre, d'un département à l'autre, voire, dans un même département, d'une zone à l'autre.
D'une manière générale, et historiquement, ces professionnels sont nombreux en Île-de-France, dans les départements méditerranéens, alpins, ceux du sud-ouest et de la Corse. À l'inverse, ils sont plus faiblement représentés dans les départements du centre et du nord de la France.
C'est ainsi que, en secteur ambulatoire, la densité médicale départementale varie de 1 à 4. Quand la moyenne départementale est de 189 médecins pour 100 000 habitants, Paris en compte 365, contre 118 seulement dans l'Eure.
Mme Muguette Dini. L'écart est le même en ce qui concerne les masseurs-kinésithérapeutes.
Il se révèle nettement plus important chez les infirmiers libéraux, leur densité variant de 1 à 7, puisqu'elle est de 30 dans le département le moins bien pourvu et de 231 dans le mieux pourvu.
D'une façon générale, il apparaît que les zones périurbaines défavorisées et les zones rurales sont les plus désertées.
Une telle hétérogénéité dans la répartition territoriale des professionnels de santé emporte, comme première conséquence pour nos concitoyens, un accès inégal aux soins.
L'assurance maladie indique également une envolée des dépenses des soins de ville dans les zones surdotées en professionnels de santé.
Mme Muguette Dini. Pour l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, une offre de soins pléthorique générerait une demande de soins « injustifiée » des patients.
On peut donc affirmer qu'une maîtrise des flux des professionnels de santé dans ces zones à forte densité conduirait, à coup sûr, à une maîtrise des dépenses de santé. En moyenne, par exemple, les soins infirmiers par patient s'élèvent annuellement à 223 euros. Cependant, ce montant s'étire de 100 euros dans le Centre à plus de 450 euros en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Pendant longtemps, pour remédier à ces déséquilibres territoriaux, les seules mesures prises ont été, d'une part, la hausse globalisée du nombre des professionnels de santé et, d'autre part, la modulation régionale. Plus récemment, des aides financières à l'installation ou au maintien en exercice ont été mises en place.
De ce fait, au sein des hôpitaux, ont été créés dans les régions déficitaires des postes de praticien hospitalier dits « prioritaires », donnant droit à une allocation spécifique de 10 000 euros pour un engagement d'une durée de cinq ans, et, par ailleurs, des postes d'assistant hospitalo-universitaire et de chef de clinique donnant accès au secteur 2.
Concernant l'exercice libéral, des exonérations fiscales et de charges sociales sont accordées dans le cas d'un exercice ou d'une installation dans les zones franches urbaines, les zones de revitalisation rurale, les zones de redynamisation urbaine ou dans les communes de moins de 10 000 habitants.
L'assurance maladie propose également des aides financières dans le cadre de sa politique conventionnelle. Récemment, à destination des omnipraticiens, elle a mis en oeuvre deux nouvelles formes d'incitation : les soins dispensés ou prescrits sont exonérés des pénalités dues pour le non-respect du parcours de soins pendant une durée de cinq ans et le montant des consultations et des visites réalisées par lesdits professionnels exerçant en cabinet de groupe est majoré de 20 %.
À l'échelle régionale, les mesures en faveur d'une meilleure répartition géographique des professionnels de santé sont, quant à elles, axées principalement sur la formation et les conditions d'exercice. Selon une récente enquête menée auprès des comités régionaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, l'ONDPS, ces mesures sont essentiellement les suivantes : une sensibilisation des étudiants à des stages en hôpital local ou en zone rurale ; des bourses d'études sous conditions de stage ou d'installation ; le financement de formes d'organisation de soins innovants, telles que les maisons de santé pluridisciplinaires et certains dispositifs de permanence des soins.
Toutes ces politiques publiques nationales et régionales ont pour but d'inciter les professionnels de santé à s'installer dans les zones sous-dotées.
À ce jour, les résultats sont très décevants et, dans leur grande majorité, les mesures en place n'ont pas été évaluées. Toutefois, l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l'IRDES, les a mises en perspective avec les expériences de pays étrangers telles qu'elles sont retracées dans des publications internationales et les enseignements qui découlent de cette étude sont d'un grand intérêt.
L'IRDES souligne en effet les limites des deux dispositions les plus prometteuses, à savoir l'augmentation globale du nombre de médecins, jugée inefficace, et les incitations financières, considérées comme insuffisantes.
Les exemples du Royaume-Uni, des provinces canadiennes et des États-Unis montrent sans équivoque qu'agir sur les effectifs globaux des médecins ne constitue pas une solution au problème de leur répartition territoriale.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est certain !
Mme Muguette Dini. Malgré la concurrence exacerbée et la saturation de l'offre dans les zones à forte densité, les médecins britanniques, canadiens ou américains continuent de s'y établir et ne s'installent pas pour autant dans les zones déficitaires.
C'est aussi ce que nous pouvons observer en France.
Quant aux aides accordées sous forme de bourses d'études, mises en oeuvre depuis les années soixante-dix aux États-Unis, au Canada et en Australie, elles ont un impact notable à court terme, mais sont inefficaces à plus long terme. En effet, dans de très nombreux cas, les professionnels de santé procèdent au rachat de ladite bourse afin de se soustraire, avant son terme, à l'obligation d'exercice.
Mme Muguette Dini. De plus, ces bourses d'études suscitent d'importants effets d'aubaine et, surtout, une compétition accrue entre les régions.
De même, la majoration de la rémunération des professionnels de santé exerçant en zone déficitaire n'a qu'une influence modérée à court terme et très faible à long terme. En effet, dans les zones de faible densité, les professionnels de santé ont une « patientèle » et des revenus plus importants que leurs confrères situés en zone pléthorique. C'est aussi ce que l'on constate chez nous.
Le système de prime à l'installation, appliqué notamment au Royaume-Uni entre 2001 et 2005, a depuis lors été abandonné.
L'efficacité très relative, voire nulle, de ces mesures incitatives doit-elle pour autant nous amener à envisager des mesures coercitives ?
Sur ce point, le protocole d'accord du 22 juin 2007 conclu entre l'assurance maladie et les quatre syndicats représentatifs des infirmiers libéraux est souvent cité en exemple. Ce texte met en place un dispositif de régulation territoriale de la population infirmière libérale fondé notamment sur le non-conventionnement à l'assurance maladie de tout infirmier libéral s'installant dans des bassins de vie à forte densité.
Nous connaissons sur ce sujet la position de certains autres professionnels de santé libéraux, notamment des médecins, qui n'hésitent pas à parler de casus belli.
Surtout, l'étude de l'IRDES sur les exemples étrangers conclut à la faible efficacité de la politique de limitation de l'installation des professionnels de santé en zone excédentaire.
L'IRDES se réfère notamment au cas de l'Allemagne, où, depuis 1993, le conventionnement à l'installation est limité dans les zones où la densité médicale est supérieure de 10 % à la moyenne nationale. Inversement, l'installation est encouragée dans les zones où cette densité est inférieure de 10 %.
Cette politique a eu notamment pour effet de détourner les étudiants des filières médicales au profit d'autres filières universitaires, sans qu'il soit bien sûr remédié, même partiellement, à l'inégalité de leur répartition géographique.
À la lumière de toutes ces données, notre groupe propose deux orientations, qui figurent parmi les propositions avancées par l'ONDPS et qui semblent plébiscitées par les professionnels de santé.
En premier lieu, il est fondamental que la question du choix du lieu d'installation et du maintien dans l'activité des professionnels de santé soit replacée dans un contexte de développement local et d'aménagement du territoire.
La problématique simplement sanitaire doit être dépassée. Dans un récent rapport, l'ONDPS fait état de la crainte de l'isolement des professionnels de santé.
L'accès à un plateau technique performant et l'intégration dans une équipe médicale de masse critique suffisante sont des facteurs d'attractivité indéniables pour un exercice médical efficace et rassurant.
Le travail exploratoire d'un groupe de recherche interdisciplinaire en santé de l'université de Montréal, dont l'IRDES se fait l'écho, souligne aussi l'importance d'associer l'analyse des critères professionnels à celle des critères personnels, en particulier les attentes en termes de qualité de vie familiale, sociale et culturelle.
Il est difficile pour un médecin de s'installer avec sa famille dans une zone où son conjoint a peu de possibilités de trouver un emploi, où ses enfants manquent d'infrastructures scolaires, où services publics et commerces disparaissent.
Ainsi, pour lutter contre l'isolement des professionnels de santé dans leur pratique et leur vie quotidiennes, il est primordial de favoriser le regroupement, la coopération et la coordination entre les établissements de santé et entre les professionnels de santé.
S'agissant des hôpitaux, cet objectif se traduit par leur organisation en pôles interhospitaliers au moyen de conventions ou par la constitution de groupements de coopération sanitaire.
L'actuel projet de loi de financement de la sécurité sociale contient une avancée en la matière - ce qu'il faut saluer.
En revanche, tout reste à faire en secteur ambulatoire, où l'accent doit être mis sur les maisons de santé pluridisciplinaires. Celles-ci rassemblent différents professionnels médicaux et paramédicaux qui proposent une prise en charge globale du patient. Il en résulte une amélioration de la qualité des soins et de l'organisation du travail médical du fait d'une activité planifiable, d'une continuité des soins assurée, d'investissements financiers et de contraintes administratives partagés.
Ces maisons de santé pluridisciplinaires doivent dépasser le stade de l'expérimentation et leur financement, assuré de façon aléatoire par le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS, doit être rendu pérenne.
Nous regrettons donc que notre amendement relatif à ce dernier point ait été rejeté par la commission des finances.
En second lieu, il conviendrait de transférer de nouvelles compétences médicales vers des professionnels paramédicaux.
Le professeur Yvon Berland, président de l'ONDPS, parle de la nécessité de « recentrer les médecins sur le coeur de leur métier » ou encore de « libérer du temps médical ».
Quinze projets expérimentaux ont été lancés en ce sens en milieu hospitalier et en secteur ambulatoire. La majorité d'entre eux portent sur la délégation de compétences et d'actes médicaux au profit des infirmières. Il s'agit essentiellement de la mise en place de consultations de dépistage, de missions de promotion, d'éducation et de suivi des personnes atteintes de pathologies chroniques et de la réalisation d'examens spécialisés complémentaires.
Notre groupe vous propose donc, madame la ministre, d'avancer maintenant à grands pas, et en étroite concertation avec les professionnels de santé, dans les deux voies que sont la réorganisation territoriale de l'offre de soins et le transfert de compétences médicales aux professionnels paramédicaux.
Par ailleurs, et sans développer ce deuxième point, j'estime qu'il faudrait se reposer la question du numerus clausus.
On devrait compter, de nos jours, non plus le nombre de médecins sortis des facultés, mais le nombre d'heures de présence médicale qu'une promotion annuelle de médecins est en mesure d'assurer.
Il est fini le temps où les médecins étaient taillables et corvéables à merci, de jour comme de nuit, en semaine, le samedi, le dimanche et les jours de fête.
Nombre de jeunes médecins n'envisagent pas de sacrifier vie de famille et vie personnelle à l'exercice de leur profession. Cela est d'autant plus vrai pour les jeunes femmes mères de famille qui, au moins en début de carrière, souhaitent exercer leur profession à temps partiel.
Il faudrait se donner les moyens de réfléchir à cette question. Une enquête suffisamment représentative nous apprendrait beaucoup et nous serions certainement amenés à revoir notre position sur le nombre de médecins qui, à l'avenir, devraient être diplômés chaque année.
Peut-être faudrait-il former les médecins non en fonction de leur nombre idéal par habitant, mais plutôt par temps moyen consacré par chacun d'entre eux au temps médical tel qu'il a été défini tout à l'heure par le président About.
Nous aimerions, madame la ministre, qu'une enquête soit diligentée sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les problèmes de démographie médicale étaient connus et débattus sereinement depuis quelques années - mon groupe et moi-même avons régulièrement interrogé votre prédécesseur à ce sujet, madame la ministre, parfois sans recevoir de réponse -, le débat d'aujourd'hui a lieu dans un climat particulier, pour ne pas dire qu'il est faussé, biaisé.
Comment se fait-il qu'un article ne prévoyant qu'une discussion entre les acteurs conventionnels et l'assurance maladie ait déclenché une telle mobilisation ? Il faut bien le dire, madame la ministre, c'est votre attitude qui en est largement responsable. C'est bien parce que vous avez négligé de consulter préalablement les acteurs concernés, puis tenté de garder le cap avant de reculer complètement, que le débat d'aujourd'hui, aussi intéressant soit-il, n'apportera rien de concret à court terme.
Quant aux états généraux annoncés, j'espère sincèrement qu'ils permettront d'avancer sur cette question, même si je crains que la crise que vous avez déclenchée et la réponse que vous apportez à travers les deux articles modifiés n'aient durablement braqué les organisations syndicales de médecins et d'étudiants en médecine.
Cela est d'autant plus surprenant pour nous que le présent PLFSS, tout comme le précédent, est en fait bien plus contraignant à l'égard des assurés sociaux que des professionnels de santé. Une fois encore, comme mes collègues l'ont déjà démontré dans la discussion générale, il existe une disproportion entre les efforts imposés aux assurés sociaux et ceux qui le sont aux autres acteurs de l'assurance maladie. Ce projet de loi de financement accroît les déséquilibres et les effets pervers de la réforme de 2004, qui pénalise les malades, faute de s'attaquer à une véritable réorganisation de notre système de soins, fondée sur la qualité et l'égalité d'accès aux soins.
Il semble bien que le caractère obligatoire ne présente pas de difficulté, madame la ministre, lorsqu'il s'agit de maintenir une politique de fermeté à l'encontre des assurés sociaux, qui sont contraints, chaque année, à des efforts financiers supplémentaires.
Au contraire, il semble que cette même politique témoigne immédiatement d'une véritable timidité, pour ne pas dire plus, lorsqu'il s'agit d'imposer aux professionnels de santé une obligation minimale d'intérêt général. Il est vrai que, si les étudiants en médecine peuvent perturber le fonctionnement des hôpitaux - et on comprend leurs raisons -, les millions d'assurés sociaux qui ont signé une pétition contre les franchises n'ont pas les mêmes moyens.
J'en reviens à notre sujet d'aujourd'hui. Comme le rappelle notre collègue Jean-Marc Juilhard dans son rapport d'information, le nombre de médecins en exercice n'a jamais été aussi élevé. Pourtant, les disparités entre régions deviennent trop importantes pour que soit garanti sur l'ensemble du territoire un accès à des soins de qualité. Et cette situation devrait s'aggraver dans les années à venir.
Dans ma région, la Basse-Normandie, les cas de sous-démographie médicale sont nombreux, qu'il s'agisse des généralistes ou des spécialistes. Sans même parler des inégalités infrarégionales ou infradépartementales, les chiffres qui ont été rappelés dans le rapport de notre collègue Jean-Marc Juilhard sont clairs : généralistes et spécialistes confondus, la Basse-Normandie a la troisième densité la plus faible, derrière la Picardie et la Haute-Normandie ; pour les généralistes, la Basse-Normandie arrive en deuxième position, derrière la région Centre ; pour les spécialistes, nous sommes en septième position, mais la situation varie selon les spécialités.
Aussi, je suis quelque peu surpris qu'une étude sur la surmédicalisation de certaines zones n'ait pas été réalisée, d'autant que l'exercice n'a rien d'insurmontable : je m'y suis moi-même livré.
J'ai pu ainsi constater une différence extraordinaire entre l'agglomération de Cherbourg, que je connais très bien, et le Ve arrondissement de Paris, tout près d'ici. À Cherbourg, qui compte 100 000 habitants, il n'y a aucun pédiatre en libéral.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je n'en doute pas, madame la ministre.
Dans le Ve arrondissement, où le nombre d'habitants est deux fois moins important, il y a onze pédiatres libéraux...
M. Jean-Pierre Godefroy. ... et deux fois plus de gynécologues qu'à Cherbourg. Il en va de même pour les médecins généralistes.
Mais j'ai gardé le meilleur pour la fin, et n'y voyez de ma part aucune hostilité envers ce très bel endroit qu'est le Ve arrondissement : pour les 100 000 habitants de Cherbourg, il n'y a que deux psychiatres, alors que dans le Ve arrondissement, où vivent 60 000 habitants, ils sont 114 !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela prouve que les habitants de Cherbourg sont beaucoup plus stables que les autres ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. C'est l'air de la mer ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela peut avoir en effet quelque chose de rassurant, mais on ne me fera pas croire que cette situation n'est pas à l'origine de certaines dérives au regard de l'assurance maladie. Nous sommes là dans un système concurrentiel qui ne s'accorde pas forcément très bien avec les préoccupations que nous exprimons aujourd'hui.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut changer de maire, il y aura moins besoin de psychiatres ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Ces propos n'engagent que vous, monsieur le rapporteur. Je ne me mêlerai point de ce problème. (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Merci, madame la ministre.
Plus sérieusement, nous entendons souvent parler, à juste titre, de sous-médicalisation dans les zones rurales. Mais je voudrais attirer votre attention sur le fait que ce phénomène touche aussi les villes - je viens de citer Cherbourg - qui disposent pourtant de tous les éléments d'aménagement du territoire nécessaires. Les zones en difficulté ne sont donc pas les seules concernées.
M. Jean-Pierre Godefroy. Dans certaines agglomérations pourtant bien équipées, on manque aussi de médecins. Il faut absolument que cette situation cesse.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faut le reconnaître, depuis deux ans, des mesures ont été prises pour tenter d'y remédier, même si, comme le rappelle la Cour des comptes, elles ne sont pas suffisamment efficaces et sont souvent mal connues des bénéficiaires potentiels. Ces mesures consistent essentiellement en des incitations financières assumées principalement par l'assurance maladie et les collectivités locales. Pourtant, dans ce domaine, il me semble que l'État a un rôle primordial à jouer.
À cet égard, je ne peux que rejoindre la position de la Cour des comptes, qui considère que « les questions touchant notamment aux droits des malades, à l'accès aux soins et à la permanence des soins devraient rester de la compétence principale de l'État ». Or ce n'est plus le cas puisque, une fois de plus, le PLFSS prévoit de déléguer aux négociations conventionnelles non seulement ce qui relève de la démographie médicale, mais aussi la question de la permanence des soins ou des modes de rémunération.
M. François Autain. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Selon nous, garantir l'accès aux soins sur tout le territoire et la qualité d'exercice des médecins et des professionnels de santé de proximité ne peut pas et ne doit pas relever des seules négociations conventionnelles, même si elles sont indispensables.
M. François Autain. Exactement !
M. Jean-Pierre Godefroy. En agissant ainsi, le Gouvernement méconnaît la responsabilité de l'État s'agissant tout autant de l'aménagement du territoire que de l'ordre public, car aujourd'hui, c'est l'égalité d'accès aux soins pour tous qui est menacé.
Bien évidemment, on ne réglera pas ces questions sans l'implication et la participation des professionnels concernés, ce qui suppose de prendre en compte leurs aspirations légitimes quant à l'organisation de leur vie professionnelle et la conciliation avec leur vie personnelle. Néanmoins, c'est à l'État de prendre les décisions de régulation dans ce domaine, au nom de l'intérêt général et de la solidarité nationale, ce que vous renoncez à faire pour l'instant.
Dans son rapport, notre collègue Jean-Marc Juilhard propose déjà quelques pistes, que nous partageons pleinement : la régionalisation des épreuves classantes pour l'accès au troisième cycle des études médicales, afin de stabiliser les étudiants dans la région où ils auront achevé leurs études ; l'adéquation entre le nombre de postes ouverts à l'examen et celui des candidats, afin d'éviter les postes non pourvus qui sont toujours ceux de médecine générale, et c'est bien ce qui se passe dans les grandes écoles, comme l'a dit M. le rapporteur ; la rationalisation des incitations financières, notamment en ce qui concerne les zonages de référence ; la simplification des démarches administratives pour l'obtention de ces aides à l'installation ; le développement des centres de santé ; la labellisation des maisons de santé, etc.
Cela étant, je pense qu'il faut aller encore au-delà de ces propositions. À cet égard, des mesures de régulation de l'installation me semblent, à terme, inévitables.
M. Jean-Pierre Godefroy. Les infirmiers libéraux ont accepté de s'engager dans cette voie ; les médecins ne peuvent rester les seuls à ignorer les réalités territoriales de l'accès aux soins. Une profession, même libérale, dès lors qu'elle est financée par l'argent public a des obligations, il faut le rappeler.
Cette régulation territoriale ne pourra être efficace que si elle s'accompagne d'une adaptation de la formation initiale des étudiants en médecine. Dans cette optique, même si Mme Dini nous a dit que ce dispositif n'était pas efficace, il nous paraîtrait intéressant de généraliser une mesure déjà mise en oeuvre par certains départements, dont celui de la Manche - je parle sous la responsabilité de notre collègue Jean-François Le Grand -, qui attribuent des bourses aux étudiants en médecine acceptant de s'installer durablement sur leur territoire.
Bien sûr, il s'agit là d'une pratique qui n'en est qu'à ses débuts et il peut y avoir des dérives. Mais c'est une piste qu'il ne faut pas fermer avant de l'avoir expérimentée.
Qui attribue les bourses aux étudiants en médecine ? Les collectivités locales. Or la généralisation d'une allocation d'études versée par l'État en contrepartie d'un engagement des étudiants à s'installer dans une zone sous-médicalisée mérite d'être étudiée. C'est le sens de l'un de nos amendements.
Au-delà, il me semble nécessaire de clarifier le rôle, notamment, du médecin généraliste afin de redonner de l'attractivité à ce métier essentiel - sur ce point la réforme de 2004 est restée à mi-chemin -, mais aussi de faire évoluer les modes d'exercice des praticiens libéraux : il reste encore beaucoup à faire pour rendre l'exercice groupé, ou en réseau, véritablement intéressant pour les praticiens concernés. Les règles fiscales et sociales liées aux charges de fonctionnement d'un cabinet de groupe ne sont pas suffisamment attractives, de même que les modes de rémunération des professionnels de santé.
En effet, c'est l'autre chantier à ouvrir d'urgence dans ce domaine. Non seulement le paiement à l'acte est porteur d'inflation des dépenses de santé, mais il favorise l'isolement et la concurrence entre praticiens. À mon sens, le paiement à l'acte doit devenir la variable d'ajustement de la rémunération des professionnels de santé,...
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne dis pas le contraire, madame la ministre ! Si l'on peut cheminer en ce sens, je n'y vois aucun inconvénient.
Le paiement à l'acte, disais-je, doit devenir la variable d'ajustement de la rémunération des professionnels de santé, qui doit reposer principalement sur un système forfaitaire reflétant la mission de service public accomplie par les médecins libéraux.
La création du médecin référent par le gouvernement de Lionel Jospin constituait un premier pas vers de nouvelles règles de rémunération, sur la base du volontariat. Vous y avez mis fin pour des raisons purement idéologiques, et aujourd'hui vous ne pouvez que constater votre erreur, même si j'admets volontiers que le système du médecin référent était très perfectible.
M. Jean-Pierre Godefroy. Bien sûr, mais ce dispositif reposait sur le volontariat.
Sans en reprendre l'appellation, ce PLFSS prévoit le retour à un système qui s'apparente pratiquement à celui du médecin référent.
En fin de compte, on ne réglera la question de la démographie médicale qu'en changeant profondément la pratique médicale et l'esprit qui la guide. À cet égard, les articles 32 et 33 du projet de loi initial ont indéniablement été mal conçus : créer un mécanisme de conventionnement à géométrie variable était une mauvaise solution tant pour les médecins que pour les assurés.
M. Jean-Pierre Godefroy. La réécriture proposée par le Gouvernement à l'occasion de l'examen du texte à l'Assemblée nationale n'est ni meilleure ni pire. Elle ne règle aucun des problèmes soulevés par ce débat. Espérons que les états généraux annoncés permettront d'aborder ce problème de manière globale et constructive.
Il y a urgence, je sais que vous en êtes consciente, madame la ministre, car les jeunes étudiants en médecine doivent être précisément informés des conditions futures d'exercice de la profession. Il faut que la règle du jeu soit claire dès le départ ; tout retard ne fera qu'aggraver la situation des zones sous-médicalisées et reporter, du fait de la longueur des études médicales, son règlement pour de nombreuses années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.
M. Jean-Marc Juilhard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais vous dire tout d'abord que je suis particulièrement heureux de l'accueil réservé à mon rapport d'information.
M. Jean-Marc Juilhard. Je suis très touché par cette appréciation, madame la ministre.
La mission d'information qui m'a été confiée par la commission des affaires sociales a été l'occasion d'étudier au cours de cette année l'offre de soins et la démographie médicale. Je ne peux m'empêcher de partager cette satisfaction devant vous avec le talentueux administrateur qui m'a accompagné tout au long de cette mission.
Cela étant dit, je tiens à vous remercier, madame la ministre, de nous donner l'occasion de débattre d'un sujet essentiel pour nos concitoyens : l'égalité d'accès aux soins.
Plus personnellement, si vous le permettez, madame la ministre, je voudrais vous dire que j'ai été très heureux et très sensible à votre accueil et à votre écoute, le mercredi 17 octobre, lors de la présentation de mon rapport dans votre bureau.
Mon intervention risque de rependre les propos de certains de mes collègues, mais il est parfois intéressant d'enfoncer le clou.
L'égalité d'accès aux soins est l'un des principes fondamentaux de notre système de santé. Il est donc de notre responsabilité de contribuer à la mise en place de la meilleure répartition possible de l'offre de soins sur l'ensemble de notre territoire.
Avec 252 746 praticiens inscrits au conseil de l'ordre au 1er janvier 2007, dont 213 995 en activité, la France compte plus de médecins que la moyenne des pays d'Europe, cela a déjà été dit à plusieurs reprises.
Depuis 1979, le nombre de ces praticiens, qui était de 112 066 à l'époque, a presque doublé. Pourtant, au fur et à mesure des départs massifs à la retraite, les prévisions laissent craindre une crise dans l'organisation du système de soins et l'apparition de « déserts médicaux » dus à une répartition déséquilibrée des praticiens sur le territoire.
Selon les éléments de l'atlas de la démographie médicale en France présentés en juin dernier par le conseil national de l'ordre des médecins, les inégalités géographiques ont tendance à s'aggraver.
Nous sommes donc face à un paradoxe : alors que la France n'a jamais compté autant de praticiens en activité, les disparités entre les régions sont trop importantes pour garantir à tous nos concitoyens une offre de soins satisfaisante. Aujourd'hui, 4 millions de Français ont des difficultés pour accéder aux soins dispensés par un médecin généraliste.
Un exemple éloquent : le nombre de généralistes par habitant varie respectivement du simple au double entre la Seine-Saint-Denis et les Hautes-Alpes, ce qui démontre au passage que l'insuffisance de la densité médicale ne concerne pas uniquement les territoires ruraux.
Nombre de nos concitoyens sont confrontés à des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, et l'hôpital public ne peut à lui seul compenser cette désorganisation.
Afin d'éviter l'aggravation de cette rupture dans l'égalité des citoyens devant l'accès aux soins de qualité, il est nécessaire de remédier très rapidement à une situation qui ne cesse de se dégrader.
La tâche nous est rendue d'autant plus difficile que cette crise comporte plusieurs aspects : la baisse des effectifs des professionnels de santé, l'accentuation des inégalités territoriales en matière d'offre de soins, le vieillissement de la population et l'augmentation du niveau d'exigence des patients.
Plusieurs mesures ont été prises ces dernières années, mais force est de constater qu'elles n'ont pas suffi à contenir l'aggravation de la fracture territoriale en matière d'offre de soins.
Les pouvoirs publics ont procédé à une augmentation régulière du numerus clausus depuis 2002, mais nous ne pourrons en constater les effets que dans une dizaine d'années.
Nous avons également voté, en 2004, la loi relative à l'assurance maladie, qui a permis aux unions régionales des caisses d'assurance maladie de conclure des contrats avec les professionnels de santé libéraux dans le but de les inciter à se regrouper.
Par ailleurs, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a permis aux collectivités locales d'attribuer aux étudiants, à partir de la première année du troisième cycle, une indemnité d'études et une indemnité de logement pour les stagiaires.
C'est le cas, entre autres, de l'Allier, cher à Gérard Dériot, président du conseil général et sénateur de ce département, de la Lozère et de la Lorraine.
Le conseil général de l'Allier a décidé de créer une bourse « d'études et de projet professionnel ». Elle s'adresse aux étudiants en médecine de troisième cycle qui ont opté pour la spécialisation « médecine générale ». En échange, ils s'engagent à s'installer pour une durée minimale de six ans dans une zone déficitaire du département. L'aide peut atteindre jusqu'à 36 000 euros par volontaire.
Par ailleurs, le champ d'action des collectivités locales a été élargi le 1er janvier 2006 afin que des locaux professionnels ou des logements puissent être mis à disposition des médecins s'installant ou exerçant dans ces zones prioritaires.
Toutefois, dans la mesure où toutes ces incitations financières n'ont pas suffi pour résoudre les problèmes de démographie médicale que connaît notre pays, il convient de traiter cette question avec la plus grande acuité.
Madame la ministre, je souhaite vous rendre hommage pour votre volonté. Vous avez compris que nous ne pourrions pas améliorer l'accès aux soins si nous nous contentions de mesures économiques. Votre texte initial a été caricaturé. Vous aviez pourtant rappelé à maintes reprises, ici même, votre attachement à la liberté d'installation. Je regrette que vous n'ayez pas été mieux entendue.
Nous savons que les décisions d'avenir devront être prises en étroite concertation avec les jeunes médecins. C'est d'ailleurs ce que vous avez proposé en annonçant, pour le début de l'année 2008, la tenue d'états généraux auxquels l'ensemble des organisations d'internes sont invitées à participer.
Vous pouvez compter sur notre soutien, sur notre participation aux travaux de ces états généraux et, bien entendu, sur mon engagement personnel.
Quelles sont, au-delà, les orientations qu'il conviendrait de prendre ?
Dans son rapport annuel pour 2007, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, instance qui réunit l'ensemble des acteurs du système de santé, estime indispensable de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte ».
Madame la ministre, à ce stade de nos débats, permettez-moi de vous présenter quelques propositions qui ont été débattues et adoptées par la commission des affaires sociales.
J'attache beaucoup d'importance à l'essor des maisons de santé pluridisciplinaires. Les pouvoirs publics seraient bien inspirés de favoriser la généralisation de ces expériences nées du terrain, grâce à l'initiative de quelques professionnels de santé entreprenants. Ce sujet a été largement évoqué par les intervenants qui m'ont précédé.
Pour assurer le développement de ce mode d'organisation de l'offre de soins, il apparaît nécessaire de créer un label spécifique « maison de santé pluridisciplinaire ». Le développement de ces établissements devra être accompagné de la sécurisation de leur cadre juridique et de l'harmonisation des aides dont ils bénéficient pour leur fonctionnement.
Les mesures incitatives qui ont d'ores et déjà été prises devront être évaluées et optimisées.
Comme cela a été souligné par nombre d'orateurs, il apparaît nécessaire de mieux informer les étudiants en médecine sur les mécanismes d'aide et, surtout, de mieux les accompagner pour éviter que leur doute ne se transforme en renoncement.
Il faudra aussi revoir le système de formation des professionnels de santé - là encore, j'enfonce le clou ! -, par exemple en réfléchissant à la transformation de l'examen classant national en examen régional.
Nous avons vu que les professionnels de santé eux-mêmes n'écartaient pas forcément le recours à de nouvelles mesures, le cas échéant financières. Les infirmiers libéraux y ont été sensibles, vous l'avez rappelé, madame la ministre. Les chirurgiens-dentistes que j'ai eu l'occasion de rencontrer n'y sont pas fermés, pas plus d'ailleurs que certains médecins.
En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous n'en serez pas surpris, je vous confirme que nous attendons beaucoup des futurs états généraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien qu'il n'ait jamais compté autant de médecins, notre pays vit depuis plusieurs années une grave crise de démographie médicale qui se traduit d'ores et déjà par une forte accentuation des inégalités territoriales en matière d'offre de soins.
Ainsi, dans de nombreuses zones de notre territoire, des zones rurales en particulier, il n'est plus possible aux malades de consulter un médecin ni à un médecin de trouver un remplaçant. On peut parfois parler d'un quasi-désert médical.
Féminisation de la profession, modification des comportements professionnels et des aspirations personnelles des jeunes médecins, accroissement et évolution des besoins de soins : tout concourt au rejet de l'activité de la médecine en zone rurale. Et, malheureusement, ce phénomène devrait s'amplifier au cours des prochaines années !
Le problème auquel nous sommes confrontés réside moins dans le nombre de médecins que dans leur répartition sur le territoire. On ne pourra y remédier que par une approche globale liée au développement de l'attractivité des territoires et de l'amélioration des moyens de l'exercice de la médecine en milieu rural, aussi bien du point de vue technique qu'en termes matériels. Ce qui est ici en cause, c'est la qualité de la vie du futur médecin et, j'insiste sur ce point, de sa famille.
Lorsque les pouvoirs publics ont pris conscience de l'ampleur du problème, des dispositifs d'incitation - bourses, mécanismes d'incitation financière, exonérations fiscales, exemptions de charges sociales - ont été mis en place dans l'espoir d'amener les médecins à s'installer dans les zones sous-médicalisées :
Les collectivités territoriales se sont, elles aussi, saisies du dossier et s'efforcent, chacune à son niveau, de participer à l'incitation et à la définition de politiques innovantes.
À cet égard, madame la ministre, il ne faudrait pas que la participation active des collectivités devienne source de surenchères ou de conflits.
M. Bernard Murat. Actuellement, en Corrèze, dans des communes comme Beynat et Lubersac, des projets d'investissement immobiliers destinés à l'accueil de cabinets médicaux ou de maisons de santé peinent à voir le jour du fait de discordances politiques entre les collectivités, et ce au grand désarroi des médecins et au détriment des patients.
Dans la mesure où l'intervention des collectivités dans la gestion de l'offre de soins ne fera que croître à l'avenir, et eu égard au rôle majeur que peut jouer la présence d'une structure de soins en termes d'aménagement du territoire, il sera sans doute nécessaire d'envisager un meilleur ordonnancement et une structuration plus efficace des interventions. De ce point de vue, le schéma de cohérence territoriale, le SCOT, me paraît fournir un cadre bien adapté.
M. Paul Blanc. À condition qu'il y en ait un !
M. Bernard Murat. Pour l'heure, force est de constater que les dispositifs incitatifs n'ont pas produit les effets escomptés. Certes, nous n'avons encore que peu de recul, la plupart d'entre eux ayant été mis en place voilà à peine deux ans.
Parce qu'il s'agit d'un service public, au meilleur sens du terme, se pose la question de l'adoption de mesures plus contraignantes. Petit à petit, il faut le reconnaître, la possibilité d'un recours à des mécanismes plus coercitifs s'impose. Ainsi le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie estime, dans son rapport annuel pour 2007, qu'il est devenu nécessaire de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte », en particulier dans les tâches administratives. Le Gouvernement a envisagé cette possibilité. Quant aux élus ruraux, désemparés et inquiets face à la dégradation constante de la situation, ils pourraient être tentés de recourir à de tels mécanismes.
Beaucoup, se fondant sur les exemples étrangers - québécois ou allemand, notamment - font état du manque d'efficacité de mesures coercitives, qui pourraient même devenir contre-productives et avoir des effets opposés aux buts recherchés. D'aucuns affirment qu'il serait illusoire de penser trouver des solutions dans l'instauration de telles mesures. Les éléments dont je dispose sont insuffisants pour me permettre d'être aussi catégorique.
En tout état de cause, il est bien évident que nous allons devoir agir de manière plus énergique et trouver des mesures plus efficaces que celles que nous avons imaginées jusqu'à présent, car il n'est pas acceptable que nos concitoyens ne bénéficient pas d'un égal accès aux soins.
Puisque j'évoque les mesures coercitives, je tiens à souligner la grave dégradation de la permanence des gardes dans nos campagnes corréziennes depuis que ces dernières se font sur la base du volontariat. L'exemple est peut-être à méditer !
Je sais, madame la ministre, que vous avez pris la mesure du problème. Vous avez annoncé la tenue d'états généraux de l'organisation de la santé en janvier prochain. Je me réjouis que les maires y soient associés.
M. Bernard Murat. En effet, il ne faut pas que ces états généraux aient un caractère strictement corporatiste. Ils doivent donc être accessibles aux élus, qui pourront ainsi faire entendre la voix des populations, car ce sont elles qui sont directement concernées.
Ces états généraux devront notamment définir les moyens de mettre en oeuvre une véritable réforme des structures de l'organisation de l'offre de soins et de permettre l'égalité d'accès aux soins sur tous les territoires.
En amont de ces débats, permettez-moi, madame la ministre, de vous faire part de quelques réflexions.
En qualité de Corrézien, et élu d'un territoire rural, je suis convaincu que le facteur déterminant de l'installation en zone rurale est la bonne connaissance de ce milieu, pour y avoir vécu, soi-même ou son conjoint, pour en être originaire, pour y avoir effectué un stage ou y avoir exercé un temps.
Il convient donc, à mon sens, de mieux préparer les étudiants en médecine à une installation en zone rurale. On pourrait par exemple favoriser les stages ambulatoires des internes en médecine générale dans les maisons médicales installées dans les zones déficitaires, afin de leur permettre de connaître le monde rural et d'appréhender un mode d'exercice spécifique ignoré, donc non choisi.
Au-delà du praticien lui-même, il ne faudra pas oublier l'adaptation du conjoint - ou de la conjointe - à cette nouvelle vie, si différente de la vie citadine. Médecin des villes ou médecin des champs : c'est aussi un choix de vie pour la famille tout entière.
Il serait par ailleurs opportun d'apporter une aide financière, pendant leurs études, aux étudiants en médecine s'engageant à exercer en zone déficitaire. La loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux prévoit déjà des indemnités d'études et une aide au projet professionnel pour les internes s'engageant à exercer au moins cinq ans dans une zone déficitaire. Pourquoi ne pas élargir ce type de mesures aux étudiants en étant encore à un stade moins avancés de leur cursus, l'objectif étant de fidéliser les jeunes médecins dans les territoires ruraux, au moins pour quelques années ?
Cela permettrait aussi, alors que nous entrons dans une période où le numerus clausus va être relevé, d'offrir à toutes celles et à tous ceux qui sont intéressés par les études de médecine sans avoir forcément les moyens d'entreprendre de longues études la possibilité de s'y lancer.
Nous pourrions encore envisager de favoriser l'implantation d'antennes des facultés de médecine dans les zones déficitaires, sachant que les étudiants s'installent souvent sur le lieu de leurs études.
Quant à la création d'un diplôme intermédiaire entre celui d'infirmière et celui de médecin, elle risquerait d'être ressentie comme une discrimination par nos populations. Mais rien ne doit être rejeté a priori.
Pourrait également être encouragé le développement d'incitations financières pérennes s'accompagnant d'une aide à l'exercice : les jeunes médecins souhaitent pouvoir exercer plus collectivement et avoir accès au salariat. Je saluerai à cet égard les initiatives de notre excellent rapporteur visant à favoriser l'exercice regroupé des professionnels de santé. Toutes les mesures allant en ce sens méritent d'être soutenues.
Certains y voient même déjà une sorte de « remède miracle », et je voudrais les mettre en garde : l'aide apportée à l'exercice en cabinet de groupe ne doit pas faire oublier le médecin qui est seul à s'installer ni, j'y insiste de nouveau, l'accueil de sa famille par les élus et la population ; car il est des départements, comme la Corrèze, où certains territoires, certaines localités - j'en connais - ne peuvent accueillir qu'un seul médecin.
Quoi qu'il en soit, il faudra prioritairement instaurer une véritable politique d'information auprès des étudiants et des jeunes médecins pour que soient largement connues les mesures d'encouragement à l'installation dans les zones démédicalisées : plus tôt les étudiants seront sensibilisés, dans leur cursus de formation, aux problèmes de répartition de l'offre de soins sur le territoire et aux besoins de santé publique, plus ils se sentiront concernés et seront susceptibles de choisir ces zones déficitaires, où, j'insiste également sur ce point, les relations avec les populations peuvent leur apporter, plus rapidement que dans les villes, une dimension sociale et humaine capable de leur procurer cette satisfaction et cette reconnaissance très particulières qui sont bien au fondement de la vocation des jeunes pour la médecine.
Toutes ces questions, madame la ministre, seront débattues lors des états généraux. Vous avez déjà amorcé un dialogue nourri et constructif avec les étudiants et les internes, dont nous sommes un peu ce matin les porte-parole. Je sais qu'il se poursuivra, et je vous en remercie.
Parce que les étudiants sont les médecins de demain, je voudrais en conclusion donner lecture d'un passage du courrier que j'ai reçu récemment d'un médecin d'Ussel, en haute Corrèze, qui résume parfaitement le sens de mon intervention et de mon engagement dans ce débat.
« Installé depuis plus de dix-huit ans à Ussel, ce choix a été volontaire, correspondant au type d'exercice que je souhaitais réaliser. Cette lettre est pourtant l'expression d'un profond désarroi et, si aucune évolution positive n'intervient dans les prochains mois, je suis prêt à prendre des décisions concernant la suite de ma carrière, décisions qui n'auront pour but que de me protéger, ainsi que ma famille : je vous laisse en effet imaginer ce que représente une journée moyenne de 50 à 55 actes et de treize à quatorze heures. »
M. Bernard Murat. « Je souhaite donc des décisions rapides, décisions qui pourraient favoriser l'installation de nouveaux médecins dans notre belle région. »
Précisément parce que nous savons votre connaissance de ces dossiers, madame la ministre, parce que nous savons le nombre d'actes que vous êtes capable de réaliser et d'heures que vous pouvez passer derrière votre bureau, nous sommes certains que ce jeune médecin d'Ussel obtiendra une réponse qui lui donnera satisfaction. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures pour la suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Nous terminerons notre débat sur la démographie médicale avant de passer à l'examen des articles de la troisième partie sur les recettes.
Par ailleurs, je vous rappelle que la cérémonie traditionnelle d'hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France a lieu aujourd'hui, à quinze heures quarante-cinq, en présence du président et des membres du bureau.
Afin d'assurer le bon déroulement de cette cérémonie, il est demandé à ceux qui souhaitent y participer de se trouver au plus tard à quinze heures quarante en haut de l'escalier d'honneur.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
4
rappel au rÈglement
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.
Mme Annie David. Jamais, dans ces lieux, l'application de l'article 40 de la Constitution n'aura été aussi sévère, et je pèse mes mots. Peut-être devrais-je dire antidémocratique. Toutefois, je n'irai pas jusque-là, je me contenterai de regretter que la commission des finances, en jetant l'anathème sur les amendements du groupe communiste républicain et citoyen, mais aussi sur ceux du groupe socialiste - même la commission des affaires sociales est touchée -, prive la Haute Assemblée d'un réel débat sur le financement de notre régime de protection sociale.
Pour ce qui est du groupe communiste républicain et citoyen, il est curieux de constater que notre « ordonnance », nos amendements prévoyant de nouvelles ressources et une meilleure satisfaction des besoins seront écartés de la discussion. Sans doute est-ce l'expression d'une crainte du débat...
En clair, il serait possible de débattre de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et après... plus rien ! Impossibilité de débattre de l'allongement du congé de maternité, de l'aide médicale d'État, du versement des allocations familiales dès le premier enfant, du financement des hôpitaux, impossibilité de débattre en profondeur de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, impossibilité encore de débattre des questions liées à l'amiante, à la juste indemnisation des salariés victimes du travail qui, souvent pour des questions de rentabilité, tue.
Ainsi donc, vous refusez de créer de nouvelles recettes pour justifier la non-satisfaction des besoins et faire avancer à pas masqués votre dangereuse réforme de privatisation de la sécurité sociale.
La réduction draconienne du droit d'amendement imposée par la majorité sénatoriale empêche le débat. Peut-on considérer que les conditions du débat démocratique sont réunies lorsque toute proposition économique et sociale alternative est censurée ? La droite sénatoriale - commission des finances en tête - entend confiner le Parlement dans une mission de contrôle. M. Arthuis a d'ailleurs rappelé aux membres de la commission des finances que le Parlement n'avait pas à créer de nouvelles dépenses ou de nouvelles recettes et devait garder un rôle de contrôle, sous le prétexte que la qualité des amendements n'était pas à la hauteur de la tâche.
De fait, la mission législative, qui est la raison d'être du Parlement dans une conception démocratique des institutions, est réduite à son strict minimum. En empêchant le débat parlementaire d'avoir lieu, vous vous attaquez au coeur de la démocratie. De toute évidence, la nouvelle interprétation de l'article 40 pose la question clé de la nécessité même d'un parlement, d'un pouvoir législatif.
Je demande donc, au nom de mon groupe, une réunion urgente de la commission des finances pour réexaminer les conditions générales de recevabilité des amendements et revenir à la possibilité pour chaque sénateur de présenter ses propositions en séance publique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. François Autain. Excellente proposition !
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame David.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, nous avons nous-mêmes formulé un rappel au règlement hier ; je m'associe aujourd'hui à la demande qui vient d'être faite de réunir la commission des finances.
M. le président. Je voudrais simplement vous rappeler que, lors de sa réunion du 20 juin 2007, la conférence des présidents a décidé,...
M. Guy Fischer. C'est facile !
M. le président. ...« pour tenir compte de la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel et des travaux collectifs menés par la commission des finances sur la mise en oeuvre de l'article 40 de la Constitution au Sénat, d'appliquer, à compter du 1er juillet, un dispositif de contrôle préalable de la recevabilité financière des amendements ». J'ai adressé à chacun d'entre vous une lettre à ce sujet. Par ailleurs, monsieur Bel, j'ai demandé à M. Arthuis d'adresser à tous les sénateurs ce vade-mecum de l'article 40. (M. le président montre le document.)
Vous avez la parole, monsieur Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, je confirme ce que vous venez de dire. Cependant, les documents qui nous ont été adressés contenaient des critères précis, qu'il conviendrait de respecter. Or, à notre sens, l'interprétation qui en est faite est abusive.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais aller dans le même sens que M. Bel, puisque je siège également au sein de la conférence des présidents.
Nous avons bien pris acte du fait qu'il fallait respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel, même si nous n'étions pas d'accord. Il n'empêche que l'on en fait une interprétation extensive. D'ailleurs, la commission des finances elle-même ne semble pas avoir toujours la même interprétation.
Si nous demandons une réunion de la commission des finances, c'est pour clarifier la situation. Car si on ne peut plus présenter d'amendements, le législateur n'a plus besoin de siéger !
M. le président. Mes chers collègues, je vous ai informé de la décision de la conférence des présidents. J'ai demandé qu'un vade-mecum soit envoyé à chacun d'entre vous, mais je ne suis pas chargé de veiller à l'application du texte.
Puisque cette application pose problème, je demande à M. Jégou, qui est membre de la commission des finances, de bien vouloir apporter quelques précisions à cet égard.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Jégou, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le président de la commission des finances et le rapporteur général n'étant pas encore là, je ne voudrais pas m'élever au-dessus de ma condition de simple membre de cette commission. (Sourires.)
Je n'interviendrai pas sur les raisons politiques qui ont incité hier les membres du groupe socialiste et aujourd'hui les membres du groupe communiste républicain et citoyen, en y allant un peu fort, à dire qu'il n'y avait plus de démocratie.
Sachez simplement, mes chers collègues, qu'il y a un texte. En l'occurrence, la commission des finances n'a pas manqué à ses obligations en termes d'interprétation et de communication. Ainsi, tous les dépositaires d'un amendement retoqué ont reçu un courrier. (Signes de dénégation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Autain. Non, un coup de téléphone ! (M. le président de la commission des finances entre alors dans l'hémicycle.)
M. Jean-Jacques Jégou. Cela étant, maintenant que M. Arthuis est arrivé, je préfère lui laisser la parole.
M. le président. Monsieur Arthuis, il y a eu un rappel au règlement du groupe communiste républicain et citoyen, qui considère, comme le groupe socialiste, que l'application de l'article 40 est interprétée de manière trop restrictive. Peut-être pourriez-vous apporter un complément d'information et rappeler que vous avez fait distribuer, à ma demande, un vade-mecum à tous les sénateurs.
Vous avez la parole, monsieur le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Merci de me permettre de dissiper un éventuel malentendu, monsieur le président.
Souvenez-vous, mes chers collègues, il y a un an, le Parlement adoptait le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Quelques semaines plus tard, le Conseil constitutionnel censurait certaines de ses dispositions en faisant explicitement reproche au Sénat de n'avoir pas appliqué l'article 40 et en le sommant de le respecter, faute de quoi il le ferait à sa place.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On le sait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je le souligne, cet exercice n'est pas gratifiant pour ceux qui en assument la responsabilité.
Il est arrivé à chacun d'entre nous de défendre avec enthousiasme un amendement, de susciter l'adhésion d'un nombre croissant de nos collègues, puis, après une demi-heure de débat, pensant emporter la décision, d'entendre le gouvernement invoquer l'article 40. Et là, tout s'arrêtait !
M. Guy Fischer. Vous faisiez le coup à chaque fois !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le représentant de la commission des finances était alors chargé de dire si l'article 40 s'appliquait ou non. Sa réponse affirmative faisait naître une sorte d'incompréhension, quelquefois de la colère, qui se prolongeait dans les couloirs du Sénat au sortir de l'hémicycle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez une façon de raconter les choses...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est également arrivé qu'un ministre ayant perdu un arbitrage interministériel suscite un amendement défendu par l'un d'entre nous et contre lequel il se gardait bien d'invoquer l'article 40. Une fois la disposition votée, l'opinion publique était immédiatement informée de cette bonne nouvelle. Mais la censure du Conseil constitutionnel était vécue sinon comme un désastre, du moins comme un désaveu constitutionnel.
C'est pourquoi nous avons décidé, sous votre autorité, monsieur le président, et avec l'accord de tous les groupes du Sénat,...
M. Guy Fischer. Non !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...d'appliquer l'article 40.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous réécrivez l'histoire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Compte tenu de ces circonstances, j'ai signé ce matin plusieurs lettres indiquant que certains amendements n'étaient pas recevables. Mme David ou M. Godefroy, par exemple, vont en recevoir quelques exemplaires.
Je le rappelle, toute augmentation de la charge publique n'est pas gageable. Les nombreux amendements visant à augmenter la dépense en augmentant à due concurrence tel ou tel impôt sont donc irrecevables. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. François Autain. Pourquoi ? Certains amendements ont pourtant été acceptés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le législateur n'a donc plus aucun pouvoir !
M. le président. Monsieur le président de la commission, veuillez conclure.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir permis de faire appel à la compréhension de nos collègues. Respecter la Constitution, ce n'est pas bafouer la démocratie ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Pour la petite histoire, je rappelle que le Sénat a modifié l'application de l'article 40 sur l'initiative d'Étienne Dailly.
M. Jean-Pierre Bel. Je demande la parole.
M. le président. Vous vous êtes déjà exprimé, monsieur Bel.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je regrette que le président de mon groupe ne puisse pas s'exprimer.
M. le président. Il ne s'agit pas d'un débat !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais faire observer au président de la commission des finances que son argumentaire pourrait s'appliquer à tous les textes que nous examinons ici. Mais quand il s'agit de textes financiers, ne pas pouvoir déposer d'amendements prévoyant des dépenses gagées sur des recettes nous prive de tout moyen d'action.
M. le président. On a compris votre propos, monsieur Godefroy !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je n'ai pas fini, monsieur le président.
M. le président. N'abusez pas de ma bonne volonté.
M. Jean-Pierre Godefroy. Quand la commission des affaires sociales se réunit, nous ne savons même pas pourquoi nos amendements ont été écartés.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Il suffit de connaître la Constitution !
M. Jean-Pierre Godefroy. À ma connaissance, la commission des finances ne statue pas. C'est un comité restreint qui donne un avis.
Ensuite, il est trop tard pour rebondir, car nous ne pouvons plus déposer d'amendement. Une telle situation n'est pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Autain. Il y a deux poids deux mesures : des amendements sont acceptés alors qu'ils sont gagés sur des taxes additionnelles aux droits sur les tabacs !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est faux !
M. François Autain. Et cet amendement ? (L'orateur brandit un amendement.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je voudrais vous faire part de quelques réflexions.
Tout d'abord, grande a été ma surprise de voir qu'un amendement de la commission des affaires sociales tombait sous le coup de l'article 40 alors qu'un amendement identique du groupe CRC n'était pas écarté. (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Ensuite, j'ai trouvé excessive l'interprétation qui a été faite d'un amendement que j'avais déposé à titre personnel. Je m'en suis expliqué avec le président de la commission des finances, et je pensais que le problème était réglé. Finalement, cet amendement a été invalidé alors qu'il ne créait pas de dépenses nouvelles : il modifiait l'imputation d'une dépense existante entre la maison du handicap et l'assurance maladie. Je ne comprends donc pas la décision qui a été prise.
Enfin, j'observe qu'au moment où vous apprenez que votre amendement a été refusé au titre de l'article 40, il est trop tard pour le rectifier, car le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Mme Annie David et M. Jean-Pierre Godefroy. Exactement !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a là une véritable entrave au travail parlementaire. (M. Bernard Frimat opine.)
M. François Autain. Eh oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cette situation est d'autant moins acceptable que le Conseil constitutionnel n'a jamais annulé un article de loi au motif qu'il aurait résulté d'un amendement déposé en contradiction avec l'article 40 de la Constitution.
Je comprends le processus qui a été engagé, et je l'admets tout à fait. Néanmoins, il faut que les parlementaires puissent déposer des amendements rectifiés, sinon on porte atteinte aux droits du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
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Financement de la sÉcuritÉ sociale pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
débat sur la démographie médicale (suite)
M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre séance de ce jour débute par un débat thématique sur la démographie. Je m'en réjouis, car c'est un sujet sensible, préoccupant, sur lequel je n'ai eu de cesse, depuis que je siège dans cet hémicycle, de tirer la sonnette d'alarme.
L'an dernier, à la même époque, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, j'avais déposé des amendements afin d'améliorer la rémunération des médecins qui exercent en milieu rural ou dans les quartiers sensibles, et j'avais finalement obtenu partiellement gain de cause.
Les malades sont-ils égaux en matière de soins médicaux ? Le grand public se pose épisodiquement cette question dont nous débattons aujourd'hui. Pourtant, elle concerne au premier chef bon nombre de nos concitoyens !
Récemment, la réaction des internes en médecine a remis cette question sur la place publique, mais il est fort probable que, noyée dans le climat de mécontentement général, la vraie motivation des manifestations des médecins soit aujourd'hui oubliée.
Le mouvement des internes en médecine s'est soldé par une nouvelle rédaction des articles 32 et 33 du projet de loi, articles pâles et insipides, de portée très générale, pleins de bonnes intentions. En effet, suggérer des mesures incitatives dans un texte législatif n'est pas de nature à résoudre en profondeur un problème.
Pour ma part, tout en sachant que la démographie médicale est également défaillante dans des milieux urbains, je m'en tiendrai à évoquer le milieu rural.
Quelle est la situation et quel est le diagnostic ? Qui n'a pas été confronté à des délais d'attente très longs pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste ? Nous verrons plus loin que l'accès au généraliste n'est pas non plus toujours facile selon le lieu de résidence.
La répartition de l'offre médicale dans notre pays connaît donc aujourd'hui de graves disparités.
Pour schématiser : premièrement, il y a trop de médecins dans le Sud et il n'y en a pas assez dans le Nord ; deuxièmement, à l'échelle du département, de vastes secteurs sont de véritables déserts médicaux ; troisièmement, à l'échelle des agglomérations, pour certains quartiers, le service des urgences est le seul lieu de soins.
Je ne reprendrai pas les chiffres de la densité médicale sur le territoire. Cependant, si on examine la carte de la démographie médicale en France, on pourrait en conclure que la situation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est bonne.
En effet, la région compte 194 médecins pour 100 000 habitants. Cependant, à y regarder de plus près, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, qui cumule le double handicap de se situer en zone rurale et de montagne, cohabitent des secteurs avec une forte présence médicale, comme dans le val de Durance, et des secteurs où, sans un ressaisissement puissant et volontariste, se profilent de grandes difficultés.
Pour l'instant, dans mon département, certains cantons ne comptent aucun médecin. Plusieurs secteurs sont encore peu ou moyennement dotés. Mais pour combien de temps ?
En effet, aujourd'hui la vraie question est celle du remplacement des praticiens. Combien de médecins nous disent qu'ils ne trouvent pas de successeur au moment de leur départ à la retraite ? Ce problème concerne aussi bien les généralistes que les spécialistes dans les villes moyennes. Il y a peu de temps, avec amertume et tristesse, un spécialiste me disait : « Je vais fermer mon cabinet comme un commerçant qui a fait faillite ! »
Par voie de conséquence, ce non-remplacement met dans l'embarras les patients, qui ont bien du mal à trouver un médecin traitant.
Les mesures financières incitatives sont finalement nombreuses : exonérations fiscales, exonération de taxe professionnelle, exonération de charges patronales, primes à l'installation, majoration d'honoraires, aides des collectivités. Quoi qu'il en soit, il faut bien reconnaître que ces mesures n'ont pas répondu aux attentes. Il faut dire qu'elles sont encore mal connues et qu'elles mériteraient d'être mieux diffusées, expliquées et simplifiées sur le plan administratif.
J'évoquerai maintenant les causes de ce dysfonctionnement.
Des enquêtes ont été menées auprès des jeunes médecins afin de connaître les raisons de leur manque d'intérêt pour aller exercer dans des zones en difficultés, qu'elles soient rurales ou urbaines.
Ces raisons, d'une inégale pertinence, sont développées dans le rapport de notre collègue Jean-Marc Juilhard : crainte d'une disponibilité permanente et sans faille ; inadaptation au milieu, car le métier de médecin a évolué : les carrières sont plus courtes et ces professionnels ne souhaitent plus habiter sur le lieu de travail ; inadaptation à une vie personnelle, qui requiert une disponibilité familiale pour les week-end et pour les loisirs, des journées de travail moins longues, voire des temps partiels ; absence d'autres professions de soins et de plateau technique à proximité.
Pour ces futurs médecins, le milieu rural est souvent assimilé à une charge de travail importante et à la solitude. « J'ai peur d'être appelée à travailler seule », répondait une jeune interne lors d'une récente interview télévisée. Cette crainte de l'isolement professionnel et personnel n'est-elle pas l'illustration d'une carence de formation et d'information ?
J'en viens aux dangers de cette situation.
Premier danger, la pénurie de médecins peut remettre en cause la qualité des soins dispensés par des praticiens « surbookés ». En effet, un médecin pratique en moyenne quelque 5 000 actes par an. Or, dans les zones en difficultés, le chiffre s'élève à 7 500 !
Deuxième danger, l'absence de médecins engendrera inéluctablement des difficultés pour les hôpitaux ruraux, dont l'avenir est déjà compromis puisqu'on leur reproche une trop faible activité. Si ces hôpitaux ferment, la progression du « désert médical » s'accélérera.
De la même manière, il deviendra de plus en plus difficile de recruter des médecins pour le corps des sapeurs-pompiers volontaires.
Quels remèdes peut-on apporter afin d'améliorer cet état de fait ?
Il est indéniable que, partout où c'est possible, la médecine regroupée doit être accompagnée et favorisée. Le travail en équipe des maisons ou centres de santé offre aux praticiens un confort et une qualité de travail qui ne sont plus à démontrer.
Néanmoins, ne faut-il pas agir dès les études de médecine ? Pourquoi ne pas reconnaître une spécialité « médecine en milieu rural » ? Dotés de leur formation universitaire, les médecins ruraux n'exercent-ils pas, depuis toujours, la pédiatrie, la gériatrie, la microchirurgie ou les urgences ? Reconnaissons que la rémunération des médecins de campagne n'est pas à la mesure des missions exercées.
De même, on a pu constater que le lieu d'études et de stage des étudiants déterminait souvent leur lieu d'installation.
Les études de médecine se déroulent principalement dans les grandes villes universitaires. Pourquoi ne pas décentraliser une partie de la formation en zone rurale afin d'établir une première « accroche » avec la vie médicale des zones rurales ou sensibles ?
S'agissant des mesures incitatives, je soulignerai le rôle des collectivités territoriales, qui développent des politiques d'aides pour les études ou à l'installation.
Les aides offertes actuellement par l'assurance maladie et par les collectivités locales pour favoriser l'installation des médecins dans les zones sous-médicalisées sont utiles, mais insuffisantes, car elles ne sont pas toujours opérantes.
Lors de mes rencontres avec les maires, deux pistes m'ont été suggérées qui méritent d'être citées dans ce débat. Chacun en fera ce qu'il veut.
Tout d'abord, nous pourrions créer un corps de médecins civils qui, à l'image des médecins militaires, après une formation assortie d'un engagement décennal, seraient affectés dans les zones sous-médicalisées.
M. François Autain. Ce n'est pas mal, ça !
M. Claude Domeizel. Ensuite, nous pourrions envisager la possibilité d'une promotion interne pour certaines professions médicales afin de compenser temporairement les effets du numerus clausus. Par exemple, un infirmier ou un kinésithérapeute disposant d'une certaine ancienneté pourrait, avec une formation complémentaire, accéder au doctorat.
Pour terminer, je m'élèverai avec force contre l'abandon dont est victime le milieu rural.
Comment s'étonner que les jeunes médecins se détournent des zones fragilisées ? Comment pourrait-il en être autrement ? Ces futurs médecins sont témoins d'un désengagement des services publics. Parmi les nombreux exemples, on peut citer les fermetures d'école, de centres EDF, la réduction ou la disparition de l'activité postale, la carence des moyens modernes de communication et, plus récemment, la réforme des services fiscaux ou de la carte judiciaire.
L'État doit montrer l'exemple ! Il est temps de mettre fin à cette insupportable fragilisation pour de prétendues raisons d'économie ou de rationalisation. En un mot, le service public doit-il être rentable ? La réponse est contenue dans la question !
Madame la ministre, mes chers collègues, la situation est plus grave qu'on ne le pense, et la politique d'abandon des services publics qui sévit depuis des décennies n'y est pas étrangère. Nous en payons aujourd'hui le prix.
Pour sortir de cette situation, il n'y a pas un seul remède, il y a un ensemble de solutions complémentaires qu'il est indispensable de mettre en oeuvre, et rapidement. Ces solutions complémentaires s'articulent autour de trois axes : l'adaptation de la formation médicale, la reconnaissance de la spécificité du milieu rural et le renforcement des aides financières. Certes, toutes ces mesures auront un coût, mais le monde rural, qui a tant été abandonné, le mérite bien !
En guise de conclusion, je vous invite, madame la ministre, mes chers collègues à méditer le premier alinéa de l'article 1er de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux : « L'état est garant de la solidarité nationale en faveur des territoires ruraux et de montagne et reconnaît leur spécificité. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est une évidence : il y a plus de médecins actuellement qu'il a trente ans ! Pour autant, on constate une pénurie dans un certain nombre de secteurs, qu'ils soient ruraux ou urbains. (M. Paul Blanc s'exclame.)
Les médecins sont-ils mieux formés qu'il y a trente ans et disposent-ils d'une technicité supérieure ? La réponse est oui. Passent-ils plus de temps auprès de leurs malades ? La réponse est non.
MM. Paul Blanc et Francis Giraud. Voilà !
M. François Fortassin. Si la pratique de la médecine doit être libérale dans son exercice, comment considérer que ce libéralisme puisse exister dans son organisation dès l'instant où la plupart des médecins tirent l'essentiel de leur revenu de l'argent public ?
M. Pierre-Yves Collombat. Effectivement !
M. François Fortassin. L'État doit organiser tout cela puisque le laisser-faire en la matière, quelle que soit la bonne volonté des uns et des autres, a conduit à un échec patent.
Quelques pistes ont été évoquées, qui peuvent être étudiées.
La première est l'augmentation du numerus clausus. C'est très bien, mais cela donnera des résultats dans dix ans. Cette mesure mérite donc sans doute d'être mise en oeuvre, mais elle est nettement insuffisante !
M. Paul Blanc. Il fallait le faire en 1997 !
M. le président. Monsieur Blanc, vous n'avez pas la parole !
M. François Fortassin. La deuxième piste est de demander aux médecins de travailler deux fois plus.
Mme Patricia Schillinger. Pour gagner plus ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Fortassin. C'est irréaliste.
La troisième piste est le recours massif à des médecins étrangers.
C'est un pillage peu glorieux, qui - hélas ! - se pratique déjà mais ne fait pas honneur à notre pays. Ces médecins venus de pays pauvres permettent souvent à bon nombre de nos structures hospitalières privées et publiques de fonctionner. C'est bien, mais il faudrait avoir le courage de leur dire que, après quelques années, ils doivent retourner dans leur pays, car, sinon, cela équivaut à un transfert au détriment de territoires pauvres qui ont beaucoup investi pour former des médecins. C'est même une attitude relativement scandaleuse ! De surcroît, ils sont payés avec un lance-pierres,...
M. Claude Domeizel. C'est vrai !
M. François Fortassin. ...si vous me permettez cette expression familière, alors qu'ils font tourner ces structures hospitalières.
Il y a pire : la moitié environ des 13 500 médecins étrangers présents dans notre pays n'ont pas obtenu la validation de leurs diplômes ; ces derniers ne se sont pourtant pas tous perdus dans les déménagements (Sourires)... Et cela n'étonne personne !
Je proposerai quelques pistes, qui vont peut-être susciter des cris d'orfraie ou de rosière effarouchée,...
M. François Fortassin. En effet, madame la ministre, vous n'avez rien d'une rosière ! (Rires.)
Comme l'ont évoqué le président Nicolas About et notre excellent collègue Claude Domeizel, on peut imaginer que des professionnels de santé, tels des infirmières ou des kinésithérapeutes, qui ont exercé durant dix ou douze ans, puissent, à l'issue d'une formation de trois ans, devenir médecins ou au moins obtenir l'équivalence du diplôme, à condition, bien sûr, qu'ils prennent l'engagement d'exercer pendant cinq ou dix ans dans des zones rurales ou urbaines déficitaires.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est ce qu'a fait Mao Tsé-Toung au moment de la Révolution culturelle !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le retour des officiers de santé !
M. François Fortassin. Je ne prends pas, madame la ministre, mes références chez Mao Tsé-Toung, mais lorsqu'une idée est bonne, pourquoi pas ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans le Petit Livre rouge !
M. le président. Laissez Mao Tsé-Toung dormir !
M. François Fortassin. Voilà donc une première piste qui pourrait avoir quelque intérêt.
M. François Fortassin. Certains considèrent peut-être que c'est une idée stupide, mais l'on sait très bien que bon nombre de structures hospitalières fonctionnent en grande partie grâce à ces professionnels de qualité.
Par ailleurs, dans certains pays - c'est le cas de l'Allemagne, de l'Espagne ou de la Suisse -, les opticiens, par exemple, peuvent pratiquer un certain nombre d'actes, comme la correction de la vue, ce qui est interdit en France. (M. le président de la commission des affaires sociales fait un signe de dénégation.)
M. Francis Giraud. Non, c'est autorisé !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous avons fait une ouverture en ce sens l'an dernier pour les opticiens !
M. François Fortassin. Vous avez fait une ouverture qui n'est pas mise en pratique ! Voilà qui est extraordinaire ! Vous considérez qu'elle porte sur le seul champ d'application, alors que ce n'est pas vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il n'y a pas que Nicolas Sarkozy qui pratique l'ouverture !
M. François Fortassin. On peut avoir d'autres références en matière d'ouverture !
En matière de santé, toutes les pistes doivent bien entendu être explorées, mais, de toute évidence, nous ne parviendrons à des solutions pertinentes que s'il existe un engagement politique fort.
Pour autant, cet engagement politique fort ne doit pas être coercitif. Toutefois, miser sur la seule bonne volonté des professions médicales ne permettra pas de régler le problème, car, alors, quelles que soient les mesures prises, elles auront à peu près autant d'effet qu'un sinapisme sur une jambe de bois ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Paul Blanc. Cela ne va pas faire avancer le schmilblic !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. « La nation garantit à tous [...] la protection de la santé ». Ce principe constitutionnel, s'est naturellement traduit, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, par une croissance régulière des dépenses de santé.
La part de la consommation des soins et des biens médicaux, ou CSBM, dans le PIB est passée de 2,5 % en 1950 à 8,8 % en 2005, soit environ 150 millions d'euros en valeur.
Dans le même temps, la socialisation de la prise en charge de ces dépenses s'est affirmée. La sécurité sociale, qui finançait 51 % de la consommation médicale en 1950, en assume aujourd'hui 77 %. La part de l'État, quant à elle, fondait de 12 % à 1 %.
Au total, sécurité sociale, mutuelles et État, qui finançaient 68,8 % de la consommation médicale en 1950, en supportent 85 % aujourd'hui. La part laissée à la charge des ménages et des assurances complémentaires hors mutuelles est passée de 31 % à 14 %.
M. Paul Blanc. Voilà !
M. Pierre-Yves Collombat. En dépit du numerus clausus, le nombre de médecins a progressé de 11 % en vingt ans, pour atteindre 207 277 au 1er janvier 2006. Dans notre pays, il n'y a jamais eu autant de médecins, notamment de médecins libéraux et de spécialistes.
Avec une densité médicale de 340 praticiens pour 100 000 habitants, la France se situe légèrement au-dessus de la moyenne des Quinze, qui est de 326 praticiens pour 100 000 habitants. La densité des généralistes, ces vingt dernières années, a progressé de 10 % et celle des spécialistes de 50 %.
Le nombre d'actes a évidemment suivi la même pente. De 1995 à 2005, le nombre total d'actes réalisés par les généralistes s'est accru de 1,8 % en moyenne chaque année, et celui des spécialistes de 3,7 %. En tenant compte de la démographie, cela représente une augmentation moyenne annuelle de 1,4 % par praticien pour les spécialistes et de 0,5 % pour les généralistes. Il faut cependant noter que, pour eux, la tendance s'inverse à partir de 2000.
En termes de revenu, on ne peut pas dire non plus que la situation des praticiens se soit dégradée, même si une évaluation objective de celle-ci, comme le fait remarquer la Cour des comptes dans son dernier rapport, n'est pas simple.
Pour nous en tenir à ces dernières années, reportons-nous au projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2007 : « Entre 2000 et 2004, en monnaie constante, les revenus des généralistes ont progressé annuellement de 2,6 % et celui des spécialistes de 3,1 %. Cette hausse du pouvoir d'achat des médecins est supérieure à celle qui a été observée sur la même période pour l'ensemble des salariés. » La progression du pouvoir d'achat du salaire moyen est en effet de 0,4 % par an.
Au terme de son analyse, la Cour des comptes parvient à des chiffres qui, tout en étant un peu différents, sont du même ordre : la progression annuelle moyenne du revenu est de 1,8 % pour les omnipraticiens et de 3,3 % pour les spécialistes.
Au total, donc, c'est une situation que beaucoup de pays pourraient nous envier.
Malgré cela, mais j'ai envie de dire « à cause de cela », paradoxalement, notre système de santé paraît moins capable que par le passé de répondre aux attentes de nos concitoyens, qu'il s'agisse notamment des files d'attentes qui s'allongent pour l'accès à certaines spécialités ou de la surchauffe des urgences. La satisfaction des besoins essentiels d'une partie importante du territoire, les zones rurales, est devenue préoccupante.
Le diagnostic est connu, je serai donc bref.
La présence médicale varie beaucoup d'une région à l'autre, entre les départements d'une même région - Claude Domeizel en a fait la démonstration voilà quelques instants -, entre les villes et les cantons ruraux d'un même département.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, par exemple, la densité des généralistes est de 194 pour 100 000 habitants, alors qu'en Picardie elle est de 142 praticiens pour 100 000 habitants. S'agissant des spécialistes, la densité est de 223 pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, contre 114 pour la Picardie.
Ces chiffres sont significatifs aussi en ce qu'ils montrent que c'est pour les spécialistes que les disparités entre régions, entre secteur urbain et secteur rural sont les plus grandes.
Selon le rapport établi en 2005 par la commission « Démographie médicale » - vous le constatez, ce ne sont ni les rapports ni les commissions qui font défaut -, si les bourgs ruraux actifs et même le rural isolé tirent encore assez bien leur épingle du jeu s'agissant des omnipraticiens - 91,5 pour 100 000 habitants dans le rural isolé, contre 99,2 en moyenne nationale -, ce n'est déjà plus le cas des cantons agricoles et ouvriers, plutôt défavorisés. Surtout, pour tous ces secteurs, se pose le problème du renouvellement de ces omnipraticiens.
Certes, la population concernée reste modeste - entre 400 000 et 2 400 000 personnes, selon les critères retenus -, mais elle est dispersée sur un territoire très important, qu'il faut absolument préserver de la désertification.
Nous le savons bien, ce qu'il faut craindre, c'est une probable et rapide dégradation de la démographie médicale des zones rurales par l'effet des départs à la retraite avant que l'augmentation du numerus clausus ait produit ses effets.
Cependant, ce n'est là qu'un aspect du problème.
Une démographie médicale favorable en zone rurale ne signifie pas, notamment, que la permanence des soins y soit assurée. Vous pouvez très bien, comme j'ai pu l'observer dans mon département, le Var, bénéficier de la présence de 7 médecins pour 5 000 habitants aux heures ouvrables, mais qui, le reste du temps, sont aux abonnés absents.
M. Pierre-Yves Collombat. Si, de surcroît, l'organisation des secours sanitaires d'urgence patauge, le résultat peut être catastrophique.
Depuis le décret du 15 septembre 2003, la garde n'est plus une obligation pour les médecins, elle procède du « volontariat », le préfet étant censé l'organiser en liaison avec l'ordre des médecins, dans le cadre de conventions et, si nécessaire, il doit procéder à des réquisitions, ce qu'il ne fait pratiquement jamais.
Résultat : comme le souligne pudiquement un rapport de l'IGAS, de mars 2006, malgré des efforts financiers non négligeables de l'assurance maladie, si le nouveau dispositif s'est déployé sur l'ensemble du territoire, ni sa « fiabilité » ni son « efficience » - c'est le langage pudique de l'IGAS - ne sont assurées.
Les territoires ruraux pâtissent de l'absence de structures du type « SOS médecins » qui, en zone urbaine, jouent un rôle de plus en plus important.
Un engagement supérieur des praticiens libéraux dans les départements et les secteurs les plus ruraux, comme le relève encore l'IGAS, le développement de structures telles que les « maisons médicales de garde » permettent encore pour l'heure de faire face. Mais pour combien de temps ? En effet, ces dispositifs sont fragiles. Reposant avant tout sur un engagement personnel - engagement d'un autre âge, si j'ai bien entendu les nouveaux Hippocrate -, ils n'ont pas la stabilité des institutions.
Cette situation préoccupante et connue a déjà suscité nombre d'initiatives d'origine gouvernementale ou émanant des collectivités locales. On manque encore de recul pour en apprécier la pertinence et les conclusions des études existantes sont généralement circonspectes.
Cependant, on sait déjà que l'installation de nouveaux médecins en zone rurale n'est qu'accessoirement une question d'argent. Les incitations financières et fiscales sont très peu efficaces.
Le problème est donc d'abord culturel, comme le souligne le rapport de notre collègue M. Juilhard, le milieu rural étant perçu comme « une zone de forte contrainte », pour l'exercice du métier comme pour la vie familiale.
Compte tenu de l'origine sociale des médecins, du caractère de plus en plus technique du métier et de la manière dont sont organisées les études, cela n'a rien d'étonnant.
On relève que 45 % des médecins se recrutent parmi les familles de cadres et d'intellectuels supérieurs, 17 % parmi les professions intermédiaires, lesquelles n'ont guère de connaissance réelle des contraintes, mais aussi des charmes, du monde rural.
Comme le remarque le rapport 2005 de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, « Il est clair qu'une formation hospitalo-centrée génère plus difficilement des vocations pour la médecine de famille. Les enseignements des expériences québécoises montrent d'ailleurs que l'organisation précoce de stages en milieu rural contribue à une moindre appréhension de ce lieu d'exercice. »
On peut aussi penser que toutes les dispositions permettant d'alléger et de mieux répartir charges de travail et responsabilités auraient des effets positifs : le développement des « cabinets de groupe » ou des « maisons de santé » permettant les échanges et la mutualisation des charges ou les incitations fiscales facilitant les remplacements, par exemple.
L'usage généralisé de la télémédecine - qui suppose un accès au haut débit sur l'ensemble du territoire, encore incomplètement réalisé - peut aussi fournir les moyens de diagnostic technique et les informations dont sont privés les praticiens non citadins.
On pourrait aussi faciliter, dans les zones déficitaires, l'installation de « centres de santé » mutualistes, associatifs, communaux ou intercommunaux, fonctionnant avec du personnel médical et paramédical, salarié ou non. Une résurrection des « dispensaires » du xixe siècle, en quelque sorte !
Comme la iiie République le fit pour ses instituteurs, la ve pour ses professeurs - jusqu'à ce que Raymond Barre n'y mette bon ordre libéral ! -, la collectivité pourrait aussi assurer des moyens d'existence et des conditions d'études favorables aux étudiants en médecine, en contrepartie d'engagements d'installation et d'exercice dans les zones déficitaires. Ce serait, en même temps, une manière de démocratiser l'accès à la profession.
Enfin, on pourrait assurer un support professionnel et technique de proximité aux praticiens, tout simplement en ne fermant plus les hôpitaux locaux et en ne leur appliquant plus la tarification à l'activité, la fameuse T2A.
Ce ne sont donc pas les propositions incitatives qui manquent. Suffiront-elles à régler le problème ? J'en doute fort. Comme je doute du succès de simples manoeuvres de « déconventionnement » - si tant est qu'un gouvernement, à commencer par celui-ci, ait vraiment l'intention de les mettre en oeuvre -, qui ignorent que ce n'est visiblement plus l'exercice de la solidarité qui est le moteur de notre système de santé, comme à l'époque de sa création, mais bien la recherche de l'intérêt personnel.
Notre système, jusque-là, présentait tous les avantages : liberté individuelle d'accès au soin quasi universelle pour le patient ; liberté de prescription, d'installation, de mode d'exercice pour le médecin ; socialisation des dépenses découlant de ses libres choix individuels. Un tel système ne peut durer sans autorégulation, sans régulation « éthique » des patients et surtout des praticiens, c'est-à-dire sans la prise de conscience par les bénéficiaires de leurs responsabilités et de leurs devoirs. Je ne vois pas comment un droit de tirage illimité, permanent et sans contrepartie sur la richesse collective pourrait être financièrement tenable et moralement justifiable.
Espérer réguler un tel système de l'extérieur, par des mesures comme le numerus clausus, les contraintes tarifaires, les incitations fiscales, les autorisations ou interdictions au coup par coup est un leurre. De telles mesures permettront tout au plus de retarder le moment du collapsus !
Les problèmes rencontrés dans le monde rural sont le symptôme d'un mal plus général et plus profond. On y portera remède non par des mesures ponctuelles et spécifiques, qui pourront cependant jouer un rôle conservatoire utile, mais par une remise à plat de l'ensemble du système avant qu'il ne soit trop tard. Une seule question se pose, madame la ministre : y êtes-vous prête ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Guy Fischer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, tout le monde l'a dit depuis le début de ce débat, la France fait face à un grave problème de démographie médicale.
Même s'il convient de rappeler que le nombre de médecins n'a jamais été aussi élevé, force est de constater que l'offre médicale est insuffisante pour satisfaire les besoins et qu'elle va fortement diminuer dans les prochaines années.
Notre pays compte aujourd'hui 339 médecins pour 100 000 habitants, contre une moyenne européenne de 337, l'Italie en ayant, quant à elle, 570, l'Espagne 440 et l'Allemagne 430.
Dans nos hôpitaux publics, 1 500 postes de praticiens hospitaliers à plein temps restent vacants, en dépit des 6 000 postes déjà occupés de façon « contractuelle » par des médecins à diplôme étranger et des 10 000 médecins étrangers régularisés entre 1995 et 2000 sur la base d'une évaluation de leur diplôme.
En ville, si globalement le nombre de médecins libéraux a augmenté de près de 10 % entre 1991 et 2006, comme la population française, les effets cumulés du numerus clausus, en baisse constante de 1983 à 1993, et des départs massifs à la retraite laissent craindre une chute des effectifs de médecins libéraux d'ici à 2025. Les effectifs seront amputés de près de 30 000 médecins, généralistes et spécialistes confondus.
Cette diminution globale des effectifs ne pourra être enrayée que par le maintien, pendant plusieurs années, du numerus clausus à son niveau actuel, soit 7 100 étudiants admis en deuxième année. Il nous faut une gestion sereine, adaptée et prospective du numerus clausus - c'est-à-dire qu'on se réserve la possibilité de l'augmenter. Une telle gestion est indispensable même si, étant donné la longueur des études, ses effets ne sont perceptibles qu'au terme d'une période de dix à douze ans.
Dans l'intervalle, le territoire français dans sa globalité connaîtra des difficultés pour répondre aux besoins d'une population exigeant, à juste titre, des soins conformes aux progrès de la médecine. Ce problème est d'autant plus crucial que l'espérance de vie augmente : le développement de soins adaptés aux pathologies chroniques, plus fréquentes chez la personne âgée, amplifiera les attentes de chacun à l'égard des médecins.
Qui plus est, les inégalités territoriales d'accès aux soins vont continuer à s'aggraver alors que 4,3 millions de nos concitoyens vivent déjà dans des zones identifiées comme « en difficulté » ou « fragiles » en termes de présence médicale. Dès lors, comment faire pour que la baisse attendue du nombre de médecins en activité ne se traduise pas par un creusement de ces disparités, notamment en zone rurale, en zone de montagne ou dans les quartiers sensibles des périphéries urbaines ?
Deux voies sont possibles : l'incitation ou la contrainte. Faut-il inciter ou contraindre les professionnels de santé à s'installer dans les zones sous-médicalisées ? Nous avons déjà eu ce débat et la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a privilégié le recours à des mécanismes d'incitation financière pour favoriser l'installation ou le maintien des médecins.
Plusieurs aides à l'installation ont vu le jour : exonérations fiscales, exonérations de charges sociales, majorations d'honoraires, pour ne citer que les principales. On nous dit aujourd'hui que ces dispositifs ne sont pas suffisamment efficaces et qu'il est temps de passer à des mesures plus contraignantes, telles que le déconventionnement ! Je dois avouer, pour ma part, que cette proposition m'inspire une certaine réserve.
D'abord, parce que je suis très attaché au principe de la liberté d'installation des jeunes médecins. On ne fait pas le bonheur des gens malgré eux et, encore moins, contre eux. Vivant moi-même à la campagne, je sais qu'il faut la faire découvrir à ceux qui ne la connaissent pas, leur donner envie d'y venir et d'y vivre et, pour cela, créer un environnement qui permettra au jeune médecin, à son conjoint et à ses enfants, de s'y épanouir.
C'est parce qu'il y a une vie locale, une école, des commerces, des animations, des activités sportives et des facilités de communication que l'on peut désirer s'y installer. Cette liberté de choix est essentielle. À cet égard, il faut garder à l'esprit que les promotions de jeunes médecins sont à 70 % composées de femmes, qui doivent pouvoir concilier vie professionnelle, vie personnelle et vie familiale.
J'ajoute que les mesures contraignantes prises par les pouvoirs publics à l'étranger ont souvent démontré leur inefficacité. En Allemagne, comme en Suisse, la pénurie médicale dans les campagnes s'est aggravée et s'est propagée aux villes puisque, sur 100 étudiants en médecine formés, seuls 55 exercent effectivement, les autres ayant préféré renoncer. Dans ce cas, le libre choix demeure ; mais il est négatif et préjudiciable à la collectivité tout entière.
Ensuite, je crains que l'on n'alimente encore ce que le professeur Martine Lombard, éminente juriste, appelle dans un récent essai, « l'État schizo ». Victime d'un dédoublement de personnalité, l'État voudrait contraindre des professionnels de santé à s'installer dans des zones sous-médicalisées, alors que ces mêmes zones sont parfois en voie de désertification : suppression de perceptions, de gendarmeries ou de services publics, indispensables à la vie locale. Cela ne date pas d'aujourd'hui, on observe ce phénomène sous tous les gouvernements depuis une vingtaine d'années. Je suis élu depuis suffisamment longtemps pour le savoir !
Je le dis clairement, madame le ministre, l'aménagement du territoire est un tout cohérent. Tous les élus qui ont mis en oeuvre, dans leurs collectivités locales, des politiques innovantes de redynamisation rurale le savent.
Enfin, et avant d'envisager toute solution contraignante, il me paraît indispensable d'évaluer l'efficacité des mesures incitatives qui ont été prises : les étudiants et les jeunes médecins les connaissent-ils suffisamment ? Je crois que la réponse est négative : il faudrait donc les faire connaître plus. Ne pourrait-on pas non plus simplifier les démarches administratives pour l'obtention de ces aides ? Très certainement.
Avant même l'installation, toutes les formules développées par certains de nos collègues pour attirer les étudiants en zone sous-médicalisée, qu'il s'agisse de bourses de scolarité ou des aides pour développer les stages, méritent d'être étudiées. L'État pourrait peut-être s'engager dans un cofinancement de ces mesures pour encourager leur développement.
Dans cette logique d'innovation, les « maisons de santé », qui s'implantent un peu partout, constituent incontestablement une réponse à la crise de la démographie médicale, comme l'a bien démontré, dans son rapport, notre collègue Jean-Marc Juilhard. Sur ce point aussi, il faudrait peut-être une coordination entre l'État et les collectivités locales. La définition d'un statut juridique et la création d'un label « maison de santé » me semblent devoir être largement privilégiées.
Aussi, madame le ministre, il nous faut vraiment explorer sereinement toutes les pistes - je sais que telle est votre volonté -, combiner les solutions, faire confiance aux initiatives locales pour éviter in fine que le remède ne soit pire que le mal. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jean Boyer applaudit également.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord vous remercier pour la très grande qualité et la richesse de vos interventions, qui, soyez-en certains, éclaireront la réflexion et l'action du Gouvernement.
Il est d'ailleurs rare et réconfortant d'assister à des échanges aussi nourris, tant en évaluations qu'en propositions. Le Sénat, monsieur le président, a parfaitement rempli son rôle de réflexion dans ce domaine. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Que c'est agréable à entendre !
M. le président. Merci pour ce compliment mérité, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Avant toutes choses également, je veux souligner l'excellence du rapport d'information sur la démographie médicale de M. Juilhard, qui établit un constat pertinent, sans concessions, de la situation et propose des solutions cohérentes et déterminées. J'insisterai pour que ce document soit analysé avec précision lors des états généraux de l'organisation de la santé.
Des débats de ce matin, je retiens volontiers deux enseignements. Un certain nombre de sujets recueillent un consensus : c'est une bonne nouvelle qui nous permettra, j'en suis sûre, d'avancer rapidement. En revanche, sur d'autres sujets, le débat reste entier. Je tiens à vous faire part de ce constat important, qui doit nous inciter à bien peser les termes de ce débat et les options proposées.
Tout d'abord, de quoi est-il question dans un débat sur la démographie médicale ? S'agit-il uniquement des médecins ou, plus largement, - c'est mon intime conviction - de l'ensemble des acteurs et des professionnels de santé ? Il serait sans doute plus juste de parler de démographie sanitaire (MM. Paul Blanc et Francis Giraud opinent)...
M. Georges Othily. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ...car, M. Juilhard l'a fort opportunément rappelé, il convient également d'évoquer la situation des infirmières, des chirurgiens dentistes ou d'autres professionnels de santé comme les kinésithérapeutes.
M. Paul Blanc. Et les spécialistes !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. S'agissant de l'acuité de la crise sanitaire, la plupart des intervenants partagent la conviction que la situation est aujourd'hui préoccupante et remettra en cause, demain, le principe d'égalité d'accès aux soins.
Mais nous avons entendu un large éventail d'opinions. J'ai noté l'optimisme de M Autain, par exemple, qui m'a semblé accueillir avec une certaines réticence les images noires esquissées par certains de ses collègues. (M. Autain acquiesce.)
Il semble donc tout à fait important d'asseoir nos réflexions sur un diagnostic partagé. Je veillerai à ce que les états généraux de l'organisation de la santé établissent les faits d'une manière incontestable.
Un des éléments importants de ce diagnostic sera bien sûr la détermination des territoires sur lesquels l'action des pouvoirs publics devra être prioritaire.
À ce titre, il n'est pas interdit de repenser la répartition des zones sous-denses et des zones surdenses. Il a été demandé, notamment par M. Autain, qu'un travail de cartographie très fin soit accompli. Cela est évidemment tout à fait indispensable.
Un autre point du diagnostic a fait débat : quels sont les déterminants de cette inégalité de répartition des professionnels de santé ?
M. Collombat et d'autres orateurs, par exemple Mme Dini, ont établi un lien très fort entre cette inégalité de répartition et l'aménagement et l'équipement des territoires, dressant pour certains de ceux-ci une image de déshérence qui amènerait finalement les professionnels de santé à ne pas s'y installer. Toutefois, M. Godefroy a noté, à juste titre, que certaines zones urbaines, par ailleurs fort bien équipées, présentaient également des problèmes en matière d'accès aux soins.
En ce qui concerne la nature des mesures à mettre en oeuvre pour accompagner une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire, je constate également des divergences très importantes.
J'ai bien noté que MM. Godefroy et Cazeau préconisent des mesures qu'ils qualifient pudiquement de mesures de régulation de l'installation. Cependant, tout le monde sait bien que, en réalité, il s'agit d'interdire et de contraindre. Cette prise de position ne m'étonne d'ailleurs pas de leur part, puisqu'ils ne font là que reprendre les propositions faites par Mme Royal lors de la campagne présidentielle. En effet, interrogée sur l'opportunité d'imposer à des médecins de s'installer dans les zones sous-denses, la candidate du parti socialiste à l'élection présidentielle s'était clairement prononcée en faveur de telles mesures. Nous savons tous quel succès ses propositions ont rencontré ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Raymonde Le Texier et M. Pierre-Yves Collombat. Sarkozy l'a dit aussi !
M. Guy Fischer. C'était aussi l'opinion du Président de la République !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je l'ai dit à de nombreuses reprises, je ne suis pas favorable à la remise en cause de la liberté d'installation, partageant en cela l'avis de M. Fouché.
Un autre thème de débat a trait à l'efficacité des incitations financières. Mme Dini, s'appuyant sur des expériences étrangères, et M. Autain nous ont fait part de leurs doutes sur l'efficacité à long terme d'une action principalement fondée sur ce genre de mesures.
M. Domeizel, quant à lui, estime que l'échec de ces mesures n'est peut-être dû qu'à un déficit d'information. Cependant, dans le même temps, M. Othily dit sa conviction que, dans le cas très spécifique de la Guyane, la création d'une zone franche serait seule de nature à améliorer la situation sanitaire de la population.
Dans ce contexte, que faut-il penser de la généralisation des bourses pour les étudiants ? Mme Dini n'y est pas favorable, au contraire de M. Godefroy, qui semble les plébisciter. Pour accompagner notre réflexion, M. Murat imagine la situation de compétition entre les collectivités territoriales qui pourrait s'instaurer, compétition que nous connaissons déjà bien, d'ailleurs, en matière d'octroi d'aides à l'industrialisation : quand viendront les générations les plus creuses, quand le problème de la démographie médicale sera non plus seulement quantitatif, mais aussi qualitatif, les collectivités les plus riches...
M. Jean-Pierre Raffarin. Les Vosges ! (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... pourront en quelque sorte « se payer » plus facilement l'installation de médecins que les collectivités plus pauvres. Nous serons alors revenus à la case départ.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques-uns des sujets qui font débat, mais je veux maintenant mettre en lumière les points de convergence qui me sont apparus importants.
Tout d'abord, la formation des jeunes professionnels de santé est sans doute le sujet sur lequel le plus large consensus s'est manifesté sur toutes les travées. Bien sûr, il faut adapter le numerus clausus aux besoins de la population. C'est ce que nous avons fait en le portant à 7 100 places cette année, et c'est ce que nous continuerons à faire dans les années à venir.
Toutefois, plus que leur nombre, c'est la répartition des étudiants sur le territoire qui est importante ; Nicolas About a parfaitement raison sur ce point. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai engagé, avec Mme Pécresse, une action pour orienter les flux de formation vers les régions les moins bien dotées.
Il faut également valoriser, vous avez été nombreux à le dire, la filière de médecine générale, qui est anormalement délaissée par les étudiants. Pour cela, je compte sur le développement des stages de médecine générale dès le second cycle - le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte des mesures financières à cet effet -, afin de susciter l'intérêt et les vocations pour ce métier central qu'est celui de médecin généraliste.
Je crois que, comme l'a rappelé M. Vasselle, les étudiants et les professionnels sont encore confrontés à un déficit d'information sur les dispositifs d'aide à l'installation et à l'exercice.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est vrai !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Des actions en ce domaine ont pourtant été mises en oeuvre sur l'initiative de l'assurance maladie et de ses partenaires régionaux. Je suis d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, quand vous dites qu'il faut aller plus vite et plus loin dans la mise en place d'un guichet unique performant et clairement identifié par les professionnels.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien ! Il faut passer à l'action !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je pense que les futures agences régionales de santé permettront largement de répondre à cette attente.
Un deuxième point de convergence, et nous sommes bien ici au coeur du débat, concerne l'amélioration de la qualité de l'exercice professionnel des médecins.
Beaucoup d'entre vous l'ont souligné, il faut que les professionnels de santé puissent se concentrer sur leurs activités de soin. M. About et Mme Dini, en particulier, ont évoqué le partage des tâches et la coopération entre professions de santé. J'y suis bien entendu favorable. J'ai d'ailleurs présenté un amendement au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vise à permettre aux infirmières de pratiquer certaines vaccinations. Je souhaite que nous puissions aller plus vite à cet égard, peut-être en levant certains a priori des médecins. Nous devons vraiment nous battre sur cette question du partage des tâches. Il nous faudra là encore pousser plus loin, en nous appuyant notamment sur les réflexions en cours à la Haute Autorité de santé.
Plusieurs intervenants ont également évoqué la simplification des tâches administratives. C'est un chantier important, et je veux que le travail se poursuive en vue par exemple de dématérialiser les échanges entre l'assurance maladie et les professionnels de santé, ou encore de réduire le nombre croissant de certificats que les patients demandent à leur médecin.
Enfin, et c'est certainement l'un des points majeurs qui sont ressortis de nos débats d'aujourd'hui, les maisons de santé devront jouer un rôle important dans la réorganisation de l'offre de soins de premier recours.
Il est essentiel, comme l'ont dit Mme Dini ou M. Domeizel, de rompre l'isolement des professionnels de santé et de leur permettre d'atteindre la taille critique nécessaire pour envisager une réelle amélioration de leur qualité de vie et de leurs conditions d'exercice. Il est indispensable de faciliter la participation à des activités de formation continue, de permettre une amélioration du service rendu à la population, notamment en termes de continuité et de permanence des soins.
À cet égard, les maisons de santé permettront d'installer et de mutualiser des plateaux techniques, de développer les fonctions de secrétariat et de favoriser le partage des tâches entre les professionnels. Je vous rejoins sur ce point, monsieur Vasselle : leur financement et leur implantation nécessiteront une coordination importante entre l'État, l'assurance maladie et les collectivités territoriales. Il n'est pas interdit, dans ce domaine, d'envisager d'autres partenariats.
Cela étant, j'indiquerai, pour faire écho au débat engagé par M. Collombat, que nous ne pourrons pas faire, sur ce sujet, l'économie d'une réflexion philosophique.
Quand la puissance publique, c'est-à-dire le contribuable local, le contribuable national ou le cotisant à la sécurité sociale, aura financé à grand renfort de subventions des maisons médicales de garde ou des centres de santé, participé au fonctionnement de ces installations, réglé les cotisations sociales des médecins, augmenté les rémunérations - comme nous le faisons déjà, avec une progression de plus de 20 % dans certains secteurs -, rémunéré la permanence des soins en plus des consultations et des visites majorées - 150 euros la nuit -, payé forfaitairement la prise en charge des malades chroniques, pourrons-nous toujours arguer qu'il s'agit de médecine libérale ?
M. François Autain. Ah !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les jeunes médecins pourront-ils toujours revendiquer la liberté d'installation ? Certains médecins refusent d'assumer les tâches les plus contraignantes, comme les gardes de nuit, puisque le système repose sur le volontariat.
J'indique aussi qu'un principe irréfragable veut que qui paie commande ! Certaines exigences présentées benoîtement, ici ou là, sur toutes les travées, comme des mesures techniques impliquent in fine un changement de système et l'instauration d'un service public étatisé ou para-étatisé. Il faut avoir le courage de dire les choses ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. François Autain applaudit également.)
Je répondrai maintenant à M. Othily.
Monsieur le sénateur, je connais la situation des professionnels de santé guyanais et je ne la sous-estime pas. Comme vous l'avez souligné, la densité médicale de la Guyane est de trois à quatre fois inférieure à celle de la métropole et la moyenne d'âge des médecins y est plus élevée. Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances que vous avez mentionné m'a été transmis la semaine dernière seulement. J'ai demandé à mes services d'en analyser les conclusions. Je ne manquerai pas de revenir vers vous une fois que j'en aurai pris connaissance et avant toute décision.
J'indiquerai enfin à M. Fortassin, qui a soulevé le problème éthique de l'installation des médecins étrangers, que celle-ci n'a résolu aucun de nos problèmes de démographie médicale, puisque les médecins étrangers eux aussi vont s'installer dans les zones surdenses ! En effet, sur 6 700 médecins étrangers, 3 700 exercent en Île-de-France et plus de 1 000 en région Rhône-Alpes. Finalement, les médecins étrangers ne s'installent pas, eux non plus, dans les régions déficitaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons vraiment eu, sur tous les sujets que j'ai évoqués, des débats extrêmement denses et riches. Ils ne font que débuter, et toutes les réflexions que nous avons menées ensemble ce matin nourriront la démarche des états généraux de l'organisation de la santé, qui se dérouleront à partir de février 2008. J'en attends beaucoup pour l'amélioration de l'accès aux soins pour nos concitoyens.
Je vous remercie de vos contributions, le débat et l'action ne font que commencer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous avons achevé le débat sur la démographie médicale.
(Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme MichÈle AndrÉ
vice-présidente
Mme la présidente. Nous reprenons l'examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Nous en sommes parvenus à l'examen de la troisième partie, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour 2008.
TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POUR 2008
Article 8 et annexe B
Est approuvé le rapport figurant en annexe B à la présente loi décrivant, pour les quatre années à venir (2008-2011), les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes, ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
ANNEXE B
Rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir
Hypothèses d'évolution moyenne sur la période 2009-2012
|
Scénario bas |
Scénario haut |
Produit intérieur brut en volume |
2,5 % |
3 % |
Masse salariale du secteur privé |
4,4 % |
5 % |
Objectif national de dépenses d'assurance maladie (en volume) |
2,0 % |
2,0 % |
Variante de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (en volume) |
1,5 % |
1,5 % |
Inflation hors tabac |
1,6 % |
1,6 % |
Les projections présentées sont construites autour de deux scénarios économiques et en l'absence de toute ressource supplémentaire. Ces deux scénarios reprennent les hypothèses d'évolution du produit intérieur brut (PIB), de la masse salariale et de l'inflation retenues dans les scénarios présentés dans le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation annexé au projet de loi de finances pour 2008.
Les hypothèses retenues pour la progression des dépenses Famille et Vieillesse sont des évolutions tendancielles. Les dépenses de prestations en faveur de la famille progressent en volume à un rythme inférieur à 1 % sur la période. Les prestations évoluent moins vite à partir de 2010, la montée en charge des prestations en faveur de l'accueil des jeunes enfants se terminant en 2009. Le rythme de progression des prestations vieillesse en volume diminue très progressivement entre 2008 et 2012 (de 4 % à 3,2 % sur la période). Cette évolution prend en compte les dispositions de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Elle intègre ainsi l'impact de l'allongement, à partir de 2009, des périodes validées pour obtenir une retraite à taux plein sur les conditions de départs anticipés à partir de 2009. En revanche, elle n'anticipe pas les mesures susceptibles d'être mises en oeuvre à la suite du « rendez-vous retraite » de 2008.
À la différence des autres branches, les comptes de la branche Maladie sont présentés, non pas avec une évolution tendancielle des dépenses mais avec un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) d'au plus 2 % en volume par an sur la période, conformément à la stratégie pluriannuelle de finances publiques présentée par le Gouvernement lors du débat d'orientation budgétaire.
Cet objectif est ambitieux et demandera des efforts à l'ensemble des acteurs du système de santé. Il est cependant réaliste. En effet, les différences de productivité entre établissements de santé, les écarts de consommation de soins entre régions, les divergences de pratiques médicales ou de consommation avec des pays comparables à la France montrent que des gisements d'économie existent. Ces gains d'efficacité peuvent être exploités, tout en continuant d'assurer un service de santé de qualité pour l'ensemble des Français. Ceci nécessite des modifications des comportements et appelle l'introduction de nouveaux mécanismes de régulation, qui devront être négociés et concertés avec l'ensemble des acteurs. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 constituera une première étape dans cette stratégie. Le scénario alternatif basé sur un ONDAM fixé à 1,5 % en volume suppose un effort complémentaire de régulation, mais permet de dégager des économies substantielles par rapport au scénario précédent à l'horizon 2012.
Ces différents scénarios montrent la nécessité d'approfondir les réformes mises en oeuvre jusqu'ici. Concernant l'assurance maladie, un débat sur le financement de la santé doit s'ouvrir pour aboutir au premier semestre 2008. Le rendez-vous sur les retraites prévu par la loi du 21 août 2003 permettra également de définir les conditions d'un équilibre pérenne de l'assurance vieillesse.
Dans le scénario bas, le déficit du régime général passerait de 8,9 milliards en 2008 à 7,6 milliards d'euros en 2012. L'amélioration très sensible de la situation financière de la branche Famille, et, dans une moindre mesure, de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles vient compenser la dégradation de la situation financière de la branche Vieillesse. Si la branche Famille passe d'une situation équilibrée à un excédent de près de 5 milliards d'euros sur la période, la branche Vieillesse passe d'une situation déficitaire de 5,1 milliards en 2008 à un déficit de plus de 10 milliards d'euros.
Dans ce scénario bas, avec des dépenses en croissance de 2 % en volume, le déficit de la branche Maladie du régime général en 2012 serait ramené à 3 milliards d'euros. Avec un effort accru de maîtrise des dépenses d'assurance maladie, la situation financière de l'assurance maladie s'améliorerait tout au long de la période pour atteindre l'équilibre en 2012. Dans ce dernier cas, le déficit du régime général est ramené à moins de 5 milliards d'euros en 2012.
Dans le scénario haut où le PIB s'accroîtrait de 3 % par an, le régime général bénéficie d'un surcroît de recettes de près de 6 milliards d'euros à l'horizon 2012, complément qui ne permet cependant pas de retrouver spontanément l'équilibre. Le solde du régime général qui s'améliore à partir de 2010 de 2 milliards d'euros par an, serait déficitaire de 1,7 milliard d'euros en 2012. Par rapport au scénario précédent, la branche Maladie serait au voisinage de l'équilibre en 2012. En revanche, ces hypothèses plus favorables sont insuffisantes pour renverser la tendance à la dégradation des comptes financiers de la branche Vieillesse.
L'obtention de l'équilibre du régime général est possible dans le scénario haut associé à un effort complémentaire de maîtrise des dépenses d'assurance maladie (ONDAM à 1,5 % en volume).
Conformément au scénario retenu lors de la réforme des retraites de 2003, la réduction du besoin de financement de l'assurance vieillesse peut être obtenue sans augmentation des prélèvements obligatoires, en raison des excédents potentiels des autres branches ou régimes de protection sociale.
Dans les deux scénarios, le Fonds de solidarité vieillesse retrouve une situation excédentaire en 2008 (0,6 milliard d'euros). Les excédents du fonds s'accroissent sur la période, celui-ci bénéficiant de la baisse du chômage. En revanche, avant toute mesure nouvelle de redressement, la situation financière du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles se dégrade de l'ordre de 300 millions d'euros par an.
La plupart des autres régimes de base bénéficient de mécanismes d'ajustement qui équilibrent leur solde (contribution d'équilibre de l'État ou du régime général, impôts affectés, cotisations fictives...) ; seuls la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et le régime des industries électriques et gazières voient leur situation excédentaire se dégrader progressivement sur la période.
Prévision de recettes et de dépenses sur la période 2007-2012 Scénario économique bas
Régime général
(En milliards d'euros) |
|||||||
|
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Maladie |
|||||||
Recettes |
137,5 |
143,5 |
151,1 |
156,7 |
163,6 |
170,9 |
178,5 |
Dépenses |
143,4 |
149,7 |
155,2 |
161,3 |
167,7 |
174,5 |
181,4 |
Solde |
-5,9 |
-6,2 |
-4,1 |
-4,6 |
-4,1 |
-3,5 |
-2,9 |
Variante avec un ONDAM à 1,5 % en volume à partir de 2009 |
|||||||
Solde |
-5,9 |
-6,2 |
-4,1 |
-4,0 |
-2,7 |
-1,4 |
0,1 |
Accidents du travail - maladies professionnelles |
|||||||
Recettes |
9,8 |
10,0 |
10,8 |
11,3 |
11,8 |
12,3 |
12,8 |
Dépenses |
9,9 |
10,4 |
10,5 |
10,9 |
11,2 |
11,5 |
11,9 |
Solde |
-0,1 |
-0,4 |
0,3 |
0,4 |
0,6 |
0,7 |
0,9 |
Famille |
|||||||
Recettes |
52,5 |
54,3 |
56,7 |
58,8 |
61,2 |
63,7 |
66,4 |
Dépenses |
53,4 |
54,8 |
56,4 |
57,3 |
58,5 |
59,9 |
61,5 |
Solde |
-0,9 |
-0,5 |
0,3 |
1,5 |
2,7 |
3,9 |
4,9 |
Vieillesse |
|||||||
Recettes |
83,0 |
85,4 |
89,1 |
92,6 |
96,4 |
100,1 |
104,0 |
Dépenses |
84,8 |
90,0 |
94,3 |
99,0 |
103,8 |
109,1 |
114,4 |
Solde |
-1,9 |
-4,6 |
-5,2 |
-6,4 |
-7,5 |
-9,0 |
-10,4 |
Toutes branches consolidé |
|||||||
Recettes |
277,8 |
288,0 |
302,4 |
313,9 |
327,4 |
341,3 |
355,8 |
Dépenses |
286,6 |
299,6 |
311,1 |
323,0 |
335,7 |
349,2 |
363,3 |
Solde |
-8,7 |
-11,7 |
-8,8 |
-9,1 |
-8,3 |
-7,9 |
-7,5 |
Variante avec un ONDAM à 1,5 % en volume à partir de 2009 |
|||||||
Solde |
-8,7 |
-11,7 |
-8,8 |
-8,4 |
-6,9 |
-5,8 |
-4,5 |
Ensemble des régimes obligatoires de base
|
|
|
|
(En milliards d'euros) |
|||
|
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Maladie |
|||||||
Recettes |
160,1 |
166,8 |
175,5 |
181,6 |
189,3 |
197,5 |
205,9 |
Dépenses |
166,0 |
173,4 |
179,5 |
186,4 |
193,6 |
201,2 |
209,0 |
Solde |
-5,9 |
-6,6 |
-4,0 |
-4,8 |
-4,3 |
-3,7 |
-3,1 |
Accidents du travail - maladies professionnelles |
|||||||
Recettes |
11,2 |
11,3 |
12,2 |
12,7 |
13,2 |
13,7 |
14,2 |
Dépenses |
11,3 |
11,6 |
11,8 |
12,2 |
12,5 |
12,9 |
13,2 |
Solde |
-0,1 |
-0,3 |
0,3 |
0,5 |
0,6 |
0,8 |
0,9 |
Famille |
|||||||
Recettes |
52,9 |
54,7 |
57,1 |
59,2 |
61,7 |
64,2 |
66,9 |
Dépenses |
53,7 |
55,2 |
56,8 |
57,7 |
58,9 |
60,3 |
61,9 |
Solde |
-0,8 |
-0,5 |
0,3 |
1,6 |
2,8 |
3,9 |
5,0 |
Vieillesse |
|||||||
Recettes |
162,2 |
168,0 |
175,5 |
180,5 |
186,3 |
191,9 |
197,8 |
Dépenses |
163,2 |
172,1 |
179,7 |
186,7 |
194,1 |
201,3 |
208,7 |
Solde |
-1,0 |
-4,0 |
-4,2 |
-6,3 |
-7,8 |
-9,4 |
-10,9 |
Toutes branches consolidé |
|||||||
Recettes |
381,4 |
395,5 |
414,9 |
428,6 |
445,1 |
461,9 |
479,4 |
Dépenses |
389,2 |
406,9 |
422,5 |
437,6 |
453,7 |
470,3 |
487,5 |
Solde |
-7,8 |
-11,4 |
-7,6 |
-9,0 |
-8,7 |
-8,4 |
-8,1 |
Fonds de solidarité vieillesse
(En milliards d'euros) |
|||||||
|
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes |
13,5 |
14,0 |
14,8 |
14,9 |
15,5 |
16,2 |
16,8 |
Dépenses |
14,7 |
14,2 |
14,2 |
14,2 |
14,5 |
14,7 |
15,0 |
Solde |
- 1,3 |
- 0,3 |
0,6 |
0,7 |
1,1 |
1,4 |
1,8 |
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles
(En milliards d'euros) |
|||||||
|
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes |
15,0 |
14,2 |
14,2 |
14,1 |
13,9 |
13,8 |
13,6 |
Dépenses |
16,3 |
16,5 |
16,8 |
16,9 |
17,1 |
17,2 |
17,4 |
Solde |
- 1,3 |
- 2,3 |
- 2,7 |
- 2,8 |
- 3,1 |
- 3,4 |
- 3,8 |
Prévision de recettes et de dépenses sur la période 2007-2012 Scénario économique haut
Régime général
|
(En milliards d'euros) |
|||||||
|
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Maladie |
||||||||
Recettes |
137,5 |
143,5 |
151,1 |
157,3 |
164,9 |
173,0 |
181,3 |
|
Dépenses |
143,4 |
149,7 |
155,2 |
161,3 |
167,7 |
174,4 |
181,3 |
|
Solde |
-5,9 |
-6,2 |
-4,1 |
-4,0 |
-2,8 |
-1,4 |
0,1 |
|
Variante avec un ONDAM à 1,5 % en volume à partir de 2009 |
||||||||
Solde |
-5,9 |
-6,2 |
-4,1 |
-3,3 |
-1,4 |
0,8 |
3,1 |
|
Accidents du travail - maladies professionnelles |
||||||||
Recettes |
9,8 |
10,0 |
10,8 |
11,3 |
11,9 |
12,5 |
13,1 |
|
Dépenses |
9,9 |
10,4 |
10,5 |
10,9 |
11,2 |
11,5 |
11,9 |
|
Solde |
-0,1 |
-0,4 |
0,3 |
0,5 |
0,7 |
0,9 |
1,2 |
|
Famille |
||||||||
Recettes |
52,5 |
54,3 |
56,7 |
59,0 |
61,7 |
64,5 |
67,5 |
|
Dépenses |
53,4 |
54,8 |
56,4 |
57,3 |
58,5 |
59,9 |
61,5 |
|
Solde |
-0,9 |
-0,5 |
0,3 |
1,7 |
3,2 |
4,6 |
6,0 |
|
Vieillesse |
||||||||
Recettes |
83,0 |
85,4 |
89,1 |
92,9 |
97,0 |
101,1 |
105,5 |
|
Dépenses |
84,8 |
90,0 |
94,3 |
99,0 |
103,8 |
109,0 |
114,2 |
|
Solde |
-1,9 |
-4,6 |
-5,2 |
-6,0 |
-6,8 |
-7,9 |
-8,8 |
|
Toutes branches consolidé |
||||||||
Recettes |
277,8 |
288,0 |
302,4 |
315,1 |
329,9 |
345,3 |
361,4 |
|
Dépenses |
286,6 |
299,6 |
311,1 |
323,0 |
335,6 |
349,0 |
363,0 |
|
Solde |
-8,7 |
-11,7 |
-8,8 |
-7,9 |
-5,7 |
-3,7 |
-1,5 |
|
Variante avec un ONDAM à 1,5 % en volume à partir de 2009 |
||||||||
Solde |
-8,7 |
-11,7 |
-8,8 |
-7,2 |
-4,3 |
-1,6 |
1,5 |
Ensemble des régimes obligatoires de base
(En milliards d'euros) |
|||||||
|
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Maladie |
|||||||
Recettes |
160,1 |
166,8 |
175,5 |
182,2 |
190,6 |
199,5 |
208,7 |
Dépenses |
166,0 |
173,4 |
179,5 |
186,4 |
193,6 |
201,1 |
208,8 |
Solde |
-5,9 |
-6,6 |
-4,0 |
-4,2 |
-2,9 |
-1,6 |
-0,1 |
Accidents du travail - maladies professionnelles |
|||||||
Recettes |
11,2 |
11,3 |
12,2 |
12,7 |
13,3 |
13,9 |
14,5 |
Dépenses |
11,3 |
11,6 |
11,8 |
12,2 |
12,5 |
12,9 |
13,2 |
Solde |
-0,1 |
-0,3 |
0,3 |
0,5 |
0,8 |
1,0 |
1,2 |
Famille |
|||||||
Recettes |
52,9 |
54,7 |
57,1 |
59,5 |
62,1 |
65,0 |
68,0 |
Dépenses |
53,7 |
55,2 |
56,8 |
57,7 |
58,9 |
60,3 |
61,9 |
Solde |
-0,8 |
-0,5 |
0,3 |
1,8 |
3,2 |
4,7 |
6,1 |
Vieillesse |
|||||||
Recettes |
162,2 |
168,0 |
175,5 |
180,8 |
186,9 |
192,9 |
199,2 |
Dépenses |
163,2 |
172,1 |
179,7 |
186,7 |
194,0 |
201,3 |
208,6 |
Solde |
-1,0 |
-4,0 |
-4,2 |
-6,0 |
-7,1 |
-8,3 |
-9,3 |
Toutes branches consolidé |
|||||||
Recettes |
381,4 |
395,5 |
414,9 |
429,8 |
447,6 |
465,9 |
485,0 |
Dépenses |
389,2 |
406,9 |
422,5 |
437,6 |
453,7 |
470,1 |
487,2 |
Solde |
-7,8 |
-11,4 |
-7,6 |
-7,8 |
-6,1 |
-4,2 |
-2,1 |
Fonds de solidarité vieillesse
(En milliards d'euros) |
|||||||
|
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes |
13,5 |
14,0 |
14,8 |
15,0 |
15,6 |
16,3 |
17,1 |
Dépenses |
14,7 |
14,2 |
14,2 |
14,1 |
14,3 |
14,4 |
14,6 |
Solde |
- 1,3 |
- 0,3 |
0,6 |
0,9 |
1,4 |
1,9 |
2,4 |
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles
(En milliards d'euros) |
|||||||
|
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Recettes |
15,0 |
14,2 |
14,2 |
14,1 |
14,0 |
13,8 |
13,7 |
Dépenses |
16,3 |
16,5 |
16,8 |
16,9 |
17,1 |
17,2 |
17,4 |
Solde |
- 1,3 |
- 2,3 |
- 2,7 |
- 2,7 |
- 3,1 |
- 3,4 |
- 3,7 |
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Mme Demontès, qui a dû momentanément s'absenter, m'a prié de s'exprimer à sa place sur cet article.
L'article 8 revêt une importance toute particulière, puisqu'il a trait aux prévisions de recettes et aux objectifs de dépenses pour la période 2008-2011. Il nous est donc proposé d'approuver l'annexe B, rapport qui présente un cadrage pour les cinq prochaines années.
La lecture de cette annexe appelle une première observation.
Que l'on considère le scénario dit « bas » ou celui dit « haut », un constat s'impose : l'un et l'autre anticipent des exercices déficitaires. Il s'agirait donc d'approuver des politiques qui, chiffres à l'appui, s'inscrivent dans une dynamique d'échec, ce qui est proprement stupéfiant. Voilà pour la forme.
Pour ce qui est du fond, la deuxième de mes observations porte sur le fondement même de vos travaux.
En effet, monsieur le ministre, comment pouvez-vous nous demander d'adopter cet article quand, dans une économie mondialisée où les interdépendances sont de plus en plus prégnantes, plus rien n'est sûr ?
Je ne prendrai qu'un seul exemple à cet égard, celui du prix du baril de pétrole. En un peu moins d'un an, il s'est accru de 46 %, et avoisine maintenant les 98 dollars.
Je n'ai pas l'intention de jouer les cassandres, mais qui vous garantit que la situation au Kurdistan ou dans le golfe Persique ne se dégradera pas ? Qui vous assure que le prix du baril ne connaîtra pas une nouvelle envolée ? Rien. Or, vous le savez très bien, de tels événements influent directement sur notre économie, nos emplois, notre croissance et, in fine, le chapitre des recettes.
Dès lors, comment qualifier vos hypothèses ? Sont-elles irréalistes ou, plus gravement, insincères ? En outre, je rappelle que, voilà un peu moins d'un an, le ministre de l'économie et des finances de l'époque s'était engagé, devant la Commission européenne, à maintenir la croissance des dépenses des organismes de sécurité sociale sous le seuil de 1 %. Tout laisse penser que cet engagement ne sera pas tenu, puisque ces dépenses devraient croître, semble-t-il, de 1,5 %, voire davantage...
Vous avez tenu les propos suivants à l'Assemblée nationale : « Il n'y a pas de crise, mais une situation difficile, et nous sommes là pour l'affronter. » J'en prends donc acte, mais que nous proposent le Gouvernement et la majorité, si ce n'est de persévérer dans la politique de démantèlement de notre système de protection sociale engagée voilà cinq ans ?
Faut-il rappeler que, en retenant ces prévisions, le déficit cumulé sera alourdi de quelque 50 milliards d'euros en 2012, et que la dette dont devront s'acquitter les générations à venir avoisinera une centaine de milliards d'euros ?
L'ensemble de ces chiffres prouve une seule chose : notre pays a besoin d'une réforme structurelle permettant de redresser les comptes de la sécurité sociale.
Selon le Gouvernement, ce projet de loi comporte des mesures de fond et de structure. Soit ! Mais quelles sont-elles ?
L'instauration de franchises ? Elles ne sont qu'un instrument d'injustice sociale supplémentaire, que vous osez imposer aux malades, aux petits revenus et même aux accidentés du travail ! Qui plus est, elles sont destinées à financer le plan Alzheimer. Le Gouvernement s'en tient à la logique d'augmentation des recettes via la hausse de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, ou C3S, la multiplication des déremboursements et l'élargissement de l'assiette de la CSG, et son augmentation pour les non-retraités.
Au-delà du fait que les assurés sociaux sont très majoritairement mis à contribution, les effets comptables de ces dispositions vont peu à peu se dissiper alors que nous ne savons toujours pas ce que vous comptez faire pour que nos comptes ne dérapent pas davantage - mais manifestement cela ne vous préoccupe pas.
Visiblement, vous vous en remettez à un taux de croissance que vous espérez meilleur, mais vous ne faites rien pour le soutenir, l'anticiper, le conforter.
Cette manière de procéder tranche avec votre empressement à accorder 15 milliards de cadeaux fiscaux à ceux qui en avaient le moins besoin.
De même, rien n'est fait pour que les 32 milliards d'exonérations de cotisations sociales accordés cette année, dont 2,5 milliards sans compensation, soient assortis de contreparties en termes de maintien ou de création d'emplois. Cela est particulièrement choquant et donne un relief tout particulier à l'équité que vous vous plaisez à mettre en exergue.
À ce sujet, nous ne pouvons manquer d'évoquer la question des retraites, qui, nous le savons tous, connaîtra un rendez-vous décisif en 2008.
Depuis des mois, le Gouvernement et sa majorité nous expliquent que rien ne se fera si, par mesure d'équité, les salariés des services publics de transport ne cotisent pas comme les autres citoyens.
Si nous sommes favorables à une harmonisation, à une réelle équité et à une prise en compte de la pénibilité ainsi que des différences d'espérance de vie selon les catégories socio-professionnelles, tel n'est pas votre cas puisque vous venez d'annoncer la retraite à 55 ans pour les avocats des tribunaux d'instance victimes de la réforme de la carte judiciaire !
Parle-t-on d'équité ou de mesure clientéliste destinée à faire taire la grogne légitime et nationale qui s'empare peu à peu de toutes les juridictions ? Ce n'est vraiment pas très sérieux !
Mme Raymonde Le Texier. C'est même honteux !
M. Bernard Cazeau. Concernant l'assurance maladie, nous sommes entrés depuis quelques années dans l'ère des restrictions. Elles frappent sans distinction nos concitoyens mais aussi les hôpitaux publics qui, quand ils ne sont pas menacés de disparition, sont en proie à des déficits budgétaires quasi insurmontables. Je vous renvoie au rapport de la Fédération hospitalière de France.
Or je rappelle que le dossier médical personnel, le médecin traitant et la tarification à l'activité que vous portez à 100 % cette année, notamment, devaient générer un retour à l'équilibre de la branche en 2007.
Nous ne pouvons que constater que nous sommes loin du compte et qu'il y a un manque évident de pilotage politique. Si l'adoption d'une loi de santé publique est une nécessité, son suivi et sa mise en cohérence avec les évolutions de notre société sont des impératifs incontournables. Ils exigent une gouvernance qui ne se limite pas à des considérations d'ordre comptable. Or telle est pourtant la politique menée depuis 2002.
Enfin, comment pouvez-vous raisonnablement penser que nous pourrions voter en faveur de cette annexe B alors qu'elle acte dans les faits une aggravation du déficit budgétaire ? Sans réforme structurelle, il y a un risque évident de voir se transformer ce déficit en dette sociale, et donc en hausse de prélèvements. Cela sera annoncé non pas tout de suite, mais l'année prochaine, après les élections municipales...
Décidément, l'article 8 n'a pas de crédibilité sociale ni même - je le regrette, monsieur le ministre - de crédibilité budgétaire. C'est pourquoi nous demandons au Sénat de le supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Hier soir, à l'occasion de la discussion de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, Mme Bachelot-Narquin nous a affirmé que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale était bon : « Nous assurons une progression de l'ONDAM de 3,2 %, soit un taux supérieur à la progression de la richesse nationale. On peut sans doute en déplorer l'insuffisance, mais de là à parler de rationnement des soins ! ».
Or, en réalité, ce qui nous importe, c'est bel et bien la progression de l'ONDAM pour 2008 par rapport à celui de 2007. Car, et je ne reviens pas sur les propos que nous avons tenus hier, si l'ONDAM de 2007 a été dépassé, ce n'est vraiment pas dû à une série d'épidémies, comme vous l'avez affirmé à l'Assemblée nationale, sans d'ailleurs préciser, malgré l'insistance de nos collègues, la nature de ces prétendues épidémies. Non, le dépassement tient à votre minoration des besoins, car le Gouvernement avait besoin de cet artifice comptable.
Monsieur le ministre du budget, puisque le ministère de la santé est, semble-t-il, désormais sous la tutelle de votre ministère, vous auriez pu et même dû prévoir un ONDAM plus important.
Il ne s'agit pas, contrairement à ce que je vous entends déjà dire, d'ouvrir les vannes des dépenses de santé, il s'agit tout simplement de prendre la mesure de la situation et de répondre aux besoins humains et sociaux.
Ainsi, vous ne pouvez pas ignorer davantage que les dépenses de santé ne sont pas seulement de simples coûts ; elles sont également des investissements pour l'avenir.
Je vous rappelle, par exemple, les positions des économistes Grossman, Lancaster ou encore Becker pour qui les dépenses de santé sont bénéfiques dans la mesure où ces sommes sont autant de temps de travail de gagné, alors que de faibles investissements en santé se traduisent inéluctablement par la résurgence de maladies que l'on croyait oubliées. Ainsi, la maladie représente du temps de travail perdu et une moindre richesse créée ; cela mérite d'être pris en compte.
Utilisons l'éclairage de ces économistes afin de revenir à votre ONDAM 2008. Nous constatons une augmentation de 2,8 % par rapport à l'ONDAM 2007. Or, pour mémoire, l'année dernière, vous aviez accru l'ONDAM de 2,6 %. La différence de majoration n'est donc que de 0,2 %.
Votre ONDAM est effectivement, comme vous l'affirmez, bien supérieur à la progression de la richesse nationale. Je me garderai bien d'ironiser ; je me contenterai de vous répondre que cette progression est facile dans le contexte économique actuel, dont vous êtes d'ailleurs en partie responsable. Mais imaginons un instant que votre scénario haut se réalise. Votre ONDAM ne sera alors que très faiblement supérieur à la croissance.
Scénario haut irréaliste, scénario bas encore trop optimiste ou tout simplement réalité actuelle, votre ONDAM est insuffisant. Le différentiel entre la progression de 2007 et celle pour 2008 ne suffira pas à compenser l'augmentation du coût de la vie et tous vos discours n'y changeront rien.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 142 rectifié est présenté par Mme Demontès, M. Cazeau, Mme Le Texier, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. Domeizel, Mme Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 275 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 142 rectifié.
M. Bernard Cazeau. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 275.
M. Guy Fischer. Lors de ses interventions sur l'article 8 et sur la motion d'irrecevabilité présentée hier par notre groupe, ma collègue Annie David a dénoncé à juste titre un budget insincère. Cet article en témoigne, d'autant qu'il vise à approuver une projection sur quatre ans.
Vous souhaitez que l'article 8 soit adopté ; il le sera sans aucun doute. Mais vos prévisions de recettes sont très largement insuffisantes et celles des dépenses ne permettront pas de satisfaire les besoins humains et sociaux, quel que soit le scénario choisi.
Ce budget, comme le projet de loi de finances, est fondé sur une prévision de croissance de 2,25 % et ne tient absolument pas compte des réalités internationales, notamment de l'effondrement de la croissance aux États-Unis. Les prévisions de croissance qui viennent d'être publiées à l'échelon européen indiquent que, en termes de croissance, les années 2008 et 2009 ne seront malheureusement pas satisfaisantes.
Comme M. Woerth et Mme Bachelot-Narquin l'ont dit, le premier semestre de l'année 2008 devrait être consacré à une réflexion sur le financement de la protection sociale centrée sur trois points qui sont au coeur de nos préoccupations : la maladie, la retraite et la dépendance. Des dispositions seront donc sans doute prises au second semestre, qui seront de toute évidence au centre de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Les débats récents, notamment sur les prélèvements obligatoires, ont permis de cerner la réalité à laquelle nous sommes confrontés et de voir le chemin sur lequel la droite veut nous entraîner. Faut-il créer une TVA sociale, que l'on appellera peut-être « TVA écologique » ? Faut-il augmenter la CSG, la CRDS ? Sur tous ces points, le Gouvernement prépare à l'évidence une fiscalisation accrue de la sécurité sociale. Dans le même temps, avec le dossier de la dépendance, il ouvrira la porte aux assurances privées.
L'ONDAM 2008 et les prévisions sont complètement sous-estimés et sont remis en cause par de nombreux économistes. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 8.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur Fischer, il est toujours possible de considérer que les prévisions ne sont pas réalistes. Les résultats des années précédentes ne peuvent que vous conforter dans cette analyse et vous faire douter de la sincérité des prévisions qui figurent dans les annexes.
Cela étant, je dois reconnaître, comme je me suis plu à le faire devant les membres de la commission des affaires sociales, que le Gouvernement, en la personne du ministre des comptes publics, M. Éric Woerth, a réalisé des progrès indéniables dans le contenu des annexes. Ces dernières sont bien plus précises, et les différentes simulations m'apparaissent beaucoup mieux coller à la réalité que les années antérieures.
Si vous considérez que ces prévisions ne sont pas sincères pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, elles ne le seront pas non plus pour le projet de loi de finances. Votre sanction porte donc à la fois sur le budget des affaires sociales et sur le budget de l'État.
M. Guy Fischer. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vais laisser le soin au Gouvernement de vous répondre, mais la commission des affaires sociales a considéré que les prévisions étaient suffisamment réalistes - même si elles ont un caractère très volontariste - pour approuver l'article 8 et rejeter les amendements de suppression.
Permettez-moi de vous signaler au passage que, en matière de sincérité et de réalisme, Martine Aubry, lorsqu'elle était ministre de la santé, était beaucoup plus loin du compte que ne le sont les gouvernements qui se sont succédé depuis.
M. Bernard Cazeau. Le budget était en équilibre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je prendrai pour exemple, monsieur Cazeau, le fait que l'ONDAM doublait ou triplait par rapport aux prévisions. Le déficit de l'assurance maladie « cavalait » ! En la matière, nous pouvons tous battre notre coulpe.
M. Bernard Cazeau. Ah ! Tout de même !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Essayons donc de faire des prévisions qui soient les plus réalistes possible, comme s'y est attaché le Gouvernement, même si rien n'est parfait dans ce monde.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Beaucoup de progrès, me semble-t-il, ont été réalisés concernant l'annexe B. Nous y avons veillé particulièrement cette année, sous votre amicale pression, monsieur le rapporteur.
Aujourd'hui, le but de ce document est d'éclairer le Sénat. Il ne constitue pas un objectif à atteindre pour le Gouvernement. Au contraire, il montre à quel point les choses sont difficiles. D'un côté, la branche vieillesse est présentée sans modification, sans réforme particulière ; c'est la tendance naturelle. De l'autre, concernant l'assurance maladie, nous présentons un ONDAM contraint, avec deux scénarios. Ensuite, nous examinons très précisément comment les choses se passent. Cela nous permet de disposer d'un éclairage pour les débats à venir.
Évidemment, nous souhaitons aller au-delà des objectifs de l'annexe B, grâce à des réformes structurelles, mais cette annexe est un bon outil, fiable, transparent, que le Gouvernement livre au Parlement.
Aussi, je vous demande bien sûr de rejeter ces deux amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Les conclusions du rapport figurant à l'annexe B donnent les tendances lourdes pour les cinq prochaines années concernant les différentes branches.
Nous aurions souhaité vous entendre dire que l'année 2008 ne sera pas neutre. Nous le savons, le tableau quadriennal qui nous est présenté aujourd'hui risque d'être remis en cause dès l'année 2009. Les informations et les programmes du Président de la République, que nous connaissons bien, constituent un avant-goût de cette évolution.
Concernant l'assurance maladie, le panier de soins sera redéfini, ce qui entraînera pour les malades une prise en charge personnelle et un coût de plus en plus élevé.
Tous ces éléments seront au coeur de nos débats et de nos préoccupations jusqu'à la fin de la semaine.
Le taux de croissance de 2,25 % retenu pour l'élaboration du budget est de toute évidence surévalué par rapport à la réalité économique et sociale actuelle.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 142 rectifié et 275.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8 et l'annexe B.
(L'article 8 et l'annexe B sont adoptés.)
Section 1
Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement
Article 9 A
I. - Après le premier alinéa des articles 46 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique de l'État, 65 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et 53 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonctionnaire détaché pour l'exercice d'un mandat parlementaire ne peut, pendant la durée de son mandat, acquérir de droits à pensions dans son régime d'origine. »
II. - Le dernier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement est supprimé.
III. - Le présent article entre en vigueur, pour les députés et les sénateurs, à compter, respectivement, du prochain renouvellement intégral de l'Assemblée nationale et du prochain renouvellement triennal du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. L'article 9 A prévoit notamment - c'est sa phrase essentielle - que « le fonctionnaire détaché pour l'exercice d'un mandat parlementaire ne peut, pendant la durée de son mandat, acquérir de droits à pensions dans son régime d'origine ».
Cet article, qui a été introduit par un amendement déposé en séance à l'Assemblée nationale, prévoit que les fonctionnaires, statutairement en position de détachement pour exercer un mandat parlementaire, ne pourront acquérir un droit à pension dans le régime de retraite de la fonction publique dont ils sont détachés.
En effet, aux termes de la législation actuelle, les fonctionnaires, comme d'autres parlementaires, peuvent cotiser volontairement à leur régime de retraite antérieur alors qu'ils n'ont pas de revenu professionnel. Cela équivaut, en quelque sorte, à un rachat de droits à pensions.
Cet article, qui ne traite du principe du cumul d'acquisition de droits à pensions que d'une seule catégorie d'élus, est loin d'instaurer la transparence nécessaire sur un sujet sensible : le statut des parlementaires et, plus généralement, de tous les élus.
Cependant, on s'interroge sur l'introduction d'une telle modification dans la précipitation, sans que le sujet ait été approfondi, d'autant plus que l'article 9 A n'aborde que partiellement la question de la double constitution de droits à pensions. Encore une fois, par cet article, on oppose les Français les uns aux autres, les fonctionnaires aux autres catégories.
Par ailleurs, cette modification législative, qui consiste essentiellement à réviser l'ordonnance du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, trouverait mieux sa place, à mon avis, soit dans un projet de loi de finances, soit dans un projet de loi spécifique sur le statut des élus en général au regard de leurs indemnités et de la retraite.
En effet, ce sujet, qui est complexe car il porte à la fois sur le statut de l'élu et sur les retraites, doit être abordé en s'appuyant sur une expertise détaillée prenant en compte les divers statuts dans les fonctions publiques électives, la diversité des régimes de retraite, de base et complémentaires, le cumul de mandats, entre eux d'une part, et avec une activité professionnelle d'autre part, la possibilité de racheter ou de valider des droits à pensions dans les régimes de base, mais également le besoin pour tout élu d'exercer son métier, soit par nécessité de service, soit pour garder la main, dans la perspective d'une reprise de son activité professionnelle au terme de son mandat.
Cette réflexion, qui a toute sa place dans le cadre du rendez-vous de 2008 sur les retraites, pourrait déboucher sur des conclusions avant le délai fixé par l'article 9 A, à savoir le 1er octobre 2008 pour les sénateurs et le 1er juillet 2012 pour les députés.
Aussi, sans remettre en cause l'esprit de cet article - je rappelle qu'il s'agit de ne plus permettre la constitution dans le même temps de droits à pensions en tant qu'élu et en tant que fonctionnaire -, mais considérant qu'il n'est pas équitable, je suggère à M. le président de la commission des affaires sociales de lancer rapidement une étude portant notamment sur les thèmes que je viens de citer afin qu'une nouvelle rédaction de cet article puisse être proposée en commission mixte paritaire ou dans un autre texte, le projet de loi de finances par exemple.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. L'article 9 A concerne, disons-le clairement, la réforme du régime particulier des parlementaires.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Fonctionnaires !
M. Guy Fischer. Des parlementaires fonctionnaires.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut le préciser.
M. Guy Fischer. Cet article, qui résulte d'un amendement introduit à l'Assemblée nationale, supprime la faculté ouverte aux fonctionnaires devenus parlementaires de continuer à cotiser à leur régime de retraite d'origine. On voit bien qu'il a certainement été introduit pour envoyer un signe dans le cadre du débat sur les régimes spéciaux, avant la grève qui, j'en suis persuadé, va marquer la journée du 14 novembre, notamment.
Je pense qu'on aurait pu aller plus loin. Je suppose que le Sénat entérinera la proposition qui nous est faite aujourd'hui dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale lors de la réunion du bureau au mois de décembre.
Nous allons laisser passer cet article, mais j'aimerais que, dans le cadre de la réflexion que nous devons avoir sur une éventuelle adaptation du régime particulier des sénateurs et des députés, nous examinions la possibilité d'étendre l'interdiction de cotiser double aux autres professions à qui c'est aujourd'hui permis et qui sont représentées dans notre assemblée. Cette question mérite réflexion.
Pour ma part, je considère que cet article résulte d'une décision précipitée. Il n'a pas pu faire l'objet d'une véritable discussion au sein des groupes à partir des propositions qui auraient pu être présentées par l'exécutif. Cela se fera dans un mois.
On sait que, en 2004 déjà, le Sénat s'était aligné sur les principaux points de la loi portant réforme des retraites, qu'il s'agisse de la durée de cotisation ou de l'établissement d'une décote et d'une surcote.
Cet article suscite certainement une interrogation chez les Français. Des cas célèbres ont été mis en avant à l'approche de la réforme de 2004 lorsqu'il s'est agi de modifier les conditions d'accès aux droits à la retraite. En ce qui me concerne, je ne suis pas concerné, car je n'ai jamais été fonctionnaire.
Bref, il y aurait beaucoup à dire sur cette question.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il fallait bien commencer par une profession !
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je pense que nous aurions pu prendre le temps de la discussion et de la réflexion concernant le régime particulier des parlementaires et nous interroger sur les doubles cotisations d'un certain nombre de professions représentées dans notre assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je souhaite revenir sur la proposition que j'ai faite au président de la commission des affaires sociales. Il est bien évident que s'il acceptait de faire procéder à une expertise afin que nous puissions mieux cerner le problème, je voterais cet article, que je ne remets pas en cause, mais que je souhaite plus équitable. Dans le cas contraire, je ne le voterais pas.
Ce sujet, qui, je le répète, est très délicat et complexe, est tentaculaire. Il doit concerner d'autres élus, pas uniquement les parlementaires, et pas seulement ceux qui sont fonctionnaires. Il faut aller au bout de cette question.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il est vrai qu'il s'agit là d'un sujet important. À l'évidence, nous ne pouvons pas limiter notre réflexion à la seule question du cumul de retraites entre mandat parlementaire et fonction publique. Nous devons également considérer l'ensemble du statut des élus, par exemple en nous interrogeant sur la possibilité pour ceux-ci d'exercer une activité salariée, sans pour autant cumuler les droits à pension pendant leur mandat. Le problème est donc complexe.
C'est pourquoi je m'engage à mettre en place un groupe de travail pour nous permettre de mieux comprendre les défis que nous devons relever en la matière.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9 A.
(L'article 9 A est adopté.)
Article 9 B
L'article 575 du code général des impôts est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le prix de vente au détail homologué des cigarettes et des tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes est inférieur, respectivement, à 95 % et 97 % du prix moyen de ces produits constaté par le dernier arrêté de prix, le montant des minimums de perception prévu à l'article 575 A peut être relevé par arrêté du ministre chargé du budget.
« Pour les cigarettes, le minimum de perception qui résulte de cette augmentation ne peut excéder le montant du droit de consommation applicable aux cigarettes de la classe de prix la plus demandée.
« Pour les tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes, l'augmentation du minimum de perception ne peut dépasser 25 % du montant figurant au dernier alinéa de l'article 575 A. » - (Adopté.)
Article 9 C
L'article 575 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans l'avant-dernier alinéa, le montant : « 128 € » est remplacé par le montant : « 155 € » ;
2° Dans le dernier alinéa, le montant : « 75 € » est remplacé par le montant : « 85 € ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 99 rectifié est présenté par MM. Adnot, Darniche et Türk.
L'amendement n° 182 est présenté par M. Lecerf.
L'amendement n° 216 est présenté par M. de Montesquiou.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Dans le dernier alinéa (2°) de cet article, remplacer le montant :
85 €
par le montant :
83 €
Ces trois amendements ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l'article 9 C.
(L'article 9 C est adopté.)
Article additionnel avant l'article 9 D
Mme la présidente. L'amendement n° 460, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l'article 9 D, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le IV de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« IV. - En cas d'écart positif constaté entre le produit des impôts et taxes affectés en application du II et le montant définitif de la perte de recettes résultant des allégements de cotisations sociales mentionnés au I, le montant correspondant à cet écart est affecté à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, selon des modalités fixées par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.
« En cas d'écart négatif constaté entre le produit des impôts et taxes affectés en application du II et le montant définitif de la perte de recettes résultant des allégements de cotisations sociales mentionnés au I, le montant correspondant à cet écart fait l'objet d'une régularisation par la plus prochaine loi de finances suivant la connaissance du montant définitif de la perte. »
II. - La perte de recettes pour l'État résultant, le cas échéant, des dispositions du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. En l'état actuel des dispositions de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, aucune mesure d'ajustement automatique n'est prévue dans le cas où le coût des exonérations de cotisation patronale excéderait le montant du panier de taxes affectées à la sécurité sociale pour compenser ces allégements.
Le dispositif qui avait été voté en ce sens, sur l'initiative de la commission des affaires sociales, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, a immédiatement été annulé par une mesure contraire dans le collectif budgétaire. Cet amendement vise à rétablir ledit dispositif.
Par ailleurs, il est proposé de pérenniser la mesure prévoyant qu'un excédent éventuel du panier de recettes fiscales serait reversé à la CNAM en 2007.
Tout cela me paraît véritablement le bon sens et je ne vois pas comment le Sénat ou le Gouvernement pourraient s'y opposer.
Certes, le Gouvernement est peut-être confronté à des difficultés majeures qui nous amèneraient à analyser ses inquiétudes et, le cas échéant, à infléchir notre position. Mais, pour le moment, je ne suis pas mandaté pour cela par la commission des affaires sociales. Je suis donc tout ouïe... (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur, j'ai bien compris le sens de votre amendement, mais la mesure que vous proposez a un peu tendance à cadenasser la gestion du dispositif.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui ! C'est son objet !
M. Éric Woerth, ministre. À mon sens, mieux vaut laisser à la situation le temps de s'améliorer.
Par ailleurs, et il ne faut pas l'oublier, qu'il s'agisse de la « poche » de la sécurité sociale ou de la « poche » de l'État, c'est toujours le contribuable qui est, in fine, sollicité. Comme vous le savez, la « poche » de l'État est assez tendue en ce moment. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Autain. Ah bon ?
Mme Nicole Bricq. Elle est plus que tendue !
M. Éric Woerth, ministre. C'est un scoop que je vous livre au cas où vous l'ignoreriez, mesdames, messieurs les sénateurs. (Sourires.) D'ailleurs, dans quelques jours, nous aurons l'occasion d'aborder ici même ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008.
En l'occurrence, nous avons fait preuve de beaucoup de bonne volonté - je dirais même d'un souci de bonne gestion - en particulier sous la pression de la commission des affaires sociales.
Monsieur le rapporteur, je connais votre souhait d'une compensation à l'euro près par l'État des allégements qui sont consentis dans les textes législatifs adoptés. C'est donc conformément à votre volonté que nous oeuvrons en ce sens.
Actuellement, la règle de base est la suivante : les allégements sont compensés par un panier de recettes fiscales, qui est réévalué lorsque l'écart entre les recettes et les dépenses est de 2 %. Une commission indépendante travaille sur ces questions, elle établit un rapport, et l'État a donc globalement deux ans pour se mettre aux normes.
Nous n'avons pas voulu attendre inutilement aussi longtemps. C'est pourquoi, lorsque nous avons constaté un tel écart sur l'année 2007, nous avons immédiatement pris des mesures qui vont, me semble-t-il, totalement dans le sens que vous souhaitez. En effet, le Gouvernement s'est engagé devant la Haute Assemblée à compenser les insuffisances du panier fiscal, et il l'a fait.
Ainsi, pour l'année 2007, il a mobilisé 1 milliard d'euros supplémentaires, ce qui pèse lourd dans le budget de l'État. Je ne prétends pas que nous n'aurions pas dû prendre une telle décision, mais nous n'étions pas tenus de le faire, notamment compte tenu de la situation ô combien tendue de nos finances publiques.
De même, 500 millions d'euros ont été ajoutés pour l'année 2008. Si cette somme se révélait insuffisante, ce que je ne souhaite naturellement pas, l'écart serait compensé d'une manière ou d'une autre.
Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. La compensation que je viens d'évoquer est financée par les reliquats pour l'État des droits de consommation sur les tabacs et de la taxe sur les salaires, à hauteur respectivement de 629 millions d'euros et de 557 millions d'euros, et par les droits de licences sur les débitants de tabacs, ce qui représente 300 millions d'euros. Cela fait beaucoup d'argent !
Vous le voyez, monsieur le rapporteur, je partage votre état d'esprit. Pour l'année prochaine, je souhaite même - nous en discuterons au sein du Gouvernement avant d'en débattre avec le Parlement - que nous allions plus loin en vue d'une clarification totale des rapports entre l'État et le système de sécurité sociale.
Cela dit, pour le moment, il ne me semble pas pertinent de cadenasser le dispositif. Je préférerais que vous me laissiez agir avec le même état d'esprit que celui dont j'ai essayé de faire preuve s'agissant de l'année 2007.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 460 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Éric Woerth étant un ancien collègue, puisqu'il a été député de l'Oise, je ne peux naturellement pas ne pas lui faire confiance a priori. (M. Guy Fischer s'exclame.)
Au demeurant, et l'opposition comme la majorité pourront en convenir, un point peut être mis à son crédit : M. le ministre n'a pas appliqué la disposition tendant à reporter de deux années la nécessaire régularisation du panier fiscal, que M. Copé avait fait adopter contre la volonté du Sénat.
Je le rappelle tout de même, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, alors qu'il manquait 500 millions d'euros, le Gouvernement avait imposé au Parlement une disposition renvoyant à l'année 2009 la régularisation constatée par l'insuffisance de la compensation par le panier fiscal.
Le Gouvernement actuel n'a pas attendu 2009 pour agir et a pris des dispositions dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Certes, en déposant cet amendement, nous voulions aider le Gouvernement et le rendre le plus vertueux possible en matière de compensation. Mais comme le Gouvernement n'a pas besoin de dispositions législatives et réglementaires pour se montrer vertueux, nous lui faisons confiance a priori.
Aussi, monsieur le ministre, je suis prêt à accéder à votre demande, du moins s'agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Mais que les choses soient bien claires : l'année prochaine, nous ferons preuve de la plus grande fermeté à votre égard ou à l'égard de votre successeur, même si je ne peux pas imaginer que vous ayez un successeur, compte tenu de la compétence et du talent avec lesquels vous exercez vos responsabilités. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Autain. Et s'il devenait Premier ministre ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'année prochaine, si les engagements qui viennent d'être pris devant nous n'étaient pas respectés, nous serions alors très fermes et nous maintiendrions les dispositions que nous venons de vous proposer.
Dans ces conditions, mes chers collègues, je vous suggère de faire crédit au Gouvernement.
M. Guy Fischer. Certainement pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est la raison pour laquelle j'accepte de retirer l'amendement n° 460.
Mme la présidente. L'amendement n° 460 est retiré.
Article 9 D
La quatrième phrase du premier alinéa du III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : «, et hors rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage versée en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007 ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 77 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Comme vous le savez, au mois de juillet dernier, nous avons adopté le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. À cette occasion, nous avions voté un amendement tendant à faire disparaître les allégements sur les temps de pause, et ce avec l'accord du Gouvernement.
Or l'Assemblée nationale a adopté une nouvelle disposition tendant à rétablir ces allégements, ce qui aura pour conséquence d'augmenter la nécessaire compensation au titre du panier fiscal par le Gouvernement sur le budget de l'État. De fait, le montant du dispositif est évalué entre 200 millions et 250 millions d'euros.
Par conséquent, nous proposons la suppression de l'article 9 D, qui ne prévoit pas de compensation.
Le Gouvernement et la commission des finances peuvent-ils nous apporter des assurances s'agissant de la compensation de ces allègements, par le panier fiscal ou par une autre voie ? J'attends de connaître leur position pour décider des suites que nous devrons réserver au présent amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 77.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. M. le rapporteur place la barre très haut. (Sourires.)
En l'occurrence, la commission des finances souhaite également la suppression de cet article, monsieur le ministre.
Je ne reviens pas sur l'explication de notre excellent rapporteur, Alain Vasselle.
Toutefois, nous sommes surpris que l'Assemblée nationale soit revenue sur le dispositif que nous avions adopté au mois de juillet dernier.
J'ai le sentiment qu'une telle décision est, en réalité, destinée à favoriser des entreprises très spécifiques.
M. François Autain. Absolument !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je n'en dirai pas plus.
À l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait émis un avis favorable sur l'amendement déposé par M. Dominique Tian, ce qui est en contradiction avec la position prise explicitement par Christine Lagarde au mois de juillet dernier.
Monsieur le ministre, alors que vous venez d'évoquer la situation de nos finances publiques et que vous vous êtes vaillamment défendu s'agissant de la compensation à l'euro près, je n'ose pas croire que vous seriez prêt à mobiliser 200 millions d'euros, puisque tel est le coût du dispositif adopté sur l'initiative de notre collègue Dominique Tian.
Toutefois, si tel était le cas, une clause de revoyure serait prévue dans le projet de loi de finances pour 2008, afin que vous puissiez nous expliquer où vous comptez trouver ces 200 millions d'euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bonne question !
Mme la présidente. L'amendement n° 209, présenté par Mme Dini, MM. Vanlerenberghe, Mercier, Amoudry et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
I. - Dans l'article 9 D, remplacer les mots :
ou d'un accord collectif étendu
par les mots :
, d'un accord collectif étendu ou d'un accord d'entreprise
II. - Pour compenser la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'extension de l'assiette des allègements aux temps de pause, d'habillage et de déshabillage par voie d'accord d'entreprise est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Si les amendements de suppression sont adoptés, l'amendement n° 209 deviendra sans objet. Il vise à compléter l'article 9 D du PLFSS, introduit par nos collègues députés.
Cet article redéfinit l'assiette retenue pour le calcul des allégements « Fillon ». À leur création par la loi du 17 janvier 2003, ces réductions de charges patronales étaient calculées sur la base du nombre d'heures rémunérées. La loi TEPA du 21 août dernier a changé cela en fondant le calcul de la réduction sur le temps de travail effectif.
À l'occasion de l'examen du présent PLFSS, l'Assemblée nationale a encore modifié le dispositif en réintégrant les temps de pause, d'habillage et de déshabillage rémunérés dans l'assiette des allégements, dès lors que ceux-ci ont fait l'objet d'une convention ou d'un accord de branche étendu au 11 octobre 2007.
Notre amendement vise à compléter le dispositif qui a été adopté à l'Assemblée nationale en prévoyant que les temps de pause, d'habillage et de déshabillage rémunérés entrent dans l'assiette des allégements même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une convention ou d'un accord de branche dès lors qu'ils sont régis par un accord d'entreprise.
Il s'agit de prendre en compte les efforts des entreprises qui, grâce à un dialogue social ouvert et fécond, vont au-delà des conventions collectives par le moyen d'accords spécifiques à l'entreprise.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 209 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Madame Dini, je ne sais pas si vous avez trouvé la juste compensation, mais l'esprit qui sous-tend votre amendement fait plaisir à la commission des affaires sociales.
Nous ne sommes pas allés dans le sens que vous proposez, car nous savions que le Gouvernement avait beaucoup de mal à assurer la compensation ; nous voulions non pas lui créer de difficulté, mais lui rendre service. Pour votre part, vous essayez de trouver des recettes afin de permettre au Gouvernement de maintenir le dispositif et de l'assumer.
Nous allons entendre l'avis du Gouvernement ; peut-être a-t-il une autre solution qui le mettrait moins en difficulté. Ce qui importe pour nous, c'est que la compensation soit effective.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il s'agit de modifier le dispositif qui a été adopté au mois de juillet. L'amendement voté à l'Assemblée nationale a élargi la volonté initiale à d'autres secteurs d'activités qui emploient une main-d'oeuvre importante. Cette mesure augmente le coût du travail, alors que tel ne devait pas être le cas.
Je souhaite le retrait des amendements de suppression du dispositif, qui conduit, il est vrai, à une moindre économie de l'ordre de 200 millions d'euros par rapport à une hypothèse de 600 millions d'euros.
On s'est aperçu que la modification relative aux temps de pause aboutissait à une augmentation du coût du travail, notamment pour les bas salaires. Dès lors, cela mettait en péril de nombreux emplois. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité restreindre la mesure et il a accepté l'amendement déposé à l'Assemblée nationale par M. Dominique Tian.
Cette moindre économie de 200 millions d'euros sur les allègements généraux sera compensée par l'État - je sais que c'est ce qui vous préoccupe - au titre du panier des recettes fiscales ; près de 27 milliards d'euros sont affectés à ces compensations dans le projet de loi de finances pour 2008.
L'effet du dispositif relatif aux temps de pause devrait donc être couvert par ces recettes.
Je vous propose de faire très précisément le point devant votre commission, à la fin du printemps, sur le coût des allègements de charges. Il est préférable de ne pas s'en remettre uniquement à une commission indépendante. Je vous présenterai un bilan, y compris pour ces 200 millions d'euros. Mais ce ne sont que des évaluations ; il s'agit d'une matière vivante, que l'on ne peut donc pas totalement appréhender. Par principe, l'État compense 27 milliards d'euros dans le budget de l'État ; les 200 millions d'euros trouvent leur place dans ces 27 milliards d'euros. Inscrire 27,2 milliards d'euros n'aurait pas de sens puisqu'il s'agit, je le répète, d'évaluations. Et si l'on juge que les allègements ne sont pas suffisamment compensés, le Gouvernement devra prendre des mesures.
L'amendement n° 209 vise à étendre le dispositif. Le coût de cette mesure serait trop important. Je demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas arrivés au bout de cette discussion, monsieur le ministre. Vous avez parlé de 27 milliards d'euros, ce qui est quand même considérable.
Mon collègue Alain Vasselle est dans son rôle en insistant sur la compensation. Mais permettez-moi de rester dans le mien en m'interrogeant sur l'efficacité de la dépense. D'ailleurs, ce devrait être le rôle de l'ensemble de nos collègues. Car toute niche fiscale est une dépense fiscale, et une dépense fiscale est une dépense, tout court. M. le rapporteur général ne dira pas le contraire !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sûrement pas !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Comment allez-vous compenser, monsieur le ministre ? Vous ne nous l'avez pas encore expliqué clairement.
Nous avons déposé des amendements de suppression de l'article. Mme Dini propose une autre solution. Pour ma part, je ne m'arrêterai pas à la compensation, parce que je m'inscris dans le cadre de l'efficacité de la dépense publique.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même reconnu la difficulté à financer toutes ces mesures. Il faut tout de même se rendre compte que ces 200 millions d'euros concernent en grande partie des entreprises qui ne sont pas soumises à la concurrence internationale et qui maintiennent des bas salaires. Finalement, vous risquez de pérenniser les trappes à bas salaires.
M. Guy Fischer. Eh oui, nous sommes d'accord !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Si vous compensez, vous donnerez satisfaction à M. Vasselle, mais vous ne donnerez pas satisfaction à la commission des finances qui souhaite, quant à elle, mesurer l'efficacité de la dépense et qui n'est pas favorable à cette dépense de 200 millions d'euros, alors que vous êtes déjà loin du compte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je veux bien convenir que l'erreur est humaine ! Lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, Mme Lagarde savait pertinemment quels seraient les besoins en termes de compensation tant pour l'intérim que pour les entreprises visées au travers de ces 200 millions d'euros ; elle avait elle-même donné le chiffre, qui s'élevait à 600 millions d'euros : 400 millions d'euros pour l'intérim, 200 millions pour les entreprises en question.
Personne n'a cité les entreprises concernées par cette exonération et je ne vais pas être le premier à le faire, mais au vu du celles qui sont visées, cela ne m'incite pas à vous suivre. En effet, leur situation est telle que l'on rencontre d'autres problèmes avec certaines d'entre elles, problèmes qui mériteraient un débat spécifique. Quant à dire que les emplois vont être menacés dans les entreprises auxquelles je pense, permettez-moi d'en douter.
Ce qui m'importe, en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, c'est que la compensation soit effectuée. Je ne vois pas pourquoi je changerai de position ! M. le ministre prend l'engagement de nous donner rendez-vous à la fin du printemps pour faire le point et prendre les mesures qui permettront la compensation à l'euro près de ces 200 millions.
Le rôle de la commission des affaires sociales est de veiller à l'équilibre des comptes dans la limite de ce qui est prévu dans le cadre du PLFSS pour 2008. C'est la raison pour laquelle je vais accepter, au nom de la commission des affaires sociales, de retirer l'amendement - c'est la deuxième fois cet après-midi -, compte tenu des engagements qui ont été pris. Mais il est certains arguments sur lesquels il ne faut peut-être pas trop s'étendre au regard de la position de Mme Lagarde lors de l'examen de la loi TEPA, au mois de juillet dernier.
M. François Autain. Deux fois, c'est beaucoup !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. On ne va pas, au travers d'un amendement, faire un débat sur la politique d'allègement des charges. C'est une politique ancienne, qui aboutit à la diminution du coût du travail, notamment lorsque les rémunérations sont faibles.
M. Guy Fischer. Pour quel résultat ?
M. Éric Woerth, ministre. Revenir aujourd'hui sur la réduction du coût du travail pour les bas salaires concernerait probablement 800 000 emplois : si vous supprimez brutalement les allègements de charges, c'est 800 000 emplois qui risquent d'être exposés de façon dramatique.
Ce sont des sujets extrêmement concrets. On peut contester ces allègements de charges ! Ils représentent 27 milliards d'euros dans le budget de l'État et certains d'entre vous considèrent que nous en avons singulièrement besoin,
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On n'a pas entendu Serge Dassault !
M. Éric Woerth, ministre. Cependant, ces allègements de charges répondent à une logique économique : la réduction du coût du travail, qui favorise l'emploi. Il s'agit donc d'une démarche vertueuse. Un tel débat nécessite une approche plus globale.
Vous dites que toutes les entreprises concernées ne sont pas soumises à la compétition internationale ; ce n'est pas tout à fait exact.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ce n'est pas tout à fait faux non plus !
M. Éric Woerth, ministre. Il y a la grande distribution, par exemple, puisque c'est à elle que vous pensez.
M. Guy Fischer. Et les sous-traitants ?
M. Éric Woerth, ministre. Mais il y a aussi les petites et moyennes entreprises dans le secteur de la mécanique qui, pour des raisons de conventions collectives, sont visées par le dispositif. S'il est des entreprises qui sont soumises à la compétition internationale, ce sont bien ces PME, qui sont plutôt performantes en France ; elles sont implantées dans certains bassins de population et concernent un nombre d'emplois considérable. Ce dispositif s'applique donc non pas à tel ou tel secteur, mais à un assez grand nombre de secteurs.
Par ailleurs, des conventions collectives anciennes ont intégré cette démarche et ce serait revenir un peu brutalement sur le résultat d'un dialogue social.
C'est pourquoi j'apprécie que M. Vasselle ait accepté de retirer cet amendement. En échange, je prends l'engagement important d'assurer la compensation de l'allègement à l'euro près. En outre, je souhaite que l'on clarifie la relation entre l'État et la sécurité sociale. J'imagine que tel est également le souhait de la commission des finances du Sénat.
Je prends donc l'engagement de venir devant votre commission au mois de juin, si vous m'y invitez, pour vous dire comment s'est déroulée l'exécution de la mesure pour 2008.
Tels sont les différents éléments que je souhaitais vous apporter, monsieur le rapporteur. Je ne conteste pas ce que vous dites, mais ces quelques éléments permettront d'éclairer un peu plus ce débat.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général, pour explication de vote sur l'amendement n° 77.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La préoccupation de M. le rapporteur de veiller, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, à équilibrer les comptes ou à ne pas dépasser un certain niveau de déséquilibre est parfaitement justifiée. De manière symétrique, la commission des finances a la même préoccupation pour ce qui concerne le solde des comptes de l'État, préoccupation rappelée fort justement par M. le rapporteur pour avis, Jean-Jacques Jégou.
J'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que les 200 millions d'euros en question sont d'ores et déjà compris dans la masse des 27 milliards d'euros financés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La clause de rendez-vous de 2008 que vous avez fixée doit permettre, en fonction de l'évolution réelle des charges et des produits, de la conjoncture économique et de la réalité des dépenses sur une masse aussi considérable, de trouver des marges de manoeuvre de nature à résorber ce différentiel de 200 millions d'euros. En valeur absolue, il s'agit, il est vrai, d'une somme importante, mais il faut la relativiser par rapport à la masse globale.
Monsieur le ministre, il ne faut pas, bien entendu, alourdir le déficit de l'État.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dès lors que vous nous indiquez que la clause de rendez-vous de 2008 doit permettre de mieux paramétrer les éléments à prendre en compte et que vous nous assurez que ces 200 millions d'euros sont compris dans la masse des exonérations déjà prévues dans le projet de loi de finances initial pour 2008, nous pouvons retirer cet amendement.
Toutefois, la commission des finances sera particulièrement vigilante sur cette question lors de l'examen, dans quelques jours, du projet de loi de finances pour 2008.
C'est lors de la revue générale des politiques publiques que nous pourrons apprécier l'efficacité du dispositif ; et sans doute pourrons-nous alors nous poser toute une série de questions.
Au demeurant, nous pouvons nous interroger sur la « barémisation » de ces exonérations. Si celles-ci doivent être permanentes, pourquoi ne pas les répercuter dans le barème retenu pour le calcul des cotisations sociales ?
Par ailleurs, nous sommes confrontés à un problème global de maîtrise de la masse considérable des dépenses au sein de nos finances publiques ; M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique le sait mieux que quiconque.
Monsieur le ministre, je vous remercie des explications que vous avez données. Vous pouvez compter sur notre vigilance, qui sera au moins égale à celle de la commission des affaires sociales. Vous le savez, il existe entre nos deux commissions une saine émulation pour parvenir à maîtriser nos finances publiques. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, j'aimerais revenir sur les 800 000 emplois dont vous avez parlé.
Comme vient de le souligner excellemment M. le rapporteur général, nous devrions nous demander si ces allégements doivent être ou non pérennisés, question récurrente que pose Serge Dassault, rapporteur spécial.
Pour éclairer notre assemblée, je ne donnerai qu'un seul chiffre : en retirant les heures supplémentaires, la mesure coûte non pas 27 milliards d'euros, mais 22,7 milliards d'euros, ce qui revient, pour 800 000 emplois, à un allégement de 28 400 euros par emploi.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Certes, mais cette somme est tout de même considérable, et nous devons nous demander si la mesure est réellement efficace.
Je vous le dis franchement, monsieur le ministre, je n'y crois pas ! Comme vous l'avez vous-même souligné, il existe tout un panel d'emplois qui ne sont pas attaquables, si j'ose dire, comme la grande distribution, les emplois relatifs au décolletage ou à la petite mécanique de précision, qui doivent affronter une concurrence au sein même de l'Union européenne. Cette question doit faire l'objet du rendez-vous de 2008.
Cela dit, le rapporteur pour avis de la commission des finances retire l'amendement n° 77.
Mme la présidente. L'amendement n° 77 est retiré.
Madame Dini, l'amendement n° 209 est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Cet amendement visait à rétablir une certaine équité entre les entreprises. Mais notre souci étant également de ne pas accroître le déficit, je retire l'amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 209 est retiré.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article 9 D.
Mme Annie David. Le débat qui vient de se dérouler montre bien le souci permanent des uns et des autres à vouloir équilibrer les comptes de l'État, souci que je partage.
Je tiens simplement à vous faire part d'une réflexion. Lors des négociations qui ont eu lieu dans les entreprises pour la mise en place des 35 heures, les temps de pause et d'habillage et de déshabillage ont été décomptés du temps de travail effectif des salariés.
En effet, sur une journée de huit heures, si l'on estime, par exemple, que le temps d'habillage et de déshabillage représente un quart d'heure, le temps de travail effectif n'est que de sept heures quarante-cinq. C'est sur cette base que se sont ouvertes les négociations pour les 35 heures.
Or on va alléger les charges des entreprises sur la durée totale, quel que soit le temps de pause retenu, alors que celui-ci est décompté, pour les salariés, de leur temps de travail effectif.
Mme Annie David. Je m'interroge sur cette volonté de donner toujours plus, toujours aux mêmes !
J'ai participé, dans une vie antérieure, à différentes négociations sur les 35 heures, et je puis vous dire que, dans les entreprises, cela ne s'est pas fait sans peine. Le temps de pause étant décompté du temps de travail effectif, une semaine de quarante heures n'est pas comptée quarante heures, notamment pour l'attribution des jours de RTT. Je tenais à vous faire part de cette réflexion, qui me ramène quelques années en arrière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. L'expérience parle !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9 D.
(L'article 9 D est adopté.)
Article 9 E
I. - Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites
« Art. L. 137-13. - I. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs :
« - sur les options consenties dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce ;
« - sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du même code.
« En cas d'options de souscription ou d'achat d'actions, cette contribution s'applique, au choix de l'employeur, sur une assiette égale soit à la juste valeur des options telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l'application des normes comptables internationales soit à 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options, à la date de décision d'attribution. Ce choix est exercé par l'employeur pour la durée de l'exercice pour l'ensemble des options de souscription ou d'achat d'actions qu'il attribue ; il est irrévocable durant cette période.
« II. - Le taux de cette contribution est fixé à 10 %. Elle est exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des options ou des actions visées au I.
« III. - Ces dispositions sont également applicables lorsque l'option est consentie ou l'attribution est effectuée, dans les mêmes conditions, par une société dont le siège est situé à l'étranger et qui est mère ou filiale de l'entreprise dans laquelle le bénéficiaire exerce son activité.
« IV. - Les articles L. 137-3 et L. 137-4 s'appliquent à la présente contribution. »
II. - Le chapitre VII du titre III du livre Ier du même code est complété par une section 8 ainsi rédigée :
« Section 8
« Contribution salariale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites
« Art. L. 137-14. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution salariale de 2,5 % assise sur le montant de l'avantage défini au I de l'article 80 bis du code général des impôts ainsi que celui de l'avantage défini au 6 bis de l'article 200 A du même code.
« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 s'appliquent à la présente contribution. »
III. - Le I est applicable aux attributions consenties à compter du 16 octobre 2007.
IV. - Le II est applicable aux levées d'options réalisées et aux actions gratuites cédées à compter du 16 octobre 2007.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, sur l'article.
M. François Marc. Faut-il taxer les stock-options pour alimenter le budget de la sécurité sociale ? Telle est la question qui est posée par l'article 9 E.
Certes, cette suggestion a été faite par la Cour des comptes elle-même. En effet, dans un récent rapport d'activité, elle a indiqué, par la voix de son président, que le montant des stock-options aujourd'hui versées en France s'élève à quelque 9 milliards d'euros, ce qui pourrait représenter une recette de plus de 3 milliards d'euros pour le budget de la sécurité sociale si l'on appliquait les prélèvements retenus pour les autres traitements et rémunérations.
Bien entendu, la question qui nous est aujourd'hui posée est celle de l'intérêt à accompagner ce dispositif et, éventuellement, à le renforcer. Dans leur philosophie, la finalité première des stock-options est de permettre aux entreprises de croissance, les entreprises dites schumpeteriennes, si je puis dire, de trouver les moyens de rémunérer, certes à terme, des cadres de haut niveau ou des chercheurs, pour leur assurer un développement plus rapide.
Mais, chacun ici le sait, ce dispositif a été perverti au cours des années, puisqu'il vise maintenant à assurer un complément de rémunération aux grandes entreprises ou aux entreprises du CAC 40.
Cette perversion a été notée par de nombreux observateurs, et je citerai simplement l'un des spécialistes en France de ces questions. À propos des stock-options, ce dernier indique que « pour justifier les plans qu'elles vont présenter, les sociétés mettent en avant la nécessité de ?motiver les troupes?, de recruter et de retenir dans l'entreprise du personnel et des cadres qualifiés. C'est sans doute vrai en partie, mais il reste que les stock-options permettent aussi à une poignée de privilégiés d'engranger en quelques années des fortunes colossales sans prendre aucun risque. Le scandale est à son apogée lorsque les bénéficiaires sont précisément ceux dont les erreurs sont à l'origine de la baisse des cours. » Cette citation illustre aujourd'hui le malaise qui s'est progressivement instauré.
Dans le passé, nous avons déjà émis un certain nombre de propositions visant à trouver des sources de financement pour le compte de la sécurité sociale. Aujourd'hui, il nous semble opportun de chercher du côté des stock-options, dans la partie correspondant au complément de rémunération octroyé aux grandes sociétés notamment, des moyens supplémentaires, qui dépasseront les 400 millions d'euros prévus par l'amendement Bur adopté par l'Assemblée nationale.
Donc, nous avons déposé plusieurs amendements tendant, d'abord, à favoriser la situation des « gazelles », c'est-à-dire les sociétés de croissance, qui ne seraient pas soumises à ces prélèvements, ensuite, à alourdir le prélèvement sur les sociétés de grande dimension dans lesquelles les stock-options sont purement et simplement des compléments de rémunération et, enfin, à prévoir une sorte de bonification pour les entreprises qui les utilisent pour alimenter les plans d'épargne entreprise.
En adoptant ces amendements, nous pourrions atteindre plusieurs objectifs essentiels en donnant à l'article 9 E un véritable sens politique et en répondant à l'attente des Français dans le domaine de l'éthique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, vous vous en êtes remis à la sagesse de l'Assemblée nationale lors du vote sur l'amendement de M. Yves Bur, devenu l'article 9 E, visant à instaurer une double contribution, patronale et salariale, sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites.
Sur l'initiative de notre collègue rapporteur pour avis, Jean-Jacques Jégou, la commission des finances a adopté un amendement tendant à supprimer la contribution salariale. Le rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne propose pas, pour sa part, de modifier le texte initial, mais il est favorable, dans son rapport, à une flat tax pour alimenter le budget de la sécurité sociale.
Pour éviter que ce débat ne soit interne à la majorité et afin de vous faire connaître notre position, nous vous proposons, comme mon collègue François Marc vient de le rappeler, une série d'amendements que nous estimons être en cohérence avec nos principes de justice sociale et d'efficacité économique.
Selon nous, il y a non pas la justice d'un côté et l'efficacité de l'autre, mais la justice par l'efficacité et l'efficacité dans la justice. En effet, depuis que les stock-options ont été introduites dans notre droit, au début des années soixante-dix, le monde a changé du tout au tout et les impératifs financiers l'ont emporté sur les besoins de l'économie réelle.
Le dispositif a connu des dérives illustrées par une succession régulière de dirigeants qui en bénéficient, mais sans commune mesure avec les résultats économiques de l'entreprise auxquels ils appartiennent, quelquefois même au détriment des actionnaires et, dans la plupart des cas, au détriment des salariés.
On a ainsi parlé d'enrichissement sans cause et en tout cas sans risque, ce qui est quand même un comble, reconnaissez-le, dans une économie de marché ! Des fortunes ont pu ainsi être engrangées dans des espaces de temps très courts. Au fil des ans et de l'inventivité financière, le mécanisme s'est perverti et ne répond plus à ses objectifs premiers qui sont d'attirer et de fidéliser des cadres hautement qualifiés, tout en permettant la croissance de jeunes entreprises.
On aboutit à des effets néfastes. Il en est un qui est paradoxal, c'est celui qui aboutit à désolidariser de l'entreprise qu'ils sont censés faire prospérer ceux qui bénéficient de ce mécanisme ! Le cours de bourse étant la boussole, la porte est ouverte aux communications trompeuses pour les marchés financiers, sans compter que la distribution massive de stock-options liées à l'ampleur de la capitalisation boursière des entreprises du CAC 40 en modifie la nature. C'est ce qui conduit certains à prôner une position radicale, à savoir la suppression du système.
Dans l'idéal de ce que devrait être une réforme - c'est l'occasion d'en parler -, il conviendrait de plafonner le volume des distributions, d'en limiter l'avantage fiscal et social, et d'introduire de la transparence.
Tel n'est pas l'objet de l'article 9 E ; tout au plus s'agit-il d'abonder fort modestement - nous y reviendrons - le financement de la sécurité sociale. Le produit attendu serait de 250 millions d'euros pour la contribution patronale et de 150 millions d'euros pour la contribution salariale. Effectivement, on est loin du chiffrage avancé par la Cour des comptes, même si celui-ci mérite d'être précisé, et loin de la somme des niches sociales cumulées, qui seraient de l'ordre de 30 milliards d'euros.
Notre collègue Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, conteste d'ailleurs la qualité de niche pour la contribution salariale. Il est certain qu'il faudrait clarifier le régime de taxation applicable aux levées d'options et aux distributeurs d'actions. Il y a une ambiguïté quant à leur nature : plus-value ou élément de rémunération différée ?
Quoi qu'il en soit, il est juste que ces dispositifs contribuent au financement de la protection sociale. Il est économiquement efficace d'exonérer les PME en croissance, afin de leur donner un avantage compétitif, et il est hautement souhaitable qu'un signal soit donné en faveur de l'épargne collective lorsque les souscriptions, une fois levées, viennent abonder un plan d'épargne d'entreprise.
C'est d'ailleurs une suggestion que Mme le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi avait faite, mais elle l'a bien vite oubliée ! C'est ce que nous défendrons tout à l'heure. On nous objectera sans doute les arguments habituels : la concurrence fiscale, la perte d'attractivité, l'alourdissement des prélèvements obligatoires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci pour tous ces arguments !
Mme Nicole Bricq. Mais nous n'attendons pas de leçon d'une majorité qui, depuis 2002, de gouvernement en gouvernement - cela ne se dément pas dans l'actualité budgétaire -, n'a cessé de créer des niches fiscales et sociales, d'amputer les marges de manoeuvre de la puissance publique, d'aggraver les déficits budgétaires et sociaux, sans pour autant encourager l'investissement de long terme capable d'armer notre appareil productif dans la mondialisation. C'est donc avec pugnacité que nous défendrons nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, de façon synthétique, vous indiquer les cinq grandes raisons pour lesquelles cet article 9E me paraît mauvais.
La première raison est d'ordre constitutionnel. Il s'agit de taxer une plus-value sur des valeurs mobilières. Il convient d'expliquer le motif d'intérêt général qui justifie de déroger au principe d'égalité, alors même que la réalisation d'une plus-value liée au mécanisme des options de souscription d'actions et aux actions gratuites est en tout point semblable, d'un point de vue économique, financier et juridique, à la réalisation d'une plus-value sur une valeur mobilière. De plus, je relève une distorsion fiscale au sein de l'épargne salariale. Cela me paraît regrettable après tant de signaux positifs donnés à l'épargne salariale et à la participation des salariés au capital des entreprises.
Deuxièmement, sur un plan technique, il paraît impropre de parler de contribution « salariale » dès lors que la plus-value d'acquisition, et a fortiori de cession, est de plus en plus réalisée lorsque la personne dirigeante n'est plus salariée de l'entreprise. Ensuite, le prélèvement par les URSSAF est incohérent avec le recouvrement par la Direction générale des impôts, la DGI, des 11 % de prélèvements sociaux. En outre, la date d'entrée en vigueur, jusqu'ici fixée au 16 octobre 2007, conduit à une taxation rétroactive des options distribuées par les entreprises.
Troisièmement, sur le plan fiscal, l'incohérence est manifeste et il faut avoir une vision consolidée. Les stock-options et les actions gratuites font déjà l'objet d'une taxation significative à l'impôt sur le revenu, voire élevée par rapport à certains de nos partenaires, en particulier le Royaume-Uni.
Pour le contribuable - permettez-moi de le dire, chers collègues de la commission des affaires sociales -, la distinction entre fiscalité et prélèvements sociaux est indifférente. En effet, le contribuable peut être taxé à 53,5 % sur le gain d'acquisition, puis à nouveau sur la plus-value de cession. Cette surtaxation de 2,5 % n'est d'ailleurs pas comprise dans le périmètre du bouclier fiscal, mais aurait clairement vocation à l'être. Si l'article devait être voté, j'imagine de déposer un amendement en seconde partie du projet de loi de finances.
Je relève en outre que l'on crée un nouveau prélèvement social sans ouverture de droit à prestation.
Quatrièmement, sous un angle budgétaire, monsieur le ministre, quel sera l'impact réel de la création de la contribution patronale ? Ne conduira-t-elle pas les entreprises à ajuster à due concurrence le volume de distribution des stock-options et des actions gratuites, afin de maintenir inchangé le coût global de leurs plans d'épargne salariale, ce qui limiterait d'autant l'intérêt budgétaire de la mesure ? Je conteste l'estimation à 400 millions d'euros du rendement de la mesure par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. J'estime que ce rendement est considérablement surévalué. Je déplore que l'on se rassure à bon compte en se voilant la face sur les effets collatéraux d'ordre économique, qui sont préoccupants.
Cinquièmement, sur un plan économique, on peut redouter un impact négatif de ces mesures sur l'attractivité de la France et la localisation des sièges sociaux. Il y a là un signal contradictoire avec ce que nous a dit Mme Christine Lagarde, et la préparation d'une loi d'attractivité qui devrait être examinée dans quelques semaines. L'attractivité n'est ni un vain mot ni un objet de discours. Cela signifie des revenus taxables et des richesses supplémentaires. C'est cette fameuse « dynamique de l'assiette » que nous appelons de nos voeux.
Les stock-options et actions gratuites, c'est la rémunération de la compétence et de la performance ; c'est le moyen d'attirer sur notre sol des cadres et des dirigeants français ou étrangers de haut niveau, de conforter le dynamisme et les exportations de nos entreprises, donc l'emploi. L'emploi ne se décrète pas ; il ne vient que parce que l'entreprise a des perspectives de croissance et de profit. Et la croissance ne vient que si les salariés sont motivés pour y contribuer.
Or je rappelle que de nombreux pays n'assujettissent les plus-values sur options ou actions gratuites à aucun prélèvement social. Deux situations existent.
Soit les stock-options bénéficient d'un régime spécifique qui les assimile à une plus-value et écarte, de ce fait, l'application de toute cotisation sociale ; c'est le cas, entre autres, aux États-unis, au Royaume-Uni et en Irlande.
Soit elles sont imposées dans les conditions de droit commun à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, moyennant des plafonds de cotisations sociales qui font que, en pratique, les plus-values sur options ou sur actions gratuites ne sont pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale. Ces plafonds sont de 63 000 euros de revenu annuel en Allemagne, de 36 000 euros en Espagne et de 87 000 euros en Italie.
Monsieur le ministre, en termes d'ingénierie juridique, je crains beaucoup la création de structures de portage des contrats de travail des cadres dirigeants hors de France ou, le cas échéant, des changements de résidence fiscale.
Dans un monde ouvert, j'ai le sentiment qu'il ne faudrait toucher à ces dispositifs que d'une main tremblante ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. L'amendement n° 224, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
sur l'application des normes comptables internationales
supprimer la fin du quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. L'article 9 E a pour objet d'instituer des contributions patronales sur les stock-options et actions gratuites.
L'assiette qui nous est proposée par l'Assemblée nationale pour cette contribution nous paraît aboutir à un résultat très homéopathique, surtout si nos collègues ont la volonté d'abonder le budget de la sécurité sociale, car cette assiette est réduite.
En effet, l'article 9 E prévoit que l'assiette de cette contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions est limitée à 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options à la date de décision d'attribution.
Je partage un point de l'intervention de notre rapporteur général, M. Marini : le chiffrage qui a été indiqué ne correspond pas à la réalité. Si l'on veut vraiment abonder le budget de la sécurité sociale, il faut le faire de manière ouverte et franche. C'est pourquoi nous proposons de supprimer la limitation qui a été introduite par nos collègues de l'Assemblée nationale, afin que la cotisation repose sur une assiette égale à la juste valeur des options, en référence aux normes comptables internationales.
Cet amendement a donc pour objet de supprimer la possibilité pour l'employeur de choisir la base de la cotisation et de rétablir une assiette correspondant à la réalité de la valeur des options. Je précise, ce qui m'évitera d'y revenir, que l'amendement suivant prévoit une autre taxation.
Notre dispositif a pour objet de confirmer la ligne tracée par l'amendement de M. Yves Bur, tout en instituant une véritable taxation des stock-options et en donnant à cette dernière un contenu réel et non pas « cosmétique ».
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Madame Bricq, nous comprenons bien l'objectif qui est le vôtre avec cet amendement : vous voulez modifier l'assiette de la contribution patronale.
Dans l'article 9 E, le taux est fixé à 25 %. Pourquoi pas 30 %, 50 %, 75 %, voire la totalité ? Il nous paraît raisonnable de rester dans la limite de ce qui est prévu. De plus, la proposition que vous venez de faire n'est certainement pas de nature à emporter l'enthousiasme de la commission des finances et de son rapporteur général, mais il serait intéressant d'entendre l'avis du Gouvernement.
Toujours est-il que la commission des affaires sociales n'a pas jugé pertinente une telle initiative. Même à considérer que la dose proposée a un caractère trop homéopathique, je vous rappelle que, l'année dernière, le Gouvernement avait rejeté une initiative comparable que nous avions prise lorsque nous avions déjà prévu de taxer les stock-options. Pourtant, la taxation que nous proposions alors était très modeste au regard de celle qui nous est présentée aujourd'hui, sur l'initiative de M. Bur !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales considère qu'il aurait été préférable d'adopter une flat tax, ce qui aurait été dans le sens suggéré par M. le rapporteur général, lequel estime qu'il faut être relativement prudent...
Mme Isabelle Debré. Il a raison !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... dans la mise en oeuvre d'un dispositif d'une telle nature.
Cependant, vous avez eu raison, madame Bricq, de rappeler que la Cour des comptes a fait valoir que les niches sociales ne représentaient pas moins de 30 milliards à 35 milliards d'euros de recettes perdues chaque année pour la sécurité sociale.
Il nous faut donc, à l'instar de la commission des finances, examiner ces niches sociales. Il convient de les toiletter les unes après les autres et de distinguer celles qui ont un caractère pertinent et un véritable effet sur le plan économique, social et de l'emploi, et qui doivent donc subsister en totalité, de celles pour lesquelles on pourrait imaginer une taxation permettant d'alimenter le budget de la sécurité sociale.
Les recettes induites par cette taxation sont très modestes : 400 millions d'euros, alors que les besoins annuels sont plus proches de 3 ou 4 milliards d'euros.
Nous ne pouvons pas, au détour d'un amendement, adopter des mesures de cette nature, qui vont d'emblée très loin, sans avoir procédé à une évaluation et mesuré tous les effets pervers qui pourraient en résulter.
Notre collègue Isabelle Debré pourrait également s'inquiéter des effets négatifs des dispositifs mis en place afin de favoriser la participation, l'intéressement et l'investissement des salariés dans l'entreprise.
Il existe sans doute des effets négatifs, que vous avez relevés, madame Bricq, monsieur Marc, et il convient peut-être de moduler cette taxation. Mais, s'agissant l'assiette de la contribution patronale, la commission ne pense pas utile de vous suivre.
Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. J'ai bien entendu ce qui a été dit par l'ensemble des orateurs. Sur le sujet des stock-options, il me semble nécessaire d'adopter une approche qui ne soit pas idéologique. D'un côté, il s'agit d'un produit diabolique, de l'autre, d'un produit nécessaire, et l'on ne parvient pas à trancher ce type de débat.
Bien évidemment, un tel produit financier a ses avantages. Cependant, l'application du dispositif ne doit pas déraper, nous en sommes tous d'accord. De ce point de vue, la responsabilité des conseils d'administration a été encadrée. Nous avons effectué un travail que vous n'avez pas fait, mesdames, messieurs de l'opposition !
Parallèlement, il convient bien sûr de ne pas « tuer » l'assiette des stock-options, qui constituent une modalité de rémunération ou de participation très particulière, et dont l'intérêt pour la compétitivité des entreprises est évident.
Dans cette approche assez pragmatique, le Gouvernement considère qu'à partir du moment où les stock-options constituent un revenu elles doivent participer au financement de la protection sociale. Une fois ce principe de base posé, nous avons voulu le mettre en oeuvre d'une façon équilibrée, en veillant à ce que les pourcentages de la contribution soient significatifs, mais ne mettent pas en péril la nature du produit qui leur sert de support.
Yves Bur a proposé, dans la première partie de son amendement, une cotisation patronale, considérant que rien n'existait dans ce domaine, sans qu'une raison particulière explique une telle situation. Le taux de cette cotisation patronale est de 10 %, taux significatif, qui n'empêche cependant pas la distribution de stock-options.
En présentant l'amendement n° 224, vous avez évoqué, madame Bricq, la valorisation des actions sur lesquelles portent ces options. Nous pensons qu'il faut laisser le choix de cette valorisation aux entreprises : soit elles adoptent les standards comptables internationaux, les normes IFRS, et, dès lors, elles se réfèrent à des formules mathématiques permettant d'aboutir à une valeur de l'action ; soit elles décident, n'ayant pas accès à ces normes, de retenir 25 % de la valeur sous-jacente de l'action.
M. François Marc. Et pourquoi pas 30 % ?
M. Éric Woerth, ministre. Sur ce point, la situation semble assez claire. Selon moi, il faut laisser ce choix aux entreprises, car certaines d'entre elles n'appliquent pas les normes IFRS. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Plus globalement, lors de l'examen, également riche et intéressant, de cette question par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a émis un avis de sagesse sur l'amendement, estimant que sa deuxième partie instaurant une contribution salariale, qui a d'ores et déjà une base importante, n'était pas utile, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer aux députés.
La proposition de fixer une contribution salariale de 2,5 % a été retenue. Ce taux, qui est relativement faible, ne met pas en péril l'attribution de stock-options.
Nous examinerons ultérieurement d'autres amendements qui nous permettront peut-être de parfaire ce dispositif, mais nous ne devons pas adopter une approche trop idéologique du sujet.
La Cour des comptes affirme que les stock-options peuvent représenter jusqu'à 3 milliards d'euros de revenus pour l'État et elle considère que cette taxation ne met pas en péril la distribution de ce produit.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle n'est pas dans son rôle !
M. Éric Woerth, ministre. Je ne prends pas parti, je rappelle simplement ce qui figure dans le rapport de la Cour des comptes !
Dans le même temps, certains disent que, quel que soit le pourcentage de la contribution, celle-ci mettrait en péril les stock-options. Vous le constatez, il existe deux approches différentes et il est assez difficile de savoir quelle est la bonne.
Pour notre part, nous nous sommes efforcés d'avoir la vision la plus équilibrée possible. Lors de l'examen des différents amendements, nous pourrons peut-être progresser encore dans la voie de l'équilibre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mon propos sera bref, et peut-être un peu différent de ce que nous avons entendu, parce qu'il émane d'un membre de la commission des affaires sociales qui n'a pas la compétence d'un membre de la commission des finances (Mme Nicole Bricq proteste.).
Sur cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public, madame la présidente, je souhaite faire un court rappel, surtout après l'intervention de M. le rapporteur général.
C'est un amendement de l'Assemblée nationale qui a prévu cette taxation. Au Sénat, nous n'avons pas encore fait cette révolution, puisque M. le rapporteur pour avis de la commission des finances nous propose d'adopter des dispositions de moindre portée.
Pourtant, mes chers collègues, force est de constater que la taxation proposée par l'Assemblée nationale reste, comme cela a été dit, très largement « cosmétique ». Elle n'est à la hauteur ni des enjeux ni des attentes légitimes de justice sociale : 250 millions d'euros par rapport à un déficit prévisionnel de 8,9 milliards d'euros en 2008, malgré les prévisions optimistes de M. Xavier Bertrand voilà à peine un an, c'est une goutte d'eau par rapport à une dette sociale cumulée de près de 80 milliards d'euros ; ce n'est même pas une « recette de poche », c'est une pièce jaune !
Faut-il en rester à la pièce jaune pour les dirigeants de nos entreprises ? Nous pouvons nous poser la question ! Que représentent, mes chers collègues, ces 250 millions d'euros, à propos desquels on semble véritablement s'alarmer ici, par rapport aux 850 millions d'euros que doivent rapporter les franchises introduites à l'article 35 du projet de loi, qui ne seront pas payées par les mêmes ?
Nous ne partageons pas cette conception de la justice sociale, qui consiste à faire payer les malades pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale, au nom d'une prétendue politique qui veut que les malades payent pour les malades, épargnant du même coup aux dirigeants d'entreprise la participation à une véritable solidarité.
Je souhaite vous rappeler à cet égard le principe fondateur de la sécurité sociale, tel que l'avait défini Pierre Laroque : « Chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Personne ne doit s'en exonérer, pas même nos dirigeants les plus prestigieux. Or, de projet de loi de finances en projet de loi de finances, de franchise en franchise, plus on s'éloigne de la base, moins on veut participer ! Telle est la réalité !
J'ai entendu les inquiétudes de M. le rapporteur général, qui m'ont grandement alarmé, sur le risque de perte des cerveaux et de délocalisation. Mais ceux qui vont payer la franchise ne risquent pas de partir : ils sont attachés à leur travail ; on peut les taxer !
Au moment où vous contestez cet apport à la sécurité sociale de nos dirigeants, je vous mets en garde contre l'incompréhension que risque de provoquer une telle disparité de traitement. En effet, les franchises concerneront deux millions de travailleurs pauvres, qui n'ont pas accès à la couverture maladie complémentaire. Eux qui se lèvent tous les matins pour travailler, pour faire fonctionner les entreprises qui réalisent des bénéfices, paieront les 50 centimes sur le médicament, le 1 euro, qui est déjà prélevé, sur la consultation, les 18 euros sur les « actes lourds », les 2 euros sur les transports et le forfait hospitalier qui n'en finit pas de croître. Ils vont payer plein pot !
Pendant ce temps, on leur expliquera qu'on ne peut pas demander aux dirigeants d'entreprise d'accomplir un effort de solidarité. L'exemple doit venir de ceux qui sont à la tête du monde économique ! (Mme Gisèle Printz applaudit.) Or, parfois, il faut le savoir, leur exemple est plutôt néfaste !
Je pense également, mes chers collègues, à ceux qui perçoivent l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, et à ceux qui sont victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, qui vont aussi payer la franchise. Vous ne les prenez pas en compte lorsque vous dites que, malgré toutes les critiques que l'on peut formuler à l'encontre des stock-options, il n'existe aucune raison de les taxer davantage pour permettre que se manifeste, dans ce pays, une véritable solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous voterons l'amendement n° 224 présenté par Mme Nicole Bricq. Bien entendu, nous aurons l'occasion, au moment de l'examen d'autres amendements, de développer notre point de vue, que tout le monde connaît : nous sommes pour une mesure plus radicale, à savoir la suppression des stock-options.
Aujourd'hui, au travers de la discussion de ce premier amendement déposé sur l'article 9 E, on voit bien où se situe la ligne de partage dans notre assemblée concernant le financement de la sécurité sociale. De toute évidence, l'intervention de M. le rapporteur général a donné le la : « pas touche aux riches ! »
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une libre interprétation !
M. Guy Fischer. Nous pourrions énumérer les chefs d'entreprise qui sont partis avec des stock-options - pour un certain nombre d'entre eux, ce sont leur famille, en particulier leurs enfants, qui en ont profité -, en laissant l'entreprise dans la plus grande difficulté. Des enquêtes et un procès sont en cours. Au sujet des affaires EADS et Moulinex, qui avait mis en cause M. Blayau, il y aurait beaucoup à dire !
Même si nous n'allons pas débattre maintenant de l'article 35, je souhaite rappeler que les franchises sont injustes, dangereuses et inefficaces.
Certains des amendements que nous avons déposés nous permettront d'énumérer tous ceux qui, finalement, sont laissés sur la touche et que l'on veut aujourd'hui taxer.
À l'heure actuelle, la précarité explose en France. Il s'agit d'ailleurs d'un phénomène qui touche tous les grands pays industrialisés. L'apparition de la grande pauvreté, que ce soit au Japon, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Russie, où la situation devient dramatique, ou en Allemagne, où la précarité est institutionnalisée, est l'une des réalités qui n'est pas véritablement portée à la connaissance du plus grand nombre.
D'un côté, vous dramatisez la situation des riches en raison des propositions exorbitantes contenues dans les différents amendements présentés et, de l'autre, vous ignorez les millions de travailleurs pauvres. Car c'est bien de cela qu'il s'agit ! La trappe à bas salaires évoquée tout à l'heure par M. Jégou est en train de créer en France des millions de travailleurs pauvres, dont la rémunération est bien souvent inférieure à 1 000 euros !
Donc, nous voterons cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Ce débat devient totalement idéologique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Autain. M. Marini ne fait pas de l'idéologie ! M. Jégou non plus !
Mme Isabelle Debré. Je veux dire, très calmement, que je ne voterai pas l'amendement n° 224 pour une raison très simple : en tant que membre du Conseil supérieur de la participation, je regrette infiniment que nous n'ayons pas eu le temps suffisant pour étudier ce dossier dans le calme et de façon approfondie avec les partenaires sociaux qui sont représentés au sein de cet organisme, de toutes tendances politiques, j'y insiste.
En conséquence, je demande à mes collègues de la majorité de ne pas voter cet amendement, de façon à laisser le temps au Conseil supérieur de la participation de travailler dans la sérénité afin de trouver des mesures adéquates, susceptibles de satisfaire tout le monde. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 224.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 20 :
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 269 rectifié, présenté par MM. Murat et P. Blanc et Mme Debré, est ainsi libellé :
I. Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'attribution gratuite d'actions, cette contribution s'applique, au choix de l'employeur, sur une assiette égale soit à la juste valeur des actions telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002, sur l'application des normes comptables internationales, soit à la valeur des actions à la date de la décision d'attribution par le conseil d'administration ou le directoire. Ce choix est exercé par l'employeur pour la durée de l'exercice pour l'ensemble des attributions gratuites d'actions. Il est irrévocable durant cette période. »
II. Modifier ainsi le II de cet article :
1° Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 137-14 du même code, les mots : « de l'avantage défini au I de l'article 80 bis du code général des impôts ainsi que celui de l'avantage défini au 6 bis de l'article 200 A du même code » sont remplacés par les mots : « des avantages définis aux 6 et 6 bis de l'article 200 A du code général des impôts ».
2° Le second alinéa du texte proposé pour l'article L. 137-14 du même code est ainsi rédigé : « Cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L. 136-6.»
III. Au IV, les mots : « cédées » sont remplacés par les mots : « attribuées définitivement ».
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Les dispositions votées par l'Assemblée nationale sur l'assujettissement à cotisations patronales des stock-options et des actions distribuées gratuitement ne tiennent que partiellement compte des nouvelles normes comptables applicables aux entreprises.
En effet, les entreprises soumises aux normes IFRS peuvent choisir, pour définir l'assiette de la cotisation patronale sur les stock-options, soit une assiette forfaitaire égale à 25 % de la valeur de l'action, soit la valeur précise qu'elles souscrivent dans leurs comptes en fonction des nouvelles normes comptables IFRS.
En revanche, l'article voté par l'Assemblée nationale n'ouvre pas cette possibilité pour définir l'assiette de la contribution patronale sur les attributions gratuites d'actions.
Le paragraphe I de l'amendement tend à remédier à cet oubli en permettant d'asseoir cette contribution patronale sur le montant provisionné dans les comptes selon les mêmes normes IFRS.
Je précise qu'il s'agit non pas d'offrir aux entreprises soumises aux normes IFRS une possibilité d'optimisation particulière, mais tout simplement de leur simplifier la vie en se conformant au principe sain selon lequel la fiscalité doit être, autant que possible, assise sur les données comptables lorsqu'elles sont incontestables.
Le paragraphe II vise à préciser les modalités de recouvrement de la contribution à la charge des bénéficiaires : la nouvelle contribution sera recouvrée et contrôlée selon les mêmes règles que celles qui sont appliquées en matière de contribution sociale généralisée, ou CSG, sur les revenus du patrimoine, afin d'éviter de doublonner avec le mode de recouvrement existant.
Comme c'est déjà le cas actuellement, les sommes resteront déclarées pour l'impôt sur le revenu et les services fiscaux se chargeront de mettre en recouvrement l'ensemble des contributions sociales - CSG, CRDS, nouvelle contribution - assises sur ces revenus, avant de reverser les recettes aux organismes de sécurité sociale
Le paragraphe III apporte une précision rédactionnelle relative à l'assiette de la contribution à la charge des bénéficiaires des actions gratuites.
Mme la présidente. L'amendement n° 406, présenté par MM. Juilhard et Carle, est ainsi libellé :
I - À la fin de la première phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, remplacer le pourcentage :
10 %
par le pourcentage :
5 %
II - Supprimer les II et IV.
La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.
M. Jean-Marc Juilhard. L'amendement de la commission prévoit l'instauration de deux contributions salariales sur les stock-options et les attributions d'actions gratuites.
La première est une contribution patronale de 2,5 % sur les options et de 10 % sur les actions gratuites, acquittée par l'employeur au moment de leur attribution.
La seconde est une contribution salariale de 2,5 % portant sur la plus-value d'acquisition des stock-options acquittée par les bénéficiaires au moment de leur levée ou sur l'avantage résultant de la cession des actions gratuites.
S'agissant de la contribution patronale, nous pensons, Jean-Claude Carle et moi-même, qu'il convient de ne pas prévoir un taux trop élevé (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) qui dissuaderait les entreprises d'y avoir recours et qui, en définitive, ne produirait que peu de ressources pour la sécurité sociale.
M. François Marc. C'est incroyable !
M. Jean-Marc Juilhard. Le taux retenu apparaît dissuasif pour la distribution d'actions gratuites. C'est pourquoi cet amendement a pour objet de porter le taux de cette contribution à 5 %.
Quant à la contribution salariale, la fiscalité qui pèse sur les stock-options est déjà très importante. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Marc Juilhard. Si, mon cher collègue ! En effet, les levées d'options ou les cessions d'actions gratuites sont déjà assujetties à la CSG et à la CRDS, qui représentent un prélèvement de 11 % sur les avantages mentionnés par le présent amendement et déjà acquitté par les bénéficiaires.
Ainsi, l'ensemble des prélèvements supportés par les bénéficiaires en France sont largement supérieurs à ceux qui sont supportés au Royaume-Uni, en Belgique ou aux États-Unis et ils sont quasi identiques aux situations allemandes ou néerlandaises. Il en résulterait une expatriation des cadres. Les entreprises françaises deviendraient également très peu attractives pour l'embauche de cadres étrangers de haut niveau.
C'est pourquoi cet amendement vise à supprimer cette contribution salariale.
Mme la présidente. L'amendement n° 225, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, remplacer le pourcentage :
10 %
par le pourcentage :
28,2 %
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Puisque le Sénat a rejeté tout à l'heure la modification de l'assiette que nous proposions, qui permettait d'abonder beaucoup plus sérieusement la sécurité sociale, cet amendement vise à porter la limitation du taux de la cotisation patronale de 10 % à 28,2 %.
Ce pourcentage, dont le contour est bien identifié, correspond à une réalité économique et budgétaire : il s'agit tout simplement de l'addition des cotisations patronales relatives à la famille, à la maladie, au chômage et aux retraites.
Vous qualifiez la position que nous défendons d'idéologique. J'attends la discussion que nous allons avoir prochainement, lors de l'examen du projet de loi de finances, à propos de la mesure qui a été introduite à la va-vite par l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, et qui permet, une fois encore aux plus aisés, ceux qui perçoivent 25 000 euros de dividendes par an, de bénéficier d'un prélèvement très avantageux. Je ne sais pas si c'est de l'idéologie, mais cela y ressemble très fortement !
Mme Isabelle Debré. Vous n'avez pas compris ce que j'ai voulu dire !
M. Roland du Luart. Vous déformez la pensée la Mme Debré !
Mme Isabelle Debré. Effectivement !
Mme la présidente. L'amendement n° 226, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée :
« Cette contribution de 28,2 % n'est pas applicable lorsque les options de souscription ou d'achat d'actions, une fois levées, et les actions gratuites sont affectées à un plan d'épargne entreprise, les modalités de cette affectation seront définies par décret. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Il s'agit de compléter le dispositif très cohérent que nous avons conçu en prévoyant un système incitatif pour que le fruit des stock-options, c'est-à-dire le produit de l'option une fois exercée, puisse être affecté aux plans d'épargne entreprise.
Comme vous le savez, c'est une formule d'épargne salariale collective - même si cet adjectif fait visiblement peur à certains - et facultative, qui permet au salarié de participer avec l'entreprise à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières, très utile pour le financement de la retraite.
Ces plans, assujettis à une taxation globale de 11 %, sont bénéfiques pour les salariés, puisque les entreprises doivent abonder cette épargne soit avec un apport financier soit en supportant les frais de gestion. En outre, l'obligation de bloquer les fonds pendant cinq ans aide les salariés à prévoir le financement de leur retraite.
L'idée d'inciter les entreprises à abonder les plans d'épargne entreprise ne peut que profiter à toutes les parties prenantes : certes l'entreprise, mais aussi les bénéficiaires des stock-options, ainsi que les caisses de sécurité sociale. En effet, ces dernières percevront quoi qu'il en soit davantage de cotisations, puisque le taux proposé dans l'article 9 E produit une recette cinq fois moins élevée que celui qui est applicable aux plans d'épargne entreprise.
La mesure que nous proposons présente donc un double intérêt : encourager le développement de l'épargne retraite et accroître les ressources de la sécurité sociale.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 222, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
I. - Compléter le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les attributions d'actions qui excluent les personnes mentionnées au II de l'article L. 225-197-1 du code de commerce, lorsque celles-ci ont un mandat social dans la société qui attribue les actions, sont exonérées de la contribution. »
II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées par le relèvement à due concurrence du taux des contributions sociales visées aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement prévoit d'exonérer de la cotisation patronale les plans qui ne bénéficient pas aux mandataires sociaux de la société émettrice des actions. Cela paraît quelque peu excessif, mais je m'en explique.
Il importe de ne pas entraver le développement de ces mécanismes d'association des salariés au capital de leurs sociétés, qui constituent un outil très efficace et bénéfique de gouvernance des entreprises autant que de démocratisation de l'actionnariat salarié.
Ces mécanismes concernent aujourd'hui 150 000 salariés, qui sont en quelque sorte le fer de lance de notre économie.
M. Adrien Gouteyron. 150 000 !
M. Yves Pozzo di Borgo. Il convient de ne pas faire payer à ces salariés l'impéritie dont quelques-uns ont fait preuve.
M. Adrien Gouteyron. Noël Forgeard !
M. Yves Pozzo di Borgo. Pour ne pas le citer !
De plus, trop lourdement charger les stock-options, dont le niveau de taxation est déjà très élevé dans notre pays, pourrait être particulièrement contre-productif.
Les stock-options sont payées non par l'entreprise, mais par les actionnaires. À la Bourse de Paris, 60 % d'entre eux sont étrangers ! Les stock-options constituent un retour indirect des fonds de pension étrangers vers la consommation et l'investissement des cadres français en France (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
M. Yves Pozzo di Borgo. Nous avons eu un débat identique sur l'impôt de solidarité sur la fortune. Je mesure les conséquences de ces taxations. Même si je suis élu du VIIe arrondissement, ce sont non pas les riches que je défends, mais les richesses de la France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Yves Pozzo di Borgo. Ne soyez pas ridicules ! Je ne paie pas l'ISF et je ne possède pas de stock-options. Je ressens moi aussi ce sentiment d'injustice, mais, pour autant, je ne peux ignorer la réalité.
N'oubliez pas que cette taxation excessive des stock-options favorise l'émigration fiscale. J'en ai assez de voir les jeunes partir à Londres une fois leurs études achevées !
M. Gérard César. Ils sont 100 000 chaque année !
M. Yves Pozzo di Borgo. À Londres, on parle plus français qu'anglais ! Interrogez-vous ! En outre, Paris a besoin d'accueillir des sièges sociaux. Or ce sont bien plus les dispositions fiscales en vigueur que le coût des écoles ou des appartements qui guident les grands groupes internationaux dans leur décision de s'implanter dans tel ou tel endroit. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Yves Pozzo di Borgo. Une trop lourde taxation des stock-options et des actions gratuites pourrait remettre en question leur attractivité et entraîner tout simplement leur disparition, donc cette assiette de taxation.
Je suis conscient du sentiment d'injustice qui prévaut, mais la réalité économique nous oblige à défendre ces arguments. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. Bien sûr !
Mme la présidente. L'amendement n° 227, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises éligibles au statut de PME de croissance telles que définies par l'article 220 decies du code général des impôts. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Avant de présenter cet amendement, je souhaite relever les contrevérités qui ont été proférées, selon lesquelles les stock-options subiraient en France une taxation insupportable. C'est totalement faux ! Elles bénéficient d'un dispositif relativement favorable ; les chiffres le démontrent.
Cet amendement n° 227 vise à compléter le dispositif tel que nous l'avons envisagé par une taxation correcte des stock-options. Ou bien on fait quelque chose, ou bien on ne fait rien !
La Cour des comptes estime qu'il est possible d'opérer un prélèvement important sur les stock-options. Nous proposons simplement d'augmenter un peu le taux prévu, qui nous paraît dérisoire.
En outre, pour être cohérent avec nos idées, nous proposons, non pas par idéologie, mais dans un souci de développement économique et de croissance, d'une part, de favoriser les plans d'épargne entreprise - c'était l'objet de l'amendement précédent -, d'autre part, que les PME de croissance soient exonérées du paiement de la cotisation patronale - c'est l'objet du présent amendement. Chers collègues de la majorité, vous ne proposez même pas une telle mesure !
Pour être considérées comme telles, les entreprises de croissance doivent satisfaire simultanément à un certain nombre de conditions définies à l'article 220 decies du code général des impôts : elles doivent employer entre 20 et 250 salariés ; leurs dépenses de personnel doivent avoir crû d'au moins 15 % au cours de chacun des deux exercices précédents ; elles doivent répondre aux critères européens de la PME, notamment en termes de taille, de chiffre d'affaires, de bilan et d'indépendance ; enfin, elles doivent être assujetties à l'impôt sur les sociétés.
Ce sont ces entreprises en forte croissance qui doivent bénéficier d'un statut favorable en matière de charges sociales. De fait, les stock-options distribuées à leurs salariés ne doivent pas être assujetties aux cotisations patronales.
Cet amendement de bon sens, qui fait logiquement suite à ceux que nous avons précédemment défendus, s'inscrit dans une cohérence d'ensemble.
Mme la présidente. L'amendement n° 78, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer les II et IV du présent article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à supprimer la surtaxe salariale applicable aux gains d'acquisition des stock-options et des actions gratuites.
En effet, contrairement à ce que voudraient nous faire croire certains de manière fort démagogique, bien relayés en cela par la radio et la télévision, les stock-options et les actions gratuites sont déjà soumises à des prélèvements sociaux, à hauteur de 11 %. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C'est la réalité ! On peut ne pas s'en contenter ! Libre à vous, chers collègues de l'opposition, de vouloir surtaxer les stock-options et les actions gratuites, mais il est faux de prétendre qu'elles ne sont pas taxées.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur général, elles entrent également dans l'assiette du calcul de l'impôt sur le revenu, au taux significatif de 40 %.
Cela n'implique pas nécessairement un accroissement de la fiscalité.
Le contribuable perçoit le poids fiscal global et non le rapport relatif entre prélèvements au profit de l'État et prélèvements au profit de la sécurité sociale.
D'un point de vue économique, il convient de se demander, à l'heure de la mobilité des talents et des compétences, quel impact aura la mesure en termes d'attractivité de notre territoire. Voilà le vrai sujet pour notre pays !
Sur le plan financier, l'estimation du rendement de la mesure pourrait être surévaluée, car les entreprises, si cet amendement n'était pas adopté, réduiraient la distribution de stock-options à proportion du surcoût fiscal.
Cette surtaxe soulève ensuite une question juridique. Le dispositif proposé conduit à introduire, au sein de la catégorie des revenus du patrimoine, imposés aux prélèvements sociaux à hauteur de 11 %, un traitement particulier pour les stock-options et les actions gratuites, qui seraient taxées à hauteur de 13,5 %.
Pour quel motif d'intérêt général serait-il nécessaire de déroger au principe d'égalité devant l'impôt, alors que la réalisation d'une plus-value liée aux stock-options et aux actions gratuites est en tout point semblable, d'un point de vue économique et financier, à la réalisation d'une plus-value sur une valeur mobilière, dont le taux d'imposition est fixé à 11 % ?
Enfin, sur un plan technique, la date d'entrée en vigueur de la mesure conduirait à une taxation rétroactive des options distribuées par les entreprises.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des finances doute de la pertinence d'une nouvelle taxation qui viendrait s'ajouter aux prélèvements existants, lesquels sont, et c'est normal, déjà très élevés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° 228, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, remplacer le pourcentage :
2,5 %
par le pourcentage :
11 %
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement, par cohérence avec nos amendements précédents, vise à crédibiliser la taxation des stock-options s'agissant de la contribution salariale.
Sur différentes travées, le dispositif prévu par le projet de loi a été qualifié de « cosmétique ». De fait, il est à nos yeux bien trop insuffisant au regard des objectifs visés. Comment voulez-vous, avec un taux de cotisation salariale fixé à 2,5 %, réduire le déficit de la sécurité sociale ? Cette mesure aura un rendement estimé à 150 millions d'euros ; c'est une goutte d'eau !
Le présent amendement s'inscrit dans la logique de notre propos introductif. Aujourd'hui, en France comme dans d'autres pays, les raisons qui avaient présidé à la création des stock-options ont été quelque peu perverties : très souvent, notamment dans les grandes entreprises, ces dernières sont devenues de simples compléments de rémunération accordés a posteriori. Dès lors, rien ne justifie qu'elles ne soient pas assujetties aux cotisations salariales concernant la maladie, le chômage et la retraite. C'est pourquoi nous proposons de porter le taux à 11 %.
Mme la présidente. L'amendement n° 229, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises éligibles au statut de PME de croissance telles que définies par l'article 220 decies du code général des impôts. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement vise à exonérer de la contribution salariale les stock-options dès lors que les entreprises de croissance qui les distribuent respectent leur vocation initiale, à savoir être un élément de motivation pour leurs cadres. Cette mesure fait écho à celle que nous avons proposée s'agissant de la contribution patronale.
Comme je l'ai expliqué précédemment, pour être considérées comme innovantes, ces PME doivent satisfaire simultanément à un certain nombre de conditions définies à l'article 220 decies du code général des impôts.
La gouvernance des entreprises doit répondre à des exigences éthiques. Nous avons à coeur que les mesures que nous proposons soient le plus équitables possible au regard des objectifs visés par les entreprises.
Mme la présidente. L'amendement n° 268 rectifié, présenté par MM. Murat et Paul Blanc et Mme Debré, est ainsi libellé :
I. Au III de cet article, les mots : « Le I est applicable » sont remplacés par les mots : « Les dispositions du présent article sont applicables ».
II. Supprimer le IV de cet article.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. À titre liminaire, je veux vous dire, madame Bricq, que j'ai qualifié d'idéologique non pas votre amendement, mais la tournure de notre débat.
Les dispositions votées par l'Assemblée nationale comprennent à la fois une contribution patronale et une contribution salariale.
La contribution patronale ne pose aucun problème au regard de la rétroactivité puisque, recouvrée au moment de l'attribution des options de souscription, elle ne concerne, aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale, que les options attribuées à compter du 16 octobre 2007, date à laquelle la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté l'amendement de M. Yves Bur.
En revanche, la contribution salariale est recouvrée lors de la levée de l'option. Selon la rédaction actuelle du texte, les levées d'options postérieures au 16 octobre donneront toutes lieu au paiement de cette cotisation.
De fait, la contribution salariale portant sur des options attribuées avant le 16 octobre, elle présente un caractère rétroactif.
Pour ne pas remettre en cause ce principe général de sécurité juridique qui veut que l'on évite, autant que faire se peut, tout prélèvement à caractère rétroactif, cet amendement vise à ce que seules les options de souscription et les actions gratuites attribuées à compter du 16 octobre 2007 soient soumises à la contribution salariale. De la sorte, le fait générateur sera le même.
Mme la présidente. L'amendement n° 407, présenté par MM. Juilhard et Carle, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le IV de cet article :
IV. - Le II est applicable aux levées d'options réalisées et aux actions gratuites cédées résultant des plans d'attribution établis à compter du 16 octobre 2007.
La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.
M. Jean-Marc Juilhard. Cet amendement a pour objet de mettre fin à la rétroactivité s'appliquant à la contribution salariale. Il prévoit donc de limiter cette contribution aux levées d'options et aux cessions d'actions gratuites intervenant à l'issue des futurs plans d'attribution et non dans le cadre des plans en cours.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous avons entamé l'examen de l'article 9 E. Je vous rappelle que tous les amendements, qui sont en discussion commune, ont été présentés.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 269 rectifié, qui contient toute une série de précisions utiles, à condition que Mme Debré accepte de le rectifier en supprimant le paragraphe III. Son maintien rendrait, en effet, cet amendement incompatible avec l'amendement n° 268 rectifié.
L'amendement n° 406 vise à abaisser de 10 % à 5 % le taux de la contribution patronale. Au sein de la commission des affaires sociales, nous n'avons pas souhaité revenir sur la proposition de l'Assemblée nationale. Nous demandons donc à nos collègues Jean-Marc Juilhard et Jean-Claude Carle de bien vouloir retirer leur amendement. À défaut, la commission sera contrainte d'émettre un avis défavorable.
L'amendement n° 225 tend, à l'inverse, à augmenter le taux de 10 % à 28,2 %, pour soumettre les stock-options et les attributions gratuites d'actions au droit commun en matière de cotisations salariales et patronales.
M. François Marc. Eh oui, au droit commun !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit, avec cet amendement, de franchir un pas en augmentant le taux pour obtenir un effet « désincitatif ». À cet égard, notre rapporteur général, Philippe Marini, a appelé notre attention sur les effets pervers qui pourraient résulter d'une taxation trop lourde sur les stock-options. Puisque nous ne sommes pas capables d'évaluer par avance ce qui en résultera, il nous paraît préférable de prévoir un niveau de taxation relativement faible, quitte à en tirer des enseignements pour l'avenir et à revoir les taux de contribution lors de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cela dit, j'invite par avance le Sénat à adopter l'amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 9E que je défendrai dans quelques instants. Il tend à mettre en place une flat tax, dont le curseur pourrait évoluer dans le temps une fois que nous aurons analysé la pertinence du maintien, ou non, d'un certain nombre de niches sociales.
La commission demande donc à nos collègues de retirer leur amendement, même si, en ce qui me concerne, je ne me fais aucune illusion ! À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 226, à l'inverse, vise à exonérer de la contribution patronale les stock-options et les actions gratuites affectées à un plan d'épargne entreprise afin de donner un petit coup de pouce à ces opérations. L'adoption de telles dispositions, qui créerait « une niche dans la niche », ne nous paraît pas pertinente à l'heure actuelle, pour les raisons que j'ai invoquées voilà quelques instants.
L'amendement n° 222 tend, lui aussi, à créer une niche au sein de celle des attributions d'actions gratuites. Cela étant, je me permets de réagir sur cet amendement, parce qu'il se rapproche d'une idée qui était la mienne, mais que nous n'avons pas pu concrétiser faute d'avoir eu le temps de trouver les solutions techniques qui permettraient d'avoir des éléments de réponse.
Je partage sur ce point une partie de l'analyse qu'avaient faite Mme Bricq et M. Marc, consistant à faire valoir qu'il paraissait peu équitable, voire contre-productif, de taxer de la même manière ceux qui réalisent des petites plus-values et ceux qui multiplient par 400 ou 500 la valeur d'un produit par la vente des stock-options. J'avais imaginé que l'on mette en place un seuil, un plafond ou un barème progressif, afin de taxer au maximum ceux qui réaliseraient la plus-value la plus importante et d'imposer au minimum ceux qui bénéficieraient de profits moins importants.
En définitive, notre collègue Yves Pozzo di Borgo propose d'exonérer les salariés de la taxation et d'imposer, au contraire, les mandataires sociaux. Cette suggestion va un peu dans le sens que je souhaiterais. Mais nous pourrions mettre à profit l'année à venir pour réfléchir à un nouveau dispositif technique.
Si nous adoptons l'amendement n° 269 rectifié, les contributions ne seront exigibles sur les stock-options et les actions gratuites qu'à compter du 16 octobre 2007. Dans la mesure où il faudra attendre deux ans avant que nous commencions à encaisser les premiers produits de ces cotisations, je pense que nous pouvons tirer avantage de l'année qui vient pour trouver le niveau des contributions le plus approprié.
C'est la raison pour laquelle je demanderai à notre collègue Yves Pozzo di Borgo, tout en comprenant l'objectif qu'il cherche à atteindre, de bien vouloir retirer son amendement.
L'amendement n° 227 a pour objet d'exonérer les PME dites « de croissance » de la contribution patronale, c'est-à-dire de ne pas les soumettre au taux de 28,2 %. Si je conçois tout à fait les intentions des auteurs de cet amendement, je souhaiterais que M. le ministre nous donne son point de vue. Au lieu de créer une nouvelle « niche dans la niche » et d'adopter des dispositions de cette nature, nous ferions peut-être mieux d'attendre, afin d'évaluer les conséquences des mesures présentées à la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, sur proposition de notre collègue Yves Bur.
L'amendement n° 78 que défend M. Jégou, au nom de la commission des finances, vise à suggérer une solution radicale, qui consiste à supprimer le taux de 2,5 %. Après avoir entendu l'intervention de M. le ministre voilà quelques instants, vous l'aurez compris, monsieur Jégou, le Gouvernement s'en tiendra à ce qui a été présenté au Sénat ; en revanche, il est disposé à prendre en considération la non-rétroactivité de la mesure que vous avez fait valoir. Cette solution pourrait permettre aux deux commissions de trouver un terrain d'entente pour satisfaire le souhait du Gouvernement.
L'amendement n° 228, qui porte sur la cotisation salariale, tend à faire passer son taux de 2,5 % à 11 %.
M. François Marc. C'est le droit commun !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pour les mêmes raisons que celles que j'ai développées tout à l'heure, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut - je suis mandaté par la commission des affaires sociales pour vous le préciser -, elle émettra un avis défavorable. (M. François Autain s'exclame.) C'est l'avis de la commission des affaires sociales, au moins dans sa majorité, monsieur Autain !
M. François Autain. À titre personnel, y seriez-vous favorable ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne peux pas donner un avis à titre personnel ! D'ailleurs, M. le président About est là pour veiller au grain !
L'amendement n° 229, qui vise à exonérer les PME dites « de croissance », se situe dans le même état d'esprit que les amendements précédents concernant la charge patronale. La commission lui réserve donc le même sort.
L'amendement n° 268 rectifié tend à faire disparaître l'effet rétroactif de la mesure, puisque les contributions seront exigibles sur les stock-options et les actions gratuites attribuées à compter du 16 octobre 2007. La commission émet un avis favorable, pour les raisons que j'ai évoquées voilà quelques instants.
Enfin, l'amendement n° 407 devrait être satisfait par l'amendement de Mme Debré, s'il est adopté. Un sort commun pourrait être réservé aux deux amendements. Ainsi, M. Juilhard ne serait pas frustré par notre décision concernant le seul amendement de Mme Debré, sans que le sien soit pris en considération ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. Quelle bonté !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je partage l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements.
Avant de justifier la position du Gouvernement, permettez-moi de rappeler, dans un souci de clarté, que les dispositions prévues à l'article 9 E n'ont aucun effet sur l'intéressement ni sur la participation, contrairement à certains propos que j'ai entendus ici ou là. Cet article concerne les seules stock-options.
L'amendement n° 269 rectifié vise à créer un parallélisme entre le dispositif des stock-options et le mécanisme de valorisation des attributions gratuites d'actions. Le Gouvernement y est donc favorable.
En revanche, à mon grand regret, il est défavorable à l'amendement n° 406. Le taux actuel de la contribution due par les employeurs, fixé à 10 %, me semble équilibré. Dans la mesure où il s'applique à une valorisation, il me paraît difficile de l'abaisser. Certes, on peut toujours se battre sur les taux mais, dans le cas présent, une réduction me paraît difficile.
L'amendement n° 225 tend à porter le taux de la contribution patronale sur les stock-options et les actions gratuites de 10 % à 28 %. Il s'agit, cette fois, d'un taux trop élevé.
M. François Marc. C'est le droit commun !
M. Éric Woerth, ministre. Certes, mais le présent dispositif ne doit pas nécessairement relever du droit commun. J'ai donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 226 prévoit une exonération de la contribution lorsque les options de souscription ou d'achat, une fois levées, et les actions gratuites sont affectées à un plan d'épargne entreprise.
Monsieur Marc, ces placements ne sont pas immédiatement disponibles. Le salarié ne dispose pas tout de suite des titres en pleine propriété. Il ne peut pas décider, au moment de la taxation, s'il va ou pas intégrer le fruit de cette levée d'options dans un plan d'épargne entreprise. Il y a donc un problème de coordination et c'est pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 222 ne manque pas d'intérêt. En effet, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, il serait intéressant de creuser certaines idées en fonction des taux, voire de la nature même du volume de stock-options.
Toutefois, pour l'heure, nous ne sommes pas prêts. J'ajoute que le dispositif prévu dans l'amendement no 222 pourrait créer un système à deux vitesses, si je puis dire, avec, d'un côté, les mandataires sociaux et, de l'autre, ceux qui ne le sont pas.
Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement. A défaut, il y sera défavorable.
L'amendement n° 227, qui concerne les PME de croissance, est lui aussi digne d'intérêt. Néanmoins, mieux vaut ne pas céder à notre habitude de compliquer les choses. Monsieur Marc, bien que votre idée soit très intéressante, il me paraît préférable de nous en tenir à un dispositif qui soit le plus clair et le plus compréhensible possible. D'autant que les PME de croissance, que l'on appelle « gazelles », bénéficient déjà d'un certain nombre de réductions d'impôts et de mesures sociales avantageuses. Je ne suis pas persuadé que l'on les privilégierait en ajoutant une nouvelle mesure aux dispositions actuelles.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
J'en viens à l'amendement n° 78. L'amendement n° 269 rectifié devrait, du moins je l'espère, faire l'objet d'un consensus. Il permettra d'éviter la rétroactivité des dispositions proposées, ce qui est probablement le point le plus gênant du dispositif issu des travaux de l'Assemblée nationale. En effet, des personnes pourraient bénéficier de stock-options sans avoir connu les règles du jeu, ce qui n'est pas acceptable. Grâce à l'amendement de Mme Debré, qui obtient l'agrément du Gouvernement, la mesure ne s'appliquera qu'aux stock-options qui auront été distribuées à partir du 16 octobre 2007. Les règles du jeu sont ainsi claires et nettes. Cet amendement est, me semble-t-il, de nature à équilibrer le texte.
L'amendement n° 228 porte sur une majoration de taux. Dans la mesure où je souhaite le maintien des taux adoptés par l'Assemblée nationale, je ne puis qu'être défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 229 concerne les PME de croissance. Je vous renvoie sur ce point aux arguments que j'ai développés sur les « gazelles ».
Enfin, le Gouvernement est bien évidemment favorable à l'amendement n° 268 rectifié, qui soumet les stock-options à un régime équilibré aussi bien pour le patron que pour les salariés. Cet amendement a en outre le mérite de réaliser la synthèse des différentes positions qui se sont exprimées sur ce sujet.
Mme la présidente. Madame Debré, acceptez-vous la rectification de l'amendement n° 269 rectifié qui vous a été suggérée ?
Mme Isabelle Debré. Oui, madame la présidente, et je rectifie mon amendement dans ce sens.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir rappelé que l'article 9 E visait exclusivement les stock-options et en aucun cas la participation ni l'intéressement.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je souhaite laisser au Conseil supérieur de la participation le temps de réunir tous les acteurs concernés afin d'envisager les moyens de faire évoluer la participation et l'intéressement. Ces deux dispositifs doivent d'ailleurs être considérés de façon totalement différente, les fruits de l'intéressement étant immédiatement mobilisables alors que ceux de la participation sont bloqués pendant cinq ans.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 269 rectifié bis, présenté par MM. Murat et P. Blanc et Mme Debré, et ainsi libellé :
I. Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'attribution gratuite d'actions, cette contribution s'applique, au choix de l'employeur, sur une assiette égale soit à la juste valeur des actions telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002, sur l'application des normes comptables internationales, soit à la valeur des actions à la date de la décision d'attribution par le conseil d'administration ou le directoire. Ce choix est exercé par l'employeur pour la durée de l'exercice pour l'ensemble des attributions gratuites d'actions. Il est irrévocable durant cette période. »
II. Modifier ainsi le II de cet article :
1° Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 137-14 du même code, les mots : « de l'avantage défini au I de l'article 80 bis du code général des impôts ainsi que celui de l'avantage défini au 6 bis de l'article 200A du même code » sont remplacés par les mots : « des avantages définis aux 6 et 6 bis de l'article 200 A du code général des impôts ».
2° Le second alinéa du texte proposé pour l'article L. 137-14 du même code est ainsi rédigé : « Cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L. 136-6.»
Je mets aux voix l'amendement n° 269 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Juilhard, l'amendement n° 406 est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Juilhard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 406 est retiré.
Mme la présidente. Madame Dini, l'amendement n° 222 est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 222 est retiré.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement no 227.
M. François Marc. Cette explication vaut pour tous les amendements du groupe socialiste qui restent en discussion sur l'article 9 E.
Nous souhaitons appliquer aux stock-options les taux de droit commun. Nous considérons, en effet, qu'il s'agit de compléments de rémunération pour des cadres, des dirigeants d'entreprise, des mandataires sociaux dont le niveau de rétribution est relativement élevé. Soumettre cette rémunération supplémentaire au taux de contribution applicable dans le droit commun ne nous paraît pas anormal.
On nous a reproché de créer de nouvelles niches fiscales. Cet argument est difficilement acceptable dans la mesure où nous proposons plus que le doublement de la recette produite par ce prélèvement.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous maintenons nos amendements et nous espérons que le Sénat leur prêtera une véritable attention.
Je remercie M. le rapporteur de la commission des affaires sociales des propos positifs que j'ai cru déceler dans son analyse, bien même s'il n'a pas émis un avis favorable sur nos amendements.
Je suis persuadé que la position qu'a exprimée le groupe socialiste ce soir au Sénat appellera, dans les mois ou dans les années qui viennent, une évolution significative de notre législation fiscale. Cette évolution est rendue nécessaire par l'ampleur des dérèglements et par les évolutions déplorables que nous avons connues ces dernières années. En matière de stock-options
Mme la présidente. L'amendement no 78 n'a plus d'objet, compte tenu de l'adoption de l'amendement no 269 rectifié bis.
Je mets aux voix l'amendement n° 228.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement no 407 n'a plus d'objet.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article 9 E.
Mme Nicole Bricq. Comme le montre notre discussion, il reste du chemin à faire pour trouver des recettes solides et larges afin de financer la sécurité sociale. Le dispositif que nous avons défendu au travers de nos amendements a montré sa cohérence.
Permettez-moi à cet instant d'apporter une donnée supplémentaire à l'appui de notre position.
Les orateurs de la majorité nous ont opposé l'argument de l'attractivité. On évoque souvent le fantasme de la fuite des cerveaux : la France ne serait pas capable de retenir ses meilleurs éléments ! Or, dans un mémoire rédigé par deux ingénieurs des mines, donc dans un document très sérieux, on peut lire : « On constate que seuls 4 % des Français diplômés de l'enseignement supérieur sont expatriés. C'est le taux le plus bas d'Europe et il est stabilisé depuis 1990. »
J'ajoute que le taux de mobilité internationale, expression officielle pour qualifier la fuite des cerveaux, est quatre à huit fois plus élevé chez nos voisins européens.
Alors, s'il vous plaît, cessons de fantasmer sur des données qui n'ont jamais été prouvées ! J'espère que, désormais, l'argument de l'attractivité sera utilisé à bon escient et que l'on ne se servira plus de mécanismes qui encouragent l'enrichissement sans cause, sans risque, qui découragent la cohésion - les salariés n'ont plus confiance dans les dirigeants - et qui nous pénalisent par rapport à la concurrence internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. En qualité de sénateur représentant les Français établis hors de France, je ne peux laisser passer les propos que je viens d'entendre !
Madame Bricq, les statistiques que vous avez citées sont aberrantes. Je voyage fréquemment ; voilà cinq jours, j'étais à Mexico. Je rencontre de nombreux jeunes Français, diplômés ou non - le panel est très large - qui se sont expatriés. Certains, polytechniciens ou centraliens, suivent un brillant parcours dans la Silicon Valley, mais il y a aussi des cuisiniers qui font une très belle carrière à l'étranger.
Je conteste totalement vos statistiques, madame !
Mme Nicole Bricq. Ce ne sont pas les miennes !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Ce que vous venez de dire n'est pas la réalité des Français que je rencontre lors de mes voyages à l'étranger, où je me rends quatre mois dans l'année. J'en reviens, et je m'inscris totalement en faux contre votre analyse ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9 E, modifié.
(L'article 9 E est adopté.)
Article additionnel après l'article 9 E
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 9 E, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 9 ainsi rédigée :
« Section 9
« Contribution sur les revenus exonérés
« Art. L. 137-15. - Il est institué au profit des régimes obligatoires de sécurité sociale une contribution à la charge de l'employeur assise sur l'assiette exonérée de charges liée aux dispositifs d'association des salariés aux résultats de l'entreprise, à la protection sociale en entreprise, aux compléments de salaires affectés, aux indemnités de départ de l'entreprise, aux revenus des capitaux mobiliers et aux revenus fonciers, à l'exception des assiettes mentionnées aux articles L. 137-12, L. 137-13 et L. 137-14.
« Le taux de cette contribution est fixé à 2 %.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de recouvrement de cette contribution. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai déjà plus ou moins présenté cet amendement à l'occasion de la discussion des articles et des amendements précédents : il s'agit de la fameuse flat tax.
Dans son rapport, la Cour des comptes suggère de taxer les niches sociales, qui, selon son évaluation, entraînent pour la sécurité sociale un manque à gagner compris entre 30 milliards et 35 milliards d'euros par an. L'amendement n° 2 ne vise pas à en récupérer la totalité en appliquant le taux de droit commun : il a pour objet d'en recouvrer une petite partie, de l'ordre de 400 à 500 millions d'euros par an, qui apporterait une première contribution à l'équilibre des comptes, en commençant par ceux de la branche maladie.
Nous ne voulons pas aller d'emblée trop loin ; comme je l'ai expliqué précédemment, il faut mesurer l'impact des niches sociales sur les plans économique et social. En effet, certaines d'entre elles sont sans aucun doute pertinentes, tandis que d'autres pourraient faire l'objet d'une taxation sans que soit remis en cause l'objectif qu'elles visent.
Si, mes chers collègues, vous adoptiez la proposition de la commission des affaires sociales, la sécurité sociale disposerait d'un produit supplémentaire de l'ordre de 400 millions d'euros, auxquels s'ajouteraient les 300 ou 400 millions d'euros provenant des stock-options et des actions gratuites, soit une recette totale d'environ 800 millions d'euros. C'est à peu de chose près l'équivalent de ce que devraient représenter les franchises sur l'assurance-maladie.
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous pourrions ainsi, d'un seul coup, doubler une partie des recettes attendues au profit de la branche maladie de la sécurité sociale.
J'ignore comment le Gouvernement va réagir à cette proposition. J'ajoute toutefois à l'attention de nos collègues de la commission des finances, mais également de celles et de ceux qui se sont émus de la taxation de la part salariale des stock-options - la précision me paraît utile -, que, bien entendu, la mise en place de la flat tax que tend à instaurer cet amendement n'aurait pas pour effet de taxer deux fois les stock-options : dans la mesure où elles sont taxées de manière spécifique, elles sont écartées de l'assiette de la taxation que je vous propose.
Tel est donc, mes chers collègues, l'objet de cet amendement. Certains le considéreront peut-être comme un amendement d'appel ; il n'en présente pas moins l'avantage de souligner devant la représentation nationale et devant le Gouvernement à quel point il est nécessaire et urgent de se pencher sur la question des recettes qui, demain, alimenteront le budget de la sécurité sociale et qui devront être suffisamment dynamiques pour répondre à l'évolution des dépenses. Nous ne pouvons pas nous contenter de régler le problème par les seules franchises, qui, à mes yeux - mais nous y reviendrons -, représentent une solution purement conjoncturelle, et nullement une solution structurelle. C'est en tout cas mon point de vue, que j'exprime à titre personnel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et je le partage !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. M. Vasselle propose au Gouvernement un travail très incitatif !
Nous avons déjà abordé ce sujet, et nous savons que la tâche est tout à fait considérable. Il faut bien avoir conscience que, si cet amendement est adopté - et je tiens à souligner tout l'intérêt qu'il présente -, il concernera également les chèques-restaurant, les chèques-vacances..., bref, divers revenus extra-salariaux dont il nous faudra veiller à bien dresser la liste, car nous devons être attentifs à ce qui sera taxé. Cela étant, l'idée d'une taxation qui frapperait un certain nombre de revenus -hormis les stock-options, auxquelles nous avons réservé un sort particulier - est une idée intéressante.
Cependant, comme cela avait été décidé, le Gouvernement est sur le point de remettre au Parlement un rapport - sa rédaction est achevée, il en est au stade de la mise en forme - dressant un état et donnant une évaluation financière des dispositifs qui affectent l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale. Cela nécessite une approche très rigoureuse - ces niches sociales sont effectivement une façon d'échapper à la cotisation sociale - mais, en même temps, extrêmement lucide : chaque niche correspond à des dispositifs qui n'ont pas été votés au hasard et qui, généralement, visent à créer de l'emploi. Certes, je suis plutôt de votre avis, il faut les revoir complètement ; mais il faudra, bien évidemment, examiner au cas par cas quelles seront les conséquences.
Par ailleurs - Alain Vasselle le sait très bien, puisqu'elle l'a elle-même indiqué au cours du débat sur les prélèvements obligatoires qui a eu lieu récemment dans cet hémicycle - Christine Lagarde est chargée d'une réflexion sur la « révision générale des prélèvements obligatoires », à laquelle je contribue. Dans cette revue figurera - je peux m'y engager au nom de Mme Lagarde - un chapitre consacré aux niches sociales et aux niches fiscales.
Le Gouvernement n'a pas pour intention d'en rester au statu quo ni de tout remettre aux calendes grecques, bien au contraire ; d'ici à la fin de l'année sera rendu public un diagnostic, accompagné de la remise à plat de l'ensemble des dispositifs concernés, et des propositions seront formulées tout au long du premier semestre de l'année 2008 pour être intégrées dans les textes qui vous seront soumis par la suite.
Sous le bénéfice de ces explications, vous pourriez peut-être considérer, monsieur le rapporteur, que votre amendement est un signal donné au Gouvernement pour l'inciter à aller plus loin dans le domaine des niches sociales, et envisager de le retirer, si vous en avez la possibilité. J'en serais, en tout cas, très heureux !
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. François Autain. C'est la troisième fois que la commission va retirer un amendement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous aurez compris, mes chers collègues, que le Gouvernement nous prie de lui accorder un peu de temps pour procéder à quelques expertises, pour mesurer les effets positifs ou négatifs d'une telle disposition, sans pour autant, je l'ai noté avec vous, en rejeter le principe.
M. Autain observe que, pour la troisième fois, je vais fléchir,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais il ne rompra pas ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... je vais courber l'échine.
M. Jean-François Humbert. Il s'en relèvera !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vais donc, sous la demande pressante du Gouvernement, accepter de retirer l'amendement et d'attendre le rapport de Mme Lagarde qui devrait nous éclairer sur la manière dont nous devrions procéder.
Cela étant, monsieur le ministre, vous ne faites que gagner quelques mois, car nous serons au rendez-vous dans un an. J'invite donc le Gouvernement et ses collaborateurs à se préparer à subir de notre part une nouvelle charge sur le sujet dès l'année prochaine !
Mme la présidente. L'amendement n° 235, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section ...
« De la contribution sociale sur les revenus financiers
« Art. L. 136-7-3. - L'ensemble des revenus financiers des personnes physiques et des personnes morales provenant des titres émis en France sont assujettis à une contribution sociale dont le taux est égal à la somme du taux défini à l'article L. 136-8 applicable à la contribution sociale mentionnée à l'article L. 136-1, additionné aux taux des cotisations, à la charge de l'employeur et du salarié, prévues au premier alinéa de l'article L. 241-1 du présent code et aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 241-3 du même code, et du taux de la cotisation, à la charge de l'employeur et du salarié sous le plafond du régime complémentaire conventionnel rendu obligatoire par la loi.
« Sont exonérés de cette contribution sociale les livrets d'épargne populaire, les livrets A, livrets bleus, livrets et comptes d'épargne logement. Les plans épargne populaire courants, avant promulgation de la présente loi, en sont également exonérés pendant cinq ans. Les revenus des biens immobiliers autres que ceux utilisés pour l'usage personnel du propriétaire et de sa famille directe sont assujettis à la même cotisation que les revenus financiers.
« La contribution est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A du code général des impôts. Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
« Les ressources des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, décès et vieillesse) sont abondées par le produit de cette contribution. Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes assurances sociales de la sécurité sociale. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 233, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section ...
« De la contribution sociale sur la valeur ajoutée
« Art. L. 136-7-4. - Il est créé une contribution sociale sur la valeur ajoutée. L'assiette prise en considération est l'excédent brut d'exploitation (dépenses de recherche et développement incluses) avant amortissement des survaleurs. Le taux est modulé en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, de façon à faire contribuer davantage les entreprises dont la part des salaires dans la valeur ajoutée est plus faible que la moyenne de leur branche d'activité. Il est fixé par décret, après consultation obligatoire du Conseil d'orientation des retraites.
« La contribution est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 205 du code général des impôts. Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
« Les ressources des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, décès et vieillesse) sont abondées par le produit de cette contribution. Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes assurances sociales de la sécurité sociale. »
« II. - L'article L. 241-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : «, ainsi que par une fraction du produit de la contribution sociale mentionnée à l'article L. 136-7-4 ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article additionnel avant l'article 9 ou avant l'article 16
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 140, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette réduction est appliquée aux gratifications versées aux stagiaires en application d'une convention de branche ou d'un accord professionnel étendu tel que visé à l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006. »
2° Le dernier alinéa du III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les stagiaires dont le temps de présence dans l'entreprise n'est pas égal à la durée du travail, le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond au temps de présence dans l'entreprise prévu dans la convention de stage. »
3° En conséquence, au I, après les mots : « aux salariés» sont insérés les mots : « et aux stagiaires ».
4° En conséquence, la première phrase du premier alinéa du III est complétée par les mots : « ou stagiaire ».
5° En conséquence, dans la quatrième phrase du III, après les mots : « la rémunération mensuelle du salarié » sont insérés les mots : « ou du stagiaire ».
II. - La perte de recettes pour l'État et la sécurité sociale résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 234, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est abrogé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Articles additionnels avant l'article 9
Mme la présidente. L'amendement n° 277, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux derniers alinéas de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 83 de la loi de finances pour 2005 a autorisé les entreprises à distribuer des actions gratuites à leurs salariés. En vertu de cette loi ainsi que des deux derniers alinéas de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ce sont donc des formes de rémunération qui échappent, sans motif valable et sans effet bénéfique sur l'emploi, à la taxation des traitements et salaires. Or, comme le rappelle régulièrement notre rapporteur Alain Vasselle, il n'y a aucune raison de ne pas établir de parallélisme entre budget de l'État et budget de la sécurité sociale, entre niches fiscales et niches sociales !
L'amendement n° 277 vise donc à inclure dans l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale les avantages résultant de l'attribution gratuite d'actions, que nous considérons comme des rémunérations déguisées. D'ailleurs, telle est également la position de la Cour des comptes et de son Premier président, Philippe Séguin.
Nous ne l'ignorons pas, ces attributions d'actions gratuites doivent s'analyser au regard de la situation économique et sociale de notre pays. D'un côté, des milliers de salariés travaillent dur et vivent péniblement de la rémunération de leurs efforts ; de l'autre, une poignée de salariés - je n'affirmerai pas qu'ils ne travaillent pas dur ! -bénéficient de l'octroi d'actions gratuites qui viennent encore diminuer le ratio travail/capital.
Cet amendement n'a donc d'autre objet que de permettre la réduction des inégalités entre les revenus du capital et les revenus du travail, mais aussi entre les différentes catégories de salariés.
Aujourd'hui, ne l'oublions pas, ce sont tous les salariés qui veulent bénéficier des plus-values que crée la réussite de leurs entreprises ; chacun de ceux que je rencontre me rappelle son désir de profiter, lui aussi, des gains et bénéfices nés de son travail. À cet égard, vous savez que l'un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés la plupart des grands pays industrialisés réside dans la répartition de plus en plus inégalitaire des richesses, ce qui conduit au développement accéléré de la grande pauvreté ou, tout du moins, de la précarité, au point que l'on parle d'« institutionnalisation » de la précarité.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous venons d'instaurer la taxation des attributions gratuites d'actions. La seule différence entre la proposition de notre collègue et la mesure que nous venons d'adopter porte sur le taux de cette taxation, puisque l'adoption de l'amendement de M. Fischer conduirait à appliquer aux actions gratuites le taux de droit commun.
Or, mon cher collègue, ce n'est pas le souhait qu'a exprimé la majorité sénatoriale quand elle a retenu l'amendement précédent. De plus, elle a rejeté voilà quelques instants un amendement du groupe socialiste, défendu par M. Marc, qui allait dans le même sens que votre proposition. Je ne pense donc pas que le Sénat vous suivra.
En tout état de cause, la commission des affaires sociales m'a mandaté pour émettre un avis défavorable, à moins que, tirant les enseignements des votes qui viennent d'avoir lieu, vous n'acceptiez de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Fischer, l'amendement n° 277 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oh oui !
Mme la présidente. L'amendement n° 276, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 242-4 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Le ratio ainsi obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret. Ces coefficients sont fixés de telle manière que les comptes prévisionnels des organismes de sécurité sociale et de l'UNEDIC soient en équilibre.
« Un autre décret détermine les modalités selon lesquelles le rapport salaire/valeur ajoutée est pris en compte. Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont associés au contrôle de ce ratio. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. J'ai bien conscience de revenir sur un sujet dont nous avons déjà débattu. Cependant, mes collègues et moi-même avons voulu compléter les dispositifs proposés par nos collègues socialistes. Tel est l'objet de cet amendement - et ce ne sera pas le dernier.
Malgré les trop nombreuses exonérations patronales, notre système de sécurité sociale est, pour sa plus grande partie - près de 60 % -, assis sur ce que l'on appelle les cotisations sociales.
À cela viennent s'ajouter notamment la CSG, qui n'a cessé de prendre de l'ampleur et qui s'accroîtra encore si l'on suit notre rapporteur, et qui sait, demain, comme le souhaite le rapporteur général de la commission des finances, la TVA sociale, qui feront reposer notre système de protection sociale toujours plus sur les consommateurs, les salariés, les retraités et de moins en moins sur les entreprises. Nous avons eu ce débat la semaine dernière. Nous étions peu nombreux, mais le président Arthuis est allé jusqu'à préconiser une exonération totale des cotisations patronales !
Cette fiscalisation est un vieux rêve de la droite, porté par M. Jacques Chirac et ses amis du MEDEF, qui y voyaient la possibilité de réduire le coût du travail, comme si cela pouvait avoir des conséquences favorables sur l'emploi ou sur notre système de protection sociale !
Cette problématique sera, me semble-t-il, au coeur du débat de 2008. Le ministre, Éric Woerth, a indiqué que 800 000 emplois étaient concernés et qu'il fallait conserver ces trappes à bas salaires afin de ne pas aggraver la situation dans ce domaine.
Or, nous le savons, ce système présente le double inconvénient d'être extrêmement dépendant des fluctuations boursières et d'inciter les entrepreneurs à licencier. En effet, les cotisations sociales étant assises sur les salaires, les entrepreneurs qui décident de licencier à des fins purement spéculatives parviennent à accroître la valeur de leurs actions et à économiser à la fois sur les salaires et sur les cotisations sociales.
Bien souvent, on le voit bien, la rentabilité des grandes multinationales repose sur des plans de licenciement. J'évoquais l'entreprise Moulinex tout à l'heure : on s'est vraiment livré à un « massacre à la tronçonneuse » au niveau des emplois ! Par ailleurs, j'ai lu dans la presse de ce jour que, dans les télécommunications notamment, au cours des mois et des années à venir, il fallait s'attendre, en Europe, à 700 000 voire à 800 000 suppressions d'emplois liées aux nouvelles technologies... Je n'avais encore jamais vu des chiffres pareils !
Mais qui paye l'addition ? Qui paye le coût de cet enrichissement d'une poignée d'actionnaires parfois situés aux États-Unis ? Ce sont les contribuables français, qui participent solidairement et collectivement à l'indemnisation française ! Mais les Français payent encore une seconde fois, puisque c'est sur eux que vient peser le manque de cotisations sociales ainsi provoqué.
Voilà le vrai scandale du chômage, celui que vous taisez systématiquement ! Les nouvelles statistiques, qui font baisser artificiellement à 8,1 % le taux de chômage, sont donc bien au coeur des débats et des préoccupations. Ce sont les Français les plus modestes qui participent à l'enrichissement d'une minorité : c'est à cela qu'il faut s'attaquer.
Alors, j'entends déjà la ritournelle selon laquelle nous n'aimerions pas les entreprises... Cet amendement témoigne de l'inverse. Toutes les études le montrent, le ratio travail-capital s'est inversé en quelques décennies, ce qui s'est inéluctablement traduit par des vagues de licenciements massifs.
Nous vous proposons donc, précisément parce que nous aimons les entreprises qui créent de l'emploi et de la valeur ajoutée, d'adopter cet amendement visant à asseoir les cotisations sociales non plus sur la masse des salaires mais sur le ratio emploi-valeur ajoutée.
Ainsi, les entreprises seraient invitées à embaucher, puisque leurs cotisations sociales seraient réduites d'autant. Elles n'auraient, au contraire, aucun intérêt à licencier. Enfin, l'État serait définitivement débarrassé de la pression sur les exonérations de cotisations sociales, l'employeur, par ses politiques d'emplois, devenant maître de son destin.
Voilà, en quelques mots, la réforme que je voulais esquisser devant vous. Vous me direz que je suis en pleine utopie ; néanmoins, je crois qu'il faut rêver et dire qu'il existe d'autres solutions que la vôtre, mais que vous ne les retenez pas.
Mme Gisèle Printz. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est dit !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fischer a lui-même présenté l'avis de la commission des affaires sociales ; il ne se fait donc pas d'illusion ! En tout cas, l'assiette qu'il prévoit est la plus volatile. Par conséquent, il ne me paraît pas souhaitable de le suivre dans ses propositions.
La commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 232, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat est abrogé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 278, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est institué une contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement visés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale.
II. - Cette contribution est due au titre des capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et profit visés au c) et e) de l'article L. 136-6 du même code. Ces contributions sont exigibles dans les mêmes conditions que celles applicables aux prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 10 %.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il aura fallu, mes chers collègues, un scandale de grande ampleur, un scandale mondial, pour que nous puissions, enfin, aborder en ces lieux la question des stock-options et de leur taxation !
Souvenez-vous, cette situation avait même ému M. Sarkozy, qui n'était pas alors Président de la République, et qui témoignait en ces termes de son indignation : «Celui qui prend des stock-options sans raison, je ne l'accepte pas, c'est injuste ». Cet émoi s'était alors répandu jusqu'au plus haut niveau et M. Louis Gallois, président d'EADS, avait proposé d'en finir avec ces horribles stock-options au bénéfice -attention, préparez-vous ! - d'actions gratuites, précisant même : «Chez EADS, les stock-options représentent 20 % de la rémunération complémentaire, les actions gratuites, 80 %. Il s'agit d'aller à 100% ».
Et puis, les mois passèrent, l'engagement pris par M. Sarkozy en fin de campagne de moraliser les pratiques d'attribution de stock-options et autres actions gratuites tomba dans l'oubli.
C'est à l'occasion de ce PLFSS qu'est examinée pour la première fois une mesure visant à taxer les stock-options. Ne vous y trompez pas, mes chers collègues, il ne s'agit ni de grand soir ni de la « nuit du 4 août 1789 » qui mettra fin à ces privilèges, non ! Tout juste nous est-il proposé un faible encadrement à 2,5 % alors que, dans le même temps, vous taxez les faibles revenus des préretraités à 7,5 %.
Alors, Nicolas Sarkozy a-t-il tenu ses promesses ? Hélas, non ! Il aura fallu l'intervention d'un député, M. Bur, pour qu'enfin l'oubli freudien, ou volontaire, de votre gouvernement soit réparé.
C'est donc au détour d'un amendement que cette question, pourtant au coeur de nombreuses interrogations, pour ne pas dire plus, fut abordée. Mais, est-il besoin de le rappeler, la taxation proposée par votre majorité à l'Assemblée nationale est loin d'être satisfaisante ! On l'a dit, mais il n'est pas inutile, de temps en temps, d'appliquer la méthode Coué : cette taxation devrait rapporter tout au plus 400 millions d'euros, là où la Cour des comptes, qui n'est pourtant pas une antichambre de la gauche, estimait que la non-taxation des stock-options avait fait perdre à l'État un peu plus de 3 milliards d'euros en 2005.
Je me souviens de mon étonnement à la lecture du rapport de la Cour des comptes ; il y était écrit, en effet, qu'il fallait nécessairement imposer les stock-options, puisque celles-ci constituaient des revenus indirects liés au travail et devaient donc être soumises à cotisation.
On s'étonnera donc de cette faible taxation, presque risible si elle ne privait pas la protection sociale de revenus dont elle aurait pourtant grand besoin.
L'amendement que je vous présente - je connais le sort qui va lui être réservé - est très raisonnable, puisqu'il vise à assujettir les stock-options à une taxation de 10 %. Cette mesure, si vous décidiez de l'accepter, permettrait de moraliser un peu plus - seulement un peu plus, nous en sommes conscients - l'attribution de revenus indirects déguisés et fortement inégalitaires dans leur répartition, puisque, rappelons-le, la plus-value moyenne des cent mille bénéficiaires de stock-options en 2005, à savoir 85 688 euros, était cent fois inférieure à la moyenne des cinquante premiers bénéficiaires, qui s'élevait à 9 635 421 euros !
Cette taxation rapporterait environ 1,2 milliard d'euros, qui viendraient alimenter les caisses d'une sécurité sociale en mal de recettes. Nous ne comprendrions donc pas pourquoi, à moins de vouloir organiser vous-même la banqueroute de notre système, vous refuseriez cette juste et bien raisonnable mesure.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 278.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9
I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 162-16-5-1, les mots : « à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « aux organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. » ;
2° La première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 162-17-2-1 est ainsi rédigée :
« La pénalité est recouvrée par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. » ;
3° Dans la première phrase de l'antépénultième alinéa de l'article L. 162-17-4 et de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 162-17-7, après le mot : « par » sont insérés les mots : « les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de » ;
4° Le dernier alinéa de l'article L. 162-18 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les remises sont recouvrées par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. » ;
5° Dans l'article L. 245-1, après les mots : « des travailleurs salariés » sont insérés les mots : « et de la Haute Autorité de santé » ;
6° L'article L. 245-2 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa du I, les mots : « du dernier exercice clos » sont remplacés par les mots : « du ou des exercices clos depuis la dernière échéance » ;
b) Le 1° du II est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L'abattement forfaitaire est modulé, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, lorsque la durée du ou des exercices clos depuis la dernière échéance de la contribution est différente de douze mois ; »
c) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les entreprises appartenant à un groupe, les abattements mentionnés aux 2° et 3° sont reportés, lorsqu'ils sont supérieurs à l'assiette de la contribution, au bénéfice d'une ou plusieurs entreprises appartenant au même groupe selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. » ;
7° L'article L. 245-4 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre », et les mots : « du dernier exercice clos » sont remplacés par les mots : « du ou des exercices clos depuis la dernière échéance » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant du chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa est modulé, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, lorsque la durée du ou des exercices clos depuis la dernière échéance de la contribution est différente de douze mois. » ;
8° L'article L. 245-5-2 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, les mots : « du dernier exercice clos » sont remplacés par les mots : « du ou des exercices clos depuis la dernière échéance » ;
b) Dans la dernière phrase du 1°, après le mot : « inscrits », sont insérés les mots : « aux titres Ier et III » ;
c) L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cet abattement est modulé, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, lorsque la durée du ou des exercices clos depuis la dernière échéance de la contribution est différente de douze mois. » ;
9° L'article L. 245-5-3 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre », et les mots : « du dernier exercice clos » sont remplacés par les mots : « du ou des exercices clos depuis la dernière échéance » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant du chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa est modulé, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, lorsque la durée du ou des exercices clos depuis la dernière échéance de la contribution est différente de douze mois. »
II. - Supprimé.
III. - Le taux de la contribution mentionnée à l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale due au titre du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année 2008 est fixé, à titre exceptionnel, à 1 %.
III bis. - L'article L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
IV. - Pour le calcul des contributions dues au titre de l'année 2008 en application de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, le taux de 1,4 % est substitué au taux K mentionné dans les tableaux figurant au même article.
V. - Les 1° à 4° du I entrent en vigueur le 1er juillet 2008.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Les Français consomment davantage de médicaments que leurs voisins européens et recourent à des produits plus récents, donc plus chers, prescrits par les médecins. C'est ce que confirme une étude de la CNAM, publiée le 19 octobre dernier, portant sur neuf classes de médicaments.
Avec un coût moyen de 130 euros par habitant, notre pays est le plus dépensier. Cette facture pourrait être réduite rapidement grâce à l'utilisation de génériques. En effet, même lorsque la France n'est pas le premier consommateur d'un produit, elle se distingue par des dépenses plus importantes. À titre d'exemple, les IPP, les inhibiteurs de la pompe à protons, les statines et les antihypertenseurs engendrent à eux seuls un différentiel de 1,5 milliard d'euros entre la France et l'Allemagne.
S'agissant des inhibiteurs de la pompe à protons, utilisés notamment dans le traitement de l'ulcère, la France figure à la deuxième place du classement derrière l'Espagne, avec une consommation moyenne de vingt-deux comprimés contre vingt-neuf comprimés chez nos voisins ibériques. Mais les génériques sont privilégiés dans 85 % des cas en Espagne et à peine dans 50 % des cas dans l'Hexagone. Le coût moyen par habitant est donc de 16,50 euros en France, alors qu'il est d'environ 9,50 euros en Espagne, mais aussi en Allemagne et au Royaume-Uni. La France pourrait économiser jusqu'à 430 millions d'euros en se comportant comme ses voisins en matière de recours génériques.
Plus globalement, les soins de ville ont dérapé en 2007 de près de 3 milliards d'euros, dont 1,2 milliard sont imputables à la seule croissance du poste médicament. Or, selon la Cour des comptes et l'UFC-Que Choisir, une telle croissance est non seulement une aberration économique, mais elle n'est même pas porteuse d'un meilleur service pour le malade, ni d'une amélioration conséquente de la prise en charge de la maladie.
En effet, l'assurance maladie rembourse des médicaments de plus en plus onéreux, qui aggravent le déficit sans apporter de réelles avancées en matière thérapeutique. Ils sont même, parfois, moins efficaces que ceux qu'ils sont censés remplacer.
C'est ainsi que, selon la Haute autorité de santé, 80 % à 85 % des nouveaux médicaments mis sur le marché n'apportent aucune innovation. Ils servent seulement les bénéfices des laboratoires. Dans un tel système, la contribution de 1 % sur le chiffre d'affaires demandée à ces derniers est ridicule au regard des bénéfices colossaux qu'ils réalisent chaque année sur le dos de la sécurité sociale.
Alors que les assurés sociaux sont, depuis des années, la variable d'ajustement du financement de la sécurité sociale, alors que leur prétendue responsabilité dans la dérive des comptes sert, chaque année, à justifier les efforts qui leur sont demandés et les déremboursement qui leur sont infligés, les autres acteurs du système de santé rechignent devant la moindre prise de conscience de leur rôle et de leur responsabilité dans les dérives de notre système.
C'est ainsi que les laboratoires pharmaceutiques orchestrent un véritable lobbying pour faire croire que la moindre taxe met en danger leur capacité à investir dans la recherche et fragilise leur avenir. Pourtant, les chiffres d'affaires des entreprises pharmaceutiques en font l'industrie la plus rentable au monde, avant même les banques et les compagnies pétrolières.
M. François Autain. Pas cette année, si l'on pense à Total !
Mme Raymonde Le Texier. Par exemple, en 2006, Sanofi-Aventis a empoché 7 milliards d'euros de bénéfices. On aurait pu imaginer que la majeure partie de cette somme alimenterait la recherche. Mais la firme a préféré répartir ses gains en rétribuant, d'abord, ses actionnaires à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Quant aux 4,5 milliards d'euros restants, si vous pensez qu'ils ont permis d'augmenter les salaires du personnel ou d'investir dans la recherche, vous vous trompez : 3 milliards d'euros ont d'abord servi à l'entreprise pour racheter ses propres actions afin d'en faire grimper le cours !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut aussi protéger l'entreprise !
Mme Raymonde Le Texier. Ce sont aussi 3 milliards d'euros que l'entreprise consacre chaque année à la recherche et au développement. Autrement dit, elle dépense autant dans un cas que dans l'autre !
Cette recherche, on a pu voir qu'elle accouchait trop souvent de molécules qui n'ont de nouvelles que le nom et la présentation. Dans ces conditions, les patients atteints de maladies orphelines ou ceux souffrant de maladies parasitaires, qui touchent presque exclusivement les habitants des pays du Sud, peuvent toujours attendre que l'on découvre les thérapeutiques appropriées !
Or le médicament n'est pas un produit comme les autres. Son coût étant en grande partie assumé par la collectivité, on est non seulement en droit d'exiger que son prix reflète essentiellement son coût de production, mais également que sa prise en charge dépende de la réalité du service rendu et non de l'efficacité de la branche marketing du laboratoire !
La surconsommation actuelle est la conséquence de la pratique médicale et de la promotion du médicament par les laboratoires. Ceux-ci investissent 2 milliards d'euros par an dans les visites médicales ; c'est dire si le retour sur investissement attendu est important. Or, actuellement, l'information sur le médicament est dépendant des entreprises pharmaceutiques : faut-il s'étonner de l'explosion des prescriptions de nouveaux produits dés lors que la formation continue des médecins est assurée à 90 % par l'industrie pharmaceutique ?
En outre, les organismes chargés de l'évaluation des produits de santé s'appuient largement sur des experts externes. Or la Cour des comptes affirme que, dans ce cadre, « la transparence des procédures d'évaluation et la gestion des conflits d'intérêts demeurent insuffisantes ». C'est ainsi que, bien souvent, l'expert chargé d'évaluer un médicament est employé par le laboratoire qui le produit.
En multipliant franchises et déremboursements, vous mettez en place un système niant l'esprit de solidarité et de mutualisation, qui est le fondement de notre protection sociale. A contrario, une véritable politique du médicament pourrait permettre de réaliser un travail à la fois juste et ambitieux sur la maîtrise médicalisée des dépenses.
Prescripteurs et laboratoires devraient être parties prenantes d'une telle évolution, tant leur rôle en la matière est prépondérant et tant leurs choix pèsent en termes de coût pour la collectivité.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Raymonde Le Texier. Aujourd'hui, ce qui est véritablement nécessaire, c'est la mise en place d'une politique du médicament alliant effort sur la diffusion des génériques -c'est très important -, travail sur la fixation des prix, maîtrise de l'information sur le médicament, contrôle et formation des prescripteurs, évaluation rigoureuse du service médical rendu des nouvelles molécules et de celles existantes, transparence et rigueur des évaluations avant et après la mise sur le marché.
En un mot, il serait urgent que l'assurance maladie assure les patients plutôt que les bénéfices des laboratoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 280, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le III de cet article, supprimer les mots :
, à titre exceptionnel,
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement vise simplement à revenir au texte initial, qui nous semble beaucoup plus réaliste.
Le taux de la contribution due au titre de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale a toujours été supérieur à celui de 0,6 % fixé par la loi de 2004. Par exemple, il était de 1 % l'année dernière, comme cette année. Je ne vois donc pas pourquoi le taux d'une taxe qui a tendance à être fixé de façon pérenne devrait se voir accoler le qualificatif « à titre exceptionnel ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qu'on la qualifie comme on veut, pourvu qu'on la paye ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission sollicite l'avis du Gouvernement, car il est vrai que le taux de cette contribution, qui devait revêtir un caractère exceptionnel, commence à devenir pérenne.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le fait de conserver le caractère « exceptionnel » permet de discuter chaque année de la modulation du taux en fonction de l'évolution de la consommation de médicaments.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est parce qu'on y revient chaque année que c'est exceptionnel ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Monsieur le ministre, si je comprends bien, vous étiez défavorable à la rédaction du texte initial dans lequel le mot « exceptionnel » ne figurait pas...
Cela étant, je n'irai pas jusqu'à dire que c'est vous qui avez inspiré l'amendement qui a été déposé à l'Assemblée nationale...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Alors, qualifions ce taux d'« inestimable » au lieu d'« exceptionnel » ! (Sourires.)
M. François Autain. Vous préférez donc que le projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe chaque année le taux de cette contribution ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, il s'avère que j'ai été convaincu par les arguments des députés. Vous voyez, cela peut arriver !
Mme la présidente. L'amendement n° 279, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le III de cet article, remplacer le taux :
1 %
par le taux :
4 %
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement n'a plus de raison d'être depuis que la commission des finances a retoqué ceux qui l'accompagnaient. Je ne sais pas pourquoi celui-ci a survécu ! Toujours est-il que cela me donne l'occasion de vous interroger, monsieur le ministre, sur la fiscalité du médicament.
Il s'agit d'un système très compliqué, qui comporte pas moins de onze taxes. Or leur rendement laisse beaucoup à désirer. Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments.
À l'origine, cette taxe avait pour objectif de limiter les dépenses promotionnelles de l'industrie pharmaceutique en matière de médicaments. Il ne semble pas qu'elle y soit parvenue. La Cour des comptes a, d'ailleurs, demandé que son impact soit évalué afin de déterminer ses effets réels.
La lecture du rapport relatif à l'information des médecins généralistes sur le médicament que vient de publier l'IGAS ce mois-ci est éclairante sur ce point. Il apparaît que ces dépenses promotionnelles, loin de diminuer sous l'effet de cette taxe, semblent au contraire être en croissance quasi exponentielle.
Entre 1999 et 2005, les dépenses promotionnelles de l'industrie pharmaceutique auraient ainsi augmenté de 48 %. En 2005 - je ne croyais pas que l'on pouvait arriver à de tels montants -, elles auraient atteint le chiffre impressionnant de 3 milliards d'euros. Avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 20 milliards d'euros, cette somme représente 15 % des dépenses. Je pense que les laboratoires consacrent un pourcentage au moins aussi important aux dépenses de recherche ! En tout cas, retenez bien ce chiffre, mes chers collègues.
Cet exemple montre à quel point il est urgent de s'interroger sur la pertinence de toutes ces taxes, de réduire leur nombre, d'en stabiliser et d'en simplifier le mode de calcul. C'est, d'ailleurs, une recommandation de la Cour des comptes. J'aimerais savoir si le Gouvernement a l'intention de procéder à cette réforme qui s'impose.
En attendant, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 279 est retiré.
L'amendement n° 3, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires, sociales est ainsi libellé :
Compléter le III bis de cet article par les mots :
à compter du 1er janvier 2008
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. En matière de fiscalité, il n'est pas bon de « jouer au yoyo » chaque année, et je sais que le Gouvernement est du même avis. Évitons de créer une taxe une année, puis de la supprimer l'année suivante ou de décider d'accorder des crédits d'impôt à un autre moment, car les entreprises manquent de lisibilité.
Il est normal d'instaurer de nouveaux dispositifs en fonction de la conjoncture économique, mais, en l'occurrence, le Gouvernement supprime un dispositif d'aide fiscale à la recherche qui profitait aux entreprises. Avant de mettre en place un nouveau système, il y aura un vide pendant quelques mois.
Nous sommes partisans de la stabilité de ces mesures, dont le Gouvernement reconnaît d'ailleurs la pertinence, puisqu'il va les réintroduire avec des modalités nouvelles. En attendant, je le répète, il n'est pas opportun de supprimer cet avantage fiscal.
Mme la présidente. J'appelle en discussion commune l'amendement n° 79, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, qui, bien qu'étant rédigé différemment, a le même objet. Il est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
VI. - À titre transitoire, les dispositions de l'article L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale demeurent en vigueur, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, pour les dépenses de recherche exposées au cours de l'année civile 2007.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet amendement a la même inspiration que celui de la commission des affaires sociales, même s'il est rédigé différemment. Je crois donc qu'il est préférable de l'examiner dès à présent.
Même si nous nous opposons parfois avec le rapporteur de la commission des affaires sociales, nous avons la même approche en matière de stabilité de la fiscalité vis-à-vis des grandes entreprises, quel que soit d'ailleurs leur coeur de métier.
S'agissant des entreprises du médicament - et je suis très heureux que nombre d'entre elles soient installées sur notre territoire -, je sais que, lorsque leurs représentants en France rencontrent d'autres dirigeants européens ou américains, on leur demande souvent ce qu'ils font de nouveau et combien de millions ils y consacrent. Or le manque de lisibilité et de stabilité risque de les pénaliser.
Cet amendement vise donc à maintenir, pour les dépenses de recherche menées au cours de l'année 2007, le bénéfice de l'abattement institué par l'article L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale.
Il convient, en effet, de rappeler que ce dispositif est très récent, puisqu'il a été institué à la suite du conseil stratégique des industries de santé par la loi du 26 février 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.
Je comprends l'argumentation du Gouvernement tendant à rapprocher l'avantage futur lié à la refonte du crédit d'impôt recherche avec l'abattement actuel.
J'observe toutefois, monsieur le ministre, que la nouvelle formule du crédit d'impôt recherche, si elle devait être adoptée en l'état par le Parlement, profiterait aux dépenses de recherche exposées à compter du 1er janvier 2008. Or les dépenses de recherche prises en compte dans l'abattement sont celles qui sont exposées au titre de l'année 2007.
Une abrogation sans autre précision du dispositif soulève donc, selon nous, un problème de lisibilité et de stabilité fiscales pour les entreprises, qui ont nécessairement intégré cet abattement dans leur plan annuel de recherche.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je vais tout d'abord essayer de répondre à la question qui m'a été posée par M. Autain, même si je ne dispose pas de tous les éléments nécessaires pour ce faire.
Il est vrai que la contribution fondée sur les dépenses de promotion des médicaments rapporte beaucoup, soit 257 millions d'euros en 2007. Il est vrai également que, aujourd'hui, l'évaluation n'est pas très claire.
L'idée est de mieux organiser la pression exercée sur les médecins par des laboratoires, au travers des visites médicales. En conséquence, une charte de la visite médicale est en train d'être élaborée par le Comité économique des produits de santé, le CEPS, et le rapport assez critique de l'IGAS sur ce sujet sera évidemment rendu public.
M. François Autain. Tout à fait, monsieur le ministre ; c'est à ce rapport que je faisais référence !
M. Éric Woerth, ministre. Cette contribution existe, même s'il reste probablement beaucoup à faire dans ce domaine, et - je le répète - elle rapportera cette année, à la sécurité sociale, 257 millions d'euros. Il y a également d'autres taxes, monsieur Autain, que vous connaissez, puisque vous en avez citées quelques-unes.
En ce qui concerne les amendements nos 3 et 79, qui portent sur le même thème, je comprends bien les arguments avancés par MM. Jégou et Vasselle.
Certes, il s'agit, d'une certaine façon, d'un changement des règles pour l'année 2008, qui coûtera 50 millions d'euros à l'industrie pharmaceutique dans son ensemble. Cependant, je vous demande de faire en sorte que cette contribution soit maintenue. En effet, 50 millions d'euros, ce n'est pas une petite somme.
Le crédit d'impôt recherche proposé est un dispositif nouveau qui, pour 2009, sera considérable. Le renforcement de ce dispositif par le Gouvernement, sa multiplication par deux ou par trois, puisqu'il sera huit fois supérieur au précédent, le rend extrêmement puissant.
Ce renforcement profitera, d'abord, à l'industrie pharmaceutique, qui le sait et qui en est satisfaite. C'est d'ailleurs une bonne chose, car nous pouvons être fiers de notre industrie pharmaceutique.
En réalité, cette dernière récupérera à une vitesse record les 50 millions d'euros qu'elle versera en 2008 et qui contribuent à l'équilibre de la sécurité sociale et de la protection sociale. En effet, le crédit d'impôt recherche représentera 500 millions d'euros par an.
Certes, comme vous l'avez souligné, un changement est intervenu dans les règles du jeu. Cependant, dans la mesure où le dispositif a été voté au début de l'année 2007, j'imagine que cela n'affectera pas les programmes de recherche, qui sont prévus longtemps à l'avance.
Je ne suis donc pas sûr qu'un programme de recherche se trouvera totalement perturbé par cette surtaxation, comme vous le craignez, d'autant que le crédit d'impôt recherche pour 2009 sera infiniment plus puissant que le crédit d'impôt recherche précédent. L'un dans l'autre, l'industrie pharmaceutique s'y retrouvera, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, car nous avons besoin d'elle.
Je demande donc à MM. Jégou et Vasselle de bien vouloir retirer leurs amendements. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, notre discussion s'est déroulée dans une ambiance très agréable : aussi bien M. Vasselle que moi-même avons fait preuve de compréhension. Néanmoins, sur ce point, permettez-moi de vous dire que je ne vous comprends absolument pas.
Vous reconnaissez que les règles ont été changées, que cette contribution rapportera 50 millions d'euros à la sécurité sociale, mais vous affirmez que cela n'aura aucune incidence, puisque les programme de recherche ne se déclenchent pas du jour au lendemain et sont prévus de longue date.
Franchement, monsieur le ministre, il en va de notre crédibilité et de la stabilité fiscale de ce pays. Nous sommes déjà la risée de l'étranger !
Nous ne sommes pas là pour voter n'importe quoi !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Or, c'est ce que vous nous demandez de faire ! (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Il faut vraiment que nous puissions être crédibles. Nous essayons de faire notre travail sérieusement. Il existe une instabilité, vous le reconnaissez vous-même, qui finalement porte préjudice aux entreprises venant s'installer en France. Je le répète, nous sommes la risée des autres, et vous le savez !
Vous ne pouvez pas dire que la mesure ne coûtera rien, car les entreprises pharmaceutiques se « referont ». Nous ne sommes pas dans un casino ! (Nouveaux murmures sur les mêmes travées.)
Franchement, monsieur le ministre, il s'agit de programmes de recherche !
En tout état de cause, je maintiens cet amendement ; il ne sera peut-être pas adopté, mais je demande à mes collègues de bien réfléchir avant de se prononcer !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 79 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La position ferme de M. Jégou interpelle certainement le Gouvernement et l'ensemble du Sénat.
En ce qui me concerne, j'ai été mandaté par la commission des affaires sociales pour défendre l'amendement n° 3, que j'ai présenté en son nom.
Voilà quelques instants, j'ai retiré trois amendements successifs. Trois amendements, vous en conviendrez, mes chers collègues, c'est déjà beaucoup !
Il me semble que le Sénat est capable, dans sa sagesse, de prendre la décision qui lui paraît la plus opportune. Je m'en remets donc à elle.
Vous ferez l'analyse, mes chers collègues, à la fois de mes arguments et de ceux qui ont été avancés par M. le ministre, et qui sont sans doute à prendre également en considération.
Mme la présidente. La parole est à M .le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas d'accord, monsieur le rapporteur pour avis, que la discussion n'est pas sereine.
Je veux souligner que l'abattement porte sur les salaires des chercheurs et non sur des dépenses d'équipement qui seraient engagées et pour lesquelles on changerait les règles du jeu. Les postes de chercheur existent et continueront d'exister.
Si, dès 2009, un dispositif de crédit d'impôt recherche extrêmement puissant ne venait pas compenser cette perte, la commission des affaires sociales et la commission des finances auraient raison. D'ailleurs, sans cela, nous ne proposerions pas une telle mesure !
L'industrie pharmaceutique, après un mois et demi de mise en place du nouveau dispositif, récupérera les 50 millions d'euros qu'elle versera en 2008. Il n'y a donc pas péril en la demeure !
Je n'ai d'ailleurs pas entendu les représentants de l'industrie pharmaceutique crier au loup ! Ils ont bien pris en compte l'idée que le crédit d'impôt recherche était conçu avant tout pour une industrie capitalistiquement forte, qui engage des dépenses de recherche et dont nous sommes fiers.
Ces 50 millions d'euros qui iront à la protection sociale seront acquittés par une industrie qui retrouvera très vite cet argent ...
M. Guy Fischer. C'est évident !
M. Éric Woerth, ministre. ... au travers d'un crédit d'impôt recherche pérenne cette fois, voté dans de bonnes conditions, et qui a reçu à droite comme à gauche un accueil plutôt favorable.
Je crois donc en la sagesse du Sénat.
M. François Autain. Nous soutenons le Gouvernement !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En retirant deux amendements, nous avons tout à l'heure privé le Gouvernement de 200 millions d'euros, puis de 450 millions d'euros !
Je crois que M. le rapporteur a raison en s'en remettant à la sagesse du Sénat. Il ne faudrait pas, en effet, que nous privions le Gouvernement de 50 millions d'euros supplémentaires. En conséquence, nous avons peut-être intérêt à suivre le Gouvernement et à être plus fermes lorsque nous trouverons de nouvelles ressources.
À l'avenir, il ne faudra plus retirer les amendements qui créent de nouvelles recettes ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous en parlerons à l'article 16 !
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Nous ne voterons pas les amendements de MM. Vasselle et Jégou, et nous soutiendrons la position du Gouvernement, car elle nous semble la plus rationnelle.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais alors, vous êtes les alliés du grand capital ? (Sourires.)
M. Guy Fischer. Nous sommes honnêtes !
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 79 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 281, présenté par MM. Autain et Fischer, Mme David, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Dans le IV de cet article, remplacer le taux :
1,4 %
par le taux :
1 %
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Le taux K joue un rôle important, puisqu'il conditionne le montant des remises auxquelles sont assujettis les laboratoires pour le cas où leur chiffre d'affaires dépasserait ce pourcentage.
Pourquoi ce taux, qui depuis trois ans était fixé à 1 %, est-il porté cette année à 1,4 % ? Il agit directement sur le chiffre d'affaire des laboratoires, sur la consommation des médicaments ainsi que sur les remises qui sont accordées et reversées à la sécurité sociale.
Si le taux K augmente, il est évident que la consommation de médicaments risque de croître alors que les reversements effectués au profit de la sécurité sociale diminueront.
C'est la raison pour laquelle je demande que ce taux soit ramené au niveau qui était le sien l'année dernière et au cours des deux années précédentes, à moins que M. le ministre ne dispose d'arguments convaincants pour justifier le changement qu'il propose.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Autain savait que l'amendement précédent ne serait pas adopté et il s'est dit que 50 millions d'euros, ce n'était pas beaucoup pour les laboratoires et qu'on pouvait leur demander un peu plus ! Il a donc déposé un amendement qui tend à ramener la clause de sauvegarde de 1,4 % à 1 %.
Or, tel n'est absolument pas le souhait la commission des affaires sociales. Elle émet donc un avis défavorable, à moins, bien sûr, monsieur Autain, que vous ne puissiez trouver de nouveau un point d'accord avec le Gouvernement !
M. François Autain. Il ne faut pas exagérer ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Le taux K est effectivement, cette année, plus élevé que l'année dernière parce qu'il est en cohérence avec la construction de l'ONDAM. Comme je l'ai souligné dans la discussion générale, un ONDAM à la fois maîtrisé et réaliste, par rapport à l'année dernière, doit évidemment être construit sur un certain nombre d'hypothèses, dont celle qui concerne le médicament.
Il est donc assez logique que tous ces éléments soient mis en cohérence.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 281.
M. François Autain. Je ne vois pas où est la cohérence entre le taux K et les évolutions de l'ONDAM.
En 2005, 2006 et 2007, le taux K a été fixé à 1 %. Les taux d'évolution de l'ONDAM ont été respectivement de 4 %, 3,1 % et, cette année, ce taux sera sans doute de 4 %.
Les dépenses de soins de ville, quant à elles - puisqu'on pourrait aussi dire que la régulation va porter sur les soins de ville -, n'ont pas beaucoup évolué puisque leur taux était de 3,1 % en 2005, 2,4 % en 2006 et 3,6 % en 2007.
Donc, je ne vois pas du tout la corrélation pouvant exister entre l'évolution de ces taux et le fait que l'on porte aujourd'hui le taux K de 1 % à 1,4 %, d'autant moins que la progression prévue pour l'année prochaine semble plutôt inférieure à celle que nous avons connue au cours des trois années précédentes. Il paraît paradoxal, alors que l'évolution actuelle est plutôt plus faible, de choisir d'augmenter le taux K cette année.
C'est parce que je ne m'expliquais pas cette discordance que j'avais déposé cet amendement. Comme vous ne m'avez pas apporté d'explication très convaincante, monsieur le ministre, je le maintiens.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Il est normal que vous ne voyiez pas la connexion dans le passé entre le taux K et l'ONDAM : il n'y en avait pas ! Le taux K avait été bloqué sur trois ans sans qu'il y ait de connexion avec l'évolution des autres taux.
Nous avons essayé, cette année, d'établir une connexion de façon à mettre en place un système plus cohérent.
L'augmentation du chiffre d'affaires est relativement faible ; ce taux de 1,4 % - alors qu'il pourrait, en tendanciel, être de 5 % ou 6 % sur le médicament - témoigne d'une réelle volonté de maîtriser la consommation et l'évolution du chiffre d'affaires des laboratoires. Il n'y avait pas de connexion dans le passé avec l'évolution de l'ONDAM ; il y en a une aujourd'hui.
Mme la présidente. L'amendement n° 258, présenté par MM. Leclerc, Dériot et Bizet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Le II de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale est abrogé.
... - La perte de recettes pour l'État résultant du paragraphe ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le ministre, dans cet article, comme vient de le rappeler M. Autain, le taux K est un élément essentiel.
Vous avez fixé un taux K identique pour l'ensemble des médicaments, ceux qui sont inscrits sur la liste de rétrocession et l'ensemble des médicaments de ville. Certains contestent le passage de 1 % à 1,4 %, mais, pour ma part, je voudrais m'attarder quelques instants sur l'innovation, surtout en matière médicamenteuse.
Les médicaments issus de la recherche innovante coûtent cher. J'étais d'ailleurs assez consterné, madame Le Texier, par les propos que vous avez tenus sur la recherche en matière de médicaments, car, actuellement, si cette recherche peut donner des résultats, c'est parce que le privé et le public s'entrecroisent, la recherche fondamentale comme la recherche appliquée allant dans le même sens.
Ces médicaments sont certes onéreux, mais ils permettent de traiter des maladies graves, dont sont victimes nos concitoyens, parfois nos proches.
Dans quelques jours, sera annoncée une avancée extraordinaire en matière de lutte contre le VIH, qui est le fruit d'une recherche performante, développée dans notre pays. Nous connaissons tous malheureusement ces spécialités que sont l'oncologie et l'hématologie. Si, aujourd'hui, le pronostic concernant les personnes frappées par de nouvelles maladies est beaucoup plus favorable, c'est grâce à la recherche qui est développée en France et portée par le médicament.
Si notre collègue M. Cantegrit se réjouit de voir nos jeunes scientifiques partir à l'étranger, pour ma part, j'aimerais les garder sur le sol français.
N'oublions pas non plus - c'est très important -, que cette recherche porte l'innovation. Il suffit de regarder ce qui se passe dans les pays émergents, où la croissance résulte essentiellement de la recherche et de l'innovation. Or, en France, nous persistons à croire - nous sommes bien les seuls - que notre croissance sera essentiellement portée par la consommation.
Alors, de grâce, monsieur le ministre, même si le PLFSS est annuel, même si notre première préoccupation est d'assurer l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, en matière de recherche, il faut mener une politique sur le long terme.
Récemment encore, l'un des rares laboratoires familiaux de France de dimension internationale se battait afin de faire venir un pharmacologue de renommée mondiale. Actuellement au nombre de cinq sur le marché, ces chercheurs sont, pour la plupart, anglo-saxons. Il faut des sommes considérables pour attirer chez nous ces chercheurs de réputation mondiale.
Et il ne s'agit pas seulement de faire vivre une industrie et de permettre à des laboratoires d'accroître leurs marges : songeons aussi à nos concitoyens, qui attendent des réponses innovantes face à ces maladies évolutives qui les frappent. Or ces réponses peuvent être médicamenteuses et portées par de jeunes scientifiques français, ainsi que par tout un appareil de production. Ainsi, c'est grâce à la combinaison de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée que des résultats sont obtenus.
Monsieur le ministre, soyons attentifs à la recherche et à l'innovation, qui sont nos armes de demain. Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Depuis l'instauration dans le PLFSS pour 2005 de la clause de sauvegarde applicable à la rétrocession, la commission n'a pas varié sa position : elle souhaite son maintien. Elle aimerait toutefois entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Peut-être M. Leclerc comme M. le ministre pourraient-ils nous éclairer sur les recettes à attendre du web-médecin à l'hôpital, qui devraient compenser la perte de recettes qu'entraînerait pour le Gouvernement la non-application de la contribution de 1,4 % pour protéger la recherche et l'innovation.
Nous avons eu à débattre de ce sujet lors des auditions que nous avons organisées avec les représentants de différents laboratoires de recherche, le LIR - Laboratoires internationaux de recherche - et le LEEM, les entreprises du médicament. J'ai fait valoir auprès des intéressés qu'il me paraissait important que l'on puisse aider les laboratoires en matière de recherche et d'innovation. C'est notamment ce qui a motivé l'amendement que mon collègue Jean-Jacques Jégou et moi-même avons défendu il y a quelques instants, en faveur d'une continuité dans les dispositifs fiscaux en faveur de la recherche et de l'innovation.
Ainsi que M. Leclerc l'a justement souligné, en matière de recherche et d'innovation, il ne faut pas que nous relâchions notre effort d'investissement. En effet, cette recherche prépare les produits de demain et elle nous permettra de faire face à l'évolution de pathologies dont les traitements représentent des engagements financiers de plus en plus importants, que nous obtenons grâce à l'hôpital avec la rétrocession.
Donc, cet amendement est pertinent par son caractère d'appel, mais la commission aimerait connaître l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, mais pas sur le fond, car nous sommes évidemment tous d'accord pour soutenir la recherche.
En réalité, il s'agit d'un mécanisme de régulation important, parce que le taux d'évolution sur ce type de médicament est de 15 % par an. Par ailleurs, la clause de sauvegarde ne s'applique pas aux médicaments les plus innovants. Donc, ces derniers bénéficient déjà d'une exonération. À partir du moment où des conventions existent, il y a un accord-cadre entre le comité économique des produits de santé et les entreprises de médicaments qui font la liste des médicaments concernés.
Donc, il existe bien un dispositif d'exonération et l'innovation, dont vous parlez avec conviction, monsieur Leclerc, est protégée par ce dispositif.
Enfin, il s'agit de 15 millions d'euros. C'est aussi une recette supplémentaire pour l'assurance maladie.
Par conséquent, les objectifs que vous visez sont d'ores et déjà atteints grâce aux dispositifs existants.
Mme la présidente. Monsieur Leclerc, l'amendement n° 258 est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Je vous ai tout à fait compris, monsieur le ministre. J'ai, dans mon intervention précédente, quelque peu débordé de la liste de rétrocession et me suis laissé emporter par le sujet de l'innovation.
Bien évidemment, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 258 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie, une contribution sur les boissons sucrées à l'exception des eaux minérales aromatisées et des jus de fruits.
Cette contribution s'applique sur le prix de vente hors taxe de ces produits. Son taux est de 1 %.
Un décret détermine les modalités de recouvrement de cette contribution.
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre et beaucoup de salive, intrigue, inquiète et suscite certaines interrogations.
Il vise d'abord à attirer de nouveau l'attention du Gouvernement sur le développement préoccupant de l'obésité dans notre pays.
Francis Giraud et moi-même avions, dans le cadre de la loi relative à la politique de santé publique, fait adopter une disposition contraignant les entreprises à assortir les spots publicitaires qu'elles diffusent d'un message appelant les consommateurs à la responsabilité et les avertissant du risque d'obésité qu'une consommation excessive d'aliments sucrés pouvait entraîner.
D'ailleurs, lors des auditions de la CNAM, son directeur général, Frédéric Van Roekeghem, nous a présenté des graphiques particulièrement préoccupants sur la progression quasi exponentielle du diabète dans notre pays, ce qui représente une charge non négligeable pour le budget de la sécurité sociale.
Or les actions qui ont été jusqu'à présent menées pour lutter contre l'obésité n'ont pas donné les résultats attendus. Cet amendement a donc pour objectif premier de faire prendre conscience à la représentation nationale et au Gouvernement qu'il y a lieu de ne pas relâcher l'effort dans la lutte contre l'obésité.
Il y a plusieurs solutions possibles, et celle-ci n'est pas, me semble-t-il, dénuée d'intérêt. Toutefois, le rapporteur général, M. Philippe Marini, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, a fait opportunément valoir que les taxes comme la taxe sur le tabac ou la future taxe écologique sont appelées à s'autodétruire, à détruire leur assiette, si elles atteignent leur objectif, qui est évidemment de faire disparaître la consommation de produits nocifs pour la santé.
On l'a vu pour le tabac, le fait de créer une taxe visant à influer sur le comportement de nos concitoyens a bien provoqué une baisse de la consommation du produit visé ; l'assiette tend donc à se réduire, ce qui entraîne également une diminution des recettes. Ce ne sont donc pas des recettes très dynamiques à terme pour la sécurité sociale puisqu'elles sont appelées à diminuer.
Vous l'aurez compris, au moment où l'on se pose la question du financement des dépenses de santé, l'amendement que je propose ne peut être qu'une solution sur le moyen terme, en aucun cas sur le long terme. Il ne peut apporter une recette dynamique permettant de couvrir l'évolution des dépenses. Il a simplement pour objet d'influer sur les comportements.
Il s'agit donc d'un amendement d'appel sur le problème de la croissance des dépenses non compensées par des recettes suffisantes et sur le problème de comportement de nos concitoyens face à ces aliments sucrés.
Je souhaite enfin tordre le cou à l'idée que la taxation des boissons sucrées pénaliserait en premier lieu les ménages aux plus faibles revenus. Tel n'est évidemment pas notre objectif. Certes, il a été effectivement constaté que l'obésité touche, d'abord et avant tout, les familles aux ressources modestes. Mais nous avons choisi de limiter la taxation aux boissons sucrées, qui ne sont pas indispensables aux besoins nutritionnels des enfants. Cet argument n'est donc pas fondé.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement. Nous serions heureux d'entendre le Gouvernement. J'espère qu'il prendra acte du fait que nous sommes capables de proposer la création de recettes et pas seulement de dépenses !
Mme la présidente. L'amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Domeizel, Mmes Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué une contribution de 1 % sur le prix de vente hors taxe des aliments salés et sucrés, notamment ceux visés à l'article L. 2133-1 du code de la santé publique, dont la liste est établie par décret après avis de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'amendement n° 122 rectifié vise le même objectif que celui de notre collègue Alain Vasselle, mais il en élargit l'application.
J'insiste sur le fait que cet amendement a été rectifié : le président et le rapporteur de la commission des affaires sociales pourront constater que j'ai tenu compte des remarques qu'ils ont formulées lors de la réunion de la commission.
La progression de l'obésité dans notre pays est attestée depuis plusieurs années par une série d'études épidémiologiques concordantes. La fréquence de l'obésité est en forte augmentation, puisqu'elle est passée en cinq ans de 8 à 11 % chez les adultes et de 2 à 4 % chez les enfants et les adolescents ; aujourd'hui 1,5 million de nos jeunes souffrent d'obésité. Sans catastrophisme aucun, il est permis de penser que, avec un taux de croissance annuelle de 5,7 %, l'obésité pourrait bien être le fléau sanitaire du xxie siècle. Il suffit de voir ce qui se passe aux États-Unis pour s'en convaincre.
Dans son rapport rédigé en 2005 pour l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, notre collègue Gérard Dériot rappelle que « les déterminants de l'obésité sont multiples et leur interaction complexe ». Aux facteurs biologiques ou génétiques de chaque individu s'ajoutent des déterminants socio-économiques liés à l'environnement de chacun mais aussi au contexte culturel, sociétal, politique et législatif, qui influe sur le système alimentaire et sur les comportements.
Ainsi, la variété des facteurs d'explication de l'obésité rend impossible une réponse simple et unique. Il n'existe pas une solution miracle pour lutter contre l'obésité, mais il faut au contraire envisager un ensemble de réponses et d'axes d'action. Dans cet esprit, le « programme national nutrition santé », adopté par notre pays depuis l'an 2000, privilégie une approche pluridisciplinaire concernant le diagnostic, le traitement, la prise en charge et la prévention de l'obésité.
Il n'en reste pas moins que l'alimentation tient un rôle prépondérant dans le développement de l'obésité, notamment dans les classes les plus démunies, comme le disait le rapporteur. Si l'on veut donc offrir à chacun, et surtout aux enfants - car tel est l'objectif de mon amendement -, des conditions favorables à l'équilibre alimentaire, il est indispensable de mettre place une véritable politique nutritionnelle.
Parmi les réponses apportées dans ce domaine, la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a permis plusieurs avancées, en ce qui concerne tant la présence de distributeurs automatiques dans l'enceinte des établissements scolaires que la taxation des « premix » ou encore les messages d'information à caractère sanitaire dans les publicités. On peut aussi se féliciter de la prochaine entrée en vigueur de l'étiquetage nutritionnel des aliments. Encore faut-il savoir lire ces étiquettes, ce qui n'est pas forcément le cas de tout le monde !
Parmi les solutions mises en oeuvre à l'étranger, les pays d'Amérique du Nord ont instauré ce que l'on appelle communément la fat tax, ou taxe nutritionnelle. L'amendement que je vous présente tend à avancer sur cette voie. Je ne prétends pas que cette taxe sur les aliments sucrés et salés constitue la solution parfaite pour lutter contre l'obésité. Je sais déjà quelles seront les réactions des fabricants de barres chocolatées et autres « snacks ». Je sais aussi que cette taxe fait l'objet d'un débat, certains lui préférant, par exemple, le subventionnement des fruits et légumes, ce que la législation européenne nous interdit, soit dit en passant !
Néanmoins, il me semble que l'instauration d'une telle taxe, d'un taux relativement faible, pourrait avoir un effet positif sur la santé et sur les comportements individuels.
Il ne s'agit pas de taxer tous les aliments qui contiennent du sucre ou du sel, ce serait impossible - je tiens à rassurer tous les amateurs de camembert et de hareng qui m'ont interpellé en commission -, mais de viser les seuls aliments les plus déséquilibrés sur le plan nutritionnel. C'est pourquoi l'amendement prévoit l'intervention de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments : ses compétences en matière d'alimentation humaine et de nutrition lui permettront d'établir une liste précise des catégories d'aliments visés par la taxe.
Par ailleurs, la référence à l'article L. 2133-1 du code de la santé publique permet de délimiter le champ d'application de cette taxe, en visant les aliments dont la publicité est soumise à l'obligation de contenir un message d'information à caractère sanitaire. Je remercie le président About de m'avoir lancé sur cette piste.
J'aurais aimé pouvoir déposer un autre amendement, mais il n'aurait pas trouvé sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisqu'il concerne les publicités.
La surreprésentation des produits déséquilibrés sur le plan nutritionnel dans les publicités télévisées à destination des enfants est fort préjudiciable, notamment lorsque les messages sont diffusés durant les programmes spécifiquement destinés aux enfants ou sur les chaînes spécialisées. L'influence directe de ces messages publicitaires sur le comportement alimentaire des plus jeunes est indéniable. Dès lors, il me semble nécessaire de mettre en place un encadrement législatif et réglementaire plus strict, allant notamment jusqu'à l'interdiction de certains messages publicitaires dans les programmes pour enfants. J'aimerais que le ministère de la santé et le ministère de la communication puissent se pencher sur ce sujet.
Dans le même ordre d'idée, j'ai déjà interpellé le Gouvernement sur le caractère nocif du son des messages publicitaires, dont chacun aura remarqué qu'il est supérieur de quelques décibels au son des émissions, pour mieux attirer l'attention, parfois des adultes, mais surtout des enfants.
M. Bernard Cazeau. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette accroche par le son attire les enfants vers le poste de télévision pour leur vanter les mérites de produits qui n'ont aucun mérite à vanter. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C'est la vérité !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 122 rectifié ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, vous auriez pu aussi applaudir l'amendement du rapporteur, parce qu'il va dans le même sens. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Thierry Repentin. Jean-Pierre Godefroy a défendu le sien avec plus de talent !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est vrai ! D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi il n'est pas encore rapporteur du PLFSS, mais cela viendra peut-être un jour ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur Godefroy, l'assiette de votre taxe est vraiment très large...
M. Gérard César. C'est l'assiette au beurre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je comprends votre démarche, mais vous englobez la totalité des aliments sucrés et salés. Il ne me paraît pas utile d'aller si loin. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement au profit de celui de la commission.
Mieux vaut tenir que courir. À force de trop en vouloir, comme cela a été le cas tout à l'heure pour les laboratoires, on n'obtient rien du tout ! Nous verrons bien quelle est la position du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Éric Woerth, ministre. M. le rapporteur l'a indiqué, il s'agit de deux amendements d'appel. Le problème qu'ils abordent est extrêmement important et a déjà fait l'objet de nombreuses discussions qui doivent encore se poursuivre. La question en réalité n'est pas financière, mais bien plutôt de santé publique : Roselyne Bachelot-Narquin serait mieux placée que moi pour vous répondre. Vous pourrez éventuellement l'interroger à nouveau sur ce sujet.
Cette taxe tend à décourager la consommation excessive de boissons susceptibles de provoquer des pathologies dangereuses et coûteuses pour la collectivité. Il faudra y porter une grande attention dans les années qui viennent.
Faut-il créer une nouvelle taxe ?
M. Gérard César. Non !
M. Éric Woerth, ministre. Bien évidemment, cette question d'opportunité ne peut pas nous laisser indifférents. Même si la réponse est positive, il faut garder à l'esprit que la mise en oeuvre de ce type de disposition est extrêmement difficile. Ainsi, les jus de fruits sont bons pour la santé, mais certains comportent trop de sucres ajoutés...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les jus de fruit sans ajout de sucres sont exclus ! C'est l'objet du décret !
M. Éric Woerth, ministre. Oui, et il faudra attendre trois ans la publication d'un décret trop difficile à rédiger faute de pouvoir déterminer avec précision les caractéristiques des produits à taxer...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On a fait pire !
M. Éric Woerth, ministre. Il est également difficile de moduler le taux de la taxe en fonction de la teneur en sucre.
Bref, une mesure de ce type est compliquée à mettre en oeuvre.
J'ajoute que, si l'on aborde la question des boissons sucrées, il est difficile de ne pas évoquer les boissons alcoolisées, ce qui peut poser d'autres questions...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Elles sont déjà taxées !
M. Éric Woerth, ministre. Oui, mais on arrive très vite, avec cette logique, à s'interroger sur le niveau de la taxation, ce qui soulève encore d'autres questions difficiles à aborder sur le plan politique.
Quelles que soient les raisons invoquées, il ne peut pas s'agir d'une recette de poche pour la sécurité sociale. Au contraire, la lutte contre l'obésité suppose la réalisation d'un énorme travail en matière de santé publique.
Je propose donc de vous remettre, en coordination avec la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, à la fin du premier semestre de 2008, un rapport évaluant précisément les coûts résultant de la consommation excessive de produits trop gras, trop sucrés ou trop salés, donc des produits qui nuisent à la santé. Sur la base de ce rapport, nous pourrons étudier l'idée d'une taxe nutritionnelle et définir son contour opérationnel, car, mesdames, messieurs les sénateurs, la manière de procéder est au moins aussi importante que l'objectif.
Sur la base de cet engagement, je vous demanderai de bien vouloir retirer ces amendements d'appel, dont j'ai bien compris l'importance.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'amendement n° 122 rectifié de notre collègue Godefroy va peut-être un peu loin, mais il met bien en valeur la préoccupation qu'inspirent les abus alimentaires.
Pour permettre d'engager une discussion avec nos collègues députés en commission mixte paritaire, je pense que nous pourrions voter au moins l'amendement n° 4 d'Alain Vasselle. De surcroît, les consommateurs disposent d'une solution de rechange toute simple aux boissons sucrées : l'eau !
M. Gérard César. Et le vin ?
M. François Autain. Il est déjà taxé !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne peut pas nous reprocher, sur chaque amendement, de priver le Gouvernement d'une recette et, en même temps, nous demander de retirer un amendement qui, pour une fois, est justifié par le double souci de préserver la santé de nos concitoyens et d'équilibrer nos finances sociales !
Je propose donc de maintenir l'amendement n°4 pour que cette question soit soumise à la commission mixte paritaire.
M. Thierry Repentin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. À propos de ces deux amendements, je tiens à rappeler l'importance des politiques de prévention en matière de santé publique.
On dit parfois qu'on creuse sa tombe avec sa fourchette ou, au contraire, que l'alimentation est notre première médecine. Quoi qu'il en soit, n'oublions pas que l'excès de sel - pardonnez-moi d'être un peu sensible aux problèmes d'hypertension - cause à peu près 75 000 accidents vasculaires par an, dont 25 000 décès, soit beaucoup plus que les accidents de la route.
Monsieur le ministre, nous disposons d'études extrêmement précises sur le coût induit par le diabète résultant d'une mauvaise alimentation ou par l'excès de sel dans les aliments. Les politiques de prévention ont donc un véritable impact. Toutes les mesures tendant à améliorer les comportements, qu'elles soient coercitives ou volontaires, sont bonnes à prendre en matière de santé publique : si on se nourrit mieux, on réduit ses dépenses de santé. Nous retrouvons là le coeur de notre débat. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. J'étais prêt à me rallier à la proposition de M. le ministre. Le fait d'attendre quelques mois pour débattre à nouveau sérieusement de cette question ne me dérange nullement. Cette proposition me semble plus cohérente et me satisfaisait davantage que celle que vient de faire le président de la commission. En effet, elle nous permettait d'examiner à nouveau le problème, et cette fois dans sa globalité.
Je tiens à insister sur le fait que la taxation, si elle n'est pas facile, n'en constitue pas moins une voie à explorer. En revanche, monsieur le ministre, agir sur les publicités, notamment celles qui sont diffusées sur les chaînes réservées aux enfants, serait un moyen très efficace de lutter contre l'obésité. Je souscris entièrement aux propos de Mme Goulet, parce qu'il faut agir de manière préventive et ne pas attendre qu'il soit trop tard : 1,5 million de jeunes, mes chers collègues...
Je prends donc acte de la position du président de la commission : si l'amendement de notre collègue Alain Vasselle est maintenu, nous le voterons, parce qu'il va dans le bon sens, mais, en attendant l'issue du vote sur l'amendement n° 4, nous maintenons le nôtre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. À ce stade de la discussion, je souhaite redire que nous ne sommes pas favorables au dispositif présenté.
Tout d'abord, la rédaction actuelle de l'amendement de la commission ne permet pas, à l'évidence, d'insérer la mesure dans un texte tel que le PLFSS. Il est question de boissons sucrées, d'eaux minérales aromatisées, mais de quoi s'agit-il exactement ? Cela doit être précisé dans la loi, et non pas renvoyé à un décret.
Il s'agit là, je l'ai bien compris, d'un amendement d'appel, dont l'objet est de susciter le débat, mais il n'est pas, à mon sens, destiné à être adopté. Je le dis avec tout l'immense respect que j'ai pour M. le rapporteur ! (Sourires.)
M. Gérard César. C'est sûr !
M. Éric Woerth, ministre. Je fais ce que je peux ! (Rires.)
Il me semble donc difficile d'insérer ce dispositif dans le PLFSS. Je crois que la solution que j'ai suggérée en coordination avec Mme Bachelot-Narquin est efficace et raisonnable.
M. Gérard César. Absolument !
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'en appelle à la sagesse du Sénat !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, après l'article 9, et l'amendement n° 122 rectifié n'a plus d'objet.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 143 est présenté par Mme Demontès, M. Cazeau, Mme Le Texier, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. Domeizel, Mmes Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 282 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
I. - L'article L. 162-18 est abrogé.
II. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 138-10, les mots : « soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise en application de l'article L. 162-18 » sont remplacés par les mots : « un ajustement des prix ».
III. - L'article L. 162-17-4 est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa (1°), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La baisse de prix applicable en cas de dépassement par l'entreprise des volumes de vente précités ».
2° Le troisième alinéa (2°) est ainsi rédigé :
« 2° le cas échéant, les remises prévues en application de l'article L. 162-16-5-1 ».
IV. - Dans l'article L. 162-37, les mots : «, L. 162-16 et L. 162-18 » sont remplacés par les mots : « et L. 162-16 ».
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 143.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet amendement vise à réguler le marché du médicament.
Conformément aux dispositions combinées des articles L. 162-18, L. 162-17-4 et L. 138-10 du code de la sécurité sociale, les industriels qui commercialisent des spécialités pharmaceutiques remboursées reversent à l'assurance maladie obligatoire des remises quantitatives.
Si les remises ne profitent qu'au régime obligatoire, la compensation des dépenses remboursables est assurée non seulement par l'assurance maladie obligatoire, mais aussi par l'assurance maladie complémentaire. Ainsi, lorsque ces remises portent sur des médicaments vendus avec application d'un ticket modérateur, elles constituent en partie un transfert de charge invisible vers l'assurance maladie complémentaire ou le patient.
Or, depuis cinq ans, une augmentation importante du recours à ce mécanisme de régulation a été constatée. En effet, le montant des remises a quadruplé depuis 2002.
Par ailleurs, cette pratique comporte des effets délétères, tels que l'opacification du marché du médicament, qui résulte du décalage entre le prix facial, inscrit sur la vignette, base du remboursement pour les mutuelles, et le prix réel payé par l'assurance maladie obligatoire, c'est-à-dire le prix inscrit sur la vignette déduction faite du montant des remises.
En outre, le versement de remises entraîne des économies inférieures aux baisses de prix, et la possibilité offerte aux laboratoires de verser des remises à la place d'une baisse de prix affaiblit la position du Comité économique des produits de santé : alors que les baisses de prix s'appliquent à toutes les ventes à venir de médicaments, les remises sont renégociées chaque année.
Il conviendrait donc de privilégier un mécanisme de baisse de prix pour réguler le marché du médicament. Tel est l'objectif visé au travers de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 282.
M. François Autain. Il est défendu !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, parce qu'elle considère qu'il est préférable de s'en tenir au dispositif actuel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 143 et 282.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 9 bis
Il est institué une taxe de 0,22 % assise sur le chiffre d'affaires des fabricants de tabac tel que défini aux articles 575 et suivants du code général des impôts dont le produit est versé aux régimes obligatoires d'assurance maladie.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 80 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'Assemblée nationale a cru bon de créer, par la voix de M. Yves Bur, rapporteur, une taxe de 0,22 % sur le chiffre d'affaires des fabricants de tabac, au profit de l'assurance maladie.
Cependant, tel qu'il est rédigé, cet article est inapplicable et incompatible avec le droit communautaire. Il présente, en outre, le défaut de ne viser, pratiquement, qu'un seul fabricant, la société Seita-Altadis, à l'exclusion des fabricants étrangers, et cela pour un produit très limité, d'environ 5 millions d'euros.
C'est pourquoi la commission propose la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 80.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet article paraît mal rédigé et inopportun à plusieurs titres.
Tout d'abord, l'application de la disposition revêtant un caractère territorial, seuls les fabricants français, essentiellement Altadis, seraient assujettis à la taxe, ce qui semble particulièrement inéquitable.
En outre, dans sa rédaction actuelle, le dispositif présente de nombreuses lacunes qui le rendent difficile, sinon impossible, à mettre en oeuvre.
Enfin, on peut s'interroger, monsieur le ministre, sur la conformité d'une telle disposition au droit communautaire.
Curieusement - mais il se passe parfois des choses curieuses à l'Assemblée nationale -, notre collègue député Yves Bur, rapporteur du PLFSS, avait émis, à titre personnel, de réserves similaires à celles que nous exprimons, M. Vasselle et moi. Par ailleurs, lors de l'examen du PLFSS à l'Assemblée nationale, vous-même aviez indiqué, monsieur le ministre, que cette taxe ne frapperait que le chiffre d'affaires hors taxes des fabricants concernés et ne rapporterait que 5 millions d'euros. Vous vous étiez donc déclaré défavorable à une mesure touchant un secteur déjà lourdement taxé et largement réglementé.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 80.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 9 bis est supprimé.
Article additionnel après l'article 9 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 198, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 9 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3511-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est interdite la vente de produits du tabac en distributeurs automatiques. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. L'objet de cet amendement est d'interdire la vente de produits de tabac en distributeurs automatiques sur l'ensemble du territoire national.
En vertu de l'article 1er du décret du 15 mai 2007 relatif à l'attribution de la gérance et au transfert des débits de tabac, il est interdit aux débitants de tabac de vendre ou de stocker des tabacs manufacturés dans des distributeurs automatiques installés à l'intérieur ou à l'extérieur d'un établissement autorisé à faire commerce du tabac.
Cependant, ce décret ne s'applique pas dans les départements d'outre-mer. Ainsi, à la Réunion, contrairement à ce qui se passe en métropole, il n'existe pas de monopole de la vente au détail du tabac manufacturé ; tous les commerçants sont autorisés à vendre du tabac. En conséquence, la vente de produits de tabac au moyen de distributeurs automatiques n'est pas formellement interdite.
En attendant une extension pure et simple à la Réunion et aux autres départements d'outre-mer du monopole de vente du tabac manufacturé, cet amendement a pour objet d'étendre l'interdiction de vendre de tels produits en distributeurs automatiques.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement n'ayant pas vraiment de caractère financier, l'adopter dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale ferait courir le risque d'une censure.
Si je comprends bien la préoccupation des auteurs, qui est de protéger la santé des jeunes outre-mer, je propose d'envisager avec la ministre chargée de la santé son intégration éventuelle dans un autre texte. En effet, il ne semble pas que cet amendement soit bienvenu sur le plan juridique, même s'il est opportun sur le plan du principe.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais défendre brièvement l'initiative de Mme Payet.
Cet amendement a pour objet d'éviter que des enfants ne se livrent à la consommation du tabac. En cela, son adoption serait susceptible d'entraîner ultérieurement des économies pour la sécurité sociale. À ce titre, le dispositif présenté pourrait tout de même trouver une petite place dans le texte.
Il serait à mon sens un peu dommage de rejeter cet amendement, car les efforts de Mme Payet, hier pour la protection des femmes et des foetus contre l'alcool, aujourd'hui pour la protection des enfants contre le tabagisme, méritent d'être soutenus.
Je souhaite donc que le Sénat puisse adopter cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, après l'article 9 bis.
Article 10
I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans le 1° du III de l'article L. 136-2, les mots : « et de préretraite » sont supprimés ;
2° Dans le 2° du II de l'article L. 136-8, les mots : «, les pensions d'invalidité et les allocations de préretraite » sont remplacés par les mots : « et les pensions d'invalidité ».
II. - Les dispositions du I sont applicables aux allocations ou avantages perçus par les salariés dont la préretraite ou la cessation anticipée d'activité a pris effet à compter du 11 octobre 2007.
III. - L'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans le I, les mots : « du Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1 » sont remplacés par les mots : « de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés » ;
2° Le II est ainsi rédigé :
« II. - Le taux de cette contribution est fixé à 50 %. »
IV. - Le chapitre préliminaire du titre II du livre III du code du travail est complété par un article L. 320-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 320-4. - Tout employeur de personnel salarié ou assimilé est tenu d'adresser à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont il relève, au plus tard le 31 janvier de chaque année, une déclaration indiquant le nombre de salariés partis en préretraite ou placés en cessation anticipée d'activité au cours de l'année civile précédente, leur âge et le montant de l'avantage qui leur est alloué.
« Le défaut de production, dans les délais prescrits, de cette déclaration entraîne une pénalité dont le montant est égal à trois cents fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 141-8. Cette pénalité est recouvrée par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont relève l'employeur. Son produit est affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.
« Le modèle de déclaration est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l'emploi.
« L'obligation de déclaration mentionnée au premier alinéa ne s'applique qu'aux employeurs dont au moins un salarié ou assimilé est parti en préretraite ou a été placé en cessation anticipée d'activité au cours de l'année civile précédente. »
V. - La sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est complétée par un article L. 1221-18 ainsi rédigé :
« Art. L. 1221-18. - Tout employeur de personnel salarié ou assimilé est tenu d'adresser à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont il relève, au plus tard le 31 janvier de chaque année, une déclaration indiquant le nombre de salariés partis en préretraite ou placés en cessation anticipée d'activité au cours de l'année civile précédente, leur âge et le montant de l'avantage qui leur est alloué.
« Le défaut de production, dans les délais prescrits, de cette déclaration entraîne une pénalité dont le montant est égal à trois cents fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Cette pénalité est recouvrée par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont relève l'employeur. Son produit est affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.
« Le modèle de déclaration est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l'emploi.
« L'obligation de déclaration mentionnée au premier alinéa ne s'applique qu'aux employeurs dont au moins un salarié ou assimilé est parti en préretraite ou a été placé en cessation anticipée d'activité au cours de l'année civile précédente. »
VI. - Les III et IV de l'article 17 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites sont abrogés.
VII. - Les dispositions du V entrent en vigueur en même temps que celles de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative).
Les III, IV, V et VI sont applicables aux avantages versés à compter du 11 octobre 2007.
Par dérogation au précédent alinéa, la contribution sur les avantages versés aux anciens salariés qui bénéficiaient d'un avantage de préretraite ou de cessation anticipée d'activité antérieurement au 11 octobre 2007 demeure régie par le II de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale et le III de l'article 17 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée dans leur rédaction en vigueur au 10 octobre 2007.
VIII. - Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Contribution sur les indemnités de mise à la retraite
« Art. L. 137-12. - Il est institué, à la charge de l'employeur et au profit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, une contribution sur les indemnités versées en cas de mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur.
« Le taux de cette contribution est fixé à 50 % ; toutefois, ce taux est limité à 25 % sur les indemnités versées du 11 octobre 2007 au 31 décembre 2008.
« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 sont applicables à la présente contribution. »
IX. - Le VIII est applicable aux indemnités de mise à la retraite versées à compter du 11 octobre 2007.
X. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 9° de l'article L. 135-3 est abrogé ;
2° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 241-3, après la référence : « L. 135-2 », sont insérés les mots : «, par les contributions prévues aux articles L. 137-10 et L. 137-12 ».
XI. - Le X du présent article est applicable à compter du 11 octobre 2007.
XII. - Les trois dernières phrases du deuxième alinéa et le troisième alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail sont supprimés.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 111 est présenté par MM. Cazeau et Godefroy, Mmes Le Texier, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger et Alquier, M. Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 283 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 1° du I de cet article.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 111.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement a pour objet de permettre que les préretraites d'un faible montant n'aient pas à passer sous les fourches caudines du taux unique de CSG.
Il est patent que le taux d'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq à soixante-quatre ans est particulièrement faible dans notre pays et que certaines habitudes ont été prises à cet égard.
Faut-il le rappeler, ce sont d'abord les employeurs qui ont recouru aux préretraites, largement financées au départ par la collectivité, pour modifier la pyramide des âges en faisant appel à des salariés plus jeunes et moins bien rémunérés.
Faut-il le rappeler aussi, les préretraites ont été fort utiles à certaines entreprises procédant à des délocalisations ou mettant en oeuvre des plans de licenciement dits « boursiers ».
Il est vrai que certains salariés, notamment dans de grandes entreprises disposant de moyens importants, ne sont pas mécontents d'abandonner un travail fatigant, accompli dans une ambiance de plus en plus tendue et sans espoir d'amélioration. Cependant, l'écrasante majorité des salariés n'ont pas le choix et doivent s'accommoder d'une préretraite subie alors que, par exemple, ils ont encore des enfants à charge ou en cours d'études.
La réponse que vous apportez à cette problématique est, comme d'habitude, purement comptable, monsieur le ministre. Pourtant, nul ne peut nier qu'obliger des salariés expérimentés et compétents à partir à la retraite à cinquante-cinq ans est un véritable gâchis humain et professionnel.
Quoi qu'il en soit, n'envisager que des pénalités financières qui vont frapper prioritairement les moins bien lotis après avoir donné 15 milliards d'euros aux plus favorisés, ce n'est pas régler le problème de l'emploi des seniors ; c'est accentuer l'application d'une politique fondée sur la contrainte, alors qu'il faudrait mettre en oeuvre une politique de conviction et d'incitation, afin d'encourager ceux qui n'ont pas exercé de métier pénible à travailler plus longtemps, s'ils le veulent ou s'ils en ont besoin, en leur offrant des perspectives nouvelles, grâce notamment à la formation, en leur permettant de partir progressivement, ce qui nécessiterait une vraie réforme du système actuel.
On en est loin !
L'article 10 est un dispositif de facilité, qui marque bien l'absence de réflexion et de dialogue social sur la question de la pénibilité du travail et des retraites. Nous entendons au moins que les personnes les moins favorisées ne soient pas pénalisées. C'est pourquoi nous présentons cet amendement, au profit des salariés qui ne perçoivent qu'une modeste préretraite.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 283.
M. Guy Fischer. En demandant la suppression de l'alinéa visé, nous entendons nous opposer à l'application d'un taux de CSG de 7,5 % aux préretraites, notamment aux plus faibles d'entre elles, qui jusqu'ici n'y étaient pas assujetties. Un engagement avait été pris à cet égard durant la campagne présidentielle : il s'agissait, selon le candidat devenu président, de « libérer », je cite, l'emploi des seniors.
La mesure présentée, purement financière, est notoirement injuste. Elle tend à faire porter la responsabilité de leur non-maintien dans l'emploi et dans l'entreprise sur les seniors, qui, pour la plupart, souhaitent poursuivre leur activité professionnelle et vivre du fruit de leur travail jusqu'à l'âge de la retraite.
Or, monsieur le ministre, vous savez bien que tel n'est pas le cas aujourd'hui ! En effet, plus de 400 000 personnes de plus de cinquante ans ont été remerciées par leur employeur et, malgré vos déclarations d'intentions tonitruantes sur le travail des seniors, elles ont beaucoup de difficultés à retrouver un travail décemment rémunéré.
Je n'évoquerai pas ici le dispositif du « CDD senior », qui a été un échec retentissant puisque moins de trente de ces contrats ont été signés, mais on sait fort bien que, à partir d'un certain âge, lorsqu'il s'agit de retrouver un emploi, une pression considérable s'exerce sur le salaire, avec, bien souvent, une baisse de rémunération de l'ordre de 25 à 30 %.
Quiconque connaît le monde du travail le sait pertinemment, ce n'est pas le salarié qui demande le plus souvent à bénéficier d'une préretraite. Et, lorsqu'il le fait, c'est à cause des conditions de travail qui lui ont été imposées, parce qu'il est physiquement épuisé.
Donc, presque toujours, ce sont les employeurs qui décident du plan de préretraite, ce qui offre peu de choix aux salariés concernés. La plupart de temps, entre le licenciement sec et la préretraite, bon nombre de salariés n'hésitent pas !
Cette spécificité française est liée à une culture patronale qui s'impose jusqu'à présent à nous.
Avant d'en venir à la présentation même d'un amendement dont vous devinez la teneur, je souhaiterais d'abord vous rappeler une vérité. Quel que soit son âge, le salarié est producteur de richesses pour l'entreprise. Pour cette raison, ce ne serait que justice de lui permettre de poursuivre son activité jusqu'à l'âge de sa retraite.
Je voudrais aussi vous mettre en garde contre ce risque fort que représente l'un de vos projets, le contrat unique de travail à droit progressif. Le danger est grand en effet que, en mettant en place des droits progressifs, vous n'instauriez un droit du travail à plusieurs vitesses qui inviterait les employeurs malhonnêtes à se séparer d'un salarié ayant acquis, avec le temps, trop de droits. À n'en pas douter, cela vient considérablement contredire votre discours actuel. Mais rien ne m'étonne plus venant de votre part !
Cette disposition serait donc pour vous une mesure phare pour alimenter les caisses de la sécurité sociale par l'apport de cotisations salariales et patronales. Pourtant, votre dispositif ne répond en aucun cas au problème de l'emploi des seniors, pas plus qu'il ne contribue à la résorption du déficit de la sécurité sociale.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de voter notre amendement de suppression partielle.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Je regrette ces avis défavorables d'autant plus qu'on ne peut pas dire que les explications aient été très explicites...
M. Bernard Cazeau. Dans cette affaire, les sommes en jeu sont insignifiantes, de l'ordre de 7 à 8 millions d'euros environ.
Monsieur le ministre, il aurait peut-être été plus sage d'attendre le débat sur les retraites. Il faudra certainement revoir le problème dans ce cadre-là. Je regrette donc votre décision, qui est à la fois sèche et hâtive.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Cazeau, puisque vous insistez, je vais expliciter ma position : ces amendements sont contraires à la démarche du Gouvernement, qui veut inciter les personnes de plus de cinquante-cinq ans à rester en activité. Il faut donc éviter tous les dispositifs de préretraite financièrement incitatifs. C'est la raison pour laquelle nous alignons les taux de CSG de sorte que ceux qui sont en préretraite soient taxés comme ceux qui sont en activité.
Le Gouvernement est logique, et il affiche clairement la couleur : ceux qui ont envie de travailler plus longtemps doivent pouvoir le faire. Nous supprimons donc un dispositif d'incitation qui conduisait exactement à la situation inverse.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 111 et 283.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 284, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa (2°) du I de cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement est défendu !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est défavorable, par coordination avec les avis donnés sur les amendements précédents.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Désormais, donc, on n'incite plus au départ à la préretraite à cinquante ou à cinquante-cinq ans et l'on interdit aux préretraités - bien qu'ils n'y soient pour rien, comme l'a rappelé précédemment M. Fischer - un minimum d'avantages.
Mme la présidente. L'amendement n° 285, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. En dissociant volontairement cette proposition des deux amendements précédents, pourtant relatifs au même sujet, j'ai espéré, mes chers collègues, vous laisser ainsi l'opportunité d'exercer votre sagesse concernant le II de cet article 10.
Celui-ci prévoit en effet que le texte entre en application le 11 octobre 2007. Vous donnez donc un effet rétroactif à une disposition législative, ce qui n'est pas, vous en conviendrez, réellement souhaitable, encore moins lorsqu'il s'agit de modifier de manière si importante les conditions relatives à un contrat.
Comme vous le savez, la négociation et la conclusion des départs anticipés à la retraite ne se font pas en quelques jours. Disons-le, c'est le résultat d'un rapport de force et d'une longue phase de pourparlers entre l'employeur et son salarié.
Or, en intervenant de la sorte, vous modifiez considérablement la nature de l'accord ainsi conclu entre l'employeur et le salarié.
Pour cette raison, et afin de limiter les effets pervers d'une mesure qui impose scandaleusement les préretraités à une CSG à 7,5 % comme les salariés en activité, je vous demande d'adopter cet amendement de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales émet un avis défavorable.
Monsieur Fischer, il nous semble qu'une entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2008 aurait comporté le risque que les employeurs se hâtent de mettre en place in extremis de nouveaux plans pluriannuels de préretraite pour échapper à cette disposition.
C'est la raison pour laquelle il ne nous paraît pas souhaitable d'envoyer aux entreprises ce signal particulièrement inopportun.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par MM. Vasselle et Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le 1° du III de cet article par les mots :
et, après les mots, « sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés », sont insérés les mots : « et à des salariés »
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je présenterai en même temps les amendements nos 6 et 7 rectifié, si vous le permettez, madame la présidente.
L'amendement n° 6 assujettit les entreprises qui n'y étaient pas encore soumises à la contribution créée par l'article 17 de la loi portant réforme des retraites.
Pour l'instant, cette contribution sur les préretraites d'entreprise ne s'applique que si le contrat de travail a été dûment rompu. Or on estime que, dans un cas sur deux, le contrat de travail est simplement suspendu.
L'amendement n° 7 rectifié vise à étendre le champ d'application de la contribution sur les préretraites d'entreprise à deux autres formes de préretraite qui ont été oubliées par le Gouvernement. Il s'agit des cessations d'activité de certains travailleurs salariés, les CATS, et des conventions d'allocations spéciales du Fonds national pour l'emploi, ASFNE.
Nous voulons éviter que ces deux dispositifs ne viennent se substituer aux préretraites d'entreprise. Si le Gouvernement veut taxer les préretraites, il ne faut pas créer de nouvelles niches qui donneraient aux entreprises l'occasion d'échapper à l'application de la loi nouvelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
A. Compléter le III de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
3° a. Le IV est ainsi rédigé :
« IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux contributions des employeurs mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 322-4 du code du travail et aux allocations et contributions des employeurs mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 352-3 du même code. »
b. À compter de l'entrée en vigueur du code du travail tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, le IV est ainsi rédigé :
« IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux allocations et contributions des employeurs mentionnées aux articles L. 5123-5 et L. 5123-6 du code du travail. »
B. En conséquence, après le III de cet article, insérer un paragraphe III bis ainsi rédigé :
III bis - L'intitulé de la section 4 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : « Contribution sur les avantages de préretraite »
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 6 et 7 rectifié ?
M. Éric Woerth, ministre. S'agissant de l'amendement n° 6, nous pouvons lever un malentendu. En cas de suspension du contrat de travail, le salarié bénéficie d'une dispense d'activité et la rémunération qui lui est alors versée est taxée comme un revenu d'activité.
Il n'existe pas de différence entre le salarié en activité et le salarié qui est dispensé de cette activité. Il n'y a donc pas de raison de surtaxer ce dernier.
Monsieur Vasselle, sous le bénéfice de cette explication, j'espère que vous pourrez retirer votre amendement.
Sur l'amendement n° 7 rectifié, les dispositifs ASFNE et CATS sont en voie d'extinction. Une sortie en sifflet est en effet prévue d'ici à 2010. Je propose donc de ne pas y toucher et de les laisser s'éteindre.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 7 rectifié, M. le ministre nous affirme que les deux dispositifs vont disparaître. J'espère que le Gouvernement sera vigilant pour que les entreprises n'en profitent pas d'ici à 2010 pour échapper aux mesures de taxation des seniors qui seraient mis en préretraite ou à la retraite d'office ou pour utiliser d'ici là tous les moyens juridiques à leur disposition pour se séparer de leurs salariés.
En ce qui concerne l'amendement n° 6, il n'y a certes pas de différence de taxation entre les travailleurs salariés dans l'entreprise et ceux qui restent à domicile tout en continuant à percevoir un salaire. Je voudrais cependant faire remarquer au Gouvernement que les travailleurs restés à leur domicile profitent tout de même des allégements Fillon, ce qui représente un coût, il est vrai non plus pour la sécurité sociale, mais pour l'État, qui les compense à travers le panier fiscal.
Mais peut-être souhaitez-vous fermer les yeux sur cet avantage en considérant que vous allez prendre des mesures très rapidement à l'occasion du rendez-vous de 2008 ? Dans ce cas, j'accède à votre demande et je retire cet amendement, de même que le précédent, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 6 et 7 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 8, présenté par MM. Vasselle et Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I - Compléter le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 320-4 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Cette déclaration indique également le nombre des bénéficiaires des mécanismes de départ volontaire en retraite du salarié et de mise à la retraite d'office à l'initiative de l'employeur intervenant dans les conditions de l'article L. 122-14-13 du code du travail.
II - En conséquence, compléter le premier alinéa du texte proposé par le V de cet article pour l'article L. 1221-18 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Cette déclaration indique également le nombre des bénéficiaires des mécanismes de départ volontaire en retraite du salarié et de mise à la retraite d'office à l'initiative de l'employeur intervenant dans les conditions des articles L. 1237-5 à L. 1237-10 du code du travail.
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement vise à prévenir le risque d'éventuels effets de substitution entre les différents mécanismes de cessation anticipée d'activité. Dans cet objectif, il est proposé que les employeurs déclarent chaque année les départs de personnels intervenant dans les conditions dérogatoires de l'article L. 122-14-13 du code du travail.
Le but est d'assurer un suivi des mesures qui seraient prises par les entreprises.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 455, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Dans le second alinéa du I et le second alinéa du II de l'amendement n° 8, supprimer les mots :
des bénéficiaires des mécanismes de départ volontaire en retraite du salarié et
II. - Compléter ces deux alinéas par les mots :
et le nombre de salariés âgés de soixante ans et plus licenciés au cours de l'année civile précédant la déclaration.
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. L'objet du présent sous-amendement est de répondre aux préoccupations formulées par la commission des affaires sociales dans ses amendements nos 8 et 10. La tentation est forte en effet pour les entreprises de continuer à procéder à une gestion de l'emploi reposant exclusivement sur l'éviction des salariés âgés plutôt que de mettre en place une politique de gestion de tous les âges.
Le Gouvernement souhaite s'assurer que les pratiques de contournement ne se développent pas trop et se réserve la possibilité de prendre des mesures complémentaires au cours des prochaines années.
Pour ne pas alourdir inutilement les formalités des entreprises, le présent sous-amendement tend à regrouper dans une même déclaration les trois informations demandées aux entreprises, sur les préretraites, les mises à la retraite d'office et les licenciements de salariés âgés de soixante ans et plus.
Il s'agit donc d'une mesure de simplification.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Favorable !
Mme la présidente. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I - Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 320-4 du code du travail, remplacer les mots :
trois cents fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 141-8
par les mots :
six cents fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance
II - Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le V de cet article pour l'article L. 1221-18 du code du travail, remplacer les mots :
trois cents fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12
par les mots :
six cents fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement vise à augmenter le montant des pénalités applicables aux entreprises qui ne produiraient pas les déclarations annuelles que nous venons de voter.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 286, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen est ainsi libellé :
Supprimer le XII de cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement est le dernier de ceux que nous avons déposés sur l'article 10, article sur lequel nous sommes en total désaccord.
Cet amendement a pour objet de supprimer le dernier alinéa de l'article 10, qui vise à dissuader les mises à la retraite d'office. Aujourd'hui, les employeurs bénéficient d'un régime fiscal avantageux puisque ces mises à la retraite sont exonérées de charges sociales, à l'exception de la CSG et de la CRDS.
Le Gouvernement souhaite mettre fin à cette situation et propose de supprimer ce régime fiscal particulier afin que les salariés restent le plus longtemps possible dans l'emploi. Compte tenu du taux d'inactivité élevé des personnes de plus de cinquante-cinq ans en France, cette proposition pourrait paraître, a priori, intéressante. Mais, à y regarder de plus près, elle suscite notre scepticisme.
Je m'étonne du grand écart effectué par ce gouvernement : tout en prononçant de beaux discours sur le maintien dans l'emploi des salariés de plus de cinquante ans, il a décidé la suppression, au 1er janvier prochain, de la contribution Delalande, qui est pourtant destinée à sanctionner lourdement les employeurs lorsqu'ils licencient ces mêmes salariés. On ne peut à la fois supprimer cette contribution et vouloir dissuader les employeurs de mettre à la retraite d'office ces salariés. D'un côté, le Gouvernement facilite les licenciements, de l'autre, il incite les entreprises à maintenir les salariés dans l'emploi : c'est pour le moins souffrir de schizophrénie ! Ou alors je ne comprends pas...
Par ailleurs, compte tenu de l'échec des réformes de ce gouvernement en matière d'activité des salariés de plus de cinquante ans, à commencer par le plan seniors de 2006 - j'ai rappelé quels étaient ses résultats -, permettez-moi de douter de l'efficacité de cette nouvelle réforme.
Enfin, il y a fort à parier que cette disposition contraignante pour les employeurs finira par être détournée, malgré tous les verrous que M. Vasselle a mis en place, comme a été détournée la contribution Delalande.
Ces incohérences nous conduisent tout naturellement à proposer la suppression du dernier alinéa de l'article 10.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La suppression du dernier alinéa de l'article 10 abouterait au résultat paradoxal de maintenir une forme de cessation précoce d'activité que le groupe CRC avait refusée avec force lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Dans la section 2 du chapitre VII du titre III du livre II de la première partie du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), il est inséré, après l'article L. 1237-8, un article L. 1237-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1237-8-1 - Les entreprises ou les groupes d'entreprises occupant au moins deux cent cinquante salariés portent dans un délai de trois mois à la connaissance du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle toute rupture du contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge de soixante ans.
« Le défaut de production de cette déclaration entraîne une pénalité dont le montant est égal à trois cents fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Cette pénalité est recouvrée par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont relève l'employeur. Son produit est affecté à la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. »
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l'adoption du sous-amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 10 rectifié n'a en effet plus d'objet.
L'amendement n° 11, présenté par MM. Vasselle et Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans la sous-section 6 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), il est inséré, après l'article L. 2323-57, un article L. 2323-57-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-57-1 - À partir du 31 décembre 2008, dans les entreprises soumises aux obligations prévues à l'article L. 2323-57, l'employeur présente chaque année au comité d'entreprise, ou, à défaut, aux délégués du personnel, un rapport écrit sur la situation des salariés âgés de plus de cinquante ans dans l'entreprise. Ce rapport comporte une analyse permettant d'apprécier la situation des salariés âgés en matière de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail et de rémunération effective. Il est établi sur la base d'indicateurs pertinents et de données chiffrées. Il décrit les actions mises en oeuvre par l'entreprise au cours de l'année écoulée en vue d'améliorer la situation des salariés âgés et de favoriser leur maintien dans l'emploi. Il fixe les objectifs pour l'année à venir, les actions qui seront menées à ce titre ainsi qu'une évaluation de leur coût. Les délégués syndicaux reçoivent communication du rapport dans les mêmes conditions que les membres du comité d'entreprise. »
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les comités d'entreprise soient informés de la politique de l'employeur à l'égard des seniors. Cette disposition devrait donc recueillir un large consensus au sein de la Haute Assemblée.
En outre, cet amendement prévoit l'établissement d'un rapport sur la situation des salariés de plus de cinquante ans dans l'entreprise, sur le modèle du rapport qui est fourni chaque année sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Même si, sur le fond, je partage les préoccupations de M. le rapporteur, j'ai le sentiment que cet amendement n'a pas sa place dans le PLFSS. Il présente un risque juridique.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous prenons ce risque !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article 10.
M. Guy Fischer. Vous aurez sans doute mesuré, par le nombre d'amendements que nous avons déposés, même s'ils n'ont rencontré aucun écho, à quel point nous sommes déterminés à faire supprimer cet article.
La CSG à 7,5 % que vous voulez instaurer - il a pourtant été question d'injustice sociale ce soir - va surtout toucher, on le sait, les salariés modestes, ceux qui ont passé leur vie à travailler et sont usés par les conditions de travail qui leur ont été faites.
Les conditions de travail méritent à l'évidence d'être améliorées, comme l'ont montré plusieurs colloques sur ce sujet, notamment celui qu'a récemment organisé à Bordeaux la Caisse des dépôts et consignations autour des plus grands spécialistes européens de la question. S'ajoute aujourd'hui le problème du stress au travail, qui doit désormais véritablement être pris en compte.
Vous comprendrez donc que cet article, qui vise à instaurer un prélèvement social sur les préretraites et les indemnités de mise à la retraite, ne recueille absolument pas notre assentiment. Cet article, qui a pour objet de limiter le recours aux préretraites d'entreprises et aux mises à la retraite d'office, fera l'objet de discussions, notamment au cours du premier semestre 2008.
Comme vous vous y attendez, mes chers collègues, nous demandons que le Sénat, sur un article dont nous avons demandé la suppression de plusieurs dispositions, se prononce par scrutin public.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 21 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 195 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Article 10 bis
Les deux dernières phrases de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile sont supprimées.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 144 est présenté par MM. Domeizel, Godefroy et Cazeau, Mme Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 287 est présenté par MM. Billout et Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 462 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 144.
M. Claude Domeizel. L'article 10 bis, introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale à la suite de l'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale, supprime les deux dernières phrases de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, afin que les personnels navigants de cabine partent à la retraite à l'âge de soixante ans, et non plus à l'âge de cinquante-cinq ans.
Nous souhaitons la suppression de cet article, et ce pour deux raisons.
D'une part, selon nous, l'adoption d'une telle disposition n'a fait l'objet d'aucune négociation avec les partenaires concernés.
D'autre part, je ne vois pas pourquoi il faudrait dorénavant une disposition de nature législative pour fixer l'âge de départ en retraite de ces personnels, alors que, jusqu'ici, on renvoyait à un décret, comme l'atteste la rédaction actuelle de l'article L. 421-9, qui prévoit que le personnel navigant de l'aéronautique, c'est-à-dire le personnel de cabine, « ne peut exercer aucune activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public au-delà d'un âge fixé par décret. ».
En outre, si j'ai bien compris, la suppression des deux dernières phrases de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile entraînera la disparition de certains dispositifs spécifiques, notamment la possibilité pour certains agents de partir en retraite à l'âge de cinquante ans s'ils ont effectué vingt-cinq années de service, et cela suscite le mécontentement des personnels concernés.
L'article 10 bis soulève tout de même un problème important. Quelle sera la situation des personnels de cabine lorsqu'ils auront atteint l'âge de cinquante-cinq ans ?
En l'état actuel du droit, les agents de plus de cinquante-cinq ans ne peuvent effectivement pas exercer d'activité en qualité de personnels de cabine dans le transport aérien public, mais ils peuvent toujours, sous réserve des possibilités offertes par leur entreprise, bénéficier d'un reclassement dans un emploi au sol.
Or, depuis quelque temps, les compagnies aériennes ne peuvent plus offrir de tels emplois à ces personnels. Dès lors, ceux-ci sont mis d'office à la retraite à l'âge de cinquante-cinq ans, mais, dans les faits, ils ne partent pas en retraite, car ils doivent attendre d'avoir atteint l'âge de soixante ans.
Par conséquent - vous rectifierez si je me trompe, monsieur le ministre -, les personnels concernés sont dans une situation délicate pendant une période de cinq ans, entre l'âge de cinquante-cinq ans et l'âge de soixante ans. En effet, soit ils sont employés par leur entreprise en qualité de personnels au sol, mais cela semble difficile dans les faits, soit ils se retrouvent au chômage, même s'ils perçoivent la retraite complémentaire. Vous le voyez, la situation est compliquée.
À cet égard, l'article 10 bis a au moins le mérite de mettre de telles difficultés en évidence. Et si nous proposons sa suppression, c'est parce que nous estimons qu'il mérite de faire l'objet d'un nouvel examen après une véritable négociation. De surcroît, il est probablement possible de régler le problème en remplaçant simplement les mots : « cinquante-cinq ans » par les mots : « soixante ans », éventuellement par décret.
Quoi qu'il en soit, je souhaite obtenir de M. le ministre des réponses sur la situation des personnels concernés quand ils ont entre cinquante-cinq ans et soixante ans. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un problème important.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 287.
M. Guy Fischer. Tout d'abord, je me réjouis que le Gouvernement ait également déposé un amendement tendant à la suppression de l'article 10 bis.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est que reculer pour mieux sauter, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Nous souhaitons revenir sur une disposition particulièrement néfaste, qui figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale depuis l'adoption d'un amendement déposé par M. Jacques Myard à l'Assemblée nationale, le 25 octobre dernier.
L'article 10 bis supprime les deux dernières phrases de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, qui reconnaît l'existence d'une clause « couperet » interdisant au personnel navigant commercial d'exercer une activité en cabine au-delà d'un certain âge fixé par décret. En l'état actuel de la réglementation, cet âge est fixé à cinquante-cinq ans.
Une telle disposition du code de l'aviation civile résulte notamment de la privatisation d'Air France, qui a sonné le glas du statut spécifique des salariés de l'ancienne entreprise publique. Cependant, grâce à un dispositif particulier financé exclusivement par la Caisse de retraite du personnel navigant, les salariés concernés peuvent aujourd'hui partir en retraite entre cinquante ans et cinquante-cinq ans.
Même si le gouvernement de l'époque nous jurait que l'âge de départ à la retraite serait garanti, l'abandon du statut d'entreprise publique nous était déjà apparu comme la porte ouverte à tous les reculs sociaux. Nous ne nous étions pas trompés !
Nous sommes conscients des problèmes posés par la rédaction actuelle de l'article L. 421-9, notamment s'agissant des agents qui subissent une période de chômage suite à un refus de reclassement au sol, mais nous estimons que l'article 10 bis règle la situation de la plus mauvaise des manières.
D'abord, sur la méthode, il nous paraît incompréhensible qu'une telle disposition, qui revient à allonger la durée d'exercice de ces personnels jusqu'à l'âge de soixante ans, puisse être adoptée dans le cadre pour le moins inapproprié de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'autant que cette décision n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les organisations syndicales représentatives concernées.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous cherchez un alibi pour ne rien faire !
M. Guy Fischer. Nous y reviendrons, monsieur le rapporteur.
En outre, l'article 10 bis ne peut se lire qu'en concordance avec la tentative de réforme de la Caisse de retraite du personnel navigant et la volonté globale du Gouvernement de supprimer les régimes dits « spéciaux » ou « autonomes ».
En réalité, par le biais d'une telle réforme, le Gouvernement souhaite allonger la durée d'activité des personnels navigants.
D'une part, la période d'activité serait portée de vingt-cinq à trente annuités et autoriserait un départ à la retraite non plus à cinquante ans, mais à cinquante-cinq ans.
D'autre part, la majoration de pension de 25 %, à laquelle les salariés partis en retraite entre cinquante ans et soixante ans ont droit, devrait progressivement disparaître.
Ainsi, conjuguée avec l'entrée en vigueur de l'article 10 bis, la réforme de la Caisse de retraite du personnel navigant aboutira à une situation très simple : ceux-ci ne pourront plus partir à la retraite avant l'âge de soixante ans, faute de pouvoir bénéficier d'une retraite digne de ce nom.
Une telle disposition est en parfaite cohérence avec la lettre de cadrage de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, qui prônait la suppression des clauses « couperet » pour aboutir à un régime unique de retraite. Cela passe notamment par la négation des spécificités de certains métiers. Ainsi la pénibilité est-elle remise en cause dans de nombreuses branches d'activité. Nous sommes fermement opposés à cette vision dogmatique et simpliste.
L'allongement de la durée d'activité pose de sérieux problèmes de sécurité, et particulièrement pour le personnel navigant commercial.
En effet, après trente à trente-cinq années d'activité, les personnels gardent-ils les mêmes réflexes ? Comment croire que ces agents pourront toujours physiquement procéder à l'évacuation d'un avion en quelques minutes, comme ils l'ont fait récemment ?
La pénibilité de ce métier est également caractérisée : le travail s'effectue dans un milieu artificiel, dans un espace pressurisé où l'organisme est soumis à des variations importantes de pression et à une exposition à des vibrations ainsi que des radiations qui ont des répercussions manifestes sur la santé. En outre, ces personnels sont soumis à des rythmes de travail irréguliers ayant des incidences notables sur leur santé et leur vie familiale.
Pour toutes ces raisons, nous préconisons un accès au régime général à cinquante-cinq ans, qui se justifie par la reconnaissance de la pénibilité du travail et des impératifs particuliers de sécurité. En outre, de notre point de vue, il faut également maintenir la majoration de pension entre cinquante ans et soixante ans, car elle permet de garantir le niveau des pensions actuelles.
Plus globalement, un tel mouvement de réformes s'inscrit dans le contexte d'une libéralisation accrue du ciel.
L'aviation civile a beaucoup évolué. La création de compagnies low cost et la suppression des compagnies publiques conduisent à une précarisation globale de la situation des salariés de l'aérien, qui ont bien souvent du mal à justifier de carrières linéaires leur permettant un départ à la retraite avec une pension pleine et entière. C'est à ce mal-là qu'il faut tenter de remédier en créant une sécurité d'emploi et de formation tout au long de la vie.
Mais, comme vous l'avez compris, les négociations avec les organisations représentatives n'ont pas eu lieu.
Dès lors, si nous souhaitons la suppression de l'article 10 bis, c'est afin de permettre une véritable concertation et, surtout, de ne pas soulever un nouveau problème, d'autant qu'une négociation sur la Caisse nationale du personnel navigant est actuellement en cours.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 462.
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement a également déposé un amendement visant à supprimer l'article 10 bis, qui a été inséré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale à la suite de l'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale.
Les clauses « couperet » ne rencontrent guère d'écho favorable auprès du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. C'est valable dans les deux sens !
M. Éric Woerth, ministre. D'ailleurs, compte tenu des positions que nous avons toujours défendues, le contraire serait plutôt paradoxal.
De surcroît, le dispositif que l'Assemblée nationale a adopté n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable avec les personnels de l'entreprise.
Or, à notre sens, une telle décision aurait dû résulter d'une véritable négociation, comme il se doit dans le monde moderne. En l'occurrence, le dialogue social s'impose d'autant plus que le personnel est relativement partagé sur le sujet.
Même si l'objectif de l'article 10 bis peut être louable, les conditions sociales nécessaires à la mise en place d'une telle mesure, qui a d'ailleurs été adoptée de manière assez sèche, ne me semblent pas réunies.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose d'adopter l'amendement n° 462, qui s'inscrit - une fois n'est pas coutume (Sourires) - dans la même perspective que la proposition de M. Fischer.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, j'entends bien que l'on ne peut rien décider sans concertation préalable. Il y a beaucoup de syndicalistes au sein du personnel navigant, et l'on ne va pas énerver des personnels qui, énervés, l'ont été, le sont sans doute déjà un peu et pourraient l'être beaucoup plus encore...
Toutefois, à titre personnel, je ne voterai pas ces amendements identiques de suppression parce qu'ils sont en totale contradiction avec les mesures de taxation des préretraites qui sont prises par ailleurs dans ce PLFSS pour 2008.
Je l'ai dit et je le répète, certains articles de ce projet de loi manquent de cohérence entre eux.
D'ailleurs, on peut complètement inverser le raisonnement de M. Fischer, qui s'est exprimé longuement sur ce sujet avec une sincérité dont je ne doute pas.
Mes chers collègues, les ruptures de carrière sont aussi valables dans un sens que dans l'autre. On le voit bien aujourd'hui avec l'allongement de la durée de la vie. Plusieurs syndicats de pilotes demandent à pouvoir continuer à piloter jusqu'à soixante ans, comme dans d'autres pays d'Europe, notamment en Europe du Nord.
Non, vraiment, tout cela est baroque et explique pourquoi notre pays semble un peu étrange aux yeux des autres.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà un combat commun mené par M. Guy Fischer et, au nom du Gouvernement, par M. Éric Woerth, visant à supprimer un article introduit par l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, nous nous retrouvons dans une situation un peu paradoxale, car l'amendement de M. Jacques Myard a été adopté à l'Assemblée nationale essentiellement avec le soutien du groupe socialiste et du groupe communiste et quelques membres du groupe UMP. Ici, la situation est complètement inversée, et c'est plutôt le groupe communiste qui vient au secours du Gouvernement, car je n'ai pas entendu le groupe socialiste s'exprimer sur le sujet...
M. Claude Domeizel. Si !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pardonnez-moi, monsieur Domeizel, mais vous avez été le premier à vous exprimer et les interventions qui ont suivi ont été tellement longues que j'avais fini par oublier la vôtre. (Sourires.)
Je me souviens, en effet, de la présentation de votre amendement en commission. Vous considériez même que tout cela pouvait se régler par voie réglementaire et qu'une loi n'était pas nécessaire, ce sur quoi vous n'avez pas complètement tort.
M. Claude Domeizel. Ah !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais, pour ce qui concerne la disparition des mises à la retraite d'office, il faudra de toute façon une disposition législative, si telle est l'intention du Gouvernement dans le cadre de la réforme des régimes de retraite, qu'il s'agisse du régime de base ou des régimes spéciaux.
J'entends bien l'argumentation développée par le Gouvernement, qui souhaite qu'une concertation soit menée en amont avant de prendre des mesures de cette nature. Sous cette réserve, monsieur le ministre, si j'ai bien compris, vous n'avez pas d'opposition de principe à faire disparaître, dans le cadre de la réforme des régimes spéciaux, une disposition qui permet aux entreprises de mettre à la retraite d'office des personnels, et dans le cas présent, des hôtesses de l'air et des agents navigants.
Il faut bien avoir à l'esprit que, du fait de cette clause « couperet », des personnels auxquels il ne manque que quelques trimestres pour faire valoir leur droit à la retraite à taux plein sont mis à la retraite d'office, et ainsi privés du bénéfice d'une pension à taux plein. Cette mise à la retraite d'office n'est donc certainement pas une avancée sociale, monsieur Fischer, et il ne serait pas illégitime de la soumettre à son tour à la logique du couperet...
Nous devrions, à mon sens, dès que possible, mettre en oeuvre un dispositif permettant de prolonger la période d'activité. J'ai cru comprendre que c'était le fil conducteur de la réforme que souhaitent le Président de la République et le Gouvernement, plus particulièrement Xavier Bertrand, dans le cadre des négociations qu'il mène avec les partenaires sociaux. Il a même fait valoir que la prolongation de la durée d'activité était un élément incontournable de la réforme et que, sur ce point, le Gouvernement n'avait pas l'intention de céder, mais préférait plutôt agir sur d'autres éléments pour rechercher un consensus et essayer de trouver un équilibre.
Donc, après avoir écouté M. le ministre, et au nom de la commission, je m'en remets à la grande sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.
M. Dominique Leclerc. Je sais bien qu'en politique on n'est pas à une contradiction près, mais, lorsque nous avons été saisis du PLFSS, l'amendement de notre collègue député Jacques Myard semblait aller dans le bon sens.
Nous sommes censés livrer combat contre les dispositifs de préretraite, mais, en 2003, et l'an dernier encore, nous avons tous ravalé notre discours politique, car tous ces amendements sur les préretraites, portés on sait comment, ont abouti au fait qu'il y a aujourd'hui 122 conventions collectives représentant 40 % à 50 % des salariés concernés. En somme, nous n'avons pas cessé de nous renier !
On ne cesse de dénoncer l'âge couperet de mise à la retraite, le faible taux d'emploi des seniors, l'attitude du patronat qui préfère faire jouer la solidarité nationale au travers des préretraites, parce que cela le sert dans la gestion de la pyramide des âges. Vous me direz qu'Air France est une toute petite entreprise et qu'il lui est bien difficile de retrouver des postes de travail qui correspondent aux aptitudes des personnels navigants d'un certain âge !
Si les Français savaient, cher collègue Domeizel... Si les Français savaient qu'à cinquante-cinq ans, on dit aux agents d'Air France qu'on ne peut plus les faire voler, que l'entreprise Air France - encore une fois, une toute petite entreprise de quelques dizaines de personnes à peine -, ne peut pas leur trouver un autre emploi, qu'ils doivent rentrer chez eux, mais qu'en attendant l'âge de la retraite de base ils peuvent bénéficier d'une retraite complémentaire et de l'accès à l'ANPE !
Nous sommes en totale contradiction avec tout ce qui est dit depuis 2003 sur le financement de la branche vieillesse.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Dominique Leclerc. C'est de la pure schizophrénie et, pour ma part, je ne peux pas participer à un exercice aussi ubuesque.
Mais le dernier argument est, à mon sens, le plus beau : il n'y aurait pas eu de discussions au sein de l'entreprise avec les personnels concernés.
L'an dernier, nous avons été interpellés sans ménagement par les audioprothésistes - ils avaient raison -, qui découvraient tout d'un coup dans le PLFSS une mesure qui allait totalement bouleverser leur profession. Et je ne parle pas d'une mesure de déréglementation qui devait affecter une autre profession et qui figurait dans le PLFSS initial. Dans l'un et l'autre cas, on avait, bien entendu, oublié d'en parler aux professionnels concernés. On le voit, cette façon de procéder est courante.
Aujourd'hui, on en tire prétexte pour faire obstacle au maintien, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'une disposition qui est dans la logique suivie par le Gouvernement. Ce sera sans moi ! Je ne peux pas voter ces amendements de suppression, car je tente, moi, de rester fidèle à la ligne politique de la majorité dans le domaine de l'emploi et des retraites, sans égard pour toutes les faiblesses que l'on a pu avoir ces derniers temps ! (M. le rapporteur pour avis applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Leclerc, je vous ai bien entendu et je ne vous demande pas d'abandonner vos convictions en votant l'amendement du Gouvernement, bien évidemment, et d'ailleurs, ces convictions, je les partage, sinon je ne serais pas là aujourd'hui, et j'imagine qu'elles sont également partagées au moins sur la partie de l'hémicycle où vous siégez.
La question telle qu'elle se pose est un peu différente. Ce n'est pas vraiment une clause « couperet », c'est une clause d'interdiction d'exercer en cabine. Il s'agit d'un problème de fonctionnement qui se pose à Air France.
Le principe de base de la politique du Gouvernement est de faire en sorte que les gens qui ont envie de travailler plus longtemps puissent le faire. Mais cet amendement est venu brutalement à l'Assemblée nationale sans la moindre concertation au sein de l'entreprise. Nous sommes là pour légiférer, certes, mais pas sans prendre en compte le dialogue social à l'intérieur des entreprises, c'est la moindre des choses. !
Par conséquent, il faut laisser le temps au dialogue social de s'instaurer et à la direction générale de l'entreprise de cheminer dans le sens que nous souhaitons, sinon nous risquons d'aboutir à une situation de blocage, tout simplement pour avoir voulu aller trop vite.
J'ajoute qu'en cette affaire le pragmatisme doit l'emporter et qu'il ne faut pas être trop dogmatique, sachant que l'objectif est bien de permettre aux personnes de travailler plus longtemps.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Monsieur Leclerc, ma position sur cet article n'a rien de paradoxal. Je conviens qu'il peut paraître surprenant qu'une personne mise à la retraite à cinquante-cinq ans soit au chômage si elle ne retrouve pas de travail et perçoive donc des indemnités à ce titre. Au passage, cette situation est fort désagréable à supporter psychologiquement.
En l'espèce, je pense qu'il faut en revenir au maître mot du débat, à savoir la pénibilité. D'après ce que je sais de ce métier, nous sommes vraiment là dans un cas particulier de pénibilité au travail.
Par ailleurs, cher collègue, il peut arriver que nous ayons, avec le Gouvernement, des positions identiques, même si ce ne sont pas toujours pour les mêmes raisons. (Sourires.)
Si nous proposons la suppression de cet article, c'est d'abord et avant tout parce qu'il n'y a pas eu de négociations préalables. Ensuite, point n'est besoin d'une loi, il suffit de modifier le décret. Nous serions bien inspirés à l'avenir de prendre pour habitude de ne pas modifier par la loi des dispositions qui relèvent du décret.
En conséquence, nous voterons notre amendement de suppression, et celui du Gouvernement, puisqu'il est identique au nôtre ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Chers collègues, si j'ai déposé cet amendement de suppression, sur lequel je demande au Sénat de se prononcer par scrutin public, c'est, en mon âme et conscience, parce que je tire les enseignements du passé : sur un problème aussi important, il doit y avoir négociation. Or celle-ci n'a pas eu lieu. À cet égard, je rejoins la position de M. le ministre et m'en réjouis.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 144, 287 et 462.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22 :
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 310 |
Contre | 10 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 10 bis est supprimé.
Article 11
I. - L'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans le a et la première phrase du cinquième alinéa du II, les mots : « aux dispositions des III, IV et V » sont remplacés par les mots : « au III » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. - L'assiette forfaitaire provisoire prévue au a du II est égale à six cents fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la contribution est due. » ;
3° Les IV et V sont abrogés ;
4° Le quatrième alinéa du VII est ainsi rédigé :
« Pour les personnes redevables de la cotisation de solidarité définie à l'article L. 731-23 du code rural, lorsque les revenus professionnels ne sont pas connus, la contribution est calculée sur une assiette forfaitaire provisoire égale à cent fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la contribution est due. » ;
5° Le sixième alinéa du VII est supprimé.
II. - Le II de l'article L. 136-5 du même code est ainsi rédigé :
« II. - La contribution due sur les revenus des personnes assujetties au régime de la sécurité sociale des salariés des professions agricoles est directement recouvrée et contrôlée par les caisses de mutualité sociale agricole, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations dues au régime de la sécurité sociale des salariés des professions agricoles.
« La contribution due sur les revenus des personnes assujetties au régime de la sécurité sociale des non-salariés des professions agricoles ainsi que la contribution due sur les revenus des personnes redevables de la cotisation de solidarité visée à l'article L. 731-23 du code rural sont directement recouvrées et contrôlées par les caisses de mutualité sociale agricole, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations d'assurance maladie, maternité et invalidité dues au régime de la sécurité sociale des non-salariés des professions agricoles. »
III. - L'article L. 741-27 du code rural est ainsi modifié :
1° Les I, II, III et IV deviennent respectivement les II, III, IV et V et il est rétabli un I ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions du II de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale sont applicables aux cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales dues pour l'emploi d'accueillants familiaux mentionnés à l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles par les groupements professionnels agricoles mentionnés au 6° de l'article L. 722-20 du présent code qui ont passé un contrat conforme aux articles L. 442-1 et L. 444-3 du code de l'action sociale et des familles. » ;
2° Dans le III, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II ».
Mme la présidente. L'amendement n° 247, présenté par MM. César et Mortemousque, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - À l'article L. 751-17 du code rural, après la référence : « L. 241-13 » sont insérés le mot et la référence : « et L. 241-18 ».
Les dispositions du présent paragraphe s'appliquent à compter du 1er octobre 2007.
... - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du paragraphe ci-dessus est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Dans la loi d'orientation agricole de novembre 2005, j'avais défendu, en tant que rapporteur, non seulement les agriculteurs, mais également les salariés agricoles.
Dans un même esprit, l'amendement que je vous propose d'adopter aujourd'hui, mes chers collègues, est un amendement de cohérence avec la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi « TEPA ». Il vise à compléter les renvois, dans le code rural, à la branche accidents du travail pour ce qui concerne la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires réalisées par les salariés agricoles.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Au mois de juillet dernier, j'ai été rapporteur pour avis, aux côtés de Philippe Marini, du projet de loi TEPA. Or j'ai gardé le souvenir que Mme Lagarde nous avait précisé que le dispositif s'appliquait également aux agriculteurs et aux salariés agricoles.
C'est pourquoi je sollicite l'avis du Gouvernement pour savoir si la précision que nous propose notre collègue Gérard César est vraiment utile et nécessaire.
M. Gérard César. Elle est indispensable !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si le Gouvernement y est favorable, nous le suivrons !
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 247 rectifié.
Je mets aux voix l'amendement n° 247 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 11 bis
La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 731-13 du code rural est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Cette exonération est applicable pendant cinq années civiles aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole à titre principal à compter de la première année au titre de laquelle des cotisations d'assurance maladie, invalidité et maternité, de prestations familiales et d'assurance vieillesse agricole sont dues. Toutefois, en cas de cessation temporaire d'activité avant la fin de la période d'exonération, le bénéfice de celle-ci est suspendu. Il est rétabli à la reprise d'activité pour la durée d'exonération restant à courir à condition que la cessation d'activité n'excède pas une durée fixée par décret. » - (Adopté.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Dépôt d'une question orale avec débat
Mme la présidente. J'informe le Sénat que j'ai été saisie de la question orale avec débat suivante :
N° 6 - Le 15 novembre 2007 - M. Gérard Bailly interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les moyens mis en oeuvre pour lutter contre l'épidémie de fièvre catarrhale ovine (FCO), aussi appelée maladie de la langue bleue, qui, depuis la fin de l'été, affecte l'Europe du Nord-Ouest et singulièrement la France. Brutalement apparue sous nos latitudes pour la première fois en août 2006, cette maladie vectorielle a connu un nouvel essor, particulièrement virulent, à partir de juillet 2007, touchant de plein fouet les éleveurs d'ovins et de bovins dans une zone géographique désormais très étendue puisqu'elle concerne presque toute l'Allemagne, les États du Benelux, la Suisse et une partie du Royaume-Uni, du Danemark, de la République tchèque ainsi que de la France. Dans notre pays, en effet, ce ne sont pas moins de cinquante départements qui sont désormais situés dans la zone dite "réglementée", dont les mouvements de sortie du bétail sont normalement interdits. Les éleveurs et professionnels de la filière sont ainsi confrontés à une situation sanitaire et économique très critique, leur cheptel subissant une morbidité et une mortalité élevées et leur activité des charges financières et des pertes particulièrement pénalisantes. Dans ce contexte de crise, il souhaiterait connaître l'état actuel de la diffusion de la maladie et le nombre d'élevages et de têtes de bétail touchés en France, l'estimation des conséquences économiques à en attendre, notamment à l'exportation, les mesures de protection sanitaire adoptées pour lutter contre l'épidémie et celles envisagées pour prévenir la reprise de l'activité vectorielle l'an prochain, et, enfin, les dispositifs de soutien économique mis en oeuvre cet automne au niveau national comme au plan communautaire, et ceux susceptibles d'être décidés en 2008. En outre, il s'interroge sur l'organisation et les moyens qu'il conviendrait de prévoir, associant les États membres, l'Union européenne et les structures professionnelles, pour anticiper ce type de crise sanitaire de grande ampleur dont, à l'avenir, les risques de multiplication, vraisemblablement liés à la globalisation et au réchauffement climatique, ne peuvent pas être écartés.
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
7
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'action commune du Conseil .../.../PESC du ... relative à la mission de police de l'Union européenne (MPUE) en Bosnie-Herzégovine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3684 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'action commune 2007/.../PESC du Conseil du ... concernant le soutien aux activités de l'AIEA en matière de surveillance et de vérification en République populaire démocratique de Corée dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie de l'UE contre la prolifération des armes de destruction massive.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3685 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Position commune du Conseil 2007/.../PESC du ... renouvelant les mesures restrictives instituées à l'encontre de la Côte d'Ivoire.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3686 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'action commune du Conseil modifiant et prorogeant l'action commune 2006/623/PESC du Conseil concernant la création d'une équipe de l'UE chargée de contribuer à la préparation de la mise en place éventuelle d'un bureau civil international au Kosovo incluant un représentant spécial de l'Union européenne (équipe de préparation du BCI/RSUE).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3687 et distribué.
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Dépôt d'un rapport d'information
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Michel Mercier un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le compte d'avances aux collectivités territoriales.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 82 et distribué.
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ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 14 novembre 2007, à quinze heures et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi (n° 67, 2007-2008) de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 72, 2007-2008) de MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 73, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 14 novembre 2007, à une heure cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD