Sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
2. Candidature à un organisme extraparlementaire
3. Modification de l'ordre du jour
4. Polynésie française. - Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence
Discussion générale commune : MM. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer ; Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois ; Bernard Frimat, Gaston Flosse, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Dominique Voynet, M. Laurent Béteille.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale commune.
Amendement no 34 rectifié de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Rejet.
Amendement no 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Adoption.
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission et sous-amendement no 61 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gaston Flosse, Bernard Frimat. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 4 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Adoption.
Amendement n° 45 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
M. Bernard Frimat.
Amendements nos 57 de M. Bernard Frimat et 5 à 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Hugues Portelli, Bernard Frimat. - Rejet de l'amendement no 57 ; adoption des amendements nos 5 à 7.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendements nos 46 de M. Gaston Flosse et 9 de la commission. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Rejet de l'amendement no 46 ; adoption de l'amendement no 9.
Amendement n° 10 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat, Hugues Portelli. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
M. Bernard Frimat.
Amendement n° 58 de M. Bernard Frimat. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 6
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gaston Flosse, Bernard Frimat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel avant l'article 7
Amendement n° 12 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles additionnels après l'article 7
Amendement n° 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gaston Flosse, Bernard Frimat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles additionnels après l'article 9
Amendement n° 47 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 48 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 16 de la commission et sous-amendements nos 65 du Gouvernement et 56 rectifié de M. Gaston Flosse ; amendements nos 55, 35 et 36 de M. Gaston Flosse. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gaston Flosse, Bernard Frimat.
Suspension et reprise de la séance
5. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
6. Polynésie française. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique déclaré d'urgence
Amendement no 16 rectifié de la commission. - MM. Gaston Flosse, Bernard Frimat. - Adoption du sous-amendement no 65, le sous-amendement no 56 rectifié devenant sans objet, et de l'amendement no 16 rectifié modifié rédigeant l'article, les amendements nos 55, 35 et 36 devenant sans objet.
Amendements nos 17 à 19 de la commission. - MM. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois ; Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 11
Amendement n° 50 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 51 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 21 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gaston Flosse, Robert Laufoaulu, Bernard Frimat, Robert del Picchia. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 37 de M. Gaston Flosse, 22 de la commission et 54 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement no 37 ; adoption de l'amendement no 22, l'amendement no 54 étant devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 13
Amendement n° 23 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 24 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles additionnels après l'article 14
Amendement n° 52 de M. Gaston Flosse et sous-amendement no 63 de la commission. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 25 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 53 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements nos 38, 39 de M. Gaston Flosse et 26 de la commission. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Rejet des amendements nos 38 et 39 ; adoption de l'amendement no 26.
Amendements nos 49 de M. Gaston Flosse et 64 de la commission. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement no 49 ; adoption de l'amendement no 64.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 40 de M. Gaston Flosse. - Devenu sans objet.
Amendement n° 41 de M. Gaston Flosse. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 27 de la commission. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 28 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat, Gaston Flosse. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 29 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendements nos 42 de M. Gaston Flosse, 30 de la commission et 62 du Gouvernement. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Rejet de l'amendement no 42 ; adoption des amendements nos 30 et 62.
Adoption de l'article modifié.
M. Bernard Frimat.
Amendements nos 59 de M. Bernard Frimat, 43, 33 de M. Gaston Flosse et 32 de la commission. - MM. Gaston Flosse, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Frimat. - Rejet des amendements nos 59 et 43 ; adoption des amendements nos 32 et 33.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
MM. Bernard Frimat, le président.
MM. José Balarello, Nicolas About, Mme Catherine Tasca, MM. Bernard Frimat, Gaston Flosse, Gilbert Barbier.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.
7. Polynésie française. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
Amendements nos 1 rectifié de la commission et 7 du Gouvernement. - MM. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois ; Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. - Retrait de l'amendement no 1 rectifié ; adoption de l'amendement no 7.
Amendement no 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement no 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 4 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 3
Amendement no 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement no 8 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur, Bernard Frimat. - Adoption.
Amendement no 6 de M. Gaston Flosse. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
M. Bernard Frimat.
Adoption du projet de loi.
MM. Jean-Pierre Godefroy, le président.
MM. Guy Fischer, le président.
9. Financement de la sécurité sociale pour 2008. - Discussion d'un projet de loi
Discussion générale : M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie ; André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille.
MM. Bernard Cazeau, le président.
MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse ; Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles ; Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances.
M. le ministre.
MM. Paul Blanc, Guy Fischer, Gilbert Barbier.
Suspension et reprise de la séance
Mme Muguette Dini, MM. Bernard Cazeau, André Lardeux, Georges Othily, Mme Raymonde Le Texier, M. Dominique Leclerc, Mme Dominique Voynet, M. Jean-Paul Virapoullé, Mme Michèle San Vicente-Baudrin, M. Jean-Claude Etienne.
Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports ; Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 274 de Mme Annie David. - Mme Annie David, Mme la ministre, M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Rejet.
Motion no 141 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. le président de la commission, Mme la ministre. - Rejet.
Première partie (Dispositions relatives à l'exercice 2006)
MM. Guy Fischer, Bernard Cazeau.
Adoption de l'article.
Article 2 et annexe A. - Adoption
Adoption de la première partie du projet de loi.
Deuxième partie (Dispositions relatives à l'année 2007)
Mme Michèle San Vicente-Baudrin.
Adoption de l'article.
M. Bernard Cazeau.
Adoption de l'article.
MM. Guy Fischer, Bernard Cazeau, le ministre.
Adoption de l'article.
M. Guy Fischer.
Adoption de l'article.
Adoption de l'article.
Adoption de la deuxième partie du projet de loi.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
11. Dépôt d'un rapport d'information
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière.
La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Patrick Courtois pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
3
modification de l'ordre du jour
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 83 de M. Gérard Bailly est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du 20 novembre 2007.
Par ailleurs, la question n° 91 de M. Jean-Pierre Chauveau pourrait être inscrite à l'ordre du jour de cette même séance.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
4
Polynésie française
Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi organique et du projet de loi tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française. (nos61, 62, 69).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un constat unanime qui m'amène à vous présenter aujourd'hui ces deux projets de loi : les institutions actuelles de la Polynésie française, issues du statut de 2004, ne permettent plus aux Polynésiens de bénéficier d'un cadre institutionnel capable de répondre à leurs préoccupations et à leurs aspirations, capable de répondre à leur besoin vital de développement économique, en un mot, capable de construire leur avenir.
Les changements si fréquents de gouvernements, les crises plus ou moins prolongées, les subtils jeux de bascule auxquels on assiste depuis plusieurs années doivent désormais cesser.
Il n'est pas concevable de laisser s'installer dans un territoire français une situation qui ne lui permet plus d'être gouverné dans la durée. C'est une question de crédibilité des institutions et de l'autonomie du territoire qui doivent être garanties par l'État. C'est la mission que le Président de la République et le Premier ministre m'ont confiée, et c'est tout l'objet de ces deux textes.
Il est donc indispensable, par respect pour les Polynésiennes et les Polynésiens, de donner un nouveau souffle, dans un esprit de rupture, à cette démocratie locale qui a été, je le rappelle, un véritable précurseur en matière d'exercice des libertés et des responsabilités locales.
Le Parlement de la République a toujours été vigilant sur le respect des aspirations des Polynésiens à se gérer eux-mêmes, sans remettre en cause leur appartenance à notre nation. Depuis 1946, date à laquelle la Constitution a créé la notion de territoire d'outre-mer, l'autonomie s'est faite, pas à pas, et vous y avez largement contribué, ici au Sénat, chambre des libertés locales où l'outre-mer a toujours su faire entendre sa voix.
Aujourd'hui, le statut de 2004 a démontré ses limites. L'instabilité politique que connaît la Polynésie française depuis trois ans et demi en est la preuve flagrante. Elle est devenue un frein certain à la mise en oeuvre des projets dont elle a besoin et qui sont légitimement attendus par sa population.
Depuis 2004, cinq présidents se sont succédé, quatre motions de censure ont été adoptées. Les Polynésiens ne le tolèrent plus, ils ne comprennent plus.
Ils me l'ont dit tant de fois lorsque je suis allé à leur rencontre, à plusieurs reprises, et encore tout récemment. Ils ne supportent plus de voir ces querelles politiques à répétition, où le débat idéologique l'emporte sur l'action concrète. Ils ne supportent plus cette instabilité qui nuit gravement au développement de leur pays, confronté à une situation économique et sociale difficile.
Et, pendant ce temps, les dossiers stagnent. Le simple exemple du contrat de projet que le Gouvernement avait prévu de proposer à la Polynésie - pour un montant de 430 millions d'euros, dont 177 millions d'euros de participation de l'État - et qui n'a toujours pu être signé est éloquent.
Ce contrat, préparé en concertation par l'État et le gouvernement polynésien présidé par M. Tong Sang, est prêt depuis des mois. Il pose les bases d'un développement économique et social durable pour amener la Polynésie à répondre aux grands défis d'aménagement qui sont les siens : l'accès de tous les Polynésiens à un service public de distribution pérenne d'eau potable, la préservation des lagons, la création de réseaux d'assainissement adaptés au développement du tourisme, au logement social, à la rénovation urbaine...
Je ne veux pas croire que les élus polynésiens, dans leur grande diversité, ne puissent se saisir d'une telle opportunité afin d'améliorer le quotidien de nos concitoyens.
L'État doit prendre sa part de responsabilité ; c'est aujourd'hui ma part de vérité face aux Polynésiens. C'est notre devoir ici de répondre à leurs préoccupations et, par là même, de remédier aux dysfonctionnements des institutions locales. C'est le devoir d'un État impartial et respectueux de tous ses administrés, d'où qu'ils soient.
L'État ne peut se soustraire à son obligation constitutionnelle d'être le garant et le régulateur des institutions. Il est parfaitement dans son rôle en prenant l'initiative de cette réforme, qui ne vise qu'à améliorer la gouvernance politique de la Polynésie française et non à entrer dans un débat partisan ou à limiter l'autonomie des institutions locales par rapport aux institutions nationales. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)
C'est parce que tous les responsables politiques, économiques et sociaux, la société civile et la population m'ont ardemment sollicité, c'est parce que le Gouvernement de la République les respecte, parce que je les ai écoutés et entendus, tous ces Polynésiens attachés à l'autonomie dans la République, que nous avons pris l'initiative de ces projets de loi statutaires.
Ce que je vous propose aujourd'hui, au nom du Gouvernement et sous l'autorité du Président de la République, c'est une étape de plus à franchir dans l'approfondissement de l'autonomie, dans l'amélioration du fonctionnement des institutions.
La Polynésie est dans la République et son autonomie doit s'organiser dans le respect de ses règles et de ses valeurs.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Il est donc grand temps de redonner la parole aux Polynésiens.
C'est pourquoi nous vous proposons aujourd'hui le renouvellement anticipé de l'assemblée de Polynésie. L'accueil par l'opinion locale de cette proposition a été très positif.
Le mandat actuel des membres de l'assemblée élue en 2004 sera donc abrégé et les élections organisées au plus vite. Le présent projet de loi organique a fixé une date butoir pour ce retour aux urnes.
Je sais que les fêtes de fin d'année sont des moments particulièrement importants pour les Polynésiens et que la mobilisation des familles et des Églises est intense. J'ai donc veillé à ce que les dates choisies laissent le temps d'organiser un vrai débat de campagne électorale et recueillent le plus large accord au sein de la population. Le Gouvernement fixera donc au 27 janvier 2008 le premier tour de ce renouvellement anticipé.
Vous avez pu entendre certaines voix s'élever pour dire que ce texte n'était plus d'actualité compte tenu de l'accord intervenu entre deux formations politiques polynésiennes de première importance. Certes, on peut se réjouir qu'un gouvernement de plus - le cinquième en trois ans - puisse bénéficier du soutien d'une telle majorité. Mais cette majorité est-elle durable ? Est-elle comprise par les électeurs ?
Je vous le répète, je suis convaincu que, au-delà des accords entre responsables politiques, il faut redonner la parole au peuple. Vous-même, monsieur Flosse, comme la plupart des responsables politiques, avez exprimé à plusieurs reprises cette aspiration de la majorité de la population en soulignant l'urgence de ce retour aux urnes.
Aujourd'hui, ce projet de loi répond à cette attente. Le temps est donc venu d'écrire une nouvelle page de notre histoire commune.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez comme moi, le renouvellement de l'assemblée de Polynésie française sans changement institutionnel aboutirait probablement à la reconduction d'une assemblée sans majorité et d'un gouvernement sans perspective d'avenir ni même de simple durée. Les entretiens que j'ai eus en Polynésie et à mon ministère avec l'ensemble des acteurs et responsables politiques et économiques m'en ont convaincu. Le choix de prendre l'initiative de modifier le statut de 2004 afin d'en améliorer le contenu s'est donc imposé. Nous sommes réunis aujourd'hui pour en discuter.
Certains m'ont reproché une concertation à marche forcée. Je rappelle qu'aux demandes réitérées de dissolution dans la précipitation qui m'étaient adressées en juin et juillet derniers j'ai répondu systématiquement « qu'on allait prendre le temps nécessaire d'en débattre ». C'est ce que nous avons fait depuis cinq mois et ce que nous continuons de faire.
J'en viens maintenant au contenu des propositions que je vous présente dans ce texte.
Je tiens d'abord à saluer la qualité du travail de votre commission des lois et de votre rapporteur, M. Christian Cointat, qui s'impose ici, décidément, comme un connaisseur très avisé des institutions de l'outre-mer. La preuve est faite, une fois de plus, que votre commission des lois, présidée par un autre très fin connaisseur des questions de l'outre-mer, M. Jean-Jacques Hyest, sait toujours trouver en ce domaine les solutions les plus équilibrées et les plus judicieuses afin de compléter utilement les projets du Gouvernement.
Je salue également la qualité du travail effectué au sein de l'assemblée de Polynésie saisie pour avis de ces deux textes. Cette assemblée a certes émis un avis globalement défavorable, mais, en entrant dans le détail de son avis, on constate que les élus se sont prononcés favorablement sur une majorité d'articles, notamment sur tous ceux touchant à la transparence de la vie politique.
Pour sa part, le Conseil d'État a émis un avis favorable, sans identifier de risque d'inconstitutionnalité. Nous avons donc suivi cet avis.
L'objectif de cette réforme est d'abord de garantir la stabilité des institutions, en évitant les censures à répétition et en contraignant ceux qui veulent s'unir pour renverser à s'unir pour construire. II faut que les alliances entre formations politiques soient définies avant les élections, dans la clarté et la transparence, et non plus après. Les tractations secrètes dans les couloirs ne peuvent pas déterminer la ligne politique d'un gouvernement. Toute orientation doit être au contraire clairement validée par les citoyens lors de leur passage aux urnes.
Ainsi, il est instauré un second tour de scrutin pour l'élection de l'assemblée afin de donner aux électeurs la possibilité de s'exprimer sur les accords conclus entre les formations politiques. C'est une innovation majeure ! Cela évitera les accords contre nature passés « dans le dos » des Polynésiens, qui sont, je le crois, pour le moins désabusés de leur classe politique.
Je sais que votre commission des lois a adopté un amendement relevant les seuils proposés pour l'accès des listes au second tour de ces élections et pour la fusion des listes entre les deux tours : nous en discuterons ultérieurement.
Mme Dominique Voynet. Chantage !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Mais je tiens d'ores et déjà à vous dire que le Gouvernement se rallie à ces propositions. Sur ce point délicat, qu'il faut aborder avec toute la modestie nécessaire, le débat était utile, et les hésitations légitimes. II faut concilier l'exigence du pluralisme et de la représentation des archipels ainsi que celle de la recherche de la stabilité avec la réalité locale et ancienne que constitue un paysage partisan très foisonnant. À la réflexion, les propositions de votre commission nous apparaissent comme un bon compromis, réaliste et équilibré, entre toutes ces exigences.
En ce qui concerne le président de la Polynésie française, le retour à un mode d'élection à trois tours, comme cela était prévu dans le statut de 1996, vise à lever toute incertitude sur la majorité requise pour son élection.
De son côté, il est indispensable que le président de l'assemblée puisse être élu pour la durée de son mandat et non plus annuellement afin de stabiliser au maximum le fonctionnement de cette assemblée. Car la stabilité institutionnelle, c'est aussi et d'abord permettre à une assemblée et à un exécutif responsable devant elle de travailler dans la durée et de tisser des liens pérennes et étroits avec l'État.
Nous voulons donc améliorer la gouvernance de la Polynésie. Pour cela, il faut inciter ses élus à prendre la dimension de leur mission.
La mise en cause de la responsabilité de l'exécutif doit se faire non plus uniquement contre une personnalité, mais pour un programme de gouvernement, avec à sa tête un candidat clairement identifié. La motion de censure dite « constructive », déjà appliquée en Corse, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, répond pleinement à cet objectif.
II faut également inciter les élus à prendre davantage leurs responsabilités et à réfléchir à l'image qu'ils offrent eux-mêmes à nos compatriotes de Polynésie.
Je ne reviendrai pas ici sur la totalité des mesures de rééquilibrage des institutions que je vous propose, mais je veux souligner, encore une fois, qu'elles ne remettent nullement en cause l'autonomie de la Polynésie. Elles ne sont que la contrepartie de la démocratie. Et, dans toutes les démocraties, l'autonomie appelle l'équilibre des pouvoirs, la responsabilité, la transparence et le contrôle !
Je rappelle les termes de l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Dès lors, les Polynésiens doivent pouvoir vérifier par eux-mêmes comment sont prises les décisions qui les concernent directement.
Je ne vois donc pas pourquoi les règles les plus élémentaires de la démocratie locale, applicables dans l'ensemble des territoires de la République, ne s'appliqueraient pas à la Polynésie française. Je ne vois là rien qui menace ou limite son autonomie ni qui affecte l'exercice de ses compétences.
C'est cette logique qui a conduit à la rédaction des dispositions visant à l'amélioration de la transparence des procédures en matière d'attribution d'aides financières ou de garanties d'emprunt de la Polynésie française et de ses établissements publics ou sociétés d'économie mixte ainsi qu'en matière de réglementation de la commande publique.
Ce projet entend également renforcer les contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires par la transposition de dispositions en vigueur dans le droit commun des collectivités territoriales de notre République.
Les élus doivent revenir à l'essence même de la politique : la gestion de la cité, au sein de la République et dans le respect de la Constitution et du droit qui en est issu. La chose publique n'est pas « leur chose » !
L'exigence d'une moralisation de la vie publique en Polynésie s'est imposée à tous. Les derniers rapports de la Cour des comptes prouvent à quel point il y a urgence à agir en ce sens !
Il n'y a dans ce texte aucune mesure qui touche à la répartition des compétences entre l'État et la Polynésie. L'autonomie dans la République, cela ne signifie pas l'autonomie des élus par rapport aux règles constitutionnelles et aux lois. Cela suppose au contraire une plus grande responsabilité, car il n'y a pas de compétences étendues sans responsabilité étendue.
II n'y a dans cette démarche aucune ingérence dans le débat politique local. La seule volonté de l'État est de continuer à avancer avec la Polynésie française, en privilégiant l'intérêt général.
Stabilité, transparence et démocratie locale, tels sont mes objectifs !
Les Polynésiens décideront ensuite de confier les rênes de leur gouvernement à ceux qu'ils en jugent dignes. Le Gouvernement de la République travaillera loyalement avec les nouveaux élus, quels qu'ils soient ! (M. Bernard Frimat et Mme Dominique Voynet s'exclament.)
Je suis un homme de démocratie et de liberté, attaché à la diversité des territoires de notre République. C'est pourquoi je veux également tendre la main aux élus afin qu'ils se réconcilient avec leurs électeurs et qu'ils retrouvent leur légitimité politique, cette légitimité qui a fini par trop s'éroder depuis l'élection de mai 2004, dont les résultats ont été aussi improbables que sans suites vraiment positives.
Lorsque l'on a une légitimité politique, il faut se donner les moyens, les ressources et les compétences d'exercer sa mission. J'ai donc décidé d'offrir aux communes de Polynésie française des compétences renforcées dans un certain nombre de domaines de proximité avec les ressources correspondantes.
À cet égard, sur le fondement de l'ordonnance de 2005 que votre Haute Assemblée a ratifiée il y a quelques mois, j'ai récemment signé une convention afin que ces communes disposent dans les sept ans à venir d'une véritable fonction publique communale. J'ai également proposé au Conseil des ministres une ordonnance leur étendant les acquis de la décentralisation et de l'intercommunalité, outil de mutualisation de leurs moyens et de leurs compétences.
Dans le même temps, je veux supprimer le contrôle de l'État a priori. Les communes polynésiennes deviendront enfin des communes de droit commun de la République, comme c'est le cas de toutes les communes de métropole depuis 1982. À mon sens, c'est un gage de confiance très important vis-à-vis des Polynésiens !
Un nouveau projet de loi organique vous sera présenté en 2008 en vue d'accroître sensiblement les compétences et les moyens des communes de Polynésie française, car il n'y aura pas de stabilisation politique durable en Polynésie française sans une véritable autonomie des communes par rapport aux autorités de Papeete.
Qui pourrait donc prétendre que j'organise un recul de l'autonomie locale au moment même où j'accrois celle des communes ?
Je tiens à le redire, l'autonomie de la Polynésie française ne saurait en aucun cas être remise en cause. L'accusation qui nous est faite de vouloir « départementaliser » le pays est grotesque et sans fondement. Je m'en suis d'ailleurs longuement expliqué avec les membres de l'assemblée de Polynésie lors de mon dernier déplacement.
Je veux bien admettre que ce texte soit perfectible, qu'il soit amendé, mais je ne peux accepter ce mauvais procès fait au Gouvernement.
Je reviendrai sur les amendements au fil de leur examen. En attendant, je puis d'ores et déjà vous annoncer qu'un accord complet pourra être donné par le Gouvernement aux propositions de votre commission des lois ; de même, de nombreux autres amendements pourront être accueillis favorablement. J'ai d'ailleurs toujours dit que le texte était loin d'être figé et que l'une des étapes essentielles du débat démocratique était cette grande rencontre avec le Sénat de la République, qui aurait sans doute à l'enrichir.
Le Gouvernement se montre particulièrement ouvert à la recherche des meilleures solutions afin de parvenir au but qui est le nôtre à nous tous ici : conforter l'autonomie de la Polynésie française en lui offrant les moyens de fonctionner efficacement et dans la durée, conformément à la volonté des Polynésiens eux-mêmes, dans le seul souci d'assurer leur bien-être au sein de la République et de faire progresser un territoire qui le mérite et qui nous est si cher.
Je souhaite donner le meilleur de moi-même à ce territoire, que j'ai appris à servir et à aimer, tant qu'il me sera donné d'exercer mes fonctions aux côtés du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, et des collectivités territoriales.
J'ai ressenti une grande incompréhension pour les compétences partagées entre l'État régalien et le gouvernement du territoire, qui a bénéficié d'un large transfert de compétences, parce que le développement économique et social est en panne.
Celles et ceux qui vivent aux Îles Marquises, aux Îles Tuamotu, aux Îles Gambier, aux Îles Australes, aux Îles Sous-le Vent ou aux Îles du Vent perdent espoir pour leur qualité de vie, car les projets stagnent qu'il s'agisse notamment de l'assainissement, des conditions sociales, de l'habitat insalubre, de l'éducation des enfants, de la formation, de l'enseignement supérieur et de la recherche, domaine qui pourtant compte tenu de la matière grise dont nous disposons pourrait être porté au même niveau que certaines de nos grandes universités de métropole.
Ils ne comprennent pas pourquoi les élus de Polynésie issus du scrutin de 2004 n'ont pas été capables d'assumer une certaine stabilité des institutions, pourquoi une volonté commune ne s'est pas dégagée pour répondre à leurs problèmes quotidiens.
Je souhaite simplement que, demain, l'État impartial ait les moyens d'accompagner le gouvernement et l'assemblée qui sera issue des urnes, quelle qu'elle soit.
Qui peut craindre la légitimité des électeurs de la Polynésie française ? Faisons confiance aux Polynésiens pour choisir leur propre destin et pour confier des responsabilités à celles et à ceux qui auront à les assumer. Personne n'a rien à craindre de la démocratie !
Dans le même temps, garantissons à cette démocratie le pouvoir de s'exercer dans la durée, dans le respect de la juste représentativité de chaque territoire, surtout de ceux qui sont les plus éloignés, ainsi que dans le respect de la justice et de l'équité sociale.
Tel est l'objectif de ces projets de loi.
Il y a urgence à redresser l'économie de la Polynésie. Il y a urgence à retourner devant les urnes et à rétablir un partenariat loyal et efficace avec l'État, pour construire un développement respectueux de l'identité polynésienne, de son histoire, de sa culture, de son authenticité, de la place qu'elle a occupée au coeur du Pacifique, mais aussi un développement équitable et équilibré.
C'est pourquoi le Gouvernement vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter les deux projets de loi qui vous sont soumis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes appelés à débattre d'un projet de loi organique et d'un projet de loi ordinaire en vue de « renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française ».
Cet intitulé est ambitieux, les objectifs visés sont louables, car ils concernent des sujets importants, mais ô combien sensibles !
Monsieur le secrétaire d'État, vous venez de présenter les grandes lignes de ces deux projets de loi. Je n'y reviendrai donc pas.
Je me limiterai simplement à rappeler brièvement, pour mieux situer mon propos, les principaux points du statut de la Polynésie sur lesquels portent les modifications proposées.
Il s'agit du système électoral de l'assemblée de la Polynésie française, de l'élection du président de la Polynésie, de l'empêchement du président de la Polynésie, de l'élection du président et du bureau de l'assemblée de la Polynésie française, du dispositif de vote d'une motion de défiance, du vote du budget, du mécanisme d'attribution des subventions, de la transparence financière et du contrôle des dépenses, des incompatibilités, des élections anticipées et, enfin, du plafond des dépenses électorales.
Comme on peut le comprendre sans difficulté après cette énumération, tous les domaines abordés sont particulièrement délicats et demandent une approche prudente, mais volontaire.
En d'autres termes, pour être efficaces, il nous faut être passionnés, mais libérés de toute passion partisane ; il nous faut être engagés vers l'avenir, mais dégagés de toute contrainte dogmatique ; il nous faut être ouverts aux idées de chacun, mais fermés à toute tentation ou risque de confusion.
C'est donc avec un esprit de recherche consensuelle assorti d'une volonté de cohérence que la commission des lois a abordé l'examen de ces projets de loi, ce qui l'a conduit à vous présenter une série d'amendements.
Une première question se pose. Fallait-il modifier le statut de la Polynésie française alors qu'il ne date que de février 2004 ?
La réponse est affirmative sans hésitation, et ce pour cinq raisons toutes aussi sérieuses les unes que les autres.
Premièrement, il nous faut reconnaître que le statut d'autonomie de la Polynésie française est le premier statut qui ait été adopté sur la base des nouvelles dispositions constitutionnelles après l'importante révision de 2003. Il représente un ensemble considérable d'innovations et d'aménagements complexes. Je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour rendre hommage à notre ancien collègue et ami Lucien Lanier, qui en a été le rapporteur au Sénat et dont j'ai pu mesurer la qualité et l'ampleur du travail.
Il est donc naturel qu'après plus de trois ans on puisse être conduit sur un texte aussi capital à procéder à quelques ajustements ou réglages à la lumière de l'expérience.
Deuxièmement, l'instabilité gouvernementale en Polynésie française est devenue chronique, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'État.
Depuis les élections de mai 2004, pas moins de six motions de censure ont été déposées, dont quatre ont été adoptées avec pour conséquence l'installation successive de cinq gouvernements différents.
Devant un tel climat de défiance et de précarité, la plupart des forces politiques ont d'ailleurs demandé, à un moment ou à un autre, mais en général quand elles n'étaient pas au pouvoir, des élections, voire des modifications statutaires.
Troisièmement, la Cour des comptes a publié un rapport alarmant alors que la collectivité gère un budget supérieur à 1,1 milliard d'euros.
Force est de constater que les principaux griefs mis en avant par la Cour des comptes sont loin d'être négligeables : une forte augmentation des dépenses de personnel, une forte augmentation des dépenses de soutien aux sociétés d'économie mixte, des investissements sans réelles études de rentabilité, une trop grande concentration des pouvoirs, une trop grande opacité des procédures, une insuffisance de contrôle de la part de l'assemblée de la Polynésie française.
Quatrièmement, le ralentissement de la vie économique est sensible, car l'instabilité gouvernementale n'incite pas aux investissements.
Cinquièmement, enfin, le découragement de la population devant ces blocages à répétition ne cesse de croître.
Face à un constat aussi préoccupant, il est clair qu'une réforme est non seulement nécessaire, mais également urgente pour restaurer la confiance et avoir une reprise de l'activité économique.
La réponse affirmative à la première question en entraîne immédiatement une deuxième : les mesures proposées sont-elles les plus appropriées pour résoudre les problèmes rencontrés ?
La réponse est également largement affirmative, mais elle nécessite toutefois l'introduction de quelques nuances.
Puisque le texte n'est pas figé, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d'État, il fallait bien que le Parlement « mette sa patte » à cette écriture. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements, qui sont justifiés par les nuances que je viens d'évoquer.
Modifier le statut d'une collectivité n'a d'intérêt que si c'est pour l'améliorer ; sinon il est préférable de s'en dispenser. Nous sommes, je crois, tous d'accord sur ce qui peut apparaître comme une évidence. Pourtant, en approfondissant la question, ce n'est pas aussi évident qu'il y paraît !
Le sens donné au verbe « améliorer » peut avoir des connotations différentes selon les points de vue. Il n'est pas toujours forcément compris de la même manière par les uns et par les autres.
Pour la commission, et ce sera le fil conducteur de nos propositions d'amendement, cette amélioration signifie répondre à l'attente comme aux besoins des citoyens régis par ce statut, faciliter la tâche des élus qui ont à l'appliquer et renforcer leur responsabilité dans le respect des valeurs de la République.
Comme, au début du mois d'octobre, je me trouvais dans le Pacifique, je me suis arrêté à Papeete précisément du 16 au 20 octobre avec l'accord du président de la commission des lois, pour y rencontrer toutes les forces politiques ou syndicales qui le souhaitaient.
J'ai ainsi pu avoir sur place de nombreuses consultations très intéressantes qui se sont toutes déroulées - je tiens à le souligner - dans un excellent climat d'ouverture, d'échange, de compréhension et de partage, y compris avec les partis indépendantistes, entretiens fructueux qui ont donné tout son sens au mot « dialogue ».
J'en profite pour remercier chaleureusement les participants, tout spécialement Mme Anne Boquet, haut-commissaire de la République en Polynésie française, et ses services qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour me faciliter ces contacts.
J'ai rencontré le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée de la Polynésie française, les trois parlementaires de la Polynésie française, les différents partis politiques avec ou sans élus à l'assemblée de la Polynésie française, la présidente et la secrétaire générale du Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française, des syndicalistes, le secrétaire général du Haut-Commissariat de la République en Polynésie française, des hauts fonctionnaires et, enfin, deux députés socialistes en déplacement sur le territoire avec lesquels j'avais souhaité m'entretenir. Je n'ai pu contacter Mme le haut-commissaire que par téléphone, car elle était en déplacement à Tonga avec le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.
Bien entendu, l'avis rendu sur les deux projets de loi par l'assemblée de la Polynésie française a servi de fil conducteur à ces différents échanges de point de vue.
Si j'ai pu noter des divergences sensibles entre les uns et les autres, notamment sur les seuils électoraux, la motion de défiance, les subventions ou la date des élections, j'ai également pu constater un certain nombre de points communs intéressants.
Par exemple, cela mérite d'être noté, je n'ai rencontré aucune opposition manifeste au système électoral retenu par le gouvernement de la proportionnelle à deux tours sans prime majoritaire avec maintien des six circonscriptions actuelles, et auquel tout le monde semble attaché.
De même, aucune opposition ne s'est exprimée à l'encontre de la nécessité de renforcer la transparence et le contrôle des décisions financières, notamment en recentrant la place de l'assemblée de la Polynésie française.
Toutefois, j'ai ressenti une volonté générale de refuser toute réduction de la portée de l'autonomie consacrée par le statut de 2004 et, dans cet esprit, de souhaiter la réécriture de certains passages du projet de loi organique dont la rédaction pouvait présenter une ambiguïté à cet égard, même si, nous le savons, sur le fond il n'était pas question de remettre en cause l'autonomie.
Enfin, j'ai constaté une réelle prise de conscience de la part des forces politiques du découragement de la population qui, pour reprendre le terme polynésien, est « fiu », ainsi que de la nécessité de relancer la machine institutionnelle.
À la lumière de l'avis de l'assemblée de la Polynésie française et au vu de ces auditions, rencontres et de ces différents constats, la commission des lois, tout en soutenant fermement les grandes lignes des projets de loi qui vous sont soumis et en approuvant entièrement les objectifs visés, vous soumettra plusieurs amendements.
Ces modifications ont pour objet de répondre du mieux possible aux attentes des Polynésiens et de les rassurer en ce qui concerne le respect du principe d'autonomie.
Elles visent la recherche d'un point d'équilibre entre les différentes positions exprimées, dans le respect de l'intérêt général, mais elles visent aussi la recherche de la cohérence avec les dispositions applicables aux autres collectivités d'outre-mer également dotées de l'autonomie.
Ces amendements que nous examinerons lors de la discussion des articles se fondent sur le principe que le Parlement - au premier chef le Sénat, qui est la maison des collectivités territoriales et des Français de l'étranger - ...
M. Robert del Picchia. Merci!
M. Christian Cointat, rapporteur. ... doit aussi largement que possible tenir compte de la position des élus locaux lorsque celle-ci n'entrave pas le but à atteindre.
En l'occurrence, c'est d'autant plus nécessaire que c'est d'eux que viendra ou non le succès des nouvelles dispositions statutaires proposées.
Il vaut mieux un texte moins perfectionné, mais finalement accepté par les acteurs concernés, qu'un texte absolument parfait, mais rejeté localement.
Ces amendements visent donc à concilier autant que faire se peut les différents points de vue afin de donner au mot « concertation » toute sa valeur, en l'exprimant de façon concrète et en se plaçant en dehors de tout schéma à connotation partisane.
Ils tendent à être la résultante des positions exprimées par les uns et par les autres, et constituent une sorte de synthèse entre les souhaits exprimés localement et les objectifs de transparence recherchés par le Gouvernement, la Cour des comptes et le Parlement, tout en garantissant, voire en renforçant, le principe d'autonomie reconnu par l'article 74 de la Constitution.
À ce sujet, ils visent à clarifier l'interprétation des textes pour lever toute ambiguïté afin que l'on ne puisse plus confondre « bonne gouvernance » avec « mise sous tutelle » ni « plus de contrôle » avec « moins d'autonomie ».
La bonne gouvernance ne peut se concevoir sans contrôle et constitue la première garantie du renforcement de l'autonomie par un meilleur exercice des responsabilités.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les projets de loi organique et ordinaire qui vous sont proposés avec quelques modifications devraient résoudre une partie importante des problèmes rencontrés en Polynésie française.
Cependant, d'autres mesures seront nécessaires.
Tant que les communes ne disposeront pas d'un minimum de « ressources propres » et d'« autonomie », les germes de l'instabilité n'auront pas entièrement disparu. Les questions de l'emprise de Tahiti par rapport aux communes et du rééquilibrage avec les archipels se posent pour l'avenir. Lors de votre audition devant la commission des lois, monsieur le secrétaire d'État, vous avez annoncé la préparation d'un texte législatif à ce sujet ; nous ne pouvons que nous en féliciter.
Nous devons être conscients, mes chers collègues, que des modifications statutaires ne suffisent pas à créer la stabilité. Elles ne peuvent que la faciliter, voire l'accompagner, car celle-ci découle avant tout d'une volonté politique. II ne s'agit que d'instruments qu'il appartiendra à nos compatriotes de Polynésie française de mettre en oeuvre, car c'est à eux que revient la maîtrise de leur destin, comme M. le secrétaire d'État l'a lui-même dit.
Nous leur offrons un dispositif mieux adapté à leurs besoins et à leur tempérament. Nous ne pouvons donc que les inviter à saisir cette opportunité et à prendre leurs responsabilités. J'espère que cet appel sera perçu.
Après tout, comme le dit un proverbe polynésien : « L'oiseau qui chante ne sait pas si on l'entendra », mais il chante quand même ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans l'ambiance d'un lundi matin au Sénat, nous allons débattre ou tout au moins accomplir la formalité qui permettra à l'Assemblée nationale de traiter de ces deux textes.
Permettez-moi un court instant, sans abuser de votre patience, de revenir sur les conditions dans lesquelles nous débattons.
Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes venu devant la commission des lois mardi dernier. Vous avez souhaité recevoir les formations politiques et nous vous avions également rencontré à votre ministère, je vous en donne acte.
M. Christian Cointat, dont tout le monde connaît l'agilité d'esprit et le talent, a pu, dans la foulée même de votre audition mardi dernier, présenter son rapport et ses amendements. Nous avons eu jusqu'à vendredi matin pour déposer nos amendements et la commission s'est réunie ce matin, à 8 heures 30, pour examiner les amendements extérieurs. Nous voici maintenant en séance et nous avons une heure pour délibérer ; notre propos sera donc forcément cursif.
Que ne nous avez-vous présenté, monsieur le secrétaire d'État, un texte sur les chiens dangereux ou les manèges en Polynésie, vous auriez eu deux heures ! Notre assemblée a en effet consacré un temps assez long à ces deux textes. En revanche, il ne lui est donné qu'une heure pour traiter des institutions de la Polynésie : à chacun sa hiérarchie des valeurs !
Comme si cela ne suffisait pas, vous avez déclaré l'urgence sur ces deux textes. Nous pensions qu'une navette entre les deux assemblées permettrait de bénéficier des travaux des députés et d'aboutir à un texte qui soit plus réfléchi, mais vous nous avez annoncé, jeudi soir, que l'urgence était déclarée. Dont acte !
Il nous faut donc « travailler » dans ces conditions-là. L'assemblée de la Polynésie française a examiné l'avant-projet du texte, puisqu'elle n'a pas été saisie du projet dans sa version définitive, celle qui a été soumise au Conseil d'État. Des améliorations auraient pu être apportées.
Les textes que vous nous présentez sont intitulés « renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française ». J'ai vraiment le sentiment qu'entre le titre et le contenu de ces projets il y a plus qu'un décalage, pour ne pas dire que votre titre est, sur certains points, un « anti-titre ».
Les dispositions qui recueillent le plus fort consensus entre nous - et je me réjouis que ce consensus puisse exister - concernent la transparence de la vie politique.
J'ai entendu notre collègue Christian Cointat dresser un réquisitoire en six points - le procès-verbal de nos travaux en fera foi - à propos de l'opacité. Tout le monde a lu - certains sans doute avec plus d'attention que d'autres - les différents rapports : le rapport de la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française, le rapport sur l'assemblée de la Polynésie française, le rapport sur la délégation de la Polynésie française à Paris et, enfin, en 2006, l'insertion, dans le rapport annuel de la Cour des comptes, sur la gestion des fonds publics par la Polynésie française. Cette lecture est pour le moins intéressante, je dirai même que, dans un certain nombre de cas, elle est édifiante.
Mais je n'ai pas entendu préciser, ni par le secrétaire d'État ni par le rapporteur, la période couverte par ces rapports. Or ils portent sur un examen des finances de la Polynésie jusqu'à 2004.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils concernent la période antérieure à 2004 !
M. Bernard Frimat. Le rapport de la chambre territoriale des comptes a été publié en 2006, on en est bien d'accord, mais la période qui est observée est antérieure à la mise en place de l'actuelle assemblée de Polynésie. Faire l'amalgame sans apporter cette simple précision historique, qui n'est pas polémique, c'est faire porter, sans le dire, la responsabilité de l'état financier à l'actuelle assemblée de la Polynésie française, ce qui me semble injuste.
Dans le rapport de la Cour des comptes, on peut lire, au contraire, qu'en 2006 un certain nombre de mesures ont été mises en place.
Monsieur le rapporteur, à propos des griefs formulés par la Cour des comptes dans son rapport, vous évoquez l'organisation favorisant l'opacité de la gestion, la concentration du pouvoir de décision et la faiblesse des organes délibérants, l'opacité des procédures, la faiblesse des outils de prévision, etc. Ce réquisitoire nous semble tout à fait fondé, mais il faut, me semble-t-il, rendre à César ce qui est à César et savoir sur qui, sur quels élus notamment, portent ces critiques et sur quelle période. Nous n'avons pas épuisé les conséquences de ces rapports. Nous en apprécierons la portée en laissant l'appareil judiciaire statuer, que ce soit dans les domaines comptable, administratif ou autres, mais je pense qu'il y a nécessité d'apporter des précisions.
Monsieur le rapporteur, vous écrivez, dans une note au bas de la page 25 de votre rapport, à propos de la situation des communes : « À ce sujet, la Cour des comptes déplore à cet égard ? l'absence des dossiers techniques et de critères d'attribution ?, qui rend obscurs les choix effectués pour l'octroi des subventions aux communes. »
Si l'on se reporte au texte de la Cour des comptes, on peut lire : « Par ailleurs, en l'absence de dossiers techniques et des critères d'attribution, les motifs des choix opérés par le président pour l'octroi des subventions d'investissement aux communes restent obscurs. » Il faut donc bien situer les responsabilités.
Monsieur le secrétaire d'État, nous pouvons trouver des points d'accord sur la transparence, le contrôle budgétaire, le contrôle financier.
Quand le statut de 2004 a été voté dans cette assemblée dans les conditions que nous savons et à la demande de qui nous savons, j'aurais aimé que cette même majorité qui, aujourd'hui, vient nous expliquer la nécessité des contrôles fasse preuve, à l'époque, d'une telle vigilance. Mais pourquoi nous plaindre si, aujourd'hui, la raison vous vient ?
Un autre aspect du rapport de M. Cointat a trait au renforcement de la stabilité des institutions.
Je reconnais - mais qui ne le ferait pas ? - que la situation politique polynésienne est complexe, mouvante, changeante. Mais, là encore, il faut faire preuve de rigueur et ne pas englober cinq présidents, six motions de censure dans une même logique, un même mouvement, qui, en apparence, ne dépendrait de personne.
En 2004, un statut a été voté par le Parlement. Ce statut a eu un inspirateur, ou alors ma mémoire est défaillante. Il a même été affiné, dans cet hémicycle, pour le système électoral ; il suffisait de parler pour obtenir.
La dissolution de l'assemblée polynésienne est intervenue, à la demande du gouvernement polynésien de l'époque. Les élections ont eu lieu, mais elles n'ont pas donné - que le peuple est capricieux ! - le résultat attendu. On ne peut jamais prévoir ce qui sort des urnes, et l'on doit s'en réjouir. M. Temaru, grâce à la victoire de son parti, avec deux alliés autonomistes, M. Schyle et Mme Bouteau, personnages que nous allons ensuite retrouver, a été élu président de la Polynésie française.
Le résultat était très serré, je le reconnais : vingt-neuf voix contre vingt-huit, on ne peut pas avoir de majorité plus courte. Tout le travail - puis-je utiliser ce terme, monsieur le secrétaire d'État ? - du gouvernement français de l'époque a été de déstabiliser le gouvernement polynésien, à tel point que, comme M. Flosse le disait ce matin en commission, devant ce résultat, Mme Girardin, ministre de l'outre-mer, s'est même demandé si l'on ne devait pas donner la présidence à un industriel pour éviter que cette catastrophe électorale non annoncée ne provoque trop de dégâts.
Il y a donc eu blocage de la part du gouvernement de l'époque. Vous n'en étiez pas membre, monsieur le secrétaire d'État, je vous en donne acte, mais la majorité était la même et le monde politique français n'est pas né au soir du 6 mai 2007. Il faut assurer la continuité quand c'est une continuité politique.
M. Bernard Frimat. D'autres peuvent l'assurer puisqu'ils ont voté les textes.
Le peuple polynésien a été appelé à trancher un an plus tard et c'est parce qu'il a confirmé ses choix que s'est produit cet aller-retour après le débauchage d'un élu. Les trois premiers présidents constituaient donc un épiphénomène et, logiquement, si ces manoeuvres n'avaient pas eu lieu, il aurait dû n'y en avoir qu'un.
M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, ne m'interrompez pas. Je dispose de peu de temps et je sais que la mansuétude du président a ses limites.
M. le président. Même si elle est grande, elle a effectivement ses limites ! (Sourires.)
M. Bernard Frimat. Je retiendrai surtout qu'elle est grande, monsieur le président.
Ce que vous proposez aujourd'hui - j'y viendrai en détail lors de la discussion des amendements, parce que le temps m'est compté -, c'est une dissolution qui ne veut pas dire son nom, une dissolution de convenance.
Le statut actuel vous donne les moyens de dissoudre. Si le gouvernement de Polynésie demande au Gouvernement français la dissolution, elle peut intervenir. Il ne le fait pas. Aujourd'hui, les décisions se prennent, les institutions ne sont plus bloquées, alors qu'elles l'étaient au début de l'année 2005 ou à la fin de l'année 2004, quand Mme Girardin, qui occupait votre place, refusait la dissolution, réclamée par tout le monde, y compris par Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, pour permettre au peuple de trancher.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement prenne ses responsabilités ! Si la composition de l'assemblée de la Polynésie française ne lui convient pas, s'il a de nouveaux amis - même si les anciens n'ont pas complètement disparu -, s'il a un nouveau poulain pour lequel il essaie de choisir un mode de scrutin - bien qu'on l'ait déjà modifié entre-temps, dont une fois pour rien : je parle des dispositions qui se sont glissées dans la loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer sans que notre assemblée ait eu à en débattre, mes chers collègues - que les choses soient claires : assumez ! Je peux vous comprendre, monsieur le ministre, mais assumez vos choix !
Dites que la situation politique ne vous convient pas, que vous l'estimez bloquée et que le Gouvernement de la République française décide de dissoudre l'assemblée de la Polynésie française et de la renvoyer devant les électeurs. Mais ne venez pas nous demander de prononcer en quelque sorte une « dissolution parlementaire », alors qu'elle n'est prévue ni par le statut existant, ni - pire encore ! - par le nouveau statut que vous présentez ! Les articles 6 et 20 du projet de loi organique se contredisent !
Je conclus, monsieur le président. La pratique républicaine consiste à ne pas changer le mode de scrutin dans l'année qui précède une élection. Quel curieux sort faisons-nous à la Polynésie française ? En février 2004, on a changé le mode de scrutin alors que le vote était prévu pour le mois de mai. On l'a modifié, ensuite, une nouvelle fois pour ne pas l'appliquer. Aujourd'hui, on le change avant une « dissolution parlementaire ». Tout cela n'est pas très satisfaisant, c'est le moins que l'on puisse dire !
Monsieur le secrétaire d'État, je ne vous demande pas de renoncer à vos convictions ; ce ne sont pas les miennes, mais je les respecte. Malgré tout, il aurait été plus clair que vous assumiez la volonté gouvernementale de dissoudre l'assemblée de Polynésie française au lieu de demander au Parlement de le faire à votre place ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour la seconde fois au cours de la même année, le statut de la Polynésie française va être modifié, l'objectif étant de parvenir à stabiliser les institutions de cette collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie.
S'il nous faut adopter de nouvelles règles, c'est bien parce que celles qui ont été votées au mois de février dernier ne permettaient pas d'atteindre cette stabilité. Il faut croire que le mode de scrutin prévu dans la loi de 2004 n'était pas si facile à remplacer, malgré toutes les critiques de ses détracteurs, puisque nous n'avons pas encore trouvé une solution meilleure.
En effet, le mode de scrutin adopté en février permet à une multitude de petites formations de détenir quelques sièges au sein de l'assemblée de la Polynésie française, empêchant ainsi la constitution d'une majorité solide. De plus, ces élus minoritaires n'ont cessé de trahir leurs électeurs et leur parti, acceptant sans scrupule de s'allier avec n'importe quelle formation, y compris indépendantiste, pourvu qu'ils puissent défendre leur intérêt particulier.
Dans ces conditions, je suis favorable à cette nouvelle modification du mode de scrutin, dès lors qu'elle vise à favoriser l'émergence d'une majorité forte et, par voie de conséquence, à stabiliser le gouvernement.
Pour qu'il en soit ainsi, vous avez vu juste, monsieur le rapporteur, en retenant le seuil de 5 % des suffrages exprimés, pour que les listes puissent participer à la répartition des sièges. On ne parviendra à stabiliser le pouvoir en Polynésie que si, au second tour, dans l'hypothèse où aucune liste n'obtient la majorité absolue au premier tour, on autorise les seules formations qui ont obtenu 12,5 % des suffrages exprimés à se maintenir, comme le prévoit votre amendement, monsieur le rapporteur. Ce seuil est un minimum : j'aurais préféré qu'il soit fixé à 12,5% des inscrits, comme aux législatives, mais votre amendement représente un net progrès par rapport au texte initial du projet de loi organique.
Vous voulez que ces règles nouvelles soient rapidement mises en oeuvre, monsieur le secrétaire d'État. Vous avez donc décidé d'abréger le mandat des représentants et d'organiser de nouvelles élections dès 2008 pour mettre fin à l'instabilité chronique que connaît notre collectivité depuis 2004, après vingt-trois ans de stabilité, de progrès et de partenariat constructif avec la France obtenus grâce au Tahoeraa huiraatira. Il faut, en effet, qu'une nouvelle majorité cohérente et stable puisse enfin s'atteler à la tâche et redonner confiance aux milieux économiques et à tous nos concitoyens. Mais, hélas ! ce voeu ne sera pas réalisé si l'on procède dans la précipitation, comme vous nous y invitez.
Les élections seront, en effet, organisées au cours du mois de janvier, ce qui veut dire que la campagne électorale va se dérouler au moment des fêtes de fin d'année, Noël et le jour de l'an. Par ailleurs, l'élection du président de la Polynésie française, qui suit celle des représentants à l'assemblée, se déroulera probablement aux alentours du 6 mars 2008, soit trois jours avant le premier tour des élections municipales. Cela n'est pas raisonnable. Il eût été préférable de laisser se dérouler les élections municipales et d'organiser ensuite les élections à l'assemblée, en avril ou en mai, afin de permettre l'émergence de nouvelles forces, bien ancrées dans la société polynésienne et légitimées par leur implantation municipale.
Pour renforcer la stabilité institutionnelle, il serait également souhaitable d'adopter un dispositif qui sanctionne les « aller-retour » de certains élus entre les différentes formations politiques. (Mme Voynet s'exclame.) La situation d'instabilité chronique dans laquelle est plongée la Polynésie française depuis plusieurs années a été aggravée par le jeu de ces élus peu scrupuleux. Ils ont été candidats sur une liste mais, dès leur élection, ils ont quitté le parti politique qui les a fait élire pour aller s'allier à un autre groupe. Puis, en fonction des changements de majorité, ils quittent leurs nouveaux « amis » pour revenir dans leur formation d'origine. Un élu d'un archipel éloigné a ainsi « basculé » quatre fois !
Hélas ! ce comportement scandaleux a été contagieux...
M. Gaston Flosse. Au total, douze représentants sur cinquante-sept ont trahi leur formation politique et donc leurs électeurs. (Mme Voynet s'esclaffe.) C'est pourquoi il faut mettre un terme à de tels comportements et, par un mécanisme approprié, rendre la parole aux électeurs en leur permettant de sanctionner les élus qui se comportent ainsi.
Outre le relèvement des seuils, notre rapporteur a présenté quelques amendements judicieux, par exemple sur la procédure d'élection du président de la Polynésie française. Celui-ci ne pourra plus être élu par une minorité des suffrages exprimés comme dans la version initiale du projet de loi organique.
En revanche, je ne peux souscrire à la plupart des amendements qui nous sont présentés, non seulement parce qu'ils sont étrangers aux objectifs que se fixe cette loi modifiant le statut de la Polynésie française, mais aussi parce qu'ils mettent à mal l'autonomie de notre collectivité.
Je pense, notamment, au paragraphe ajouté à l'article 166 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Dans la loi de 2004, cet article 166 était ainsi rédigé : « Le haut-commissaire veille à l'exercice régulier de leurs compétences par les autorités de la Polynésie française et à la légalité de leurs actes ».
N'était-ce pas suffisant pour garantir la parfaite régularité des actes de nos élus ? Pourquoi ajouter un paragraphe qui autorise le haut-commissaire à assumer directement le pouvoir exécutif dans tous les domaines qui relèvent de nos compétences, chaque fois qu'il estimera que nous avons négligé de prendre les décisions qui, d'après lui, nous incombent ? C'est un pouvoir discrétionnaire qui annule, de fait, toute l'autonomie que nous a accordée le législateur. Il n'existe plus un seul domaine où les élus polynésiens peuvent prendre une décision, ou même s'abstenir d'en prendre, sans s'assurer au préalable de l'accord du haut-commissaire. Nous sommes, à nouveau, tombés sous la tutelle des gouverneurs !
Enfin, je tiens à souligner que l'article 18 du projet de loi organique, s'il est adopté, reprend des compétences accordées à la Polynésie française depuis 1984 en matière de réglementation budgétaire et comptable. Or, il faut savoir que cette répartition des compétences avait fait l'objet, à la fin de 1983, d'un arbitrage du Président de la République qui avait demandé le retrait de cette matière de la liste des compétences attribuées à l'État.
Après le vote de la loi statutaire de 1984, la direction de la comptabilité publique a tenté une remise en cause de cet arbitrage en proposant un projet de décret relatif à la réglementation budgétaire et comptable, projet que le Conseil d'État a rejeté dans sa totalité estimant qu'il méconnaissait la répartition des compétences fixée dans la loi statutaire.
S'appuyant sur cet avis du Conseil d'État, les autorités polynésiennes ont adopté une réglementation territoriale dans le domaine budgétaire, comptable et financier. Tel était l'objet de la délibération de l'assemblée territoriale de la Polynésie française du 29 janvier 1991, complétée et refondue par la délibération du 23 novembre 1995. Aucun de ces textes n'a été déféré par le haut-commissaire à la censure des juridictions administratives pour incompétence de l'auteur de l'acte. La réforme statutaire réalisée par la loi organique du 27 février 2004 n'a pas non plus remis en cause l'arbitrage présidentiel de 1983 et aucun élément en ce sens n'apparaît dans les travaux préparatoires de cette loi.
Aussi, on ne peut que s'interroger sur ce retour en force de l'État. Il est normal que celui-ci demeure compétent en matière de contrôle budgétaire, mais c'est à la Polynésie qu'il appartient de fixer ses propres règles en matière budgétaire. Dès lors, il n'y a pas lieu d'introduire dans l'ordre juridique de la Polynésie française les articles L.O. 273-4-1 à L.O. 273-4-12 du code des juridictions financières, qui reproduisent purement et simplement des dispositions applicables aux collectivités métropolitaines. C'est encore de la départementalisation ! Une fois de plus, on fait peu de cas de l'autonomie budgétaire et comptable accordée à la Polynésie française par le statut de 1984, après arbitrage du Président de la République.
De nombreuses raisons me conduisent à m'opposer fermement à cet article 18. Seuls les articles L.O. 272-12 et L.O. 273-4-11 du code des juridictions financières peuvent figurer dans la loi statutaire. Dans le cas contraire, les Polynésiens constateront que la loi tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française vise un troisième objectif, inavoué mais bien réel, qui consiste à nous reprendre des compétences.
Plus j'analyse toutes ces modifications, et plus je suis convaincu que l'on veut nous appliquer la départementalisation. On nous jure que non, mais j'ai des doutes...
Ce projet de loi comporte plusieurs améliorations appréciables de notre statut, et j'en remercie M. le secrétaire d'État, ainsi que M. le rapporteur. Je pense, notamment, à tous les articles visant à renforcer la transparence dans le fonctionnement de nos institutions. Nous les approuvons sans réserve.
Je regrette cependant que ces mesures positives soient gâchées par l'ajout de dispositions contraires à l'esprit de l'autonomie que les élus polynésiens, en concertation avec tous les gouvernements successifs de la République, ont construite depuis trente ans.
Je comprends que l'instabilité gouvernementale constatée depuis 2004 inspire des doutes sur la capacité des Polynésiens à exercer toutes les compétences que le législateur leur avait attribuées. Toutefois, j'aurais voulu que vous répondiez à ces doutes par la confiance dans nos capacités de progresser, et non par la défiance systématique, qui a inspiré de trop nombreux articles de ce projet de loi. J'ai l'impression que la France a trop vite oublié que, pendant trente-cinq ans, la Polynésie française a contribué à l'édification de la force de dissuasion nucléaire qui lui permet aujourd'hui de faire partie des grandes nations de ce monde !
Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous portez un grand intérêt à notre pays, et nous vous en sommes reconnaissants. En six mois, vous êtes déjà venu trois fois. Vous avez parcouru des milliers de kilomètres en quelques jours pour rendre visite, dans tous nos archipels, aux populations les plus éloignées. Elles y ont été sensibles. Je sais aussi que vous avez l'intention de revenir avant la fin de l'année, et je m'en réjouis.
J'espère que vous serez là pour présider la cérémonie d'ouverture d'un événement culturel majeur : le festival des arts des Marquises. Vous constaterez alors que la demande des élus marquisiens auprès de l'UNESCO, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, est parfaitement justifiée : les Marquises méritent pleinement d'être inscrites au patrimoine mondial de l'humanité, et j'espère que vous appuierez les démarches entreprises dans cet objectif. En attendant votre prochaine visite, je veux croire que l'intérêt que vous accordez à la Polynésie française pourra se manifester aujourd'hui, devant notre assemblée, par le soutien que vous apporterez aux amendements que nous avons déposés.
Mes chers collègues, il est encore temps ; nous pouvons encore amender ce texte dans le sens de la confiance à l'égard de la Polynésie française et de ses élus. C'est le meilleur choix pour le présent, et plus encore pour l'avenir. C'est le meilleur choix pour la Polynésie française, pour son maintien dans la République et pour le rayonnement de la France, et à travers elle de l'Europe, dans le Pacifique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une nouvelle fois, ce lundi matin, nous légiférons en urgence et dans la précipitation sur l'évolution institutionnelle de la Polynésie française. Il s'agit probablement de textes de circonstance ; cette façon de procéder est pour le moins détestable. De telles conditions de débat conduisent à s'interroger sur le respect de cette collectivité d'outre-mer par le Gouvernement.
À vous entendre, monsieur le secrétaire d'État, on croit rêver ! Vous nous dites vouloir redonner la parole aux Polynésiens dans le respect de leur autonomie, combattre la corruption, l'absence de transparence...
En réalité, vous organisez les institutions polynésiennes à la mode de la Ve République, avec paternalisme, il va sans dire, mais surtout en faisant mine d'ignorer le rôle de Paris dans l'instabilité politique de la Polynésie française.
Je dois d'ailleurs dire que l'on peut constater, depuis la nouvelle élection de M. Temaru à la tête de l'assemblée de la Polynésie française, qu'une stabilité plus grande s'est instaurée, qui se trouve aujourd'hui renforcée par un accord entre les principales forces politiques locales.
Pourquoi, dans ces conditions, ce coup de force parisien ? Pourquoi afficher aussi visiblement une tutelle métropolitaine, alors que la révision constitutionnelle de 2003 annonçait, peut-être brièvement, une autonomisation croissante de ces territoires ?
Il est manifeste que, une nouvelle fois, le Gouvernement n'a pu se retenir de faire acte d'ingérence, adoptant une attitude aux relents colonialistes. C'est bien Paris qui impose à la Polynésie française les conditions de son évolution politique. Ce simple fait contredit l'autonomie qui est supposée être garantie à ce territoire, comme M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur ont éprouvé le besoin de le marteler dans leurs interventions respectives. On insiste sur l'autonomie et, en même temps, on impose la tutelle...
Monsieur le secrétaire d'État, respecter l'autonomie, c'eût été prendre acte du rejet global de votre projet par l'assemblée de la Polynésie française - ce rejet, vous l'avez entendu, mais vous n'en avez cure -, écouter les arguments présentés et s'engager dans une autre voie.
Je rappelle que le président Temaru, qui venait d'être élu, a dénoncé l'ingérence de l'État français et la « mise en quarantaine » de l'autonomie depuis l'annonce du résultat des élections. Le statut était, en fait, conçu pour faire élire qui plaisait à Paris : évidemment, comme cela n'a pas été le cas, il devient tout d'un coup pesant !
Aujourd'hui, l'avis de l'assemblée de la Polynésie française est consultatif. C'est bien là où le bât blesse, et d'ailleurs, en passant outre cet avis, vous apportez la preuve, monsieur le secrétaire d'État, que l'assemblée de la Polynésie française ne saurait garantir l'autonomie de la collectivité.
Décidément, la présence de M. Temaru à la tête de la Polynésie française n'a pas encore été bien « digérée » par la droite métropolitaine. Pourtant, ne vous en déplaise, tout ce que vous critiquez avec une bienséante véhémence résulte de la mainmise de Paris, y compris, précisément, sur les élus de Polynésie française avant 2004.
Par conséquent, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, qui défendent depuis longtemps l'idée d'un renforcement de l'autonomie des collectivités d'outre-mer, sont absolument opposés à ce que vous proposez aujourd'hui.
Par ailleurs, je précise que nous rejetons le relèvement à 5 %, préconisé par la commission des lois, du seuil minimal devant être atteint pour qu'une liste accède à la répartition des sièges. C'est là, pour nous, une position de principe.
Pour conclure, je poserai la question suivante : essayez-vous encore aujourd'hui d'instaurer un statut, un mode d'élection afin de faire élire qui vous souhaitez ?
Pour toutes ces raisons de principe et de circonstance, nous voterons contre les deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est aujourd'hui demandé à la représentation nationale de s'acquitter des basses besognes, de dissoudre purement et simplement l'assemblée de la Polynésie française et d'abréger, depuis Paris, le mandat confié par les électeurs polynésiens à leurs représentants. La date des nouvelles élections est déjà fixée : ce sera en janvier ! Les Polynésiens vivront la campagne électorale pendant les fêtes de fin d'année et seront priés d'assimiler en quelques semaines les nouvelles règles électorales !
La loi prévoit pourtant que le conseil des ministres peut prononcer la dissolution de l'assemblée de la Polynésie française. Encore faut-il que le gouvernement de la Polynésie française, ou l'assemblée elle-même, lui demande de le faire. De fait, ils n'ont rien demandé du tout.
La volonté de renforcer le rôle du Parlement a été claironnée à maintes reprises, avant et après l'élection de l'actuel Président de la République, le tout en usant et en abusant de grandes formules et de généreuses promesses de modernisation de notre régime politique.
Mais il faut en prendre acte : le Parlement n'est pas davantage respecté que les élus de Polynésie ne le sont. Il nous est, en effet, demandé, monsieur le président, mes chers collègues, de traiter de l'avenir de la Polynésie française en moins de temps que nous n'en avons consacré à un énième texte sur les chiens dangereux ou à la réglementation relative aux manèges forains. J'avais cru comprendre, à la lecture des journaux, que, désormais, la vie politique de l'archipel intéressait pourtant au plus haut point quelques-uns des élus de la majorité, qui ont semble-t-il trouvé dans le Pacifique une solution à leurs problèmes de trésorerie...
J'ai évidemment tort de faire de l'humour sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, car le texte qui nous occupe aujourd'hui est tout sauf anodin, au regard de la situation politique en Polynésie, au regard de l'histoire de la République. Jamais, jusqu'à présent, il n'avait été envisagé d'abréger d'autorité, sans justification aucune, un mandat accordé à une assemblée par le suffrage universel. Les intéressés l'ont-ils demandé ? Non. L'ordre public est-il menacé ? Non plus. Un mouvement populaire réclame-t-il, par des pétitions, des grèves, des manifestations, de nouvelles élections ? Pas davantage. D'autres motifs, si graves qu'on nous les aurait cachés jusque-là, justifient-ils une décision aussi exceptionnelle ? Dites-nous tout, si c'est le cas.
La dissolution de l'assemblée de la Polynésie française est d'autant plus choquante qu'elle n'est pas, je l'ai dit, demandée aujourd'hui par les élus de Polynésie. Il est arrivé qu'ils la réclament ; ce fut le cas à plusieurs reprises, au cours des trois dernières années, sans que le gouvernement en place daigne accéder à leur demande. C'est quand la situation politique de l'archipel se stabilise, c'est quand le dialogue est renoué - grâce à la volonté d'apaisement des leaders polynésiens et sans que le Gouvernement, qui a, pardonnez-moi l'expression, beaucoup « pataugé » dans cette affaire, puisse s'en attribuer le mérite - que l'on décide, à Paris, de donner satisfaction à un « notabliau » marri d'avoir été dépossédé de son éphémère pouvoir !
À une écrasante majorité de quarante-quatre voix sur cinquante-sept, les élus polynésiens rejettent votre réforme. « À aucun moment, les élus polynésiens n'ont été associés à la préparation du texte », regrette Edouard Fritch, président de l'assemblée de la Polynésie française, qui pointe par ailleurs les « inacceptables retours en arrière » au regard de l'autonomie de la Polynésie française. Le communiqué du conseil des ministres revendique pourtant « une très large consultation des forces politiques concernées par la situation de la Polynésie française, aux plans local et national ». Pour faire court, monsieur le secrétaire d'État, je dirai que ces efforts nous ont totalement échappé !
Auriez-vous oublié l'engagement que vous aviez pris au nom du Gouvernement, en août 2007, de ne pas dissoudre l'assemblée territoriale, parce que - je vous cite - vous vouliez « respecter le libre choix des hommes politiques de Polynésie » ? Faut-il vous rappeler que c'est, aussi et d'abord, le libre choix des citoyennes et citoyens de Polynésie qu'il s'agit de respecter ?
Ce libre choix, vous vous apprêtez à le sacrifier pour des motifs incompréhensibles, sauf à admettre que la détestation d'un homme, Oscar Temaru, et le rejet viscéral de la perspective politique qu'il incarne pourraient suffire à justifier ce caprice.
Venons-en maintenant au contenu du texte.
Il s'agirait donc de renforcer la « stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie ». J'ai cherché, en vain, en quoi le mode de scrutin proposé permettrait d'atteindre plus facilement cet honorable objectif que le mode de scrutin existant, déjà taillé sur mesure à la demande et au service d'un homme qui siège parmi nous aujourd'hui, comme en décembre 2003 !
Que nous est-il proposé ? Un mode de scrutin qui va encourager l'émiettement au premier tour, puis les alliances de circonstance au deuxième, et l'aventure au troisième puisqu'un lapin peut être alors sorti du chapeau ! Je veux ici - ceux qui nous connaissent l'un et l'autre savent que nous nous sommes affrontés plus d'une fois et ne peuvent nous suspecter d'aucune connivence - citer Gaston Flosse. Que dit sur ce point l'ancien président de la Polynésie française ? Que le mode de scrutin ne permettra pas de « dégager une majorité cohérente et stable. [...] Nous aurons une assemblée émiettée soumise au caprice de quelques girouettes. » L'homme sait de quoi il parle, sa remarque n'en a que plus de saveur...
Comment le mode de scrutin que vous proposez, strictement proportionnel et sans même une prime majoritaire minimale, pourrait-il conforter en quoi que ce soit - et c'est une militante du scrutin proportionnel qui vous le dit ! - la cohérence des exécutifs, la stabilité des institutions et, au final, l'efficacité de l'action politique en Polynésie ? Monsieur le secrétaire d'État, vous vous moquez !
Comment nier que les épisodes d'instabilité majeure que l'archipel a connus sont d'abord à rapporter à la fin d'une époque de la vie politique polynésienne, époque où la stabilité se payait au prix de la gestion autoritaire et autocratique d'un homme fort, aussi féodal sur son territoire que lié, par ses intérêts, aux puissants de la métropole ?
Les Polynésiens ont très clairement voulu tourner cette page, ce qui ne s'est pas fait sans difficulté.
Dès lors, la première tâche d'un gouvernement soucieux de renforcer la vie démocratique n'est pas de jouer avec le feu, d'accentuer les clivages, ou de déstabiliser le président élu - même s'il ne vous convient pas - comme cela fut fait de façon systématique en 2004, c'est de soutenir cette transition dans le respect des institutions.
Par exemple, s'agissant de la transparence de la vie politique en Polynésie, vous prenez prétexte, monsieur le secrétaire d'État, d'un rapport très sévère de la Cour des comptes sur la gestion du territoire. Il ne vous aura pas échappé que ce rapport porte sur la période d'avant 2004, et qu'il pointe les dérives d'un système qui n'a plus cours, auquel les élections de 2004 ont justement mis fin !
Ce système fut très longtemps soutenu par les membres de l'actuelle majorité, contre l'évidence de sa faillite et contre l'idée qu'on peut se faire, dans une démocratie, de la morale publique.
On peut discuter ad libitum de l'avenir de la Polynésie. Pour ma part, je considère que c'est, pour l'essentiel, aux Polynésiens d'en décider. Je constate que le débat n'a jamais cessé en Polynésie même, entre partisans de l'autonomie et de l'indépendance. Les lecteurs attentifs l'auront noté : en revenant sur certaines des compétences reconnues aux institutions polynésiennes, le texte qui nous est soumis remet en cause les termes même du dialogue engagé.
Comment expliquer cette volonté de « reprise en main » par l'État, au mépris de tous les engagements passés ? Est-on revenu à l'époque où l'on pensait pouvoir juger à Paris de ce qui est bon pour Papeete, Hao ou Rapa ?
Monsieur le secrétaire d'État, sous couvert de stabilité, vous offrez une prime à l'émiettement et au désordre.
Sous couvert de moraliser la vie politique polynésienne, vous choisissez la reprise en main par l'État.
Sous couvert de réforme, vous organisez le recul de l'autonomie de la Polynésie.
Ces projets de loi sont néfastes, nous devons donc les rejeter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi organique du 27 février 2004 a fait de la Polynésie française la première collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie en application de l'article 74 de la Constitution issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.
Elle a doté cette collectivité d'outre-mer d'institutions et de compétences tenant compte de ses intérêts propres, de ses spécificités géographiques et de l'identité de sa population.
Elle a attribué aux autorités locales une compétence générale pour le développement économique, social et culturel du territoire.
Cette très large autonomie, à laquelle nous tenons tous, doit, toutefois, s'exercer au sein de la République, ce qui implique le respect des principes fondamentaux de nos institutions.
Comme l'indiquait le Président de la République, alors candidat à l'élection présidentielle, dans sa lettre aux Polynésiens du 24 mars 2007, « l'autonomie [...] doit [...] être encore améliorée et perfectionnée pour que chacun, la Polynésie française comme l'État, assure au mieux ses compétences ».
Cette autonomie doit effectivement être améliorée, car, vous le savez, la Polynésie française souffre aujourd'hui, de manière récurrente, d'une forte instabilité institutionnelle et politique, qui est préjudiciable à son développement économique et social.
Depuis 2004, cinq présidents se sont en effet succédé, dont quatre après l'adoption de motions de censure.
Cette instabilité politique développe évidemment un climat de défiance chez les habitants de la Polynésie française. Elle ne permet pas de mettre en oeuvre les politiques économiques et sociales dont la Polynésie a pourtant besoin. Elle porte, enfin, atteinte à l'autonomie même de la Polynésie, car les conditions d'une bonne gouvernance ne peuvent pas être remplies.
La Cour des comptes, dans son rapport public de 2006, a, par ailleurs, émis de sérieuses critiques sur l'opacité de la gestion due à « l'extrême concentration du pouvoir au sein de la collectivité et [à] l'imparfaite définition des procédures relatives à l'engagement de la dépense publique ».
La nécessité d'une moralisation de la vie politique, d'une plus grande transparence financière et d'un rééquilibre des pouvoirs s'impose donc.
Comme vous le souligniez, monsieur le secrétaire d'État, « il ne peut y avoir de progrès économique et social sans une autonomie efficace [...] ; il ne peut y avoir une autonomie efficace, sans stabilité et transparence politiques ».
Le Président de la République a, d'ailleurs, affiché clairement son attachement à la stabilité politique de la Polynésie et à l'affirmation de sa démocratie.
C'est pourquoi le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire qui nous sont aujourd'hui soumis modifient et complètent le statut de l'autonomie défini en 2004, afin d'améliorer le fonctionnement des institutions de la Polynésie française.
Monsieur le secrétaire d'État, vous réaffirmiez à juste titre et avec force, en octobre dernier, devant le haut-commissaire de la République en Polynésie, que « la Polynésie française n'a plus de temps à perdre. Avec un gouvernement issu des urnes, l'État établira un partenariat loyal, pour construire, sur des bases solides, un développement respectueux de l'identité polynésienne, équitable et équilibré ». Le groupe UMP partage votre conviction. Il est, en effet, urgent de compléter et d'améliorer le statut de 2004, et de prévoir un renouvellement anticipé de l'assemblée de la Polynésie française.
C'est parce que tous les responsables politiques, économiques et sociaux l'ont demandé ou admis que l'État intervient et qu'il accepte le principe d'un retour anticipé aux urnes.
Pour cette raison, le groupe UMP adoptera l'article 20 du projet de loi organique, qui prévoit le renouvellement anticipé de l'assemblée de la Polynésie française au mois de janvier 2008.
Les deux projets de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'État, doivent beaucoup à votre sens du dialogue et de l'écoute. Vous avez, en effet, procédé à une très large consultation des forces politiques concernées par la situation de la Polynésie française, tant au plan local qu'au niveau national.
Le projet de loi organique a fait l'objet d'une discussion directe et franche avec l'ensemble des forces vives de la Polynésie, abordant l'ensemble des sujets sans tabous.
Nous nous félicitons de la démarche retenue, qui témoigne de votre souci constant d'être à l'écoute des Polynésiens et des Polynésiennes. Nous nous en réjouissons, car elle démontre la capacité de notre État à exercer son rôle de garant et de régulateur des institutions tout en respectant l'autonomie de la Polynésie.
Ces deux projets de loi visent trois objectifs à la fois nécessaires et légitimes : l'amélioration de la stabilité des institutions, l'augmentation de la transparence de la vie politique et le renforcement des contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires.
Plusieurs mesures novatrices sont proposées afin de conforter la stabilité gouvernementale et de favoriser l'émergence d'une majorité stable au sein de l'assemblée de la Polynésie française.
Premièrement, le mode d'élection du président de la Polynésie française par l'assemblée est clarifié, puisqu'il est procédé à un troisième tour de scrutin à la majorité relative si, après deux premiers tours, aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres de l'assemblée.
Deuxièmement, un nouveau mode de scrutin est également instauré, pour l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Un second tour de scrutin est, en effet, prévu, afin de donner aux électeurs la possibilité de s'exprimer sur le choix des alliances entre les partis politiques.
Cette réforme est nécessaire, car elle vise à garantir l'avenir de la Polynésie, à promouvoir une représentation juste de tous ses territoires et à assurer la formation d'une majorité stable au sein de l'assemblée de la Polynésie française.
Troisièmement, la mise en cause de la responsabilité de l'exécutif passera désormais par le vote à la majorité absolue d'une motion de défiance constructive, dont l'adoption, en même temps qu'elle met fin au gouvernement en place, conduit à déclarer élu un nouveau président.
Il s'agit là d'une disposition particulièrement importante, qui permettra indéniablement de remédier aux situations de blocage politique que nous avons connues. En effet, si la procédure actuelle permet le renversement du gouvernement en place, elle ne garantit toutefois pas que lui soit substitué un gouvernement soutenu par une majorité stable. Cette mesure permettra donc de mieux garantir la stabilité gouvernementale et le groupe UMP du Sénat la soutient.
Quatrièmement, le texte prévoit l'inscription, dans le statut de l'autonomie de 2004, d'un dispositif permettant au président de la Polynésie française, en cas de rejet du projet de budget initial, de déposer un nouveau projet qui serait considéré comme adopté à moins que l'assemblée ne vote, à la majorité absolue de ses membres, une motion de renvoi comportant elle-même un projet de budget et désignant un nouveau président.
La commission des lois a adopté un amendement de suppression de cette procédure, appelée également « 49-3 budgétaire ».
Certes, comme l'a souligné notre rapporteur et ami Christian Cointat, cette procédure peut paraître à bien des égards complexe. Pour autant, serait-il raisonnable de s'affranchir de ce dispositif qui peut permettre de résoudre des situations de crise et de blocage lors de l'adoption d'un budget ?
Cette procédure, qui reprend celle qui a été mise en place pour les régions par la loi du 19 janvier 1999, a fait ses preuves et mérite d'être conservée. Elle peut se révéler, en effet, particulièrement efficace.
De nouveaux outils sont également instaurés afin de garantir une plus grande transparence de la vie politique, et nous les approuvons.
Ainsi, le régime des inéligibilités et des incompatibilités applicable au président et aux membres de l'assemblée et du gouvernement est-il rendu plus contraignant.
L'attribution d'aides financières ou de garanties d'emprunt aux sociétés d'économie mixte est, par ailleurs, encadrée.
Le groupe UMP du Sénat soutient l'ensemble de ces mesures, notamment celles qui tendent à associer étroitement, dans un souci de transparence, le conseil des ministres et l'assemblée sur les décisions relatives à l'attribution des aides financières.
Enfin, les modalités d'exercice des contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires sont renforcées par l'application de dispositions faisant partie du droit commun des collectivités territoriales de la République.
Ces mesures vont également dans le bon sens, car elles garantissent une meilleure gestion des fonds publics en Polynésie française, conformément aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2006.
Le projet de loi organique que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, est un bon projet et nous ne pouvons qu'y adhérer tant il améliore le statut de 2004. En assurant un nouvel équilibre des pouvoirs, ce texte permet de conforter le gouvernement et l'assemblée de la Polynésie française dans l'exercice de leurs compétences.
Au vu de ces quelques observations, les membres de mon groupe et moi-même voterons ces deux projets de loi qui, loin de contrarier l'autonomie statutaire de la Polynésie Française, ne font que renforcer son efficacité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Monsieur Béteille, je vous remercie d'avoir rappelé qu'il ne peut y avoir de stabilité sans transparence ni sans une organisation institutionnelle qui permette enfin à la Polynésie française de fonctionner. Je vous suis également reconnaissant de soutenir, au nom du groupe UMP, l'ensemble des propositions faites par le Gouvernement.
Monsieur Flosse, je vous sais gré d'approuver la réforme du mode de scrutin.
Vous avez évoqué la précipitation avec laquelle les élections à l'assemblée seraient organisées et le choix d'une date, pour l'élection de son président, avant les municipales. À l'occasion de chacun de mes passages - que vous avez rappelés - en Polynésie française, vous m'avez accompagné dans de nombreuses communes. Or, comme nous l'avons relevé tous les deux, chaque fois qu'un maire m'a accueilli, il a pris la parole publiquement pour approuver le calendrier proposé par le Gouvernement.
Je n'ai donc pas le sentiment que les maires de Polynésie française considèrent ce calendrier comme une difficulté dans la préparation des échéances municipales.
Vous avez aussi parlé d'autonomie budgétaire et comptable ; vous approuvez en même temps sans réserve les mesures de transparence. Comment peut-on assurer une véritable transparence si on ne veille pas, dans le même temps, en renforçant notamment le rôle de la chambre territoriale des comptes, à cette régularité comptable et budgétaire ?
Selon vous, nous avons trop vite oublié les efforts nucléaires consentis par la Polynésie. Ils ont permis - je veux le souligner ici et en remercier l'ensemble du peuple polynésien - à la France d'occuper la place qui est aujourd'hui la sienne dans le monde, et au Président de la République de s'exprimer à toutes les grandes tribunes internationales, notamment celle des Nations unies. Notre pays est respecté par les plus grands de ce monde et nous le devons, pour beaucoup, au peuple polynésien. En retour, la France doit se montrer équitable et juste, et telle est l'ambition de ce texte.
Monsieur Flosse, nous avons visité, ou survolé, ensemble de nombreux sites, pour lesquels nous avions pris des engagements très forts ; je pense, notamment, à Rangiroa, à Reao.
L'ensemble des engagements du Gouvernement en matière de réhabilitation et de rétablissement de la biodiversité dans l'ensemble de ces territoires ont été tenus. Le Gouvernement veille également au suivi médical. J'ai ainsi procédé à l'inauguration d'un centre à Papeete. Toute la transparence est assurée. C'est ce que devaient la République et l'État à la Polynésie française.
Monsieur Flosse, je retiens votre invitation au festival des arts des îles Marquises et je serais heureux de défendre de toutes mes forces l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité des îles Marquises, qui sont, pour la France et pour la Polynésie française, un patrimoine d'exception.
Les représentants de l'opposition ont formulé diverses remarques. Certains, notamment Mme Voynet et Mme Borvo Cohen-Seat, se sont exprimés avec beaucoup de véhémence ; M. Frimat a fait preuve de plus de modération.
S'agissant de l'abréviation du mandat de l'actuelle assemblée de Polynésie française, vous avez parlé, madame Voynet, de « basse besogne ». Je vous rappelle qu'il entre bien dans les compétences du Parlement d'abréger un mandat, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel le 23 mai 1979. Cela me semble plus démocratique que de procéder par décret.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous regrettez que l'avis de l'assemblée ne soit que consultatif. La Polynésie française a émis un avis largement favorable sur deux tiers des mesures proposées dans ce projet de loi. Pour le reste, nous n'avons pas de leçons à recevoir ! Dans le Programme commun de 1977 (Protestations sur les travées du groupe CRC.), l'outre-mer était traitée dans le chapitre des relations extérieures. De toute évidence, votre formation politique et la majorité présidentielle n'ont pas la même vision (Mme Odette Terrade proteste.) ...
Mme Dominique Voynet. C'était il y a trente ans !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. ... s'agissant de la solidarité et de l'équité que nous devons assurer à nos compatriotes ultramarins.
Monsieur Frimat, pour commencer, je vous remercie de vous être montré ouvert et respectueux du débat parlementaire.
Mme Dominique Voynet. Le Gouvernement donne des bons points. Il distribue des bonbons !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Vous avez vous-même reconnu que plus de transparence et de clarté étaient aujourd'hui nécessaires en matière d'autonomie en Polynésie française.
En revanche, vous faites part de votre désaccord sur l'urgence et, comme Mme Voynet et Mme Borvo Cohen-Seat, sur le calendrier. Vous faites référence au Gouvernement actuel de la Polynésie française, c'est-à-dire à celui qui date d'il y a deux mois. Je vous rappelle que le texte dont nous discutons aujourd'hui a été annoncé en conseil des ministres - je prends à témoin le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement - le 1er août dernier. Nous ne pouvions pas imaginer alors ce qui allait se passer dans les semaines suivantes.
Entre le mois de juin et le mois de juillet, M. Temaru et M. Flosse n'ont cessé de réclamer une dissolution dans l'urgence.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Nous leur avons systématiquement répondu que nous ne voulions pas d'une dissolution politique ou de convenance. C'est pourquoi, alors que rien ne nous permettait de prédire ce qui allait se passer au cours des semaines et des mois suivants, nous avons annoncé, en réponse aux demandes de dissolution émanant de part et d'autre, que nous allions proposer d'abréger le mandat de l'assemblée de Polynésie française et d'organiser une élection anticipée. Auparavant, nous souhaitions prendre la précaution de procéder à une réforme institutionnelle afin de nous assurer que, après ce renouvellement, nous nous inscririons dans la stabilité, dans la juste représentativité des territoires et des formations politiques, et que nous pourrions enfin nous mettre au travail, parce que c'est de cela qu'il s'agit.
Ce n'est donc pas une élection anticipée de convenance, puisque, je le rappelle, celle-ci a été décidée non pas aujourd'hui, mais le 1er août dernier. Plutôt que de répondre dans l'urgence, nous avons préféré prendre tout notre temps : cinq mois de débat ! Ce débat n'est d'ailleurs pas clos puisque l'Assemblée nationale examinera ce texte. Bien évidemment, le Conseil constitutionnel aura lui aussi à donner son avis.
Vous le voyez, nous avons pris tout notre temps ; nous n'agissons pas dans l'urgence et nous ne prenons pas de décision de convenance.
Vous avez fait un long rappel historique, monsieur Frimat, sur les années qui viennent de s'écouler.
Concernant le rapport de la Cour des comptes, vous indiquez qu'il porte sur la période antérieure à 2004. Par la force des choses, les rapports de la Cour des comptes sont toujours publiés après les faits. Mais la chambre territoriale des comptes étudie aujourd'hui la période postérieure à mai 2004. C'est d'ailleurs à la suite de ces rapports que le Gouvernement de M. Tong Sang a pris des mesures d'assainissement et de moralisation qui rompent avec la période 2004-2006. Ainsi, la Cour des comptes a rédigé un pré-rapport très critique sur l'utilisation de la dotation de l'État au titre de la continuité territoriale. Il nous a donc paru nécessaire de garantir toute la transparence nécessaire dans ce domaine avant l'organisation de nouvelles élections. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)
Enfin, en termes de légitimité, vous avez fait référence aux diverses majorités qui se sont succédé en Polynésie française. Il y a eu le 6 mai 2007 et le Président de la République et le Gouvernement disent aujourd'hui qu'ils veulent tourner la page.
Nous souhaitons garantir la stabilité aux Polynésiens. Car ce qui nous intéresse, ce n'est pas qui assurera le gouvernement de la Polynésie française demain ; cela n'a aucune importance ! Ce que nous voulons, c'est que l'État assume pleinement et de manière impartiale ses responsabilités régaliennes devant les Polynésiens et que nous puissions accompagner ceux-ci dans leur développement économique et social.
Madame Voynet, vous avez présenté un plaidoyer contre la réforme. Vous qui vous intéressez au développement durable, qui plaidez cette cause, qui savez ce que représente la Polynésie française dans ce domaine, savez-vous - j'espère que tel est le cas et que vous avez un peu étudié la situation avant votre intervention -, ...
Mme Dominique Voynet. Vous plaisantez ?
Mme Dominique Voynet. Paternalisme et mépris ! Cette façon de parler est inexcusable !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. La part de l'État s'élèvera à 177 millions d'euros, sur un montant global de 430 millions d'euros. Sont prévues des mesures d'accompagnement des communes qui, malheureusement, ont de faibles moyens, en matière d'assainissement, d'eau potable et de développement durable.
Alors que ce contrat de projet prévoit des dispositions importantes en faveur de la biodiversité, du développement durable, de la recherche et de l'enseignement supérieur et que toutes sont bloquées en raison des instabilités successives, ne pensez-vous pas sincèrement que la Polynésie française n'a plus un instant à perdre et que les Polynésiens, de quelque archipel qu'ils soient, n'ont que faire des relations entre les uns et les autres ? Ils veulent simplement une stabilité afin de permettre au gouvernement, à l'assemblée de Polynésie française - quel que soit le résultat des urnes, nous le respecterons - de leur proposer loyalement des partenariats durables pour assurer la prospérité de la Polynésie française et l'épanouissement de chacune de ses familles.
Enfin, s'agissant de la légitimité, je ne m'attarde pas sur les 44 voix sur 57 ; je regarde simplement qui est le dernier à avoir reçu une légitimité en Polynésie française. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)
Lors des quatre scrutins successifs, les Polynésiens ont fait le choix d'une majorité, de leur enracinement dans la République française. Ils ont fait le choix de la lettre que Nicolas Sarkozy a adressée à tous les Polynésiens et dans laquelle il a pris des engagements. Or nous n'aurons pas les moyens de respecter ces engagements tant que cette réforme n'aura pas été mise en oeuvre.
Parce que nous devons répondre à l'exigence des Polynésiennes et des Polynésiens, nous avons le devoir de respecter ces engagements, que les Polynésiens ont soutenus à quatre reprises aux mois de mai et juin derniers.
C'est la raison pour laquelle, dans le respect de cette légitimité, qui est la dernière que nos compatriotes de Polynésie française ont accordée au Gouvernement et au Président de la République, nous nous devions d'apporter aujourd'hui ces réponses. Ils auront de nouveau, au mois de janvier prochain, à accorder leur légitimité à un gouvernement local et à une assemblée.
Ce qui compte pour nous, c'est d'abord d'écouter, de comprendre et de respecter le peuple de Polynésie française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion des articles du projet de loi organique.
projet de loi organique
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA STABILITÉ DES INSTITUTIONS
Article 1er
I. - Il est inséré, après l'article 67 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, un article 67-1 ainsi rédigé :
« Art. 67-1. - En cas d'absence ou d'empêchement du président de la Polynésie française, son intérim est assuré par le vice-président nommé dans les conditions prévues à l'article 73 ou, si celui-ci est lui-même absent ou empêché, par un ministre dans l'ordre de nomination des ministres. »
II. - L'article 69 de la même loi organique est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 69. - Le président de la Polynésie française est élu par l'assemblée de la Polynésie française, parmi ses membres, au scrutin secret.
« L'assemblée de la Polynésie française ne peut valablement procéder à l'élection que si les trois cinquièmes des représentants sont présents. Si cette condition n'est pas remplie, la réunion se tient de plein droit trois jours plus tard, dimanche et jours fériés non compris, quel que soit le nombre des représentants présents.
« Le vote est personnel.
« Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres composant l'assemblée, il est procédé à un troisième tour et l'élection a lieu à la majorité relative.
« En cas d'égalité des voix, l'élection est acquise au bénéfice de l'âge.
« Pour le premier tour de scrutin, les candidatures sont remises au président de l'assemblée de la Polynésie française au plus tard la veille du jour fixé pour le scrutin. Des candidatures nouvelles peuvent être présentées après chaque tour de scrutin. Elles sont remises au président de l'assemblée au plus tard une heure avant l'ouverture de chaque tour de scrutin.
« Chaque candidat expose son programme devant l'assemblée avant l'ouverture de chaque tour de scrutin. »
III. - Au quatrième alinéa de l'article 73 de la même loi organique, avant les mots : « de chacun des ministres », sont insérés les mots : « du vice-président et ».
IV. - Le second alinéa de l'article 80 de la même loi organique est remplacé par les dispositions suivantes :
« En cas de démission, de démission d'office ou d'empêchement définitif du président de la Polynésie française, ou lorsque son absence ou son empêchement excède une période de trois mois à partir de l'exercice de l'intérim par le vice-président, le gouvernement de la Polynésie française est déclaré démissionnaire par le haut-commissaire de la République, agissant d'office ou saisi par le conseil des ministres, et il est pourvu à son remplacement dans les conditions prévues aux sections 2 et 3 du présent chapitre. »
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Remplacer le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 69 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le président de la Polynésie française est élu au scrutin secret par l'assemblée de la Polynésie française parmi ses membres.
« Il peut également être élu par l'assemblée hors de son sein sur présentation de sa candidature par au moins un quart des représentants à l'assemblée de la Polynésie française, chaque représentant ne pouvant présenter qu'un seul candidat. Dans ce cas, les candidats doivent satisfaire aux conditions requises pour être éligibles à l'assemblée de la Polynésie française. En cas de doute sur l'éligibilité d'un candidat, le haut-commissaire de la République peut, dans les quarante-huit heures du dépôt des candidatures, saisir le tribunal administratif, qui se prononce dans les quarante-huit heures.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Cet amendement vise à réinsérer dans l'article 1er une disposition qui a été supprimée de la loi de 2004, à savoir la possibilité pour l'assemblée de la Polynésie française d'élire un président hors de son sein, à une majorité évidemment plus importante que la majorité absolue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Cette disposition figurait dans le statut de 2004 tel que la Haute Assemblée l'avait adopté. Aucun élément ne permet de modifier la position qui avait été prise à l'époque.
C'est la raison pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est attaché à ce que les citoyens de Polynésie française choisissent eux-mêmes le président, directement, ou indirectement au travers de leurs élus. C'est pour nous une règle de démocratie majeure.
Ou bien le président de la Polynésie française est élu au scrutin direct par les Polynésiens eux-mêmes - mais cette solution a été écartée du projet de loi - ou bien il est élu par eux en tant que membre de l'assemblée. Il en tirera sa légitimité. En revanche, le Gouvernement n'envisage pas que l'on puisse sortir du chapeau quelqu'un qui ne tirerait pas sa légitimité du suffrage universel.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. M. le rapporteur a dit une phrase terrible, qui me surprend : puisque le Sénat a voté cette mesure en 2004, il ne peut pas revenir sur sa position.
M. Christian Cointat, rapporteur. Je n'ai pas dit cela !
M. Bernard Frimat. Il s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Le pouvoir trouve sa source dans le suffrage universel, qu'il soit direct ou indirect. C'est une règle simple, qu'il faut garder.
Dès lors que le peuple de Polynésie est consulté, le président doit découler de son choix. Il est peu souhaitable que soit élu quelqu'un qui n'aurait pas été partie prenante au débat électoral.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 69 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 :
« Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres composant l'assemblée, il est procédé à un troisième tour et l'élection a lieu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Seuls peuvent se présenter au troisième tour les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages exprimés au deuxième tour. En cas d'égalité des voix, la présentation au troisième tour est acquise au bénéfice de l'âge.
II. - En conséquence, rédiger comme suit la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du même texte :
Des candidatures nouvelles peuvent être présentées au deuxième tour de scrutin.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement concerne l'élection du président de la Polynésie française.
Aujourd'hui, cette élection a lieu en deux tours de scrutin, et seuls les deux candidats arrivés en tête au premier tour peuvent se maintenir au second.
Or, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi organique prévoit la possibilité d'un troisième tour, à l'issue duquel l'élection aurait lieu à la majorité relative.
L'amendement n° 1 vise à combiner les deux dispositifs. En effet, l'expression politique pourra d'abord se décanter au premier tour. Puis, au troisième tour, auquel seuls les deux candidats arrivés en tête au deuxième tour pourront accéder, le président de la Polynésie française sera élu à la majorité absolue des suffrages exprimés et disposera ainsi d'une véritable légitimité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Quel est l'enjeu ? Y a-t-il quelqu'un, en Polynésie française, qui demande la modification du mode de désignation du président de l'assemblée de la Polynésie française tel qu'il a récemment été explicité par le Conseil d'État ?
Aujourd'hui, pour l'emporter, il faut obtenir soit la majorité absolue au premier tour de scrutin soit la majorité relative au second.
Monsieur le rapporteur, le dispositif que vous inventez est bien compliqué. D'ordinaire, lorsqu'une élection a lieu en trois tours de scrutin, une simple majorité relative est requise au troisième tour. Or, en l'espèce, vous nous proposez d'imposer également la majorité absolue au troisième tour. Pardonnez-moi de vous le dire, mais c'est relativement incohérent !
De deux choses l'une : soit nous permettons à l'assemblée de la Polynésie française de se déterminer au troisième tour de scrutin - et, dans ce cas, allons au bout de la logique ! -, soit nous maintenons le système actuel en l'état.
De ce point de vue, la proposition du Gouvernement, qui consistait à appliquer le schéma classique d'une élection en trois tours de scrutin, c'est-à-dire avec la majorité absolue aux premier et deuxième tours et la majorité relative au troisième tour, avait une certaine cohérence. Sinon, puisque personne ne réclame une telle évolution, nous pouvons très bien conserver le mode de scrutin actuel.
Nous ne prendrons pas part au vote. En effet, selon nous, une telle proposition ne fait écho à aucune demande locale, n'apporte rien et paraît, dès lors, déplacée.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le III de cet article :
III.- L'article 73 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le gouvernement comprend entre sept et quinze ministres. »
2° Au dernier alinéa, avant les mots : « de chacun des ministres », sont insérés les mots : « du vice-président et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement vise à éviter une inflation sans limites du nombre de ministres.
En effet, en Nouvelle-Calédonie, le nombre de membres du gouvernement est compris entre cinq et onze. Par analogie, nous proposons que ce nombre soit compris entre sept et quinze - ces chiffres ont été choisis par référence à la situation actuelle - en Polynésie française.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Là encore, une telle proposition, qui ne fait écho à aucune demande de l'assemblée de la Polynésie française, est, j'imagine, destinée à glorifier l'autonomie.
Pourquoi une telle frénésie à légiférer ? Pourquoi ne pas laisser décider les Polynésiens et leurs élus ? À ma connaissance, le gouvernement de la Polynésie française n'a atteint qu'une seule fois le nombre de dix-huit membres. Les autres fois, il est, me semble-t-il, toujours demeuré dans les normes que l'on nous propose de fixer.
À moins qu'il ne s'agisse d'une anticipation des positions que vous envisagez de soutenir lors du futur débat sur la réforme des institutions, monsieur le rapporteur... Ce serait novateur et très intéressant ! (Sourires.)
Pour ma part, je crains qu'une diminution du nombre de ministres du gouvernement de la Polynésie française n'entraîne une augmentation de l'effectif des conseillers auprès du président. Bien entendu, toute ressemblance avec une situation existante ne serait que pure coïncidence. (Nouveaux sourires.)
La Polynésie n'est pas une collectivité locale de droit commun. En quoi fait-on progresser la situation en lui imposant une telle contrainte ? Laissons les Polynésiens libres de décider.
C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Monsieur Frimat, si j'ai formulé une telle proposition, c'est en raison du sentiment exprimé par la population polynésienne, qui souhaite obtenir des garanties en la matière.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Cointat au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer le IV de cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
IV. - Le second alinéa de l'article 80 de la même loi organique est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'empêchement provisoire du président de la Polynésie française est constaté par le conseil des ministres, d'office ou à la demande de l'intéressé.
« En cas de démission, de démission d'office ou d'empêchement définitif du président de la Polynésie française, ou lorsque son empêchement excède une période de trois mois à partir de l'exercice de l'intérim par le vice-président, le gouvernement de la Polynésie française est démissionnaire de plein droit et il est pourvu à son remplacement dans les conditions prévues aux sections 2 et 3 du présent chapitre. L'empêchement définitif du président de la Polynésie française est constaté par le président de la section du contentieux du Conseil d'État, saisi par le conseil des ministres, par le président de l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire. »
V. - Au début de la deuxième phrase du dernier alinéa (2°) du II de l'article 62 de la même loi organique, les mots : « Le président du gouvernement » sont remplacés par les mots : « Le président de la Polynésie française ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement concerne le régime juridique applicable au constat d'empêchement du président de la Polynésie française.
Afin de tenir compte de la position exprimée par les élus, nous proposons de scinder ce régime en deux.
Ainsi, le constat d'empêchement provisoire du président resterait de la compétence du conseil des ministres, qui est le mieux placé pour remplir une telle mission.
En revanche, nous souhaitons que le constat d'empêchement définitif relève de la compétence d'une autorité indépendante, en l'occurrence le Conseil d'État. Plus précisément, nous avons suggéré de confier cette responsabilité au président de la section du contentieux du Conseil d'État, mais - et nous le verrons à l'occasion de la présentation du sous-amendement n° 61 - cette proposition peut être modifiée.
Celui-ci pourrait être saisi par le conseil des ministres, par le président de l'assemblée ou par le haut-commissaire.
M. le président. Le sous-amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 3 pour remplacer le second alinéa de l'article 80 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut de la Polynésie française, remplacer les mots :
le président de la section du contentieux du Conseil d'État, saisi
par les mots :
une commission indépendante composée de trois personnalités désignées par le vice-président du Conseil d'État, saisie
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. La précision que l'amendement n° 3 vise à apporter complète le texte du Gouvernement de manière très pertinente et lève, me semble-t-il, toute ambiguïté sur l'objet d'un tel dispositif, qui a parfois été mal interprété localement.
En effet, l'empêchement définitif du président de la Polynésie française doit être constaté par une autorité impartiale saisie par les autorités locales ou par le haut-commissaire de la République.
Le sous-amendement n° 61 vise seulement à lever toute équivoque sur la question de la nature juridique du constat, en confiant à une commission indépendante, sous le contrôle juridictionnel du Conseil d'État, le soin de constater l'empêchement définitif du président de la Polynésie française.
En l'occurrence, nous prenons comme modèle le dispositif prévu pour le Médiateur de la République par le décret du 9 mars 1973, qui confie ce pouvoir à un collège de trois hauts magistrats.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Christian Cointat, rapporteur. La commission est favorable à ce sous-amendement, dont l'adoption permettrait en outre d'améliorer la rédaction de l'amendement n° 3.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.
M. Gaston Flosse. Je voterai contre le sous-amendement n° 61 et l'amendement n° 3, tout comme j'avais voté contre l'amendement n° 2, qui avait pour objet la limitation du nombre de ministres au sein du gouvernement de la Polynésie française.
En effet, de mon point de vue, les Polynésiens sont suffisamment grands pour déterminer eux-mêmes si leur gouvernement doit comprendre six, douze, quinze ou seize ministres.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ou quarante, cinquante... (Sourires.)
M. Gaston Flosse. Pourquoi avoir imposé une telle limitation, qui n'existait d'ailleurs pas dans la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ? Les Polynésiens sont-ils plus sots aujourd'hui qu'ils ne l'étaient alors ?
Le sous-amendement n° 61 et l'amendement n° 3 constituent une véritable agression contre l'autonomie de la Polynésie française.
Jusqu'à présent, c'est le conseil des ministres qui était chargé de constater l'empêchement définitif du président. On propose désormais de lui retirer cette responsabilité au profit du Conseil d'État. Cela revient à réduire l'autonomie de la Polynésie française.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Le sous-amendement n° 61 apparaît un peu baroque.
D'une certaine façon, le dispositif que ce sous-amendement vise à instituer apporte une solution. En effet, dans la rédaction présentée par M. le rapporteur, l'amendement n° 3 tendait à confier la responsabilité de constater l'empêchement définitif du président au président de la section du contentieux du Conseil d'État.
S'agit-il véritablement là de la fonction du Conseil d'État, alors que le juge administratif est juge des recours ?
On a un peu trop tendance à faire du Conseil d'État l'organe de régulation des institutions de la Polynésie française. Or une telle propension me semble assez peu conforme au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Il y a donc là un élément de confusion.
Tout cela relève un peu du « bricolage », même si c'est normal s'agissant d'un texte qui n'est pas achevé.
Par conséquent, nous ne participerons pas au vote.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
À l'article 78 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée :
1° Après les mots : « il retrouve », sont insérés les mots : «, à compter du premier jour du troisième mois qui suit la fin desdites fonctions, » ;
2° Il est ajouté un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque la fin des fonctions du gouvernement intervient dans les cas prévus aux articles 80, 156 et 156-1, le représentant reprend l'exercice de son mandat dès la fin de ses fonctions gouvernementales. »
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au second alinéa de l'article 87 de la même loi organique, les mots : « six mois » sont remplacés par les mots : « trois mois ».
II. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I. -
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Aujourd'hui, lorsqu'ils cessent d'exercer leurs fonctions, le président de la Polynésie française et les ministres continuent de percevoir leurs indemnités pendant six mois.
L'assemblée de la Polynésie française propose de ramener cette durée de six mois à trois mois. La commission a retenu cette suggestion.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je salue le fait que l'on prenne en compte, une fois n'est pas coutume, l'avis de l'assemblée de la Polynésie française et que l'on réduise à trois mois la période pendant laquelle les anciens présidents et ministres perçoivent des indemnités. C'est un élément de diminution des charges publiques.
Monsieur le rapporteur, avez-vous le sentiment, convaincu par cette mesure, qu'il faudrait l'étendre et l'appliquer sur le territoire de la métropole ? (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas pareil !
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article 117 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, il est inséré un article 117-1 ainsi rédigé :
« Art. 117-1. - I. - Les électeurs d'une circonscription peuvent décider de mettre fin, par scrutin, au mandat d'un représentant qui y a été élu, dans les conditions prévues au présent article, lorsque ce représentant a cessé d'appartenir au groupe politique au sein duquel il a décidé de siéger après son élection ou a fait l'objet d'une procédure d'exclusion de ce groupe décidée à la majorité absolue de ses membres.
« II. - Le scrutin en vue de la révocation d'un représentant est organisé à la demande de la majorité des membres du groupe politique auquel il a cessé d'appartenir, soutenue par 12,5 % des électeurs inscrits dans la circonscription.
« La demande devient caduque en cas de démission, de démission d'office ou d'annulation de l'élection du représentant qu'elle vise ou en cas de dissolution de l'assemblée de la Polynésie française.
« Le haut-commissaire de la République se prononce sur la recevabilité de la demande par une décision motivée, qui peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État, qui statue dans un délai d'un mois, en premier et dernier ressort.
« III. - Les électeurs sont convoqués par décret.
« Les maires organisent le scrutin. Si un maire refuse de procéder à cette organisation, le haut-commissaire de la République, après l'en avoir requis, y procède d'office.
« Les dépenses liées à l'organisation du scrutin constituent une dépense obligatoire de la Polynésie française.
« Les dépenses résultant des assemblées électorales tenues dans les communes pour l'organisation du scrutin leur sont remboursées par la Polynésie française de manière forfaitaire, au moyen d'une dotation calculée en fonction du nombre des électeurs inscrits dans la commune et du nombre des bureaux de vote qui y sont installés. Les tarifs de cette dotation sont fixés par décret.
« IV - Le scrutin en vue de la révocation d'un représentant ne peut être organisé :
« 1° dans les douze mois qui suivent l'élection de l'assemblée de la Polynésie française ou dans les douze mois qui précèdent la fin de son mandat ;
« 2° Pendant la campagne ou les jours du scrutin prévus pour :
« a) l'élection du Président de la République ;
« b) un référendum décidé par le Président de la République ;
« c) une consultation organisée en Polynésie française en application de l'article 72-4 de la Constitution ;
« d) le renouvellement général des députés ;
« e) le renouvellement des sénateurs élus en Polynésie française ;
« f) l'élection des membres du Parlement européen ;
« g) le renouvellement général des conseils municipaux.
« V. - La campagne en vue du scrutin est ouverte le deuxième lundi précédant le scrutin à zéro heure. Elle est close la veille du scrutin à minuit.
« Elle est organisée par la Polynésie française dans les conditions définies au chapitre V du titre 1er du livre 1er du code électoral, à l'exception de l'article L. 52-3. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de lire : « groupe, parti ou groupement habilité à participer à la campagne » au lieu de : « candidat » et de « liste de candidats ».
« Sont habilités à participer à la campagne en vue du scrutin :
« - le groupe politique auteur de la demande de révocation ;
« - le représentant dont la révocation est demandée.
« Les interdictions prévues par l'article L. 50-1, le troisième alinéa de l'article L. 51 et l'article L. 52-1 du code électoral sont applicables à toute propagande relative au scrutin.
« Les dispositions de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion sont applicables au scrutin.
« VI. - En Polynésie française, une durée d'émission de trois heures à la télévision et de trois heures à la radio est mise à la disposition du groupe politique et du représentant admis à participer à la campagne pour le scrutin, les antennes de la société nationale chargée du service public de la communication audiovisuelle outre-mer.
« VII. - Seuls peuvent participer au scrutin les électeurs de nationalité française inscrits sur les listes électorales en Polynésie française dans les conditions prévues par les articles L. 1er à 14 et L. 16 à L. 40 du code électoral.
« VIII. - Les opérations préparatoires au scrutin, les opérations de vote, le recensement des votes et la proclamation des résultats sont effectués dans les conditions prévues par le chapitre VI du tire 1er du livre 1er du code électoral, à l'exception des articles L. 56, L. 57, L. 58, L. 66, L. 68 (deuxième alinéa) et L. 85-1.
« IX. - Pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 65 du même code, il y a lieu de lire : « les réponses portées sur les bulletins sont relevées » au lieu de : « les noms portés sur les bulletins sont relevés » ; « des feuilles de pointage » au lieu de : « des listes » ; « des réponses contradictoires » au lieu de : « des listes et des noms différents » ; « la même réponse » au lieu de : « la même liste ou le même candidat ».
« Les bulletins de vote autres que ceux fournis par la Polynésie française, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans une enveloppe non réglementaire, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions quelconques n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau de vote. Chacun des bulletins ou enveloppes annexés porte mention des causes de l'annexion.
« X. - Sont applicables au scrutin les dispositions du chapitre VII du titre 1er du livre 1er du code électoral, à l'exception des articles L. 88-1, L. 95 et des 1° à 5° des I, II et III de l'article L. 113-1.
« Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de lire : « groupe, parti ou groupement politique habilité à participer à la campagne » au lieu de : « candidat » et de « liste de candidats ».
« XI. - Les dispositions du code électoral mentionnées au présent article sont applicables dans les conditions fixées aux articles L. 386, L. 390, L. 391 et L. 392 dudit code.
« XII. - La révocation n'est acquise que si la majorité des suffrages exprimés, représentant au moins un quart des électeurs inscrits, s'est prononcée en sa faveur.
« Toutefois, la vacance du siège est proclamée à l'expiration du délai de recours contentieux contre le résultat du scrutin. En cas de recours, le représentant à l'assemblée de la Polynésie française reste en fonction jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la réclamation. Il est pourvu à la vacance du siège dans les conditions prévues à l'article 107.
« XIII. - La régularité du scrutin peut être contestée dans les conditions, formes et délais prescrits à l'article 116 pour les réclamations contre l'élection des membres de l'assemblée de la Polynésie française.
« XIV. - Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Cet amendement, qui est assez long, vise à introduire des dispositions permettant de mettre fin au mandat d'un représentant à l'assemblée de la Polynésie française qui, ayant été élu dans un groupe politique, démissionne de ce groupe pour s'inscrire dans un autre, voire effectue des allers-retours entre les différents groupes.
Je me suis déjà exprimé sur le sujet pendant la discussion générale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement est extrêmement intéressant d'un point de vue intellectuel, mais il est plus contestable sur le plan politique.
Un tel dispositif existe dans d'autres États - il figure notamment dans le droit anglo-saxon -, mais il n'est pas encore entré dans nos moeurs ; notre pays n'est pas tout à fait prêt.
Certes, ce n'est pas une raison pour ne pas y réfléchir, mais il serait prématuré, me semble-t-il, de permettre à l'électeur de démettre son élu.
C'est la raison pour laquelle je ne pourrai malheureusement pas suivre M. Flosse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Nous voterons contre cet amendement, que nous considérons comme un amendement d'humour. (Sourires.)
Sans doute son auteur parle-t-il d'expérience. Plus que tout autre dans cette assemblée, il sait que ce sont non pas les institutions ni les modes de scrutin qui créent l'instabilité, mais bien les comportements de certains élus.
En effet, le fait qu'un certain nombre de personnes fassent fi de la manière dont elles ont été élues et s'affranchissent ensuite de toute logique et de toute honnêteté à l'égard de leurs mandants est un vrai problème pour la vie politique en Polynésie. Pour autant, je ne pense pas que c'est en adoptant des procédés de ce type que nous pourrons le régler.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. - L'article 105 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 105. - I. - L'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française a lieu, dans chacune des circonscriptions définies à l'article 104, au scrutin de liste à un ou deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.
« II. - Si une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne, entre les listes qui ont obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages dans l'ensemble de la circonscription. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation.
« III. - Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour, le deuxième dimanche qui suit le premier tour.
« Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % du total des suffrages exprimés ; si une seule liste obtient ce nombre de suffrages, la liste arrivée en deuxième au premier tour peut se présenter au second tour ; si aucune liste n'obtient un tel nombre de suffrages, peuvent se présenter au second tour les deux listes arrivées en tête au premier tour.
« Ces listes peuvent être modifiées dans leur composition pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci ne se présentent pas au second tour et qu'elles aient obtenu au premier tour au moins 3 % des suffrages exprimés. En cas de modification de la composition d'une liste, l'ordre de présentation des candidats peut également être modifié.
« Les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent figurer au second tour que sur une même liste. Le choix de la liste sur laquelle ils sont candidats au second tour est notifié aux services du haut-commissaire par le candidat placé en tête de la liste sur laquelle ils figuraient au premier tour.
« Les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne, entre les listes qui ont obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés au second tour.
« Sont applicables à cette répartition les deuxième et troisième alinéas du II du présent article. »
II. - Le I de l'article 107 de la même loi organique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'annulation des opérations électorales dans une circonscription entraîne l'organisation d'une nouvelle élection dans cette circonscription dans les trois mois suivant la lecture de l'arrêt du Conseil d'État. Les électeurs sont convoqués selon les modalités fixées au précédent alinéa. Le mandat des membres élus à l'issue de cette élection expire en même temps que celui des autres membres de l'assemblée de la Polynésie française. »
III. - L'article 116 de la même loi organique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Saisi dans les conditions fixées par les dispositions du code électoral relatives au financement des campagnes électorales, le Conseil d'État peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. Dans les autres cas, le Conseil d'État peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie. Si le Conseil d'État a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office. »
IV. - L'article L.O. 406-1 du code électoral est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L.O. 406-1. - La composition et la formation de l'assemblée de la Polynésie française sont régies par les dispositions de la section 1 du chapitre II du titre IV de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. »
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous l'aurez constaté, compte tenu des circonstances dans lesquelles nous débattons, nous avons déposé peu d'amendements. Je ferai en outre remarquer que le groupe communiste républicain et citoyen, le groupe de l'Union centriste-UDF et le groupe du RDSE, dont je salue la présence (Sourires),...
M. Michel Houel. Humour !
M. Bernard Frimat. ...n'ont, quant à eux, déposé aucun amendement.
L'amendement n° 57 que nous vous soumettons à cet article vise à supprimer le mode de scrutin électoral qui nous est proposé.
Monsieur le secrétaire d'État, dans la mesure où c'est la troisième fois qu'un tel débat s'instaure, peut-être aurait-il fallu changer le titre de votre projet de loi organique et lui préférer celui-ci : « projet de loi organique tendant à lutter contre l'instabilité des modes de scrutin en Polynésie française ».
Mes chers collègues, je ne reviendrai pas en détail sur le scrutin qui s'est déroulé en 2004, chacun d'entre vous le connaît. Je rappelle simplement qu'il s'agissait d'un scrutin avec prime majoritaire. Depuis, la loi organique du 27 février 2007 a introduit un nouveau mode de scrutin, qui est donc « mort-né ». Si le Sénat a voté le texte, le débat sur le scrutin lui-même n'est intervenu qu'en commission mixte paritaire, puisque ce scrutin résulte d'un amendement « propulsé » par M. Tong Sang et déposé directement à l'Assemblée nationale, à l'issue donc de nos délibérations.
À l'évidence, ce scrutin, voulu par la majorité qui avait voté le scrutin de 2004, voulu par la majorité qui s'apprête aujourd'hui à voter autre chose, a vécu.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous proposez aujourd'hui un autre mode de scrutin, dont vous êtes le premier à savoir qu'en aucune façon il n'assurera la stabilité des institutions polynésiennes. Il est construit - s'agit-il d'un ralliement du Gouvernement aux bienfaits de la proportionnelle ? - sur une proportionnelle à deux tours, mais sans prime. C'est un dispositif complètement nouveau, qui n'existe nulle part, et qui provoquera à n'en pas douter une instabilité récurrente.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Bernard Frimat. Peut-être vous-êtes vous dit que le maintien de la prime majoritaire risquerait de profiter à quelqu'un dont vous ne souhaitiez pas l'élection et que sa suppression permettrait, au contraire, d'éviter tout danger à cet égard...
Indiscutablement, ce mode de scrutin n'apporte aucune solution susceptible d'assurer la stabilité politique en Polynésie. C'est, d'ailleurs, ce que souligne l'assemblée de la Polynésie française au tout début de son avis, publié en annexe du rapport de la commission : elle considère, en effet, que ce système « constitue une prime à l'instabilité ».
À ce titre, nous ne pouvons donc souscrire à votre proposition. Au demeurant, quel objectif recherchez-vous réellement en présentant un mode de scrutin dont tout le monde s'accorde à dire qu'il ne permettra en aucune façon de garantir la stabilité politique ?
S'agissant des modes de scrutin adoptés en 2004 et en 2007, on sait qui les avait construits et pourquoi. Cette fois-ci, qui est le constructeur et quel but cherche-t-il à atteindre ?
Les conditions dans lesquelles nous travaillons sont placées sous le signe de la rapidité. Pour notre part, nous n'avons pas souhaité proposer en séance, à brûle-pourpoint, un mode de scrutin supplémentaire et différent, qui n'aurait pas pu être discuté d'abord par les Polynésiens eux-mêmes.
Cela étant, monsieur le secrétaire d'État, ne pensez-vous pas qu'un effort pourrait être fait en la matière ? Ne convient-il pas tout de même de s'interroger sur l'existence d'une circonscription unique, avec l'attribution d'une prime à la liste ayant emporté l'élection sur l'ensemble de la Polynésie ? Ainsi, le vote des Polynésiens serait réellement conforté.
À mon sens, il existe certainement d'autres systèmes qui permettraient d'assurer une plus grande stabilité. Néanmoins, puisque votre but n'est pas de chercher ni de créer la stabilité des institutions en Polynésie, vous êtes dans votre logique : le scrutin que vous mettez en place permettra, au premier tour, à chacun de se compter ; au second tour, vous espérez sans doute rassembler vos nouveaux, vos anciens et vos futurs amis, pour vous construire une majorité à votre convenance, avec laquelle vous pourrez alors librement travailler. En effet, monsieur le secrétaire d'État, vous êtes complètement étranger à tout ce qui se passe là-bas, ce que tout le monde avait bien compris !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 57, présenté par M. Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Monsieur Frimat, puis-je considérer que vous venez de le présenter ?
M. Bernard Frimat. Comment avez-vous deviné, monsieur le président ? (Sourires.)
M. le président. Je tenais à m'en assurer !
M. Bernard Frimat. Je salue votre talent !
M. le président. Cet amendement vient donc d'être défendu.
L'amendement n° 5, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 105 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 :
« Art. 105 - I.- L'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française a lieu, dans chacune des circonscriptions définies à l'article 104, au scrutin de liste à un ou deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.
« II.- Si une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne, entre les listes qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages dans l'ensemble de la circonscription. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation.
« III.- Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour, le deuxième dimanche qui suit le premier tour.
« Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % des suffrages exprimés ; si une seule liste obtient ce nombre de suffrages, la liste arrivée en deuxième au premier tour peut se présenter au second tour ; si aucune liste n'obtient un tel nombre de suffrages, peuvent se présenter au second tour les deux listes arrivées en tête au premier tour.
« Ces listes peuvent être modifiées dans leur composition pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci ne se présentent pas au second tour et qu'elles aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés. En cas de modification de la composition d'une liste, l'ordre de présentation des candidats peut également être modifié.
« Les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent figurer au second tour que sur une même liste. Le choix de la liste sur laquelle ils sont candidats au second tour est notifié aux services du haut-commissaire par le candidat placé en tête de la liste sur laquelle ils figuraient au premier tour.
« Les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne, entre les listes qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour.
« Sont applicables à cette répartition les deuxième et troisième alinéas du II du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, tous les sujets sont importants et sensibles, mais celui que nous abordons maintenant l'est tout particulièrement et mérite donc que lui soit consacré un minimum de temps.
Je le rappelle pour nos collègues qui l'ignoreraient, la Polynésie compte six circonscriptions : quatre circonscriptions représentent un certain nombre d'archipels et disposent de trois sièges chacune ; une circonscription, représentant les îles Sous-le-Vent, soit un archipel relativement plus peuplé que les précédents, dispose de huit sièges ; une circonscription dispose de trente-sept sièges. Au total, cinquante-sept sièges sont attribués, dont vingt à cinq circonscriptions et trente-sept à une seule.
Il n'est donc pas facile d'organiser un système électoral sur un tel ensemble. Si ce dernier est relativement déséquilibré sur le plan de la répartition des sièges, il conduit pourtant à une sous-représentation de Tahiti, malgré ses trente-sept sièges, compte tenu de l'importance de sa population par rapport à celle de l'ensemble de la Polynésie. Autrement dit, la situation est, certes, déséquilibrée, mais il est impossible de faire autrement, car, si l'on veut appliquer la proportionnelle, il faut au moins prévoir trois sièges pour chaque archipel.
Pour ma part, avant de critiquer un système, je préfère essayer d'en trouver un autre qui soit meilleur et, à défaut, de voir si celui qui est proposé est susceptible d'être amélioré.
La commission des lois a donc entamé une réflexion sur le sujet et a étudié les possibilités envisageables, à partir du moment où il importait de conserver les circonscriptions en l'état. En effet, j'ai pu m'en rendre compte sur place, les Polynésiens tiennent particulièrement à leur maintien, y compris, cher ami Bernard Frimat, le président Temaru lui-même, tout au moins pour les circonscriptions représentant les archipels.
Dans ces conditions, un constat s'est imposé : l'instauration d'une prime majoritaire, comme nous l'avions prévue à tort en 2004 - mais tout le monde peut se tromper ! -, ne favorise pas l'émergence de la liste ayant remporté le plus grand nombre de voix sur l'ensemble de la Polynésie, dans la mesure où cette prime sera attribuée à Tahiti et, partant, à ses électeurs, au détriment des autres archipels. C'est là que se situe le biais du dispositif.
Je tiens à le dire, je n'ai pas l'intention dans ce débat de faire de la politique politicienne, car une telle attitude n'a pas sa place ici. (M. Bernard Frimat s'esclaffe.) Je regrette votre réaction, monsieur Frimat. Le sujet qui nous intéresse est avant tout technique et politique. Si vous-même aimez la politique politicienne, sachez que ce n'est pas mon cas !
M. Bernard Frimat. Vous ne faites que cela !
M. Christian Cointat, rapporteur. Mais non ! Ce que j'aime, c'est faire de la politique tout court, en m'efforçant de servir au mieux nos concitoyens !
Je le répète, si la prime majoritaire est maintenue, elle sera accordée à Tahiti, au détriment des autres, et ce ne sera pas juste. C'est la raison pour laquelle nous proposons de revenir sur cette disposition.
J'ai alors étudié l'opportunité de réserver un certain nombre de sièges à ceux qui seraient arrivés en tête. Cependant, puisqu'il n'est pas question d'augmenter le nombre d'élus à l'assemblée de la Polynésie française, ce système aboutirait à retirer des sièges à Tahiti, qui serait alors encore plus sous-représentée.
Il est inconcevable de baisser de trois à deux sièges la représentation des autres archipels. Reconnaissez-le, mes chers collègues, le fait de prévoir une élection à la proportionnelle pour deux sièges est pour le moins inconvenant sur le plan démocratique, c'est même quasiment une forfaiture ! Dans la mesure où il importe de conserver un minimum de trois sièges pour les circonscriptions, il n'est plus possible d'accorder une prime.
Une autre solution a aussi été étudiée, celle d'une circonscription unique divisée en sections représentant les anciennes circonscriptions. Cela semblait parfait en apparence. Toutefois, compte tenu du système proportionnel régional avec une prime majoritaire, les archipels qui sont sous-représentés par rapport aux autres risqueraient de ne se retrouver qu'avec un seul siège, au lieu des trois qui leur sont garantis aujourd'hui. Cette solution n'est donc pas non plus acceptable.
Un autre cas de figure était envisageable, en reprenant pour la Polynésie le système que nous avons mis en place dans cet hémicycle même pour Saint-Pierre-et-Miquelon, après avoir néanmoins recueilli l'accord des Saint-Pierrais et des Miquelonais eux-mêmes.
Dans ces conditions, trois sièges seraient garantis à chacun des archipels du Nord, mais ne refléteraient pas forcément la coloration politique de leurs électeurs. Cette solution posant, à l'évidence, de sérieux problèmes, nous n'avons pas pu la retenir.
Finalement, mes chers collègues, nous avons fait le tour de toutes les possibilités, déjà existantes ou pouvant être envisagées, tant et si bien que nous en sommes revenus au système proposé par le Gouvernement. Notre décision n'a donc en aucune façon été motivée par une quelconque volonté de faire de la politique politicienne, ce qui serait véritablement néfaste. Simplement, il n'existe, pour l'instant, aucune autre solution qui paraisse plus raisonnable et plus efficace.
Il était, certes, concevable de proposer la formule appliquée à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, à savoir une élection à la proportionnelle à deux tours, mais dans laquelle seules les deux listes arrivées en tête au premier tour pouvaient passer au second.
Or, lors de la discussion dans cet hémicycle du projet de loi organique et du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, nous avons mis le gouvernement de l'époque devant une alternative : soit instaurer une prime majoritaire et faire passer au second tour tous ceux qui ont obtenu plus de 10 % ; soit ne faire passer que les deux seules listes arrivées en tête et supprimer la prime majoritaire. En tout état de cause, il fallait trancher, car ces solutions étaient incompatibles, et c'est la première qui a été choisie.
Par conséquent, en appliquant cette logique à la Polynésie, seules les deux listes arrivées en tête au premier tour devraient être autorisées à passer au second. Or, justement, cela ne correspond pas aux souhaits exprimés par l'ensemble des forces politiques locales, qui souhaitent une représentation aussi large que possible. Pour le dire autrement, un tel système n'est pas encore en phase avec le rythme de la respiration démocratique de la Polynésie française, et voilà pourquoi je ne l'ai pas retenu.
En l'espèce, mes chers collègues, je vous propose tout simplement, au nom de la commission, de vous rallier, pour l'essentiel, à l'avis de l'assemblée de la Polynésie française et d'augmenter ainsi de 3 % à 5 % des suffrages exprimés le seuil retenu pour la fusion des listes. Ce faisant, nous nous mettons en cohérence avec le dispositif que nous avons retenu pour les autres collectivités d'outre-mer.
De plus, pour l'accès des listes au second tour, en lieu et place du seuil de 10 % des suffrages exprimés, proposé par le Gouvernement, et du seuil de 12,5 % des inscrits, souhaité par l'assemblée de la Polynésie française, ce dernier nous paraissant tout de même très élevé, nous préférons un seuil de 12,5 % des suffrages exprimés, qui nous paraît constituer un point d'équilibre entre les deux.
Mes chers collègues, je tiens à le préciser, pour ce type d'élections, on enregistre une très forte participation. (M. Gaston Flosse acquiesce.) Ainsi, pour les élections partielles de 2005, elle s'est élevée à 80 %. Or, avec un tel taux, le seuil de 10 % des inscrits équivaut justement au seuil de 12,5 % des suffrages exprimés que nous proposons.
Finalement, nous sommes parvenus à trouver ce que je viens d'appeler un point d'équilibre entre les différentes tendances, tout en respectant les traditions politiques locales auxquelles les Polynésiens sont attachés. Ces derniers souhaitent en effet avoir la possibilité de se retrouver ensemble, mais sans y être forcés, comme ce serait le cas avec un système ne réservant l'accès au second tour qu'à deux listes.
Mes chers collègues, la solution de la commission n'est pas la panacée, mais c'est certainement la moins mauvaise possible. C'est même une bonne solution, et je vous recommande donc de l'adopter.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du texte proposé par le II de cet article pour le I de l'article 107 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, remplacer les mots :
membres élus à l'issue de cette élection
par les mots :
nouveaux membres
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du III de cet article, remplacer les mots :
par les dispositions du code électoral relatives au financement des campagnes électorales
par les mots :
au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 57.
M. Christian Cointat, rapporteur. L'amendement n° 7 est un amendement de précision, qui tend à aligner le dispositif électoral de la Polynésie française sur celui qui est en vigueur à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'amendement de suppression n° 57 étant incompatible avec les amendements nos 5, 6 et 7 de la commission des lois, je demande à son auteur de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Il est défavorable sur l'amendement n° 57.
Je ne suis pas convaincu, monsieur Frimat, et je le dis avec modestie et humilité devant la Haute Assemblée, que le mode de scrutin que nous proposons constitue la panacée, selon l'expression de M. le rapporteur, et le moyen ultime d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé. Mais, pour votre part, vous ne proposez aucune solution de rechange. Vous vous êtes contenté d'évoquer une autre possibilité, sans pour autant déposer d'amendement.
Nous avons réfléchi à toutes ces questions. J'ai voulu trouver le meilleur équilibre entre stabilité et représentativité politique, sachant que les modèles politiques de la Polynésie française ne sont pas calqués sur ceux de la métropole et que la représentativité de l'ensemble des formations politiques est chère au coeur des Polynésiens.
Vous avez dit, monsieur le sénateur, que nos préoccupations étaient éloignées de celles des Polynésiens. Je suis, au contraire, très proche de leurs préoccupations. C'est précisément parce que la Polynésie française représente un modèle exceptionnel, possédant une histoire, une culture et une identité propres, que je veux la respecter. Je considère la représentativité politique, dans ce contexte, comme fondamentale.
J'en viens à la question de la représentation des territoires. J'entends parfois parler de départementalisation ; cela me chagrine, car je ne partage pas cette conception, bien que je la respecte.
Vous, monsieur le sénateur, vous évoquez, comme M. Temaru, que vous soutenez, une régionalisation. En effet, le mode de scrutin que vous évoquez correspond à un système de circonscription unique.
Or la Polynésie française n'est, selon moi, ni un département ni une région ; c'est un pays intégré à la République, un modèle exceptionnel en raison de sa beauté, de sa diversité et de la pluralité des histoires de ses habitants, selon les archipels où ils vivent.
Si vous expliquez aux citoyens des îles Marquises, des îles Tuamotu, des îles Gambiers, des îles Australes et des îles Sous-le-Vent qu'ils doivent être regroupés dans un ensemble unique, sur le modèle d'un département ou d'une région de métropole, ils se sentiront incompris.
Étant bien plus au fait de la réalité de cette terre de Polynésie française que vous ne l'imaginez, monsieur Frimat, j'ai considéré que le dispositif proposé était, pour le moment, la solution la plus juste et la plus équitable possible par rapport au ressenti et au vécu des Polynésiens, même s'il ne nous garantit pas une solution définitive à ce problème. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ; M. le rapporteur applaudit également.)
Le Gouvernement est, en revanche, favorable aux amendements nos 5, 6 et 7 de la commission.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote sur l'amendement n° 57.
M. Hugues Portelli. Je ne suis pas un spécialiste de la Polynésie française. Il m'arrive toutefois de lire les pages qui y sont consacrées dans les revues juridiques, telles que l'Actualité juridique de droit administratif ou la Revue Dalloz.
Nous savons tous que les problèmes électoraux qui se posent en Polynésie française relèvent non pas du droit électoral, mais de la jurisprudence des tribunaux administratifs et judiciaires.
Je soutiens, bien entendu, le projet de système électoral qui nous est proposé, car il me semble plus honnête que le précédent. Mais ne soyons pas hypocrites ! Nous savons bien que, en Polynésie française, les majorités se font ou se défont pour des raisons qui n'ont strictement rien à voir avec le droit, et notamment le droit électoral.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.
M. Bernard Frimat. Le problème des seuils que vous évoquez, monsieur le rapporteur, ne se pose qu'en un seul endroit. En effet, dans cinq circonscriptions sur six, le seuil de 3 % ou 5 % des suffrages exprimés ne permet pas d'aboutir à une répartition des sièges. Lorsque trois sièges seulement sont en jeu, la question de la représentation des formations politiques à partir de 5 % de suffrages exprimés n'a qu'un intérêt limité !
Je vous ai bien entendu. Il faut effectivement tenir compte de la dimension géographique de la Polynésie française, qui la place à un niveau équivalent à celui de l'Europe. Or votre base de référence étant Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le décalage est important !
Qu'il faille mettre en place une représentation des îles Marquises, des îles Australes, des îles Tuamotu, des îles Gambiers, des îles du Vent et des îles Sous-le-Vent, personne ne le nie ! Mais il faut trouver une solution qui permette de concilier, à la fois, la représentativité et la nécessité, pour l'ensemble des Polynésiens, de se prononcer sur les mêmes problèmes au sein de leur assemblée.
L'un des éléments de solution, que le Sénat n'aura pas l'occasion d'examiner en raison de la navette parlementaire mais qui pourra peut-être prospérer à l'Assemblée nationale, consisterait à obliger les formations politiques à présenter des candidats dans toutes les circonscriptions, ce qui ne signifie pas que l'on n'appliquera pas le système de la prime majoritaire.
Si des candidats sont présents partout, les chances d'entendre un discours unifié sont plus grandes. Il est évident, en revanche, que le fait de présenter des candidats seulement dans telle ou telle circonscription renforce les particularismes. Comme le montre l'actualité récente, le jeu des déplacements d'élus, dont vous connaissez comme moi l'origine, oblige à tenir compte de cette réalité.
Nous voterons contre ce dispositif, car il nous semble avoir été fabriqué à la demande. Les récentes visites de MM. Tong Sang et Schyle à M. Poncelet, qui s'en est réjoui et les a accompagnés de ses voeux, semblent confirmer cette impression. Il serait plus simple de dire les choses telles qu'elles sont. Quoi qu'il en soit, nous en aurons la confirmation le moment venu.
Vous avez choisi un système vous permettant d'occuper une position d'arbitre entre ceux qui ont été, ceux qui sont et ceux qui seront vos amis de la majorité. Je comprends que vous ayez choisi cette solution !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L'article 121 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 121. - L'assemblée de la Polynésie française élit son président pour la durée de son mandat. Elle élit également, pour la même durée, les autres membres de son bureau à la représentation proportionnelle des groupes politiques et dans les conditions fixées par son règlement intérieur.
« En cas de vacance des fonctions de président, il est procédé au renouvellement intégral du bureau.
« L'assemblée de la Polynésie française peut décider, à la majorité absolue de ses membres, de procéder au renouvellement intégral du bureau. »
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 121 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est ainsi rédigé :
« Art. 121. - L'assemblée de la Polynésie française élit son président pour la durée de son mandat. Elle élit chaque année les autres membres de son bureau à la représentation proportionnelle des groupes politiques et dans les conditions fixées par son règlement intérieur.
« En cas de vacance des fonctions de président, il est procédé au renouvellement intégral du bureau.
« Lors du renouvellement annuel des membres du bureau, l'assemblée de la Polynésie française peut décider, à la majorité absolue de ses membres, de procéder au renouvellement intégral du bureau. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement concerne l'élection du bureau de l'assemblée de Polynésie française.
J'ai pris en compte, là encore - et la commission a bien voulu accepter cette approche -, l'avis défavorable exprimé par l'assemblée de la Polynésie française sur le texte du Gouvernement qui prévoyait une élection, pour cinq ans, du bureau et la possibilité de démettre celui-ci, à la majorité absolue des membres, en cours de mandat.
Après avoir consulté les uns et les autres, nous avons essayé de trouver une voie moyenne consistant à élire le président pour cinq ans et les autres membres du bureau tous les ans, comme cela se fait à l'Assemblée nationale. En revanche, à l'occasion de l'élection des membres du bureau, si une majorité absolue des membres composant l'assemblée le souhaite, celle-ci peut demander qu'il soit procédé à l'élection complète du bureau, y compris le président. Cette solution, applicable seulement lors de l'élection du bureau, permet d'éviter qu'un président ne puisse bloquer le mécanisme, dans la mesure où il devra rendre des comptes, le cas échéant, à l'assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
I. - L'article 156 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 156. - L'assemblée de la Polynésie française peut mettre en cause la responsabilité du président de la Polynésie française et du gouvernement par le vote d'une motion de défiance. Celle-ci n'est recevable que si elle est signée par au moins le cinquième des représentants à l'assemblée de la Polynésie française.
« La motion de défiance mentionne, d'une part, les motifs pour lesquels elle est présentée et, d'autre part, le nom du candidat appelé à exercer les fonctions de président de la Polynésie française en cas d'adoption de la motion de défiance.
« Si elle est en session, l'assemblée de la Polynésie française se réunit de plein droit trois jours francs après le dépôt de la motion de défiance. Si la motion de défiance est déposée en dehors de la période prévue pour les sessions ordinaires, une session est ouverte de droit cinq jours francs après ce dépôt. Le vote intervient au cours des deux jours suivants ; faute de quorum, il est renvoyé au lendemain. Les délais mentionnés au présent alinéa s'entendent dimanche et jours fériés non compris.
« Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de défiance, qui ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Chaque représentant à l'assemblée de la Polynésie française ne peut signer, par année civile, plus de quatre motions de défiance.
« Le président de l'assemblée de la Polynésie française proclame les résultats du scrutin et les transmet immédiatement au haut-commissaire. Les résultats du scrutin peuvent être contestés par tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire, devant le Conseil d'État statuant au contentieux, dans le délai de cinq jours à compter de cette proclamation.
« Lorsque la motion de défiance est adoptée, les fonctions des membres du gouvernement cessent de plein droit. Le candidat au mandat de président de la Polynésie française est déclaré élu et entre immédiatement en fonction. Il est procédé à la désignation des autres membres du gouvernement dans les conditions prévues à l'article 73. »
II. - Il est inséré, après l'article 156 de la même loi organique, un article 156-1 ainsi rédigé :
« Art. 156-1. - I. - Si, au 31 mars de l'exercice auquel il s'applique, l'assemblée de la Polynésie française a rejeté le budget annuel, le président de la Polynésie française lui transmet, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, un nouveau projet de budget élaboré sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements soutenus lors de la discussion devant l'assemblée. Ce projet est accompagné, le cas échéant, des projets d'actes dénommés « lois du pays » relatifs aux taux des impôts et taxes destinés à assurer son vote en équilibre réel.
« Ce projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés « lois du pays » qui l'accompagnent sont considérés comme adoptés à moins qu'une motion de renvoi, présentée par au moins le cinquième des membres de l'assemblée de la Polynésie française, ne soit adoptée à la majorité absolue des membres de l'assemblée. La liste des signataires figure sur la motion de renvoi.
« La motion de renvoi est déposée dans un délai de cinq jours à compter de la communication du nouveau projet de budget à l'assemblée de la Polynésie française et comporte un projet de budget et, le cas échéant, des propositions d'actes dénommés « lois du pays » relatives aux taux des impôts et taxes, qui lui sont annexés. Elle mentionne le nom du candidat aux fonctions de président.
« Le jour du dépôt de la motion de renvoi, le président de l'assemblée de la Polynésie française convoque l'assemblée pour le neuvième jour qui suit ou le premier jour ouvrable suivant. La convocation adressée aux représentants est assortie de la motion de renvoi déposée et du projet de budget ainsi que, le cas échéant, des propositions de lois du pays relatives aux taux des impôts et taxes qui lui sont annexés.
« Le vote sur la motion a lieu au cours de la réunion prévue au quatrième alinéa du présent I.
« Le président de l'assemblée de la Polynésie française proclame les résultats du scrutin et les transmet immédiatement au haut-commissaire. Les résultats du scrutin peuvent être contestés par tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire, devant le Conseil d'État statuant au contentieux, dans le délai de cinq jours à compter de cette proclamation.
« Si la motion est adoptée, le projet de budget et les propositions d'actes dénommés « lois du pays » relatives aux taux des impôts et taxes sont considérés comme adoptés. Les fonctions des membres du gouvernement cessent de plein droit. Le candidat au mandat de président de la Polynésie française est déclaré élu et entre immédiatement en fonction. Il est procédé à la désignation des autres membres du gouvernement dans les conditions prévues à l'article 73.
« Le budget est transmis au haut-commissaire de la République au plus tard cinq jours après la date à partir de laquelle il peut être considéré comme adopté conformément au deuxième alinéa du présent I ou de la date de l'adoption ou du rejet de la motion de renvoi. Les actes dénommés « lois du pays » sont promulgués sans délai.
« II. - Les dispositions du présent article sont également applicables aux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice, hormis le compte administratif, qui font l'objet d'un vote de rejet par l'assemblée de la Polynésie française. Le président de la Polynésie française peut transmettre un nouveau projet à l'assemblée de la Polynésie française, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, sur le fondement du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements présentés lors de la discussion. »
III. - À l'article 72 de la même loi organique, les mots : « et 156 » sont remplacés par les mots : «, 156 et 156-1 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 46, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 156 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 :
« Art. 156. - L'assemblée de la Polynésie française peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement de la Polynésie française par le vote d'une motion de censure. Celle-ci n'est recevable que si elle est signée par au moins le cinquième des représentants à l'assemblée de la Polynésie française.
« Si elle est en session, l'assemblée de la Polynésie française se réunit de plein droit trois jours francs après le dépôt de la motion de censure. Si la motion de censure est déposée en dehors de la période prévue pour les sessions ordinaires ou extraordinaires, une session est ouverte de droit cinq jours francs après ce dépôt. Le vote intervient au cours des deux jours suivants ; faute de quorum, il est renvoyé au lendemain. Les délais mentionnés au présent alinéa s'entendent dimanche et jours fériés non compris.
« Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure, qui ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Chaque représentant à l'assemblée de la Polynésie française ne peut signer, par année civile, plus de quatre motions de censure.
« L'adoption de la motion de censure met fin aux fonctions du gouvernement de la Polynésie française. Celui-ci assure toutefois l'expédition des affaires courantes jusqu'à l'élection du nouveau président de la Polynésie française. »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Cet amendement tend à revenir au texte de 2004 et à maintenir le dispositif actuel de motion de censure, nécessaire pour renverser le gouvernement, la motion de défiance étant un système trop compliqué.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I.- Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 156 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, remplacer les mots :
par au moins le cinquième
par les mots :
par au moins le tiers
II.- A la fin de la seconde phrase de l'antépénultième alinéa du même texte, remplacer les mots :
plus de quatre motions de défiance
par les mots :
plus de deux motions de défiance
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 46.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement a pour but de rendre le dépôt d'une motion de défiance plus difficile que ne le prévoit l'article 5. J'emploie à dessein les termes « motion de défiance », car la commission approuve résolument le choix du Gouvernement de supprimer ceux de « motion de censure ».
Un cinquième des représentants à l'assemblée de la Polynésie française, seuil minimum pour le dépôt de la motion de défiance, cela ne représente guère que douze membres. C'est très peu ! Nous proposons de passer cette proportion à un tiers des représentants, par analogie avec le dispositif statutaire que nous avons adopté, l'année dernière, pour les collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, c'est-à-dire Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
De même, la possibilité, pour chaque représentant, de signer jusqu'à quatre motions de défiance par année civile paraît quelque peu exagérée. Nous proposons de nous en tenir, comme dans le statut de la Nouvelle-Calédonie, à deux motions de défiance par représentant, c'est-à-dire une par session.
J'en viens à l'amendement n° 46, auquel la commission est défavorable, car il ne s'harmonise pas avec le dispositif qu'elle a retenu.
La motion de défiance constructive, ou de « censure constructive », pour utiliser le langage courant, est indispensable, car le système électoral ne peut garantir une majorité, c'est-à-dire une prime majoritaire ou la présence de deux listes au deuxième tour.
Si le dispositif électoral ne garantit pas l'existence d'une majorité, il faut faire en sorte que le gouvernement élu puisse gouverner et n'être renversé que dans le cas où une véritable majorité de rechange se constitue. C'est le gage de la pérennité. On ne peut pas avoir l'un sans l'autre, à moins de trouver un autre système électoral. Or nous n'en avons pas trouvé, et nos collègues de gauche non plus ! Le dispositif électoral doit permettre aux institutions de fonctionner.
Puisque ce système de « censure constructive » est tiré de l'exemple allemand, je tiens à vous dire qu'en Allemagne, contrairement à ce que l'on prétend en France, le mode d'élection n'est pas à moitié majoritaire et à moitié proportionnel : la moitié des sièges est pourvue au scrutin majoritaire et l'autre moitié est calculée afin de permettre une représentation proportionnelle sur l'ensemble du pays. Cela explique pourquoi on n'a pas forcément une majorité qui sort des urnes, mais le système permet de gouverner.
Je ne peux donc, monsieur Flosse, que renouveler l'avis défavorable que j'avais émis précédemment.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Il est défavorable sur l'amendement n° 46, mais favorable sur l'amendement n° 9.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement no 46.
M. Bernard Frimat. Mon explication de vote vaudra à la fois pour les deux amendements et pour l'article.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez tellement confiance dans le mode de scrutin que vous mettez en place -afin, nous dit votre texte, d'assurer « la stabilité des institutions » - que vous êtes immédiatement obligé d'imaginer une « rustine ».
En effet, comme ce mode de scrutin est instable, il faut bien trouver un moyen de le conforter, et c'est là qu'intervient ce que vous appelez la « motion de défiance ». Les mots parlent d'eux-mêmes : cette motion prouve que vous n'avez aucune confiance dans le mode de scrutin proposé !
Certes, je suis bien d'accord avec Hugues Portelli - que je sais attentif à ces questions - pour dire que ce sont les comportements plus que les modes de scrutin qui provoquent telle ou telle situation. Cependant, encore une fois, l'assemblée de la Polynésie française nous dit que cette procédure ne renforcera pas la stabilité du gouvernement, mais qu'au contraire elle permettra à un gouvernement ne disposant pas de majorité de se maintenir au pouvoir.
Cela va donc très logiquement déboucher sur un blocage des institutions. Et, à ce moment-là, on n'aura plus d'autre choix que de recourir à une procédure de dissolution de l'assemblée ou d'abréviation de son mandat.
Par conséquent, votre « motion de défiance constructive » ne construit rien du tout ! En revanche, elle constitue l'aveu le plus clair qui soit que ce qui est proposé ne correspond pas, en réalité, à ce que vous prétendez.
Quant à l'Allemagne, laissons-la de côté : là n'est pas le débat.
Nous voterons contre cet article. Toutefois, parce qu'il nous semble que la motion de censure est une procédure plus simple dans la mesure où elle ne fait que constater qu'un gouvernement n'a plus de majorité, nous voterons l'amendement de M. Flosse, qui rejoint d'ailleurs la position exprimée par l'assemblée de la Polynésie française.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Rédiger comme suit les deuxième et troisième alinéas du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article 156-1 de la loi organique du 27 février 2004 :
« Si l'assemblée de la Polynésie française n'a pas adopté ce projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés « lois du pays » qui l'accompagnent dans un délai de cinq jours suivant leur dépôt, le président de la Polynésie française peut engager sa responsabilité devant l'assemblée. Dans ce cas, le projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés « lois du pays » qui l'accompagnent sont considérés comme adoptés à moins qu'une motion de renvoi, présentée par au moins le cinquième des membres de l'assemblée de la Polynésie française, ne soit adoptée à la majorité absolue des membres de l'assemblée. La liste des signataires figure sur la motion de renvoi.
« La motion de renvoi est déposée dans un délai de cinq jours à compter de l'engagement de la responsabilité du président de la Polynésie française devant l'assemblée et comporte un projet de budget ainsi que, le cas échéant, des propositions d'actes dénommés « lois du pays » relatives aux taux des impôts et taxes, qui lui sont annexés. Elle mentionne le nom du candidat aux fonctions de président.
II. Compléter le I du même texte par un alinéa ainsi rédigé:
« Par dérogation au premier alinéa du I et au premier alinéa du II de l'article 176, ces actes peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État à compter de la publication de leur acte de promulgation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. L'amendement n° 10 a été rectifié. En effet, dans un premier temps, à la lumière des consultations menées sur place, il m'était apparu que s'exprimait un souhait plutôt général de supprimer la technique dite du « 49-3 budgétaire », c'est-à-dire une censure constructive au cas où il n'y aurait pas de majorité pour adopter le budget.
Toutefois, en y réfléchissant bien et en discutant de ce point avec le Gouvernement, j'ai estimé que cela pourrait ouvrir une brèche dans le dispositif et que l'on pourrait créer, de ce fait, une nouvelle forme d'instabilité par le biais des discussions budgétaires, ce qui n'est pas le but recherché.
Le dispositif proposé par le Gouvernement n'en est pas moins potentiellement lourd de conséquences : on en arrive tout de suite à un blocage de la part du président, qui dit en quelque sorte : « C'est comme ça et pas autrement. Le budget doit passer tel que je l'ai décidé et il n'y aura pas de discussion approfondie. »
L'amendement n° 10 rectifié a donc pour objet de prévoir, avant l'utilisation de ce « 49-3 budgétaire », une seconde discussion sur la base d'un projet de budget modifié, de façon, justement, à donner toute sa place et toute sa force au débat au sein de l'assemblée de la Polynésie, c'est-à-dire au processus démocratique.
Ce n'est qu'en cas de blocage effectif qu'on pourra recourir aux armes les plus lourdes, en l'occurrence à la mise en jeu de la responsabilité du président. Celui-ci fera alors adopter son budget, sauf s'il est renversé par une « motion de défiance constructive ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. À travers cet article, nous avons souhaité permettre que toutes les démarches engagées visent à construire, non à détruire.
Il n'est pas souhaitable que, dès lors qu'un nombre important d'élus veut s'engager dans une procédure de renversement d'une majorité en place et en proposer une autre, tout soit joué d'avance.
Nous avons connu de telles situations en métropole voilà quelques années de cela. La majorité gouvernementale était alors d'une couleur politique différente. Elle avait suggéré, pour préserver les exécutifs régionaux, de mettre en place la procédure dite du « 49-3 budgétaire ». Cela a permis, pendant six ans, à un certain nombre d'exécutifs régionaux, qui n'étaient pas forcément issus de notre propre sensibilité, de pouvoir administrer les collectivités régionales.
M. Christian Cambon. C'est vrai !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Il est donc exact que cette procédure budgétaire, qui était constructive et non destructrice, nous a servi de référence, et que nous proposons de l'appliquer à la Polynésie française.
À ceux qui nous accuseraient de « départementaliser » la Polynésie, je répondrai que nous sommes bien loin d'une telle idée et que cette procédure semble parfaitement convenir à la situation de la Polynésie.
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez en assouplir les modalités. J'y suis tout à fait prêt et j'émets donc un avis favorable sur l'amendement n° 10 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, vous venez à l'instant d'évoquer ce que l'on avait aussi appelé le « 49-3 régional ». Je voudrais vous rappeler - mais cela ne vous avait sûrement pas échappé - que cette disposition était transitoire et qu'elle avait été adoptée dans l'attente de l'instauration d'un mode de scrutin qui assurerait la stabilité des exécutifs.
Le caractère baroque de la proposition d'aujourd'hui réside dans le fait qu'elle consiste, d'abord, à créer un mode de scrutin dont on sait qu'il n'assure pas la stabilité et, ensuite, à installer de façon pérenne un système de « motion de défiance constructive », présenté ici dans une version budgétaire.
La commission des lois, lors d'un premier examen, avait supprimé cette disposition en considérant qu'il s'agissait d'une véritable « usine à gaz » et que rien, localement, n'en justifiait la nécessité.
M. le rapporteur est arrivé ce matin en commission avec un amendement rectifié, qui résulte sans doute d'une discussion fructueuse avec vous, monsieur le secrétaire d'État... Nous en prenons acte.
Mais, ce qui nous semble le plus important, c'est de bien montrer que vous faites référence à un dispositif qui était temporaire et qui était destiné - ce qui s'est d'ailleurs produit - à être remplacé par un autre assurant la stabilité. Or, vous nous proposez aujourd'hui un mode de scrutin dont vous êtes tellement certain de l'inefficacité que, d'emblée, vous prévoyez des méthodes contraignantes pour permettre à un gouvernement n'ayant plus de majorité de se maintenir. Dont acte !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Je voudrais apporter une petite précision. J'étais parfaitement conscient que le système mis en place pour les régions était transitoire. Il a, d'ailleurs, été supprimé lorsque nous avons modifié la loi électorale.
Mais là, il ne s'agit pas du même dispositif. C'est la raison pour laquelle, au départ, j'étais favorable à sa suppression. En effet, il ne me semblait pas que l'on puisse à la fois modifier les dispositions électorales et introduire un système qui ne peut être que transitoire.
Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, de modifier substantiellement le dispositif initial. La deuxième délibération - mais le terme n'est peut-être pas adéquat, puisque la discussion se fera sur la base d'un nouveau projet -, intervenant à l'issue d'un débat budgétaire qui se serait traduit par un vote négatif, est extrêmement importante, parce qu'elle incitera les différents acteurs à trouver un accord, et c'est seulement s'ils n'y parviennent pas que sera utilisé le dispositif. Celui-ci, en réalité, a donc vocation à ne servir quasiment jamais, car on sait bien que, si l'on ne se met pas d'accord en deuxième lecture, le président emportera la décision en mettant en jeu sa responsabilité.
Ce dispositif est, par conséquent, totalement différent de celui que vous évoquiez et il est parfaitement adapté au mode de fonctionnement de l'assemblée de Polynésie. Il ne fera qu'enrichir le débat en son sein.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. La « motion de défiance constructive » à l'allemande est un système que l'on peut utiliser de deux façons.
La plus limitée, qui est aussi la plus négative, est celle que vient de décrire notre collègue M. Frimat : elle a pour but de permettre à une minorité de passer en force en essayant d'empêcher qu'une majorité se constitue contre elle par addition des contraires.
Dans ce cas, je suis d'accord avec M. Frimat pour dire que cela ne marche jamais, et ce pour une raison très simple : vous pourrez peut-être réussir ainsi à faire voter votre budget, mais vous ne trouverez jamais le moyen de le faire appliquer, parce que la majorité que vous aurez empêché de se constituer y parviendra à ce moment-là ou à l'occasion de l'examen de lois suivantes.
Il existe, cependant, une autre façon d'appliquer la « motion de défiance constructive » : il s'agit de celle qui est pratiquée dans d'autres pays, que ce soit au niveau national ou au niveau local. Je pense, par exemple, à l'Italie, mais aussi à la France puisqu'elle existe pour la Corse !
M. Christian Cointat, rapporteur. Eh oui !
M. Hugues Portelli. N'oublions pas en effet que, dans cette seconde hypothèse, le raisonnement est tout autre que dans la précédente. On part du principe qu'il n'existe pas de majorité stable et, par conséquent, on introduit des systèmes de contrainte pour obliger des adversaires potentiels à travailler ensemble.
M. Christian Cointat, rapporteur. Tout à fait !
M. Hugues Portelli. Il s'agit d'arriver à ce que l'on appelait, sous d'autres républiques, des majorités d'idées.
Pour ma part, je noterai que, depuis qu'on a introduit cette procédure en Corse, aucune motion de censure n'a jamais été votée. On arrive à faire marcher le système parce que l'on oblige les gens à réaliser des compromis plutôt que de les voir s'affronter.
Tel bien le véritable sens de cet amendement. M. le rapporteur me pardonnera d'avoir explicité ainsi sa pensée !
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. - Le deuxième alinéa de l'article 157 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est abrogé.
II. - Au chapitre IV du titre II de la même loi organique, après l'article 157, il est inséré un article 157-1 ainsi rédigé :
« Art. 157-1. - À la demande du gouvernement de la Polynésie française, il peut être décidé, par décret du Président de la République délibéré en conseil des ministres, de procéder au renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française avant le terme du mandat fixé à l'article 104. Ce décret fixe la date des nouvelles élections.
« La demande mentionnée au premier alinéa devient caduque si le décret décidant le renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française n'intervient pas dans les trois mois. »
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. S'agissant de la dissolution de l'assemblée de la Polynésie française, quelle est la procédure prévue par le statut actuel ?
Il existe deux possibilités de mettre fin au mandat de cette assemblée : la dissolution est demandée soit par le Président de la République, soit par le gouvernement de la Polynésie. La seule différence est que, dans ce dernier cas, la demande doit être motivée.
Que nous proposez-vous dans le présent article ? Exactement la même chose. Vous évitez simplement d'employer le même mot - « dissolution » - dans les deux cas.
Dans le premier cas, l'assemblée de la Polynésie française peut toujours être « dissoute » par le Gouvernement de la République, alors que, dans le second cas, le gouvernement de la Polynésie française demande, selon la nouvelle sémantique utilisée, le « renouvellement de l'assemblée de Polynésie française avant le terme du mandat », c'est-à-dire l'abréviation de ce dernier.
L'article 6 du présent projet de loi organique est donc peu ou prou identique à l'article existant, que vous ne modifiez qu'au niveau des mots.
Le plus intéressant, c'est la contradiction dans laquelle vous vous situez. Il existe actuellement un article qui permet de mettre fin au mandat des représentants de deux manières ; vous proposez, pour le futur, un article qui permet également de mettre fin à leur mandat de deux manières, mais, entre les deux, vous inventez - ce sera l'objet de l'article 20 - un régime d'exception qui cessera de s'appliquer dès qu'il aura été utilisé !
En conclusion, la situation actuelle est acceptable, la situation future que prévoit l'article 6 sera identique - raison pour laquelle nous en demandons la suppression - et, entre-temps, s'appliquera cette dissolution parlementaire à laquelle j'ai déjà fait plusieurs fois allusion.
Monsieur le secrétaire d'État, si vous êtes tellement confiant en la qualité du texte que vous présentez, pourquoi ne pas proposer l'application immédiate de votre nouvel article 6, et ne pas laisser au Gouvernement de la République la possibilité de dissoudre et au gouvernement de la Polynésie française celle de lui demander de le faire ?
Il s'agit là d'un complet faux-semblant : vous présentez un article identique à l'article existant, mais votre pratique contredit à la fois l'un et l'autre !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Je veux simplement souligner que, dans la version du projet de loi que nous étudions, le Gouvernement a modifié la rédaction par rapport à l'ancien texte en suivant, pour l'essentiel, l'avis de l'assemblée de la Polynésie française.
La commission ne peut donc qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 58.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Monsieur Frimat, la dissolution discrétionnaire a été utilisée précédemment. Elle figure dans le statut de la Polynésie française depuis 1984, et c'est François Mitterrand qui l'a utilisée pour la première fois, en 1986.
Nous, nous n'en voulons pas !
Je ne change pas de ligne. J'ai dit ce qu'il en serait le 1er août dernier dans une communication au conseil des ministres, et, ce jour-là, personne - et surtout pas vous, monsieur Frimat ! - ne m'a accusé de vouloir défaire le gouvernement de M. Gaston Tong Sang, car c'est bien de cela qu'il s'agit en réalité et vous le reconnaîtriez si vous étiez un peu lucide ou,...
M. Bernard Frimat. Attention !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. ...en tout cas, honnête ! (M. Bernard Frimat proteste.)
Monsieur Frimat, vous ne pouvez pas me dire que ce que je propose aujourd'hui vise à défaire un gouvernement pour lequel j'aurais de l'inimitié,...
M. Bernard Frimat. Je ne vous ai pas accusé de malhonnêteté !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. ...alors que le gouvernement qui est en place actuellement n'est pas celui qui était en place le 1er août dernier, et dont personne ne pouvait supposer, à cette époque, qu'il serait défait avant le débat au Sénat !
Je ne vous ai pas entendu protester, monsieur Frimat, lorsque j'ai clairement annoncé, le 1er août dernier, que je voulais changer les règles, les comportements et le fonctionnement institutionnel de la Polynésie française, et que je n'entendais pas répondre à la demande de dissolution discrétionnaire régulièrement formulée, ici et là, par les uns et les autres, parce que, pour le Président de la République et pour le Gouvernement, cette méthode ne pouvait pas être admise.
C'est bien parce que nous ne voulons plus qu'il puisse y avoir de dissolution discrétionnaire ou politique dans notre pays, à l'égard de quelque territoire de la République que ce soit, que nous avons décidé de proposer la réforme institutionnelle qui fait l'objet du présent projet de loi organique et du projet de loi qui le complète, en même temps que nous avons annoncé des élections anticipées.
J'ai encore un courrier daté de septembre de M. Flosse, qui me demande d'accélérer le calendrier et de fixer à fin décembre ou à début janvier les élections générales. De même, j'ai en tête toutes les demandes de M. Temaru, formulées aux mois de juin, juillet, août et septembre, pour que soit prononcée une dissolution. Eh bien, à ces demandes, nous n'avons jamais répondu !
Désormais, la décision ne viendra ni d'un décret, du Président de la République, ni du conseil des ministres ; ce seront les représentants des collectivités territoriales aujourd'hui, ceux du peuple français demain qui décideront de ce qu'il y a lieu de faire.
J'ai voulu qu'ils puissent agir en toute transparence et en toute démocratie, raison pour laquelle je propose de fixer de nouvelles règles claires et stables, qui donneront aux Polynésiens le sentiment d'être respectés et de pouvoir être maîtres de leur propre destin.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez cru devoir vous adresser à moi à propos de mon activité le 1er août, date à laquelle, si ma mémoire est bonne, nous étions en fin de session extraordinaire, je dois reconnaître que je suis effectivement coupable de ne pas commenter, à chaque sortie du conseil des ministres, les déclarations faites par les différents membres du Gouvernement et de ne pas en saisir immédiatement toute l'importance... (Sourires.)
Autant que faire se peut, monsieur le secrétaire d'État, il faut éviter les mots qui mettent en cause la lucidité ou l'honnêteté : c'est déplaisant, inutile, polémique, et cela n'apporte rien à un débat qui, jusqu'ici, s'était déroulé dans des termes, me semble-t-il, tout à fait corrects. Mais, si tel est votre souhait, nous pouvons aisément changer de ton !
Je répèterai qu'actuellement la dissolution est possible quand les institutions sont bloquées ou à la demande du gouvernement de la Polynésie française et que - inutile de vous draper dans votre dignité pour déclarer que, vous, vous ne dissoudrez jamais ! - il en ira de même demain, la seule différence étant que, pour le second cas, vous avez inventé une nouvelle sémantique et parlé non pas de dissoudre mais d'abréger ou de mettre fin de façon anticipée au mandat.
Voici ce qui existe et voilà ce qui va exister, et rien ne justifie que vous appliquiez à titre exceptionnel un régime qui ne sera pas repris dans la nouvelle loi. En quelque sorte, vous êtes hors la loi existante et vous avez besoin de notre concours pour réaliser cette opération !
Quant à la correspondance privée que vous entretenez avec M. Flosse, je suppose que l'histoire en rendra compte.
M. Bernard Frimat. Il n'est pas dans mes habitudes de commenter les correspondances privées que le Gouvernement et l'ensemble des ministres de l'outre-mer ont entretenues avec M. Flosse, mais je ne doute pas qu'il s'agisse d'un sujet passionnant, qui mériterait peut-être de faire l'objet de la thèse d'un élève de M. Portelli. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article additionnel après l'article 6
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 166 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque ces autorités ont négligé de prendre les décisions qui leur incombent dans le cadre de leurs attributions, le haut-commissaire prend, après mise en demeure, les mesures nécessaires afin de rétablir le fonctionnement normal des institutions et des services publics ou d'assurer la sécurité de la population, la sauvegarde des intérêts nationaux ou de ceux de la Polynésie française, ainsi que le respect des engagements internationaux de la France. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement vise à permettre au haut-commissaire d'intervenir quand la situation est bloquée et que les institutions locales ne prennent pas leurs responsabilités.
Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, je tiens à insister sur le fait qu'il ne s'agit en aucun cas d'une remise en cause de l'autonomie.
L'article 72 de la Constitution prévoit que, « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État [...] a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Il serait donc anormal que nos concitoyens vivant en Polynésie française ne puissent pas compter sur le représentant de l'État en cas de difficulté lorsque les autorités locales faillissent à leur mission.
J'ajoute que l'amendement prévoit expressément que le haut-commissaire ne pourra intervenir qu'après une mise en demeure adressée aux institutions de la collectivité pour qu'elles assument leurs responsabilités. Toutes les garanties sont donc apportées.
Je rappelle enfin que, l'année dernière, dans ce même hémicycle, nous avons adopté, pour les autres collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, ce même dispositif, que nous reprenons mot pour mot.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est très favorable à ce que le haut-commissaire se voie attribuer ce pouvoir exceptionnel en cas de carence des institutions territoriales.
L'ensemble des Polynésiens ne pourront qu'être rassurés de savoir que, si le gouvernement de la Polynésie française ne prend pas les décisions qui lui incombent et que de graves problèmes se posent en matière de santé ou de sécurité publique, l'État pourra, de manière impartiale, intervenir par le biais de son haut-commissaire.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.
M. Gaston Flosse. Je m'élève contre cet amendement, qui constitue une véritable agression contre l'autonomie. Il suffira, en effet, de la moindre prétendue négligence des élus ou responsables polynésiens pour que le haut-commissaire puisse décider de gouverner le pays !
C'est un retour en arrière et je voterai, bien sûr, contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Cet amendement est le premier de toute une série qui vise à introduire des articles additionnels.
Je remarque d'abord, sur le plan de la méthode, que ces articles additionnels n'ont été soumis ni à l'assemblée de la Polynésie française, ce qui est tout à fait regrettable, ni au Conseil d'État.
Or j'aurais été très intéressé, par exemple, par l'avis de ce dernier sur le pouvoir de substitution reconnu au haut-commissaire lorsque les autorités de Polynésie française ont négligé de prendre certaines mesures.
Les pouvoirs reconnus en certaines circonstances au Président de la République par l'article 16 de la Constitution font déjà débat. Que penser alors d'une disposition qui permet à un représentant de l'État dans une collectivité de prendre « les mesures nécessaires afin de rétablir le fonctionnement normal des institutions » ?
Une analyse juridique un peu plus précise sur ces différents points serait nécessaire, et, pour ma part, je ne peux voter en l'état cet amendement.
Je peux d'autant moins le faire qu'il s'agit d'un pays qui a un statut d'autonomie renforcée et qui n'est pas, en termes de positionnement international, comparable à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je sais bien que tout a été dit sur l'outre-mer à propos du statut de ces collectivités, mais il existe d'immenses différences entre les deux raisonnements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il ne faut pas caricaturer Saint-Martin, Saint-Barthélemy ou Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce sont des collectivités dotées de l'autonomie et toutes les collectivités d'outre-mer, quelles que soient leurs dimensions géographiques ou le nombre de leurs habitants, ont les mêmes droits et les mêmes devoirs potentiels, même si l'article 74 de la Constitution permet d'adapter les statuts aux besoins de chacune d'elles.
Ce dispositif, dans la même rédaction, a été soumis au Conseil d'État lors de l'examen des statuts de ces collectivités, et celui-ci l'a approuvé. Il ne s'agit donc pas d'une mesure qui lui serait inconnue.
De plus, il s'applique quel que soit le nombre d'habitants : on ne se préoccupe pas moins de la sécurité lorsqu'il n'y a que 6 800 habitants plutôt que 260 000. Le fonctionnement normal des pouvoirs publics forme un tout.
Vos arguments ne sont pas valables, monsieur Frimat. C'est par cohérence que nous proposons ce dispositif, que nous avons adopté l'année dernière et que vous avez voté ! ...
M. Bernard Frimat. Nous nous étions abstenus !
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'applique à la Polynésie française et je souhaiterais, par cohérence, qu'il concerne toutes les collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 6.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA TRANSPARENCE DE LA VIE POLITIQUE
Article additionnel avant l'article 7
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 7 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa (1°), les mots : « et du Défenseur des enfants » sont remplacés par les mots : «, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté » ;
2° Après le septième alinéa (5°), sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 6° À la procédure administrative contentieuse ;
« 7° À la lutte contre la circulation illicite et au blanchiment des capitaux, à la lutte contre le financement du terrorisme, aux pouvoirs de recherche, de constatation des infractions et procédures contentieuses en matière douanière, au régime des investissements étrangers dans une activité qui participe à l'exercice de l'autorité publique ou relevant d'activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique, aux intérêts de la défense nationale ou relevant d'activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres ou de substances explosives. » ;
3° Le dernier alinéa est complété par les mots : « ainsi que toute autre disposition législative ou réglementaire qui, en raison de son objet, est nécessairement destinée à régir l'ensemble du territoire de la République » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet article additionnel, qui ne devrait pas poser de gros problèmes, vise simplement à faciliter la lecture du texte du statut.
Les lois qui ont institué le Défenseur des enfants, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour les libertés, la HALDE, prévoient qu'elles sont applicables à la Polynésie française. Cependant, pour la transparence juridique, il semble nécessaire d'inscrire clairement dans le statut leur applicabilité afin d'éviter, en cas de modifications des dispositions relatives à ces instances, d'oublier les renvois relatifs à la Polynésie française ou à d'autres collectivités d'outre-mer.
De plus, nous ajoutons un élément important qui concerne la lutte contre la circulation illicite et le blanchiment des capitaux, lutte qui doit être menée de la même façon sur l'ensemble du territoire de la République française.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, avant l'article 7.
Article 7
Les trois derniers alinéas de l'article 9 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Sauf lorsqu'est en cause la définition du statut de la Polynésie française prévue par l'article 74 de la Constitution, l'avis peut être émis par la commission permanente si elle y a été habilitée par l'assemblée de la Polynésie française.
« Les consultations mentionnées aux alinéas précédents doivent intervenir, au plus tard, avant l'adoption du projet de loi ou de la proposition de loi en première lecture par la première assemblée saisie. Les avis portant sur les projets de loi qui, dès l'origine, comportent des dispositions relatives à l'organisation particulière de la Polynésie française sont rendus de façon implicite ou expresse avant l'avis du Conseil d'État.
« Les avis émis au titre du présent article sont publiés au Journal officiel de la Polynésie française.
« Lorsque l'assemblée fait usage de la faculté qui lui est ouverte par l'article 133, les résolutions par lesquelles elle présente des propositions de modification des dispositions législatives et réglementaires applicables en Polynésie française ont valeur d'avis au sens du présent article lorsque le Parlement ou le gouvernement décident de suivre, en tout ou partie, ces propositions.
« À la demande du Président de l'Assemblée nationale ou du Président du Sénat, le haut-commissaire est tenu de consulter l'assemblée de la Polynésie française sur les propositions de loi mentionnées au présent article. » - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa de l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables aux communes et applicables en Polynésie française.
« La Polynésie française et les communes de Polynésie française ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.
« Les autorités de la Polynésie française ne peuvent, par les décisions prises dans l'exercice de leurs compétences, exercer une tutelle sur les communes, conformément à l'article 72, cinquième alinéa, de la Constitution. »
II. - Le premier alinéa de l'article 54 de la même loi organique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les conditions dans lesquelles les communes peuvent bénéficier du concours financier de la Polynésie française sont définies par un acte prévu à l'article 140 et dénommé "loi du pays". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Lors de la discussion générale, M. le secrétaire d'État a évoqué la place des communes et j'ai souligné, pour ma part, qu'il convenait de leur donner davantage de moyens et de compétences pour remplir leurs missions.
Cette évolution fera l'objet d'un projet de loi qui nous sera soumis prochainement ; néanmoins, il apparaît utile d'aller dès aujourd'hui dans ce sens en adoptant cet amendement qui conforte la position institutionnelle des communes, puisqu'il confirme, d'une part, que les autorités de la Polynésie française ne peuvent exercer une tutelle sur les communes et, d'autre part, que les lois du pays doivent s'appliquer pour les concours financiers.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Je ne peux qu'être favorable aux amendements présentés par M. le rapporteur, puisque je partage l'opinion selon laquelle l'amélioration de l'autonomie de la Polynésie passe par le renforcement des compétences dévolues aux communes.
Dans ce sens, j'ai fait adopter par le conseil des ministres une ordonnance qui supprime le contrôle a priori au bénéfice d'un contrôle a posteriori, qui les autorise à s'engager sur la voie de l'intercommunalité. J'ai signé une convention avec l'Association des maires visant à créer un statut de fonctionnaires municipaux en Polynésie française.
Par ailleurs, comme je l'ai annoncé, j'ai l'intention de proposer au Parlement, dans le courant de l'année prochaine, un projet de loi qui renforcera les compétences des communes et qui mettra à leur disposition les ressources nécessaires pour qu'elles puissent les exercer correctement.
Cette disposition que vous introduisez dans le projet de loi est un premier signe fort en direction des maires et des élus municipaux de Polynésie, qui contribuent autant, voire davantage, que l'assemblée et le gouvernement de Polynésie à la prospérité et au développement des communes.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, nous savons tous que les communes sont des collectivités placées sous la tutelle de l'État. Or, dans cet amendement, il n'est nullement fait mention de la part de l'État dans l'aide financière qui leur est apportée.
Le pays n'est pas opposé à aider les communes dont les moyens sont nettement insuffisants, surtout dans les archipels éloignés, et qui n'ont d'autres ressources que la part qu'elles reçoivent du fonds intercommunal de péréquation, le FIP, soit un prélèvement de 17 % sur toutes les recettes fiscales du pays.
Le FIP est donc alimenté par le pays. Alors que l'on demande à la Polynésie française de participer plus, la contribution de l'État n'apparaît pas. La contribution versée aux communes devrait faire l'objet d'une convention tripartite entre l'État, qui assure la tutelle de ses propres collectivités, les communes et le pays.
Nous sommes opposés à ce que la Polynésie française supporte seule la charge des communes. Je voterai donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Les modifications proposées auraient pour effet de restreindre les compétences de la Polynésie française et d'introduire un risque de confusion.
Dire que « les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables aux communes et applicables en Polynésie française » conduit, de fait, à étendre la compétence des communes au détriment de la Polynésie française alors que la répartition des compétences ne relève que d'une loi organique.
Prévoir que « la Polynésie française et les communes de Polynésie française ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon » introduit un deuxième critère, celui de la répartition des compétences par la loi organique. C'est un critère d'une grande imprécision, qui sera source d'insécurité juridique. Placer ainsi sur le même plan les communes et la Polynésie française est en contradiction avec le principe d'autonomie constitutionnellement affirmé.
De plus, il est inutile d'introduire un alinéa dans lequel il est rappelé que la Polynésie française ne peut exercer de tutelle sur les communes alors que cette interdiction figure déjà dans la Constitution.
En réalité, cette réécriture vise à accorder aux communes des pouvoirs concurrents à ceux de la Polynésie française et à réduire l'autonomie de celle-ci. Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 7.
L'amendement n° 14, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. La première phrase du second alinéa de l'article 17 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est complétée par les mots : « et, lorsqu'elles portent sur une matière ressortissant à sa compétence, à l'assemblée de la Polynésie française ».
II. Le dernier alinéa du I de l'article 32 de la même loi organique est ainsi rédigé :
« Lorsqu'ils portent sur un acte prévu à l'article 140, dénommé "loi du pays", intervenant dans le domaine de la loi, les décrets prévus au deuxième alinéa du présent I ne peuvent entrer en vigueur avant leur ratification par la loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement de précision vise à prendre en compte deux réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 7.
Article 8
L'article 29 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un but d'intérêt général lié au développement de la Polynésie française, la Polynésie française ou ses établissements publics peuvent accorder des aides financières aux sociétés d'économie mixte ou garantir leurs emprunts. Une convention fixe les obligations contractées en contrepartie par les sociétés d'économie mixte. » - (Adopté.)
Article 9
I. - Il est inséré, après l'article 28 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée, un article 28-1 ainsi rédigé :
« Art. 28-1. - La Polynésie française fixe les règles applicables à la commande publique de la Polynésie française et de ses établissements publics dans le respect des principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics. »
II. - L'article 49 de la même loi organique est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 49. - La Polynésie française fixe les règles relatives à la commande publique des communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics dans le respect des principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics. » - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 30 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi rédigé :
« La Polynésie française et ses établissements publics peuvent participer au capital des sociétés privées gérant un service public ou d'intérêt général ; ils peuvent aussi, pour des motifs d'intérêt général, participer au capital de sociétés commerciales. »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Il existe en Polynésie française plusieurs établissements publics, dont certains possèdent déjà des filiales. C'est le cas de l'Office des postes et télécommunications, qui en possède trois ou quatre. Or, d'autres établissements publics, comme l'Établissement des grands travaux, voudraient en créer également.
Cet amendement a pour objet de régulariser la situation de l'Office des postes et télécommunications et de permettre aux autres établissements publics de créer des filiales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Si nous voulons rester fidèles à l'esprit du texte, il serait souhaitable que vous retiriez cet amendement. Je ne suis pas défavorable à l'idée de l'examiner dans le cadre d'un texte qui sera plus conforme à son esprit.
Par ailleurs, alors que nous ne cessons d'affirmer que nous ne voulons pas toucher aux compétences dévolues à la Polynésie française dans le cadre de l'autonomie, vous proposez qu'on les modifie.
M. Gaston Flosse. À quel moment pourra-t-on en discuter ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Dans le prochain projet de loi que je présenterai au Parlement en 2008.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Flosse ?
M. Gaston Flosse. Combien d'amendements avons-nous adoptés ou rejetés qui n'avaient pas de lien direct avec la stabilité de la vie politique en Polynésie française ?
Je ne vois pas en quoi cet amendement pourrait être considéré hors sujet. Il s'agit, au contraire, d'améliorer le fonctionnement des institutions, et surtout, celui des établissements publics de la Polynésie française.
Je ne comprends pas que l'on reporte ces mesures alors que nous avons besoin de relancer l'économie de la Polynésie française et que la création de ces filiales pourrait y contribuer. Ce serait aller dans le sens de l'intérêt général du pays.
Je maintiens donc l'amendement et je serais reconnaissant à M. le secrétaire d'État de reconsidérer sa position.
M. le président. Le Gouvernement modifie-t-il son avis ?
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 64 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La promulgation est l'opération par laquelle, en revêtant les « lois du pays » de sa signature, le président de la Polynésie française atteste de leur caractère exécutoire. »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Cet amendement vise à prendre en compte une réserve formulée par le Conseil constitutionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit non pas d'une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, mais d'un simple constat. Je comprendrais parfaitement ce qui a motivé son dépôt s'il s'agissait d'une réserve, mais tel n'est pas le cas
Cet amendement n'est donc pas nécessaire : il est satisfait par le texte du projet de loi dont il ne ferait qu'alourdir la rédaction.
En conséquence, monsieur Flosse, je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Mon avis se situe dans le prolongement de celui de la commission.
Monsieur Flosse, cet amendement vise à insérer dans la loi organique statutaire la définition de la promulgation des lois du pays qu'a proposée le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 février 2004, reprenant d'ailleurs une définition forgée par le Conseil d'État à propos de la promulgation des lois nationales par le Président de la République.
Toutefois, dès lors qu'il n'existe pas de contestation particulière sur ce point, il n'y a aucune raison de faire figurer dans la loi organique une définition jurisprudentielle.
C'est pourquoi je demande, moi aussi, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Flosse, l'amendement n° 48 est-il maintenu ?
M. Gaston Flosse. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 48 est retiré.
L'amendement n° 15, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le sixième alinéa de l'article 64 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions de l'article 90, des actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays » et des délibérations de l'assemblée de la Polynésie française qui en attribuent la compétence aux ministres, il prend les actes à caractère non réglementaire nécessaires à l'application des actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays », des délibérations de l'assemblée de la Polynésie française et des règlements. »
II. - Au début de la première phrase de l'article 95 de la même loi organique, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice des attributions qui leur sont confiées par les actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays » et par les délibérations de l'assemblée de la Polynésie française, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Avec ce texte, nous entamons l'examen d'une série d'amendements qui tendent à replacer l'assemblée au centre du dispositif institutionnel de la Polynésie française, conformément d'ailleurs à l'article 72 de la Constitution, aux termes duquel les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus.
Il est clair que l'assemblée de la Polynésie française, quand elle adopte les lois du pays, fixe les règles générales dans le respect desquelles le président de la Polynésie et les ministres doivent agir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, rassurez-vous, je n'interviens pas pour m'opposer à la libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus ! Je souhaite seulement faire remarquer à M. le rapporteur une petite curiosité juridique.
En 2004, notre commission des lois, dont la majorité, à ma connaissance, était la même qu'aujourd'hui, a adopté un amendement rédactionnel afin de faire apparaître clairement que la délégation des attributions aux ministres procédait bien du président de la Polynésie française. Or, elle envisage à présent de faire relever la détermination des compétences des ministres de l'assemblée de la Polynésie française.
Il s'agit tout de même d'une curiosité juridique, car dans aucune de nos assemblées, même au sein des collectivités territoriales, les délégations ne dépendent de l'assemblée élue ; elles relèvent toujours du président !
Mes chers collègues de la commission, votre proposition m'a donc interpellé, je l'avoue. Je me suis demandé ce qui avait pu changer en Polynésie pour que la volonté d'hyperprésidentialisation qui vous animait en 2004 - vous étiez alors des précurseurs ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) - se mue soudain en défiance.
Naturellement, le rapporteur du projet de loi organique a changé, mais je n'ai pas imaginé que le remplacement de M. Lucien Lanier par M. Christian Cointat puisse avoir un quelconque effet.
Je continue donc à m'interroger, d'autant que nous avions présenté, en 2004, un amendement de suppression avec les mêmes arguments que ceux que vous utilisez aujourd'hui pour défendre cet amendement de modification. Comme quoi le temps fait toujours son oeuvre ! (Nouveaux sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 9.
Article 10
I. - L'article 91 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est complété par les dispositions suivantes :
« 30° Approuve les conventions conclues avec des personnes morales en application d'actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays » ou de délibérations de l'assemblée de la Polynésie française ;
« 31° Approuve, au vu de demandes motivées, l'attribution d'aides financières ou l'octroi de garanties d'emprunt aux personnes morales. »
II. - Il est inséré, après l'article 157-1 de la même loi organique, un article 157-2 ainsi rédigé :
« Art. 157-2. - Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française tout projet de décision relatif :
« 1° À l'attribution d'une aide financière ou d'une garantie d'emprunt à une personne morale ;
« 2° Aux participations de la Polynésie française au capital des sociétés mentionnées à l'article 30 et au capital des sociétés d'économie mixte ;
« 3° À la nomination des directeurs d'établissements publics de la Polynésie française et du directeur de la Caisse de prévoyance sociale.
« Il n'est pas donné suite au projet si, dans le mois qui suit sa transmission ou, en cas d'urgence déclarée par le président de la Polynésie française, dans les quinze jours, l'assemblée, sur le rapport de sa commission compétente, adopte à la majorité des trois cinquièmes de ses membres une délibération motivée s'opposant à la décision. Hors session, la commission permanente exerce, dans les mêmes conditions, les attributions prévues au présent alinéa. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. L'article 64 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les conditions et selon les critères définis par l'assemblée de la Polynésie française, et sous réserve des compétences confiées au conseil des ministres, il attribue les aides financières et octroie les garanties d'emprunt aux personnes morales. »
II. Au cinquième alinéa (4°) de l'article 90 de la même loi organique, le mot : « subventions, » est supprimé.
III. L'article 91 de la même loi organique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 30° Approuve les conventions conclues avec des personnes morales en application d'actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays » ou de délibérations de l'assemblée de la Polynésie française ;
« 31° Approuve, dans les conditions et selon les critères définis par l'assemblée de la Polynésie française, sous réserve des compétences confiées au président de la Polynésie française, l'attribution d'aides financières ou l'octroi de garanties d'emprunt aux personnes morales. »
IV. - Après l'article 129 de la même loi organique, il est inséré un article 129-1 ainsi rédigé :
« Art. 129-1. - L'assemblée de la Polynésie française élit chaque année en son sein la commission de contrôle budgétaire et financier, à la représentation proportionnelle des groupes.
« La commission de contrôle budgétaire et financier comprend neuf membres. Elle élit son président.
« Sous réserve des dispositions de la présente loi organique, l'assemblée de la Polynésie française fixe, par une délibération, les attributions de la commission de contrôle budgétaire et financier.
« Une convention conclue entre l'État et la Polynésie française définit les conditions dans lesquelles des agents des services du ministère chargé de l'économie et des finances sont mis à disposition de la commission de contrôle budgétaire et financier pour l'assister dans l'exercice de ses missions. »
V. L'article 144 de la même loi organique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - L'assemblée de la Polynésie française définit par une délibération distincte du vote du budget les conditions et critères d'attribution des aides financières et d'octroi des garanties d'emprunt aux personnes morales.
« Toutefois, pour les aides financières dont l'attribution n'est pas assortie de conditions d'octroi, l'assemblée de la Polynésie française peut décider :
« 1° D'individualiser au budget les crédits par bénéficiaire ;
« 2° D'établir, dans un état annexé au budget, une liste des bénéficiaires avec, pour chacun d'eux, l'objet et le montant de l'aide financière.
« L'individualisation des crédits ou la liste établie conformément au 2° vaut décision d'attribution des aides financières en cause. »
VI. - Après l'article 157 de la même loi organique, sont insérés deux articles 157-2 et 157-3 ainsi rédigés :
« Art. 157-2. - Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française et à sa commission de contrôle budgétaire et financier tout projet de décision relatif :
« 1° A l'attribution d'une aide financière ou d'une garantie d'emprunt à une personne morale ;
« 2° Aux participations de la Polynésie française au capital des sociétés mentionnées à l'article 30 et au capital des sociétés d'économie mixte ;
« 3° Aux opérations d'acquisition, de cession ou de transfert de biens immobiliers réalisées par la Polynésie française.
« Sans préjudice des dispositions du III de l'article 144 de la présente loi organique, la commission de contrôle budgétaire et financier émet un avis sur le projet de décision dans les vingt jours suivant sa transmission ou, en cas d'urgence déclarée par le président de la Polynésie française, dans les dix jours. Le délai expiré, l'avis est réputé avoir été donné. La décision est rendue exécutoire après l'avis implicite ou explicite de la commission de contrôle budgétaire et financier.
« Lorsque la commission de contrôle budgétaire et financier émet un avis négatif sur les projets visés aux 1°, 2° et 3° et estime que l'un de ces projets est de nature à augmenter gravement la charge financière de la Polynésie française ou à accroître gravement le risque financier encouru par la Polynésie française, l'assemblée de la Polynésie française peut saisir la chambre territoriale des comptes. Hors session, la commission permanente exerce, dans les mêmes conditions, les attributions prévues au présent alinéa.
« Dans le mois suivant sa saisine, la chambre territoriale des comptes fait connaître son avis au haut-commissaire de la République, à l'assemblée et au conseil des ministres de la Polynésie française, ainsi qu'à la personne morale intéressée.
« L'assemblée de la Polynésie française débat dès sa plus proche séance de l'avis formulé par la chambre territoriale des comptes.
« Art. 157-3. - Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française et à sa commission de contrôle budgétaire et financier tout projet de décision relatif à la nomination des directeurs d'établissements publics de la Polynésie française et du directeur de la Caisse de prévoyance sociale.
« La commission de contrôle budgétaire et financier émet un avis sur le projet de décision dans les vingt jours suivant sa transmission ou, en cas d'urgence déclarée par le président de la Polynésie française, dans les dix jours. Le délai expiré, l'avis est réputé avoir été donné. La décision est rendue exécutoire après l'avis implicite ou explicite de la commission de contrôle budgétaire et financier.
« Lorsque un cinquième de ses membres en font la demande, l'assemblée de la Polynésie française débat dès sa plus proche séance de l'avis de la commission de contrôle budgétaire et financier sur les projets visés au premier alinéa. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement très important, qui vise à donner à l'assemblée de la Polynésie française un rôle pivot, à travers un certain nombre de dispositions.
Tout d'abord, si cet amendement était adopté, c'est l'assemblée de la Polynésie française qui fixerait les règles du jeu en matière d'aide financière et de garantie d'emprunt, en déterminant les critères qui devraient s'appliquer.
Ensuite, l'assemblée de la Polynésie française créerait en son sein une commission du contrôle budgétaire et financier dotée de pouvoirs réels, qui l'aiderait à assurer cette fonction de contrôle dont la Cour des comptes regrettait l'absence.
Enfin, aux termes de la loi organique, les aides financières pourraient, le cas échéant, faire l'objet de crédits individualisés selon leurs bénéficiaires et être retracés dans un état annexé au budget.
De même, le président de la Polynésie française transmettrait à l'assemblée et à sa commission de contrôle budgétaire et financier tout projet de décision relatif à l'attribution d'une aide financière ou d'une garantie d'emprunt à une personne morale, aux participations de la Polynésie française au capital de certaines sociétés, notamment les sociétés d'économie mixte, et aux opérations d'acquisition, de cession ou de transfert de biens immobiliers réalisées par la Polynésie française.
Cet amendement tend donc à renforcer la transparence en matière financière, mais au profit de l'assemblée de la Polynésie française. Comme le souhaitait Gaston Flosse, ainsi que l'assemblée de la Polynésie française d'ailleurs, il vise à supprimer le droit de véto octroyé à l'assemblée par le projet du Gouvernement en matière d'aide financière aux sociétés d'économie mixte et à le remplacer par un avis de la commission de contrôle budgétaire.
Si cet avis était négatif, la décision concernée resterait exécutoire, mais l'assemblée pourrait organiser un débat à l'issue duquel, si elle estime que les finances du territoire sont gravement mises en cause, elle pourrait saisir la chambre territoriale des comptes.
Il s'agit donc à la fois d'éliminer toutes les dispositions qui pourraient sembler limiter l'autonomie financière de l'assemblée et de renforcer le pouvoir de contrôle de cette dernière, dans le souci d'assurer la transparence de la vie politique, sans pour autant que l'assemblée puisse bloquer le fonctionnement du gouvernement de Polynésie, comme le prévoyait le texte initial du projet de loi organique.
C'est pourquoi il s'agit d'un amendement extrêmement important en matière de contrôle.
M. le président. Le sous-amendement n° 65, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Supprimer le I de l'amendement n° 16.
II. - Dans le dernier alinéa du III de l'amendement n° 16, supprimer les mots :
sous réserve des compétences confiées au président de la Polynésie française,
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 16 de la commission, sous réserve, toutefois, que soit adopté ce sous-amendement. Celui-ci, en effet, vise à supprimer une disposition qui ne participe pas au renforcement de la transparence souhaité par le Gouvernement, en rétablissant la compétence exclusive du conseil des ministres de la Polynésie française pour l'attribution des aides financières de ce territoire à toute personne morale.
M. le président. Le sous-amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I du texte proposé par l'amendement n° 16 :
I. - L'article 64 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi modifié :
1° Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il signe tous contrats. »
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les conditions et selon les critères définis par l'assemblée de la Polynésie française, et sous réserve des compétences confiées au conseil des ministres, il attribue les aides financières et octroie les garanties d'emprunt aux personnes morales. »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Cet amendement a pour objet de corriger un oubli.
Sa disposition la plus importante vise à rappeler que c'est le président de la Polynésie française qui signe tous les contrats.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 64 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les limites et conditions fixées par délibération de l'assemblée de la Polynésie française, le président accorde les subventions sur le budget de la Polynésie française ».
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. L'amendement n° 16 de la commission tend à dépouiller le gouvernement et, surtout, le président de la Polynésie française de la plupart de leurs attributions, pour les transférer à l'assemblée.
Nous sommes opposés à cette évolution, car nous considérons que ces pouvoirs relèvent plus de l'exécutif que du législatif.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du I de cet article.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Le projet de loi organique prévoit de compléter l'article 91 de la loi organique du 27 février 2004 par un 31° tendant à transférer la compétence d'approbation des aides financières du pays, qui appartient au président de la Polynésie française, vers le conseil des ministres. Or, faute de limitation claire, cette disposition pourrait entraîner un encombrement de l'ordre du jour du conseil des ministres. En effet, mes chers collègues, il faut considérer que quelque 700 arrêtés devraient être approuvés chaque année par le conseil des ministres de la Polynésie française.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Flosse est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Jusqu'à présent, l'article 102 de la loi statutaire posait un principe clair : toutes les matières qui sont de la compétence de la Polynésie française relèvent de l'assemblée de la Polynésie française, à l'exception de celles qui sont attribuées par la loi organique au conseil des ministres ou au président de la Polynésie française.
Certes, la loi statutaire prévoyait de rares cas d'avis, notamment pour la définition du domaine communal, mais jamais avec la force d'un refus ou d'un acte décisionnel. Mes chers collègues, nous sommes ici encore confrontés au même problème !
Par ailleurs, il est prévu qu'en dehors des sessions l'avis sur les projets d'arrêté serait rendu par la commission permanente, c'est-à-dire par treize représentants seulement, alors que, durant la session, c'est l'assemblée tout entière qui se prononcerait, avec un droit de véto qui pourrait être acquis à la majorité des trois cinquièmes, c'est-à-dire avec trente-cinq voix !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Monsieur le président, pour des raisons qui tiennent à la logique de ma présentation, je commencerai, si vous le voulez bien, par donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 36, qui tend à supprimer le II de cet article.
Il s'agit, en effet, de la question du droit de véto, que j'ai déjà évoquée tout à l'heure. Or, si l'amendement n° 16 de la commission était adopté, ce droit de véto serait supprimé et l'amendement n° 36 satisfait. J'en demande donc le retrait.
Les autres amendements de M. Flosse et le sous-amendement n° 65 du Gouvernement se contredisent.
En effet, pour M. Flosse, les subventions doivent être accordées par le président de la Polynésie française, et par lui seul. Pour le Gouvernement, elles doivent être octroyées par le conseil des ministres, et seulement par lui. À travers l'amendement n° 16, la commission propose, quant à elle, de laisser l'assemblée de la Polynésie française fixer les règles du jeu et déterminer quelles sont les subventions qui sont accordées par le conseil des ministres et qu'elles sont celles qui sont octroyées par le président.
Cette position ne satisfait pas le Gouvernement, qui a déposé un sous-amendement à l'amendement n° 16, tendant à supprimer la possibilité offerte au président d'accorder des subventions, ce qui va à l'encontre des amendements déposés par Gaston Flosse.
La commission des lois n'a malheureusement pas pu examiner ce sous-amendement, qui lui a été transmis trop tardivement. Elle s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée. Toutefois, j'aurais tendance à y être favorable, à titre personnel, car je souhaite l'adoption de l'amendement n° 16. En effet, c'est sur lui que repose l'ensemble du dispositif de contrôle, qui est seul de nature à garantir à ceux qui, comme Gaston Flosse, redoutent que ne soit porté atteinte à l'autonomie de l'assemblée de la Polynésie française dans le cadre de ses attributions financières et budgétaires, que c'est bien cette dernière qui sera au centre du dispositif, grâce à la création d'une commission de contrôle budgétaire et financier. L'amendement n° 16 est donc très important.
Sur l'amendement n° 55, qui tend à réserver au seul président de la Polynésie française le pouvoir d'accorder des subventions, la commission émet un avis défavorable, car il est contraire à l'objet de l'amendement n° 16 et du sous-amendement n° 65.
Il en est de même pour l'amendement n° 35, qui vise à refuser au conseil des ministres le pouvoir d'approuver l'attribution de subventions. À ce sujet, je ferai une rapide remarque : le conseil des ministres ne sera nullement submergé par l'examen de toutes ces subventions, car il ne les étudiera pas une à une. À l'instar de ce qui se pratique dans les autres assemblées de la République, il adoptera globalement les subventions qui lui seront soumises sous la forme de listes, sauf si un membre décide de distinguer l'une d'entre elles. L'instauration de cette mesure n'entraînera donc nullement un encombrement de l'ordre du jour.
Quant au sous-amendement n° 56 rectifié, il vise, dans son 1°, à redonner au président de la Polynésie française le pouvoir de signer tous les contrats, attribution qui avait été oubliée dans le statut de 2004, alors qu'elle figurait dans les statuts précédents. La commission est donc favorable à cette disposition. Cependant, compte tenu de la position du Gouvernement sur l'amendement n ° 16 et pour conserver une certaine cohérence, il convient de supprimer le 2° de ce sous-amendement, qui vise à réserver au président de la Polynésie française le pouvoir d'attribuer des aides financières. Si la Haute Assemblée adopte le sous-amendement du Gouvernement, il conviendra de modifier le sous-amendement n° 56 rectifié en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Je souhaite demander à M. le rapporteur quelques explications.
S'agissant de l'amendement n° 16, nous ne sommes évidemment pas opposés à l'instauration de mesures tendant à encadrer les subventions, qu'elles soient accordées par le président de la Polynésie française ou par le conseil des ministres. En revanche, nous nous étonnons que ce même amendement vise à créer une commission de contrôle budgétaire et financier. Il s'agit là de deux sujets différents, qui n'ont pas leur place ensemble.
Certes, je pourrais voter cette première disposition, mais il ne me paraît guère utile de créer une commission de contrôle budgétaire et financier, alors que l'assemblée de la Polynésie française contrôle tous les ans le budget.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Tout le monde est conscient de la nécessité d'effectuer un contrôle.
M. Bernard Frimat. Bien sûr !
M. Christian Cointat, rapporteur. D'autres amendements déposés par la commission des lois, que nous examinerons bientôt, vont d'ailleurs dans ce sens.
L'assemblée de la Polynésie française s'est émue du fait que le haut-commissaire puisse de nouveau saisir la chambre territoriale des comptes pour ce qui concerne le suivi des dépenses. C'est la raison pour laquelle la commission des lois propose de confier ce pouvoir à la commission de contrôle budgétaire et financier, organe interne à l'assemblée. C'est toujours l'assemblée qui exerce le pouvoir, mais sur proposition de cette commission. En effet, je l'ai déjà rappelé, au titre de l'article 72 de la Constitution, l'assemblée a la responsabilité du bon fonctionnement de la collectivité. C'est pourquoi il est très important que cette nouvelle instance se trouve au sein de l'assemblée de la Polynésie française, et non en dehors de celle-ci.
La commission de contrôle budgétaire et financier devra bénéficier de l'aide de fonctionnaires qualifiés que Bercy devra mettre à sa disposition. Pour assurer son efficacité, il faudra également prévoir les éléments lui permettant d'informer et de conseiller utilement l'ensemble des membres de l'assemblée. Il s'agit donc d'un pivot interne, composé d'élus de l'assemblée de la Polynésie française. Ce sont eux qui proposeront à l'assemblée les solutions et les marches à suivre. Cela évitera toute intrusion extérieure, comme cela est redouté.
La création de la commission de contrôle budgétaire et financier répond aux attentes qu'ont exprimées toutes les forces politiques locales, lesquelles souhaitent que l'assemblée de la Polynésie française soit replacée au centre du dispositif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. S'agissant du sous-amendement n° 56 rectifié, le Gouvernement y est favorable, si le 2° est retiré, comme le souhaite le rapporteur.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 35, 36 et 55, mais est favorable à l'amendement n° 16 de la commission des lois, dès lors qu'il est sous-amendé.
L'esprit de l'article 10 est de garantir que ceux qui tiennent leur légitimité des électeurs polynésiens sont bien les élus de l'assemblée de la Polynésie française ! Dans le système actuel, le président ou un ministre peut distribuer une subvention à un établissement public ou à une personnalité morale sur sa seule signature. Aucune collectivité de la République ne bénéficie d'un tel régime !
C'est pourquoi nous souhaitons, pour améliorer la transparence et renforcer le poids des élus, donner aux membres de l'assemblée de la Polynésie française la possibilité de contrôler eux-mêmes les propositions d'aide financière qui sont faites par son président ou par le gouvernement. Loin de porter atteinte à l'autonomie de l'assemblée de la Polynésie française, nous la renforçons en permettant à ceux qui tiennent leur légitimité des électeurs polynésiens d'exercer pleinement leur pouvoir de contrôle de l'affectation des subventions.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Pour faciliter nos débats, la commission des lois propose de rectifier l'amendement n° 16, en tenant compte de la disposition prévue au 1° du sous-amendement n° 56 rectifié, et en insérant un I bis ainsi rédigé : « Après le sixième alinéa de l'article 64 de la même loi organique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : "Il signe tous contrats." »
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, je souhaite que nous soit transmise une version écrite de l'amendement ainsi rectifié afin de savoir précisément ce sur quoi nous allons nous prononcer.
M. le président. Mes chers collègues, afin que nous puissions disposer d'un texte écrit sur lequel le Sénat pourra délibérer, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
5
nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des lois a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Patrick Courtois membre du Conseil national de la sécurité routière.
6
Polynésie française
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion des articles du projet de loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.
Article 10 (suite)
M. le président. Je rappelle que, dans la discussion de l'article 10, tous les amendements ont été présentés et que la commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Avant la suspension de la séance, la commission a proposé de rectifier son amendement n° 16 pour reprendre à son compte une partie du sous-amendement n° 56 rectifié déposé par M. Flosse.
Je suis donc maintenant saisi d'un amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I.- L'article 64 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les conditions et selon les critères définis par l'assemblée de la Polynésie française, et sous réserve des compétences confiées au conseil des ministres, il attribue les aides financières et octroie les garanties d'emprunt aux personnes morales. »
I bis - Après le sixième alinéa de l'article 64 de la même loi organique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
"Il signe tous contrats."
II.- Au cinquième alinéa (4°) de l'article 90 de la même loi organique, le mot : « subventions, » est supprimé.
III. L'article 91 de la même loi organique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 30° Approuve les conventions conclues avec des personnes morales en application d'actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays » ou de délibérations de l'assemblée de la Polynésie française ;
« 31° Approuve, dans les conditions et selon les critères définis par l'assemblée de la Polynésie française, sous réserve des compétences confiées au président de la Polynésie française, l'attribution d'aides financières ou l'octroi de garanties d'emprunt aux personnes morales. »
IV. - Après l'article 129 de la même loi organique, il est inséré un article 129-1 ainsi rédigé :
« Art. 129-1. - L'assemblée de la Polynésie française élit chaque année en son sein la commission de contrôle budgétaire et financier, à la représentation proportionnelle des groupes.
« La commission de contrôle budgétaire et financier comprend neuf membres. Elle élit son président.
« Sous réserve des dispositions de la présente loi organique, l'assemblée de la Polynésie française fixe, par une délibération, les attributions de la commission de contrôle budgétaire et financier.
« Une convention conclue entre l'État et la Polynésie française définit les conditions dans lesquelles des agents des services du ministère chargé de l'économie et des finances sont mis à disposition de la commission de contrôle budgétaire et financier pour l'assister dans l'exercice de ses missions. »
V. L'article 144 de la même loi organique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - L'assemblée de la Polynésie française définit par une délibération distincte du vote du budget les conditions et critères d'attribution des aides financières et d'octroi des garanties d'emprunt aux personnes morales.
« Toutefois, pour les aides financières dont l'attribution n'est pas assortie de conditions d'octroi, l'assemblée de la Polynésie française peut décider :
« 1° D'individualiser au budget les crédits par bénéficiaire ;
« 2° D'établir, dans un état annexé au budget, une liste des bénéficiaires avec, pour chacun d'eux, l'objet et le montant de l'aide financière.
« L'individualisation des crédits ou la liste établie conformément au 2° vaut décision d'attribution des aides financières en cause. »
VI. - Après l'article 157 de la même loi organique, sont insérés deux articles 157-2 et 157-3 ainsi rédigés :
« Art. 157-2. - Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française et à sa commission de contrôle budgétaire et financier tout projet de décision relatif :
« 1° À l'attribution d'une aide financière ou d'une garantie d'emprunt à une personne morale ;
« 2° Aux participations de la Polynésie française au capital des sociétés mentionnées à l'article 30 et au capital des sociétés d'économie mixte ;
« 3° Aux opérations d'acquisition, de cession ou de transfert de biens immobiliers réalisées par la Polynésie française.
« Sans préjudice des dispositions du III de l'article 144 de la présente loi organique, la commission de contrôle budgétaire et financier émet un avis sur le projet de décision dans les vingt jours suivant sa transmission ou, en cas d'urgence déclarée par le président de la Polynésie française, dans les dix jours. Le délai expiré, l'avis est réputé avoir été donné. La décision est rendue exécutoire après l'avis implicite ou explicite de la commission de contrôle budgétaire et financier.
« Lorsque la commission de contrôle budgétaire et financier émet un avis négatif sur les projets visés aux 1°, 2° et 3° et estime que l'un de ces projets est de nature à augmenter gravement la charge financière de la Polynésie française ou à accroître gravement le risque financier encouru par la Polynésie française, l'assemblée de la Polynésie française peut saisir la chambre territoriale des comptes. Hors session, la commission permanente exerce, dans les mêmes conditions, les attributions prévues au présent alinéa.
« Dans le mois suivant sa saisine, la chambre territoriale des comptes fait connaître son avis au haut-commissaire de la République, à l'assemblée et au conseil des ministres de la Polynésie française, ainsi qu'à la personne morale intéressée.
« L'assemblée de la Polynésie française débat dès sa plus proche séance de l'avis formulé par la chambre territoriale des comptes.
« Art. 157-3. - Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française et à sa commission de contrôle budgétaire et financier tout projet de décision relatif à la nomination des directeurs d'établissements publics de la Polynésie française et du directeur de la Caisse de prévoyance sociale.
« La commission de contrôle budgétaire et financier émet un avis sur le projet de décision dans les vingt jours suivant sa transmission ou, en cas d'urgence déclarée par le président de la Polynésie française, dans les dix jours. Le délai expiré, l'avis est réputé avoir été donné. La décision est rendue exécutoire après l'avis implicite ou explicite de la commission de contrôle budgétaire et financier.
« Lorsque un cinquième de ses membres en font la demande, l'assemblée de la Polynésie française débat dès sa plus proche séance de l'avis de la commission de contrôle budgétaire et financier sur les projets visés au premier alinéa. »
Monsieur Flosse, êtes-vous satisfait par la rédaction de la commission ?
M. Gaston Flosse. M. le rapporteur ayant repris une partie de mon sous-amendement, le président signe tous les contrats. Sur ce point, je suis donc satisfait.
En revanche, je ne peux pas accepter les autres dispositions de l'amendement n° 16 rectifié, notamment celle qui tend à la création de la commission de contrôle budgétaire et financier. Lorsque je vous entendais tantôt les uns et les autres, j'avais l'impression d'avoir M. Dosière en face de moi, lui qui fait croire à tout le monde qu'en Polynésie française l'utilisation de l'argent public ne fait l'objet d'aucun contrôle. C'est absolument faux ! Il existe plusieurs modes de contrôle. Ainsi, un contrôle des dépenses engagées est effectué par un fonctionnaire nommé par le ministre de l'économie métropolitain. Le payeur du territoire est également un fonctionnaire d'État.
Toutes sortes de contrôles sont donc effectués. Je ne comprends donc pas la raison qui motive la création de cette commission de contrôle budgétaire et financier à laquelle le président de la Polynésie française doit pratiquement soumettre tous les mouvements de fonds, les aides financières, ou les participations, et même les acquisitions de biens immobiliers.
Permettez-moi un simple exemple. Imaginons que le service de l'équipement veuille élargir un pont et soit obligé d'acquérir mille mètres carrés de terrain pour ce faire. Eh bien, pour l'acquisition de ces malheureux mille mètres carrés, le président de la Polynésie française devra consulter la commission de contrôle budgétaire et financier ! Et si cette dernière émet un avis négatif, l'assemblée peut saisir la chambre territoriale des comptes puis elle doit débattre de l'avis rendu par ladite chambre. Mes chers collègues, ce système est une véritable usine à gaz !
On ne fait que retarder d'autant les projets de la Polynésie française.
En effet, la commission de contrôle budgétaire et financier a vingt jours pour se prononcer sur l'achat envisagé par le président de la Polynésie française ; la chambre territoriale des comptes dispose d'un mois ; l'assemblée doit débattre ensuite du rapport rendu au cours d'une séance. Où va-t-on ? Que recherche-t-on ? Veut-on arrêter, freiner l'action du gouvernement de la Polynésie française ? Si tel est le cas, il faut le dire ! Il y a peut-être d'autres moyens...
Quoi qu'il en soit, des deux mains, je voterai contre l'amendement n° 16 rectifié, tout en remerciant M. le rapporteur d'avoir repris mon sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Pour la clarté des débats, je vais faire une explication de vote d'ensemble et je n'interviendrai pas sur les autres amendements qui ont été déposés sur l'article 10, le sous-amendement n° 65 du Gouvernement étant à l'évidence indissociable de l'amendement. n° 16 rectifié déposé par la commission.
Je comprends bien la démarche de M. le rapporteur. M. le secrétaire d'État a dressé un véritable réquisitoire contre le système actuel, qui n'existerait nulle part ailleurs et qui serait dénué de toute transparence. J'entends bien tous ces arguments, et je serais tenté de vous conseiller, monsieur Flosse, de lire le rapport de la Cour des comptes et ceux de la chambre territoriale, si vous n'en avez pas encore pris connaissance, pour voir quelles dépenses peuvent être visées. À ce titre, permettez-moi de citer la chambre territoriale, qui relève, entre autres choses, « la concentration du pouvoir de décision et la faiblesse des organes délibérants » ou qui constate encore que « de nombreux recrutements d'agents - 626 au total -ont ainsi été opérés par la voie de contrat de cabinet ». Sans entrer dans le détail, vouloir contrôler le système me semble la moindre des choses !
Monsieur Cointat, si vous aviez été rapporteur de la commission des lois en 2004, vous auriez été sensible à l'argumentation présentée alors par les membres du groupe socialiste et qui avait été reprise par mon excellent ami René Dosière, ô combien célèbre actuellement. Il est vrai que, après avoir obtenu satisfaction pour ce qui concerne le budget de l'Élysée, il va sans doute connaître le même succès avec les contrôles en Polynésie française.
Le statut adopté, qui exprimait une volonté évidente de personnalisation du pouvoir, n'était pas conforme au fonctionnement démocratique d'une collectivité puisqu'il accentuait le déséquilibre entre l'assemblée et l'exécutif. Je suis content que vous fassiez toutes ces constatations aujourd'hui. Il n'est jamais trop tard pour corriger ses erreurs ! Encore faut-il admettre qu'il y avait bien à l'origine une erreur.
J'en reviens à l'amendement n° 16 rectifié. Il présente, à mes yeux, un inconvénient, monsieur le rapporteur. Certes, il est d'importance, mais il n'a pas été soumis en totalité à l'assemblée de la Polynésie française, notamment la disposition tendant à la création de la commission de contrôle budgétaire et financier, instance qui évoque, au moins par son nom, des commissions qui existent à l'échelon du Parlement européen.
Certes, l'instauration d'une telle commission peut paraître intéressante, mais il faudrait tout de même recueillir l'avis des Polynésiens sur ce point. L'assemblée de la Polynésie française est directement concernée. Faut-il lui redonner des pouvoirs par le biais de cette commission ou d'une autre façon ? Faut-il, beaucoup plus simplement, renforcer les moyens de la chambre territoriale des comptes ?
Quelles que soient les motivations qui vous animent, et que je peux comprendre, nous ne sommes pas, pour l'instant, face à une proposition aboutie. Nous ne sommes pas non plus en mesure de prendre toute la dimension des innovations que vous voulez introduire dans le statut. Nous ne participerons donc pas au vote, estimant que nous n'avons pas eu le temps nécessaire pour apprécier la réécriture ici proposée.
M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 56 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 16 rectifié.
M. le président. En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé et les amendements nos 55, 35 et 36 n'ont plus d'objet.
Article 11
I. - Au second alinéa de l'article 74 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée, les mots : « ou se révélant après l'expiration du délai mentionné au second alinéa de l'article 75 » sont insérés après les mots : « pour une cause survenue au cours de son mandat ».
II. - À l'article 75 de la même loi organique, les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Le délai mentionné au troisième alinéa du II de l'article 112 commence à courir à compter, selon le cas, de l'élection du président de la Polynésie française ou de la nomination des membres du gouvernement. »
III. - L'article 76 de la même loi organique est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 76. - Les fonctions de président de la Polynésie française ou de membre du gouvernement sont incompatibles avec les activités de direction dans :
« 1° Les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par la Polynésie française ou ses établissements publics, sauf dans le cas où ces avantages découlent nécessairement de l'application d'une législation ou d'une réglementation de portée générale en vigueur en Polynésie française ;
« 2° Les sociétés ayant exclusivement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne, ainsi que les sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne ;
« 3° Les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de la Polynésie française ou de ses établissements publics ;
« 4° Les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l'objet est l'achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d'immeubles en vue de leur vente ;
« 5° Les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés ci-dessus.
« Pour l'application du présent article, est regardée comme exerçant une activité de direction dans une entreprise, outre le chef d'entreprise, le président de conseil d'administration, le président et le membre de directoire, le président de conseil de surveillance, l'administrateur délégué, le directeur général, le directeur général adjoint ou le gérant, toute personne qui, directement ou par personne interposée, exerce en fait la direction de l'entreprise.
« Il est interdit au président de la Polynésie française ou à tout membre du gouvernement en exercice d'accepter une fonction de membre du conseil d'administration ou de surveillance ou toute fonction de conseil dans l'un des établissements, sociétés ou entreprises mentionnés au présent article. Cette interdiction ne s'applique pas aux fonctions non rémunérées exercées en qualité de représentant de la Polynésie française ou d'un établissement public de la Polynésie française. »
IV. - L'article 111 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa (3°) du I est remplacé par les dispositions suivantes :
« 3° Avec les fonctions de militaire en activité ; »
2° Le I est complété par les dispositions suivantes :
« 6° Avec les fonctions de dirigeant ou de membre de l'organe délibérant d'une des sociétés mentionnées aux articles 29 et 30, lorsqu'elles sont rémunérées ;
« 7° Avec les fonctions de président ou de membre de l'organe délibérant, ainsi que de directeur général ou de directeur général adjoint, exercées dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux ayant une activité en Polynésie française, ou avec toute fonction exercée de façon permanente en qualité de conseil auprès de ces entreprises ou établissements ;
« 8° Avec les fonctions de chef d'entreprise, de président du conseil d'administration, de président ou de membre du directoire, de président du conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans :
« a) Les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par la Polynésie française ou ses établissements publics, sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ;
« b) Les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de la Polynésie française ou de l'un de ses établissements publics ;
« c) Les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux a et b ci-dessus ;
« 9° Avec l'exercice des fonctions conférées par un État étranger ou une organisation internationale et rémunérées sur leurs fonds.
« L'incompatibilité définie au 7° ne s'applique pas au représentant désigné, soit en cette qualité, soit du fait d'un mandat électoral local, comme président ou comme membre de l'organe délibérant d'une entreprise nationale ou d'un établissement public en application des textes organisant cette entreprise ou cet établissement.
« Les dispositions du 8° sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, exerce en fait la direction de l'établissement, de la société ou de l'entreprise en cause. » ;
3° Les dispositions suivantes sont insérées après le III :
« IV. - Il est interdit à tout représentant d'accepter, en cours de mandat, une fonction de membre du conseil d'administration ou de surveillance dans l'un des établissements, sociétés ou entreprises visés au I.
« V. - Il est interdit à tout représentant de commencer à exercer une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat.
« Cette interdiction n'est pas applicable aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
« VI. - Nonobstant les dispositions du I, les représentants à l'assemblée de la Polynésie française peuvent être désignés par cette assemblée pour représenter la Polynésie française dans des organismes d'intérêt local, à la condition que ces organismes n'aient pas pour objet propre de faire ni de distribuer des bénéfices et que les intéressés n'y occupent pas de fonctions rémunérées.
« En outre, les représentants à l'assemblée de la Polynésie française peuvent exercer les fonctions de président du conseil d'administration, d'administrateur délégué ou de membre du conseil d'administration des sociétés d'économie mixte d'équipement local, ou des sociétés ayant un objet exclusivement social lorsque ces fonctions ne sont pas rémunérées.
« VII. - Il est interdit à tout avocat inscrit à un barreau, lorsqu'il est investi du mandat de représentant à l'assemblée de la Polynésie française, d'accomplir aucun acte de sa profession, directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'un associé, d'un collaborateur ou d'un secrétaire, de plaider ou de consulter pour le compte de l'une de ces sociétés, entreprises ou établissements visés au I dont il n'était pas habituellement le conseil avant son élection, ou contre l'État, les sociétés nationales, la Polynésie française ou ses établissements publics.
« VIII. - Il est interdit à tout représentant de faire ou de laisser figurer son nom suivi de l'indication de sa qualité dans toute publicité relative à une entreprise financière, industrielle ou commerciale.
« IX. - Il est interdit à tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française de prendre une part active aux actes relatifs à une affaire à laquelle il est intéressé soit en son nom personnel, soit comme mandataire. »
V. - Le II de l'article 112 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée est remplacé par les dispositions suivantes :
« II. - Le représentant à l'assemblée de la Polynésie française qui, lors de son élection, se trouve dans l'un des cas d'incompatibilité prévus au présent titre doit, dans les trente jours qui suivent son entrée en fonction ou, en cas de contestation de l'élection, la décision du Conseil d'État, démissionner de son mandat de représentant ou mettre fin à la situation incompatible avec l'exercice de celui-ci. Si la cause d'incompatibilité survient postérieurement à l'élection, le droit d'option est ouvert dans les mêmes conditions.
« À l'expiration du délai prévu au premier alinéa du présent II, le représentant à l'assemblée de la Polynésie française qui se trouve dans un des cas d'incompatibilité prévus au présent titre est déclaré démissionnaire d'office par le Conseil d'État, statuant au contentieux, à la requête du haut-commissaire de la République ou de tout représentant.
« Dans le délai prévu au premier alinéa du présent II, tout représentant est tenu d'adresser au haut-commissaire de la République une déclaration certifiée sur l'honneur exacte et sincère comportant la liste des activités professionnelles ou d'intérêt général, même non rémunérées, qu'il envisage de conserver ou attestant qu'il n'en exerce aucune. En cours de mandat, il doit déclarer dans les mêmes formes tout élément de nature à modifier sa déclaration initiale. Ces déclarations sont publiées au Journal officiel de la Polynésie française.
« Le haut-commissaire de la République examine si les activités ainsi déclarées sont compatibles avec le mandat de représentant à l'assemblée de la Polynésie française. S'il y a doute sur la compatibilité des fonctions ou activités exercées ou en cas de contestation à ce sujet, le haut-commissaire, le représentant lui-même ou tout autre représentant saisit le Conseil d'État, statuant au contentieux, qui apprécie si le représentant intéressé se trouve dans un cas d'incompatibilité.
« Si une incompatibilité est constatée, le représentant à l'assemblée de la Polynésie française doit régulariser sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification qui lui est faite de la décision du Conseil d'État. À défaut, le Conseil d'État le déclare démissionnaire d'office de son mandat.
« Le représentant qui n'a pas procédé à la déclaration prévue au troisième alinéa du présent II est déclaré démissionnaire d'office sans délai par le Conseil d'État à la requête du haut-commissaire ou de tout représentant.
« La démission d'office est aussitôt notifiée au haut-commissaire, au président de l'assemblée de la Polynésie française et à l'intéressé. Elle n'entraîne pas d'inéligibilité.
« III. - Par dérogation au II du présent article, le représentant à l'assemblée de la Polynésie française qui a méconnu les interdictions édictées aux VII à IX de l'article 111 est déclaré démissionnaire d'office, sans délai, par le Conseil d'État, à la requête du haut-commissaire de la République ou de tout représentant. La démission d'office n'entraîne pas l'inéligibilité.
« IV. - Un décret en Conseil d'État fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article. »
L'amendement n° 17, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La procédure prévue au III de l'article 112 est applicable au président de la Polynésie française ou au membre du gouvernement qui a méconnu les dispositions du dernier alinéa de l'article 76. »
L'amendement n° 18, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Compléter le texte proposé par le III de cet article pour l'article 76 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit au président de la Polynésie française ou à tout membre du gouvernement de prendre une part active aux actes relatifs à une affaire à laquelle il est intéressé, soit en son nom personnel, soit comme mandataire. »
II. Supprimer le dernier alinéa du 3° du IV de cet article.
L'amendement n° 19, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du V de cet article, remplacer la référence :
à IX
par la référence :
et VIII
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces trois amendements.
M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 17 est un amendement de coordination.
L'amendement n° 18 est un peu plus complexe. Il a pour objet de supprimer une incompatibilité pour prise illégale d'intérêt introduite par le Gouvernement à l'égard des membres de l'assemblée de la Polynésie française. Cette incompatibilité est inédite, car elle n'existe ni pour les parlementaires nationaux ni pour les autres élus des collectivités d'outre-mer, et peut susciter un conflit entre les juridictions administratives et pénales.
Votre commission, mes chers collègues, vous propose, d'une part, de conserver une stricte harmonisation entre le dispositif d'incompatibilités qui est applicable aux représentants à l'assemblée de la Polynésie française et celui qui est applicable aux parlementaires nationaux, ni plus ni moins, mais, d'autre part, de maintenir l'incompatibilité pour le président de la Polynésie et pour les membres du Gouvernement : ils peuvent subir une « double punition », mais les élus doivent être traités exactement comme les parlementaires.
L'amendement n° 19, enfin, est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
M. Bernard Frimat. Le groupe socialiste s'abstient !
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du premier alinéa de l'article 119 de la loi organique nº 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, les mots : « fixées au début du mandat par une délibération » sont remplacés par les mots : « fixées par son règlement intérieur. »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Il s'agit de faire figurer le régime des sessions de l'assemblée dans le règlement intérieur et non dans une délibération de l'assemblée prise en début de mandat. Le régime de ces actes diffère.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 11.
L'amendement n° 51, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la deuxième phrase de l'article 123 de la loi organique nº 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Il est adopté à la majorité absolue des membres de l'assemblée. »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. C'est amendement vise à ce que le règlement intérieur soit approuvé par l'assemblée de la Polynésie française à la majorité absolue de ses membres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 11.
L'amendement n° 20, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le troisième alinéa de l'article 126 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est ainsi rédigé :
« L'assemblée de la Polynésie française détermine, par analogie avec le droit commun applicable aux autres collectivités territoriales de la République, les garanties accordées aux membres qui la composent en ce qui concerne les autorisations d'absence ou le crédit d'heures, les garanties accordées dans l'exercice d'une activité professionnelle, les garanties accordées à l'issue du mandat et le droit à la formation, les indemnités de déplacement et frais de séjour engagés pour prendre part aux réunions de l'assemblée et les dépenses résultant de l'exercice d'un mandat spécial, ainsi que le régime de sécurité sociale et de retraite. »
II. - L'article 195 de la même loi organique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 précitée peuvent être modifiées par l'assemblée de la Polynésie française dans les conditions prévues à l'article 126 de la présente loi organique. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'ajouter une précision qui manquait dans le statut de 2004, pour permettre à l'assemblée de la Polynésie française de fixer les conditions d'exercice du mandat de ses membres, comme c'est le cas dans les autres collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 11.
Article 12
I. - Le second alinéa de l'article 128 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est complété par la phrase suivante : « Le compte rendu est établi dans les dix jours qui suivent la clôture de la séance. »
II. - À la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 143 de la même loi organique, après les mots : « au président de la Polynésie française », sont insérés les mots : « et au haut-commissaire ».
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I de cet article :
I. - L'article 128 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lors des séances de l'assemblée de la Polynésie française, les orateurs s'expriment en français. Ils peuvent également s'exprimer en langue tahitienne ou dans l'une des langues polynésiennes, sous réserve que leurs interventions soient interprétées simultanément en français. » ;
2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le compte rendu est établi dans les dix jours qui suivent la clôture de la séance. ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. En assistant aux débats de l'assemblée de la Polynésie française, j'ai constaté que, bien qu'ils doivent en principe se dérouler exclusivement en français, ils avaient en fait lieu aussi dans les langues polynésiennes, essentiellement en tahitien, ce qui a conduit le Conseil d'État à annuler certaines lois au motif qu'elles n'avaient pas fait l'objet de délibérations uniquement en langue française.
Il faut donc apporter une sécurité juridique et essayer de légaliser un usage tout en respectant, bien sûr, les valeurs de la République.
Je précise que la mention « sous réserve que leurs interventions soient interprétées simultanément en français » est destinée à bien montrer que la langue de la République française est le français et que les délibérations publiques de l'assemblée de la Polynésie française doivent pouvoir être intelligibles pour quiconque souhaite les comprendre, même s'il ne connaît pas le tahitien ou les autres langues polynésiennes. Il appartient à ladite assemblée de s'organiser en conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Je suis moi-même très attaché à l'expression des langues régionales, notamment aux merveilleuses langues polynésiennes : elles font partie du patrimoine de la France. Il en va ainsi du tahitien, ressenti par l'ensemble des Polynésiens comme un élément important de leur histoire, de leur culture, parallèlement à leur ancrage dans la République française.
Je partage le sentiment de M. le rapporteur sur ce point.
Il est important que chaque citoyen de la Polynésie française se sente respecté. La part de destin que nous avons en commun est l'une des spécificités de ce territoire et l'une de ses richesses culturelles.
Cela étant, il m'est difficile, faute d'avoir pu analyser toutes les conséquences de cet amendement, de m'engager davantage au nom du Gouvernement. C'est pourquoi je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.
M. Gaston Flosse. Je voterais cet amendement si M. le rapporteur acceptait de retirer le terme « simultanément ».
Les langues parlées sur le territoire de la Polynésie sont au nombre de cinq : si chaque Polynésien s'exprimait dans sa langue natale lors des débats de l'assemblée de la Polynésie française - en ce qui me concerne, je parle mieux le mangarévien que le français (M. le rapporteur s'exclame) - je ne sais pas s'il serait possible de s'adjoindre le concours d'interprètes assermentés pouvant traduire « simultanément ».
M. le rapporteur a raison, c'est pour la forme, mais, si l'un des membres de l'assemblée voulait bloquer les travaux de cette dernière, il lui suffirait de s'exprimer en marquisien ou en pa'umotu et de réclamer interprètes et traducteurs. En leur absence, que faire ?
Il faut savoir que tous les Polynésiens comprennent plus ou moins le tahitien, même si certains ne le parlent qu'imparfaitement, et que tous les procès-verbaux sont traduits en français. Cela devrait suffire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Mon cher collègue, je comprends votre demande et j'aimerais pouvoir lui donner une suite favorable. Malheureusement, les contraintes que nous impose le Conseil constitutionnel sont incontournables. À quoi bon faire un effort pour aller dans le sens souhaité par les Polynésiens si notre entreprise est ruinée par un rejet du Conseil constitutionnel ? C'est à une telle déconvenue que nous nous exposerions si nous retirions le mot « simultanément ».
En rédigeant cet amendement, je n'avais pas employé cet adverbe, mais nos juristes m'ont fait comprendre que je risquais gros en omettant cette précision.
Sur le plan politique, je rejoins votre préoccupation, mais, sur le plan juridique, je suis, hélas ! obligé de m'en éloigner, car j'estime fondamental que l'on puisse enfin légaliser la situation de l'assemblée de la Polynésie française. Un grand pas aura alors été fait.
Il appartiendra à l'assemblée de la Polynésie française de s'organiser au mieux, comme je l'ai dit tout à l'heure.
En effet, l'essentiel est que l'organisation des travaux de l'assemblée de la Polynésie française soit telle que tous les membres de cette dernière puissent suivre les débats et les raisonnements conduisant à l'élaboration de la loi, ceux d'entre eux qui le souhaitent pouvant s'exprimer dans une langue polynésienne à condition d'être compris par les autres.
Je ne peux malheureusement pas aller plus loin, mon cher collègue, mais reconnaissez qu'il s'agit là d'une avancée considérable dans votre direction !
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Presque tous les membres de l'assemblée de la Polynésie française avaient coutume de s'exprimer en tahitien lors des séances publiques ; ce n'est que dernièrement, à la suite d'un recours devant le Conseil d'État, qu'une interprétation en langue française a été imposée.
Si les interventions ne peuvent être « interprétées simultanément en français », que faire ? Les membres de l'assemblée de la Polynésie française continueront à parler le tahitien. Va-t-on les faire taire ? Je vois mal comment ! (Sourires.)
M. Robert del Picchia. La traduction en français doit être faite autant que possible !
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour explication de vote.
M. Robert Laufoaulu. S'agissant de l'utilisation des langues régionales dans les assemblées territoriales, j'approuve bien sûr tout à fait M. Gaston Flosse : je ne vois pas comment on pourrait revenir sur cette pratique. Les élus de l'assemblée de Wallis et Futuna s'expriment, s'ils le souhaitent, en wallisien ou en futunien, et leurs propos sont immédiatement traduits en français.
M. Christian Cointat, rapporteur. Oui !
M. Robert Laufoaulu. Peut-être suffirait-il de prévoir ici que les propos sont traduits « simultanément ou immédiatement » ? Mais j'ignore si cela respecterait les contraintes constitutionnelles dont on a parlé.
En tout cas, monsieur le secrétaire d'État, je suis sensible aux propos que vous venez de tenir sur l'utilisation de langues vernaculaires dans les assemblées territoriales. Il faut trouver une solution pour qu'elles puissent continuer à y être parlées, tout en veillant au respect de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Le problème est difficile. La Constitution ne permet pas de doute sur ce point : le français est la langue de la République. Toutefois, il ne sert à rien de nier la pratique en vigueur dans l'assemblée de la Polynésie française : les langues polynésiennes sont utilisées sans fondement légal au cours des débats publics.
Allons-nous créer un précédent ou prendre une décision autonome qui ne s'appliquera qu'à la seule Polynésie française ? Le problème de l'utilisation des langues régionales peut être posé de manière beaucoup plus large, mais il ne serait pas normal de le traiter ainsi à l'occasion du débat d'aujourd'hui, exclusivement consacré à la Polynésie française.
Je comprends très bien le souhait des Polynésiens de voir la pratique locale perdurer, mais M. le rapporteur s'efforce de la rendre compatible avec la Constitution, ce qui est une novation. Nous ne pouvons pas, nous, législateurs, admettre implicitement, en élaborant ce texte de loi, que les membres de l'assemblée de la Polynésie française ne se comprennent pas entre eux et votent les lois à partir d'interventions qu'ils n'ont pas comprises.
L'on m'objectera peut-être qu'ici, au sein de la Haute Assemblée, bien que nous nous exprimions dans la même langue, un certain nombre d'interventions sont parfaitement incompréhensibles ! (Sourires.) J'en conviens bien volontiers.
M. Christian Cointat, rapporteur. Tout le monde vous comprend, mon cher collègue !
M. Bernard Frimat. Préciser dans le texte que les interventions faites dans une langue polynésienne doivent être traduite « simultanément » en français est une sécurité juridique qui permettra d'éviter des recours dont l'issue serait l'annulation des lois du pays.
Le sujet est excessivement délicat. Peut-être, au cours de la courte navette, réduite ici à une lecture par l'Assemblée nationale, une solution pourra-t-elle être trouvée.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Je sais, par expérience, que, dans les organisations internationales ou dans les organismes parlementaires internationaux, le problème s'est posé, leurs membres ne sachant pas parler toutes les langues.
L'adverbe « simultanément » semble poser problème. Il suffirait d'ajouter « ou consécutivement » pour rendre l'opération beaucoup plus facile : les interprètes procéderaient à la traduction « simultanément » pour autant que cela soit possible, et, si ce n'était pas le cas, « consécutivement ». Il serait certainement aisé de trouver des traducteurs pouvant travailler « consécutivement ».
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Ce débat, le Gouvernement ne veut pas le prendre à la légère.
M. Gaston Flosse prétend qu'il s'exprime mieux en mangarévien qu'en français, mais j'affirme devant la Haute Assemblée que je n'en crois pas un mot (M. le rapporteur sourit), car, même s'il parle parfaitement aussi bien le tahitien et le mangarévien que le marquisien, il converse dans un français parfait. Point n'est donc besoin d'interprète lorsqu'il intervient ! La preuve est faite, s'il en était besoin, qu'il est un bon représentant de son territoire et un sénateur accompli.
Je remercie M. Laufoaulu de son intervention, qui m'a beaucoup touché. Tous les territoires et toutes les collectivités d'outre-mer, qu'il s'agisse de Wallis-et-Futuna, des Antilles ou de la Réunion, ont beau être très différents, ils ont pour point commun de défendre leur culture, précieuse pour eux, qu'ils se transmettent de génération en génération, en même temps qu'un profond sentiment d'ancrage dans la République.
La République française est riche de sa présence dans trois océans et est fière d'être capable d'additionner histoire et culture. Si elle est l'une des plus belles et des plus grandes nations au monde - si ce n'est la plus belle et la plus grande - c'est pour cette raison.
La proposition de la commission représente donc une avancée importante qu'il appartient à chacun de ne pas gâcher. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, avant tout par souci de sécurité.
Je profite de cette occasion pour vous dire que je suis prêt à ouvrir le débat, dans les semaines et les mois qui viennent, dans chacun de nos territoires d'outre-mer.
La suite de l'examen du texte devant l'Assemblée nationale puis en commission mixte paritaire devrait permettre de mieux préciser cette proposition de la commission des lois du Sénat. L'échec, ce serait que la nouvelle rédaction de l'article 12 soit invalidée par le Conseil constitutionnel, alors même qu'il s'agit d'une avancée importante dont je tiens à remercier le rapporteur.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
M. Gaston Flosse. Abstention !
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
À l'article 131 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée :
1° Les mots : « Une séance par mois est réservée » sont remplacés par les mots : « Deux séances par mois sont réservées » ;
2° Il est ajouté un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Les représentants à l'assemblée de la Polynésie française peuvent poser des questions écrites aux ministres, qui sont tenus d'y répondre. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 37, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Il s'agit de laisser au règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française le soin de décider du nombre de séances mensuelles de questions au Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) de cet article :
1° Les mots : « Une séance par mois au moins est réservée » sont remplacés par les mots : « Deux séances par mois au moins sont réservées » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Dans le texte actuel, il est prévu au moins une séance de questions au Gouvernement par mois ; le Gouvernement nous propose, dans le présent texte, de réserver deux séances par mois à ces questions.
Quand je me suis rendu sur place, on m'a fait savoir que ce nombre était insuffisant puisque les séances de questions ont d'ores et déjà lieu le plus souvent trois fois par mois.
Dans ces conditions, la commission vous propose de prévoir que deux séances par mois au moins soient réservées aux questions, ce qui devrait permettre de satisfaire tout le monde !
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Le premier alinéa de l'article 57 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, les débats au sein des institutions de la Polynésie française peuvent se dérouler en langue tahitienne ou dans l'une des langues polynésiennes. Dans ce cas, une traduction des comptes rendus en français est effectuée ».
III. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de :
I. -
Cet amendement n'a plus d'objet.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Je voudrais simplement livrer une précision à M. le rapporteur, qui avait l'air de ne pas me croire tout à l'heure quand je disais que je parlais mieux le mangarévien que le français.
M. Christian Cointat, rapporteur. Mais non !
M. Gaston Flosse. Je suis né sur l'île de Mangareva, à 1 750 kilomètres de Tahiti - à peu près aussi loin de Paris que Bucarest, pour prendre une référence en Europe. J'ai été adopté par une famille mangarévienne et j'ai grandi dans mon île jusqu'à l'âge de cinq ans ; je parlais alors uniquement le mangarévien.
Ensuite, je suis allé à l'école à Tahiti, chez les soeurs, afin d'apprendre le français. Vous comprenez maintenant pourquoi ma langue maternelle est le mangarévien, et pourquoi je la parle mieux que le français !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 37.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 37 et favorable à l'amendement n° 22.
M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 13
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les dix-huit premiers alinéas de l'article 140 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les actes de l'assemblée de la Polynésie française, dénommés ?lois du pays?, sur lesquels le Conseil d'État exerce un contrôle juridictionnel spécifique, sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française, soit sont pris au titre de la participation de la Polynésie française aux compétences de l'État ou interviennent dans les cas prévus par la présente loi organique. »
II. - À la fin de la première phrase du troisième alinéa de l'article 141 de la même loi organique, les mots : « avant leur première lecture » sont remplacés par les mots : « avant leur inscription à l'ordre du jour ».
III. - À la fin du premier alinéa de l'article 142 de la même loi organique, les mots : « par l'assemblée de la Polynésie française parmi ses membres » sont remplacés par les mots : « dans les conditions fixées par le règlement intérieur ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement est important, puisqu'il précise la définition des « lois du pays ».
Il est ressorti des nombreux entretiens que j'ai eus lorsque je me suis rendu en Polynésie que la définition des « lois du pays » était trop complexe et limitative, et qu'il valait mieux s'aligner sur l'article 34 de la Constitution.
C'est le sens de cet amendement, qui vise à proposer une meilleure définition de la « loi du pays » sans la limiter à une énumération qui, bien sûr, ne saurait être exhaustive, afin d'éviter les conflits de compétences entre l'assemblée de Polynésie et le conseil des ministres.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je voudrais simplement faire observer, bien que je ne doute pas des bonnes intentions de M. Christian Cointat, que vous êtes en train de « déconstruire » le statut de 2004 sur les lois du pays.
Je pense beaucoup de mal de ce statut, mais il aurait été préférable, à mon gré, de mener une réflexion plus approfondie, moins rapide, offrant plus de sécurité juridique.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 13.
L'amendement n° 24, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le II de l'article 151 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut désigner l'un de ses membres pour exposer devant l'assemblée de la Polynésie française l'avis du conseil sur les projets et propositions d'actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays » qui lui ont été soumis. »
II. - L'article 152 de la même loi organique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lors du renouvellement du conseil économique, social et culturel, il assure l'expédition des affaires courantes jusqu'à l'élection du nouveau président. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Je précise à l'attention de M. Frimat que l'amendement n° 23, fruit de toutes les consultations que j'ai menées, est conforme à la demande de la plupart des forces politiques.
L'amendement n° 24 a pour but, tout simplement, de donner une place plus importante au conseil économique, social et culturel, en permettant à l'un de ses membres d'exposer devant l'assemblée l'avis que le conseil est appelé à rendre sur les lois du pays qui relèvent de ses compétences.
Il vise en outre à assurer la continuité du service public lors du renouvellement du CESC.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 13.
Article 14
I. - Au XI de l'article 159 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée, les mots : « L. 30 à L. 40 » sont remplacés par les mots : « L. 1er à L.14 et L.16 à L.40 ».
II. - Au chapitre V du titre IV de la même loi organique, après la section 2, il est ajouté une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Consultation des électeurs de la Polynésie française
« Art. 159-1. - Les électeurs de la Polynésie française peuvent être consultés sur les décisions que ses institutions envisagent de prendre pour régler les affaires relevant de leur compétence, à l'exception des avis et résolutions mentionnés au I de l'article 159. La consultation peut être limitée aux électeurs d'une partie du ressort de la Polynésie française, pour les affaires intéressant spécialement cette partie.
« Un dixième des électeurs peut saisir l'assemblée de la Polynésie française ou le gouvernement de la Polynésie française en vue de l'organisation d'une consultation sur toute affaire relevant de la décision de ces institutions.
« Dans l'année, un électeur ne peut signer qu'une seule saisine tendant à l'organisation d'une consultation.
« La décision d'organiser la consultation appartient à l'assemblée de la Polynésie française lorsque l'objet de la consultation relève de sa compétence, ou au gouvernement, après autorisation de l'assemblée, lorsqu'il relève de la sienne.
« L'assemblée de la Polynésie française arrête le principe et les modalités d'organisation de cette consultation. Sa délibération indique expressément que cette consultation n'est qu'une demande d'avis. Elle fixe le jour du scrutin et convoque les électeurs. Elle est transmise deux mois au moins avant la date du scrutin au haut-commissaire de la République. Si celui-ci l'estime illégale, il dispose d'un délai de dix jours à compter de sa réception pour la déférer au tribunal administratif.
« Les électeurs font connaître par « oui » ou par « non » s'ils approuvent le projet de délibération ou d'acte qui leur est présenté. Après avoir pris connaissance du résultat de la consultation, l'institution compétente de la Polynésie française arrête sa décision sur l'affaire qui en a fait l'objet.
« Sont applicables à la consultation des électeurs les III à V et VII à XVI de l'article 159. » - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 14
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 164 de la loi organique nº 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi rédigé :
« Art. 164. - Le président du haut conseil de la Polynésie française est désigné parmi les magistrats de l'ordre administratif, en activité ou honoraire.
« Les autres membres du haut conseil de la Polynésie française sont désignés en considération de leur compétence en matière juridique, parmi les magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, les professeurs et maîtres de conférence des universités dans les disciplines juridiques, les fonctionnaires de catégorie A et les personnes ayant exercé ces fonctions.
« En outre, des avocats inscrits au barreau peuvent être nommés membres du haut conseil de la Polynésie française en service extraordinaire pour une durée de deux ans renouvelable une fois. Ils participent aux travaux du haut conseil de la Polynésie française avec voix consultative.
« Les magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire mentionnés aux deux premiers alinéas ne doivent pas exercer leurs fonctions en Polynésie française et n'y avoir exercé aucune fonction au cours de deux années précédant leur nomination.
« Les membres du haut conseil de la Polynésie française sont nommés par arrêté en conseil des ministres, pour une durée de six ans renouvelable, dans le respect des règles statutaires de leur corps le cas échéant. Ils ne peuvent être démis de leurs fonctions que pour motifs disciplinaires.
« Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française le projet d'arrêté portant nomination. Dans le mois qui suit cette transmission, l'assemblée, sur le rapport de sa commission compétente, donne son avis sur cette nomination. Hors session, la commission permanente exerce, dans les mêmes conditions, les attributions prévues au présent alinéa. »
II. - Les dispositions du I ci-dessus entrent en vigueur au plus tard six mois après l'élection du président de la Polynésie française qui suit l'élection prévue à l'article 20 de la présente loi.
III. - L'article 165 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cet arrêté détermine notamment le régime indemnitaire des membres du haut conseil de la Polynésie française ainsi que le régime applicable aux fonctionnaires qui y sont nommés ».
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Il convient de renforcer le fonctionnement du Haut conseil de la Polynésie française, qui est pratiquement le seul organisme donnant son avis sur toute la partie législative des textes. Il importe que nous ayons, au sein de cet organisme, de véritables professionnels de la loi.
M. le président. Le sous-amendement n° 63, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 52 pour l'article 164 de la loi organique du 27 février 2004, après les mots :
les fonctionnaires de catégorie A
insérer les mots :
, les avocats inscrits au barreau
II. Supprimer le troisième alinéa du même texte.
III. Dans l'avant-dernier alinéa du même texte, après les mots:
une durée de six ans renouvelable
insérer les mots :
une fois
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. La commission souhaite retenir l'amendement de M. Flosse, pour autant qu'il soit légèrement modifié, c'est-à-dire qu'il ne traite pas les avocats d'une manière différente des autres. Il est en effet prévu une durée de mandat générale de six ans, mais de deux ans renouvelable une fois, c'est-à-dire quatre ans, pour les avocats. Cette distinction est tout à fait anormale.
Il s'agit dans le même temps de prévoir que la durée de six ans n'est renouvelable qu'une fois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 63, de même qu'à l'amendement n° 52.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 14.
L'amendement n° 25, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 170 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée, il est inséré un article 170-1 ainsi rédigé :
« Art. 170-1. - Les conventions prévues aux articles 169 et 170 sont soumises à l'approbation de l'assemblée de la Polynésie française. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 14.
L'amendement n° 53, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase l'article 174 de la loi organique nº 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, après les mots : « et les communes », sont insérés les mots : « ou des dispositions relatives aux attributions et aux règles de fonctionnement du gouvernement de la Polynésie française ou de l'assemblée de la Polynésie française ou de son président ».
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Le Conseil d'État est compétent en premier et en dernier ressort lorsqu'il s'agit d'actes relatifs à la nomination ou à la fin de fonctions des membres des institutions de la Polynésie française, ou encore de litiges relatifs à la répartition des compétences.
Cet amendement complète cette compétence de la haute juridiction pour les litiges relatifs aux attributions et aux règles de fonctionnement des institutions de la Polynésie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. La démarche de M. Flosse est tout à fait compréhensible. Néanmoins, il convient que le Conseil d'État ne devienne pas le juge de première instance d'un trop grand nombre de contentieux intéressant la Polynésie.
Voilà pourquoi le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je voterai contre cet amendement.
En effet, il ne paraît pas souhaitable que le Conseil d'État devienne le régulateur du fonctionnement quotidien des institutions de Polynésie. Le tribunal administratif peut jouer ce rôle, sans que ce soit contraire au « standing » de ces institutions.
Mes chers collègues, la fonction du Conseil d'État est de juger en dernier recours. Faire tout remonter à son niveau me paraît exorbitant. Je souhaiterais que nous respections, en l'espèce, le Conseil d'État.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 14.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AU CONTRÔLE JURIDICTIONNEL FINANCIER ET BUDGÉTAIRE
Article 15
I. - Le premier alinéa du I de l'article 144 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est remplacé par les dispositions suivantes :
« I. - Le budget de la Polynésie française est voté en équilibre réel, les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère. »
II. - Il est inséré, après l'article 144 de la même loi organique, un article 144-1 ainsi rédigé :
« Art. 144-1. - Dans un délai de deux mois précédant l'examen du budget primitif, un débat a lieu à l'assemblée de la Polynésie française sur les orientations budgétaires de l'exercice ainsi que sur les engagements pluriannuels envisagés.
« Le projet de budget de la Polynésie française est préparé et présenté par le président de la Polynésie française qui est tenu de le communiquer aux membres de l'assemblée de la Polynésie française avec les rapports correspondants, douze jours au moins avant l'ouverture de la première réunion consacrée à l'examen dudit budget.
« Le budget primitif, le budget supplémentaire et les décisions modificatives sont votés par l'assemblée de la Polynésie française. »
III. - L'article 145 de la même loi organique est remplacé par les dispositions suivantes :
« Lorsque le budget de la Polynésie française a été adopté, les actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays », en matière de contributions directes ou de taxes assimilées, entrent en vigueur le 1er janvier qui suit l'ouverture de la session budgétaire, alors même qu'ils n'auraient pas été publiés avant cette date.
« Par dérogation au premier alinéa du I et au premier alinéa du II de l'article 176, ils peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État à compter de leur publication ou du 1er janvier si la publication est postérieure à cette date. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 38, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. L'introduction dans la procédure d'adoption du budget de la Polynésie française d'un débat d'orientation budgétaire soulève plusieurs difficultés.
Les deux premiers alinéas du texte proposé pour article 144-1 de la loi organique du 27 février 2004 doivent être rapprochés des dispositions du premier alinéa de l'article LO 273-1 du code des juridictions financières, qui précise que le président de la Polynésie française dépose le projet de budget sur le bureau de l'assemblée au plus tard le 15 novembre.
Le respect du délai de deux mois prévu pour le débat d'orientation budgétaire se heurte à la date de rentrée pour la session budgétaire de l'assemblée.
Cet article supprime une disposition importante qui permettait à la commission permanente de procéder à des modifications du budget voté dans certaines conditions.
Actuellement, ce débat prébudgétaire n'existe pas. En revanche, lors de la séance solennelle d'ouverture, vers le 15 septembre, le président de la Polynésie française indique les grandes lignes et les orientations du prochain exercice budgétaire. Si sa communication ne fait pas l'objet d'un débat, c'est parce qu'il ne dispose pas encore de tous les éléments. Ceux-ci ne lui parviendront que vers la fin de la première semaine du mois de novembre.
Organiser un débat budgétaire deux mois avant cette date est pratiquement impossible. Cette mesure est peut-être bonne pour les départements ou les régions, qui ont de surcroît des techniciens de grande valeur, mais pas pour nous !
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 144-1 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 par les mots :
sans préjudice des dispositions de l'article 127
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Il s'agit d'un amendement de repli.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Compléter le texte proposé par le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 144-2. - La commission de contrôle budgétaire et financier remet au président de la Polynésie française, aux autres membres du gouvernement et aux membres de l'assemblée de la Polynésie française, au plus tard le 31 mai de chaque année, un rapport dressant le bilan de son activité au cours de l'année précédente. Dans le mois suivant son dépôt, ce rapport fait l'objet d'un débat à l'assemblée de la Polynésie française. »
II. - En conséquence, rédiger comme suit le premier alinéa du même II :
Après l'article 144 de la même loi organique, sont insérés deux articles 144-1 et 144-2 ainsi rédigés :
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 26 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 38 et 39.
M. Christian Cointat, rapporteur. L'amendement n° 26 vise à ce que la commission de contrôle budgétaire et financier dépose un rapport annuel, qui fera l'objet d'un débat à l'assemblée de la Polynésie française.
Mes chers collègues, en matière de contrôle et de sécurité juridique, ce n'est pas avec un gros cadenas que l'on améliore la protection, mais avec de la lumière. En l'occurrence, la régulation des dépenses ne viendra donc pas de veto ou d'oppositions, mais par l'éclairage du débat.
J'en viens à l'avis de la commission sur l'amendement n° 38.
Monsieur Flosse, toutes les assemblées aspirent à avoir un débat d'orientation budgétaire. Cela représente une avancée démocratique. Je ne comprends donc pas votre opposition à cette mesure, d'autant qu'elle est fermement réclamée par la Cour des comptes.
La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 39, quant à lui, vise à préserver des pouvoirs de la commission permanente. Mais il se trouve que la procédure budgétaire a été modifiée et permet désormais une seconde délibération avec, le cas échéant, un recours à ce que l'on pourrait appeler un article 49-3 budgétaire. Laissons donc cette prérogative à l'assemblée, car elle est trop importante pour être déléguée à la commission permanente.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 38 et émet un avis favorable sur les amendements nos 39 et 26.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 26.
M. Bernard Frimat. Cet amendement est en cohérence avec votre discours, monsieur le rapporteur, puisqu'il vise à favoriser la transparence et le rééquilibrage des pouvoirs.
Nous approuvons cette démarche. Toutefois, la création d'une commission de contrôle budgétaire et financier représente une modification institutionnelle lourde. Je formulerai donc les mêmes réserves que sur l'amendement n° 16 rectifié, à savoir qu'il aurait été préférable qu'une démarche un peu moins précipitée permette de recueillir l'avis de l'assemblée de la Polynésie française. Ce dispositif intéresse en effet directement l'organisation des séances et le fonctionnement de l'assemblée.
L'assemblée de Polynésie mettra peut-être à profit les dix jours de la navette pour faire connaître son avis. En attendant, nous réservons notre position. Nous ne participerons donc pas au vote de cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 49, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du III de cet article.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Le dernier alinéa du paragraphe III de l'article 15 viserait à autoriser un citoyen à déposer un recours contre une loi du pays après sa promulgation. Or la mise en route d'une telle loi est longue. Il faut au moins trois mois.
En outre, la loi organique de 2004, actuellement en vigueur, dispose que, dès lors que la loi est publiée au Journal officiel de la Polynésie française, aucun recours n'est plus possible. Cette possibilité n'est en effet accordée aux représentants de l'assemblée ou à un citoyen qu'avant la publication, et dans un délai déterminé.
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État
rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 145 de la loi organique du 27 février 2004 :
à compter de la publication de leur acte de promulgation.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 64 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 49.
M. Christian Cointat, rapporteur. L'amendement de la commission va dans le même sens que celui de M. Flosse. Cependant, il conserve une partie du dispositif initial. En fait, il clarifie son interprétation, qui est effectivement un peu difficile à saisir.
Je pense que M. Flosse devrait être satisfait par cette rédaction. C'est pourquoi la commission l'invite à retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 49 et favorable sur l'amendement n° 64. L'adoption de ce dernier devrait en effet satisfaire M. Flosse.
Par ailleurs, le Gouvernement se demande si l'amendement de la commission n'aurait pas pu être appelé avant celui de M. Flosse.
M. le président. Monsieur Flosse, l'amendement n° 49 est-il maintenu ?
M. Gaston Flosse. Je fais confiance à M. le rapporteur. Par conséquent, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 49 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 64.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
I. - Le A du II de l'article 171 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée est ainsi modifié :
1° Le 2° est remplacé par les dispositions suivantes :
« 2° Tous les actes mentionnés aux articles 16 et 17 et aux 6°, 9° à 15°, 18° à 20°, 23°, 24°, 26° à 28°, 30° et 31° de l'article 91 ; »
2° Au 3°, les mots : « d'occupation des sols » sont remplacés par les mots : « d'occupation et d'utilisation des sols et du domaine public de la Polynésie française ».
II. - Les articles suivants sont insérés après l'article 172 de la même loi organique :
« Art. 172-1. - Tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française peut, lorsqu'il saisit le tribunal administratif d'un recours en annulation d'un acte de la Polynésie française assortir ce recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois.
« Art. 172-2. - Sont illégales :
« 1° Les délibérations ou actes auxquels ont pris part un ou plusieurs membres du conseil des ministres ou de l'assemblée de la Polynésie française intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ;
« 2° Les décisions et délibérations par lesquelles la Polynésie française renonce soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l'égard de toute personne physique ou morale qu'elle rémunère sous quelque forme que ce soit. »
III. - Les dispositions suivantes sont insérées après l'article 173 de la même loi organique :
« Art. 173-1. - Les dispositions des articles 172 et 173 sont applicables au contrôle de légalité des actes des établissements publics de la Polynésie française. »
IV. - À l'article 175 de la même loi organique, après les mots : « ou les communes, » sont insérés les mots : « ou sur l'application des articles 69, 73, 78, 80, 81, 118 à 121, 156 et 156-1 de la présente loi organique, ».
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 1° du I de cet article, supprimer les mots :
et 31°
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 41, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article 172-1 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, après les mots :
tribunal administratif
insérer les mots :
ou le Conseil d'État
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. La rédaction du nouvel article 172-1 ne prend pas en compte le fait que les actes de la Polynésie française peuvent être déférés soit devant le tribunal administratif, soit devant le Conseil d'État, en fonction de leur importance, c'est-à-dire de leur influence sur le fonctionnement des institutions du pays. Il convient donc d'introduire ce cas de figure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. La commission aimerait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le IV de cet article, remplacer les références :
121, 156 et 156-1
par les références :
121 et 156
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. La commission retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 27 est retiré.
Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
Il est inséré, après le chapitre IV du titre VI de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée, un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AU CONTRÔLE JURIDICTIONNEL, FINANCIER ET BUDGÉTAIRE
« Art. 186-1. - Tout contribuable inscrit au rôle de la Polynésie française ou tout électeur inscrit sur la liste électorale d'une commune de la Polynésie française a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la Polynésie française et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer.
« Le contribuable ou l'électeur adresse au tribunal administratif un mémoire.
« Le président de la Polynésie française soumet ce mémoire au conseil des ministres lors de l'une de ses réunions tenue dans le délai de deux mois qui suit le dépôt du mémoire. La décision du conseil des ministres est notifiée à l'intéressé. Elle est portée à la connaissance de l'assemblée de la Polynésie française.
« Lorsqu'un jugement est intervenu, le contribuable ou l'électeur ne peut se pourvoir en appel ou en cassation qu'en vertu d'une nouvelle autorisation.
« Art. 186-2. - Lorsqu'il est fait application du troisième alinéa de l'article 29, le haut-commissaire de la République reçoit communication, dans les quinze jours suivant leur adoption :
« 1° Des concessions d'aménagement, des comptes annuels et des rapports des commissaires aux comptes des sociétés d'économie mixte ;
« 2° Des actes des organes compétents de ces sociétés pouvant avoir une incidence sur l'exécution des conventions mentionnées au troisième alinéa de l'article 29.
« Si le haut-commissaire de la République estime qu'un de ces actes est de nature à augmenter gravement la charge financière de la Polynésie française ou de l'un de ses établissements publics, ou à accroître gravement le risque financier encouru par la Polynésie française ou par l'un de ses établissements publics, il saisit la chambre territoriale des comptes dans le mois suivant la communication qui lui est faite de cet acte. Il informe de cette saisine la société, l'assemblée et le conseil des ministres de la Polynésie française, ainsi que, s'il y a lieu, l'organe compétent de l'établissement public intéressé. La transmission de la saisine à la société impose à l'organe compétent de celle-ci une seconde délibération de l'acte en cause.
« Dans le mois suivant sa saisine, la chambre territoriale des comptes fait connaître son avis au haut-commissaire de la République, à la société, à l'assemblée et au conseil des ministres de la Polynésie française, ainsi que, le cas échéant, à l'organe compétent de l'établissement public intéressé. »
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 186-2 de la loi organique du 27 février 2004 :
« Art. 186-2. - Lorsqu'il est fait application du troisième alinéa de l'article 29, la commission de contrôle budgétaire et financier de l'assemblée de la Polynésie française et le haut-commissaire de la République reçoivent communication, dans les quinze jours suivant leur adoption :
« 1° Des concessions d'aménagement, des comptes annuels et des rapports des commissaires aux comptes des sociétés d'économie mixte ;
« 2° Des actes des organes compétents de ces sociétés pouvant avoir une incidence sur l'exécution des conventions mentionnées au troisième alinéa de l'article 29.
« Si la commission de contrôle budgétaire et financier estime qu'un de ces actes est de nature à augmenter gravement la charge financière de la Polynésie française ou de l'un de ses établissements publics, ou à accroître gravement le risque financier encouru par la Polynésie française ou par l'un de ses établissements publics, elle transmet un avis motivé à l'assemblée de la Polynésie française, dans le mois suivant la communication qui lui est faite de cet acte.
« Dès réception de cet avis, l'assemblée de la Polynésie française peut saisir la chambre territoriale des comptes. Hors session, la commission permanente exerce, dans les mêmes conditions, les attributions prévues au quatrième alinéa.
« Le haut-commissaire de la République peut, pour les motifs visés au quatrième alinéa, saisir la chambre territoriale des comptes dans le mois suivant la communication de l'acte.
« La saisine de la chambre territoriale des comptes est notifiée à la société, à l'assemblée et au conseil des ministres de la Polynésie française, ainsi que, s'il y a lieu, à l'organe compétent de l'établissement public intéressé. La transmission de la saisine à la société impose à l'organe compétent de celle-ci une seconde délibération de l'acte en cause.
« Dans le mois suivant sa saisine, la chambre territoriale des comptes fait connaître son avis au haut-commissaire de la République, à la société, à l'assemblée et au conseil des ministres de la Polynésie française, ainsi que, le cas échéant, à l'organe compétent de l'établissement public intéressé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement s'inscrit également dans la démarche qui tend à placer la commission de contrôle budgétaire et financier au centre du dispositif.
Je tiens à rassurer M. Frimat : cet amendement n'arrive pas par hasard. L'assemblée de Polynésie n'a effectivement pas été consultée ès qualités, mais j'ai soumis cette proposition à chacun des participants avec qui je me suis entretenu.
Il est apparu que, dans cette solution, c'est bel et bien l'assemblée qui jouera le rôle de contrôle et non le haut-commissaire. Ce dernier restera en retrait et n'interviendra que si les choses ne se passent pas bien. Dans cette optique, il faut une instance spécialisée.
Je vous invite donc à relire attentivement le projet de loi initial, mes chers collègues. Vous verrez que cette instance joue le rôle qui était dévolu au haut-commissaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui vise à accroître les pouvoirs de contrôle de l'assemblée et renforce donc la transparence, sans priver le représentant de l'État de ses attributions constitutionnelles de contrôle administratif.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. M. le rapporteur fait en quelque sorte coup double en plaçant la commission de contrôle budgétaire et financier au centre du dispositif. Il satisfait, comme vous venez de le rappeler, monsieur le secrétaire d'État, une préoccupation de l'assemblée de Polynésie - ce n'est pas souvent le cas dans ce texte - sans remettre en cause le contrôle administratif et les prérogatives du haut-commissaire prévus à l'article 17. Ce faisant, il poursuit sa logique de renforcement de la transparence de la vie politique polynésienne.
Au demeurant, si intéressant soit-il, ce nouveau dispositif pose un problème : je le répète, il opère une lourde modification institutionnelle, qui n'a obtenu qu'un aval « en pièces détachées » des acteurs politiques polynésiens, alors que nous aurions préféré un avis de l'assemblée de la Polynésie française. C'est la raison pour laquelle nous ne participerons pas au vote.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.
M. Gaston Flosse. Encore une fois, on diminue la portée de l'autonomie et on donne des pouvoirs au haut-commissaire.
M. Christian Cointat, rapporteur. Non !
M. Gaston Flosse. Qui jugera que la situation est bloquée ou que l'assemblée ne joue pas son rôle ? Le haut-commissaire ? Le juge ? On joue là à un jeu dangereux !
M. Bernard Frimat. Vous avez une certaine expérience en la matière !
M. Gaston Flosse. Supposons que le président de l'assemblée et les vice-présidents s'absentent. C'est le haut-commissaire qui présidera la séance ?
De la même manière, imaginons que le président et le vice-président de la Polynésie française s'absentent, c'est encore le haut-commissaire qui présidera le Conseil des ministres et dirigera le gouvernement ?
Je voterai donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Monsieur Flosse, vous vous méprenez. Relisez attentivement l'article 17 du projet de loi initial et comparez-le au texte de la commission, vous verrez que vous obtenez satisfaction sur les grandes lignes.
Le rôle du haut-commissaire est tenu par la commission de contrôle budgétaire et financier. Le haut-commissaire reste uniquement en retrait : il est chargé de vérifier la légalité des actes et de n'intervenir qu'en cas de difficulté, autrement dit qu'en fin de course. Ce sera à l'assemblée d'agir sous le contrôle de sa commission de contrôle budgétaire et financier.
Ces dispositions vont donc bien dans le sens que vous souhaitez. Elles correspondent d'ailleurs à l'un des messages que j'ai reçus quand j'étais en Polynésie.
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° L'article L.O. 272-12 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L.O. 272-12. - La chambre territoriale des comptes examine la gestion de la Polynésie française et de ses établissements publics.
« Elle examine en outre celle des établissements, sociétés, groupements et organismes, quel que soit leur statut juridique, auxquels la Polynésie française et ses établissements publics apportent un concours financier supérieur à 179 000 F. CFP (1 500 €) ou dans lesquels ils détiennent, séparément ou ensemble, plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants, ou exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion, lorsque la vérification lui en est confiée par un arrêté du premier président de la Cour des comptes.
« Elle peut également assurer ces vérifications sur demande motivée soit du haut-commissaire, soit de l'exécutif de la Polynésie française ou de l'établissement public.
« Elle peut aussi, dans le cadre du contrôle des comptes de l'autorité délégante, vérifier auprès des délégataires de service public les comptes qu'ils ont produits aux autorités délégantes.
« L'examen de gestion porte sur la régularité des actes de gestion, sur l'économie des moyens mis en oeuvre et sur l'évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par l'organe délibérant. L'opportunité de ces objectifs ne peut faire l'objet d'observations. » ;
2° La section 1 du chapitre III du titre VII du livre II du code des juridictions financières est complétée par les articles suivants :
« Art. L.O. 273-4-1. - Le budget primitif de la Polynésie française est transmis au haut-commissaire de la République en Polynésie française au plus tard quinze jours après le délai limite fixé pour son adoption par les articles L.O. 273-1 et L.O. 273-4-2. À défaut, il est fait application des dispositions de l'article L.O. 273-1.
« Art. L.O. 273-4-2. - À compter de la saisine de la chambre territoriale des comptes et jusqu'au terme de la procédure prévue à l'article L.O. 273-2, l'assemblée de la Polynésie française ne peut se prononcer en matière budgétaire, sauf pour la délibération prévue au deuxième alinéa du même article L.O. 273-2 et pour l'application de l'article L.O. 273-4-5.
« Lorsque le budget de la Polynésie française a été réglé et rendu exécutoire par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, les budgets supplémentaires afférents au même exercice sont transmis par le haut-commissaire de la République en Polynésie française à la chambre territoriale des comptes. En outre, le vote de l'organe délibérant sur le compte administratif prévu à l'article L.O. 273-4-5 intervient avant le vote du budget primitif afférent à l'exercice suivant. Lorsque le compte administratif adopté dans les conditions ci-dessus mentionnées fait apparaître un déficit dans l'exécution du budget, ce déficit est reporté au budget primitif de l'exercice suivant. Ce budget primitif est transmis à la chambre territoriale des comptes par le haut-commissaire de la République en Polynésie française.
« S'il est fait application de la procédure définie à l'alinéa précédent, les dates fixées au premier alinéa de l'article L.O. 273-1 pour l'adoption du budget primitif sont reportées respectivement au 1er juin et au 15 juin. Dans ce cas, le délai limite de la transmission du compte de gestion du comptable prévu à l'article L.O. 273-4-5 est ramené au 1er mai.
« Art. L.O. 273-4-3. - La transmission du budget de la collectivité à la chambre territoriale des comptes au titre des articles L.O. 273-2 et L.O. 273-4-7 a pour effet de suspendre l'exécution de ce budget jusqu'au terme de la procédure. Toutefois, sont applicables à compter de cette transmission les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L.O. 273-1. En outre, les dépenses de la section d'investissement de ce budget ne peuvent être engagées, liquidées et mandatées que dans la limite de la moitié des crédits inscrits à ce titre.
« Art. L.O. 273-4-4. - Sous réserve du respect des dispositions des articles L.O. 273-1, L.O. 273-4-2 et L.O. 273-4-3, des modifications peuvent être apportées au budget par l'organe délibérant jusqu'au terme de l'exercice auquel elles s'appliquent.
« Dans le délai de vingt et un jours suivant la fin de l'exercice budgétaire, l'assemblée de la Polynésie française peut en outre apporter au budget les modifications permettant d'ajuster les crédits de la section de fonctionnement pour régler les dépenses engagées avant le 31 décembre et inscrire les crédits nécessaires à la réalisation des opérations d'ordre de chacune des deux sections du budget ou entre les deux sections.
« Les délibérations relatives aux modifications budgétaires prévues à l'alinéa précédent doivent être transmises au haut-commissaire de la République en Polynésie française au plus tard cinq jours après le délai limite fixé pour leur adoption. Les mandatements découlant des modifications budgétaires ainsi décidées doivent être achevés au plus tard le 31 janvier suivant l'exercice auquel ils se rapportent.
« Art. L.O. 273-4-5. - L'arrêté des comptes de la collectivité est constitué par le vote de l'assemblée de la Polynésie française sur le compte administratif présenté par le président de la Polynésie française après transmission, au plus tard le 1er juin de l'année suivant l'exercice, du compte de gestion établi par le comptable de la Polynésie française. Le vote de l'assemblée de la Polynésie française arrêtant les comptes doit intervenir au plus tard le 30 juin de l'année suivant l'exercice.
« Le compte administratif est arrêté si une majorité des voix ne s'est pas dégagée contre son adoption.
« Art. L.O. 273-4-6. - Le compte administratif est transmis au haut-commissaire de la République en Polynésie française au plus tard quinze jours après le délai limite fixé pour son adoption par les articles L.O. 273-4-2 et L.O. 273-4-5.
« À défaut, le haut-commissaire de la République en Polynésie française saisit, selon la procédure prévue par l'article L.O. 273-2, la chambre territoriale des comptes du plus proche budget voté par l'assemblée de la Polynésie française.
« Art. L.O. 273-4-7. - Lorsque l'arrêté des comptes de la Polynésie française fait apparaître dans l'exécution du budget, après vérification de la sincérité des inscriptions de recettes et de dépenses, un déficit égal ou supérieur à 5 % des recettes de la section de fonctionnement, la chambre territoriale des comptes, saisie par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, propose à la Polynésie française les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire, dans le délai d'un mois à compter de cette saisine.
« Lorsque le budget de la Polynésie française a fait l'objet des mesures de redressement prévues à l'alinéa précédent, le haut-commissaire de la République en Polynésie française transmet à la chambre territoriale des comptes le budget primitif afférent à l'exercice suivant.
« Si, lors de l'examen de ce budget primitif, la chambre territoriale des comptes constate que la Polynésie française n'a pas pris de mesures suffisantes pour résorber ce déficit, elle propose les mesures nécessaires au haut-commissaire de la République en Polynésie française dans un délai d'un mois à partir de la transmission prévue à l'alinéa précédent. Le haut-commissaire de la République en Polynésie française règle le budget et le rend exécutoire. S'il s'écarte des propositions formulées par la chambre territoriale des comptes, il assortit sa décision d'une motivation explicite.
« En cas de mise en oeuvre des dispositions des alinéas précédents, la procédure prévue à l'article L.O. 273-2 n'est pas applicable.
« Art. L.O. 273-4-8. - Les dispositions de l'article L.O. 273-3 ne sont pas applicables à l'inscription et au mandatement des dépenses obligatoires résultant, pour la Polynésie française et ses établissements publics, d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée. Ces opérations demeurent régies par les dispositions législatives relatives aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public et par le code de justice administrative.
« Art. L.O. 273-4-9. - Dans le cadre des commandes publiques, lorsque des intérêts moratoires ne sont pas mandatés en même temps que le principal, ce dernier étant d'un montant supérieur à un seuil fixé par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, le comptable assignataire de la dépense en informe l'ordonnateur et le haut-commissaire de la République en Polynésie française dans un délai de dix jours suivant la réception de l'ordre de paiement. Dans un délai de quinze jours, le haut-commissaire de la République adresse à l'ordonnateur une mise en demeure de mandatement. À défaut d'exécution dans un délai d'un mois, le haut-commissaire de la République en Polynésie française procède d'office, dans un délai de dix jours, au mandatement de la dépense.
« Toutefois, si, dans le délai d'un mois dont il dispose, l'ordonnateur notifie un refus d'exécution motivé par une insuffisance de crédits disponibles ou si, dans ce même délai, le haut-commissaire de la République en Polynésie française constate cette insuffisance, celui-ci, dans un délai de quinze jours à compter de cette notification ou de cette constatation, saisit la chambre territoriale des comptes dans les conditions fixées à l'article L.O. 273-3. Le haut-commissaire de la République en Polynésie française procède ensuite au mandatement d'office dans les quinze jours suivant la réception de la délibération inscrivant les crédits ou sa décision réglant le budget rectifié.
« Art. L.O. 273-4-10. - L'assemblée et le conseil des ministres de la Polynésie française sont tenus informés dès leur plus prochaine réunion des avis formulés par la chambre territoriale des comptes et des arrêtés pris par le haut-commissaire de la République en Polynésie française en application des dispositions de la présente section.
« Art. L.O. 273-4-11. - L'assemblée de la Polynésie française doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique des dépenses ayant donné lieu à une déclaration en gestion de fait par la chambre territoriale des comptes au cours de la plus proche séance suivant la transmission de la demande adressée par la chambre territoriale des comptes au comptable de fait et à l'ordonnateur de la Polynésie française. Passé ce délai, la chambre territoriale des comptes statue sur les dépenses de la gestion de fait dont elle apprécie les justifications présentées.
« Art. L.O. 273-4-12. - Les dispositions des articles L.O. 273-1 et L.O. 273-4-1 à L.O. 273-4-11 sont applicables aux établissements publics de la Polynésie française. »
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L.O. 272-12 du code des juridictions financières :
« Elle peut également assurer ces vérifications sur demande motivée soit du haut-commissaire, soit de l'assemblée de la Polynésie française, soit de l'exécutif de la Polynésie française ou de l'établissement public.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement vise également à augmenter les pouvoirs de l'assemblée de la Polynésie française en lui octroyant la possibilité de saisine de la chambre territoriale des comptes pour vérification de la gestion de tous les établissements recevant une aide financière.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° de cet article :
2° La section 1 du chapitre III du titre VII du livre II du code des juridictions financières est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L.O.... - L'assemblée de la Polynésie française doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique des dépenses ayant donné lieu à une déclaration en gestion de fait par la chambre territoriale des comptes au cours de la plus proche séance suivant la transmission de la demande adressée par la chambre territoriale des comptes au comptable de fait et à l'ordonnateur de la Polynésie française. Passé ce délai, la chambre territoriale des comptes statue sur les dépenses de la gestion de fait dont elle apprécie les justifications présentées. »
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Sous couvert de moralisation de la vie politique, l'État reprend certaines compétences accordées en matière de règlementation financière et comptable.
Il s'agit donc, encore une fois, de dispositions qui retirent à la Polynésie française une partie de son autonomie budgétaire et comptable.
Nous proposons que, passé un certain délai, la chambre territoriale des comptes statue sur les dépenses de la gestion de fait dont elle apprécie les justifications présentées.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L.O. 273-4-4 du code des juridictions financières, remplacer les mots :
l'organe délibérant
par les mots :
l'assemblée de la Polynésie française
II. Dans la première phrase du dernier alinéa du même texte, remplacer les mots :
doivent être transmises
par les mots :
sont transmises
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par le Gouvernement est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L.O. 273-4-9 du code des juridictions financières, remplacer les mots :
fixé par le haut-commissaire de la République en Polynésie française
par les mots :
fixé par décret
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 42 et 30.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le présent amendement vise à préciser que le seuil à partir duquel s'ouvre la procédure dont il est question sera fixé par décret plutôt que par un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à l'amendement n° 42 de M. Flosse puisqu'il vise à supprimer des dispositions sur la transparence financière qui sont demandées par la Cour des comptes.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 30 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 62 présenté par le Gouvernement.
En ce qui concerne l'amendement n° 42, je comprends très bien la réaction de notre collègue M. Flosse.
Il faut cependant bien garder à l'esprit, je tiens à le dire, qu'il ne s'agit pas d'une remise en cause de l'autonomie.
La bonne gouvernance ne signifie pas la mise sous tutelle, mais elle signifie le contrôle. C'est le contrôle qui donne des responsabilités, et ce sont les responsabilités qui renforcent l'autonomie.
On ne peut gérer des finances importantes s'il n'y a pas de véritable contrôle. Or ce contrôle n'est pas conçu comme une limitation de l'autonomie définie en 1984. Simplement, la Constitution, depuis la révision de mars 2003, impose que tous les éléments du statut soient définis par une loi organique.
Ce dispositif s'appliquera également à toutes les autres collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, même à celles auxquelles il ne s'applique pas encore, car c'est une obligation, une nécessité pour la bonne gestion financière et la bonne efficacité de l'autonomie.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 42.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, il faut comprendre l'état d'esprit de notre collègue Gaston Flosse.
Il vient aujourd'hui devant nous animé des mêmes raisons qu'en 2004 et en tenant les mêmes raisonnements.
En 2004, vous lui aviez fait un triomphe et vous aviez adopté tous les amendements qu'il présentait.
Nous avions exprimé avant vous tout ce que vous dites aujourd'hui sur la transparence, notamment de la vie financière, et qui me semble marqué au coin du bon sens. Nous avions expliqué à l'époque, sans doute avec une certaine avance sur vous, les raisons de notre hostilité à la concentration de pouvoirs, sans contrôle, entre les mains du seul président de la Polynésie française.
Ce dont nous avons eu connaissance depuis grâce aux travaux des différentes juridictions financières n'a fait que confirmer nos craintes.
Je comprends que Gaston Flosse soit quelque peu désorienté : ce sont exactement les mêmes personnes qu'en 2004 qui font aujourd'hui un accueil si différent au texte qu'il propose !
En tout état de cause, nous maintenons notre position qui consiste à être contre de telles propositions, et nous voterons en faveur des amendements qui vont dans le sens de la transparence financière.
Encore une fois, je ne peux que me réjouir du sentiment de défiance que vous semblez éprouver, chers collègues de la majorité, mais j'aurais préféré que vous l'éprouviez un peu plus tôt !
En effet, de mauvais esprits pourraient croire que ce sentiment vous est venu uniquement parce que la Polynésie française a connu quelques changements de président...
Loin de moi l'idée de vous soupçonner d'une telle chose, car je sais que vous n'êtes animés que du seul souci d'oeuvrer pour la gloire de la transparence financière et du contrôle des fonds publics !
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.
M. Gaston Flosse. Je suis étonné, voire désorienté pour ne pas dire choqué de constater que ce qui était possible en 2004 ne l'est plus en 2007 !
On nous annonce encore un train de mesures à venir dans quelques semaines ou dans quelques mois. Jusqu'où allons-nous encore être dépossédés ? Nous restera-t-il quelque chose ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 19
Au premier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, après les mots : « du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie » sont ajoutés les mots : « ou du gouvernement de la Polynésie française ». - (Adopté.)
Article 20
I. - Par dérogation aux dispositions de l'article 104 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, le premier tour des élections pour le renouvellement intégral de l'assemblée de la Polynésie française sera organisé en janvier 2008.
Le mandat des représentants à l'assemblée de la Polynésie française en fonction à la date de publication de la présente loi organique prend fin à compter de la réunion de plein droit de l'assemblée élue en application du précédent alinéa, qui se tiendra dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 118 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée.
II. - Les dispositions de l'article 10 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée ne sont pas applicables au décret en Conseil d'État nécessaire à l'application de l'article 3 de la présente loi organique aux élections prévues au I du présent article.
III. - Les articles 1er, 5, 6, 11, 13 à 16 et 18 entrent en vigueur à compter du renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française prévu au I.
Par dérogation au I de l'article 8 de la loi organique du 27 février 2004 susmentionnée, les autres dispositions de la présente loi organique entrent en vigueur à compter de sa publication au Journal officiel de la République française.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.
M. Bernard Frimat. Nous arrivons pratiquement au terme de l'examen de ce projet de loi organique, mais cet article est le plus contestable de tous à nos yeux.
Une loi organique est automatiquement soumise au Conseil constitutionnel, et je me sens obligé, afin que cela figure au procès-verbal, de faire quelques considérations sur la proposition du Gouvernement.
Première considération, l'abréviation du mandat de l'assemblée de la Polynésie française par le Parlement est une grave remise en cause du suffrage universel, et rien ne vient la justifier.
Par définition, il s'agit d'un mandat en cours. Dans le cas précédent, il ne s'agissait que de quelques mois et l'intérêt général était patent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui avec cette réduction de seize mois !
Deuxième considération, les modalités retenues par le projet de loi ne sont pas, manifestement, appropriées à l'objectif fixé, et l'intérêt général peut difficilement être mis en avant.
Nous savons bien que le Conseil constitutionnel a l'habitude de considérer qu'il ne lui appartient pas de juger des voies pour atteindre l'objectif fixé, même si elles ne sont pas optimales - ce qui est le cas aujourd'hui -, dès lors qu'elles ne sont pas inappropriées par rapport à l'objectif. Or, en l'espèce, elles nous semblent inappropriées.
Troisième considération, une abréviation du mandat dans les conditions prévues par cet article peut être perçue comme affectant les conditions d'exercice de la libre administration des collectivités territoriales. Elle remet donc en cause un principe constitutionnel.
Quatrième considération, la proximité des élections de l'assemblée de la Polynésie française et des élections municipales risque de porter atteinte à l'objectivité et à la sincérité des consultations.
Les élections à l'assemblée de la Polynésie française risquent en effet d'interférer sur le vote aux élections municipales, portant ainsi atteinte aux principes constitutionnels d'objectivité et de sincérité qui doivent présider à toute consultation.
La succession de ces deux élections ne peut engendrer que la confusion dans l'esprit des électeurs.
Cinquième considération, une telle précipitation ne permettra pas aux électeurs d'être correctement informés des nouvelles règles électorales. Ils ne pourront pas être précisément avertis des conséquences de leur choix. Moins de deux mois s'écouleront entre l'adoption de ces textes et les élections anticipées.
En 1996, le législateur avait prorogé le mandat des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie française de deux mois afin d'éviter que la concomitance entre ce renouvellement et l'examen au Parlement de la réforme du statut de ce territoire ne soit nuisible, et afin de permettre aux électeurs d'être précisément informés.
Sixième considération, l'organisation d'élections anticipées en janvier ne peut être aujourd'hui considérée comme strictement nécessaire.
En effet, la Polynésie française n'est en pas en état de rébellion ; les citoyens polynésiens ne signent pas de pétitions comme entre 2004 et 2005 ; le président de l'Assemblée nationale ne demande pas au Gouvernement de dissoudre, comme Jean-Louis Debré le fit à cette époque, et il y a un président élu, même s'il dispose d'une majorité fragile, comme toutes les majorités, d'ailleurs !
Le moins que l'on puisse dire, c'est donc que l'organisation d'élections anticipées en janvier prochain n'est pas strictement nécessaire.
Enfin, septième considération, rien ne justifie, ni dans l'exposé des motifs du projet de loi ni dans la situation que connaît actuellement la Polynésie française, cette demande d'abréviation du mandat des élus de l'assemblée de la Polynésie française et le choix de la date pour ce renouvellement anticipé.
De plus, le mode de scrutin proposé va à l'encontre de l'objectif de stabilité fixé par le projet de loi.
Monsieur le président, cette prise de parole vaut défense de l'amendement n° 59.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 59, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
Cet amendement a été précédemment défendu.
L'amendement n° 43, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
en janvier 2008
par les mots :
en même temps que le premier tour des élections en vue du renouvellement des conseils municipaux en mars 2008
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Comme en métropole, nous avons participé aux deux tours de l'élection présidentielle.
Comme en métropole, également, nous avons participé aux deux tours des élections législatives.
Aujourd'hui, considérant que cela faisait beaucoup, le Gouvernement a reporté à 2008 la date des élections municipales et sénatoriales.
Or il impose à la Polynésie française la tenue d'élections dès le mois de janvier prochain pour le premier tour et le mois de février prochain pour le second tour. Ne pensez-vous pas que cela fait beaucoup, aussi ?
Nous avons l'honneur et la chance d'avoir parmi nous aujourd'hui le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Pense-t-il qu'il était possible en métropole d'organiser d'autres élections à cette période ?
Nous avons demandé que les élections pour le renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française aient lieu après les élections municipales, et on nous a opposé un non catégorique.
Aujourd'hui, je vous propose d'organiser ces élections en même temps que les élections municipales, c'est-à-dire en mars 2008.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 156 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée, le mandat de l'assemblée de la Polynésie française élue en application des deux précédents alinéas expirera à compter de la réunion de plein droit prévue à l'article 118 de la même loi et au plus tard, le 15 juin 2013.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 32 et donner l'avis de la commission sur ceux qu'elle n'a pas déposés
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement à pour objet de rétablir le rythme normal des élections après les élections anticipées à l'assemblée de la Polynésie française.
En ce qui concerne les autres amendements, je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer, car la commission des lois ne peut y être favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est surpris par la réaction de M. Flosse, qui n'a cessé de réclamer, avec d'autres, et de manière insistante, un scrutin anticipé.
Cette date, d'ailleurs, c'est vous-même, monsieur le sénateur, qui nous l'aviez suggérée !
Qui plus est, les maires de la Polynésie française, et je suis allé à leur rencontre systématiquement, n'ont rien trouvé à redire au fait que nous organisions ces élections territoriales au mois de janvier prochain.
J'ai veillé, dans ma proposition, à respecter le calendrier des fêtes religieuses, c'est-à-dire la période entre le 15 décembre et le 15 janvier, car je sais qu'il s'agit d'un moment précieux auquel chacun est attaché.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 59 et 43, et favorable à l'amendement n° 32.
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Pour cette élection, le délai de six mois prévu au III de l'article 109 est remplacé par un délai d'un mois. La mise en disponibilité des agents publics qui souhaitent se porter candidats à cette élection est de droit dès réception de leur demande par l'autorité dont ils dépendent.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer oublie de dire qu'il a quand même reçu une pétition signée de l'ensemble des maires de Polynésie française par laquelle ils lui demandaient de repousser les élections pour le renouvellement de l'assemblée en 2009.
Vous le savez, les choses ont changé à plusieurs reprises. Certains ont voulu que les élections interviennent dès que possible, d'autres un peu plus tard, puis ils ont changé d'avis. Je pense qu'il ne faut pas revenir sur la décision prise. Toutefois, de nouvelles élections en janvier, pour le premier tour, et en février, pour le deuxième tour, cela fait quand même beaucoup ! L'idée était également de diminuer les dépenses, car la campagne qu'il faut organiser dans les archipels, qui nécessite de faire le tour des Tuamotu, des Gambier, des Marquises, des Australes, représente un coût important.
En ce qui concerne l'amendement n° 33, je souligne qu'un certain nombre de fonctionnaires ne pourront pas participer aux élections en question pour cause d'incompatibilité faute d'avoir pu démissionner de leurs fonctions en temps utile, c'est-à-dire six mois avant les élections. Or la nouvelle date du premier tour de ces élections n'était pas prévisible. Je demande donc, par cet amendement, que les fonctionnaires intéressés, qui, pour la plupart, sont des fonctionnaires d'État, aient à respecter un délai plus court que celui qui est exigé par la loi et que, dès la publication de la loi organique, dans un délai d'un mois au lieu de six mois, ils puissent se présenter, de sorte que l'interdiction de se porter candidat due à l'incompatibilité soit levée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 33.
M. Bernard Frimat. Je ne m'explique pas comment l'on peut être favorable à une telle proposition, qui est toute de circonstance et qui ne fait qu'ajouter un peu plus encore au caractère baroque du texte. Lorsque, dans notre pays, des dissolutions se sont produites, la loi en vigueur s'est appliquée et l'on n'a pas adopté de législations de circonstance pour arranger les choses.
S'il fallait une preuve supplémentaire que nous sommes dans une législation de circonstance, vous venez, monsieur le secrétaire d'État, de nous la fournir !
M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 18 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 200 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Rappel au règlement
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, vous m'avez signalé - je vous en donne acte - que des groupes qui ont été absents tout au long de l'examen de ce texte - il s'agit de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe et du groupe du RDSE - ont pris part à un scrutin public, au moyen de bulletins qui vous ont été remis.
Je ne mets pas en cause cette procédure puisqu'elle correspond aux décisions prises en conférence des présidents. Je dois néanmoins vous dire, monsieur le président, qu'à titre personnel je suis choqué qu'un groupe dont aucun des membres n'a participé au débat puisse se prononcer dans un scrutin public.
C'est pourquoi nous demanderons - et je souhaite que vous vous fassiez mon interprète auprès du président du Sénat - que cette question soit de nouveau évoquée lors de la conférence des présidents, car il paraît choquant qu'un groupe totalement absent d'un débat puisse prendre part aux votes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je vous ai entendu, monsieur Frimat, et je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. José Balarello, pour explication de vote.
M. José Balarello. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, les deux projets de loi qui nous sont soumis constituent une étape très importante dans l'approfondissement de l'autonomie de la Polynésie française.
Je tiens tout d'abord à vous rendre hommage, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, au nom de l'ensemble de mes collègues du groupe UMP.
Nous saluons ce projet de réforme statutaire qui démontre l'attachement du Gouvernement à la stabilité des institutions politiques de la Polynésie.
Je tiens également à saluer l'important travail de la commission des lois du Sénat qui, sous l'impulsion de notre rapporteur et ami Christian Cointat, a permis d'enrichir le contenu du projet de loi organique.
Le groupe UMP du Sénat approuve les mesures proposées, car elles favorisent l'émergence d'une majorité stable et cohérente au sein de l'assemblée de Polynésie.
M. Bernard Frimat. Ce n'est pas vrai !
M. José Balarello. Nous les approuvons, car elles visent à renforcer la transparence de la vie politique en Polynésie, confortant ainsi son statut d'autonomie dans la République, auquel les Polynésiens, tout comme le Gouvernement et le Parlement, demeurent particulièrement attachés.
Pour toutes ces raisons, les membres de mon groupe et moi-même voterons les deux projets de loi avec la conviction, que, loin d'affaiblir l'autonomie statutaire de la Polynésie, ils contribueront à renforcer son efficacité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, ces deux projets de loi vont pallier les imperfections du nouveau statut de la Polynésie voté en 2004. Plus de transparence, plus de stabilité : voilà un souhait auquel nous ne pouvons bien entendu que souscrire.
La multiplication des votes de motion, le climat d'instabilité et le découragement de la population rendent la situation si préoccupante qu'il était nécessaire d'agir.
Les sujets sont divers et abordent des matières très sensibles : élections, contrôle de légalité, commande publique, vote du budget, aides économiques. C'est pourquoi nous pouvons regretter les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à examiner ce texte.
Je voudrais toutefois saluer le travail de la commission des lois et de son rapporteur, Christian Cointat, qui a tenu à oeuvrer dans un esprit consensuel en tenant compte des attentes des élus. Cela permet de réunir les conditions indispensables pour assurer le succès de ces modifications statutaires.
Plusieurs articles viennent corriger le texte organique et en particulier son volet institutionnel.
Bien entendu, dans les mesures phare, il y a celle qui prévoit que, désormais, les représentants de l'assemblée de la Polynésie française seront élus à la proportionnelle à deux tours. L'objectif est donc de concilier à la fois la représentativité de la diversité politique de la Polynésie et la représentation des territoires avec l'exigence d'obtenir une majorité stable, aujourd'hui défaillante.
Toutefois, comme le disait le rapporteur, si les modifications proposées permettent d'accompagner la stabilité, tout repose sur les élus locaux, qui doivent saisir cette occasion pour résoudre leurs problèmes et retrouver une stabilité qui fait défaut et empêche les institutions polynésiennes de fonctionner normalement.
Les incidents et les circonstances qui ont perturbé la vie politique locale ne pourront être évités s'il n'y a pas une réelle volonté de la part des élus locaux que les choses changent. En effet, nous le savons bien, le problème en Polynésie n'est pas une question de droit électoral ; c'est une question de contexte et de circonstances politiques spécifiques à la Polynésie.
Mais il ne faut pas que ces dispositions sur les institutions viennent en occulter d'autres, tout aussi importantes. En effet, celles qui portent sur les commandes publiques, sur le contrôle de légalité, qui garantissent la transparence du fonctionnement des institutions, sont tout aussi indispensables pour permettre à la Polynésie de retrouver un climat serein.
En résumé, tout en maintenant le principe d'autonomie de la Polynésie, ces deux projets de loi offrent un socle de dispositions très éparses mais très importantes pour redonner un nouveau souffle à la Polynésie. C'est pourquoi le groupe UC-UDF votera ces deux textes. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Messieurs les secrétaires d'État, au terme de ce débat sur le projet de loi organique, je veux vous faire part de ma désapprobation et de mon inquiétude.
Dans son ensemble, le projet de loi organique que nous soumet le Gouvernement est un texte de convenance, qui ne réglera en rien les problèmes d'instabilité politique de la Polynésie. D'ailleurs, tous les « cliquets » qui ont été introduits, par exemple sur la motion de censure ou sur l'invalidation du président, montrent que le Gouvernement est conscient que ce texte n'oeuvre pas vraiment pour la stabilité.
Examiné dans des conditions d'urgence qui ne sont nullement justifiées, ce projet de loi organique apparaît pour ce qu'il est : une infraction aux règles de base de la démocratie.
Réduire la durée du mandat d'une assemblée démocratiquement désignée et, dans le même mouvement, modifier un mode de scrutin datant de moins de trois ans, ou même de quelques mois, c'est faire reculer la Polynésie sur le chemin de la démocratisation et de la prise de responsabilité. En réalité, le Gouvernement et sa majorité suivent leur penchant traditionnel dans le traitement de l'outre-mer, c'est-à-dire la mise sous tutelle, il est vrai tempérée par un souci nouveau de transparence financière.
Les petits aménagements que vous mettez en place n'ont sans doute pas d'autre objectif que de constituer et de conforter une majorité à votre convenance. Vous n'avez rien appris des évolutions récentes de ces territoires. Les Polynésiens et les Polynésiennes n'y gagneront rien.
Mon inquiétude est là, monsieur le secrétaire d'État. Quel regard neuf, quel visage d'avenir la France offre-t-elle, à travers vous, à ses citoyens d'outre-mer ? Votre texte est, au pire, une manipulation partisane, au mieux, un nouveau rendez-vous manqué. C'est pourquoi nous ne pouvons cautionner cette nouvelle manoeuvre.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, j'ajouterai quelques mots à la fin de ce qui nous a tenu lieu de débat parlementaire.
Je le disais tout à l'heure, en guise de boutade, à Catherine Tasca, s'il y avait eu grève des trains aujourd'hui, je n'aurais pas pu être présent et cette discussion se serait sans doute achevée plus tôt, à la grande satisfaction de nos collègues qui s'apprêtent à entamer l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Ce débat est tout de même resté très embryonnaire. En dehors de notre collègue José Balarello, qui a présenté une explication de vote sur les deux textes, et de quelques remarques de MM. del Picchia et Portelli, la parole de l'UMP n'a été portée que par Gaston Flosse dans cet hémicycle. Et je n'ai pas cru comprendre qu'il soutenait le texte que vous présentiez, monsieur le secrétaire d'État ! Nous avons tous vu son désarroi : vous lui donniez tout ce qu'il voulait lors de la discussion du statut de 2004 et, aujourd'hui, rien, sinon quelques bricoles qui surchargeront un peu plus le Conseil d'État, où vous allez sans doute proposer la création d'une section polynésienne à côté de la section du contentieux !
Vous parviendrez à vos fins, car les règles de l'arithmétique s'imposent aussi dans notre assemblée. Je ne vous reproche pas votre attitude, toute position est respectable et vous défendez la vôtre, non, je vous reproche de ne pas l'assumer et de ne pas avoir pris la responsabilité, au nom du Gouvernement de la République, de dissoudre l'assemblée de la Polynésie française.
Vous avez même affirmé le contraire, assurant que vous ne décideriez pas une dissolution contre l'avis de la classe politique polynésienne. L'assemblée de la Polynésie a émis un avis défavorable, néanmoins vous persistez. Comme vous ne disposez pas d'un véhicule législatif confortable et que vous refusez d'endosser la responsabilité de cette dissolution, vous vous retournez vers votre majorité pour lui demander de faire le travail à votre place.
Sans doute qu'à l'Assemblée nationale, où je me suis laissé dire que l'importance sonnante et trébuchante du Fetia Api se faisait de plus en plus sentir, la position de MM. Philip Schyle et Gaston Tong Sang rencontrera un ferme soutien ! Mais ils sont bien les seuls, en Polynésie, à être favorables à ce projet, même si vous ne prenez pas parti.
Nous sommes opposés à cette « dissolution parlementaire ». Il n'appartient pas à notre assemblée de mettre fin au mandat d'une autre assemblée, alors que les institutions polynésiennes ne sont pas bloquées et qu'elles fonctionnent, avec une majorité. Je vous le concède, monsieur le secrétaire d'État, cette majorité est fragile et elle peut très bien être anéantie demain. Mais ce n'est pas parce que cette majorité ne vous plaît pas que vous devez dissoudre, ou dissoudre par procuration, comme vous le faites aujourd'hui.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi organique.
Il y avait sans doute beaucoup de choses à modifier dans le statut pour revenir sur vos errements de 2004, quand vous cédiez à toutes les volontés de notre collègue Gaston Flosse, mais on pouvait peut-être le faire plus intelligemment et plus efficacement. Les dispositions qui vont dans le sens de la transparence financière nous conviennent mais, malgré ces quelques points positifs que j'ai salués, votre attitude générale emporte un vote de désapprobation très ferme.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai obligé de voter contre ce projet de loi organique. Je le ferai à grand regret, car je crois que c'est la première fois que je vote contre mon groupe.
Malgré quelques satisfactions, notamment en ce qui concerne les seuils et d'autres points contenus dans la loi organique - je tiens d'ailleurs à en remercier M. le secrétaire d'État ainsi que M. le rapporteur -, il est patent que ce texte, tout au long de ses dispositions, nous enlève une partie, si petite soit-elle, de notre autonomie. Or les Polynésiens sont très attachés à leur autonomie.
En ce qui concerne la transparence, l'assemblée de Polynésie l'a votée mais, globalement, en raison précisément de ces attaques contre l'autonomie, elle a émis un avis défavorable. Je me vois donc dans l'obligation de voter contre ce projet de loi organique.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, le groupe RDSE a été mis en cause, il y a quelques minutes. Je voudrais rassurer l'intervenant et lui dire que j'ai suivi les débats, même si je ne suis pas présent en permanence dans l'hémicycle. Le groupe du RDSE votera donc en toute connaissance de cause.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 19 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 198 |
Contre | 128 |
Le Sénat a adopté.
7
Polynésie française
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.
Article 1er
I. - Il est inséré, après l'article L. 390 du code électoral, un article L. 390-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 390-1. - Par dérogation à l'article L. 50, en Polynésie française, les services municipaux peuvent se voir confier la distribution des documents officiels de propagande par le haut-commissaire de la République, après avis de la commission de propagande. »
II. - L'article L. 392 est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa (3°), sont supprimés :
a) Les mots : « et la Polynésie française » ;
b) Dans le tableau, les mots : « et de l'assemblée de la Polynésie française » ;
2° Les 4° à 6° deviennent les 5° à 7° et le 7° devient le 9° ;
3° Il est inséré, après le quatrième alinéa (3°), un alinéa (4°) ainsi rédigé :
« 4° Pour la Polynésie française, le tableau du deuxième alinéa de l'article L. 52-11 est remplacé par le tableau suivant :
«
Fraction de la population de la circonscription |
Plafond par habitant des dépenses électorales (en francs CFP) |
|||
Élection des conseillers municipaux |
Élection des membres de l'assemblée de la Polynésie française |
|||
Listes présentes au premier tour |
Listes présentes au second tour |
Listes présentes au premier tour |
Listes présentes au second tour |
|
N'excédant pas 15 000 habitants..................... |
156 |
214 |
136 |
186 |
De 15 001 à 30 000 habitants..................... |
137 |
195 |
107 |
152 |
De 30 001 à 60 000 habitants..................... |
118 |
156 |
97 |
129 |
De plus de 60 000 habitants..................... |
107 |
147 |
68 |
94 |
. » ;
4° Au huitième alinéa (7°), les mots : « ou à l'assemblée de la Polynésie française » sont supprimés ;
5° Il est inséré, après le huitième alinéa (7°), un nouvel alinéa (8°) ainsi rédigé :
« 8° Pour les élections à l'assemblée de la Polynésie française les plafonds de dépenses sont augmentés de 15 % pour la seule prise en charge des frais de transport aériens et maritimes exposés par les candidats à l'intérieur de la circonscription intéressée. »
III. - Les articles L. 407 et L. 408 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. L. 407. - La déclaration de candidature résulte du dépôt auprès des services du haut-commissaire d'une liste répondant aux conditions fixées à l'article 106 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Il en est délivré récépissé.
« Elle est faite collectivement pour chaque liste par le candidat placé en tête de liste. À cet effet, chaque candidat établit un mandat signé de lui, confiant au responsable de liste le soin de faire ou de faire faire, par une personne déléguée par lui, toutes déclarations et démarches utiles à l'enregistrement de la liste, pour le premier et le second tour. Le dépôt de la liste par son responsable doit être assorti de l'ensemble des mandats des candidats qui y figurent.
« La liste déposée indique expressément :
« 1° Le titre de la liste présentée ; plusieurs listes ne peuvent avoir, dans la même circonscription, le même titre ;
« 2° Les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession de chacun des candidats ;
« 3° Le cas échéant, la couleur et l'emblème choisis par la liste pour l'impression de ses bulletins de vote en application de l'article L. 390.
« À cette déclaration sont jointes les pièces propres à prouver que les candidats répondent aux conditions d'éligibilité.
« Pour le premier tour de scrutin, cette déclaration comporte la signature de chaque candidat, sauf le droit pour tout candidat de compléter la déclaration collective non signée de lui par une déclaration individuelle faite dans le même délai et portant sa signature.
« Pour le second tour de scrutin, la signature prévue à l'alinéa précédent peut être produite par télécopie ou par voie électronique.
« Toutefois, les signatures de chaque candidat ne sont pas exigées pour la déclaration de candidature des listes qui ne procèdent à aucune modification de leur composition au second tour.
« Récépissé ne peut être délivré que si les conditions énumérées au présent article sont remplies.
« Art. L. 408. - I. - Les déclarations de candidature doivent être déposées au plus tard :
« 1° Pour le premier tour, le quatrième lundi qui précède le jour du scrutin, à midi ;
« 2° Pour le second tour, le mardi qui suit le premier tour, à dix-huit heures.
« II. - La déclaration de candidature est enregistrée par le haut-commissaire si les conditions auxquelles elle est soumise sont remplies. Le refus d'enregistrement est motivé.
« Un récépissé définitif est délivré par le haut-commissaire dans les trois jours du dépôt de la déclaration, après que celle-ci a été enregistrée.
« Est nul tout bulletin établi au nom d'une liste dont la déclaration de candidature n'a pas été régulièrement enregistrée. »
IV. - Le dernier alinéa de l'article L. 409 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les déclarations de retrait des listes complètes qui interviennent avant l'expiration des délais prévus pour le dépôt des déclarations de candidature sont enregistrées ; elles comportent la signature de la majorité des candidats sur la liste. Pour le second tour de scrutin, cette signature peut être produite par télécopie ou par voie électronique.
« Il en est donné récépissé. »
V. - L'article L. 411 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 411. - En cas de scrutin uninominal, toute candidature est soumise aux mêmes conditions d'enregistrement, sous réserve des adaptations imposées par ce mode de scrutin. »
VI. - L'article L. 412 du même code est ainsi modifié :
1° Les mots : « sixième vendredi » sont remplacés par les mots : « troisième mardi » ;
2° Il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La campagne électorale pour le second tour commence le mercredi suivant le premier tour et s'achève le samedi précédant le scrutin, à minuit. »
VII. - Le deuxième alinéa du II de l'article L. 414 du même code est complété par les dispositions suivantes : « , ou dans les cas prévus aux articles 157 et 157-1 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, dans les huit jours qui suivent la publication au Journal officiel du décret prévu à ces articles. »
VIII. - Aux articles L. 415 et L. 415-1 du même code, les mots : « au premier tour de scrutin » sont insérés après les mots : « 3 % des suffrages exprimés ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II de cet article :
II. - L'article L. 392 est ainsi modifié :
1° Dans le quatrième alinéa (3°), les mots : « et la Polynésie française » et les mots : « du deuxième alinéa » et dans le tableau, les mots : « et de l'assemblée de la Polynésie française » sont supprimés ;
2° Les 4° à 7° deviennent les 5° à 8° ;
3° Après le quatrième alinéa (3°), sont insérés un alinéa et un tableau ainsi rédigés :
« 4° Pour la Polynésie française, le tableau de l'article L. 52-11 est remplacé par le tableau suivant :
« |
|
Plafond par habitant des dépenses électorales (en francs CFP) |
|||||
Fraction de la population de la circonscription |
Élection des conseillers municipaux |
Élection des membres de l'assemblée de la Polynésie française |
|||||
Listes présentées au premier tour |
Listes présentées au second tour |
Listes présentées au premier tour |
Listes présentées au second tour |
||||
N'excédant pas 15.000 habitants |
156 |
214 |
136 |
186 |
|||
De 15.001 à 30.000 habitants |
137 |
195 |
107 |
152 |
|||
De 30.001 à 60.000 habitants |
118 |
156 |
97 |
129 |
|||
De plus de 60.000 habitants |
107 |
147 |
68 |
94 |
» |
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à retrancher les frais de transport des dépenses électorales. Mais l'amendement n° 7 du Gouvernement est meilleur, car il instaure le remboursement de ces frais et il me semble qu'on peut aisément s'y rallier. Je retire donc l'amendement de la commission.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
1° Supprimer le 5° du II de cet article.
2° Compléter cet article par un IX ainsi rédigé :
IX. - Après l'article L. 415-1 du même code, il est inséré un nouvel article L. 415-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 415-2. - Dans les circonscriptions électorales mentionnées à l'article 104 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, à l'exception de celle des Îles du vent, les frais de transport aérien dûment justifiés, exposés à l'intérieur de la circonscription intéressée par les candidats à l'élection des membres de l'assemblée de Polynésie française, sont remboursés aux listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés dans la circonscription concernée, dans la limite d'un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l'outre-mer.
« Un arrêté du haut-commissaire de la République fixe le barème et les modalités suivant lesquels ces dépenses sont remboursées par l'État. »
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Je remercie M. le rapporteur. En effet, cet amendement tend à prendre en compte les spécificités géographiques de la plupart des circonscriptions électorales pour l'élection de l'assemblée de la Polynésie française. Celles-ci sont constituées, je le rappelle, d'archipels couvrant de très vastes étendues.
Monsieur Flosse, malgré les arguments que vous venez de développer, vous voyez bien que le Gouvernement se montre très attentif aux problèmes liés à l'éloignement !
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 407 du code électoral.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les deux premiers alinéas du II du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 408 du code électoral :
« La déclaration de candidature est enregistrée par le haut-commissaire si les conditions prévues au présent titre sont remplies. Le refus d'enregistrement est motivé.
« Un récépissé définitif est délivré par le haut-commissaire, dans les trois jours du dépôt de la déclaration, après enregistrement de celle-ci.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de simplification rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. - À l'article L. 559 du code électoral, après les mots : « à Mayotte, » sont insérés les mots : « en Polynésie française, ».
II. - À l'article L. 562 du même code :
1° Le troisième alinéa (2°) devient le quatrième alinéa (3°) ;
2° Il est inséré, après le deuxième alinéa (1°), un alinéa ainsi rédigé :
« 2° Livre V : L. 386 et L. 390-1. » (Adopté.)
Article 3
Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Les sections 1 et 2 du chapitre V du titre II du livre II sont remplacées par l'article suivant :
« Art. L. 225-2. - Le tribunal administratif de la Polynésie française exerce les attributions que lui confie la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, notamment ses articles 159-1, 174 et 175. » ;
2° À l'article L. 311-7 :
- au premier alinéa, le mot : « notamment » est inséré après les mots : « en premier et dernier ressort » ;
- les 2° et 3° deviennent les 4° et 5° ;
- sont insérées les dispositions suivantes :
« 2° Des recours prévus par l'article 70, le dernier alinéa de l'article 80 et l'article 82 ;
« 3° Des recours prévus par les articles 116 et 117 ; »
3° L'article L. 554-1 est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les 2° et 3° de cet article :
2° À l'article L. 311-7 :
- les 2° et 3° deviennent les 4° et 5° ;
- après le deuxième alinéa (1°) sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 2° Des recours prévus par les articles 70 et 82 de ladite loi organique ;
« 3° Des recours prévus par les articles 116 et 117 de ladite loi organique ; »
3° Au dernier alinéa de l'article L. 554-1, la référence : « l'article 172 » est remplacée par les références : « aux articles 172 et 172-1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, de correction et de coordination !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa (c) du I de l'article L. 312-1 du code des juridictions financières est complété par les mots : « ou d'une chambre territoriale des comptes ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Article 4
I. - Pour les élections à l'assemblée de la Polynésie française organisées en application du I de l'article 19 de la loi organique n° ....-... du ... tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, les déclarations individuelles de rattachement prévues au II de l'article L. 414 du code électoral sont adressées par les représentants sortants au haut-commissaire de la République dans les huit jours qui suivent la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française.
II. - Pour l'application du quatrième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral, l'événement qui rend l'élection nécessaire est la publication de la loi organique n°...-... du ... au Journal officiel de la République française.
III. - Par dérogation au I de l'article 8 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à compter de sa publication au Journal officiel de la République française.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le I du présent article, remplacer la référence :
19
par la référence :
20
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement vise à rectifier une erreur matérielle, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... . - Pour le renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française prévu au I de l'article 20 de la loi organique n° ... du ... tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, les inscriptions portées au tableau rectificatif de la liste électorale de chaque commune de Polynésie française établi en 2008 entrent en vigueur à la date du premier tour de scrutin.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que le Gouvernement souhaitait l'organisation d'élections territoriales anticipées. Bien évidemment, il convient de permettre à tous les jeunes qui auront atteint 18 ans à la date du scrutin et, plus généralement, aux nouveaux inscrits à la date du 31 décembre prochain de participer à ce scrutin anticipé.
Nous proposons donc d'intégrer dans ce texte des dispositions qui permettront à toutes celles et à tous ceux qui sont inscrits pour la première fois sur les listes électorales de participer à ce choix de destin pour la Polynésie française.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. J'ai pu constater sur place que cette disposition était très attendue par la population.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Nous ne pouvons, bien évidemment, qu'être favorables à une disposition tendant à permettre à des citoyens d'exercer leur droit de vote, ce qu'ils auraient pu faire sans difficulté si les élections avaient été organisées à la date initialement prévue...
Cela étant dit, ne créons pas un blocage supplémentaire. Nous sommes donc favorables à cette mesure exceptionnelle.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Pour les élections en vue du renouvellement des conseils municipaux en mars 2008 en Polynésie française et par dérogation à l'article L. 56 du code électoral, le second tour de scrutin est organisé le deuxième dimanche qui suit le premier tour.
Cet amendement n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Contrairement à mes collègues, je ne souhaite pas que mon explication de vote de tout à l'heure vaille pour les deux textes.
À propos du projet de loi sur lequel nous allons maintenant nous prononcer, je ferai un constat : il vise à tirer les conséquences de l'adoption du projet de loi organique et de la précipitation du Gouvernement dans cette affaire.
Je voudrais tout de même faire remarquer à ceux de mes collègues qui vont le voter que ce texte tend notamment à modifier - cela devient presque monotone - les délais relatifs à l'organisation de la campagne électorale en Polynésie française, ainsi que la durée de celle-ci.
La majorité est obligée de procéder ainsi, parce que la promulgation des deux textes qui nous ont été soumis aujourd'hui interviendra à une date telle que si les délais jusqu'alors en vigueur, que justifie d'ailleurs l'immensité de la Polynésie française, avaient été maintenus, il aurait été impossible de tenir le calendrier fixé par le Gouvernement. Pour ce faire, vous êtes donc obligés de tout réduire : les délais pour le dépôt des déclarations de candidature, la durée de la campagne, après nous avoir pourtant expliqué de multiples façons la spécificité de la Polynésie française, l'immensité de son territoire et la difficulté d'y faire campagne dans un temps très court !
Au travers de ce projet de loi ordinaire, il nous est donc simplement proposé, parce que l'adoption d'une loi de convenance nous y oblige, de légiférer sur l'organisation de la campagne électorale. Cela étant, s'agissant de la Polynésie française, la majorité actuelle nous a tellement habitués à renier par de nouvelles dispositions législatives celles qu'elle avait prises antérieurement que tout espoir n'est pas perdu de voir rétablir un jour des délais normaux...
Certaines mesures du présent projet de loi sont logiques. Cependant, nous nous abstiendrons, considérant que ce texte tire les conséquences techniques du projet de loi organique contre lequel nous nous sommes prononcés à l'instant.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Bernard Frimat. Le groupe socialiste s'abstient !
Mme Odette Terrade. Le groupe CRC vote contre !
8
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, par ce rappel au règlement, je veux attirer l'attention de la présidence du Sénat, de la commission des finances et du Gouvernement sur l'application de l'article 40 de la Constitution, relatif à l'irrecevabilité financière des amendements présentés par les parlementaires.
Depuis la décision du Conseil constitutionnel n° 2006-544 du 14 décembre 2006, le Sénat applique strictement la règle de l'irrecevabilité financière des amendements présentés par les parlementaires, irrecevabilité qui est désormais déclarée dès le dépôt de l'amendement. Cela signifie que celui-ci ne peut être examiné ni en commission ni en séance.
S'agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, c'est une quinzaine d'amendements de mon groupe qui ont ainsi été déclarés irrecevables. Ils portaient sur des sujets aussi importants que le handicap, l'amiante, le financement des services départementaux d'incendie et de secours. Sur ces thèmes, point de salut possible hors initiative du Gouvernement ! J'y reviendrai plus tard dans le cours des débats, mais, sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui de l'amiante, on voit bien que cela nous mène à l'inertie.
À l'heure où le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Balladur, suggère de renforcer les droits du Parlement, l'application de l'article 40 de la Constitution dans les conditions actuelles constitue une véritable négation du droit d'amendement des parlementaires. Dans le cas présent, nous l'acceptons et le comprenons d'autant moins que le projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte financier - il l'est parfois trop, malheureusement - et qu'il est donc difficile de ne pas présenter d'amendements dont l'adoption aurait des conséquences financières.
En effet, si l'on peut toujours gager un amendement visant à diminuer une recette, il est impossible de le faire pour un amendement tendant à aggraver une charge. La seule solution qui nous reste alors est de nous montrer plus restrictifs que le Gouvernement, qui est pourtant déjà bien parcimonieux lorsqu'il propose d'ouvrir de nouveaux droits. Je pense en particulier ici à l'article 60 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont l'objet est notamment d'instaurer un droit d'option entre l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et la prestation de compensation du handicap.
Il est d'ailleurs à noter que cette parcimonie est bien moins prononcée lorsqu'il s'agit d'accorder des cadeaux fiscaux aux plus aisés de nos compatriotes. Mais passons !
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, cette situation ne peut perdurer. Il faut trouver un nouvel équilibre entre le droit d'amendement des parlementaires et l'orthodoxie financière. Je suis sûr que, sur toutes les travées de cet hémicycle, de nombreux collègues déplorent la dureté de cette règle et les conséquences de son application sur la qualité et la richesse du travail parlementaire. Il nous semble que, s'agissant notamment des débats qui touchent aux grands enjeux de société - et le financement de la sécurité sociale en est assurément un -, on ne saurait souffrir que le droit d'amendement, droit imprescriptible de la représentation nationale, puisse être à ce point limité.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Depuis de nombreuses années, on le sait, un différend nous opposait, notamment, au président de la commission des finances sur les modalités de l'application de l'article 40 de la Constitution.
Aujourd'hui, les règles ont changé et notre collègue Jean-Pierre Godefroy vient de montrer très clairement à quels résultats cela conduisait. Pour notre part, nous partageons totalement son point de vue.
Nous voulons pouvoir débattre en toute sérénité d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, par son contenu, en particulier deux mesures tendant, l'une, à la création de nouvelles franchises en matière de remboursement de soins, l'autre, à la montée en charge de la tarification à l'activité, présage des difficultés majeures, notamment pour les assurés sociaux et l'hôpital public. Or il s'agit bien là d'un texte financier, et l'on voit bien quels effets pervers entraîne l'application de l'article 40 depuis que sont intervenues la décision du Conseil constitutionnel précitée, d'une part, et l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, d'autre part.
Le rôle des parlementaires se trouve donc amputé, au travers, en particulier, d'une remise en cause de leur droit d'amendement. Nous considérons que c'est injustifiable et nous nous joignons, bien entendu, à la protestation de notre collègue socialiste.
M. le président. Acte est donné de ces rappels au règlement.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous n'avons aucune marge d'appréciation quand il s'agit d'appliquer des décisions du Conseil constitutionnel.
9
Financement de la sécurité sociale
pour 2008
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 67,72 et 73).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes tous conscients des enjeux de la discussion qui s'ouvre aujourd'hui, conscients des déficits cumulés de la sécurité sociale, conscients des efforts à fournir pour maintenir un système de soins de qualité, conscients de l'urgence d'assurer la pérennité de nos retraites par répartition. Nous sommes d'autant plus conscients de tout cela que la sécurité sociale est l'un de nos biens collectifs les plus précieux, qu'elle est l'un des piliers de notre République, qu'elle est l'un des éléments majeurs de la solidarité qui unit tous les Français.
En considération de ces enjeux, le Gouvernement a décidé d'apporter une réponse, une réponse concrète, une réponse complète, une réponse dans la durée.
Comment allons-nous procéder ? Il faut d'abord se fixer un cap, il faut définir une méthode, il faut se fonder sur des principes.
Le cap, c'est le rétablissement des comptes et c'est la modernisation de notre système de santé.
La méthode, c'est bien évidemment, surtout dans ce domaine, la concertation, suivie de l'action. La concertation est nécessaire parce que l'efficience de la sécurité sociale repose sur la participation active de tous les acteurs aux réformes que nous allons conduire ; en ce qui concerne l'action, nous allons agir avec détermination sur absolument tous les leviers de réforme potentiels.
Les principes, c'est la solidarité et c'est la responsabilité. La solidarité doit être une solidarité exigeante, parce que c'est la valeur fondatrice de la sécurité sociale, la clef de voûte qui soutient tout l'édifice. Nous allons renforcer ce socle fondateur.
Quant à la responsabilité, elle sera nécessairement vigilante, parce que c'est elle qui sous-tend les efforts de solidarité de chacun. À cet instant, je vous le dis très clairement : l'État prendra toutes ses responsabilités.
Solidarité, responsabilité : ces deux principes sont au coeur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 que Roselyne Bachelot-Narquin, Xavier Bertrand, Valérie Létard et moi-même vous présentons.
M. Guy Fischer. Ils ne sont pas là !
M. Éric Woerth, ministre. Roselyne Bachelot-Narquin et Xavier Bertrand ont été retenus à Berlin par le conseil des ministres, mais Valérie Létard interviendra au titre des branches assurance vieillesse, famille et accidents du travail et maladies professionnelles. Pour ma part, j'insisterai sur les orientations du Gouvernement en matière d'assurance maladie, orientations que vous pourrez approfondir avec la ministre de la santé au cours des débats.
Avec ce projet de loi et le projet de loi de finances, auquel il est très étroitement lié - ce point a été évoqué lors du débat sur les prélèvements obligatoires -, l'État, je vous l'ai dit, prend toutes ses responsabilités.
Or être responsable, c'est d'abord établir la clarté et la sincérité dans les comptes. Dès mon arrivée à la tête du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, j'ai tenu à rétablir la clarté et la sincérité dans les relations financières entre l'État et la sécurité sociale.
L'effort que nous faisons, mesdames, messieurs les sénateurs, est sans précédent : je l'ai déjà dit, mais je tiens à le rappeler.
Je rappelle en effet que, le 5 octobre dernier, l'État a remboursé la dette de 5,1 milliards d'euros qu'il avait à l'égard du régime général. Les charges financières de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, c'est-à-dire l'organisme qui gère et centralise la trésorerie de la sécurité sociale, seront de ce fait allégées de 55 millions d'euros cette année et de 220 millions d'euros en 2008. La situation du régime général en sera d'autant améliorée.
Mon objectif est d'obtenir une clarification globale ; à cette fin, il faut dépasser le cadre du régime général. Ainsi, dès cette année, l'État reprendra à sa charge, en loi de finances rectificative - donc avant la fin de l'année -, la dette ancienne qu'il avait vis-à-vis du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, soit pas moins de 619 millions d'euros.
Nous allons engager rapidement une concertation - il ne s'agit pas des promesses classiques et habituelles en cette matière - afin de préparer un schéma de financement pérenne de la protection sociale des exploitants agricoles. Ce sera l'un de nos thèmes de travail du premier semestre de l'année 2008 pour préparer le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Cet effort sans précédent doit aussi être durable, sinon il n'aura pas d'efficacité. Je ne veux pas qu'on laisse se reconstituer demain la dette que l'on vient d'effacer aujourd'hui, et ce ne fut pas simple.
Pour cette raison, nous avons remis à niveau dans le projet de loi de finances, qui sera examiné au Sénat dans les prochaines semaines, les crédits destinés aux dispositifs financés par l'État mais qui sont gérés par la sécurité sociale. Il s'agit, par exemple, de l'aide médicale de l'État, de l'allocation de parent isolé, de l'allocation pour adulte handicapé ou de certaines exonérations ciblées.
Je sais - et c'est bien naturel - que certains sénateurs, notamment au sein de la commission des finances, sont comme moi très vigilants quant à la sincérité des lignes budgétées en loi de finances. Ils conviendront avec moi que, sur tous ces crédits destinés à financer des prestations sociales, comme du reste dans d'autres domaines, nous avons fait un effort considérable par rapport aux pratiques antérieures. Même s'il reste du chemin à parcourir, il faut savoir reconnaître ce qui a été accompli.
Afin que cet effort soit respecté, je vais imposer aux gestionnaires des différents programmes que les dotations destinées à ces dispositifs soient effectivement versées, et non pas consacrées à d'autres fins en fonction des seuls aléas de l'exécution budgétaire.
C'est pourquoi aussi nous compensons intégralement l'impact des mesures relatives aux heures supplémentaires.
Pour calculer cette compensation, il fallait bien se fonder sur un chiffre. Un débat a eu lieu sur ce sujet à l'Assemblée nationale. Nous sommes partis de la seule évaluation disponible, celle du montant actuel des heures supplémentaires.
Pour autant, il va de soi que le coût que nous avons établi, plus de 5 milliards d'euros en année pleine, sera réajusté en fonction de l'évolution de ce montant au cours de l'année 2008.
Cette compensation est solide puisqu'elle procède non pas d'une simple dotation, mais d'un transfert de recettes fiscales.
Nous complétons en effet, sans attendre, le panier de recettes fiscales affectées à la compensation des allégements généraux de charges sur les bas salaires en transférant l'intégralité des droits sur les tabacs et de la taxe sur les salaires ainsi que la TVA brute sur les alcools.
Au total, les recettes fiscales transférées au régime général devraient passer de 21 à près de 27 milliards d'euros, soit une augmentation de l'ordre de près de 30 %.
Puisque j'en suis au chapitre des cotisations sociales, je rappelle que la discussion à l'Assemblée nationale a permis de trouver un bon compromis, adopté à l'unanimité, concernant les exonérations pour les organismes d'intérêt général dans les zones de revitalisation rurale. Nous aurons également l'occasion d'en discuter, le Sénat étant sensible à ce sujet.
La clarté et la sincérité dans les comptes concernent aussi les documents transmis au législateur. Chacun peut constater que l'information du Parlement croît chaque année en quantité, en transparence et en qualité. Quel que soit votre groupe, mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que vous vous en félicitez tous.
Comme M. Vasselle le relève dans son rapport, et je m'en félicite, les commentaires des parlementaires sur les annexes ont été très largement pris en compte cette année : en ce qui concerne le PLFSS, l'annexe relative aux programmes de qualité et d'efficience, qui sont pour la première fois présentés dans leur version définitive, fournit un panorama très complet des politiques menées et des objectifs fixés et atteints.
De même, l'annexe relative à l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie, l'ONDAM, a été considérablement enrichie. Elle présente désormais la construction de l'ONDAM, son lien avec les comptes de la branche maladie, ainsi que l'articulation de l'ONDAM avec les besoins et les priorités de santé publique.
Être responsable, c'est ensuite maîtriser nos dépenses, et cela dans une logique d'efficience, non dans une logique comptable, comme je l'entends parfois.
Nous renforçons notre objectif de maîtrise des dépenses. Nous ramènerons le déficit du régime général à moins de 9 milliards d'euros en 2008. C'est encore beaucoup trop, je ne l'ignore pas, mais nettement moins que les 14 milliards que nous aurions eu à constater si rien n'avait été décidé depuis le mois de juillet.
Au-delà du plan d'urgence de juillet, nous aurions terminé en tendance avec un déficit de 14 milliards en 2009. L'objectif de 9 milliards en 2008 n'est pas si facile à atteindre compte tenu de la structure des dépenses.
En 2008, la branche famille et la branche accidents du travail retrouveront l'équilibre et le déficit du régime général d'assurance maladie sera ramené à 4,1 milliards d'euros, soit son niveau le plus faible depuis 2002.
Je retiendrai un seul taux pour traduire la maîtrise des dépenses : 2,8 %. C'est en effet le taux de progression que nous avons fixé pour les dépenses d'assurance maladie. Cet objectif est ambitieux, nous aurons certainement l'occasion d'en discuter, mais c'est un objectif réaliste parce que, si l'on tient compte de l'impact de la franchise, ce taux correspond en fait à une évolution de 3,4 % de l'ONDAM global. Ce taux est suffisant pour répondre aux besoins de notre système de santé et faire un effort notable en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.
Il est réaliste aussi parce que nous renforçons les efforts de maîtrise médicalisée et que nous apportons à l'organisation des soins des améliorations structurelles qui sont loin d'être négligeables.
Ce projet de loi contient en effet une série de réformes qui vont approfondir l'efficience de notre système de soins.
La première concerne la mise en place d'une franchise, qui rapportera 850 millions d'euros.
Cette franchise est une mesure responsable et juste.
Elle est responsable, car qui peut contester aujourd'hui que nous devons financer des priorités de santé publique aussi fondamentales que la lutte contre la maladie d'Alzheimer, les soins palliatifs ou la lutte contre le cancer ?
Chacun de ces trois éléments contribue d'une certaine façon à l'augmentation naturelle des dépenses de santé. Nous devons répondre spécifiquement à cet accroissement et y apporter évidemment les moyens supplémentaires. Il s'agit ici d'une question de dignité.
La franchise nous permettra de nous préparer collectivement à affronter l'avenir et à assurer les investissements importants que le vieillissement de la population et l'apparition de nouvelles maladies impliquent.
Nous rendrons compte chaque année - Roselyne Bachelot-Narquin s'y est engagée - en toute transparence, dans un rapport au Parlement, de l'utilisation des ressources de la franchise au service de ses priorités.
La franchise est par ailleurs une mesure juste parce que les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, les enfants et les femmes enceintes ne la paieront pas. Au total, près de 15 millions de nos compatriotes en seront exonérés, pour des raisons d'équité et de justice sociale.
Cette mesure est juste aussi parce qu'elle protège les plus malades. La franchise est plafonnée à 50 euros par an. C'est une contribution forfaitaire moins lourde que dans bien d'autres pays. En outre, ceux qui sont pris en charge à 100 % dans le cadre des affections de longue durée continueront à bénéficier de l'exonération du ticket modérateur.
La franchise respecte donc les principes de solidarité et d'égal accès aux soins qui fondent notre sécurité sociale.
La deuxième réforme porte sur le financement intégral des hôpitaux par la tarification à l'activité.
L'objectif est de donner aux hôpitaux les moyens de mieux se gérer pour mieux soigner, en évitant les incohérences coûteuses et préjudiciables au patient.
Une bonne gestion rend possible l'amélioration qualitative souhaitable en termes de soins, et réciproquement. Tel est le cercle vertueux que nous voulons promouvoir. C'est le sens de cette mesure forte qui consiste à porter de 50 % à 100 % la tarification à l'activité.
Bien entendu, cette montée en charge sera assortie d'un dispositif de stabilisation permettant d'accompagner les mutations nécessaires.
Le troisième champ de réformes inscrit dans ce projet de loi concerne la médecine de ville. Nous allons autoriser l'expérimentation de modes de rémunération novateurs pour les professionnels de santé.
Cette expérience permettra de promouvoir un mode d'exercice qui répond à la fois aux aspirations d'un nombre croissant de professionnels en termes de qualité de travail et de vie, tout en améliorant la qualité des soins rendus aux patients. Elle permettra également de mettre en oeuvre de nouveaux modes de coopération entre les différents professionnels pour concourir à une meilleure prise en charge du patient.
Nous voulons ensuite améliorer la répartition géographique des professionnels sur le territoire. Nous ne pouvons pas accepter sans rien faire que nos concitoyens s'inquiètent de savoir s'ils auront demain un médecin près de chez eux pour les soigner.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est juste !
M. Éric Woerth, ministre. Nous ne pouvons pas nous satisfaire non plus que près de quatre millions de nos concitoyens éprouvent des difficultés pour accéder à un généraliste. L'égalité de tous devant les soins est une exigence constitutionnelle, et même morale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Face à cette situation, il nous paraît raisonnable de proposer un ensemble de mesures qui appellent de nouvelles négociations conventionnelles.
Ces mesures ouvrent d'autres perspectives avec de nouveaux modes de rémunération, un exercice assoupli et des organisations renouvelées. Aucune mesure coercitive ne sera prise et la liberté d'installation, je le répète, sera garantie. La ministre de la santé est parvenue, par le dialogue, à rassurer les internes sur ce point il y a quelques semaines. Le texte initial du projet de loi a également été modifié pour permettre de les associer aux discussions conventionnelles sur les conditions d'installation. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Donnons-nous simplement les moyens d'éviter que la concentration presque naturelle des médecins n'excède par endroits les besoins de la population tandis qu'ailleurs ces derniers ne se trouvent pas satisfaits. C'est aussi une façon de répondre aux aspirations légitimes des médecins, en particulier des jeunes qui s'installent et qui espèrent une amélioration substantielle de leurs conditions de vie et de travail.
Je voudrais enfin citer une dernière réforme inscrite dans ce projet de loi : l'extension des missions de la Haute Autorité de santé.
Désormais, la Haute Autorité pourra intégrer, dans l'exercice de ses missions, une approche d'ordre médico-économique, afin de privilégier les parcours de soins les plus efficients, tant au plan médical qu'en termes de meilleure utilisation des deniers de l'assurance maladie.
Si le rétablissement des comptes de la sécurité sociale passe par une meilleure maîtrise des dépenses, appuyée sur des réformes de fond, il faut aussi chercher de nouvelles recettes.
Cette recherche doit être guidée par une exigence de solidarité, entre les acteurs de la santé et entre les générations. Cette solidarité doit être respectée par tous et exige par conséquent que nous soyons plus fermes et plus efficaces dans la lutte contre la fraude.
Les efforts que nous demandons sont équitablement partagés entre tous les acteurs : l'État ; les patients ; les professionnels de santé ; les entreprises aussi, puisqu'elles ne bénéficieront plus d'exonérations de cotisations employeur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, car ces cotisations sont faites pour inciter à la prévention ; et, enfin, l'industrie des produits de santé, puisque nous augmentons le taux de la contribution sur le chiffre d'affaires afin de tenir compte de l'accroissement très sensible des dépenses de médicaments.
Au total, si l'on tient compte du prélèvement à la source sur les dividendes instauré par le projet de loi de finances, les recettes supplémentaires s'élèveront à 2 milliards d'euros pour la sécurité sociale, dont près de 1,6 milliard pour le régime général.
Cette solidarité que nous recherchons en matière de protection sociale doit aussi s'appliquer à chacun proportionnellement à ses revenus.
La discussion à l'Assemblée nationale a permis d'enrichir ce projet de loi en y insérant une contribution sur les stock-options et sur les actions attribuées gratuitement. Cette cotisation sera affectée à l'assurance maladie.
Au-delà de la solidarité entre tous les acteurs, il y a celle qui unit les générations. C'est la deuxième solidarité. Nous la renforçons grâce au prolongement de l'activité des seniors, car il ne peut y avoir de plus en plus de pensionnés s'il y a, dans le même temps, de moins en moins de cotisants. C'est assez mathématique !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est sûr !
M. Éric Woerth, ministre. Chacun sait que la clef du redressement des comptes sociaux réside dans le prolongement de l'activité des seniors, qui, même si elles sont les personnes les plus âgées, sont encore capables de travailler.
Ce projet de loi tend donc à dissuader clairement les entreprises de faire partir les seniors en préretraite ou en retraite de façon obligatoire. Valérie Létard reviendra sur ces mesures. Nous en attendons 350 millions d'euros de recettes supplémentaires. Ces dispositions permettront d'accroître non seulement le nombre de personnes au travail, ce qui est toujours bon pour l'économie, mais aussi les recettes de la sécurité sociale. Elles sont donc doublement vertueuses.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, l'exigence de solidarité impose de lutter sans faiblesse contre ceux qui la transgressent, qui la bafouent ouvertement.
La fraude, car il ne s'agit pas d'autre chose, mine l'esprit de responsabilité et le sens de la solidarité. C'est donc là aussi une affaire d'équité et de morale. On ne peut pas demander aux Français plus de solidarité et plus d'efforts si on ne s'attaque pas plus efficacement à ceux qui tentent d'abuser de la situation.
Avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous entamons la mise en oeuvre d'un plan ambitieux et très concret de lutte contre la fraude fiscale et sociale. Il s'agit de changer d'échelle, comme me l'ont demandé le Président de la République et le Premier ministre lorsqu'ils m'ont confié la mission d'être chef de file dans cette lutte contre les fraudes.
Ce plan comporte trois grands axes d'action ; d'autres apparaîtront probablement au fil du temps.
Premier axe : nous nous donnons les moyens de mieux contrôler en développant les échanges d'informations entre les différents services. C'est la base de la lutte contre la fraude. Je vais en effet tirer profit du périmètre du ministère des comptes publics pour améliorer la qualité des collaborations entre les services fiscaux et les organismes de sécurité sociale, dans le respect, bien évidemment, des prescriptions de la CNIL.
Deuxième axe : nous renforçons les pouvoirs de contrôle des organismes sociaux. Leurs agents seront habilités à recueillir des informations auprès des tiers, tels que les banques, les fournisseurs d'énergie ou de téléphonie. Ils pourront ainsi mieux contrôler la sincérité des déclarations des assurés et mieux lutter contre la fraude aux cotisations et aux prestations.
Troisième axe : nous aggravons les sanctions. Des peines plancher sont instaurées pour le travail dissimulé : les URSSAF - je me suis récemment rendu à l'URSSAF de Melun, c'est une mesure qui est particulièrement appréciée - pourront procéder à un redressement forfaitaire correspondant à six mois de salaire minimum dans le cadre de la lutte contre le travail au noir. Nous parons ainsi à l'argument de l'employeur pris en flagrant délit qui prétend toujours que le salarié non déclaré a été embauché le matin même, voire en début d'après-midi !
Les fraudes aux allocations logement seront également sanctionnées, cette fois par la suppression des prestations pour une durée pouvant atteindre un an, en fonction de la gravité des faits.
Ce plan n'est qu'un début. Tous les sujets ne sont pas couverts. Nous essayons d'être le plus concret possible. Il faut commencer non par des grands principes, mais en s'attaquant aux vastes processus de fraude, qui sont aujourd'hui souvent d'ordre mafieux.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Éric Woerth, ministre. Des organisations sont constituées pour frauder et pour voler l'État, les contribuables et les assurés sociaux. J'aurai l'occasion de venir vous rendre compte des progrès accomplis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité sociale est l'affaire de tous ; le redressement de ses comptes implique par conséquent un effort de tous.
Le projet de loi que le Gouvernement vous soumet est, me semble-t-il, équilibré : équilibré entre maîtrise des dépenses, d'une part, et apport de recettes nouvelles, d'autre part - 2 milliards d'euros d'un côté, 2 milliards d'euros de l'autre -; équilibré parce que nous demandons des efforts à tous et que l'État fait lui-même un effort supplémentaire.
Le redressement définitif de nos comptes sociaux, auquel nous sommes tous ici, je pense, très attachés, exigera d'aller plus loin, de poursuivre sans relâche les réformes entamées et d'en engager de nouvelles. C'est ce que nous allons faire en ouvrant trois grandes concertations : sur le financement de la protection sociale, sur celui de la santé et sur les retraites.
Ces efforts ne seront possibles et efficaces que s'ils sont compris et partagés, bien évidemment, par les élus de la nation, mais aussi par nos concitoyens et les acteurs du système de santé. C'est pourquoi nous devons sans cesse rappeler à nos concitoyens le sens profond de la sécurité sociale, dont nous devons l'acte fondateur à la précédente République, ainsi que l'engagement mutuel qu'elle présuppose, la responsabilité sans faille qu'elle exige, l'adaptation permanente qu'elle nécessite.
C'est ainsi que nous continuerons à faire vivre la solidarité qui nous unit et le pacte social qui en est la traduction. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est le premier de la nouvelle législature. Il traduit les axes de réforme voulus par le Président de la République s'agissant notamment des retraites, de la famille, des accidents du travail et des maladies professionnelles ou encore de la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.
S'agissant de la branche vieillesse, nous savons que le rendez-vous de 2008 aura pour objet de conforter notre système de retraite par répartition. En attendant ce rendez-vous, disons les choses clairement : la dégradation des comptes de la branche vieillesse est un sujet de préoccupation pour le Gouvernement et pour tous.
On ne peut se contenter de se réfugier derrière les explications démographiques, notamment le « papy boom ». Il faut agir dès maintenant, et de façon équilibrée. C'est une question de responsabilité et de respect envers nos enfants. Nous avons même à leur égard une obligation de résultat, pour préserver le pacte de solidarité entre les générations.
M. François Autain. C'est mal parti !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il n'est donc pas question d'attendre le rendez-vous de 2008 sans rien faire. Le présent PLFSS doit marquer une première rupture pour modifier réellement les comportements et agir pour l'emploi des seniors.
Nous présentons donc plusieurs mesures en faveur de l'emploi des seniors.
Vous connaissez tous les chiffres. Le taux d'emploi des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans reste en France très inférieur à la moyenne européenne : il s'élevait à 37,6 % en 2006 contre 45,3 % pour l'Europe des Quinze, loin de l'objectif de 50 % fixé à l'horizon 2010 dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et très loin des 70 % de la Suède.
C'est donc là une véritable exception française, et nous nous en passerions bien. C'est surtout le résultat d'un raisonnement faux, celui du partage du travail. Maintenir un salarié de cinquante-cinq ans dans l'emploi, ce n'est pas diminuer les perspectives d'un jeune. Or la France cumule ce triste double record en Europe : le taux d'emploi des seniors y est le plus faible et le taux de chômage des jeunes figure parmi les plus élevés.
Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement entend supprimer les verrous fiscaux, sociaux et réglementaires qui pénalisent celles et ceux qui voudraient continuer de travailler et qui incitent les entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, comme les administrations, d'ailleurs, à négliger les seniors dans leur gestion des ressources humaines, comme on le constate trop souvent.
Il faut sortir des discours et des bonnes intentions et faire en sorte que les comportements changent véritablement.
S'agissant des préretraites, nous ne pouvons plus accepter qu'elles bénéficient d'un assujettissement aux cotisations et à la contribution sociale généralisée plus favorable que pour les salaires, car cela constitue aujourd'hui un encouragement de fait à la mise en préretraite. Il est donc proposé de porter de 24,15 % à 50 % le taux de la contribution créée par la loi du 21 août 2003 sur les avantages de préretraites d'entreprise.
De plus, les allocations de préretraite seront désormais assujetties à la CSG au taux de 7,5 %, tout comme les revenus d'activité. Ces nouvelles dispositions s'appliqueront uniquement aux départs en préretraite intervenant à compter du 11 octobre 2007, date de la présentation du PLFSS en conseil des ministres.
S'agissant des mises à la retraite d'office, nous ne comptons pas attendre l'extinction au 31 décembre 2009 des accords de branche qui les maintiennent à titre dérogatoire pour dissuader très fortement cette pratique.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le PLFSS prévoit de soumettre les indemnités versées dans ce cadre, qui sont aujourd'hui largement exonérées, à une contribution de 25 % en 2008, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. ... puis de 50 % en 2009, contribution dont le produit sera affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est que justice !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà une décision courageuse !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Pour faire suite à la recommandation émise par le Conseil d'orientation des retraites, le COR, dans son rapport de janvier 2007, il convient également de revenir sur une disposition adoptée par amendement dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Cet amendement avait introduit jusqu'en 2014 dans certaines branches professionnelles un dispositif incitant à des départs en retraite plus précoces ; le PLFSS prévoit sa suppression.
Nous étudions avec Christine Lagarde d'autres mesures, que nous présenterons très prochainement. L'objectif, c'est d'aller plus loin et de faire mieux que les résultats du « plan senior » de 2006, non seulement en pénalisant les entreprises qui ne jouent pas le jeu, mais également, par exemple, en encourageant celles qui le jouent. C'est, je le répète, un enjeu majeur, qui est aussi au centre de la réforme des retraites.
Certains s'interrogent sur la question de la revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier 2008, qui est prévue à hauteur de 1,1 %.
M. François Autain. Ce n'est pas beaucoup !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. J'ai bien en tête, comme vous, d'ailleurs, que la revalorisation permet de garantir le pouvoir d'achat des retraités en prévoyant une indexation des pensions de retraite sur les prix. Or, vous le savez, le chiffre qui est fixé aujourd'hui est inférieur à la hausse des prix pour 2008. Cela s'explique par le fait que, en 2007, l'augmentation des pensions était supérieure à l'inflation. Xavier Bertrand a pris un engagement devant la représentation nationale. Vous le savez, une commission de revalorisation des pensions se réunira début décembre avec les partenaires sociaux. C'est à cette commission qu'il appartiendra de dire si, oui ou non, le pouvoir d'achat a été et sera respecté.
M. Guy Fischer. Et les patrons ? Ils ont de l'argent !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Si tel n'est pas le cas - ce sont bien les partenaires sociaux qui se prononceront -, le Gouvernement prendra ses responsabilités, notamment dans le cadre du rendez-vous de 2008.
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Dans ces conditions-là, nous pourrons proposer une augmentation des pensions concernées.
M. Guy Fischer. Ce sont encore les petits qui paieront !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. La réforme de 2003 a également fixé un objectif ambitieux visant à garantir une retraite égale à 85 % du SMIC aux salariés les plus modestes ayant eu une carrière complète au SMIC. Pour y parvenir, je vous confirme que nous revaloriserons de 3 % le minimum contributif au 1er janvier 2008, qui sera ainsi porté à 633,51 euros par mois.
S'agissant de la famille, trois axes majeurs sont retenus pour le PLFSS.
D'abord, un effort particulier sera engagé en direction des familles les plus modestes pour leur offrir plus de choix dans les modes de garde de leurs enfants.
Aujourd'hui en effet, pour une famille qui fait appel à une assistante maternelle agréée, le reste à charge est supérieur à celui d'une place en crèche. Il faut donc mettre fin à cette distorsion si l'on veut qu'existe un choix réel entre les différents modes de garde.
C'est pourquoi il est prévu d'augmenter de 50 euros par mois le complément de libre choix du mode de garde de la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant, en faveur des quelque 60 000 familles qui se trouvent sous le premier seuil de ressource prévu pour cette prestation, c'est-à-dire celles dont les revenus annuels sont inférieurs à 19 225 euros. La prestation passerait ainsi de 375 euros à 425 euros par mois.
Ensuite, nous voulons rendre nos prestations plus efficaces, car plus adaptées aux besoins des allocataires.
Une première mesure vise à instaurer une majoration unique des allocations familiales à quatorze ans, qui remplacera les actuelles majorations versées en deux fois, à onze ans et à seize ans, et dont le montant sera équivalent, à quatorze ans, à celui qui est appliqué actuellement à seize ans, soit 59,57 euros par mois. Cela nous permettra d'être plus en phase avec la réalité vécue par les familles. Les études montrent en effet que c'est à quatorze ans que s'accroît le coût d'un enfant. Cette nouvelle disposition ne s'appliquera bien sûr que pour l'avenir.
La seconde mesure, qui correspond à une demande forte des associations familiales, concerne la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge. Nous savons pertinemment, et le Président de la République l'a lui-même rappelé, que le coût de la rentrée au lycée est plus élevé qu'à l'école primaire. Nous proposons donc d'inscrire dans la loi le principe de la modulation, et nous fixerons, dans la plus grande concertation, avec les partenaires sociaux et les parlementaires, les modalités précises du barème par voie réglementaire.
Le troisième axe a trait à la simplification des démarches en vue d'obtenir des prestations familiales.
Comme vous le savez, les allocataires doivent actuellement remplir une déclaration de ressources auprès de leur caisse d'allocations familiales le 1er juillet de chaque année. Dès 2008, nous supprimerons cette obligation, et c'est la déclaration d'impôt des demandeurs de prestations qui sera utilisée. Une telle mesure simplifiera la vie des allocataires, qui ne seront désormais plus contraints d'effectuer des formalités administratives redondantes.
Au-delà des mesures immédiates que je viens d'évoquer, le Gouvernement souhaite conforter notre politique familiale.
Nous entendons ainsi donner une nouvelle impulsion à la politique de la famille, en créant notamment une nouvelle structure réunissant les mouvements familiaux, les partenaires sociaux, les représentants des pouvoirs publics et les personnalités qualifiées, et ce en vue d'animer le débat et d'alimenter notre réflexion.
Cette structure permanente, qui s'inspire du Conseil d'orientation des retraites, du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et du Conseil d'orientation pour l'emploi, sera placée sous la présidence du Premier ministre. Elle nous permettra d'avoir une vision à la fois prospective et transversale de la politique de la famille, afin de pouvoir anticiper l'ensemble des défis qui se poseront dans l'avenir, tels que le droit opposable à la garde d'enfant, la dépendance, le handicap ou l'école.
J'évoquerai à présent la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale améliore la situation des ayants droit de personnes décédées d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle après le 1er septembre 2001, en clarifiant les modalités d'application de la hausse de dix points de leurs rentes, qui avait été décidée par la Haute Assemblée en 2001, au lendemain de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse.
En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit des dotations aux fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante du même ordre que l'an dernier.
Ainsi, la somme allouée au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCAATA, progressera même de 50 millions d'euros. Vous le savez, ce dispositif ne remplit aujourd'hui pas totalement son objectif et n'apparaît pas, aux yeux de certains, comme suffisamment équitable. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) C'est pourquoi, dans les prochains jours, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, mettra en place un groupe de travail qui sera chargé d'étudier, dans un cadre concerté, les modalités de recentrage de ce fonds sur les personnes ayant réellement été exposées à l'amiante.
Le sujet est important, et vous savez qu'il n'est pas facile à gérer. Le groupe de travail comprendra non seulement les partenaires sociaux et les associations de malades, mais également des parlementaires pour faire suite aux travaux très riches de l'Assemblée nationale et du Sénat sur le sujet de l'amiante, auxquels nombre d'entre vous ont d'ailleurs participé. Bien entendu, l'Assemblée nationale et le Sénat, ainsi que l'ensemble des partenaires sociaux, seront force de proposition.
J'en viens à présent au secteur médico-social.
S'agissant des personnes âgées, le professeur Ménard a remis la semaine dernière le rapport de la commission sur le plan Alzheimer, dont le Président de la République lui avait confié la présidence.
M. François Autain. Parlons-en !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il s'agit là d'un enjeu majeur pour notre société, qui connaît actuellement une évolution profonde de la longévité et de la dépendance.
D'ici à dix ans, le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans passera de 1 million à 2 millions de personnes.
M. Pierre Fauchon. Voilà une bonne nouvelle ! (Sourires.)
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Et nous savons la part que représentent dans cette population les personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées. C'est d'ailleurs tout le sens du chantier du cinquième risque social que nous conduirons.
Pour relever le défi de la longévité, le projet de loi de financement de la sécurité sociale se donne les moyens de faire plus pour les personnes âgées, avec 650 millions d'euros de mesures nouvelles, qui mettent l'accent sur plusieurs axes.
D'abord, le Président de la République s'est engagé à permettre aux personnes âgées dépendantes de rester à leur domicile, si elles le souhaitent, aussi longtemps que possible. C'est pourquoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale poursuit l'effort de création de places de services et soins infirmiers à domicile, d'accueil de jour et d'hébergement temporaire.
Ensuite, comme le maintien à domicile n'est pas toujours possible pour les personnes âgées les plus dépendantes, nous fournirons un effort très important pour les maisons de retraite en 2008, en finançant la création de 50 % de places supplémentaires par rapport aux prévisions et en poursuivant leur médicalisation et leur adaptation, notamment architecturale, à l'accueil des personnes atteintes de troubles du comportement.
En outre, nous mettons en oeuvre une solidarité renforcée pour les personnes handicapées, et ce quel que soit leur âge.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit la priorité que le Président de la République souhaite accorder au handicap, comme il l'a d'ailleurs rappelé devant l'Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales, l'UNAPEI, le 9 juin dernier.
C'est pourquoi on s'oriente, après l'achèvement du plan triennal 2005-2007, vers un effort soutenu de création de places dans les établissements et services pour enfants et adultes handicapés, avec une progression des crédits de 5,7 % et des mesures nouvelles à hauteur de 410 millions d'euros en 2008, soit 32 millions d'euros de plus qu'en 2007.
En outre, s'agissant des enfants handicapés, nous souhaitons assurer la continuité des prises en charge et mettre fin aux barrières d'âge, en étendant aux enfants le bénéfice de la prestation de compensation du handicap. Cette extension, qui prendra la forme d'un droit d'option entre les compléments d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ou AEEH, et la prestation de compensation du handicap, sera effective au cours du premier trimestre de l'année 2008.
Par ailleurs, un plan d'investissement ambitieux sera piloté par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA. Il visera à réduire les délais souvent trop longs entre l'autorisation préfectorale et la construction effective des places et à limiter les sommes laissées à la charge des personnes hébergées ou de leur famille, qui sont encore alourdies par les frais financiers des établissements. À cette fin, nous profiterons de l'expérience acquise par la CNSA à l'occasion des précédents plans de modernisation du bâti des années 2006 et 2007, dont le premier bilan est très positif.
D'une part, il faut étendre les compétences de la CNSA pour lui permettre d'aider non seulement la modernisation du parc existant, mais également la construction de places nouvelles.
D'autre part, un effort de soutien à l'investissement d'au moins 250 millions d'euros sera réalisé dès l'année 2008. Il sera financé sur les réserves de la CNSA, sachant qu'un euro injecté par cette caisse correspond à quatre euros supplémentaires pour l'investissement, avec l'ensemble des partenaires financeurs. Une telle action, qui aura un effet levier important, est donc nécessaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les semaines et les mois qui viennent seront marqués par des réformes importantes et attendues en matière de protection sociale.
Dans le champ de la vieillesse, il s'agira, bien entendu, de la réforme des régimes spéciaux et de celle des retraites.
Dans le champ de la famille, une nouvelle instance permettant de partager et de faire partager une vision large et prospective de la politique de la famille sera instituée.
Dans le champ de la dépendance, la réponse au cinquième risque social, qui constitue une attente forte de nos concitoyens, sera mise en place.
Relever le défi de la solidarité, voilà le mandat qui nous a été confié par les Français ! Nous serons au rendez-vous de nos engagements. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Pierre Fauchon. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, je note que le Sénat est passionné par la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale... (Sourires.) Heureusement que nos collègues de la commission des affaires sociales sont bien présents.
M. Guy Fischer. Il en manque !
M. François Autain. Sur les bancs du Gouvernement, c'est également dégarni !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, M. Éric Woerth et Mme Valérie Létard sont là. Cela fait du monde !
Pour la troisième année consécutive, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 s'inscrit dans le cadre juridique rénové de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
M. Guy Fischer. Parlons-en !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ainsi, et pour la première fois, nous avons la possibilité de comparer, à l'aide des mêmes règles et des mêmes tableaux, les exercices de trois années, en l'occurrence 2006, 2007 et 2008.
C'est là un intérêt majeur de la nouvelle architecture des lois de financement, qui nous a permis de renforcer nos moyens d'appréciation et de contrôle.
Mes chers collègues, cette troisième application confirme la justesse de nos analyses antérieures, car - vous vous en souvenez - nous avons dès l'origine souhaité améliorer la présentation des projets de loi de financement de la sécurité sociale, étendre leur champ d'intervention, clarifier les relations entre l'État et la sécurité sociale, renforcer l'autonomie de cette dernière, parfaire la qualité des annexes et accroître nos moyens de contrôle sur l'application des lois de financement.
C'est précisément ce à quoi procède désormais le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et je m'en réjouis. Je suis donc satisfait que le Gouvernement ait répondu positivement à nos attentes et à nos appels de l'année dernière.
À l'époque, j'avais mis en évidence des insuffisances dans la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or nombre de progrès ont été réalisés dans le texte qui nous est aujourd'hui présenté. Je m'en félicite, et je salue les initiatives prises par M. le ministre en la matière.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur le ministre, les améliorations que vous avez apportées s'inscrivent dans la perspective du renforcement du cadrage pluriannuel.
Comme vous l'avez souligné, vous avez notamment étayé l'annexe B, afin de justifier plus solidement les évolutions prévues. Ainsi, cette année, deux scénarios économiques, en lien avec les hypothèses associées au projet de loi de finances, sont envisagés dans le document, ce qui n'était pas le cas l'année dernière. De même, deux valeurs sont retenues pour l'ONDAM, ce qui est intéressant pour montrer l'effet d'un tel agrégat sur les comptes sociaux. En outre, les explications sont un peu plus fournies.
Les hypothèses retenues n'en restent pas moins éminemment volontaristes, ce qui est sans doute intrinsèque à ce type d'exercice.
Par ailleurs, nous disposons également d'un chiffrage plus précis et plus exhaustif des mesures nouvelles, et ce tant en recettes qu'en dépenses, comme cela existe déjà pour le projet de loi de finances. Par conséquent, il s'agit non pas d'une innovation, mais bien d'un alignement sur le régime applicable au projet de loi de finances.
Pour la première fois, tous les articles ont un exposé des motifs et - M. le ministre l'a souligné - des compléments ont été apportés aux annexes 8 et 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En outre, nos remarques sur les programmes de qualité et d'efficience, les PQE, en particulier s'agissant du choix et du contenu des indicateurs associés aux différents programmes, ont été, dans une large mesure, prises en compte.
En revanche - certes, on ne peut pas tout faire d'une année sur l'autre, et sans doute M. Woerth y veillera-t-il l'an prochain -, notre demande concernant une présentation des montants inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale en millions d'euros, et non en milliards d'euros arrondis à la centaine de millions d'euros près, n'a toujours pas été entendue.
Pourtant, dans les projets de loi de finances, les comptes sont bien présentés à l'euro près. Dès lors, peut-on espérer un chiffrage des mesures plus précis dans les prochains projets de loi de finances ? En effet, une présentation à la centaine de millions d'euros près laisse nos concitoyens, notamment ceux qui gagnent le SMIC ou qui bénéficient du RMI, un peu rêveurs... (Murmures approbateurs sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Autain. Et ce ne sont pas les seuls !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les Français se demandent pourquoi leurs dépenses sont calculées à l'euro près alors que les montants mentionnés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne sont même pas évalués à 100 millions d'euros près !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Quand on aime, on ne compte pas ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pour clore ces remarques générales, je voudrais tout de même souligner le contexte nouveau dans lequel intervient la discussion.
Comme je l'ai déjà évoqué, nous avons désormais un interlocuteur unique pour le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en l'occurrence M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. C'est évidemment une excellente chose, qui nous permettra de sortir enfin - du moins, je l'espère - des querelles stériles de frontières et de tuyauteries entre les deux ensembles financiers.
De fait, de réels progrès ont été réalisés. D'autres sont encore possibles. Comme je les ai déjà présentés dans le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, je n'y reviens pas.
Afin de vous faire part des observations de la commission des affaires sociales sur la situation générale des comptes sociaux, je voudrais évoquer le contenu du projet de loi, et notamment ses équilibres. J'aborderai ensuite le volet « assurance maladie ».
Contrairement à ce que nous espérions voilà un an, l'année 2006 et, plus encore, l'année 2007 n'ont pas été des années de redressement des comptes sociaux.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a donc été construit à partir d'une base dégradée.
Ainsi, le déficit du régime général de l'année 2006 s'élève à 8,7 milliards d'euros. Certes, cela représente un progrès de 3 milliards d'euros par rapport à l'année 2005. Mais - il faut le savoir - une telle amélioration est principalement liée à la recette exceptionnelle provenant de la taxation sur les plans d'épargne logement de plus de dix ans, qui aura rapporté environ 2 milliards d'euros. Sans cette mesure, le déficit aurait dépassé les 10 milliards d'euros !
En 2007, le déficit du régime général devrait finalement s'établir à 11,7 milliards d'euros.
M. François Autain. Alors que nous étions censés parvenir à l'équilibre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Certes, nous ne disposons pas encore des chiffres définitifs, mais il faut espérer que le déficit n'ira pas au-delà.
En 2007, les déficits des branches vieillesse et maladie devraient respectivement s'élever à 4,6 milliards d'euros et à 6,2 milliards d'euros, alors que nous avions voté des soldes inférieurs voilà un an.
Dans ce contexte, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 vise à ramener le déficit du régime général au même niveau qu'en 2006. En effet, nous prévoyons un déficit de 8,9 milliards d'euros pour 2008, contre 8,7 milliards d'euros en 2006.
M. François Autain. Nous faisons du sur-place !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En 2008, deux branches resteraient déficitaires. Le déficit de la branche maladie s'élèverait à 4,3 milliards d'euros et celui de la vieillesse atteindrait 5,1 milliards d'euros, soit 1 milliard d'euros de plus qu'au cours de l'exercice de l'année 2007 et 2 milliards d'euros de plus par rapport à l'année 2006.
En revanche, deux branches redeviendraient excédentaires, mais de peu. Ainsi, l'excédent de la branche famille serait de 300 millions d'euros. En outre, l'excédent de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, que M. Gérard Dériot évoquera dans un instant, serait d'environ 270 millions d'euros.
Outre la maîtrise des dépenses, quelles recettes permettent-elles d'améliorer la situation ? Le projet de loi de financement de la sécurité sociale en prévoit quatre. Il s'agit du maintien du taux de la taxe sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique à 1 %, de la suppression de l'exonération pour les accidents du travail et maladies professionnelles, de l'instauration d'une contribution sur les indemnités de mise à la retraite et de départ à la retraite, et de l'augmentation de la contribution sur les préretraites, que M. le ministre et Mme le secrétaire d'État ont déjà évoquée.
Une fois encore, le bouclage financier du projet de loi de financement de la sécurité sociale s'effectuera non seulement au moyen de recettes figurant dans le présent projet de loi, mais également grâce à certaines dispositions du projet de loi de finances pour 2008. Je pense notamment - et ce n'est pas la moindre des recettes ! - au prélèvement à la source des charges sociales sur les dividendes, dont le montant s'élève à 1,3 milliard d'euros pour les régimes obligatoires de la sécurité sociale.
Cela signifie, mes chers collègues, que la principale recette nous échappe une nouvelle fois puisqu'elle n'est pas inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Au même titre que la mesure de taxation anticipée des plans d'épargne logement décidée l'année dernière, il s'agit donc encore d'une recette exceptionnelle, d'« un fusil à un coup ».
M. François Autain. Y en a-t-il d'autres de cette nature ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous allons en chercher !
M. Alain Vasselle, rapporteur. La solution apportée fragilise d'autant l'équilibre des comptes qu'elle ne permet pas de régler structurellement le problème des recettes de la sécurité sociale pour l'avenir. Le bouclage financier de 2009 risque ainsi d'être difficile si aucune recette équivalente n'est inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour cette même année.
L'Assemblée nationale a cru bon d'améliorer les recettes en adoptant la taxation des stock-options et des attributions gratuites d'actions par l'instauration d'une contribution patronale de 10 % et d'une contribution salariale de 2,5 %.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. François Autain. C'est plutôt une bonne idée !
M. Guy Fischer. Qu'en pense M. Marini ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est d'ailleurs l'une des soixante « niches sociales » taxées au titre de cet exercice.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ce n'était pas une niche !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, je voudrais développer maintenant les quatre défis majeurs qui se présentent devant nous, sur lesquels nous aurons bien sûr l'occasion de revenir lors du débat.
Le premier défi consiste à consolider l'amélioration des relations financières entre l'État et la sécurité sociale, en précisant mieux les périmètres de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.
Au cours de ces dernières années, nos critiques se sont concentrées sur trois séries de problèmes.
D'abord, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, nous soulignons depuis un certain temps la situation inquiétante du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, et celle du FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles. Pour ce dernier, vous nous avez assuré que le Gouvernement était déterminé à apporter une solution à son financement.
Chers collègues ici présents, vous connaissez bien le problème puisque les trois quarts d'entre vous, pour ne pas dire 99 %, sont membres de la commission des affaires sociales !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Mais non !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur Jégou, vous représentez tout de même à vous seul l'ensemble de la commission des finances dans ce débat. Vous êtes donc un interlocuteur de poids ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je n'en représente tout de même pas un quart à moi tout seul !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, disais-je, les déficits cumulés de ces deux fonds vont représenter 10 milliards d'euros. Le FFIPSA subit un déficit structurel, soit un flux de l'ordre de 2,3 milliards d'euros en 2007.
Ensuite, monsieur le ministre, nous déplorons régulièrement la dette de l'État à l'égard du FFIPSA. Nous nous félicitons donc de ce que vous ayez honoré l'engagement d'y mettre fin, en y ajoutant 619 millions d'euros cette année. Il restera à régler le problème du flux, et vous avez fait part de votre détermination pour y apporter une solution très rapidement.
Enfin, nous critiquons la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale. En la matière, vous avez également honoré les engagements gouvernementaux, en remboursant 5,1 milliards d'euros au mois d'octobre. C'est une très bonne nouvelle, mais il ne faudrait pas non plus laisser la dette se reconstituer.
Or, c'est ce qui s'est produit cette année, au moins en partie, puisque nous déplorons une dette de 1,5 milliard d'euros pour le régime général et de 1,3 milliard d'euros pour les autres régimes. Au total, la dette s'élève à près de 3 milliards d'euros, et il faudra bien la couvrir à un moment ou à un autre : à l'occasion du présent texte, lors d'un prochain collectif, ou, au plus tard, l'année prochaine.
J'observe également, mes chers collègues, que les allégements de charges sociales seront bien compensés par le panier fiscal. Sur ce point également, monsieur le ministre, vous avez tenu les engagements du Gouvernement pris devant le Sénat et la représentation nationale au titre tant des allégements « Fillon » que des exonérations liées aux heures supplémentaires. Vous venez en outre de vous engager sur le respect des versements dus à la sécurité sociale. Cette annonce est très importante, et je vous en remercie.
Au cours de l'examen du texte, nous aurons à n'en pas douter quelques petits points de discussion, s'agissant des compensations : c'est le fameux article 16 du texte. Nous débattrons également des mesures que nous avions annulées en juillet dernier lors de l'examen de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, à propos de la rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage. Il apparaît que 200 millions d'euros ne seront pas compensés, à la suite de l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement parlementaire. Nous reviendrons sur tous ces points pendant la discussion des articles.
Le deuxième défi est celui du règlement des déficits et des dettes.
Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous et vos collaborateurs avez une solution à nous proposer en la matière, mais le besoin de financement dépassera tout de même 30 milliards d'euros à la fin du présent exercice. Si rien n'est fait d'ici là, il avoisinera 40 milliards d'euros à la fin de 2008.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a qu'à prévoir un demi-point supplémentaire de CRDS et en transférer le produit à la CADES !
M. François Autain. Le plafond d'avances !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Parmi les sources de financement envisageables, il y avait la solution de la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, que j'avais évoquée l'année dernière, mais sous la forme interrogative.
En tout état de cause, si vous avez de nouveau recours à cette caisse, il faudra bien lui affecter une recette correspondante. Soit vous augmentez la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, soit vous y affectez de l'argent provenant de l'État, ce qui suppose de mettre en place une « tuyauterie » compliquée, soit vous redéployez le produit de certaines cotisations alimentant l'une des branches de la sécurité sociale au profit de la CADES.
M. François Autain. Tout cela n'est pas très sérieux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Toujours est-il qu'il va bien falloir apporter une solution à ce déficit cumulé de 30 milliards d'euros. Lorsque vous répondrez tout à l'heure aux différents intervenants, n'hésitez pas à nous faire part de votre point de vue : si vous avez une idée pour résoudre le problème sans augmenter les prélèvements obligatoires, je suis preneur !
M. François Autain. Monsieur le rapporteur, vous êtes très fort !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le troisième défi concerne la réflexion nécessaire sur les dépenses. Plus précisément, il me paraît souhaitable de nous pencher sur quatre niveaux de dépenses.
Il s'agit, premièrement, de la politique des exonérations de charges, en particulier des allégements ciblés. Il serait tout de même intéressant d'analyser leur impact sur l'emploi rapporté à leur coût.
Il s'agit, deuxièmement, de la maîtrise du déficit de l'assurance maladie et de l'évolution spontanée des dépenses. Je n'entre pas dans les détails, car nous aurons l'occasion d'en reparler.
Il s'agit, troisièmement, du problème du déficit structurel de l'assurance vieillesse. Nous attendons avec impatience non seulement le rendez-vous de 2008, mais également les résultats de la réforme des régimes spéciaux qui mobilise actuellement M. Xavier Bertrand. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'est pas parmi nous aujourd'hui, ce qui nous vaut le privilège de recevoir Mme Valérie Létard pour parler de cette question en son nom et au nom du Gouvernement.
Il s'agit, quatrièmement, du financement de la dépendance, dossier cher à Mme Létard. Chacun a pu le constater, le Président de la République a confirmé la volonté du Gouvernement de réfléchir sur le cinquième risque et sur son financement.
À ce titre, monsieur Jégou, un groupe de travail commun à la commission des affaires sociales et à la commission des finances devrait d'ailleurs se mettre en place pour réfléchir à ce problème. Pour ma part, j'espère que nous parviendrons à trouver une solution honorable sans avoir à nous diriger vers l'instauration d'une cinquième branche de la sécurité sociale.
M. Guy Fischer. Bien sûr...
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Enfin, le quatrième défi est celui du financement de la sécurité sociale.
M. François Autain. C'est un vrai défi !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il importe de faire face à des dépenses croissantes, qui sont liées notamment, chacun le sait, à l'évolution des besoins en matière de santé et de vieillesse. Tous les experts le disent, cette tendance ne pourra pas être inversée et sera, au mieux, infléchie. Je n'ai d'ailleurs pas trouvé une seule personne initiée à cette question sur tout le territoire national et osant me soutenir le contraire ! Il manque à la sécurité sociale une source de financement à la fois pérenne et dynamique.
Dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, que j'ai l'honneur de présider, nous avons fait état de plusieurs pistes, que j'ai d'ailleurs évoquées la semaine dernière au moment du débat sur les prélèvements obligatoires. Je ne les développerai donc pas de nouveau, pour ne pas allonger mon propos, mais je vous invite tous à en prendre connaissance.
Malgré tout, pour tenter d'apporter une réponse à chacun de ces défis, je vous présenterai dès à présent un certain nombre d'amendements adoptés par la commission des affaires sociales.
La première série d'amendements vise les « niches sociales ». Nous aurons à débattre du sujet puisque, je le rappelle, l'Assemblée nationale a institué une taxe sur les stock-options et les attributions d'actions gratuites.
Pour notre part, nous vous proposerons de créer une taxe à taux très faible assise sur l'ensemble de l'assiette exonérée.
De plus, nous estimons nécessaire d'engager une réflexion sur la création éventuelle d'une taxe nutritionnelle. Si nous avons dans un premier temps évoqué les boissons sucrées, il est clair qu'un tel dispositif devrait être étendu à l'ensemble des aliments sucrés, qui sont la source des maux dont nos concitoyens souffrent aujourd'hui de plus en plus, au regard de la montée en puissance des problèmes de diabète et d'obésité.
À l'inverse, nous souhaitons par ailleurs que soit respecté un minimum de stabilité dans les règles. À cette fin, nous vous proposons deux mesures : rétablir, pour 2007, l'abattement pour charges de recherche, que nous avions créé en février dernier en faveur des laboratoires et qui a été supprimé ; supprimer la taxe sur le chiffre d'affaires des fabricants de tabac.
Une deuxième série d'amendements portera sur les contrôles et la lutte contre la fraude. Il s'agit de permettre à la CNAM, la Caisse nationale de l'assurance maladie, de récupérer effectivement ses indus. En sens inverse, certains ajouts de l'Assemblée nationale me semblent devoir être supprimés, car ils relèvent du domaine réglementaire.
Par ailleurs, nous avons le souci de renforcer l'autonomie financière de la sécurité sociale.
Nous le savons, seule la loi de financement de la sécurité sociale peut autoriser une dérogation à la règle de la compensation des exonérations de charges sociales : en application de ce principe, il nous est demandé à l'article 16 d'approuver la non-compensation de cinq mesures, pour un montant de 240 millions d'euros.
Dans la mesure où je me suis élevé ces dernières années sur l'absence de compensation, personne ne s'étonnera qu'en ma qualité de rapporteur je propose de supprimer les dispositions de cet article 16. Nous aurons bien sûr l'occasion d'y revenir.
En outre, j'ai été très satisfait de l'accueil réservé la semaine dernière par Mme Lagarde et par vous-même, monsieur le ministre, à notre proposition selon laquelle aucune exonération de charge sociale ne devrait intervenir sans avoir été approuvée par la loi de financement de la sécurité sociale. En effet, mes chers collègues, trop de lois ordinaires créent des dispositifs dérogatoires sans que leur impact sur les finances sociales soit établi ni mesuré.
J'irai même plus loin. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, si nous nous engageons effectivement dans une réforme constitutionnelle, il serait à mes yeux utile de prévoir à cette occasion une disposition pour contraindre le Gouvernement à accompagner chaque texte de loi d'une étude d'impact financier.
Nous adoptons beaucoup trop de textes contenant des mesures financières sans en mesurer les conséquences qui en résulteront pour l'équilibre de la loi de finances ou pour celui de la loi de financement de la sécurité sociale.
Il faudrait instituer un article 40 de la Constitution « inversé » ! En l'état actuel, c'est le Gouvernement qui invoque cet article à l'encontre des parlementaires désireux d'augmenter certaines dépenses. Il serait souhaitable, en retour, que le Parlement puisse invoquer ce même article à l'encontre du Gouvernement, lorsque celui-ci propose des dépenses sans avoir prévu les recettes correspondantes dans le cadre de la loi de finances qui suivra !
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais il s'agit là - je le précise - d'une proposition que je fais à titre personnel, et non au nom de la commission des affaires sociales !
M. François Autain. C'est dommage !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je voudrais maintenant évoquer le volet « assurance maladie » de ce texte.
Tout d'abord, en l'absence de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, je vous rappelle, mes chers collègues, que le présent projet de loi est le premier texte relatif aux finances sociales que le Parlement examine depuis le déclenchement de la procédure d'alerte provoquée, au mois de juin dernier, par un dérapage de plus de 2 milliards d'euros, lequel a plus particulièrement concerné les soins de ville.
Le plan d'économies élaboré par les caisses et le Gouvernement n'a d'ailleurs pas suffi à contenir ce dépassement. En conséquence, alors que le déficit avait été divisé par deux entre 2004 et 2006, passant de 11,6 milliards d'euros à 5,9 milliards d'euros, le solde de la branche maladie connaît une nouvelle dégradation en 2007, en s'élevant à 6,2 milliards d'euros.
Ensuite, il s'agit du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature. C'est donc une occasion pour le nouveau gouvernement de tracer les contours de son action dans le domaine de l'assurance maladie pour les années à venir.
Pour autant, le présent texte ne peut résoudre à lui seul tous les problèmes. À l'évidence, il se présente à nous comme un texte de stabilisation.
Sa première tâche est de réduire le déficit de la branche maladie, en le ramenant de 6,2 milliards d'euros à 4,3 milliards d'euros à la fin de 2008. Pour atteindre cet objectif, la branche maladie disposera de recettes nouvelles, à hauteur de 1,1 milliard d'euros, et devra réaliser des économies, à hauteur de 2 milliards d'euros. Ces dernières seront principalement obtenues par la mise en oeuvre des accords conventionnels et par l'application des franchises, dont la recette attendue est de 850 millions d'euros. L'ONDAM est fixé à 152 milliards d'euros et progresse de 2,8 %. Il s'agit là du taux de progression voté le plus élevé depuis trois ans.
La situation financière de l'assurance maladie ne permet pas d'esquiver la question des mesures structurelles nouvelles. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit donc des dispositions dans le domaine des soins de ville et de l'hôpital.
Trois catégories de mesures peuvent être distinguées.
La première est l'instauration de franchises sur les médicaments, les consultations paramédicales et les transports sanitaires. En fait, sont ciblés les secteurs qui connaissent les dérapages les plus importants. Le montant de ces franchises sera fixé par décret, mais, d'après l'annonce faite par le Gouvernement, il devrait être de 50 centimes d'euro par boîte de médicaments et par consultation paramédicale, et de 2 euros par transport sanitaire. Cette participation forfaitaire sera toutefois plafonnée à 50 euros par an, soit environ un euro par semaine.
M. Guy Fischer. Oh là là !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les fonds recueillis devraient servir à financer les plans Alzheimer, cancer et soins palliatifs.
Mes chers collègues, quelle appréciation pouvons-nous porter sur ces franchises ?
Il faut tenir compte, me semble-t-il, des conditions globales de remboursement dont bénéficient les assurés. Or, depuis dix ans, d'une manière assez stable, 77 % des dépenses remboursables sont prises en charge par le régime obligatoire ; sur les 23 % restants, 13 % sont réglés par les assureurs complémentaires et 10 % constituent le reste à charge de l'assuré. Dans ce contexte, il est difficile de considérer que l'instauration de la franchise puisse remettre en cause la protection offerte aux assurés,...
M. François Autain. Ce n'est qu'un début !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ...même si ce petit effort de 1 euro par semaine leur est tout de même demandé.
La deuxième nouveauté de ce PLFSS tient aux mesures relatives à la démographie médicale, sur lesquelles vous vous êtes expliqué tout à l'heure, monsieur le ministre.
Je le rappelle, la mesure phare du texte prévoyait que les partenaires conventionnels voient leurs compétences élargies au domaine de la régulation des installations. Toutefois, la rédaction initiale de ces articles a été modifiée par l'Assemblée nationale, à la suite du mouvement social des internes. Cela étant, il est toujours prévu d'autoriser les partenaires conventionnels à décider de mesures d'adaptation, notamment incitatives, pour favoriser une meilleure répartition des professionnels entre les zones sous-dotées et celles qui sont sur-dotées. Les zones seront définies par les missions régionales de santé. Pour certaines d'entre elles, c'est déjà fait.
La seule innovation importante qui ressort de l'initiative de l'Assemblée nationale est la place nouvelle accordée aux organisations les plus représentatives des étudiants, qui seraient consultées avant la conclusion de ces négociations conventionnelles. C'est peut-être une bonne chose. On peut cependant se demander si cela permettra d'inverser sensiblement la tendance et de trouver une solution plus efficace que celles que nous avions imaginées.
Dans le cadre des accords conventionnels, il existait déjà des dispositions - mesures incitatives ou mesures consistant à jouer sur les cotisations sociales - qui permettaient de peser sur le choix, par les médecins, de leur lieu d'installation.
Il nous a été précisé qu'il fallait adopter une disposition législative afin de créer un lien entre les mesures prises et le problème de la densité médicale sur le territoire national. Nous y reviendrons avec Roselyne Bachelot-Narquin. Nous verrons bien comment l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, et les professionnels de santé s'y prendront pour mettre en chantier ce dispositif et si celui-ci permet de régler le problème.
La mise en oeuvre de cette mesure sera précédée par des États généraux de la santé, organisés en janvier 2008, qui seront l'occasion d'aborder l'ensemble des problèmes liés à la démographie médicale, qu'il s'agisse de répartition territoriale, de formation ou de mode d'exercice professionnel. Nous pourrons évoquer plus longuement ce sujet demain, puisqu'un débat spécifique sera organisé, à notre demande, autour de ce thème.
La troisième catégorie de dispositions de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est constituée par un ensemble de mesures structurantes.
Par exemple, en cas de procédure d'alerte pour dépassement de l'ONDAM, l'entrée en vigueur d'éventuelles mesures de revalorisation tarifaire sera reportée, tout d'abord de six mois, puis, après la réunion d'un comité d'alerte, de trois mois. Cette mesure ne fait pas plaisir aux professionnels de santé, mais il paraît naturel, en cas de dérapage des dépenses, de faire une pause dans la revalorisation des honoraires, tout au moins pendant un certain temps.
Prenons un autre exemple : la lutte contre les fraudes et les abus s'intensifie et concernera désormais l'ensemble des actes et des prestations médicales, ainsi que les transports sanitaires.
Enfin, plusieurs mesures relatives à la rémunération des professionnels de santé libéraux sont également prévues. Des contrats individuels pourront être conclus entre les caisses locales et les médecins qui le désirent.
Mon intervention serait incomplète si je n'abordais pas, comme chaque année depuis 2003, la question de la montée en charge de la tarification à l'activité, la T2A. Elle connaît une accélération cette année, puisque les activités de médecine, de chirurgie et d'obstétrique des établissements de santé seront désormais financées à 100 % à l'activité, avec quatre ans d'avance sur le calendrier initial qui avait été présenté au Sénat par M. Jean-François Mattei. Des coefficients transitoires seront appliqués aux tarifs afin de préserver les établissements les plus fragiles. Ce dispositif est similaire à celui qui est appliqué dans le secteur privé pour assurer la convergence des établissements d'un même secteur vers les tarifs fixés par le ministre en fonction des coûts moyens constatés.
Pourquoi les établissements publics ne réussiraient-ils pas là où les établissements privés ont échoué ? J'ai lu récemment, dans un communiqué de presse, que la commission des affaires sociales du Sénat et son rapporteur voulaient « tuer » l'hôpital public et que les deux amendements que nous allions déposer sur ce sujet représentaient une « mise à mort » de l'hôpital public.
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je souhaite répondre que le Gouvernement et les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, ont deux leviers à leur disposition pour compenser d'éventuels effets indésirables de la réforme.
Le premier levier, les coefficients, permet d'atténuer l'impact négatif qui pourrait résulter des mesures proposées, notamment la convergence des tarifs intrasectoriels et intersectoriels. Le second levier, dont on parle peu, est constitué, d'une part, de la dotation accordée aux établissements par les missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation, les MIGAC, et, d'autre part, de la dotation dédiée aux CHU pour la formation universitaire. L'attribution de ces enveloppes est susceptible de corriger les effets négatifs qui pourraient résulter, dans un premier temps, de l'application d'un tarif jugé insuffisant par les représentants de l'hôpital public pour financer l'ensemble de leurs activités.
M. François Autain. En théorie !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les établissements publics dont l'activité ne permet pas de maintenir, par les seuls tarifs pratiqués, l'équilibre du budget doivent songer à leur reconversion voire à leur restructuration. Nous avons suffisamment attendu, et il est plus que temps que les hôpitaux publics se penchent sur cette situation ! Ce n'est certes pas facile, mais une disposition est prévue, dans le projet de loi, qui les aidera à introduire une plus grande souplesse dans la gestion de leur personnel.
Selon M. Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France, la FHF, 80 % des dépenses de l'hôpital public étant liées au personnel, la souplesse de gestion ne peut être la même que dans les établissements privés, et l'on ne peut donc rien y faire. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Je caricature un peu, mais c'est à peu près le fond de son propos.
M. Guy Fischer. Vous faites pire que Fischer !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous allons donner à l'hôpital public les moyens d'agir au niveau de la gestion de son personnel. Ses responsables n'auront donc plus d'excuses pour se dérober sur cette question. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Je suis pour ma part favorable à l'accélération du processus de montée en charge de la T2A, mais celle-ci a une contrepartie : la fameuse étape intermédiaire du processus de convergence entre les tarifs publics et privés, prévue en 2008, est abandonnée. Le Gouvernement s'est simplement engagé à transmettre un rapport sur la mesure de ces écarts avant le 15 octobre 2008 et s'est clairement exprimé, à l'Assemblée nationale, en faveur d'une convergence tarifaire entre établissements publics et privés, orientée vers les tarifs les plus bas. J'espère que l'on entend par là les tarifs les plus efficients.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui ! Les meilleurs tarifs !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Compte tenu de cette décision du Gouvernement, la convergence des établissements publics doit, me semble-t-il - c'est d'ailleurs le sens des amendements que j'ai déposés -, être organisée dans une perspective pluriannuelle, et les différentes étapes de cette évolution, qui doit s'achever en 2012, doivent être portées à la connaissance des gestionnaires des établissements.
Depuis le début de la réforme, ces gestionnaires souhaitent disposer d'une meilleure visibilité sur les objectifs et le calendrier retenus, conditions indispensables pour leur permettre d'adapter les établissements aux contraintes de la réforme. Cette transparence est particulièrement nécessaire dans le domaine de la convergence public-privé.
Malheureusement, les études relatives à l'analyse des écarts de coûts entre public et privé ont pris du retard et ne seront disponibles que dans un an. C'est un délai considérable ! Je m'en suis d'ailleurs entretenu avec Mme Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, ainsi qu'avec la responsable de la mission T2A, Mme Martine Aoustin.
Je le dis à l'intention de Valérie Létard et surtout d'Éric Woerth, qui pourra en parler à Mme Lagarde : trop longtemps, le ministère de la santé a été le parent pauvre, en termes de moyens humains et budgétaires, pour mener à bien l'instruction, dans des délais satisfaisants, de l'ensemble des études permettant d'engager les réformes nécessaires à l'hôpital public et d'atteindre la convergence des tarifs entre secteur public et secteur privé.
Mmes Podeur et Aoustin l'ont reconnu. Quelques moyens supplémentaires leur ayant été accordés, elles espèrent nous donner, à la fin de l'année 2008, toutes les informations que nous réclamons depuis déjà un certain temps. J'espère que nous avancerons également sur le dossier médical, auquel M. Jégou a consacré un rapport très pertinent.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ne rêvez pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous faut-il suspendre toute initiative en ce domaine pendant douze mois encore, au risque de ne pouvoir mener à bien la réforme avant 2012, ou bien prendre les devants en renforçant les exigences de productivité qui pèsent sur les établissements de santé ?
Je pense, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, que vous pourrez apporter des réponses à ces interrogations.
La commission proposera également un amendement tendant à donner plus de souplesse aux établissements dans le domaine des ressources humaines, en attendant les résultats de la mission confiée à notre collègue Gérard Larcher, dont le rapport devrait dégager les pistes, que nous n'avons pas encore trouvées, pour faire sortir l'hôpital public de l'ornière dans laquelle il se plaint d'être bloqué depuis trop longtemps.
Je vous proposerai donc, mes chers collègues, sans remettre en cause le statut des personnels, de laisser les établissements développer une gestion plus active de leurs ressources humaines.
Tels sont, mes chers collègues, les éléments que je voulais vous présenter s'agissant des équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'année dernière, je ne pouvais que déplorer avec vous la quatrième année consécutive de déficit de la branche famille. Cette année, enfin, je peux me réjouir du retour à l'équilibre prévu pour 2008.
Cette satisfaction est d'autant plus grande que l'équilibre n'a pas été obtenu au prix d'abandons de services, de suppressions de prestations ou de réductions d'allocations. Tout au contraire, c'est la fin de la montée en charge d'une nouvelle mesure, la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, qui explique l'essentiel de ce rétablissement.
Des comptes équilibrés, des dépenses maîtrisées, des recettes dynamiques : il n'y aurait pas grand-chose à dire sur la situation des comptes de la branche si la Cour des comptes avait pu les certifier. Comme nous avons eu l'occasion de le dire au président et au directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, l'impossibilité de certifier les comptes jette un doute sur leur fiabilité, ce qui est inacceptable. La branche famille est la seule dans ce cas, ce qui est d'autant plus inquiétant. La CNAF doit donc entreprendre toutes les démarches nécessaires pour remédier à la situation. C'est ce qu'elle a commencé à faire, et je ne doute pas qu'elle y parvienne.
Je voudrais, dans cette discussion générale, évoquer les deux questions qui me semblent les plus marquantes, cette année, pour la branche famille : les mesures nouvelles et l'utilisation des excédents potentiels des prochaines années.
J'évoquerai, tout d'abord, les mesures nouvelles.
J'en vois deux principales : la mise en place d'un droit d'option entre le complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, l'AEEH, et la modulation de l'allocation de rentrée scolaire, l'ARS, selon l'âge de l'enfant.
L'ouverture de la prestation de compensation du handicap, la PCH, aux enfants était un engagement pris dans la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapée, du 11 février 2005. Nous avions trois ans pour agir. Ces trois ans sont passés, et l'engagement est tenu, mais partiellement, parce que la PCH sera ouverte non pas à tous les enfants, mais seulement à ceux qui bénéficient aujourd'hui du complément d'AEEH, soit 72 000 sur les 200 000 enfants handicapés.
Je ne vous demande pas, madame la secrétaire d'État, pourquoi vous avez pris cette décision restrictive, car ce choix difficile me paraît être le bon. Ouvrir la PCH à tous les enfants handicapés dès 2008 aurait, en effet, été une double erreur : une erreur politique d'abord, car les critères d'accès à l'AEEH et à la PCH sont encore loin d'être identiques et que des parents d'enfants bénéficiaires de l'AEEH ne comprendraient pas qu'on leur refuse la PCH ; une erreur technique, ensuite, parce que les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui traitent ces demandes d'allocations, ne sont pas en mesure, aujourd'hui, de faire face à un afflux massif de demandes.
Je comprends donc parfaitement cette décision difficile, madame la secrétaire d'État.
Je la comprendrais encore mieux si vous pouviez m'ôter d'un doute. La PCH sera ouverte dès le 1er avril 2008 aux enfants les plus lourdement handicapés. Actuellement, il n'existe pas de guide d'utilisation de la prestation adapté aux enfants. Or, nous le savons, le handicap d'un enfant ne peut être évalué comme celui d'un adulte : l'autonomie s'apprécie de façon différente dans les deux cas, et le handicap d'un enfant est souvent beaucoup plus évolutif. Appliquer aux enfants le seul guide existant pour les adultes pourrait donc conduire à prescrire aux enfants des aides inadaptées. Je voudrais donc être certain qu'un guide adapté aux problématiques spécifiques des enfants sera prêt au printemps prochain.
J'en viens à la deuxième mesure nouvelle de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : la modulation de l'allocation de rentrée scolaire selon l'âge de l'enfant. Quoi de plus légitime, puisque le coût de la scolarité d'un enfant augmente avec l'avancement de ses études, et donc de son âge ? Je suppose que cette modulation se fera à l'âge de onze ans et de seize ans, c'est-à-dire aux âges habituels d'entrée au collège et au lycée.
Nous sommes parfaitement convaincus du bien-fondé de cette réforme. C'est pourquoi, madame la secrétaire d'État, je m'interroge sur l'opportunité d'un changement qui est annoncé en marge du projet de loi de financement et qui relève du domaine réglementaire, échappant ainsi à notre intervention directe : la suppression des deux majorations, à onze ans et à seize ans, des allocations familiales et leur remplacement par une majoration unique à quatorze ans.
Certes, c'est une idée de la Cour des comptes, ce qui lui confère un a priori favorable. Certes, cette mesure permettrait d'économiser 80 millions d'euros, ce qui la rend sûrement digne d'être étudiée. Mais elle me paraît en contradiction avec votre souhait légitime de moduler l'ARS en fonction de l'âge de l'enfant. En effet, dans un cas, celui de l'ARS, vous considérez que le coût d'un enfant est lié à son niveau de scolarisation, et, dans l'autre, celui de la réforme des allocations familiales, vous semblez faire comme si cet aspect des choses n'avait aucune influence, puisque vous envisagez de remplacer les majorations aux âges d'entrée au collège et au lycée par une majoration unique à quatorze ans, qui ne correspond à aucun cycle scolaire.
Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, nous expliquer l'articulation de ces deux réformes et la façon dont vous veillerez à ce qu'elles ne soient pas contradictoires ?
S'agissant des mesures nouvelles prévues pour 2008, ce sont de bonnes réformes, qui ne pourront cependant réussir qu'à certaines conditions dont je veux m'assurer.
Je souhaite maintenant ouvrir la discussion sur l'utilisation des excédents potentiels de la branche famille dans les années à venir.
Le contrôle des dépenses et la bonne tenue des recettes laissent en effet espérer un solde positif non seulement pour 2008, mais aussi pour les années suivantes. Les prévisions tablent sur des ordres de grandeur de 3 milliards d'euros d'excédents en 2010, 4 milliards d'euros en 2011 et 5 milliards d'euros en 2012. En cette période de dégradation des comptes de la sécurité sociale, ces recettes ne manqueront pas de susciter la convoitise, comme l'expérience l'a déjà abondamment montré.
Aussi, pour anticiper d'éventuelles mauvaises surprises, je voudrais que nous réfléchissions dès maintenant à la manière la plus judicieuse d'utiliser ces excédents potentiels.
Trois pistes sont d'ores et déjà explorées, et je ne doute pas que d'autres viendront par la suite.
La première piste résulte d'une promesse de campagne du Président de la République. Il s'agit du versement des allocations familiales dès le premier enfant. Le coût de cette mesure est estimé à 2,6 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien.
Je dirai franchement que je n'y suis pas personnellement favorable, non seulement pour des motifs financiers, mais aussi pour une raison de principe. En effet, les allocations familiales ne constituent pas un droit des parents attaché à la naissance d'un enfant ; elles ont été conçues comme un soutien apporté aux familles nombreuses, comme une reconnaissance de la part supplémentaire que ces familles prennent à l'avenir de la nation.
La preuve en est que ces allocations croissent plus que proportionnellement avec le rang de naissance de l'enfant. Je ne crois donc pas opportun de revenir sur cet aspect fondamental des choses, et, s'il fallait envisager d'améliorer le niveau des allocations familiales, je plaiderais plutôt en faveur de l'augmentation des montants accordés aux familles ayant plus de deux enfants.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. André Lardeux, rapporteur. Une deuxième manière constructive d'utiliser les excédents de la branche famille pourrait être de réduire les cotisations patronales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bonne idée !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En effet !
M. André Lardeux, rapporteur. Il s'agirait non pas de développer de nouvelles prestations, mais d'alléger la charge des entreprises en considérant que la survenance d'excédents est, en quelque sorte, une anomalie résultant d'un excès de prélèvement.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un principe de bonne gestion !
M. André Lardeux, rapporteur. Cette idée est d'autant plus intéressante que le coût du travail est un facteur déterminant pour la compétitivité économique d'un pays et que le fait de réduire les cotisations patronales entraînerait, selon toute vraisemblance, une baisse de ce coût.
S'il est techniquement possible et économiquement judicieux de réduire ces cotisations sans assécher les ressources de la branche famille et sans porter atteinte à l'autonomie de cette dernière, pourquoi ne pas étudier cette voie ? C'est d'ailleurs l'un des axes privilégiés par notre mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, présidée par M. Alain Vasselle.
Enfin, il existe une troisième option, qui pourrait actuellement avoir ma préférence mais qu'il faut envisager, j'en suis conscient, avec beaucoup de prudence : l'instauration, d'ici à quelques années, d'un droit opposable à la garde d'enfant. Il s'agit là encore d'une promesse de campagne du Président de la République.
Les premières discussions que nous avons eues sur ce point montrent bien que la question est difficile et qu'elle posera des problèmes juridiques et politiques délicats. En effet, à qui ce droit sera-t-il opposable ? À l'État ? Au département ? À la commune ? À la CNAF ? Qui sera responsable devant les familles ?
Cela étant, je suis convaincu qu'un tel droit créerait une incitation très forte au développement des structures d'accueil pour les jeunes enfants, structures qui sont encore insuffisantes et très inégalement réparties sur le territoire. Il va de soi que les nouvelles structures devront être innovantes et peut-être se plier à des coûts et à des contraintes techniques beaucoup moins élevés que ce qui est observé aujourd'hui.
Quelques chiffres confirment l'insuffisance des structures d'accueil proposées actuellement. En 2006, sur les 2,1 millions d'enfants âgés de trois mois à trois ans, 700 000 étaient gardés par leurs parents ou grands-parents, 1 million allant chez une assistante maternelle ou dans une structure d'accueil. Les parents des 400 000 derniers sont quant à eux restés sans réelle solution, contraints de se débrouiller au jour le jour, au détriment de leur enfant ou de leur travail, parfois même des deux.
Pour cette raison, la commission des affaires sociales proposera d'instituer un dispositif de centralisation des informations sur les disponibilités de garde au niveau local. Cela pourrait constituer un premier pas vers ce droit opposable dont nous aurons sûrement à reparler.
Pour conclure, je voudrais souligner en quelques mots la vigueur du taux de fécondité en France, qui est quasiment de deux enfants par femme, soit très proche du seuil de renouvellement des générations. Or c'est loin d'être le cas dans toute l'Union européenne. J'y vois la marque du succès de la politique familiale française. Il nous faut donc continuer à la défendre, et ce PLFSS, que je vous propose d'approuver notamment sur ce point précis de la branche famille, y contribue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Bernard Cazeau applaudit également.)
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole.
M. le président. À quel titre, monsieur Cazeau ?
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, les sénateurs du groupe socialiste doivent recevoir une délégation de manifestants se trouvant actuellement devant le Sénat. Or nous serions désolés de ne pas pouvoir entendre MM. Leclerc, Dériot et Jégou. Nous demandons par conséquent une brève suspension de séance. Si nos travaux ne pouvaient être interrompus, nous serions alors obligés de quitter l'hémicycle.
M. le président. Vous savez bien que je ne peux vous donner satisfaction, monsieur Cazeau ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC quittent l'hémicycle.)
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, hormis l'objectif de dépenses de la branche vieillesse, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ne consacre qu'un seul article aux retraites. Mais cette unique disposition constitue, à mes yeux, la grande et même la vraie réforme que la commission des affaires sociales réclame depuis des années pour mettre fin au recours massif aux préretraites.
Conformément aux engagements pris pendant la campagne électorale, le Président de la République a décidé de mettre un terme à une politique malthusienne qui a totalement échoué : celle qui consiste à généraliser les cessations précoces d'activité pour les seniors.
Ce texte nous propose donc de pénaliser lourdement, sur le plan financier, les préretraites d'entreprise ainsi que les mises à la retraite d'office. Il était grand temps, car ces mécanismes ont littéralement torpillé la réforme des retraites de 2003 et expliquent, pour une bonne part, l'ampleur des déficits actuels de la branche vieillesse.
Nous avions pourtant essayé d'endiguer ce flux : l'an dernier, le Sénat s'était prononcé à l'unanimité contre la prorogation des avantages sociaux accordés aux mises à la retraite d'office, ce qui n'avait malheureusement pas empêché que la version définitive de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 impose leur maintien, sous une autre forme, jusqu'en 2014. J'en conclus que nous avions simplement eu raison trop tôt.
Cela étant, quelle est la situation de la branche vieillesse ? Selon moi, elle est paradoxale. En dépit de la réforme de 2003, son déficit s'est nettement creusé depuis quatre ans. Alors que ce dernier était de 1,9 milliard d'euros en 2006, il s'élève à 4,7 milliards d'euros en 2007 et devrait atteindre 5,7 milliards d'euros en 2008.
Cette évolution défavorable ne s'explique pas uniquement par le facteur démographique lié aux départs en retraite massifs des premières classes d'âge du baby-boom d'après-guerre.
À mon sens, la principale explication est ailleurs. Le succès de la réforme de 2003 supposait, en réalité, la mobilisation de tous les acteurs du monde du travail et l'appel à leur esprit de responsabilité. Or la faiblesse persistante du taux d'emploi des seniors montre la limite de l'exercice, comme vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, madame la secrétaire d'État.
En fait, cette réforme a été confrontée à des obstacles imprévus et considérables. Tout d'abord, la conjoncture économique s'est avérée moins favorable que prévu et la diminution du chômage a été plus tardive que nous ne l'espérions. Ensuite, une accumulation de mesures ponctuelles a, au fil du temps, érodé les équilibres financiers de l'assurance vieillesse.
Tous ces éléments font qu'avec le recul - mais c'est toujours plus facile à dire après - il n'aurait pas fallu limiter l'horizon de la réforme à 2020.
J'ajoute que nous devons aussi avoir la lucidité d'aborder certaines questions dérangeantes. Je veux parler ici du coût, beaucoup plus important que prévu, de la mesure concernant les carrières longues, qui représente plus de 2,3 milliards d'euros chaque année pour le seul régime général.
Est-ce soutenable encore longtemps ? Je n'en suis pas convaincu, d'autant que ce dispositif a été partiellement détourné de son esprit initial. On constate ainsi que les assurés sociaux ont racheté leurs années de cotisations incomplètes ou d'études pour pouvoir accéder à ce dispositif, ce qui n'avait jamais été envisagé à l'origine.
Enfin, nous le savons tous, la politique de promotion de l'emploi des seniors amorcée par les pouvoirs publics à partir de 2003 a été largement vidée de son contenu par les accords conventionnels signés par les partenaires sociaux. Une multitude de dispositifs de cessation précoce d'activité fonctionnent toujours à plein régime et contournent totalement l'esprit de la réforme.
La France reste donc la lanterne rouge en Europe dans ce domaine. Le taux d'emploi des seniors stagne même depuis quatre ans pour les femmes et baisse encore un peu plus pour les hommes.
Il faut donc se féliciter de voir le projet de loi de financement de la sécurité sociale rompre avec l'hypocrisie et les pratiques du passé. La commission des affaires sociales vous proposera d'ailleurs d'aller au-delà des dispositions qu'il propose.
Cela étant, je m'inquiète d'une autre dérive potentielle, liée aux négociations en cours entre les syndicats et le patronat sur la pénibilité. Cette notion est difficile à cerner. La logique voudrait d'ailleurs qu'elle soit prise en compte et compensée durant la vie active, par le salaire et l'amélioration des conditions de travail, et non au moment de la cessation d'activité.
Je vois dans cette négociation un risque élevé de création d'un nouveau mécanisme de préretraite, au moment même où la question de la soutenabilité financière du dispositif des carrières longues est posée.
Telle est la situation. Elle conduit à conclure qu'un ajustement important s'imposera l'an prochain, ne serait-ce que pour préserver le pacte entre les générations.
Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales entend participer activement à la prochaine réforme des retraites en agissant comme une force de proposition. Depuis plus d'un an, nous nous sommes préparés à l'échéance de 2008 et nous avons conclu, à travers plusieurs rapports, à la nécessité de prendre différentes mesures.
Premièrement, il convient de mettre en oeuvre rapidement un ensemble de mesures d'économies.
Deuxièmement, on ne doit pas surestimer les excédents potentiels de l'assurance chômage ou la productivité future de notre économie ; c'est d'ailleurs le reproche que nous avons adressé au dernier rapport du COR dont le scénario s'appuie systématiquement sur l'aspect le plus favorable de chaque paramètre. Ce n'est pas réaliste.
Ttroisièmement, il faut préparer la réforme suivante, celle de 2012, pour qu'elle soit structurelle, fondée, par exemple, sur les comptes notionnels suédois.
Quatrièmement, il faut s'attacher à bien cibler les catégories d'assurés sociaux susceptibles d'être mis à contribution. Les jeunes générations et les actifs du secteur privé ont déjà assumé la charge principale des réformes précédentes. Au contraire, les trois fonctions publiques n'y ont contribué que depuis 2003, et encore de manière très progressive.
Or, on le sait, les fonctionnaires pourraient représenter en 2020 plus de 60 % des besoins de financement de la branche vieillesse, c'est-à-dire trois fois leur part relative dans la population active. C'est donc sur ce point qu'il faudra à mon avis faire porter l'effort principal.
À court terme, un retour à l'équilibre des comptes impliquera d'adopter des mesures courageuses sur le plan financier.
Nous proposons ainsi d'accélérer la mise en oeuvre des mesures d'économies, à commencer par la décote dans la fonction publique qui, à nos yeux, devrait être pleinement effective dès 2012, et non en 2015.
Nous estimerions imprudent d'engager de nouvelles dépenses au-delà des mesures en faveur du minimum vieillesse et des pensions de réversion annoncées par le Président de la République pendant la campagne électorale.
Il faudrait aussi contrôler le dispositif des carrières longues et peut-être envisager de n'en ouvrir le bénéfice qu'à partir de l'âge de cinquante-huit ans.
Enfin, il paraît indispensable, d'une part, de repousser à cinquante-huit ans l'âge auquel les chômeurs sont dispensés de recherche d'emploi, cette mesure devant ensuite être supprimée d'ici cinq à dix ans, et, d'autre part, de demander un nouvel effort aux assurés sociaux sous la forme d'un report à soixante et un ans de l'âge « normal » de départ en retraite. Je mets tous les guillemets nécessaires autour du mot « normal », car nous savons bien qu'actuellement cette normalité est parfaitement extraordinaire.
Une autre option pour l'allongement des carrières pourrait consister à remplacer l'âge légal de la retraite par une fourchette d'âge, comprise, par exemple, entre soixante et soixante-cinq ans, sur la base d'un barème actuariel, comme cela se fait à l'étranger, notamment en Suède.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Au-delà de ces mesures comptables, trois dossiers doivent être traités.
Le premier dossier est celui des pensions compte tenu de la croissance rapide - 6 % par an ! - des dépenses qui y sont affectées dans le budget de l'État.
La réforme du code des pensions civiles et militaires impliquerait de poursuivre le processus d'harmonisation avec le régime général - c'est ce que tous les Français demandent - en agissant cette fois sur les modalités de calcul des pensions, sur les règles de bonifications ainsi que sur les possibilités de départs anticipés.
Le deuxième dossier est celui - question récurrente ! - de la mise en extinction rapide du dispositif des suspensions des fonctionnaires de l'État d'outre-mer...
M. Paul Blanc. Ah !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. ...qui, outre son caractère contestable, donne lieu à des fraudes contre lesquelles il est impossible de lutter.
Catherine Procaccia, André Lardeux et moi-même avons d'ailleurs pris l'initiative de déposer une proposition de loi en ce sens ; elle a été cosignée à ce jour par quatre-vingt-cinq sénateurs et, mes chers collègues, vous pouvez encore vous y associer ! (Sourires.)
Le troisième dossier est celui des régimes spéciaux, dont nous avons abondamment parlé lors du débat du 2 octobre dernier et pour lequel, monsieur le ministre, vous savez pouvoir compter sur le soutien de la commission des affaires sociales.
Nous attendons bien sûr le résultat des négociations dans les grandes entreprises nationales, résultat auquel nous serons très attentifs dans l'hypothèse où certains seraient tentés de tout faire pour vider la réforme de sa substance.
Dès maintenant, nous considérons qu'il faut sécuriser davantage les prochains adossements de la RATP, de La Poste et, le cas échéant, de la SNCF au régime général, et nous proposerons des amendements en ce sens.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. En définitive, ce PLFSS comme le rendez-vous de 2008 seront tous deux dominés par l'urgence ainsi que par la nécessité du retour à l'équilibre des comptes de la branche vieillesse.
Au-delà de ces mesures paramétriques indispensables, la commission des affaires sociales souhaite l'ouverture d'un processus de réflexion pour une réforme, cette fois structurelle, dans la perspective du rendez-vous de 2012.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de lancer une expertise approfondie sur les régimes par points et sur la possibilité de transposer en France le mécanisme des comptes notionnels suédois complété par son système d'ajustement financier ? Je suis convaincu de l'intérêt de cette étude pour l'avenir de notre régime de retraite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que je me propose d'examiner avec vous la situation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale, je constate que ce domaine n'intéresse plus les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC, qui ont quitté l'hémicycle alors qu'était abordé un sujet tout de même primordial et semblant jusqu'à présent « dans leurs cordes » !
La branche accidents du travail et maladies professionnelles, dite « branche AT-MP », est la plus petite des quatre branches : ses dépenses devraient s'élever, en 2008, à environ 11,8 milliards d'euros, dont 10,5 milliards d'euros pour le régime général, ce qui représente seulement 3 % des dépenses totales de sécurité sociale. Cela ne signifie cependant pas que les risques professionnels soient des questions marginales.
Les statistiques récentes confirment les tendances contrastées précédemment observées.
D'un côté, le nombre d'accidents du travail, qui a déjà baissé de 16 % entre 2000 et 2006, continue de diminuer. Le seul bémol porte sur les accidents de trajet, à l'origine d'un accident mortel sur cinq, qui progressent depuis deux ans. Je crains d'ailleurs que cette tendance ne soit renforcée par la mise en place des Vélibs à Paris, compte tenu de la façon de conduire de certains utilisateurs, dont quelques-uns se rendent sans doute à leur travail !
De l'autre côté, le nombre de personnes reconnues atteintes de maladies professionnelles est toujours en augmentation.
Les cas sont concentrés sur un petit nombre de pathologies : ainsi, 70 % des malades sont atteints d'affections périarticulaires, causées par des gestes ou des postures de travail, et 14 % par des maladies de l'amiante. Les secteurs du bâtiment et des travaux publics, du bois- ameublement et de la chimie accusent la plus grande proportion d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Cette analyse des risques m'amène à vous présenter les principales données financières de la branche AT-MP.
Les prévisions favorables que je vous avais exposées l'année dernière ne se sont malheureusement pas tout à fait vérifiées. On espérait un retour à l'équilibre en 2007 ; le déficit avoisinera en réalité 370 millions d'euros.
Cette erreur de prévision s'explique par une sous-estimation des dépenses et par un excès d'optimisme quant aux recettes. La branche AT-MP n'avait en particulier pas anticipé correctement la progression rapide des dépenses d'indemnités journalières qui a été observée cette année.
Les comptes de 2007 ont également été dégradés par une mesure de provisionnement des déficits accumulés par le FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d'activité des salariés de l'amiante, pour un montant de 170 millions d'euros.
Au cours des deux dernières années, ce fonds n'a pas disposé de ressources suffisantes pour faire face à ses obligations, ce qui a obligé la branche AT-MP à lui consentir des avances ; mais la Cour des comptes ayant douté du remboursement de ces avances, elle a demandé que ces dernières soient comptabilisées comme des charges de la branche.
Cela étant, l'assainissement financier devrait finalement intervenir en 2008 : la branche dégagerait l'an prochain un excédent de 273 millions d'euros, essentiellement grâce à l'amélioration de ses recettes.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit en effet de rétablir les cotisations AT-MP dont les entreprises pouvaient être dispensées au titre de certaines exonérations de charges sociales.
Cette mesure ne concerne pas l'allégement « Fillon », mais elle touche les dispositifs « ciblés » applicables à certains salariés ou sur certaines parties du territoire, les zones franches urbaines ou les zones de revitalisation rurale, par exemple.
On en attend 320 millions d'euros de recettes supplémentaires versées par les entreprises. L'État économisera 140 millions d'euros, puisqu'il n'aura plus à compenser une partie de ces exonérations à la sécurité sociale, et la branche AT-MP disposera de 180 millions d'euros de ressources supplémentaires, au titre des exonérations jusqu'ici non compensées.
La commission des affaires sociales considère que la suppression de ces exonérations est cohérente avec la logique d'incitation à la prévention que vous avez évoquée tout à l'heure, madame la secrétaire d'État, et qui sous-tend le calcul des cotisations AT-MP.
En effet, leur montant varie en fonction du nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles recensés dans l'entreprise au cours des trois dernières années. L'incitation à la prévention disparaît, on le comprend aisément, si les entreprises sont exonérées de ces cotisations.
J'en viens aux transferts à la charge de la branche, qui vont augmenter de 50 millions d'euros l'an prochain au profit du FCAATA, dont la situation financière reste très dégradée en raison notamment du faible rendement de la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.
Cette contribution devrait rapporter moins de 30 millions d'euros l'an prochain, en dépit de la décision que le Sénat a prise l'an dernier de porter son plafond de 2 millions d'euros à 4 millions d'euros. Ce faible rendement s'explique par les nombreux recours en justice lancés par les entreprises, recours qui ont pour effet de différer ou de diminuer leurs versements.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur le groupe de travail chargé de réfléchir à la réforme du FCAATA dont Xavier Bertrand envisage, comme Mme la secrétaire d'État le disait tout à l'heure, la création ?
Pour conclure sur ce point, je regrette que la contribution de l'État au financement des fonds de l'amiante ne soit pas encore à la hauteur de ses responsabilités. En 2005, la mission sénatoriale d'information dont j'avais l'honneur d'être le rapporteur avait demandé que l'État assume 30 % du financement de ces fonds, ce qui allégerait la charge de la branche AT-MP.
Vous êtes chargé, monsieur le ministre, des comptes publics, et permettez-moi de regretter que l'État n'ait pas consenti, jusqu'ici, d'effort budgétaire en ce sens. Sans doute l'examen du projet de loi de finances pour 2008 nous donnera-t-il l'occasion de faire le point sur cette question. Certes, nous savons que les sommes en jeu sont importantes, mais il conviendrait que les efforts déjà entrepris soient menés jusqu'au bout.
Le deuxième volet de mon propos portera sur les initiatives prises au cours de l'année écoulée en matière de prévention des risques professionnels.
Ces initiatives démontrent que ce dossier reste une priorité pour les pouvoirs publics, notamment pour le ministère du travail.
Le Gouvernement a d'abord décidé de poursuivre la mise en oeuvre du plan « santé au travail » lancé par Gérard Larcher en février 2005.
L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, grâce aux moyens qui lui ont été alloués, est désormais opérationnelle. Elle a rendu en avril 2007 un premier avis consacré aux fibres minérales artificielles, dont certaines présentent des caractéristiques physiques proches de celles de l'amiante. Elle recommande d'améliorer la traçabilité de l'exposition des salariés à ces substances et de renforcer les normes de protection. Il serait intéressant que le Gouvernement nous indique s'il compte donner des suites à cet avis.
Ensuite, dès sa prise de fonctions, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, a souhaité donner une nouvelle impulsion à la politique de prévention.
La conférence sur les conditions de travail, qui s'est tenue le 4 octobre dernier et dont notre collègue Gérard Larcher était le rapporteur, a permis de lancer des actions concrètes.
Il serait trop long de dresser la liste exhaustive des initiatives qui ont été annoncées ; je soulignerai simplement que la commission des affaires sociales approuve l'attention portée à la prévention des troubles psychosociaux, dont plusieurs suicides dans de grandes entreprises ont récemment révélé l'ampleur.
Pour lutter plus efficacement contre ces troubles, il est en effet prévu de transposer, par la voie de la négociation, deux accords européens consacrés, l'un, à la lutte contre le harcèlement et la violence au travail, l'autre, au stress. Pour approfondir notre réflexion, le ministre vient par ailleurs de confier une mission sur ce sujet à deux experts.
L'année 2007 a enfin été marquée par l'achèvement de la négociation engagée par les partenaires sociaux à la fin de 2005 sur la réforme de la branche AT-MP. Deux accords ont été conclus : le premier, en février 2006, porte sur la gouvernance de la branche, le second, en mars 2007, sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels.
Le premier accord réaffirme le caractère strictement paritaire de la gestion de la branche et prévoit d'inscrire dans les textes la règle tacite selon laquelle la présidence de la commission AT-MP de la Caisse nationale d'assurance maladie revient à un représentant des employeurs.
Dans un premier temps, il avait été envisagé de faire figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un article reprenant les conclusions de cet accord, mais cette option a été abandonnée après que le Conseil d'État a fait observer l'absence d'impact financier de cette mesure.
Le second accord tend à renforcer les actions destinées aux PME et aux très petites entreprises en matière de prévention, à réaliser une étude de faisabilité sur la possibilité d'inclure dans le dossier médical personnel des fiches d'exposition professionnelle et de faire bénéficier, à titre expérimental, les salariés des particuliers employeurs d'un suivi médical adapté.
En matière de tarification, il vise surtout à ramener de 200 à 150 salariés le seuil d'application de la tarification individuelle.
En matière de réparation, il prévoit de maintenir le principe d'une réparation forfaitaire, qui serait cependant améliorée et individualisée. La rente des victimes d'AT-MP serait majorée en cas de recours à l'assistance d'une tierce personne, la prise en charge des frais d'appareillage serait renforcée et une allocation temporaire de réinsertion professionnelle serait créée, sous réserve d'une étude de faisabilité.
Si cet accord contient indéniablement des propositions intéressantes, il laisse cependant en suspens certaines questions importantes, et on peut le regretter.
Ainsi, la nécessaire réforme de la tarification, dont chacun connaît pourtant la complexité et le manque de réactivité, est simplement esquissée.
Ensuite, il est prévu de soumettre plusieurs propositions importantes à des études de faisabilité, qui risquent de donner lieu à des interprétations diverses.
Enfin, l'amélioration de la réparation est conditionnée à « la capacité de la branche de les financer ». Cette formulation laisse entendre qu'elle devrait être mise en oeuvre à budget constant, ce qui suppose de réaliser des économies en contrepartie, par exemple au détriment du FCAATA.
En raison de ces incertitudes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit pas de transcrire dans les textes le contenu de ce second accord.
Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales juge utile de poursuivre la concertation et de procéder aux études nécessaires avant d'arrêter des décisions définitives.
Nous pensons également qu'il est nécessaire de réfléchir de façon urgente à la réforme du fonds sur l'amiante. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, compte tenu de la gravité du sujet, nous aurions pu imaginer être plus nombreux cet après-midi ; mais l'organisation de la discussion un lundi, au début d'une semaine difficile, n'était peut-être pas particulièrement propice.
Le projet de loi de financement pour 2008 est le premier projet de loi de financement de la législature.
Le socle sur lequel il repose est fragile. En effet, l'année 2007 a été marquée par une dégradation importante des comptes de la sécurité sociale, qui a nécessité, pour la première fois, le déclenchement de la procédure d'alerte au mois de mai 2007.
Le solde du régime général s'est en effet dégradé de 3 milliards d'euros par rapport à 2006, atteignant 11,7 milliards d'euros en 2007, se rapprochant ainsi des niveaux de déficit les plus élevés atteints en 2004 et en 2005. Quant au déficit de l'ensemble des régimes de base et des fonds de financement, il s'élèverait à 14 milliards d'euros en 2007.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 devrait toutefois permettre de corriger de 4 milliards d'euros l'évolution tendancielle des comptes sociaux en 2008 en ramenant le déficit du régime général à 8,8 milliards d'euros et celui de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des fonds à 9,7 milliards d'euros.
La structure du déficit du régime général devrait se modifier en 2008, avec le retour signalé d'un léger excédent pour deux des quatre branches de l'assurance maladie, la branche famille et la branche AT-MP.
Le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, devrait également connaître un excédent en 2008, mais il n'est pas sauvé pour autant, comme M. Leclerc nous l'a rappelé. Il devrait en effet enregistrer un déficit cumulé jusqu'en 2011 inclus si l'on se réfère aux projections pluriannuelles annexées au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En revanche, la branche maladie, en dépit d'une amélioration de sa situation due aux mesures proposées dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, conserverait un déficit très élevé, évalué à 4,1 milliards d'euros.
La branche vieillesse devrait encore connaître une dégradation, malgré de nouvelles recettes liées à la modification du traitement des préretraites. Son déficit devrait ainsi atteindre 5,2 milliards d'euros.
Les projections pluriannuelles annexées au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale constituent un autre élément de préoccupation. Bien que fondées sur des hypothèses économiques assez optimistes, elles ne laissent pas entrevoir de résorption rapide des déficits. Dans le scénario bas, le régime général accumulerait un déficit de 41,6 milliards d'euros pour la période comprise entre 2008 et 2012, contre un déficit cumulé de 27,6 milliards d'euros dans le scénario haut.
Je reste également très préoccupé par la situation du FFIPSA, dont on parle depuis un certain nombre d'années et qui continue de connaître une dégradation très nette avec un déficit annuel de 2,7 milliards d'euros en 2008. À cet égard, l'État s'est engagé, dans le cadre du projet loi de finances rectificative pour 2007, à reprendre le reliquat de la dette alors contractée à l'égard du Budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, soit 619 millions d'euros. Cette opération devra néanmoins faire l'objet d'une évaluation approfondie lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, ainsi qu'en loi de règlement pour 2007. II sera par ailleurs indispensable de rétablir l'équilibre structurel du FFIPSA et de lui assurer un financement pérenne.
Le président du FFIPSA qui, jusqu'à présent, défendait bec et ongles le budget de ce fonds, vient de donner sa démission.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il sera remplacé !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je n'en doute pas, mais le problème demeure.
En tant que membre du conseil de surveillance du FFIPSA représentant le Sénat, je serai très attentif à son équilibre financier.
Cette situation dégradée se retrouve dans l'évolution des plafonds d'avances de trésorerie. Avec 36 milliards d'euros, le plafond fixé pour le régime général en 2008 atteint un record absolu depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, ce qui permet à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, d'être le premier prêteur à court terme au monde. Elle pourrait se passer de figurer en tête de ce genre de classement, qui témoigne des sommets que nous avons atteints.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et à quels taux d'intérêt !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Nous en reparlerons, monsieur le rapporteur, car le montant des frais financiers pour 2008 s'élève effectivement à plus d'un milliard d'euros.
Compte tenu des difficultés que nous constatons et de la capacité de la CADES à amortir la dette, un nouveau transfert de déficit vers la CADES n'est pas à exclure. Cela supposerait cependant d'accroître ses ressources afin de ne pas allonger la durée d'amortissement. Je vous rappelle que la CADES devrait amortir la dette qui lui a été confiée à l'horizon de 2021.
Comme l'a indiqué M. Alain Vasselle dans le rapport de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, une augmentation de 0,2 point de la contribution pour le remboursement de la dette sociale permettrait de résorber les quelque 30 milliards de dettes suspendues dans le vide, car non attribuées à la CADES. Nous savons que cette dernière a la capacité d'amortir cette dette, puisqu'elle a déjà remboursé quelque 36 milliards d'euros sur les 107 milliards qui lui ont été confiés.
En réalisant cette opération, que l'opinion publique trouverait peut-être désagréable - mais elle pourrait comprendre la nécessité d'y procéder -, on éviterait à l'ACOSS de payer plus de 700 millions d'euros de frais financiers, ce qui permettrait des marges supplémentaires.
Enfin, je relève que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale procède à une certaine clarification des relations entre l'État et la sécurité sociale. Vous l'avez d'ailleurs indiqué, monsieur le ministre, et je partage votre avis à cet égard. Au début du mois d'octobre 2007, l'État a en effet remboursé 5,1 milliards d'euros à la sécurité sociale, soit le montant des créances accumulées par le régime général au 31 décembre 2006.
La Caisse de la dette publique, la CDP, a acheté des billets de trésorerie émis par l'ACOSS et annulé sa créance le 5 octobre 2007. Cette opération d'apurement de la dette apparaît comme une commodité budgétaire, qui devra faire l'objet, comme la LOLF le prescrit, d'un traitement approprié dans le tableau de financement de la loi de finances rectificative pour 2007. Cela nous calmerait quelque peu...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous aussi !
M. Guy Fischer. C'est de la monnaie de singe !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je souhaite maintenant revenir sur les différentes mesures proposées par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elles comprennent trois volets essentiels : les mesures de recettes, les mesures relatives à l'assurance maladie et le renforcement de la lutte contre la fraude.
S'agissant des mesures de recettes, qui devraient se traduire par une augmentation de celles-ci d'environ 2 milliards d'euros, je voudrais notamment relever l'alourdissement des contributions applicables en cas de préretraite ou de mise à la retraite, les aménagements de la fiscalité applicable au secteur du médicament, la révision par l'Assemblée nationale du mode de calcul des allégements généraux de charges sociales défini dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, et, enfin, l'instauration de contributions patronale et salariale sur les stock-options et les distributions d'actions gratuites.
Nous reviendrons sur ces trois dernières mesures à l'occasion de l'examen des amendements que je vous proposerai au nom de la commission des finances.
S'agissant de l'assurance maladie, l'ONDAM, si rarement respecté, semble plus réaliste pour 2008 que celui qui avait été retenu en 2007.
Plusieurs mesures visant à réguler les dépenses sont également proposées, comme l'instauration de franchises sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires, l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération des médecins libéraux, des mesures relatives à la démographie médicale, le passage dès 2008 à la tarification à l'activité à 100 % des établissements de santé du secteur public et, enfin, la réforme de la procédure d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie.
Compte tenu de ces mesures, la branche maladie devrait voir sa situation s'améliorer en 2008, mais elle conservera un déficit très élevé, évalué à 4,1 milliards d'euros.
Des progrès sont donc encore nécessaires. En particulier, il paraît essentiel d'aller plus loin dans la réforme de l'hôpital. Il semble notamment indispensable de procéder à une réforme de la gouvernance des établissements de santé et d'assurer la mise en oeuvre effective du dossier médical personnel, le DMP, qui sera une source d'amélioration de la qualité des soins et d'économies à moyen terme comme à long terme.
Nous venons d'avoir connaissance des conclusions de la mission de revue de projet sur le DMP, qui ne sont pas bonnes. D'ailleurs, j'en parlerai à Mme Bachelot-Narquin, qui nous a affirmé être une militante du DMP. J'en suis heureux. J'aurais l'occasion de l'aider à cet égard.
En effet, le constat est rude. Permettez-moi de reprendre les termes employés par la mission d'audit : le DMP s'est vu attribuer une série d'objectifs à l'évidence hors d'atteinte mais constamment mis en avant par les décideurs successifs ; l'irréalisme de ces objectifs a en permanence placé les acteurs sous la pression des échéances politiques et sous le contrôle direct des cabinets ministériels ; la stratégie actuelle comporte d'importantes zones de risques et d'incertitudes, qui nuisent à la crédibilité et à la lisibilité du projet ; enfin, l'appel d'offres pour désigner l'hébergeur de référence a été lancé de façon précipitée, et le cahier des charges comporte des impasses.
Ces propos confirment l'analyse que j'avais menée voilà deux ans. Je pourrais me réjouir d'avoir eu raison, mais je regrette surtout qu'on n'ait pas davantage tenu compte de mon analyse, ce qui aurait permis de redresser la barre.
Il est aujourd'hui nécessaire de cesser d'improviser, de se fixer des objectifs clairs et de se doter des moyens nécessaires pour les atteindre. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen des amendements.
Enfin, j'observe que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 introduit des mesures visant à renforcer la lutte contre la fraude, laquelle, selon le dernier rapport du conseil des prélèvements obligatoires, représenterait de 8,4 à 14,6 milliards d'euros.
Monsieur le ministre, vous avez souligné tout à l'heure que nous débutions en la matière, mais il faudra peut-être presser le pas : dans les conditions que nous connaissons aujourd'hui, nous ne pouvons absolument plus tolérer qu'un certain nombre d'assurés sociaux utilisent la sécurité sociale pour s'enrichir !
M. Guy Fischer. Et les dépassements d'honoraires !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. L'amélioration des échanges d'informations entre les organismes de sécurité sociale et l'administration fiscale, le renforcement des contrôles des arrêts de travail et de certaines dépenses d'assurance maladie, notamment celles qui sont relatives à l'aide médicale d'État, enfin le renforcement de la lutte contre le travail dissimulé, grâce à une meilleure coordination des services de contrôle et à l'instauration d'un redressement forfaitaire, s'inscrivent dans cette perspective.
Si, de façon générale, j'accueille favorablement ces mesures, je pense néanmoins indispensable de poursuivre dans la voie de la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie, de régler la question du dynamisme des prestations de retraites, qui contribue à dégrader dangereusement le solde de la branche vieillesse, évoqué par M. Dominique Leclerc, enfin de réfléchir à un mode de financement de notre système de protection sociale qui soit à la fois pérenne et adapté aux mutations de l'économie.
Alain Vasselle évoque souvent devant nous l'illusion que constituent des recettes non pérennes. Il en est ainsi du tabac : si nous voulons que les Français fument moins, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, les recettes diminueront !
De ce point de vue, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale ne peut apparaître que comme un PLFSS de transition, me semble-t-il. En effet, il doit être replacé dans le cadre des chantiers annoncés par le Président de la République, à savoir la réforme du financement de la protection sociale et la redéfinition du périmètre de cette dernière, la question de la couverture du risque dépendance et les réflexions sur l'avenir des régimes de retraite.
Si ces réformes d'ordre structurel étaient mises en oeuvre, elles pourraient invalider les prévisions pluriannuelles proposées dans ce projet de loi de financement pour 2008 et déboucher, à terme, sur une modification substantielle de l'architecture de notre système de protection sociale.
Alain Vasselle affirme souvent qu'il ne souhaite pas de recettes nouvelles si nous ne nous sommes pas auparavant assurés de la maîtrise des dépenses. Toutefois, compte tenu du vieillissement de la population et du coût des dépenses de santé, il faudra tout de même, à mon avis, chercher très vite une assiette plus large, monsieur le ministre. Sur ce point, le Parlement, et singulièrement le Sénat, pourra vous apporter son aide, me semble-t-il.
Sous réserve de l'adoption par le Sénat des amendements qu'elle a déposés, la commission des finances a émis un avis favorable sur le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce stade du débat, je souhaite m'exprimer sur les questions qui me concernent le plus directement. Valérie Létard et Roselyne Bachelot-Narquin feront sans doute de même tout à l'heure s'agissant de leurs propres dossiers.
Monsieur Vasselle, vous avez signalé que nous souhaitions clarifier les rapports entre l'État et la sécurité sociale. Je reviens sur cette question, car elle me semble très importante, et je concède bien volontiers à M. Jean-Jacques Jégou que nous devons aller plus loin.
Vous soulignez que nous devrions présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale établi en millions d'euros, de la même façon et avec la même précision de chiffrage que le projet de loi de finances.
Je suis assez d'accord avec vous : plus les chiffres sont précis et mieux c'est. Toutefois, vous le savez, les deux dispositifs ont un caractère différent : le projet de loi de finances mesure des dépenses exactes et précises, qui sont réalisées dans le périmètre de l'État, tandis que le projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe des objectifs et des orientations. Il est plus difficile d'entrer dans les détails pour le PLFSS, dont l'exécution est d'ailleurs très difficile à contrôler, on le voit bien.
Il me semble donc que, s'agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce niveau de détail est suffisant aujourd'hui, compte tenu des outils dont nous disposons pour réguler la dépense sociale, même si je suis prêt à aller plus loin sur cette question si vous le souhaitez.
Vous avez aussi abordé le problème très important des recettes, en suggérant d'instaurer une taxe à taux faible - 2 %, je crois - sur l'ensemble des niches sociales. Ce sera l'objet de l'un des amendements que vous présenterez, me semble-t-il, monsieur Vasselle.
André Lardeux a également évoqué cette question, que moi aussi j'aborderai volontiers. Toutefois, au-delà du coût des niches sociales, il faut examiner les raisons pour lesquelles ces dernières ont été votées par le Parlement. Avant de revenir sur ces dispositifs, il est nécessaire de mesurer le coût économique et souvent social d'une telle opération.
Certes, nous sommes confrontés à un problème de financement de la protection sociale, mais celui-ci ne sera pas résolu si la suppression des niches « tue », d'une certaine façon, l'assiette des ressources, par exemple en provoquant du chômage. En effet, si nous revenons sur une partie des dispositifs permettant l'exonération des cotisations sociales, nous augmentons le coût du travail, ce qui provoque un accroissement du chômage, et donc une diminution des recettes liées à l'activité.
L'assiette de la protection sociale constitue pour nous une question majeure, sur laquelle notre réflexion doit évoluer dans les prochains mois.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil économique et social a été saisi de cette question et il se prononcera d'ici à la fin de l'année - je ne diffère donc pas de six mois ou d'un an la prise en compte du problème ! Ses conclusions nous éclaireront et nous permettront de mener à bien la tâche que nous a confiée le Président de la République, à savoir rendre les arbitrages nécessaires pour assurer à la protection sociale un financement pérenne, en suscitant un consensus, ou du moins un débat politique approfondi, entre ses différents acteurs.
S'agissant de l'hôpital, monsieur Vasselle, le Gouvernement partage votre souci de ne pas remettre en cause le principe de convergence entre les établissements publics et les établissements privés, et nous mènerons ce rapprochement jusqu'à son terme. Si nous supprimons l'objectif intermédiaire de convergence à 50 % des tarifs en 2008, c'est par souci de sincérité, pour ne pas continuer à afficher un objectif qui, aujourd'hui, n'est pas réalisable.
Toutefois, comme Roselyne Bachelot-Narquin le rappellera sans doute, nous avons bien l'intention d'atteindre cet objectif de convergence en 2012, car c'est tout à fait essentiel.
Monsieur Vasselle, nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur les autres points de votre riche intervention lors de nos débats.
Monsieur Lardeux, vous avez souligné que les excédents à venir de la branche famille devraient nous permettre d'alléger les cotisations et de faire face aux besoins des autres branches. Cette piste, que j'avais déjà évoquée lors du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, doit être explorée avec soin, me semble-t-il. Là encore, il faudra en discuter : j'ignore si cette solution sera choisie in fine, mais le débat mérite d'avoir lieu, et il faudra arbitrer entre les différentes utilisations des excédents.
Vous avez également évoqué la clarification des rôles entre l'État et la sécurité sociale, que vous considérez comme une priorité. Je me suis moi-même exprimé sur ce sujet, et je partage votre opinion. Nous allons poursuivre l'apurement de la dette de l'État à l'égard du BAPSA pour des montants qui ne sont certes pas suffisants, mais qui seront clairement établis, au moins dans la loi de finances rectificative.
S'agissant des ressources pérennes destinées au FFIPSA, j'ai pris, avec le ministre de l'agriculture, des engagements plus précis que ceux de mes prédécesseurs, afin qu'une solution pérenne soit trouvée en 2008.
J'ai regretté d'ailleurs qu'Yves Censi ait démissionné de la présidence du comité de surveillance du FFIPSA, comme Jean-Jacques Jégou l'a rappelé. Pour ne rien vous cacher, mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai pas très bien compris son geste, et je le lui ai dit.
En effet, ce n'est pas au moment où nous nous efforçons de susciter un débat de fond sur la pérennité du FFIPSA, débat qui sera lancé dès que nous aurons achevé l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2008, que le président du comité de surveillance de cet organisme doit démissionner !
Il y a eu, me semble-t-il, un malentendu entre nous sur les dispositions de l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale, qui portent sur la gouvernance de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, sans aucun lien, par conséquent, avec le financement du FFIPSA, et qui tiennent pleinement compte des souhaits des organisations agricoles. Je crois qu'en réalité Yves Censi se trouve dans le même état d'esprit que nous. J'espère en tout cas qu'il continuera de contribuer à ce chantier - en fait, je ne doute pas qu'il le fera.
Enfin, monsieur Dominique Leclerc, vous avez salué les orientations qu'a prises le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale en faveur de l'emploi des seniors, et je vous en remercie. Il s'agit là, il est vrai, de la clef du retour à l'équilibre de la branche vieillesse et d'un défi majeur, que nous devrons relever collectivement en 2008, après le rendez-vous relatif aux régimes spéciaux de retraire.
Une fois encore, le débat aura lieu, et Valérie Létard et Xavier Bertrand apporteront toutes les réponses aux questions que vous avez posées, messieurs les rapporteurs.
De même, Valérie Létard répondra à M. Gérard Dériot, qui s'est interrogé sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, notamment sur les enjeux essentiels liés au FCAATA ; nous observons d'ailleurs tous les jours les conséquences dramatiques de l'amiante.
Monsieur Jégou, j'ai déjà répondu en partie à votre intervention, qui était extrêmement riche. Je reviendrai seulement sur le remboursement de la dette de l'État à la sécurité sociale, puisque cette question nous oppose amicalement. Il ne s'agit pas d'une opération magique, et l'argent qui est versé n'est ni de la pacotille ni de la monnaie de singe, comme je l'ai entendu affirmer.
M. Guy Fischer. Mais si !
M. Éric Woerth, ministre. Il s'agit de sommes sonnantes et trébuchantes ! Ce remboursement est clair et net, et des ressources tirées des privatisations ont été consacrées à l'apurement de la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale.
Pour ma part, j'aurais préféré que cette opération fasse l'objet d'un vote et soit inscrite dans la loi, solution qui n'a pas été retenue, et vous le reprochez à juste titre, monsieur Jégou. Toutefois, je souhaite surtout que ces sommes ne s'accumulent pas année après année, comme ce fut le cas dans le passé.
Confronté à ce problème, j'ai souhaité le résoudre le plus vite possible, afin de soulager la trésorerie de l'ACOSS et d'éviter que cette dernière ne dépasse le plafond de trésorerie et d'emprunt voté par le Parlement. Nous ferons donc en sorte que ce phénomène ne se reproduise pas.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur. On vous y aidera monsieur le ministre, si vous le voulez bien !
M. Éric Woerth, ministre. Je ne doute pas, monsieur Jégou, que nous emploierons nos forces dans le même sens !
Il y a donc bien une diminution de la dette de la sécurité sociale, qui se traduit par une réduction des frais financiers.
Cela dit, vous avez évoqué également les problèmes posés par la CADES, sur lesquels nous reviendrons au cours de nos débats.
Aujourd'hui, la dette de 2007 est logée au sein de l'ACOSS, de même que quelques autres, notamment le reliquat du déficit de 2006. Elle y prospère, mais ni plus ni moins que la dette gérée par la CADES ! Les frais financiers qu'elle suscite, et qui sont remboursés, sont à peu près les mêmes (M. .Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, manifeste son scepticisme.), et au sens du traité de Maastricht, ces sommes, qu'elles pèsent sur la CADES ou sur l'ACOSS, constituent toujours de la dette publique.
Je reconnais bien volontiers qu'il existe, d'une part, un instrument qui est fait pour la dette et, d'autre part, un outil de gestion ; mais, quoi qu'il en soit, cette dette est bien logée et visible.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur. Il y a tout de même un spread entre les deux !
M. Éric Woerth, ministre. Certes, mais l'écart est aujourd'hui positif en faveur de l'ACOSS, où la dette coûte un peu moins cher qu'à la CADES, pour des raisons qui tiennent à la structure actuelle des taux.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur. Mes informations sont différentes !
M. Éric Woerth, ministre. Je vous donnerai les chiffres précis si vous le souhaitez, monsieur Jégou !
Tels sont les éléments que je souhaitais apporter en réponse aux interventions des rapporteurs. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui, on l'a déjà souligné, est le premier de la législature, prouve que le Gouvernement est déterminé à lutter contre les déficits. Nous ne pouvons qu'applaudir la volonté ainsi mise en oeuvre, qui permettra de redresser les comptes à hauteur de près de 4 milliards d'euros.
Je le rappelle, sans la réforme de l'assurance maladie engagée en 2004 et poursuivie par Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, le déficit aurait augmenté de plus de 6 milliards d'euros en 2006.
Ce redressement nous prouve que, avec la volonté nécessaire, la gestion des deniers publics peut échapper à la fatalité de déficits toujours croissants. Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit résolument dans cette perspective, en confortant les efforts déjà entrepris et en posant les fondations d'une gestion renouvelée.
Nous devons tout faire pour permettre aux générations futures, dont nous ne pouvons hypothéquer l'avenir, de préserver une protection sociale fondée sur la redistribution. Cette responsabilité, je n'en doute pas, est présente à l'esprit de chacun d'entre nous.
Nos concitoyens sont légitimement attachés à leur modèle social, construit autour d'un principe fondamental, la solidarité nationale. Mais le maintien d'une protection sociale de qualité ne peut être garanti par l'immobilisme ou l'aggravation des dépenses. D'autres voies sont possibles, et, en élisant le Président de la République, nos compatriotes ont affirmé clairement qu'ils étaient prêts à les emprunter. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit leurs aspirations en proposant de refonder notre système de protection sociale sur des bases assainies.
Cette volonté de refondation transparaît dans des mesures destinées à remettre la sécurité sociale sur la voie du redressement financier.
Permettez-moi de revenir sur quelques mesures fortes du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
S'agissant de l'emploi des seniors, je rappelle que le travail est au coeur de notre solidarité. Or, contrairement à ce qu'on a voulu faire croire, le travail n'est ni une punition ni une denrée rare. Il est la condition première de création de richesses : sans richesses, le financement de notre protection sociale ne peut être assuré, tant il est évident qu'on ne peut distribuer l'argent que l'on n'a pas ! (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bernard Cazeau. C'est vrai ! Lapalisse n'aurait pas dit autre chose !
M. Paul Blanc. Pourtant, au lieu d'encourager le travail et l'esprit d'entreprise, notre système les bride. En témoigne le taux d'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans : alors qu'il s'élève à 45,3 % en moyenne dans l'Europe des Quinze, il n'atteint que 37,6 % en France et est bien éloigné de l'objectif de 50 % fixé pour l'horizon 2010 par la stratégie de Lisbonne.
Alors que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter et que les jeunes entrent dans la vie active de plus en plus tard, nous ne pouvons plus nous permettre de traiter les quinquagénaires et les sexagénaires comme des parias. Ils méritent d'avoir une place dans la société active, et la société active a besoin d'eux.
Pour inverser la logique infernale qui les exclut toujours plus du marché du travail, le Gouvernement propose de décourager toute mise à la retraite subie en supprimant les incitations au départ prématuré à la retraite. Afin de détourner les employeurs du recours systématique aux préretraites, le taux de la contribution patronale est doublé pour atteindre 50 %, alors que les allocations de préretraite sont soumises à un taux de CSG identique à celui d'un revenu.
Le même principe est retenu pour les retraites d'office : les indemnités versées au salarié ne sont plus exonérées de contribution patronale. Le départ à la retraite doit aussi correspondre à une logique économique, et non plus uniquement à une aubaine fiscale pour les salariés ou pour les employeurs.
En effet, toutes ces incitations au départ à la retraite anticipé allaient à contre-courant de la volonté du Gouvernement de modifier les comportements pour conforter notre système de retraite par répartition.
La commission des affaires sociales, sur l'initiative de son rapporteur pour l'assurance vieillesse, Dominique Leclerc, a souhaité aller plus loin. Le débat aura lieu à l'occasion de l'article 10. Mais il est aujourd'hui indispensable de clarifier l'avenir des retraites. Ce sera l'objet central du rendez-vous de 2008, qui ne saurait être réduit à un simple rendez-vous d'ajustement financier destiné à rétablir l'équilibre des comptes.
En ce qui concerne la franchise, comme il se doit, le Gouvernement met en oeuvre, à travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la volonté du Président de la République. Celui-ci a en effet rappelé que la solidarité nationale devait fournir un effort particulier pour combattre la maladie d'Alzheimer et poursuivre la lutte contre le cancer.
Toutefois, il ne s'agit en aucune manière de pénaliser nos concitoyens. C'est pourquoi la franchise médicale ne dépassera pas 50 euros par personne et par an. C'est également pour cette raison qu'elle ne concernera ni les titulaires de la CMU, ni les enfants, ni les femmes enceintes, comme vient de la rappeler M. le ministre. Au total, 15 millions de nos compatriotes en seront exonérés.
Dans le même esprit, à l'occasion de l'examen de l'article 35, je défendrai avec plusieurs de mes collègues un amendement de bon sens visant à exonérer de franchise les médicaments à bas prix, ainsi qu'à dispenser de la franchise les personnes handicapées percevant l'allocation aux adultes handicapés. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Ah !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. C'est bien !
M. Paul Blanc. Concernant les mesures relatives aux professionnels de santé et à l'hôpital, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie a été fixé à 2,8 % pour 2008.
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'article 40 !
M. Paul Blanc. Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, cet objectif est tout à fait réaliste, grâce non seulement aux mesures structurelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais aussi à celles qui ont été prises dès le second semestre de l'année 2007.
Pour parvenir à cet objectif, le Gouvernement propose d'inciter les acteurs de notre système de santé à modifier leurs comportements en se préoccupant autant de la nécessaire qualité des soins et des services apportés au patient que de l'impact économique de leur acte professionnel.
Il faut en finir avec la vision absurde qui oppose systématiquement la santé et l'économie, comme si les deux étaient irréconciliables. (M. Guy Fischer s'exclame.) À force de rester bloqués sur ce schéma idéologique, nous en avions oublié qu'une couverture santé généreuse passe nécessairement par une bonne gestion des ressources qui lui sont consacrées.
Par ailleurs, le Gouvernement prévoit d'instaurer des mécanismes conventionnels pour responsabiliser les acteurs de notre système de santé. Loin d'impliquer leur soumission forcée à des exigences abstraites, cette responsabilisation sera bien sûr fondée sur leur consentement. À titre personnel, je suis très favorable à la politique de conventionnement. Elle sera volontaire et pragmatique. L'accord sera proposé à tout praticien dont le taux de prescriptions - notamment les arrêts de travail - se révélera largement supérieur au taux moyen de sa région.
Ces mécanismes conventionnels visent également à encourager les bonnes pratiques des médecins libéraux. Ceux qui souhaitent aller plus loin en matière de prescription, de participation à des actions de prévention et de dépistage au bénéfice de leurs patients, d'amélioration de la continuité et de la coordination des soins, ainsi que de la participation à la permanence des soins pourront eux aussi conclure des accords d'amélioration de leur pratique.
Mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne se limite pas à ces seuls aspects conventionnels. La maîtrise des dépenses de sécurité sociale passant nécessairement par l'incitation de chaque assuré à contrôler les siennes, le texte prévoit une obligation d'information qui imposera aux professionnels de justifier les compléments d'honoraires facturés à leurs patients.
J'en viens maintenant à la problématique de l'hôpital et à la T2A. Les praticiens ne sont pas les seuls concernés. Le système hospitalier, dont chacun sait le malaise qui le mine, fait lui aussi l'objet de mesures spécifiques dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit même de l'un de ses aspects fondamentaux, à la hauteur de la place qu'occupent les hôpitaux dans notre système de santé.
Dans son allocution du 16 octobre dernier au CHU de Bordeaux, le Président de la République a affirmé sa détermination à ne pas laisser l'hôpital stagner dans l'immobilisme et le conservatisme au détriment de la qualité des soins fournis.
Or la meilleure garantie de qualité des soins fournis par un hôpital tient à l'efficacité de son fonctionnement. Pour l'encourager, le Gouvernement modifie le mode de financement des hôpitaux. Celui-ci dépendra désormais à 100 % de la T2A. Cette mesure a pour conséquence pratique immédiate l'autonomie de gestion de l'hôpital. Concrètement, elle incite l'hôpital à réorganiser ses services, la gestion de carrière de ses personnels, sa recherche, bref, à repenser l'ensemble de son fonctionnement afin qu'il accomplisse au mieux les lourdes missions qui lui incombent.
Notre groupe approuve cette mesure forte pour l'hôpital public. Nous souhaitons que cette réforme réponde au voeu qu'a formé le Président de la République pour qu'aucun établissement public de santé ne soit en déficit à la fin de son mandat.
Nous suivrons avec intérêt les résultats de la mission confiée à notre collègue Gérard Larcher par le Président de la République, et les mesures concrètes de modernisation de l'hôpital que le Gouvernement sera amené à prendre.
S'agissant de la branche famille, notre groupe soutiendra la proposition du rapporteur André Lardeux, qui vise à mettre en place un système expérimental d'information recensant toutes les possibilités de garde d'enfant sur un territoire donné, informant les parents des coûts correspondants et facilitant l'inscription des enfants. Vous n'êtes pas sans savoir, madame la secrétaire d'État, que les parents rencontrent de grandes difficultés pour faire garder leurs enfants. (Mme la secrétaire d'État acquiesce.)
Il est donc urgent de développer les modes de garde moins chers et plus faciles à mettre en oeuvre que les structures d'accueil collectives.
M. Guy Fischer. Et voilà ! On régresse !
Mme Odette Terrade. C'est le retour à la nourrice !
Mme Annie David. Si les mères pouvaient rester chez elles pour garder leurs enfants !
M. Paul Blanc. Certains enfants sont gardés dans des conditions moins onéreuses : ils n'en sont pas pour autant moins bien gardés !
Sur ce point, nous saluons l'effort du Gouvernement : 72 000 places en crèche et en halte-garderie ont été financées depuis 2002.
En ce qui concerne la sanction des abus, la raison d'être du projet de loi de financement de la sécurité sociale est de maintenir et développer une couverture sociale de qualité pour nos concitoyens. La préservation de ces prestations, qui font de notre système l'un des meilleurs au monde, est cependant fragile, et une multiplication des abus pourrait le fragiliser dangereusement.
Mme Raymonde Le Texier. C'est marginal !
M. Paul Blanc. Non seulement la fraude déstabilise économiquement notre système, mais elle porte aussi atteinte à la solidarité nationale, ce que nous ne pouvons tolérer.
M. Guy Fischer. Et les dépassements ?
M. Paul Blanc. J'en parlerai en présentant mes amendements, monsieur Fischer !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit donc, pour y faire face, des moyens que nous soutiendrons.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la sécurité sociale fait partie du patrimoine commun des Français depuis la Libération. L'étendue exceptionnelle de ses prestations a contribué à la renommée de la France dans le monde. Afin de nous montrer dignes de cet héritage, nous devons faire preuve de volonté et de créativité pour le préserver et pouvoir le transmettre à notre tour. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avec en toile de fond un climat social plus que tendu et un mouvement revendicatif qui s'est déjà exprimé et qui est sur le point de s'exprimer de nouveau, le rejet de la réforme des régimes spéciaux de retraite, le refus des réductions massives d'effectifs dans la fonction publique, la défense du pouvoir d'achat, de l'emploi et du service public, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la droite ligne de l'accélération sans précédent de la politique antisociale du Gouvernement. Il accentue la mise en oeuvre d'une maîtrise hypocritement dite « médicalisée » des dépenses de protection sociale, au détriment des familles qui vont débourser plus encore, alors même que l'on poursuit les allégements de charges pour les entreprises.
Je schématiserai ce texte ainsi : refus de dégager les moyens du financement de la protection sociale, démantèlement « pierre après pierre » de notre système solidaire et marche bien entamée vers une société individualiste et inégalitaire.
Vous me direz, comme souvent, que je suis provocateur. Mais, en la matière, vous détenez la palme ! Comment osez-vous prétendre ne pas vouloir léguer la dette aux générations futures en laissant courir 30 milliards d'euros de déficits et dettes cumulés pour l'ensemble des régimes et des fonds, avec un plafond d'avances que l'on n'a jamais connu à cette hauteur, et en octroyant parallèlement 15 milliards d'euros de nouveaux cadeaux fiscaux avec la loi TEPA ?
Comment osez-vous prétendre mettre en place une politique de prévention ambitieuse, en instaurant de nouvelles franchises, ces impôts sur la maladie que vous ne craignez pas d'imposer aux plus démunis de nos concitoyens, ceux-là mêmes qui, déjà, renoncent aux soins les plus élémentaires ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est faux ! Ils en sont exonérés !
M. Guy Fischer. Malgré la preuve faite de l'inefficacité, donc du lamentable échec, du plan Douste-Blazy censé rétablir l'équilibre en 2007, que l'on nous promet à présent pour 2012, vous n'en continuez pas moins avec les mêmes recettes, la même logique et une dose de cynisme supplémentaire, comme nous le verrons en commentant les mesures que vous proposez.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Pour la totalité du régime général, le déficit devrait s'établir, cette année, à près de 12 milliards d'euros ! Il s'agit d'une prévision a minima qui aurait dépassé les 14 milliards d'euros si l'on avait intégré les fonds de financement, à savoir le FFIPSA et le FSV, et si l'État ne s'était enfin résolu à compenser une partie de sa dette à la sécurité sociale à hauteur de 5,1 milliards d'euros, au lieu des 6,7 milliards d'euros effectifs car des dettes demeurent. Nous ne pouvons certes que nous réjouir d'avoir été enfin entendus, mais gardons à l'esprit que cela concerne la dette au titre de 2006 et des années précédentes.
La branche maladie accuse un déficit de 6,2 milliards d'euros, au lieu des 3,9 milliards d'euros attendus. En ce domaine, toutes les mesures prises confirment votre volonté de pressurer plus encore les assurés sociaux. Le ton a été donné, dès le mois de juillet, lorsque le Gouvernement, avec le soutien du MEDEF,...
M. Paul Blanc. Ah !
M. Guy Fischer. ...a validé le plan de redressement d'urgence de l'assurance maladie, correspondant à la réalisation d'une économie de 1,225 milliard d'euros en année pleine et de 417 millions d'euros d'ici à la fin de l'année, dont 350 millions d'euros seront pris dans la poche des assurés sociaux.
Aujourd'hui, le Gouvernement poursuit la même logique avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Notons, tout d'abord, que ce texte comporte très peu de recettes dignes de ce nom - M. le rapporteur Alain Vasselle le reconnaît d'ailleurs -, avec une taxation purement symbolique des stock-options et des attributions gratuites d'actions décidées à l'Assemblée nationale pour un rapport dérisoire. C'est un véritable refus de dégager les moyens du financement de la protection sociale, bien que les mises en garde et les propositions n'aient pas manqué, y compris de la part de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, Premier président de cette institution, proposant d'oser taxer les stock-options à hauteur de 3 milliards d'euros. Voilà qui eût été une recette à la hauteur des déficits !
Mais, au contraire, le Gouvernement a choisi de faire payer une nouvelle fois les assurés sociaux, tandis que sa politique d'austérité, de rigueur pèse sur les salaires et les retraites, sur les emplois publics, sur les dépenses publiques et sociales, et continue à plomber la croissance réelle et les rentrées de cotisations. Il entretient ainsi les déficits et les prend parallèlement pour prétexte pour instaurer de nouvelles mesures d'austérité !
Tout d'abord, il fixe un ONDAM à 2,8 %, une nouvelle fois intenable, selon nous. Certes, d'aucuns soutiennent que les franchises continueront à l'augmenter artificiellement.
Pourtant, dans le secteur hospitalier, il achève la mise en place accélérée de la T2A en décrétant la convergence totale des secteurs public et privé d'ici à la fin de l'année 2008. À n'en pas douter, le résultat sera catastrophique pour l'hôpital public et, dans le même temps, on restreint l'offre de soins en continuant de fermer de petits hôpitaux publics de proximité ! L'accès aux blocs opératoires, aux maternités et aux services d'urgence est de plus en plus éloigné de certains territoires, aggravant les inégalités d'accès aux soins.
Ces hôpitaux publics, accusés de coûter trop cher, sont asphyxiés financièrement. En 2006, l'ONDAM, fixé à 3,44 %, n'a été, de facto, que de 2,8 %, la différence étant utilisée pour éponger le dérapage d'activité des cliniques à but lucratif.
M. François Autain. On ne le dit pas assez !
M. Guy Fischer. Tel est l'intérêt de la convergence tarifaire que le Gouvernement impose à marche forcée !
La situation se dégradant forcément, on peut évaluer le déficit attendu à la fin de cette année à plus d'1 milliard d'euros. Et pour s'en sortir, les établissements suppriment des services et des postes !
M. François Autain. Et avec l'amendement déposé par M. Vasselle, cela ira encore plus mal !
M. Guy Fischer. Cela ira effectivement encore plus vite et plus mal !
Dans notre pays, le secteur privé à but lucratif est le plus important de toute l'Europe.
M. Alain Vasselle, rapporteur. La question n'est pas là ! Il coûte le moins cher à la sécurité sociale et pratique les tarifs les plus bas !
M. Guy Fischer. Examinez les résultats du groupe Générale de santé qui s'élèvent à 420 millions d'euros !
Notons une entrée massive des fonds de pension anglo-saxons ; 30 % de l'hospitalisation privée est concernée !
Bien entendu, la convergence tarifaire va aggraver ce processus !
Pour les soins de ville, l'on peut dire que la montagne accouche d'une souris avec le grand projet gouvernemental de lutte contre la désertification médicale. Un très long débat à l'Assemblée nationale a abouti à ce qui aurait dû être un préalable : la recherche de solutions est renvoyée à la concertation avec l'assurance maladie, les syndicats de médecins et d'internes ! Pour ce qui relève de l'intervention de l'État, le Gouvernement n'aurait-il pas dû, tout d'abord et de toute urgence, modifier le numerus clausus - mesure destinée à réduire l'offre de soins -, qui est la cause première de la situation actuelle...
M. Paul Blanc. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait voilà dix ans ?
M. Guy Fischer. ...et mettre en place une vraie politique d'aménagement du territoire pour renforcer la présence des services publics, au lieu de réduire cette dernière de façon dramatique et quasiment irréversible ? Pour quelles raisons les médecins iraient-ils s'installer à la campagne alors que les structures médicales sont fermées au fur et à mesure ?
Parallèlement, le Gouvernement nous annonce la mise en place des agences régionales de santé, calquées sur les agences régionales de l'hospitalisation, qui vont étendre à la médecine de ville la maîtrise comptable appliquée à l'hôpital, avec les résultats que l'on sait !
Dans le secteur social et médico-social, le Gouvernement décrète que la signature des conventions tripartites doit être achevée à la fin de l'année 2008. Concernant les personnes âgées, l'ONDAM retenu enregistre une progression de 8 %, contre 13 % en 2007, et cette hausse n'est possible qu'en raison d'un prélèvement de 200 millions d'euros opéré sur les réserves de la CNSA ! C'est l'augmentation la plus faible connue depuis 2003. Les établissements ne pourront pas supporter une telle situation. C'est pourquoi il faut donner droit à la proposition de l'Association des directeurs au service des personnes âgées de repousser d'un an les signatures de conventions.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Encore un an !
M. Guy Fischer. Et que dire du problème crucial de la dépendance et du cinquième risque - je parlerai, pour ma part, de « cinquième branche » -, qui mériterait un large débat ? Le Gouvernement en repousse une fois encore l'analyse !
Mais il poursuit la mise en place des franchises injustes, dangereuses, inefficaces, justifiées par une raison cachée. Je développerai ce point de vue ultérieurement, lors de l'examen de l'article 35 et des amendements. Le mot « franchises », terme assurantiel, ce qui n'est pas neutre, tend à inspirer confiance. Je lui préfère, pour ma part, pour parler vrai, le mot « taxes ». Il s'agit, en réalité, d'un impôt sur la maladie qui pourrait, à terme, n'épargner personne, car les exonérations consenties pour les soins dispensés aux enfants, aux femmes enceintes et aux personnes relevant de la CMU complémentaire ne sont pas inscrites dans le projet de loi, pas plus que le plafond prétendu de 50 euros par personne et par an. Les franchises s'ajoutent à la participation de 1 euro par consultation ou par acte de biologie, aux dépassements d'honoraires de plus en plus nombreux et scandaleux.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Toujours dans la limite de 50 euros !
M. Guy Fischer. Dans ma ville, à Vénissieux, un retraité malade du cancer est venu me dire sa détresse : pour être dialysé trois fois par semaine, il lui en coûtera 6 euros de transport sanitaire, soit environ 300 euros par an,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans la limite de 50 euros par an !
M. Guy Fischer. ...somme qui s'ajoutera aux autres taxes, aux médicaments déremboursés et à laquelle il devra faire face avec une retraite modeste qui augmentera royalement de 1,1 %, comme nous l'a expliqué M. le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Et que dire des malades d'Alzheimer, des séropositifs, qui vont subir une véritable escroquerie ? Ils seront taxés par les franchises précisément censées permettre de lutter contre leur maladie !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans la limite de 50 euros par an, 1 euro par semaine, quelques centimes par jour ! Ne noircissez pas inutilement le tableau, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Mon cher collègue, je vous démontrerai que cette somme atteindra de 800 euros à 1 000 euros !
Pour eux, c'est la double peine ! Que dire des victimes des accidents du travail et des maladies professionnelles, et des personnes handicapées et dépendantes ? Et enfin, n'ayons garde d'oublier les anciens combattants et leurs veuves, dont Mme Bachelot-Narquin a prétendu, à l'Assemblée nationale, qu'ils seraient exonérés, ce qui n'est pas vrai. Ce qui est exécrable, dans cette pratique, c'est de considérer que les patients seraient responsables de leur maladie et auraient la volonté de « dépenser » des soins sans limites. Partant de là, les médecins seraient-ils, eux, coupables de ne pas prescrire selon les seuls besoins ?
M. François Autain. Très bien !
M. Guy Fischer. Enfin, ces taxes et cet impôt scélérats vont concourir à une augmentation du coût de la vie, déjà intolérable, qui pénalise encore plus les pauvres et touche des postes essentiels des comptes des ménages,...
M. François Autain. Le pouvoir d'achat !
M. Guy Fischer. ...que ce soient l'alimentation, le gaz et l'électricité, les produits pétroliers, les transports, les logements, inaccessibles même dans le secteur public, toutes ces hausses incessantes et insupportables des charges ! Les Français n'en peuvent plus de « tirer » sur leur budget familial. Les dépenses incompressibles représentaient respectivement, en 2001 et en 2006, 50 % et 75 % d'un budget ! Et, mes chers collègues, le « reste à vivre » s'élèvera à 621 euros pour les titulaires de l'AAH ; il sera plafonné à 606 euros pour les bénéficiaires de la CMU, et les personnes en dessous du seuil de pauvreté disposeront de 681 euros ! Sachant que les plus défavorisés sont ceux qui se soignent le moins, selon l'enquête de l'INSEE publiée à la fin du mois dernier, j'appelle cela de la « non-assistance à personnes en danger » ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Caricature !
M. Guy Fischer. Le Gouvernement fait de la lutte contre la fraude un cheval de bataille. Cette année, il pousse jusqu'à l'inacceptable la prétendue « responsabilisation » des patients et des professionnels de santé en multipliant les mesures coercitives qui portent atteinte à la vie personnelle et à la liberté individuelle. Madame la secrétaire d'État, soyez aussi vigilante avec les dépassements d'honoraires dont un certain nombre sont scandaleux. Je ne donnerai qu'un seul exemple de votre acharnement : la proposition d'étendre le droit de communication des données aux employeurs, aux banques, aux fournisseurs d'énergie et de téléphonie.
En revanche, la prévention, qui peut être une source d'économie en même temps qu'une bonne pratique de santé publique est singulièrement absente de ce projet de loi.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est faux ! Elle figurera dans les contrats individuels. Vous avez mal lu ce texte !
M. Guy Fischer. Pourtant, on ne peut, d'un côté, déclarer des grandes causes nationales de santé publique, et, d'un autre côté, ne pas les soutenir financièrement par des mesures adéquates.
J'en viens â la branche vieillesse. Elle est en déficit de 4,6 milliards d'euros, et le chiffre de 5,1 milliards d'euros est avancé pour 2008. C'est l'explosion attendue du déficit, que le Gouvernement prétend résorber en faisant travailler les Français plus longtemps, en « cassant » les régimes spéciaux...
M. François Autain. Ah !
M. Guy Fischer. ...dont les avantages ne sont pas sans contreparties et en taxant les préretraités d'une CSG à 7,5 %, eux qui ont rarement choisi l'inactivité ! Bien souvent, ce sont les patrons qui sont responsables de ces mises à la retraite anticipées.
Monsieur Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse, va jusqu'à accuser les cessations précoces d'activité d'être pour une bonne part la cause des déficits actuels de la branche vieillesse !
M. André Lardeux, rapporteur. C'est évident !
M. Guy Fischer. Soyez cohérents et confrontez vos incantations relatives à l'emploi des seniors à la réalité. Le Premier ministre lui-même, François Fillon, reconnaissait récemment que la mise à l'écart des seniors « est insupportable, incompréhensible pour les Français et idiote économiquement ».
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui, nous sommes d'accord sur le diagnostic !
M. Guy Fischer. Cependant, 400 000 personnes de plus de cinquante ans sont en recherche d'emploi et 37,9 % seulement des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans travaillent encore, comme l'a dit Paul Blanc !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes d'accord !
M. Guy Fischer. De surcroît, elles subissent des discriminations à l'embauche. Il faudra convaincre les patrons de l'utilité de ces salariés.
M. Alain Vasselle, rapporteur. On taxera ceux qui ne veulent pas conserver les seniors !
M. Guy Fischer. Venons-en aux retraites. Elles sont un problème majeur pour les générations à venir. Or, que fait le Gouvernement ? Que ne traite-t-il les véritables causes ?
Vous savez fort bien que la part des cotisations patronales n'a cessé de diminuer, les allégements passant de 1 milliard d'euros en 1993 à 25,6 milliards d'euros en 2007. Dans le même temps, le pouvoir d'achat des retraités a baissé de 15 % en quinze ans. Il est en chute libre pour plusieurs raisons conjuguées, sur lesquelles je reviendrai ultérieurement. L'accroissement de la proportion des bas salaires engendrant de faibles retraites, 40 % en moyenne des retraites liquidées par le régime général à taux plein le sont au niveau du minimum contributif, qui va royalement être augmenté de 3 % l'année prochaine, la proportion atteignant 58 % pour les femmes.
Je ne m'attarderai pas sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles, car ma collègue Annie David y reviendra lors de l'examen des articles qui y sont consacrés. À ce propos, Roland Muzeau, Michelle Demessine et moi-même avons déposé une magnifique proposition de loi sur le bureau du Sénat.
Pour ce qui concerne la branche famille, le déficit est ramené à 0,5 milliard d'euros. Nous reviendrons sur ce point. Il convient de noter que les prestations familiales sont « au pain sec », avec une revalorisation de 1 % alors que le président Sarkozy avait pourtant promis le versement des allocations familiales dès le premier enfant !
Mme Odette Terrade et M. François Autain. Promesses !
M. Guy Fischer. Le modèle social du Gouvernement et de la majorité, c'est le modèle anglo-saxon cher à M. Sarkozy.
Poursuivre comme il le fait la mise en place d'une couverture sociale à deux vitesses, déjà amorcée, revient à mettre à bas le principe fondateur que la Résistance avait su instaurer par le programme du Conseil national de la Résistance, sous l'impulsion du général de Gaulle : solidarité entre les assurés, participation des salariés et des entreprises au financement de la sécurité sociale, égalité de tous dans l'accès aux soins.
Tout ce qui a été dit et écrit autour de ce texte annonce, pour la période qui suivra les municipales, les cantonales et les sénatoriales, la poursuite de la fiscalisation du financement de la sécurité sociale avec les différentes hypothèses artistiquement échafaudées par nos collègues MM. Marini et Arthuis et, dans des proportions plus mesurées, par vous-même, monsieur Vasselle. Un article paru aujourd'hui dans Le Monde s'intitule d'ailleurs : CSG contre TVA sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah !
M. Guy Fischer. M. Vasselle penche pour la CSG, M. Marini pour la TVA sociale. (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela reste dans l'Oise ! Et vous, monsieur Fischer ?
M. Guy Fischer. Moi, je propose de taxer les patrons ! (Rires sur les mêmes travées.)
Ils proposent, sur une dose de TVA dite sociale, voire écologique, un zeste de CRDS et de CSG, une mesure de bouclier sanitaire. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter.
La recette est connue et le résultat bien indigeste pour les intéressés, à savoir les contribuables et les usagers de la sécurité sociale et des mutuelles.
Ainsi que je le constatais voilà quelques jours lors de notre débat sur les prélèvements obligatoires, l'essentiel des prélèvements fiscaux et sociaux affecte aujourd'hui d'abord la consommation, par le biais de la TVA et de la TIPP, et ensuite les revenus salariaux, avec l'IRPP, la CRDS et les cotisations sociales.
Au cours de ce même débat, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, disait que notre système de sécurité sociale devait « s'adapter pour prendre en compte la réalité d'une économie désormais globalisée ». Il poursuivait en appelant de ses voeux une hausse de la TVA de 19,6 % à 25 %.
Le Gouvernement entend donc bien, en accentuant ce choix, taxer plus encore la consommation et les revenus du travail pour pouvoir continuer le mouvement de défiscalisation des revenus du capital et du patrimoine.
Quant à savoir quel est le « meilleur » levier fiscal en la matière, je laisse la majorité à ses querelles internes. L'essentiel est que, dans tous les cas, l'effort pèsera sur les ménages, les salariés et les retraités, qui sont en même temps les assurés sociaux. Il est donc inutile que la majorité déguise ses choix politiques à longueur de rapports afin de nous faire croire qu'elle recherche la moins mauvaise solution pour surmonter une crise du financement de la protection sociale qui serait structurelle.
C'est véritablement la concrétisation du credo de la droite libérale la plus réactionnaire qui se prépare, qui consiste à séparer nettement ce qui relèverait de la solidarité nationale, qu'il faudrait réduire et transférer sur l'impôt,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fischer, le révolutionnaire de l'hémicycle !
M. Guy Fischer. ...et ce qui ressortirait à la responsabilité individuelle, via les organismes complémentaires et les assureurs privés.
Cela marquerait la fin de la solidarité intergénérationnelle et de la solidarité entre malades et bien-portants.
A contrario, pour conserver une protection sociale solidaire, il faudrait procéder à une véritable réforme globale de l'assiette des cotisations.
Nous savons bien qu'il n'est plus possible de fonder notre régime de protection sociale, comme au sortir de la Seconde Guerre mondiale, sur le seul facteur travail, alors que sa part ne cesse de régresser dans la création globale des richesses de la nation pour le plus grand profit de la spéculation financière et boursière, les évasions de capitaux.
Je citerai un seul exemple : Total a battu, en 2006, son record de 2005, avec un bénéfice net en hausse de 5 % qui le porte à 12,585 milliards d'euros. Taxer ce type de bénéfice ne serait-ce que de 1 % permettrait de renflouer les caisses de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela ferait 120 millions d'euros !
M. Guy Fischer. Les mouvements sociaux d'octobre et ceux qui, selon moi, ne manqueront pas de suivre...
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un discours idéologique, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. ... ont déjà largement démontré que la politique menée par le Gouvernement est réprouvée et le sera de plus en plus par une grande majorité de Français.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera résolument contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est l'avant-dernière étape de la privatisation de notre système de protection sociale. (M. Alain Vasselle, rapporteur, sourit.) Je suis convaincu que la population française saura faire entendre au Gouvernement à quel point elle est attachée à notre patrimoine social inaliénable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. La caricature du texte par M. Fischer !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Barbier va être plus raisonnable !
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, une question philosophique se pose toujours : qu'y a-t-il après l'Apocalypse ?
Mme Gisèle Printz. Rien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. On peut se poser la question ! L'Apocalypse selon M. Fischer !
M. Gilbert Barbier. En initiant une nouvelle politique fondée sur la maîtrise médicalisée des dépenses et la responsabilisation de tous les acteurs, la réforme du 13 août 2004 a marqué une véritable rupture.
Pour autant, le redressement de l'assurance maladie reste difficile : ramené de 8 milliards d'euros en 2005 à 5,9 milliards d'euros en 2006, le déficit s'élèvera à 6,2 milliards d'euros en 2007, au lieu des 3,9 milliards d'euros attendus.
En 2008, il s'établirait à 4,3 milliards d'euros. Le Gouvernement mise en effet sur une hausse limitée des dépenses, grâce, notamment, à des mesures d'économie représentant 2 milliards d'euros.
Parmi ces dernières, la création de franchises médicales devrait générer 850 millions d'euros. Ce dispositif, initialement présenté comme une mesure visant à responsabiliser le patient puis à réduire le déficit, doit servir en fait à financer des besoins nouveaux, extrêmement importants.
Quel qu'en soit l'objectif, je crains que les montants en cause, même s'ils ne sont pas négligeables, ne soient pas suffisants. Comment responsabiliser quand beaucoup de patients en seront exonérés et que le frein n'existera plus, une fois le plafond de 50 euros atteint ? Comment croire que la somme espérée couvrira les besoins à venir en matière de soins palliatifs, de lutte contre la maladie d'Alzheimer et le cancer ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est sûr !
M. Gilbert Barbier. Je crois surtout que les franchises soulèvent une question qui mérite d'être tranchée et explicitée pour dissiper toute suspicion.
Après le cotisant et le contribuable, le malade peut-il participer, ne serait-ce que modestement, aux frais de son traitement ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est la question !
M. Gilbert Barbier. Pourquoi pas ? Mais disons-le et faisons-le franchement, tout en préservant bien sûr l'accès aux soins des plus démunis.
De toute façon, la véritable question est de savoir s'il faut mobiliser de nouvelles ressources pour assurer un financement pérenne de notre assurance maladie, sachant que les dépenses ne pourront inévitablement être que sur une progression supérieure au PIB. Les prévisions pour la période 2008-2012 ont été calculées sur des hypothèses qui me paraissent déjà bien optimistes.
M. Vasselle, dans le rapport qu'il a fait au nom de la MECSS, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, avance des solutions intéressantes. Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce point ?
Quoi qu'il en soit, cette réflexion sur les recettes ne nous dispense évidemment pas d'agir sur les dépenses.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !
M. Gilbert Barbier. Le taux de progression de l'ONDAM est fixé pour 2008 à 2,8 %. C'est un objectif ambitieux mais pas irréaliste, si tant est que l'on exploite toutes les marges d'économie possibles.
Ce PLFSS comporte indéniablement un certain nombre de mesures structurantes qui vont dans le sens d'une meilleure efficience de notre système de santé, gage d'économies. Je pense notamment à l'application anticipée de la T2A dans tous les établissements, à la lutte contre les abus et les fraudes, qui doit s'intensifier encore. Le rôle demandé à la CNAM dans ce domaine est-il accepté par celle-ci ?
Toutefois, d'autres efforts sont nécessaires sur trois points, qui me semblent prioritaires : le parcours de soins, la politique du médicament et la réforme hospitalière.
Volet important du parcours de soins, le dossier médical personnel semble être en panne.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Gilbert Barbier. Sa mise en place, initialement prévue dans un délai de deux ans, ne cesse d'être ajournée.
Selon un récent rapport de plusieurs organismes, dont l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, le dossier médical personnel s'est vu attribuer « une série d'objectifs hors d'atteinte, dont un calendrier manifestement irréaliste et des coûts grandement sous-estimés ». Il est « illusoire d'attendre avant longtemps des économies tangibles et mesurables », écrivent les experts, pour qui « les modalités de lancement de ce projet en font un antimodèle de gestion publique ». La mission interministérielle prône donc de déclarer sans suite l'appel d'offres en cours sur l'hébergeur informatique principal.
Le Gouvernement peut-il nous faire part de ses arbitrages et nous donner des précisions sur l'évolution de ce dossier et les bénéfices attendus ?
Un autre défi doit être relevé : celui de la consommation de médicaments, dont on sait qu'elle bat des records en France par rapport au reste de l'Europe.
Le plan « médicament » a, certes, permis une évolution favorable du taux de pénétration des génériques et la fixation d'objectifs chiffrés pour les prescriptions de certaines classes de médicaments, mais il reste à faire si l'on en juge les nombreux rapports sur le sujet.
Dans une étude comparative des pratiques européennes dans neuf classes thérapeutiques, la CNAM relève que les praticiens ont tendance à privilégier les produits les plus récents, et donc les plus chers, au détriment des molécules les plus anciennes, qui, souvent, ont donné lieu à des génériques.
Ainsi, dans le traitement des ulcères, si la consommation des Français est inférieure à celle des Espagnols, le coût par habitant est de 16,5 euros pour les premiers et de 9,6 euros pour les seconds.
M. Guy Fischer. Exact !
M. Gilbert Barbier. À pratique équivalente, l'économie potentielle serait de 430 millions d'euros.
Le résultat est le même lorsque l'on compare les prix des génériques : il arrive qu'en France le générique soit presque au même prix que le princeps.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Plus cher, quelquefois !
M. Gilbert Barbier. C'est toute la logique de la substitution qui est ainsi mise à mal ! Qu'en dit le CEPS, le Comité économique des produits de santé ? Comment protéger les industries du médicament qui cherchent à innover ? Comment encourager la recherche dans notre pays ?
En dehors d'une baisse des prix nécessaire, il faut inciter les médecins à prescrire le médicament le plus efficace au meilleur prix.
M. François Autain. Il faut des franchises !
M. Gilbert Barbier. Dans un récent rapport sur l'information des généralistes, l'IGAS pointe l'inadaptation de la « visite médicale » des représentants des laboratoires pharmaceutiques au regard de l'exigence du bon usage des médicaments : de 35 % à 42 % des médecins disent en effet ressentir un manque d'informations sur les données comparatives, le service médical rendu, les effets secondaires et les réactions médicamenteuses.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est le rôle des visiteurs médicaux !
M. Gilbert Barbier. L'IGAS recommande donc que la Haute Autorité de santé devienne l'émetteur unique d'information sur le bon usage du médicament et la mise en place d'un observatoire de la prescription. Quelles suites le Gouvernement entend-il donner à ce rapport ?
J'aborderai enfin le dernier point de mon intervention : l'hôpital. J'ai toujours été favorable à l'instauration de la T2A, à condition qu'elle s'accompagne d'une profonde réforme.
Hormis quelques progrès dans la gouvernance, il n'y a pas eu grand chose de fait. Dans son rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes s'interroge sur la fiabilité des comptes des établissements publics : déficits masqués, comptabilité analytique insuffisante, achats de médicaments avec des écarts de prix entre établissements de un à trois, voire de un à dix.
On a un peu le sentiment que la maîtrise médicalisée et les bonnes pratiques, telles qu'on les diffuse dans le secteur ambulatoire, n'ont pas encore trouvé tout à fait leur place à l'hôpital.
M. Alain Vasselle, rapporteur. On peut se poser la question !
M. Gilbert Barbier. Renforcer le pilotage, organiser une meilleure pertinence des recours à l'hôpital, structurer une offre de soins de territoire, améliorer l'attractivité des carrières et des statuts, dynamiser la recherche : tels doivent être les axes d'une future réforme de l'hôpital. J'espère que la mission confiée à M. Gérard Larcher permettra d'aboutir rapidement à des propositions concrètes.
Pour conclure, j'estime que, si les résultats obtenus avec la réforme de 2004 sont encourageants, on peut toutefois dire : « Peut mieux faire ! ».
Ce PLFSS vise à consolider les acquis et à ce que de nouveaux efforts soient fournis. C'est pourquoi la majorité du groupe du RDSE le votera. Toutefois, un retour à l'équilibre appellera nécessairement d'autres réformes plus globales, plus réfléchies, plus concertées avec l'ensemble des acteurs de santé. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien ! Excellente intervention !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que révèle l'analyse des grands équilibres financiers de la sécurité sociale ?
L'année 2007 est qualifiée par notre rapporteur d'année de la rechute en termes de déficits.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui !
Mme Muguette Dini. Les chiffres prévisionnels des soldes sont, en effet, de nouveau largement dans le rouge. Avec un déficit du régime général de 11,7 milliards d'euros, dont 4,6 milliards d'euros pour la branche vieillesse et 6,2 milliards d'euros pour la branche maladie, nous retrouvons des ordres de grandeur comparables à ceux de 2004 et de 2005.
À côté de tels chiffres, l'année 2006 fait figure d'année de l'embellie avec un déficit du régime général de « seulement » 8,7 milliards d'euros. Mais l'embellie était largement illusoire. Ce n'est un secret pour personne : le déficit de 2006 n'a pu être maîtrisé que grâce à la recette exceptionnelle de la taxation des plans d'épargne logement de plus de dix ans. Sans l'effet ponctuel de cette mesure, le déficit serait repassé au-delà de la barre symbolique des dix milliards d'euros. C'est aujourd'hui ce que nous observons.
La « rechute » de 2007 est donc bien, en réalité, la continuité de 2006, la continuité d'un système qui peine à se réformer, parce que mettre en oeuvre des mesures structurelles nécessite de prendre des décisions parfois difficiles, et personne ne l'a fait ! Du coup, les rustines financières s'accumulent au fil des ans, celles des fusils à un coup, dont la taxation des PEL de plus de dix ans est emblématique.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 rompt-il avec cette logique ? Pas vraiment ! Certes, le texte vise à ramener le déficit du régime général à moins de 9 milliards d'euros. Si les intentions sont bonnes, que dire des moyens employés pour l'atteindre ? Il faut constater que ces moyens ne rompent pas avec la logique des rustines.
Comment le Gouvernement compte-t-il parvenir à ramener le déficit du régime général à un peu moins de 9 milliards d'euros ? Au moyen de 2 milliards d'euros de recettes nouvelles et de 2 milliards d'euros d'économies. Or la principale recette nouvelle est, encore une fois, une énorme rustine, et la principale source d'économies obéit à une logique que, pour des raisons d'équité, nous ne pouvons cautionner.
En effet, côté recettes nouvelles, comme nous l'a expliqué notre rapporteur Alain Vasselle, le bouclage financier du projet de loi de financement de la sécurité sociale se fera principalement par une mesure du projet de loi de finances pour 2008. Ce sera le prélèvement à la source des charges sociales et fiscales sur les dividendes. Ce prélèvement représentera 1,3 milliard d'euros pour les régimes obligatoires de sécurité sociale, sur un total de 2 milliards d'euros de recettes nouvelles prévues par le PLFSS.
À côté de cela, les autres recettes nouvelles contenues dans le PLFSS font pâle figure.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ça, c'est sûr !
Mme Muguette Dini. Ainsi, 100 millions d'euros sont attendus du maintien à 1 % du taux de la taxe sur le chiffre d'affaires des industries pharmaceutiques ; la suppression de l'exonération de cotisations AT-MP, accidents du travail et maladies professionnelles, devrait rapporter 180 millions d'euros et la taxation des indemnités de mise à la retraite 300 millions d'euros.
L'Assemblée nationale a ajouté quelques replâtrages côté recettes : la taxe de 0,22 % sur le chiffre d'affaires des fabricants de tabac, l'augmentation des droits sur le tabac à rouler...
Côté économies, notre constat n'est guère plus favorable, la principale d'entre elles étant attendue de la fameuse franchise instaurée sur les médicaments, les consultations paramédicales et les transports sanitaires.
Nous n'adhérons pas à la logique de la franchise. De par sa nature même, quel que soit son montant, une franchise pèse d'abord sur les moins favorisés, cela d'autant plus que, sur une simple prescription, la franchise immédiate pourrait atteindre 10 euros dès la première pathologie. Cette franchise s'ajoutera en outre à la participation forfaitaire d'un euro réglée par les assurés pour toute consultation médicale ou acte de biologie.
Aujourd'hui fixée à 50 centimes par boîte et par consultation paramédicale et plafonnée à 50 euros par an, comment évoluera la franchise ? L'incertitude sur cette évolution nous inquiète. Surtout, nous ne croyons pas aux vertus des franchises comme moyen de réduction des prestations. Les franchises dessinent une assurance santé à plusieurs vitesses, un modèle que nous ne pouvons cautionner.
Il y a une autre économie que nous ne pouvons approuver et qui est la marque la plus emblématique de ce dont nous ne voulons plus : la non-compensation de cinq mesures par l'article 16.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Muguette Dini. C'est pourquoi nous soutenons la commission qui demande la suppression de cet article.
Ainsi, le PLFSS pour 2008 est bien loin d'être un texte de rupture en matière de solution aux déséquilibres financiers.
Cela ne veut pas dire que tout est négatif. Comme notre rapporteur le signalait, nous ne pouvons que nous réjouir de l'amélioration des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Le remboursement à la sécurité sociale de 5,1 milliards d'euros est une excellente chose, de même que la compensation par le panier fiscal, prévu en loi de finances, des heures supplémentaires de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA.
En 2007, on le sait, la branche maladie a été marquée par la reprise des déficits. Ce dérapage est essentiellement imputable à une forte progression des soins de ville, à une hausse des prescriptions, à une augmentation des honoraires et une remontée des indemnités journalières, ce qui n'est pas très étonnant, étant donné la sous-évaluation qui en avait été faite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Fixé à 1,1 %, l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie « Soins de ville » a été réalisé à 4,1 %. C'est pourquoi il est appréciable que le présent projet de loi de financement fixe l'ONDAM à un niveau beaucoup plus réaliste que celui de l'année précédente et, surtout, rééquilibre l'objectif entre la ville et l'hôpital.
Un ONDAM global fixé à 2,8 % sans la franchise et à 3,4 % en tenant compte de son impact est crédible. Avec l'effet de la franchise, cet objectif sera de 3,2 % pour les deux secteurs. C'est crédible mais irréaliste, puisque l'ONDAM qui sera finalement réalisé en 2007 devrait avoisiner 4,2 %.
Quoi qu'il en soit, comme le souligne Alain Vasselle dans son excellent rapport pour la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, la forte croissance des dépenses de santé obéit à un mouvement structurel pluridécennal. Depuis 1950, les dépenses de maladie auraient crû au rythme de 1,2 point de richesse nationale par décennie.
Quant à la réforme structurelle dont la sécurité sociale a tant besoin, elle est, à nos yeux, triple : réforme générale du financement, réforme de l'hôpital et réforme de la médecine de ville.
La branche maladie est la première concernée par la crise du financement de la protection sociale. Pour réformer ce financement, assuré à 60 % par les charges sociales, deux voies se présentent aujourd'hui à nous : d'une part, poursuivre la fiscalisation de la protection sociale, déjà bien initiée dans les années quatre-vingt-dix par la création et la montée en puissance de la contribution sociale généralisée, la CSG, et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS ; d'autre part, réformer l'assiette des charges sociales. Ces deux voies doivent être explorées conjointement.
La CSG est un bon impôt. Son relèvement est, en matière de recettes, l'une des pistes à privilégier. Il en est de même de la CRDS.
La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a interdit tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, sans transfert concomitant des ressources correspondantes : c'est une très bonne chose.
En conséquence, il faudra peut-être en venir à relever la CRDS de 0,2 % pour que la CADES reprenne les 30 milliards d'euros de dettes qui pèsent actuellement sur la trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité centrale, l'ACOSS, et de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, la CCMSA, et coûtent aux assurés sociaux plus d'un milliard d'euros de frais financiers.
Le financement de la protection sociale peut aussi être fiscalisé en suivant la très intéressante proposition faite par notre commission de créer une taxe sur les boissons sucrées. La fiscalité comportementale, c'est-à-dire liée à un comportement et destinée à le faire changer, entre très naturellement dans le champ de la fiscalité de la santé. C'est vrai de la taxation de l'alcool et du tabac, cela pourrait l'être de la taxation des boissons sucrées. À l'avenir, cela devrait l'être aussi pour tous les autres aliments dont on connaît les méfaits sur la santé de nos concitoyens.
L'autre piste à explorer pour réformer le financement de la sécurité sociale, c'est la réforme de l'assiette des charges sociales, réforme que le présent PLFSS aurait pu initier, à la suite notamment du rapport annuel de la Cour des comptes. Le recensement et l'évaluation financière de l'ensemble des exonérations et réductions effectués par la Cour représentent plus de 20 milliards d'euros !
L'assise de cotisations patronales et salariales sur les stock-options et actions gratuites, votée par l'Assemblée nationale, est un premier pas en direction d'une remise à plat des niches, un premier pas qui a le mérite de lancer le débat. La solution préconisée par notre commission des affaires sociales de créer une flat tax sur l'ensemble des niches sociales nous paraît plus pertinente.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
Mme Muguette Dini. On peut toutefois s'étonner que la commission propose que l'assiette de la taxe qu'elle entend créer recouvre toutes les niches sociales, à l'exception des stock-options et des actions gratuites, c'est-à-dire à l'exception des seuls domaines qu'avaient d'abord pensé taxer les députés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Parce qu'elles sont déjà taxées !
Mme Muguette Dini. La réforme de la branche santé, c'est aussi l'hôpital. Je ne reviendrai pas sur le fait que l'hôpital est toujours régi par une multiplicité de textes épars qui rend sa gestion opaque et difficile. Je ne m'étendrai pas sur le fait que l'hôpital finance toujours la qualité de son service par un déficit. Les reports de charges pour les structures publiques, la course au chiffre pour les structures privées, tout cela est encore d'actualité.
Je ne reviendrai pas non plus sur les pistes très intéressantes de réforme qui ont été avancées par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, par la Cour des comptes et par le rapport d'Yves Cannac d'avril 2006
Il paraît clair que nous ne ferons pas l'économie d'une coordination de l'offre de soins à l'échelon local. Tôt ou tard, il faudra revoir la carte hospitalière pour optimiser l'offre de soins publique et privée au niveau territorial, à l'échelon des bassins de santé. Une telle réforme pourrait se fixer le double objectif de maintenir la qualité de l'offre de soins et de garantir l'efficience économique.
Une bonne fois pour toutes, ouvrons le chapitre de l'hôpital. Le passage à la tarification à l'activité, la T2A, nous donne une belle opportunité de le faire. Nous sommes bien entendu favorables à l'accélération de cette tarification par le présent PLFSS, en vertu duquel les activités de médecine, de chirurgie et d'obstétrique des établissements de santé seront financées à 100 % à l'activité, avec quatre ans d'avance sur le calendrier initial.
Nous l'avons toujours dit, la T2A appelle à la transparence des coûts et facilitera donc la coopération entre le secteur public et le secteur privé, ce que nous appelons de nos voeux. Cependant, nous sommes conscients que ce mode de financement risque de conduire les établissements à se spécialiser dans les actes les plus rémunérateurs ou à se lancer dans une course à l'acte.
Paradoxalement, la T2A peut également conduire à augmenter les coûts de l'ensemble du secteur hospitalier. Dans la logique de la rémunération à l'activité, les établissements les plus actifs percevront davantage, au détriment des autres. Toutefois, si ces derniers recevaient une compensation de leur manque à gagner sous forme d'enveloppes complémentaires, la réforme serait largement vidée de sa substance. Aussi en appelons-nous à un suivi très attentif de la manière dont sera appliquée la T2A.
Après la réforme du financement et de l'hôpital, le troisième volet de notre réforme structurelle de la branche santé, c'est naturellement la médecine de ville, tout particulièrement la médecine ambulatoire.
L'évolution des conditions d'exercice de la médecine en ville est une question clé, car elle touche aussi bien la maîtrise médicalisée des dépenses de santé que le nécessaire maintien d'une offre de soins de qualité sur l'ensemble du territoire. Autrement dit, l'évolution des conditions d'exercice libéral de la médecine est intrinsèquement liée au problème, très préoccupant, de la désertification médicale.
Nous nous félicitons que, dans le présent PLFSS, la question de la démographie médicale soit enfin posée avec toute l'acuité qu'elle mérite. Comme vous le savez, madame la ministre, c'est un sujet qui nous tient particulièrement à coeur. Il ne s'est d'ailleurs pas présenté un seul texte relatif à la santé sans que nous tentions de tirer la sonnette d'alarme. Mais étant donné que nous aurons demain un débat entièrement consacré à cette question, je serai brève.
Nous pouvons faire le constat suivant : si les médecins rechignent à s'installer dans certaines zones rurales ou urbaines, ce n'est pas du tout pour des raisons de rémunération, mais parce que les conditions d'exercice y sont difficiles.
Face à ce constat, deux possibilités s'offrent à nous.
La première, c'est la contrainte. C'est ce qu'a tenté le Gouvernement avant la grogne des internes. Avec la réécriture des articles 32 et 33, la méthode de la contrainte a semble-t-il pour l'instant fait long feu.
La seconde possibilité, celle à laquelle nous sommes favorables, est le développement des modes alternatifs d'exercice de la médecine.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Muguette Dini. Nous devons favoriser la constitution de maisons de santé dans les zones sous-médicalisées. Celles-ci sont de nature à améliorer le temps médical et à désengorger les urgences des hôpitaux les plus proches. J'aurai l'occasion de développer ce point de vue demain lors du débat sur la démographie médicale.
Réfléchir à de nouvelles modalités d'exercice de la médecine libérale, c'est aussi conduire une réflexion sur la collaboration entre médecins et personnels paramédicaux sur la délégation de responsabilité ainsi que sur les modalités de rémunération des praticiens. L'expérimentation de l'article 31 marque un premier pas dans cette dernière direction.
J'en viens à la branche vieillesse.
Pour les retraites, plus encore que pour la santé, la grande réforme est à venir.
Nous sommes suspendus au rendez-vous de 2008, sachant que, du point de vue de l'équilibre de la branche, il n'y aura rien à attendre de la réforme des régimes spéciaux, qui, comme vous nous l'avez expliqué, madame la secrétaire d'État, n'est pas comptable.
Je ferai tout de même deux remarques en attendant ce grand rendez-vous.
La première a trait à la pénibilité.
Le solde démographique est suffisamment défavorable pour que l'on évite de faire supporter aux retraites le poids de la pénibilité du travail. La pénibilité doit être prise en compte tout au long de la vie active. C'est une question importante !
Ma seconde remarque porte sur la très intéressante proposition faite par notre rapporteur pour l'assurance vieillesse, M. Dominique Leclerc.
Ce n'est pas la première fois qu'il évoque la possibilité de remplacer l'annuité par le point. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Dès la réforme Fillon de 2003, nous n'avons jamais cessé de défendre cette position. Le remplacement de l'annuité par le point permettrait de mettre en oeuvre une véritable réforme structurelle et pérenne de nos retraites.
Pour ce qui est de la branche famille, la problématique est bien plus souriante que pour la santé et les retraites, puisqu'il s'agit de savoir ce que nous ferons de l'excédent dégagé dans les années à venir.
Là encore, je me range à l'avis de notre rapporteur : parmi les trois solutions envisagées, la première, consistant à verser les allocations dès le premier enfant, me semble à rejeter immédiatement.
En revanche, il est tentant d'en profiter pour baisser les charges patronales familiales.
Pour ma part, je serais plus franchement favorable à la troisième solution consistant à réformer les structures d'accueil des jeunes enfants. Autrement dit, il y a des besoins non couverts dans beaucoup de villes. Reste à savoir à qui serait opposable le droit à la garde d'enfants.
Enfin, j'en arrive à la branche AT-MP. Le principal problème de cette branche, qui devrait, elle aussi, renouer avec les excédents, est incontestablement celui de l'amiante.
Je ne peux que me réjouir de la décision du Gouvernement de mettre en place un groupe de travail chargé de réfléchir à la réforme du FCAATA, le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.
Dans le cadre de cette réforme, deux choses me semblent très importantes : d'une part, officialiser une voie d'accès au FCAATA, sur une base individuelle, pour les salariés exposés à l'amiante dont l'entreprise ne figure pas sur une liste ; d'autre part, permettre au FIVA, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, d'accorder aux victimes le bénéfice qui s'attache à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur afin que ces dernières ne soient plus incitées à emprunter la voie judiciaire. Ce sont d'ailleurs les conclusions de la mission commune d'information du Sénat sur l'amiante.
Pour finir, je dirai que, si le PLFSS pour 2008 n'est pas un texte de rupture, il porte en germe des annonces de réformes structurelles dont on peut espérer qu'elles nous permettront de faire face, de façon enfin pérenne, à la dégradation des comptes sociaux. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous commémorons tristement le sixième PLFSS déficitaire d'affilée. Puisqu'il y a continuité dans la majorité, il y a continuité dans la responsabilité. Aussi mon propos concernera-t-il la période récente tout autant que l'actualité et le futur immédiat.
Je dirai que nous sommes dans la continuité : continuité dans la méthode, fondée sur la dissimulation ; continuité dans la situation, marquée par les déficits et la dette ; continuité dans vos projets, caractérisés par l'inaction ; enfin, continuité dans les décisions, inspirées de la politique du pire.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Il ne faut tout de même pas exagérer !
M. Bernard Cazeau. Tout d'abord, je veux aborder la continuité dans la méthode, fondée sur la dissimulation.
« Qui ne sait dissimuler ne sait régner », aurait déclaré Louis XI. Loin de vous prêter des velléités de restauration monarchique, je constate que votre penchant pour la dissimulation égale l'habileté que le descendant de la dynastie capétienne prêtait à la conduite des affaires publiques.
M. Bernard Cazeau. Pour illustrer ce propos, je veux revenir...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Sur terre !
M. Bernard Cazeau.... sur l'histoire récente des comptes de la sécurité sociale.
MM. Jean-François Mattei, Philippe Douste-Blazy, Philippe Bas et Xavier Bertrand - le seul rescapé institutionnel des divers tournants politiques - l'ont tous déclamé avec ferveur devant notre assemblée : la sécurité sociale va certes très mal, mais, rassurez-vous, elle va aller de mieux en mieux !
C'est ce qui fut dit au cours des années 2003-2005, alors que le déficit franchissait chaque année la barre des 10 milliards d'euros et que l'optimisme des mots tentait désespérément de cacher le désarroi de l'arithmétique.
L'autopersuasion ayant ses limites et les élections approchant, on nous donna à voir une soudaine inversion de tendance : le déficit de 2006 devait amorcer la décrue. Nous revînmes en deçà, il est vrai, de la barre symbolique des 10 milliards d'euros de pertes. Le président Jacques Chirac alla même jusqu'à annoncer un retour à l'équilibre en 2007 ! M. Bertrand tempéra la parole élyséenne en annonçant un réjouissant 8 milliards d'euros de trou pour 2007 et un retour à l'équilibre pour 2010. Bref, il était écrit que nous quittions durablement les abysses financiers...
M. Alain Vasselle écrivit même dans son rapport sur le PLFSS pour 2007, avec un optimisme qu'on ne lui connaissait guère jusqu'alors (sourires), que nous nous trouvions devant « un redressement indéniable des comptes de la sécurité sociale ».
M. Jean-Pierre Godefroy. Aïe !
M. Bernard Cazeau. L'assurance maladie était supposée contribuer à ce rétablissement par des assurés sociaux mieux portants et moins gourmands, des professionnels enfin redevenus raisonnables, une croissance forte de la masse salariale et quelques prélèvements nouveaux indolores et savamment pesés.
Rappelez-vous, c'était il y a moins d'un an !
Les organismes d'alerte pouvaient tirer la sonnette d'alarme, l'opposition pouvait s'égosiller - elle continue à le faire ! -, les quatre branches avaient beau être simultanément déficitaires, tout n'était plus qu'une question de temps, et l'équilibre était à nos portes.
Depuis, les élections sont passées, et l'éclaircie aussi. Mais les déficits, eux, sont restés. Pis, nous verrons même qu'ils se sont amplifiés.
En ce qui concerne les recettes, on nous annonçait en 2006 des rentrées durables grâce à la croissance. En vérité, elles n'ont été que ponctuelles. Il en va ainsi du surcroît de CSG, qui a été anticipé sur la taxation des plans d'épargne logement. Sans ce produit exceptionnel, comptabilisé en 2006 - le fameux fusil à un coup -, les 10 milliards d'euros de déficit auraient été dépassés.
Quant aux dépenses, on nous les présentait en modération tendancielle, notamment pour l'assurance maladie, qui devait connaître une soudaine atténuation de ses charges. En réalité, celles-ci sont demeurées dynamiques.
Tout était faux ! Je pense que vous le saviez, car vous ne passez pas pour être des naïfs. Vous avez prétexté un rétablissement des comptes afin de détourner l'attention de nos concitoyens de la question centrale de la protection sociale durant une période préélectorale. Ce faisant, vous avez préféré l'évitement à l'action. En conséquence, cette année, la rechute est pire et la situation encore plus dramatique !
Ensuite, je veux parler de la continuité dans la situation, marquée par les déficits et la dette de 2007.
L'année 2007 marquera l'aggravation des déficits avec un niveau jamais atteint, pas même en 2004 et en 2005 : 12 milliards d'euros de pertes cumulées pour le régime général. Nous sommes donc loin des 8 milliards d'euros d'impasse annoncés en loi de financement.
On nous prédisait une hausse des dépenses de 3,5 % ! Elle sera supérieure d'un point en raison du dérapage du secteur « soins de ville » de I'ONDAM. Le Gouvernement a une large part de responsabilité du fait des révisions tarifaires consenties en 2006 sans que les contreparties attendues en termes de prescriptions se vérifient ou qu'elles aient été négociées.
On nous promettait des recettes en forte hausse ! Elles furent minorées par les allégements de charges de toutes natures consentis au fil des mois, exonérations que l'État ne compense que pour partie. Et pour cause, en 2007, elles croîtront de 11 % !
La majorité sénatoriale s'évertue depuis de longues années à déplorer l'absence de comblement par l'État des exonérations qu'il consent. Longtemps, les exonérations liées aux 35 heures, avec le fameux FOREC, tenaient lieu d'alpha et d'oméga de l'argumentation budgétaire de M. Vasselle.
Avec les allégements Fillon, cumulés à cinq années d'exonérations à tout crin par les gouvernements Raffarin et Villepin, la majorité aura de quoi méditer, car ces abattements représenteront cette année l'équivalent de quatre fois le FOREC ! N'est-ce pas paradoxal que ceux qui condamnaient les vices de leurs prédécesseurs en aient fait leur vertu ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais non !
M. Bernard Cazeau. Plus généralement, je crois qu'il est de notre devoir de dénoncer avec vigueur la scandaleuse situation d'un État débiteur des caisses de sécurité sociale.
En mai 2006, nous tirions déjà la sonnette d'alarme à propos des créances des organismes sociaux sur l'État. Nous les chiffrions à 6 milliards d'euros à la fin de 2005 et à près de 7 milliards d'euros à la fin de 2006. Et l'on attend une nouvelle dégradation pour 2007 !
Est-ce à la sécurité sociale de financer la politique de l'emploi ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non !
M. Bernard Cazeau. Est-ce à la sécurité sociale de faire des avances de trésorerie à l'État sur les allocations qui sont de son ressort ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non !
M. Bernard Cazeau. Est-ce à la sécurité sociale de financer la politique dispendieuse de l'actuel gouvernement, dont la priorité va aux réductions d'impôt plutôt qu'au respect de ses engagements sociaux ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela n'a rien à voir !
M. Bernard Cazeau. Quel crédit accordé à un État qui reconnaît ses dettes, mais qui ne les honore qu'en partie, monsieur Vasselle ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est la conséquence des 35 heures ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et cette année, l'État paiera 5 milliards d'euros !
M. Bernard Cazeau. L'outil créé pour ces compensations, le fameux « panier fiscal », que d'aucuns, avec notre rapporteur, nomment le « panier empoisonné », est insuffisant. N'est-ce pas ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui !
M. Bernard Cazeau. Il faut donc que le Gouvernement tienne ses engagements, madame la ministre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cette année, il les tient !
M. Bernard Cazeau. Le versement annoncé dans le PLFSS pour 2008 d'une partie des sommes dues par l'État serait bien un moindre mal, car les comptes, aujourd'hui, ne sont absolument plus maîtrisés.
L'assurance vieillesse dérape, car les générations nombreuses du lendemain de la guerre partent en retraite à un rythme plus rapide que prévu, ce que ne compensent pas les hausses de cotisations vieillesses prévues par la loi Fillon. Cette loi Fillon, d'ailleurs, montre aujourd'hui son inanité et la fausseté de ses hypothèses, notamment en ce qui concerne le fameux taux de chômage à 5 %.
Les dépenses maladies sont en forte croissance avec des soins de ville revalorisés en 2006 qui exercent leur plein impact budgétaire cette année. Cela atteste de l'inefficacité des promesses du parcours de soin coordonné ou du dossier médical personnel, auxquels tant de vertus étaient pourtant prêtées. Je ne parlerai d'ailleurs pas du dossier médical personnel, ce serait trop cruel, surtout si l'on se remémore les fameux trois ans et tout ce qui nous a été affirmé à ce sujet !
La branche famille connaît un très léger déficit en raison des nouvelles, mais - disons-le - pas toujours inutiles, dépenses favorables à la natalité, pour lesquelles les recettes correspondantes ont tardé à être ajustées.
Voilà pour la situation peu réjouissante du régime général, dont le rapporteur nous dit que « le cap des 2 milliards de dette de l'État à l'égard du seul régime général serait ainsi dépassé fin 2008 ».
Il en ira malheureusement de même pour les organismes concourant au financement de la protection sociale que sont le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.
Le FSV se redresse quelque peu en raison, notamment, d'une majoration des produits de la CSG, mais la question des dettes accumulées reste entière.
Nous sommes, en effet, loin d'une situation excédentaire, et il faudra de larges et de nombreux excédents pour combler les 5 milliards d'euros de pertes cumulées entre 2002 et 2007.
La responsabilité du Gouvernement et de ses prédécesseurs est ici indéniable puisqu'il s'est servi depuis 2002 du FSV comme d'une caisse de trésorerie et que la dette est directement imputable à l'État.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le gouvernement Jospin en a fait autant avec les 35 heures en mettant en place une usine à gaz !
M. Bernard Cazeau. Le FFIPSA est, pour sa part, en perdition, en « coma dépassé », selon un rapport, monsieur Vasselle, de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat. C'est donc vous qui le dites !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est le basculement du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, en FFIPSA, qui n'a pas été une réussite !
M. Bernard Cazeau. Le solde cumulé négatif devrait avoisiner les 5 milliards d'euros en 2007 - c'est encore vous qui le dites ! -...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne le nie pas !
M. Bernard Cazeau.... et l'État refuse toujours de verser la subvention qui permettrait d'équilibrer le fonds.
Rien n'est prévu pour combattre les déséquilibres. Rien n'a été tranché, ni le principe d'une subvention de l'État, ni une taxation nouvelle, ni un relèvement des cotisations.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est vrai ! Je suis d'accord pour le FFIPSA, mais pas pour le FSV !
M. Bernard Cazeau. Le chantier est en jachère, les exploitants agricoles continuent de bénéficier de pensions modiques et, pour couronner le tout, M. Censi, président du comité de surveillance du FFIPSA, a claqué la porte.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le président du FSV en avait fait autant en son temps et cela n'avait rien changé !
M. Bernard Cazeau. Tout cela représente beaucoup d'argent pour un État bien à la peine, me direz-vous, mais c'est toujours moins que les cadeaux du paquet fiscal.
Dans ce tableau apocalyptique de la protection sociale des personnes âgées, on se demande bien ce qu'il adviendra des promesses présidentielles de revalorisation de 25 % des petites retraites.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Attendez un peu, nous ne sommes qu'en début de législature !
M. Bernard Cazeau. Sont-elles décalées ? Sont-elles reléguées ? Sont-elles oubliées ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Elles arrivent !
M. Bernard Cazeau. Une chose est sûre : 2007 est bien l'année de tous les déficits. Face à ce constat, on est en droit de se demander ce que vous comptez faire.
M. Alain Vasselle, rapporteur. On ne peut pas tout faire en même temps !
M. Bernard Cazeau. La troisième continuité est celle de l'inaction.
À l'Assemblée nationale, M. le ministre du budget a déclaré vouloir « aller plus loin dans les réformes et sans doute plus vite dans les années à venir, tout en maintenant le cap ».
De quel cap et de quelles réformes s'agit-il ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Du bon cap et des bonnes réformes !
M. Bernard Cazeau. À quel rythme cela se fera-t-il ?
Alors que rien d'efficace n'est mis en oeuvre, on nous annonce la continuité et on la revendique ! Ce type de déclaration a pour objet de masquer les contradictions profondes dans lesquelles le Gouvernement est englué.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais non !
M. Bernard Cazeau. On déplore les déficits sociaux, mais on annonce jour après jour des exonérations sociales nouvelles, ce fut le cas encore récemment en faveur des pêcheurs, que l'on pourrait d'ailleurs aider d'une autre façon,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'espère qu'elles seront compensées !
M. Bernard Cazeau.... comme pour mieux précipiter l'asphyxie du système.
M. Bernard Cazeau. On sait que les ressources du système sont assises sur la masse salariale, mais on encourage les heures supplémentaires exonérées de cotisations sociales, c'est-à-dire le travail sans la couverture sociale.
On se targue d'une baisse du chômage qui s'explique par un tassement de la population active. Or, ce dont nous avons besoin, ce n'est pas seulement de moins de chômage, c'est surtout de plus de cotisants.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui ! Mais s'il y a moins de chômeurs, il y a normalement plus de cotisants !
M. Bernard Cazeau. Pour faire oublier ces contradictions et donner un sentiment d'action, nous aurons droit à une batterie de mesures d'économies et de recettes de poche. J'y vois des méthodes éculées et des « mesurettes » qui masquent mal votre embarras devant l'évolution structurelle des comptes.
Vous nous annoncez un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 en déficit de 8,8 milliards d'euros,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est mieux qu'en 2007 !
M. Bernard Cazeau.... en baisse de 3 milliards d'euros par rapport aux perspectives de 2007.
Mais, comment vous croire lorsque vous nous assurez une croissance des dépenses de 3 % alors qu'elle est continuellement supérieure à ce chiffre depuis dix ans ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais l'écart diminue. Il était plus fort avec Mme Aubry !
M. Bernard Cazeau. Comment pouvez-vous sérieusement nous dire, à la manière de M. Woerth, que les dépenses maladies vont être freinées alors que vous nous répétez inlassablement cela depuis cinq ans, sans succès ?
Ah, j'oubliais, vous avez l'arme absolue : un énième plan d'économies pour l'assurance maladie inspiré d'une forme de pédagogie du porte-monnaie qui cible les malades avec en point d'orgue les fameuses franchises médicales.
Je ne m'attarderai pas sur ce dispositif dont la vertu ne réside pas tant dans les recettes qu'il générera que dans la volonté de dissuasion qui l'anime. Votre idée, au fond, c'est que les gens consommeront moins de soins s'ils doivent les payer. Quelque part, vous pensez que les patients et les médecins s'amusent à des actes et à des prescriptions inutiles, et qu'il faut les en dissuader.
Admettons que votre raisonnement, que je réprouve, soit vrai : qui renoncera aux consultations et aux actes médicaux ? Ceux qui sont les plus prudents sur leurs dépenses, c'est-à-dire ceux qui ont le moins d'argent.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ceux qui ont le moins d'argent ont droit à la couverture maladie universelle !
M. Bernard Cazeau. Or, tous les médecins vous le diront, un suivi régulier des patients amoindrit le risque de maladies graves et gage la qualité du système de soins français.
Il y aura donc, d'un côté, ceux pour qui quelques euros ne sont rien et, de l'autre, ceux pour qui chaque euro compte.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ceux qui sont à la CMU ne paient pas la franchise !
M. Bernard Cazeau. Les franchises, c'est payer plus pour soigner moins. C'est d'emblée injuste et dangereux à terme ! Vous prenez là une lourde responsabilité en vous abritant sous une prétendue générosité envers les personnes touchées par la maladie d'Alzheimer. Quel cynisme !
Au rang des mesures présentées comme justes, nous aurons l'amorce d'une taxation des stock-options. Mais, là encore, le Gouvernement reste au milieu du gué. Vos propositions sont tellement timorées qu'elles frisent la mauvaise foi. Pourquoi choisir une taxation aussi modique de ces super-rémunérations alors qu'un niveau moyen de cotisations constituerait un minimum légitime ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Que ne l'avez vous fait !
M. Bernard Cazeau. Il n'y a pas de raison qu'elles échappent au prélèvement qu'on opère, par exemple, sur un SMIC ou sur toute autre plus-value financière !
Suivez donc l'avis de la Cour des comptes, monsieur Vasselle, qui vous a suggéré un prélèvement de 3 milliards d'euros,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai commencé par une flat tax !
M. Bernard Cazeau.... soit dix fois plus que ce qu'on nous propose aujourd'hui.
Vous l'aurez compris, quelques mesures cosmétiques ne suffiront pas à dissiper nos craintes. Les incertitudes qui planent sur vos prévisions sont très lourdes et les rendent inconsistantes.
De plus, les mesures que vous nous proposez sont nettement insuffisantes. Elles pénalisent le plus grand nombre sans rassurer personne. Aussi voudrais-je, pour conclure, vous interroger sur vos intentions réelles à court et à moyen termes.
J'en viens pour cela à la dernière continuité, celle de vos décisions inspirées de la politique du pire.
Vous avez en réalité deux problèmes : le stock de dette accumulé et les mécanismes de formation de la dette.
En ce qui concerne le stock de dette, pour gérer les écarts de trésorerie, vous n'aurez d'autre choix que de relever le plafond des autorisations d'emprunt de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, ce qui signifie que les dépenses à crédit s'envolent littéralement. D'ailleurs, tout à l'heure, M. Woerth l'a pratiquement dit ! Nous étions à 12,5 milliards d'euros à la fin de 2006, nous constaterons le double en 2007 et l'on nous annonce un plafond de 36 milliards d'euros pour 2008 !
À ce niveau-là, on comprend très bien que l'ACOSS est désormais une CADES bis.
Les autorisations de découvert se sont muées en une dette cachée, mais bien réelle ! Cette dette discrète se convertira prochainement en une dette officielle.
Nous comprenons bien en effet entre les lignes, du fait de l'absence de réponse à nos questions sur le rééquilibrage financier, qu'à terme vous augmenterez la dette sociale en rouvrant la CADES. Vous ajouterez 30 milliards ou 35 milliards d'euros aux amortissements que la caisse doit encore assumer et qui s'élèvent aujourd'hui à près de 75 milliards d'euros, ce qui portera la dette totale au niveau monumental de 105 milliards ou de 110 milliards d'euros.
Comme tout transfert de dette à la CADES est accompagné d'un transfert correspondant de recettes, vous augmenterez la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, et le tour de passe-passe sera joué.
Quel signal calamiteux à l'heure où les jeunes actifs doutent de la pertinence du système de solidarité entre les générations ! La sécurité sociale des vivants payée par les générations à venir : quel pacte social est-ce là ?
Je dirai également un mot sur la formation de la dette.
Une fois dégagés de la responsabilité des impayés, vous engagerez un train de réformes drastiques pour limiter le creusement des déficits. Ce sera inévitable en matière d'assurance vieillesse : la loi Fillon prévoyait un déficit à 1 milliard d'euros en 2008 ; nous serons au-delà de 4 milliards d'euros, et les années suivantes seront à l'avenant !
Aussi vous faudra-t-il réagir : vous renierez les promesses du Président de la République en matière de minimum vieillesse et de pensions de réversion ; vous chercherez de nouvelles économies au détriment de toutes les catégories d'assurés, pas seulement dans les régimes spéciaux dont vous nous parlez abondamment et dont la réforme rapportera bien peu au regard des besoins ; vous renoncerez aux négociations prévues en matière de pénibilité des métiers, certains l'évoquent déjà ; vous renchérirez les possibilités de rachat des années d'études et de cotisations incomplètes ; vous reviendrez même peut-être sur le dispositif des carrières longues, volet social de la réforme Fillon de 2003.
Voilà pour la retraite, mais il y aura aussi la santé : vous alourdirez les franchises ou développerez des participations systématiques aux dépenses ; vous réformerez le mode de financement des établissements hospitaliers dans le sens de la suppression des établissements ruraux ; vous créerez les remboursements à périmètre limité - le fameux panier de soins ; vous durcirez une fois encore les conditions d'admission en affections de longue durée, ALD.
Cependant, tout cela ne suffira pas ; il vous faudra aussi trouver de nouvelles recettes par les cotisations, la CSG ou la TVA.
Cette purge, vous nous l'administrerez après les élections municipales, bien entendu ! En attendant, nous aurons droit au traditionnel optimisme de circonstance et aux discours rassurants. Mais, au bout de tout cela, il y aura la politique du pire.
Vous avez été élus pour réformer, disiez-vous. Mais qu'attendez-vous pour le faire ?
Pour réformer durablement, il vous faudra d'abord résoudre l'antinomie fondamentale entre l'exercice libéral de la médecine et le financement socialisé. Or vous ne voulez pas vous y attaquer !
Aurez-vous assez de courage politique face à un certain lobby médical qui a érigé la politique de l'autruche en dogme de gouvernance ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Il s'agit d'un lobby qui refuse d'admettre que la quasi-totalité des praticiens dépendent du remboursement de la sécurité sociale et sont en fait les salariés du système.
Pendant combien de temps encore accepterez-vous le paiement à l'acte, porteur d'une concurrence exacerbée et de dérives en matière de prescription ?
M. Bernard Cazeau. Mais ils peuvent m'entendre, madame la ministre ! Ce n'est pas la première fois que je le dis et je l'ai déjà écrit !
Regardez autour de vous, particulièrement chez nos voisins européens - anglais, allemands, danois ou suédois - qui ont su engager les réformes structurelles nécessaires pour retrouver des équilibres sociaux !
Bien des médecins conscients, madame la ministre, y sont prêts ; ils refusent la démagogie de syndicats qui représentent une minorité, qui sont vos conseillers depuis plusieurs années, et dont le but ultime est la liberté totale des honoraires, par là même la destruction complète du système ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous venons d'entendre un certain nombre de diagnostics pessimistes sur l'état du malade. Cependant, nous attendons encore l'ordonnance ! Quand nous l'aurons, nous pourrons peut-être aborder plus au fond ces questions ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Cazeau. Ça va venir !
M. André Lardeux. Ça fait dix ans au moins que nous attendons !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 se présente comme un texte de transition, et je veux en accepter l'augure. En effet, il se caractérise davantage par une continuité que par une rupture. Je souhaite, bien sûr, que celle-ci puisse s'inscrire pleinement dans les projets suivants.
Cependant, un certain nombre de propositions vont dans le bon sens et méritent d'être saluées.
Le premier élément positif concerne les mesures tendant à encourager l'emploi des seniors. Le Sénat n'avait eu, en 2006, que le tort d'avoir raison trop tôt et il est heureux que ce qu'il avait voté à l'unanimité soit repris dans le texte qui nous est soumis.
À cet égard, nous sommes confrontés à des attitudes étonnantes. Un grand nombre de salariés souhaitent partir le plus tôt possible avec une retraite la plus élevée possible, ce qui est bien humain ; toutefois, je m'étonne qu'ils ne se posent pas la question de savoir comment leurs enfants et petits-enfants vont en assumer la charge financière. Mais je suis encore plus surpris quand des décideurs économiques, qui n'ont de cesse de dénoncer, souvent à juste titre, le déséquilibre financier des caisses de retraite, se séparent de leurs salariés les plus anciens dès qu'ils en ont l'occasion, en en faisant supporter le financement à la collectivité.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. André Lardeux. Le deuxième point positif a trait aux efforts de l'État pour clarifier ses relations financières avec la sécurité sociale et pour régler ses dettes, même si la totalité de l'arriéré n'est pas encore soldée et qu'il reste toujours à résoudre le problème majeur du FFIPSA. L'équilibre de ce dernier passe par un effort collectif dont la profession agricole ne peut s'exonérer. Elle ne peut prétendre à la solidarité nationale que si elle-même accepte un réajustement de ses cotisations.
Un troisième point mérite, à mon sens, d'être encouragé : le système des franchises. C'est une idée intéressante, mais je crains que la façon dont sa mise en oeuvre est envisagée ne soit un peu compliquée. S'il s'agit vraiment de responsabiliser les patients, ces franchises sont d'un niveau bien insuffisant et les mêmes errements reprendront vite leur cours.
De plus, elles ont pour objet de procurer des ressources, de permettre le financement des actions nouvelles, fort louables, mais elles n'auront donc, en conséquence, aucun effet sur l'équilibre des comptes. Et, si ces franchises sont efficaces, les ressources qu'elles apporteront diminueront et le financement de ces actions sera moins aisé.
Une franchise unique aurait peut-être été plus simple. Une franchise globale à faire varier en fonction des résultats des comptes de l'assurance maladie, liée à un bouclier sanitaire, responsabiliserait davantage les acteurs, me semble-t-il, d'autant que les dépenses pour la maladie ne peuvent que croître, eu égard au vieillissement de la population et à l'évolution des techniques médicales, de plus en plus coûteuses. Cependant, il faut tester cette mesure afin de savoir si cela pourrait être l'amorce d'un changement plus profond, à savoir la définition de priorités dans ce qui doit être pris en charge par l'assurance maladie.
Un quatrième point est à mon sens très positif : les mesures de lutte contre les abus et les fraudes dans toutes les branches, quelle que soit leur origine, sans penser pour autant que cela résoudra tous les problèmes financiers.
Le manque de vertu dans ce domaine est très partagé. D'ailleurs, certaines études d'opinion tendraient à montrer que trois Français sur quatre considèrent que tricher avec la sécurité sociale est tout à fait normal. Aussi faut-il sanctionner les entrepreneurs qui se livrent au travail dissimulé mais également certains salariés, peut-être aussi fautifs dans la mesure où ils sont très demandeurs de rémunération non déclarée. Il ne faut pas se voiler la face sur le sujet. Il faut aussi sanctionner les professionnels médicaux et paramédicaux qui trichent. Enfin, les assurés ne sont pas plus vertueux et, là aussi, des sanctions s'imposent.
Les efforts à accomplir pour restaurer l'idée de solidarité collective sont donc considérables, même si, pour autant, il ne faut pas penser y gagner beaucoup d'argent. En tout état de cause, les résultats de la lutte contre la fraude ne peuvent qu'être meilleurs que ceux qui ont été enregistrés ces dernières années.
J'étais prêt à ajouter un cinquième point plutôt positif à l'actif de ce projet de loi de financement s'agissant de la démographie médicale. Mais la démarche dans le bon sens amorcée dans ce texte a disparu dans les sables mouvants du corporatisme à la française.
La démarche qui était initiée n'était peut-être pas suffisante mais elle méritait d'être soutenue. Pour ma part, je ne pense pas que les mesures incitatives soient efficaces. Leur coût est sans rapport avec le bénéfice attendu. Les médecins n'étant que des salariés de l'assurance maladie...
M. François Autain. Et les médecins libéraux !
M. André Lardeux. Vous êtes libéral, monsieur Autain, ce n'est pas le cas de tous les autres !
Les médecins, disais-je, n'étant que des salariés de l'assurance maladie, seules des mesures contraignantes peuvent permettre leur meilleure répartition sur le territoire. Cela s'applique d'ailleurs à d'autres professions médicales ou paramédicales depuis longtemps. Il est donc logique que la sécurité sociale puisse refuser de conventionner un médecin qui s'installe dans une zone où il y a manifestement une surdensité médicale. Aussi, je regrette qu'après avoir fait un pas en avant on en ait fait deux en arrière.
Ainsi, Angers intra-muros continuera d'avoir beaucoup plus de médecins que la Mayenne voisine, pourtant beaucoup plus peuplée.
Dans bien d'autres domaines, beaucoup reste à faire.
Pour ce qui est de la restructuration des dépenses en vue d'améliorer l'équilibre des comptes, je laisse de côté l'assurance vieillesse, dont la réforme doit avoir lieu l'an prochain, en espérant, que, entre-temps, l'indispensable réforme des régimes particuliers ne comportera pas de concessions excessives qui la rendraient inopérante en termes d'équité et de maîtrise des dépenses.
Pour ce qui est de l'assurance maladie, je souhaite que l'ONDAM soit respecté. Le déficit demeure très important, d'autant que certaines recettes ne sont pas renouvelables, comme le prélèvement anticipé des dividendes - ainsi que l'a dit M. le rapporteur tout à l'heure, il s'agit d'un fusil à un coup - et, si certains autres dispositifs peuvent être efficaces, les recettes attendues n'iront pas en augmentant.
Il y a lieu de s'interroger, par ailleurs, sur les exonérations et les nombreuses niches sociales.
Pour ce qui est des exonérations, les effets pervers sont importants dans la mesure où elles constituent parfois une trappe à bas salaire, comme en témoigne l'augmentation du nombre de smicards en France.
Pour ce qui est des stock-options complétant des revenus déjà très élevés, il y a lieu de les moraliser et de faire en sorte qu'elles participent au financement de la protection sociale.
La réforme de la gestion de l'hôpital est, par ailleurs, indispensable tant sur le plan financier qu'en termes de ressources humaines. Si la généralisation de la tarification à l'activité, la T2A, est une excellente chose, il n'en demeure pas moins que le financement des hôpitaux et la gestion de leurs personnels sont toujours des boîtes noires masquant des pertes en ligne importantes.
Pourquoi, par ailleurs, ne pas remettre à plat l'ensemble du dispositif concernant les affections de longue durée, les ALD ? C'est dans notre pays que sa mise en oeuvre est la plus large.
Pourquoi ne pas revoir, pour les actes ou les délivrances de médicaments les plus courants et les moins coûteux, le mécanisme du tiers payant ? Celui-ci est particulièrement pervers et déresponsabilisant, notamment pour tous ceux pour lesquels il n'y a pas de reste à charge.
Pourquoi ne pas revoir le principe de délégation de gestion de l'assurance maladie aux mutuelles de fonctionnaires, notamment ? Cette délégation n'offre probablement pas actuellement les conditions de transparence, d'efficacité et de maîtrise des dépenses nécessaires.
Pourquoi ne pas évoquer aussi le rôle des assurances complémentaires dans le financement de l'assurance maladie ? Elles bénéficient de certains effets engendrés par des mesures mises en oeuvre par la sécurité sociale. De plus, quand on voit certaines d'entre elles faire une large publicité pour le remboursement d'actes de médecines parallèles, telle l'ostéopathie, on est en droit de penser que cette dépense serait plus utile ailleurs.
Pourquoi ne pas redéfinir tout cela dans un « Grenelle de l'assurance maladie », regroupant l'ensemble des acteurs concernés, avec une obligation de résultat dans la répartition des efforts de chacun ?
Enfin se pose la question des taux de cotisations des employeurs publics ; elle a déjà été développée, je n'y reviens pas.
Depuis quinze ans, les dépenses de santé augmentent plus vite que la croissance économique et cela risque de durer encore un moment.
Cela nous amènera probablement à choisir entre deux hypothèses. La première est la modification radicale du périmètre de prise en charge en le concentrant sur les plus gros risques. La seconde est une augmentation inévitable de la CSG en en uniformisant les taux et en l'ajustant chaque année en fonction des résultats. Cela risque d'être nécessaire quand on sait le problème de la dépendance et les engagements qui ont été pris pour y faire face.
Voilà donc de nombreuses pistes et beaucoup de travail pour les années qui viennent. Malgré tout, j'approuve ce projet de loi de financement pour 2008, sous la réserve expresse de l'article 46, dont nous aurons ultérieurement l'occasion de débattre, en vertu des convictions qui sont les miennes. Toutefois, j'espère que les prochains PLFSS pourront mettre un terme à la spirale infernale du report sur les générations futures des déficits de notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit la création d'une participation forfaitaire supplémentaire qui aura pour objet de contribuer au financement de trois chantiers : la recherche contre la maladie d'Alzheimer, les soins palliatifs et le plan cancer. Je me réserve d'intervenir sur l'une de ces principales innovations : la mise en place du plan de lutte contre la maladie d'Alzheimer, retenue comme grande cause nationale par le Président de la République.
Jeudi dernier, la commission présidée par le professeur Ménard a remis au chef de l'État un rapport dans lequel figurent dix objectifs, vingt-huit recommandations et quarante-huit mesures, pour accélérer la recherche et pour une prise en charge digne des malades. Ces recommandations serviront de base à l'élaboration du plan Alzheimer 2008-2012, qui sera mis en place dès le 1er janvier de l'année prochaine.
En effet, l'urgence est incontestable dans notre pays. Les chiffres sont alarmants : 850 000 malades, 225 000 nouveaux cas chaque année, 1,3 million de personnes atteintes en 2020 et 2,1 millions en 2040. Ce fléau est la quatrième cause de mortalité dans notre pays.
Nous ne pouvons décemment laisser l'allongement de la durée de vie s'accompagner de la certitude d'être atteint de cette maladie irréversible. Si la cause de cette maladie reste encore inconnue, de brillants chercheurs - qui font un travail remarquable - ont pu dresser une liste de quelques facteurs aggravants : les personnes ayant du diabète et dont la tension et le taux de cholestérol sont élevés présentent des risques beaucoup plus grands d'être atteintes par la maladie d'Alzheimer en vieillissant.
C'est la raison pour laquelle il est essentiel d'adapter au plus vite notre système de santé à cette maladie, de rendre le diagnostic et la prise en charge plus précoces, tant dans l'hexagone que dans les départements et territoires d'outre-mer, où les cas d'hypertension, de diabète et de cholestérol ne cessent de croître de façon préoccupante. Mais il convient aussi de redéfinir les critères de base de la bonne alimentation pour tous.
Il me faut ici rendre hommage à l'ASGUAL, l'association Guyane Alzheimer, présidée par Mme Marie-Laure Phinera, qui fait un travail remarquable afin d'améliorer le sort de ceux qui sont atteints par cette maladie et de leurs proches.
La commune de Macouria, non loin de Cayenne, grâce à la bienveillance de son maire, a proposé à l'ASGUAL un terrain de deux hectares, dédié à la construction d'un centre d'accueil de jour et d'une unité de vie Alzheimer.
Cet établissement sera composé d'un centre de trente-six lits d'accueil temporaire - trois unités de douze lits -, de quatre lits « long séjour/unité de vie », de deux lits d'urgence et d'une unité d'hébergement de douze logements - dix logements postopératoires et deux logements pour les familles en visite. La surface utile du programme est de 3 400 mètres carrés. Le coût global de l'opération est de 835 000 euros. Il reste à trouver le financement et nous venons ici demander au Gouvernement la participation de l'État. Nous espérons être entendus.
La maladie d'Alzheimer, dont l'évocation fait toujours frémir, est un drame familial et social. Elle brise des milliers de vies - pour ceux qui en sont atteints - et des milliers de familles qui sont confrontées à cet enfermement de l'esprit et qui sont désarmées devant cette terrible maladie pour laquelle, un siècle après sa découverte par Aloïs Alzheimer en 1906, il n'existe malheureusement encore aucun outil de diagnostic ni aucun traitement.
L'une des principales questions qui préoccupe les familles confrontées à cette maladie est celle de la définition d'une ambitieuse politique de prise en charge des patients et de leur famille par des professionnels, spécifiquement formés pour intervenir auprès de ces malades et aider leur entourage proche.
Tout d'abord, s'agissant du diagnostic, moment tragique pour le patient et son entourage, qui voient leur vie s'effondrer en l'espace de quelques secondes et qui ont, plus que jamais, besoin d'aide et d'assistance, il est indispensable que médecins et équipes médicales soient formés à entourer cette annonce de mille précautions.
Car le diagnostic précède un terrible choc. Les questions s'entrechoquent : l'être aimé, l'être chéri est-il toujours présent dans ce corps qui ne me reconnaît pas ? Les gestes d'amour et de tendresse ont-ils toujours le même sens si ce corps que je cajole me perçoit comme un étranger ?
Dans un second temps, lorsque les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer vivent à leur domicile, c'est la famille proche qui prend en charge le malade. L'aidant joue alors un rôle très important car c'est sur lui que repose la qualité de l'environnement dont dépend le bien-être du malade. En effet, celui-ci reste attaché aux choses qui l'ont rendu heureux et l'ont satisfait toute sa vie. Il a besoin de rester en contact avec sa famille et ses amis, de se sentir bien, en sécurité, de se repérer.
Or ces personnes doivent faire face à des situations difficiles. Elles sont confrontées au désapprentissage, à l'isolement, à un sentiment de « mort sans mort ». Prendre soin d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer est un travail exigeant, qui demande beaucoup de temps, d'énergie morale et physique. Cette activité ne s'exerce pas sans de profondes modifications dans la vie quotidienne, pour l'équilibre familial et les relations avec le malade ; elle risque d'engendrer un épuisement physique et psychologique ou d'avoir des répercussions sur l'état de santé de l'aidant. Enfin, l'accompagnement des malades et de leur famille est essentiel lors de l'entrée en institution, lorsque le maintien à domicile n'est plus possible. Cette décision est en effet difficile et très douloureuse.
Dès à présent, il est essentiel que les professionnels soient bien formés pour agir dans l'intérêt des patients et de leur famille afin de préserver leur dignité. Les progrès de la recherche ouvrent de nouvelles perspectives quant à l'accompagnement thérapeutique et social des malades. Aussi me paraît-il important de réfléchir également aux différents métiers qui devront se développer pour redonner aux malades toute leur dignité et leur place à nos côtés : soignants à domicile, rééducateurs de la mémoire, accompagnateurs du quotidien. Ces nouveaux métiers devront être solidement encadrés par une éthique nouvelle. Comment préserver le libre arbitre d'un patient sans le remodeler ? Comment rééduquer la mémoire tout en préservant l'intimité de l'entourage ?
Madame le ministre, monsieur le ministre, les franchises médicales que vous proposez d'instaurer à l'article 35 et qui serviront à financer les soins palliatifs, la lutte contre la maladie d'Alzheimer et le cancer devraient rapporter 850 millions d'euros. Malheureusement, cette somme ne suffira pas pour engager une véritable action. Vous proposez de créer, à partir de 2007 et en 2008, 6 000 places nouvelles par an en services de soins infirmiers à domicile ainsi que des places nouvelles en accueil de jour et en hébergement temporaire, pour faciliter la tâche des aidants familiaux.
Vous envisagez également de financer 7 500 places nouvelles en maisons de retraite. Si toutes ces mesures sont louables, je ne peux que vous alerter sur leur insuffisance. Par ailleurs, je souhaiterais savoir combien de places seront attribuées à l'outre-mer.
Il n'est plus possible de rattraper notre retard mais il est nécessaire d'anticiper l'accompagnement de cette maladie. Le combat que nous devons mener ne fait que commencer. Cette terrible maladie va toucher de plus en plus de familles et des personnes de plus en plus jeunes. Aussi, je forme le voeu que la mise en oeuvre de ce plan apporte des réponses aux enjeux que ce fléau majeur représente pour notre société française et, encore plus, pour notre société d'outre-mer.
Nous avons raison d'espérer, c'est même un devoir. Je serai à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 souffre des mêmes défauts que ceux des années précédentes : les hypothèses de construction reposent sur des projections que le rapporteur Alain Vasselle lui-même qualifie pudiquement d'« éminemment volontariste ».
La Cour des comptes, quant à elle, placée face au scénario dit « bas » affirme que la dégradation sensible de la situation en 2007 « est de nature à invalider » ledit scénario. Dans de telles circonstances, l'existence d'un scénario dit « haut » ne vaut même pas la peine d'être envisagée !
En termes moins galants, je dirai que les hypothèses sur lesquelles s'appuie le Gouvernement pour ses prévisions de 2008 sont, une fois de plus, irréalistes et seront, une fois encore, démenties par les faits. Chaque année, la gauche vient à cette tribune dénoncer cette manière de travailler, chaque année nous nous faisons huer et chaque année le bilan de l'exercice précédent et de l'exercice en cours nous donne raison. Une fois de plus, une fois encore, une fois de trop, l'examen des équilibres généraux démontre, par les chiffres, ce que nos discours antérieurs annonçaient.
L'année 2007 est, à ce titre, emblématique. Le déficit du régime général devrait s'établir à 11,7 milliards d'euros. Or les parlementaires de la majorité avaient voté en 2006 des prévisions largement inférieures, à savoir un déficit de 8 milliards d'euros.
Ce résultat est d'autant plus choquant que la manipulation des chiffres avait été poussée à l'extrême : au mois de mars 2007, en pleine campagne pour l'élection présidentielle, ceci expliquant sans doute cela, un communiqué triomphant de Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et de Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, annonçait « un redressement plus rapide que prévu » de l'ensemble des comptes sociaux. Cette annonce était démentie à peine deux mois plus tard par la réalité.
Mme Raymonde Le Texier. C'est ainsi que, le 29 mai 2007, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie tirait la sonnette d'alarme face à l'évolution des dépenses de santé, vous obligeant à annoncer immédiatement un plan de redressement aussi improvisé qu'insuffisant.
Insincérité des prévisions, irréalisme des hypothèses économiques, astuces comptables et évaluations douteuses : voilà les projets de loi de financement de la sécurité sociale que vous demandez au Parlement de voter à chaque exercice budgétaire.
Mais, cette année plus qu'une autre, la pilule doit être amère pour les sénateurs de la majorité. En effet, 2007 traduit en chiffres l'échec des deux réformes phares de la précédente législature : celle de François Fillon sur les retraites et celle de Philippe Douste-Blazy sur l'assurance maladie.
Or, dans cet hémicycle, ceux-là même qui ont applaudi en 2004 l'annonce du retour à l'équilibre des comptes pour 2007, ceux-là même qui ont moqué les critiques et les doutes de la gauche face aux rodomontades des ministres de l'époque, ceux-là même qui ont soutenu une réforme de l'assurance maladie que l'on savait injuste et qui s'est révélée de surcroît inefficace, sont aujourd'hui présents pour ratifier un déficit de 11,7 milliards d'euros, dont 6,2 milliards incombent à l'assurance maladie, un déficit dont ils savent en outre qu'il aurait pu atteindre des sommets sans le chèque de 5,1 milliards d'euros adressé par l'État à l'ACOSS au début du mois d'octobre.
Pis, le Gouvernement leur demande de valider, dans l'article 8 de ce projet de loi, des hypothèses prévoyant, sur des bases aussi infondées qu'incertaines, un retour à l'équilibre en 2012. La couleuvre était déjà difficile à avaler, elle devient carrément impossible à digérer.
Mais ce n'est pas fini ! À la fin de 2006, la dette sociale transférée à la CADES s'élève à 107,7 milliards d'euros, dont 72,9 milliards restent à amortir. Selon les calculs les plus optimistes, cet amortissement est censé intervenir aux environs de 2024. Non seulement nous faisons déjà payer à nos enfants des charges que nous ne sommes pas capables d'assumer, mais la question se pose de manière lancinante en 2007 : qu'allons-nous faire des déficits constatés en 2007, prévus en 2008 et prévisibles pour les années qui suivent ?
En effet, l'année 2007 étant censée voir le retour à l'équilibre de l'assurance maladie, vous n'avez rien prévu pour faire face au déficit constaté. Il est vrai que de nouvelles prises en charge de passifs supposent une augmentation de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, affectée à la CADES, décision difficile à assumer alors que vous avez les yeux rivés sur les élections municipales de 2008. Comment pourrons-nous voter, dans ces conditions, un projet de loi de financement pour 2008 qui fait une impasse aussi indécente sur la question du règlement des déficits constatés ?
Ajoutons que demander au Parlement d'augmenter le plafond des découverts autorisés pour l'ACOSS à 35 milliards d'euros revient à transformer une facilité de caisse en dette dissimulée. Votre silence sur ce point est inadmissible ! La situation actuelle prive les Français de nombreux droits par l'avalanche des mesures de coercition qui leur sont destinées, tout en enlevant, d'ores et déjà, aux générations futures des parts de la richesse qu'elles auront créée pour payer leur propre protection sociale.
Amoncellement des déficits, explosion de la dette sociale et multiplication des découverts, les fées qui se sont penchées sur le projet loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 sont toutes des Carabosse, les objectifs affichés en témoignent !
Pour 2008, le déficit du régime général est estimé à 8,9 milliards d'euros. Deux branches restent déficitaires : la maladie avec 4,3 milliards d'euros et la vieillesse avec 5,1 milliards d'euros.
Si l'amélioration des comptes résulte, une nouvelle fois, d'hypothèses économiques aussi fantaisistes que par le passé, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 nous fournira l'occasion d'effectuer les ajustements nécessaires. Nous nous trouverons en terrain connu !
En termes de recettes, l'apport le plus important est dû à la catégorie phare du mode de gestion du Gouvernement : la mesure « à un coup », selon la charmante expression de notre collègue Vasselle déjà citée. Cette année, il s'agit du prélèvement à la source des charges sociales et fiscales sur les dividendes : cette avance devrait rapporter 1,3 milliard d'euros de recettes exceptionnelles.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 est un budget d'attente et de rigueur. Comme d'habitude, elle prend en ligne de mire les assurés sociaux, réduit les prises en charge et évite de réfléchir aux nécessaires réformes de structure. Elle met en place une politique d'austérité, juste après le vote des cadeaux fiscaux de cet été. Les avantages accordés à quelques-uns télescopent les injustices infligées à d'autres, à savoir la création des franchises médicales.
Qui plus est, alors que la Cour des comptes avait évalué aux environs de 3 milliards d'euros les recettes attendues d'une taxation des stocks-options, le Gouvernement réduit la portée de la mesure en taxant si légèrement ce mode de rémunération qu'il en retire à peine 400 millions d'euros. En ce qui concerne l'assurance maladie, les assurés sociaux qui subissent déremboursements et augmentation des forfaits aimeraient sans doute bénéficier des mêmes égards.
En effet, l'assurance maladie est particulièrement visée par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont une des mesures les plus choquantes consiste à faire payer des franchises médicales aux malades. Cette mesure, aussi injuste que brutale, rompt avec un principe fondateur de notre protection sociale, selon lequel les bien-portants paient pour les malades. L'instauration d'une telle taxe sur la maladie, au nom de la responsabilisation du patient, revient à rendre le malade responsable de sa maladie, comme si celle-ci était un choix.
Qui plus est les sommes en jeu ne sont pas dérisoires : en additionnant les nouvelles franchises à celles qui existent déjà, le plafond atteint très vite 100 euros par personne et par an. Cette somme ne peut que creuser les inégalités d'accès aux soins. Aujourd'hui, 13 % des Français et un quart des jeunes de moins de 25 ans disent se priver de soins par manque d'argent. Qu'en sera-t-il demain ?
La volonté de faire baisser le déficit de l'assurance maladie de 6,2 milliards à 4,3 milliards d'euros n'est pas contestable dans son objet. En revanche, elle l'est dans la méthode.
Le déficit de la branche est lié principalement au dépassement de l'ONDAM. En 2007, ce dépassement atteignait 3 milliards d'euros et était essentiellement dû à l'explosion des soins de ville. Les médicaments sont le poste qui augmente le plus en ce domaine, mais il n'est pire solution que de tomber, une fois encore, sur le dos des malades. D'abord, parce qu'ils ne sont pas prescripteurs. Ce rôle est l'apanage des médecins. Or, si les contrôles et la lutte contre la fraude sont toujours invoqués à l'encontre des assurés, le corps médical est, quant à lui, protégé autant des contrôles que des poursuites.
En matière de responsabilisation, quelques principes pourraient être utiles à rappeler. L'économie de la santé est en grande partie socialisée : la rémunération des médecins repose sur les prises en charge accordées par la sécurité sociale et les mutuelles complémentaires. Face aux difficultés de notre système, les acteurs de santé ne peuvent se dédouaner de toute responsabilité ni de toute obligation. Force est de constater que, s'il est question chaque année de nouvelles revalorisations des honoraires du corps médical, dont un certain nombre sont déjà intervenues, celles-ci ne se sont jamais traduites par des contreparties notables en termes d'amélioration de la prise en charge ou de maîtrise des dépenses.
Alors que le Gouvernement a la main lourde dès qu'il s'agit de taxer les malades, la question des dépassements d'honoraires des médecins est taboue. Pourtant, l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, qui a évalué à 2 milliards d'euros ce montant chez les spécialistes, assimile cet état de fait « à un recul de la solidarité nationale ». La Cour des comptes note d'ailleurs que ni la CNAMTS, ni le conseil de l'ordre ne sanctionnent ces pratiques.
Or ce système nuit à toute réforme par son caractère inflationniste : à quoi bon s'impliquer dans des programmes contraignants visant à récompenser financièrement les médecins qui s'investissent dans la qualité de leur pratique alors que d'autres n'ont pas d'effort à faire pour auto-augmenter leurs rémunérations ? Cela alimente également les discriminations territoriales, poussant nombre de médecins à s'installer dans des zones riches, là où les gens pourront payer.
D'ailleurs, la question de la démographie médicale est l'un des points noirs de ce PLFSS. La France souffre d'une répartition trop inégale des médecins, et les déserts médicaux se développent. Sur notre territoire, le Sud est mieux doté que le Nord, les villes que les campagnes, les centres-villes que les banlieues.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas plus qu'avant !
Mme Raymonde Le Texier. En outre, d'autres inégalités s'y ajoutent : la proportion de médecins généralistes dans la population médicale est insuffisante et le secteur 2, au sein duquel se pratiquent les honoraires libres, dispose dans certaines spécialités d'un monopole de fait sur une part importante du territoire.
Or, comme on a pu le constater, il existe aujourd'hui une tension entre l'exaltation corporatiste de la liberté d'installation et la défense de l'intérêt général. Il est temps de rappeler que, contrairement à la liberté d'installation, le droit à la santé, lui, figure dans la Constitution. Entre le principe de la liberté d'installation et celui de l'égal accès aux soins, il n'y a pas égalité, et limiter le droit d'installation dans les zones à forte densité, comme cela a été fait pour les infirmières, est une option dont on aurait tort de se priver.
Pour autant, en renonçant à toute politique d'aménagement du territoire, le Gouvernement a encouragé cet état de fait. On peut comprendre que les médecins n'aient guère envie d'aller là où les services publics ont déserté, là où ferment les écoles, les bureaux de poste, les caisses d'allocations familiales, les services des impôts, les tribunaux et les hôpitaux de proximité.
Enfin, les mesures incitatives à développer concernent moins les modes de rémunération que les conditions d'exercice de la médecine. En développant le travail en réseau, en soutenant et en accompagnant la création et le développement des centres de soins et des maisons de santé, on apporte une réponse aux revendications des jeunes médecins.
Les assurés sociaux ont trop longtemps été les variables d'ajustement de notre système de soins. Il est temps que tous les acteurs prennent leur juste part de responsabilités.
Par ailleurs, bien que le médicament représente un tiers des dépenses de soins de ville, la politique du médicament ne tient qu'une place dérisoire dans ce plan de financement pour 2008.
Pourtant, quand on parle du médicament, on ne peut éviter de poser la question de l'explosion des bénéfices des laboratoires pharmaceutiques. Aujourd'hui, cette industrie prouve que la santé n'est pas uniquement source de déficits, mais alimente une croissance aussi exponentielle qu'ininterrompue, à tel point que les bénéfices de l'industrie pharmaceutique sont supérieurs à ceux du secteur pétrolier ou de la banque.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. François Autain. Pas cette année, en ce qui concerne le secteur pétrolier !
Mme Raymonde Le Texier. Toutefois, les doutes sur la réalité du service médical rendu des nouveaux médicaments sont importants. Selon la Haute autorité de santé, de 80 % à 85 % des nouveaux médicaments mis sur le marché n'apportent aucune innovation significative. Or une part importante de la recherche que revendiquent les laboratoires est consacrée à l'élaboration de ce type de produits et vise uniquement à leur assurer des bénéfices colossaux aux dépens de la sécurité sociale.
En effet, les décisions d'admission au remboursement des médicaments, outre qu'elles sont notoirement insuffisamment sélectives selon le rapport de la Cour des comptes, conduisent à accorder le taux de remboursement le plus élevé à la quasi-totalité des médicaments ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché, quand bien même leur utilité reste marginale.
Il ne reste plus alors, pour les laboratoires, qu'à convaincre les prescripteurs, une tâche facilitée, en France, par le fait que la formation initiale en pharmacologie des médecins présente de graves insuffisances et, surtout, que la formation continue est principalement financée et assurée par les laboratoires.
M. François Autain. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. Devant cette situation, la proposition de maintenir la taxe sur les laboratoires à seulement 1 % est une réponse dérisoire, d'autant qu'en relevant le taux K, au-delà duquel les laboratoires doivent négocier une baisse des volumes et des prix, le Gouvernement adresse un message très clair à l'industrie pharmaceutique : « produisez donc davantage, nous avons déjà prévu d'augmenter le poste « dépenses de pharmacie » de l'assurance maladie ».
Or le médicament n'est pas un produit comme les autres. Etant payé par la collectivité, son admission au remboursement, l'évaluation de son SMR, comme le suivi après commercialisation devraient être strictement contrôlés.
Enfin, les années passant et se ressemblant, je voudrais conclure en revenant sur la situation de l'hôpital public.
Pour 2008, alors que la Fédération hospitalière de France a estimé à 4 % l'augmentation mécanique des dépenses hospitalières, la décision du Gouvernement de fixer l'ONDAM à 3,2 % va encore entraîner une accentuation des déficits.
Cet ONDAM, purement « pifométrique », n'est fondé sur aucun objectif en matière de santé publique. Il reflète plus les désirs du Gouvernement que la réalité du secteur concerné. Dans ces conditions, l'écart entre les moyens alloués et les besoins constatés ne va cesser de croître, alors même que l'hôpital public a épuisé toutes ses ressources, tant humaines que financières.
On ne peut pas être opposé au principe de la tarification à l'activité pour les hôpitaux. Encore faut-il que soient pris en compte le coût de la permanence des soins et les obligations propres au service public, lequel accueille tout le monde, tous les jours, à toute heure, reçoit les plus démunis, prend en charge tant les pathologies lourdes que les fins de vie.
Au vu de votre insistance à vouloir organiser à marche forcée la convergence entre secteur public et secteur privé, en l'absence d'éléments objectifs permettant une comparaison réelle, c'est à se demander si vous n'avez pas délibérément choisi de sacrifier l'hôpital.
Pour terminer, je voudrais revenir sur une déclaration du ministre chargé du budget, Eric Woerth. Lors du dernier débat d'orientation budgétaire, en réponse à nos interventions dans la discussion générale, il a déclaré : « Un gouvernement de droite est toujours une bonne nouvelle pour les finances publiques, car nous avons, en la matière, une vision saine, franche et sans tabou ».
Malheureusement, il y a loin de la coupe aux lèvres : en cinq années de gestion par la droite du régime général, les déficits cumulés auront largement dépassé les 50 milliards d'euros. En revanche, en 2001, le régime général était excédentaire pour la troisième année consécutive. Hélas pour vous, le chef du gouvernement s'appelait alors Lionel Jospin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Même si vous tenez ce texte, madame le ministre, pour un préalable à un plan de refondation de notre protection sociale annoncé pour l'année prochaine, l'analyse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 montre que certaines mesures ont valeur de réformes structurelles.
Je profiterai de cette intervention pour présenter quelques observations.
Première observation, la principale mesure consiste en la fixation d'un taux de progression de l'ONDAM plus réaliste, à 3,2 %. Toutefois, il faut dire qu'il est accompagné d'un dispositif prévoyant que toute revalorisation tarifaire négociée conventionnellement entre les professionnels et l'UNCAM sera soumise à un mécanisme d'acceptabilité par l'ONDAM, ce qui est logique. Cette disposition n'est cependant pas anodine et est de nature à créer des tensions. Surtout, ne revenons pas à une maîtrise plus comptable des dépenses de santé, si décriée et dévastatrice !
Cette mesure met en place un mécanisme inédit de stabilisateurs économiques automatiques qui rendront difficile l'application des accords conventionnels lorsqu'ils comporteront des mesures tarifaires. Cela peut être un coup de frein au fonctionnement du système conventionnel.
Deuxième observation, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'autoriser une progression des dépenses en matière de soins de ville identique à celle qui est inscrite pour les établissements publics de soins, à hauteur de 3,2 % contre 1,1 % l'an dernier. L'objectif cible est en fait de 2 % compte tenu de la franchise. Les franchises sont présentées par ailleurs comme sources de financement du plan Alzheimer et du plan cancer. Il s'agit là de pathologies dont la prise en charge relève essentiellement du domaine hospitalier.
Ne risquons-nous pas, une nouvelle fois, le déclenchement de la procédure d'alerte, avec la mise en oeuvre de mesures qui toucheront le secteur de la médecine de ville ?
De plus, on le sait, de nombreux transferts de charges s'effectuent de l'hôpital vers la médecine de ville.
Par exemple, les médicaments sortis de la réserve hospitalière ont représenté, pour les années 2005 et 2006, pas moins de 1,5 milliard d'euros supplémentaires. Ils sont le plus souvent onéreux et remboursés à 100 %, et grèvent l'enveloppe affectée aux soins de ville.
On peut évoquer, dans le même ordre d'idées, les transferts de prescriptions de l'hôpital vers la médecine de ville. Cela signifie que certaines prescriptions d'actes infirmiers, de soins de kinésithérapie, de médicaments, de dispositifs médicaux, etc., sont de plus en plus souvent supportées par les professionnels libéraux.
Or ce sont des transferts qui ne sont pas pris en compte lors de la détermination de l'ONDAM. Dans une récente étude, le professeur Claude Le Pen, de l'université de Paris-Dauphine, estime que, dans le cadre du PLFSS, nous devons obtenir que la fixation d'un ONDAM réaliste tienne compte des transferts d'activité de l'hôpital vers la médecine de ville.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Dominique Leclerc. Une fois de plus, les professionnels de santé libéraux pourraient se croire considérés comme la variable d'ajustement du système.
M. Paul Blanc. C'est vrai !
M. Dominique Leclerc. Troisième observation, au-delà des réformes structurelles, les nouveaux dispositifs intègrent plusieurs mesures qui tendent à responsabiliser les patients sur les plans financier et thérapeutique, afin de soigner mieux en dépensant moins.
Des mesures visent ainsi à inciter les patients à être plus soucieux de leurs dépenses de santé. Il faut savoir que le fait d'être remboursé entièrement ou presque a pour corollaire une certaine déresponsabilisation de l'assuré et parfois certains abus en termes de consultations multiples ou d'examens redondants.
Responsabiliser nos concitoyens au regard du financement de la santé implique qu'on leur dise la vérité. Collecter, comme il est prévu, 850 millions d'euros grâce au dispositif de la franchise médicale ne les dispensera pas de s'engager dans une dynamique de responsabilisation personnelle, afin de permettre une meilleure utilisation du produit des prélèvements obligatoires et des impôts. Ils devront davantage intégrer le coût de leur santé dans leur budget familial.
M. François Autain. Comme celui de l'essence !
M. Dominique Leclerc. De même, la généralisation des assurances complémentaires remboursant la totalité de la dépense a pour conséquence de gommer l'effet « pédagogique » des différents tickets modérateurs.
Quatrième observation, la mise en avant de l'outil « Infosoins », qui permet aux assurés sociaux d'avoir accès aux informations sur le secteur d'exercice des praticiens et le tarif des soins, est une mesure positive.
Dans cette optique, si la transparence pouvait être accrue, notamment pour les soins coûteux, par une information préalable et écrite sur le prix total des soins, sur le tarif de remboursement et surtout sur les dépassements d'honoraires demandés, ce serait une bonne chose. L'article 28, dans sa rédaction initiale, allait dans le bon sens. Pourquoi remettre en cause le secteur 2, qui permet un complément d'honoraires ? Il faut le savoir et le dire : c'est la nomenclature des actes par la sécurité sociale qui ne correspond plus, et ce depuis longtemps, à la réalité des actes chirurgicaux, à leur technicité et surtout aux responsabilités prises par les chirurgiens. Le député Bur le sait très bien, du moins l'immense majorité de ses confrères dentistes en exercice le savent, s'agissant de leur propre nomenclature. La sécurité sociale se « dédouane » en faisant croire que son tarif opposable est le vrai prix des actes.
Bien sûr, il nous faut maintenir le niveau de qualité de la chirurgie conventionnée, seule capable d'offrir à tous les Français un égal accès à la même qualité de soins. Ce n'est pas en demandant, par catégorie d'actes, un état semestriel des dépassements moyens et des dépassements maximaux pratiqués, ce que la sécurité sociale connaît bien grâce à son suivi informatique, que l'on encouragera les vocations. Aujourd'hui, les jeunes internes se détournent des spécialités de chirurgie, d'anesthésie et de gynécologie obstétricale.
M. François Autain. Et de médecine générale !
M. Dominique Leclerc. Ma cinquième observation portera sur l'installation des médecins.
Dans ma région, la région Centre, plus de 40 % des médecins généralistes actuellement en exercice auront cessé leur activité dans les six ans à venir.
M. Dominique Leclerc. Des enquêtes intéressantes ont été faites pour déceler les aspirations de ces trois populations clés que sont les internes, les jeunes médecins installés depuis moins de cinq ans et les médecins remplaçants. Quels sont les freins et les motivations à l'installation de la nouvelle génération en exercice libéral ? Le mode et les conditions d'exercice de la médecine libérale ne correspondent plus aux aspirations de cette nouvelle génération. Ils sont totalement à revoir si l'on veut à nouveau favoriser les installations. Sont visés, entre autres facteurs, le temps de travail et la rémunération : s'il faut travailler plus de 50 heures par semaine pour gagner moins que celui qui, étant salarié, ne fait que 35 heures, les gens n'hésitent pas. La question n'est pas que financière.
Les zones sous-médicalisées restent peu attractives, et ce malgré les avantages proposés.
Ce qui prime, c'est le mode d'exercice. Il appartient aux partenaires conventionnels et aux partenaires locaux de mettre en oeuvre les voies et les moyens de la régulation géographique de l'offre de soins, car dissuader les installations de manière coercitive ne sera pas nécessairement efficace.
Pour redonner une perspective, il faut améliorer la formation initiale, qui s'est développée à l'hôpital mais ne donne lieu qu'à six mois de stage dans un cabinet de ville. Or la formation d'un médecin généraliste dure dix ans.
Il faut renforcer la filière de médecine générale.
Enfin, vous souhaitez restructurer l'offre en matière d'officines pharmaceutiques. Cette proposition se télescope avec le débat européen sur l'avenir des pharmacies dans leur conception actuelle. Quel est l'avenir de la pharmacie face à l'évolution européenne, entre liberté encadrée de tradition latine et liberté absolue ?
Ce dernier concept de liberté absolue, dans lequel le médicament n'est identifié que comme un bien marchand, est antinomique d'un service dans lequel sont privilégiées la qualité, la compétence et la capacité de jugement objectif de la part des professionnels, en vue d'une consommation raisonnée et adaptée pour chaque patient.
Aujourd'hui, dans nos débats, le générique n'est plus un médicament, il est devenu un « marché de marge ». Les discussions de fond ne se font plus du tout sur sa nature, mais bien sûr son rapport commercial. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les citoyens se posent la question depuis plusieurs mois, les journaux depuis quelques semaines : à quoi servent les membres du Gouvernement ? Le président est partout, se mêle de tout, réduisant ses ministres à des rôles de faire-valoir ou d'exécutants. C'est agaçant pour vous, mais ce l'est aussi pour nous. En effet, en examinant le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis, on peut se demander : à quoi servent donc les parlementaires ?
Il paraît évident que, cette année encore, nous perdons notre temps. Année après année, imperturbablement, les ministres se succèdent, impavides, pour nous affirmer, la main sur le coeur et plus souvent encore sur le portefeuille, que les hypothèses de travail sont sérieuses, les pistes de réforme crédibles et les efforts demandés équitables sur le plan social et efficaces sur les plans sanitaire et économique.
Las... Les réformes se suivent et se ressemblent. On met davantage à contribution les assurés sociaux, invités à faire preuve de « responsabilité », alors qu'ils ont le sentiment de n'avoir de prise ni sur les conditions de vie et de travail qui expliquent une part croissante des maladies et accidents qui les frappent, ni sur les prescriptions des professionnels de santé, ni sur le fonctionnement du système de santé. Et l'on réduit le remboursement de soins ou de molécules dont on se demande pourquoi ils ont si longtemps été prescrits et continuent à l'être s'ils ne répondent qu'à des préoccupations de confort.
Cette année encore, on nous promet que tout cela va s'arranger. Comment y croire ? Il est demandé au Parlement chaque année de rectifier en fin d'exercice, parce que les hypothèses retenues au moment du vote du budget sont systématiquement trop optimistes et parce qu'aucune politique de fond n'a été conduite pour éviter le dérapage des dépenses, des prévisions de recettes et de dépenses dont le montant voté en loi de finances suscitait déjà l'effroi.
Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, on nous promettait que le régime général serait excédentaire en 2010 ; dans la loi de financement pour 2007, on nous annonçait le retour à l'équilibre pour 2012 ; et dans le projet de loi pour 2008, on parle de 2014. Dans le même temps, la perspective de rembourser la dette s'éloigne elle aussi : la CADES risque de rester longtemps au hit-parade européen des émetteurs d'emprunt.
Ma question est simple : la méthode Coué va-t-elle suffire ?
Mme Dominique Voynet. Faut-il continuer à adopter des mesures contestables, au coup par coup, sans en évaluer les effets pervers à moyen ou long terme ? C'est le cas de la généralisation de la tarification à l'activité à l'hôpital, dont vous sous-estimez l'impact inflationniste sur le nombre des actes, comme sur leur nature.
Faut-il refuser de mettre en place des mesures à coup sûr efficaces, comme l'extension, préconisée par la Cour des comptes, des cotisations sociales aux stocks-options à un taux suffisant, ce qui permettrait de réduire le déficit de 3 milliards d'euros ?
Faut-il se résigner, sans y remédier, à l'enlisement du chantier du dossier médical personnel, dont on plébiscite le principe sans mobiliser les moyens sollicités par le groupement d'intérêt public, sans résister aux pressions de lobbies industriels, qui ne voient dans cette belle idée qu'un marché à se partager ?
Je ne crois pas au conte que vous nous racontez, et je ne suis pas la seule. J''ai noté que la plupart des partenaires européens de la France n'y accordent pas le moindre crédit non plus, en dépit du plaidoyer du Président de la République devant le conseil Ecofin cet été à Bruxelles. En effet, le Gouvernement se fonde sur des hypothèses qui sont, une fois de plus, tout sauf crédibles : une prévision de croissance des dépenses limitée à 1,5 % alors qu'elles ont progressé de 3,5 % en 2007 ; une croissance du PIB de 2,5 % ; une croissance de la masse salariale de 4,4 % ; une inflation contenue à 1,6 %.
Je ne crois pas à votre conte, parce que les mesures structurelles permettant d'accompagner le changement des comportements que vous appelez de vos voeux n'ont pas été prises et que celles qui relèvent des conditions de vie ne porteraient leurs fruits qu'à moyen ou long terme.
Restaurer la qualité de l'air ; limiter de façon drastique l'usage des pesticides et de façon générale des perturbateurs endocriniens, des produits cytotoxiques et reprotoxiques ; réduire la consommation de sel, de sucres rapides, de graisses saturées ; améliorer les conditions de travail, qu'il s'agisse de l'ergonomie des postes de travail, de l'intensité des rythmes de travail ou du stress ; faire reculer l'habitat insalubre ou indigne... Voilà ce qui changerait la donne !
Je ne crois pas à votre conte et je pense même que vous ne le racontez que pour endormir la méfiance des citoyens à quelques mois des élections municipales. C'est un secret de polichinelle : des mesures lourdes seront prises au lendemain de ce rendez-vous. Elles seront, espérez-vous, d'autant plus faciles à imposer à une population traumatisée par l'ampleur des déficits que la situation apparaîtra irrémédiablement dégradée. Votre objectif est de tourner le dos aux systèmes publics de solidarité et de confier notre sort aux assurances privées, présumées meilleures gestionnaires.
Il faut regarder de près ce qui se passe dans les pays qui, comme les États-Unis ou les Pays-Bas, ont fait ce choix. Si la protection reste excellente pour ceux qui peuvent la financer, elle est médiocre ou inexistante pour des millions d'autres.
La croissance des dépenses de santé est-elle inéluctable ? Le vieillissement de la population l'explique en partie, mais en partie seulement. Il nous préoccupe moins que l'envolée des maladies chroniques. Les affections de longue durée, les maladies cardio-vasculaires, les cancers, le diabète, l'obésité, les pathologies neuro-dégénératives représentent aujourd'hui 60 % des dépenses de santé. Or, ces affections ont en commun d'être fortement liées aux conditions de vie, au sens large.
Sommes-nous condamnés à déplorer, année après année, que les Français soient les premiers consommateurs de psychotropes d'Europe, à constater qu'il reste presque impossible d'imaginer qu'une consultation médicale ne se traduise pas par la remise d'une ordonnance, au prix d'accidents iatrogènes plus fréquents et plus graves qu'ailleurs ?
Des économistes de santé ont calculé que, si la France revenait au niveau de prescription moyen de la Finlande, qui n'est pas à proprement parler un pays sous-développé, on pourrait économiser 10 milliards d'euros chaque année. Et cela sans mettre en péril la santé des citoyens, grâce à un engagement massif contre le tabagisme, pour un meilleur équilibre alimentaire et pour une activité physique régulière.
Mme Dominique Voynet. On sait tout cela depuis longtemps, alors pourquoi ne change-t-on pas radicalement de perspectives ? Probablement parce que le secteur médico-pharmaceutique pèse de tout son poids, politique et économique. Je vous invite à ne pas négliger le rôle que continuent à jouer les laboratoires pharmaceutiques, y compris au sein de notre vénérable institution,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Qui est visé ?
Mme Dominique Voynet.... et l'impact de la bonne vieille tradition de la « visite médicale », qui représente - on le sous-estime trop souvent - 75 % des dépenses promotionnelles des laboratoires.
Qu'attend-on pour encadrer enfin sérieusement ce secteur, comme l'ont fait bon nombre de nos partenaires européens ?
Mais les laboratoires ne sont pas seuls en cause. En vérité, nous sommes confrontés à un défi qui n'est pas seulement financier, technique ou scientifique.
On a confondu pendant si longtemps le droit à la santé avec le droit de consommer des soins médicaux, on a si longtemps cru que plus, c'était mieux, qu'aucune stratégie cohérente d'éducation à la santé, de prévention, de prise en compte de l'impact des conditions de vie sur la santé n'a été développée dans notre pays.
Soyons lucides : en termes de rémunération comme en termes de reconnaissance sociale, il reste plus valorisant dans notre pays de réparer et de prescrire que de prévenir et d'éduquer. Les exemples sont légion. Il s'agit maintenant de changer de perspective et non de prendre des décisions palliatives à l'aval de la maladie, en punissant les assurés qui n'en peuvent mais.
Depuis peu, on prend la mesure des conséquences sanitaires de la pollution de l'air, intérieur et extérieur. Mais qui peut croire que c'est en prélevant une franchise sur les médicaments ou sur les actes de kinésithérapie respiratoire prescrits aux nourrissons atteints de bronchiolite qu'on rétablira l'équilibre des comptes de l'assurance maladie et qu'on améliorera l'état de santé des bébés ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous assénez des contrevérités !
Mme Dominique Voynet. Monsieur Bertrand, vous le savez bien, les franchises ne répondent pas au problème posé par la pollution de l'air.
Depuis peu, on prend la mesure de la détresse des familles qui accompagnent un proche atteint de la maladie d'Alzheimer. Mais allez donc expliquer aux familles que l'une des premières traductions concrètes du plan Alzheimer annoncé par le Président de la République, c'est l'application des franchises médicales !
M. Xavier Bertrand, ministre. Les discours, ça suffit ! Quelle solution pouvez-vous apporter aux familles des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer ?
Mme Dominique Voynet. J'en parlerai à l'article qui concerne les franchises.
Mme Dominique Voynet. Des mesures structurelles ont-elles été prises pour organiser les gardes médicales le soir et le week-end, dans les déserts médicaux que sont devenus la plupart des quartiers de nos communes de banlieue et tant de cantons de nos départements ruraux ?
C'est à ce prix qu'on pourra recentrer les services d'accueil d'urgence sur leurs missions, éviter qu'on y attende des heures avant d'être pris en charge, remédier à l'épuisement du personnel et à la saturation des lieux. Et ce ne sont là que quelques exemples...
Permettez-moi, pour conclure, de pointer l'obsession de la fraude dont témoigne le texte. Vous voyez des fraudeurs partout ! Au lieu de développer un vaste appareil de contrôle et un riche bouquet de sanctions, ne faudrait-il pas en priorité prendre les mesures qui permettraient vraiment de faire des économies ?
Ne conviendrait-il pas d'alléger la charge des habitants, contraints de faire face, après celle des loyers et du foncier, à l'augmentation des prix des produits énergétiques et des aliments de base ?
Des mesures vigoureuses pour mettre un terme à la pratique, qui s'est généralisée dans certains départements et pour certaines spécialités, des dépassements d'honoraires, sans aucun tact ni mesure, ne seraient-elles pas indispensables ? Ces mesures n'iraient-elles pas dans le bon sens, alors que certains de ces praticiens, oublieux du serment d'Hippocrate, refusent d'accueillir les bénéficiaires de la couverture maladie universelle comme l'a dénoncé il y a peu le président du Comité consultatif national d'éthique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à cette heure tardive, je vais vous faire faire un petit tour dans les départements d'outre-mer. Cela vous changera les idées après tous les chiffres arides qui ont été cités à cette tribune ! (Sourires.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Ce matin, nous étions en Polynésie !
M. Jean-Paul Virapoullé. Je voudrais néanmoins évoquer le sujet sérieux du prix des médicaments outre-mer. Il faut savoir qu'avant 1997 l'article L. 593 du code de la santé publique avait confié aux préfets le soin de fixer par arrêté les majorations qui s'ajoutaient au prix des médicaments pour prendre en compte les surcoûts liés au stockage et à la distance.
Le Conseil d'État a annulé un arrêté préfectoral concernant l'île de la Réunion. C'est dans ces conditions que l'ordonnance de 1998 a abrogé une partie de l'article L. 593 du code de la santé publique. Les préfets n'avaient pas compétence pour fixer les prix des médicaments ; cette compétence était dévolue au ministre de la santé, au ministre des finances et au ministre de l'outre-mer.
Mais aucun arrêté interministériel n'a été pris depuis cette date !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez raison !
M. Paul Blanc. Qui était le premier ministre de l'époque ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Depuis cette date, les médicaments outre-mer sont remboursés par les caisses régionales sans aucune base légale. Ainsi, cette année, 550 millions d'euros ont été remboursés sans base légale,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un appel aux pharmaciens de métropole pour qu'ils aillent s'installer outre-mer ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Virapoullé.... ce qui représente une majoration de 30 % pour la Réunion et de 43 % pour les Antilles.
Nous sommes là en présence, mes chers collègues, d'une franchise. Si une partie est justifiée - elle correspond à l'éloignement, au stockage -, l'autre n'est rien de moins qu'une franchise coloniale d'économie de comptoir, comme au bon vieux temps de la marine à voile ! Les malades et la caisse de sécurité sociale n'ont pas à supporter cette franchise.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé. Ce soir, nous disons « oui, mais » à la solidarité à laquelle vous nous appelez dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en faveur des trois grands chantiers présidentiels, auxquels nous souscrivons.
Oui, il faut une franchise médicale pour mettre en oeuvre ces trois grands chantiers voulus par le chef de l'État, mais n'ajoutez pas une franchise médicale à une franchise coloniale !
Par ailleurs, je pose un préalable : commencez par appliquer les lois de la République, à savoir l'ordonnance du 20 août 1998, et déterminez le prix des médicaments de façon légale !
Je ne demande tout de même pas la lune ! Je demande simplement que les lois de la République soient appliquées. Ce n'est pas exorbitant du droit ! Je demande que les caisses régionales ne remboursent pas les médicaments dont les prix n'ont pas de base légale.
Je sais que vous allez me répondre que l'on peut se fonder sur ces arrêtés qui n'ont pas de base légale, car ils n'ont jamais été abrogés. Dans ce cas, je déposerai dans quelques jours, à mon retour à la Réunion, un recours devant le tribunal administratif : les arrêtés tomberont de facto ! Une telle réponse ne serait pas constructive.
Lorsque l'on consulte certains professionnels, on constate que le moment est venu pour les services de l'État, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, d'effectuer une enquête sur le terrain pour déterminer le juste niveau de la majoration et fixer un prix équitable du médicament. Voilà pourquoi je lie ces deux questions.
Si vous voulez que nous payions une franchise médicale, commencez par fixer un juste prix des médicaments outre-mer ! Cette demande est socialement juste !
Comment pourrons-nous payer une franchise médicale alors que le prix des médicaments est déjà majoré de 30 % ou de 43 % ? Commencez par atténuer la franchise coloniale ! Cette demande est légalement obligatoire. Nous sommes dans un État de droit. Nous ne pouvons pas dépenser 550 millions d'euros d'argent public sans base légale.
En outre, puisque la loi de financement de la sécurité sociale sera examinée par le Conseil constitutionnel, cette demande est constitutionnellement impérative. Je rappelle en effet que le préambule de la Constitution reconnaît l'égal accès au droit à la protection de la santé. Or payer beaucoup plus cher les médicaments que sur le continent, c'est exorbitant du principe d'égalité.
Vous craignez, si on lie ces deux conditions - atténuation des majorations et mise en oeuvre de la franchise -, de créer un précédent, mais citez-moi le nom d'un seul département en métropole où l'on paye une majoration sur le prix des médicaments, où ce prix est fixé sans base légale !
M. Alain Vasselle, rapporteur. La Corse ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Virapoullé. Il n'y en a pas, même pas la Corse, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.) On ne créerait donc aucun précédent, on réparerait seulement une injustice.
Tel est le sens de l'amendement que j'ai déposé, mais que je ne pourrai malheureusement pas défendre personnellement - je prie la représentation nationale de bien vouloir m'en excuser -, car je serai retourné à la Réunion pour des raisons familiales impératives. Mon collègue Gérard Dériot, qui m'a fait l'amitié de signer cet amendement, le présentera.
Je demande que les modalités de mise en oeuvre de la franchise dans les départements d'outre-mer soient fixées par décret et qu'elles tiennent compte des dispositions législatives et réglementaires existantes.
Vous ne manquerez pas de m'interroger sur la constitutionalité d'un tel dispositif. Je vous répondrai que l'article 73 de la Constitution prévoit que les lois s'appliquent de plein droit dans les départements d'outre-mer, sauf spécificités particulières, ce qui est le cas en l'occurrence.
Cette demande est donc juste, socialement équitable, à mon avis légalement obligatoire et constitutionnellement impérative. Je compte sur la solidarité de la représentation nationale et sur le soutien du Gouvernement pour que, outre-mer, les prix des médicaments soient fixés sur les mêmes bases qu'en métropole. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente-Baudrin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, personne ici ne conteste la nécessité d'améliorer la prise en charge des personnes souffrant d'un cancer ou de la maladie d'Alzheimer.
Seulement, il n'y a pas qu'une, deux, voire trois priorités. Que faites-vous des personnes atteintes de pathologies graves, qu'elles soient aiguës, chroniques ou évolutives ? Vous les faites payer ! C'est inqualifiable et bien plus consternant que les fraudes à l'assurance maladie.
C'est d'autant plus scandaleux que les franchises, contraires à toute logique, vont à l'encontre de ce qu'a déclaré M. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, lors d'une séance de questions d'actualité à l'Assemblée nationale : « Nous allons continuer l'an prochain sur d'autres axes, tels qu'une meilleure prise en charge des médicaments pour les maladies rares ». Nous savons aujourd'hui qu'il fallait comprendre « restant à charge ».
Et comme tout est dans la formule, voici qu'on nous annonce un « bouclier sanitaire ». Il aurait pour objectif d'instituer un plafond des « reste à charge » supportés par les patients sur la dépense remboursable. Or il ne prendra en compte ni les dépassements d'honoraires ni les coûts réels de l'optique ou des soins dentaires.
L'exposé des motifs du projet de loi ose prétendre vouloir « améliorer les droits des assurés et faciliter l'accès aux soins pour tous » !
Le CNCPH, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, a démontré le 4 avril dernier que la majorité des personnes handicapées vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Après la première vague de déremboursements, nombreuses sont celles qui ont renoncé à certains soins. De quelles manières les nouvelles franchises vont-elles faciliter l'accès aux soins pour les personnes malades et/ou handicapées ? Nous aimerions bien le savoir !
De prime abord, les dispositions de l'article 60 pourraient apparaître en corrélation avec la loi du 11 février 2005, qui pose le principe du droit à compensation, quels que soient l'origine de la déficience, le mode de vie ou encore l'âge.
Notre collègue André Lardeux nous a dit tout à l'heure qu'ouvrir la prestation de compensation du handicap, la PCH, à d'autres critères serait une erreur, tant politique que technique, parce que les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, n'étaient pas prêtes ! C'est oublier qu'une période de transition de trois ans avait été décidée avant l'extension de la prestation de compensation aux enfants handicapés et une autre de cinq ans avant la suppression des critères d'âge entre les personnes handicapées en matière de PCH et de prise en charge des frais d'hébergement dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
La loi de 2005 prévoyait également que la prestation de compensation du handicap ne devait pas se substituer à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, l'AEEH, mais qu'elle viendrait en complément. Il était alors question d'une prestation universelle !
Or l'article 60 du texte instaure un droit d'option, qui concernera les enfants handicapés bénéficiaires de l'AEEH, ou, plus exactement, les enfants handicapés bénéficiaires d'un complément de l'AEEH et de la PCH. L'AEEH, qui est versée par les CAF, est une prestation familiale destinée à aider les parents pour les dépenses liées à l'éducation de leur enfant. Elle ne compense pas les surcoûts liés au handicap.
Or cet article dit exactement l'inverse puisque les dispositions proposées ouvrent droit à la PCH avec les mêmes critères d'accès à l'AEEH et à ses compléments. En maintenant des critères d'attribution plus limitatifs que ceux des adultes, vous maintenez, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, des différences liées à l'âge.
Il serait d'ailleurs intéressant de connaître les intentions du Gouvernement en la matière. Peut-être y a-t-il un lien de causalité, madame la secrétaire d'État, avec le Comité de suivi de la réforme de la politique du handicap que vous avez récemment installé, ou avec le rapport que la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, a remis à M. Xavier Bertrand et dans lequel est abordé - curieusement - le plan personnalisé de compensation.
Il est vrai que, si une caisse n'est pas déficitaire, c'est bien la CNSA. Elle génère même des excédents ! Il est aussi exact que la montée en charge de la PCH a été plus lente que prévu. Mais à qui la faute ? Sur les 11 500 prestations attribuées, 7 700 ont effectivement été versées !
Ainsi les transferts de certains crédits destinés aux personnes âgées et handicapées via l'assurance maladie ont-ils été gelés. Mais le plus extraordinaire, c'est que la CNSA participe elle-même à la réduction de ses excédents : les 20 millions initialement alloués au financement de la PCH ont été réaffectés au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées !
En commission, il a été question d'efficience et de rattrapage. Nous aurions aimé entendre parler de solidarité et d'égalité. Nous avons bien compris que le but inavoué du Gouvernement était de transférer les dépenses de santé sur la CNSA, les assurances privées et les cotisations sociales.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. En conséquence, le groupe socialiste ne votera pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.
M. Jean-Claude Etienne. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, tout d'abord, je vous prie de bien vouloir m'excuser pour la manière occasionnellement bitonale dont fonctionnent mes cordes vocales. Ce n'est là que la rançon payée aux anesthésies réitérées et à leurs canules. (Sourires.)
Ensuite, ce n'est pas parce que je parle le dernier que je n'aurais pas le droit, moi aussi, d'entonner un petit couplet sur les franchises ! (Sourires.) À entendre certains, j'ai l'impression qu'elles sont une découverte pour eux. Franchement, j'ai écouté les informations pendant toute la campagne présidentielle et j'ai très clairement perçu que, s'il était élu, Nicolas Sarkozy instaurerait les franchises. Il l'a dit. Le suffrage universel a parlé. Il le fait.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est cela qui surprend !
M. Jean-Claude Etienne. La question qui peut se poser à nous aujourd'hui est de savoir - cet élément déterminant doit être pris en compte - comment les fameux 850 millions d'euros - c'est le résultat qui est escompté - seront investis dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer et le cancer ainsi que dans les soins palliatifs. Est-ce ainsi, comme on nous l'assure, que les choses vont se passer ?
D'autres questions se posent également. Pourra-t-on effectivement percevoir les 850 millions d'euros prévus ? L'application pratique du dispositif ne risque-t-elle pas, chemin faisant, de se heurter à des difficultés que nous n'aurions pas nécessairement envisagées avant son entrée en vigueur ? En clair, les fruits tiendront-ils demain les promesses des fleurs ? (Sourires.)
C'est la raison pour laquelle, en compagnie de quelques collègues, j'ai déposé un amendement qui a pour objet la remise au Parlement d'un rapport évaluant les effets de l'application des franchises médicales, et ce à un terme suffisamment explicite, en l'occurrence un an après leur mise en oeuvre.
En effet, la controverse sur le dispositif continue, et les effets néfastes que certains redoutent sont finalement possibles.
Les franchises médicales ne sont-elles pas susceptibles d'entraîner un report de consommation sur des médicaments plus onéreux ? L'effet obtenu ne risque-t-il pas de se révéler in fine différent de l'objectif visé ? Un surcoût ne pourrait-il pas apparaître derrière l'économie recherchée ?
Madame la ministre, vous êtes vous-même docteur en pharmacie.
M. Jean-Claude Etienne. Or, le 26 novembre dernier, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale, vous avez déclaré - il était à peu près la même heure qu'aujourd'hui -...
M. Jean-Claude Etienne.... qu'un tel dispositif pouvait avoir un effet régénérant dans le domaine du conditionnement des médicaments en France. De ce point de vue très technique, il y a peut-être, selon vous, des conséquences gratifiantes à attendre de la mise en place des franchises médicales.
En tout cas, la mise en oeuvre de telles franchises figurait bien dans le programme électoral du candidat que les Français ont élu Président de la République. Pour autant, je me souviens également d'un autre de ses engagements. En effet, il a clairement affirmé que l'application de toute nouvelle politique publique devrait s'accompagner de mesures d'évaluation.
Or tel est précisément l'objet de cet amendement dont je parlais et dont nous débattrons à l'occasion de l'examen des articles.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean-Claude Etienne. Je souhaite maintenant aborder un autre point.
Parmi les nombreuses innovations contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, il en est une qui me semble particulièrement intéressante, parce qu'elle peut peut-être nous aider à trouver des solutions au problème si difficile des zones sous-médicalisées de notre territoire.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Un sujet très délicat !
M. Jean-Claude Etienne. En effet, voilà de nombreuses années que nous espérons obtenir des éléments de réponses face à la désespérante question des zones sous-médicalisées, qu'elles se situent en milieu rural faiblement peuplé ou, au contraire, en milieu urbain très densifié, mais socialement fragile.
Le Sénat, qui est particulièrement préoccupé par la vie de nos territoires, n'a pas manqué de se saisir de ce dossier. Je pense notamment au rapport d'information réalisé par notre collègue Jean-Marc Juilhard, au nom de la commission des affaires sociales, commission dont je salue l'excellent président, Nicolas About.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Etienne. Depuis quinze ans, le problème de la démographie médical ne cesse d'être à l'ordre du jour dans notre pays. En d'autres termes, cela fait quinze ans que nous n'obtenons pas de réponse ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela va venir !
M. Jean-Claude Etienne. À ce rythme-là, en 2020, alors que la France comptera 4 millions d'habitants de plus, nous aurons 17 000 médecins généralistes en moins, et ce malgré le relèvement du numerus clausus qui a été décidé au cours des dernières années, mais qui n'aura pratiquement aucun effet avant l'année 2025. Au demeurant, cette mesure, qui se heurte nécessairement à des limites, en l'espèce liées à la docimologie, ne saurait, à elle seule, modifier le cours des choses.
Le problème des zones sous-médicalisées est particulièrement grave.
De ce point de vue, notre ami André Lardeux, qui exprimait tout à l'heure son scepticisme quant aux mesures incitatives et prônait des dispositions plus contraignantes, a, pour sa part, pris pleinement conscience de la nécessité d'une action urgente.
Néanmoins, je voudrais attirer son attention sur un point. Au cours des derniers mois, certains de nos collègues, et notamment Gérard Dériot, ont développé des actions incitatives tout à fait innovantes. En l'occurrence, la cible est non pas le médecin généraliste susceptible de venir s'installer dans une zone sous-médicalisée, mais l'étudiant en médecine générale qui n'a pas encore achevé son cursus.
Mme Isabelle Debré. Et cela marche bien !
M. Jean-Claude Etienne. Dans ce contexte, de telles aides financières, qui ne sont donc pas destinées aux médecins venant s'installer, pourraient se révéler parfaitement adaptées en termes de cibles et, par conséquent, être véritablement efficaces. Toutefois, il est encore trop tôt pour évaluer le dispositif avec précision.
Quoi qu'il en soit, nous devons nous attaquer rapidement au problème. Il n'y a plus à tergiverser ! C'est la raison pour laquelle je comprends que certains plaident pour des mesures contraignantes. Je ne reproche d'ailleurs pas du tout à M. Lardeux ses propos (M. André Lardeux sourit), même si mon expérience personnelle m'incite à ne pas considérer la contrainte comme le meilleur moyen d'atteindre les objectifs visés. Ainsi, mon père, qui a été déporté à Dora, m'a toujours expliqué que c'est à cette période-là de sa vie qu'il avait le moins travaillé ! (Sourires.)
À mon sens, nous devons trouver d'autres approches. À ce propos, je me permettrai de faire référence à une étude qui nous a été communiquée par l'Académie nationale de médecine, sous l'égide du groupe de travail animé par notre collègue Marie-Thérèse Hermange. S'il y est fait peu de cas de l'aide financière et de sa vertu incitative au moment de l'installation du médecin généraliste, il est souligné que le premier souhait de celui qui va s'installer dans quelques mois, dans un an concerne la qualité d'exercice de sa profession. Le rapport évoque notamment un ardent désir de pratique clinique décisionnelle et de travail en groupe ou en maison médicale.
M. François Autain. Oui ! C'est vrai !
M. Jean-Claude Etienne. Comme le rappelait tout à l'heure M. le rapporteur Alain Vasselle, les états généraux de la santé, qui sont prévus pour le mois de janvier 2008, seront l'occasion d'aborder l'ensemble des problèmes liés à la démographie médicale.
En outre, Alain Vasselle a bien séquencé les trois thématiques qu'il nous faut relier les unes aux autres dans la nouvelle réflexion que nous devons conduire.
Il a notamment insisté sur le rôle de l'information, qui est l'une des pierres angulaires du dispositif, car elle permet d'expliciter les conditions d'exercice de la profession, élément de connaissance majeure pour le candidat à l'installation. Or, jusqu'à présent, cette question n'a jamais été abordée en termes de démographie médicale. Il y a là, me semble-t-il, un nouvel élément à ajouter à ce dossier si difficile.
Il faut refonder l'enseignement et la pédagogie dans les UFR médicales de notre pays.
Pour ma part, je suis particulièrement frappé de constater que les cliniciens de nos universités sont volontiers sollicités à l'étranger, et pas seulement en Europe, pour restructurer les programmes d'enseignement autour d'une formation clinique, alors que nous ne le faisons pas en France !
Par conséquent, il y a incontestablement une démarche volontariste à enclencher. Nous devons évoluer vers cet enseignement clinique premier, qui est à l'origine de tout, et le développer avec une approche pédagogique à la fois rénovée et très ancienne, puisque l'enseignement par compagnonnage remonte à Socrate.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Jean-Claude Etienne. Il s'agit de donner au médecin généraliste en formation les moyens d'une démarche diagnostique et thérapeutique immédiatement plus efficace quand il est en contact avec le malade. Il faut l'affranchir, par une parfaite connaissance de la sémiologie clinique, de la hantise de la judiciarisation.
En effet, une telle crainte conduit trop fréquemment le médecin à ouvrir, souvent d'ailleurs sur la demande pressante des malades, le parapluie des examens complémentaires. Or ceux-ci sont très coûteux pour l'assurance maladie et ne sont pas toujours de première nécessité pour le patient. (MM. Paul Blanc et Alain Gournac applaudissent.)
Il nous faut créer les conditions gratifiantes d'une pratique médicale clinique rigoureuse à laquelle aspirent les jeunes étudiants en médecine générale, facteur si déterminant dans la construction du lien particulier qui doit exister entre le malade et le médecin que celui-ci s'est choisi.
Ainsi, nous aurons rétabli tant les soignants que les soignés dans leurs droits et devoirs respectifs - c'est cela, la responsabilisation ! - vis-à-vis d'une collectivité forcément comptable de leurs actions et de leurs demandes.
Par ailleurs, je tiens à saluer la présence dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale - et je sais que nous vous la devons, madame la ministre - d'un dispositif relatif à la consultation des organisations estudiantines les plus représentatives lors des négociations conventionnelles. C'est la première fois que cela se fera. Je suis convaincu qu'il y a matière à mener, dans ce cadre, une réflexion constructive avec tous ces jeunes. Cela étant, il vous faudra faire preuve de rigueur, sinon vous risquez de vous retrouver sur un terrain un peu trop marécageux...
Il s'agira donc de définir avec les étudiants les moyens de concourir à une meilleure répartition de la démographie médicale en France. Il pourrait être envisagé de réfléchir à l'opportunité de mettre en place, à terme, un recensement des postes à pourvoir, dans la mesure où il s'agit de répondre à la légitime demande de nos concitoyens. Le mode de répartition pourrait être fondé sur le choix, à partir d'un examen national classant organisé dans la filière « médecine générale ».
En outre, il convient que les responsables régionaux des UFR de médecine prennent le soin de bien définir le contenu et le lieu des stages auprès des praticiens concernés, car il y a là un aspect incitatif très important en vue de l'installation seconde. C'est ce qu'ont souligné les différents médecins auditionnés par la commission des affaires sociales.
D'ici là, madame la ministre, il nous faut avancer dans ce domaine avec les moyens qui sont immédiatement à notre disposition. Il importe, en particulier, de poursuivre et d'amplifier les expérimentations prometteuses en matière de télémédecine.
M. Alain Vasselle, rapporteur. On y vient !
M. Jean-Claude Etienne. Il s'agit d'un outil intéressant, notamment pour apporter un début de réponse à l'isolement des praticiens dans les zones sous-médicalisées. Toutefois, il ne saurait, bien sûr, constituer la panacée en la matière. Il mérite à tout le moins d'être utilisé et il convient d'étudier les moyens de le décliner en pratique.
Or aujourd'hui, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, nous souffrons d'un cruel manque de financements pour les expérimentations en matière de télémédecine au regard de ce qui était prévu dans les huit contrats de plan État-région. Nous sommes véritablement « à sec » dans ce domaine.
Aussi, si vous voulez que l'on continue dans la voie de l'expérimentation, je vous invite à vous montrer favorable à un amendement qu'un certain nombre de mes collègues et moi-même avons déposé sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous prier d'excuser mon absence depuis le début de la discussion. J'ai en effet participé au conseil franco-allemand qui s'est déroulé aujourd'hui à Berlin. Mes collègues Éric Woerth et Valérie Létard ont suivi avec beaucoup attention les débats et m'ont rapporté fidèlement vos préoccupations. Je m'efforcerai donc de répondre le mieux possible aux questions qui ont été posées.
Je souhaite remercier le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, ainsi que les rapporteurs, MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Jean-Jacques Jégou. J'ai pu apprécier leurs apports très constructifs à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Mes premières réponses seront pour M. Vasselle, qui m'a notamment interrogée sur la convergence des tarifs.
Monsieur le rapporteur, vous le savez, nous sommes contraints d'abandonner l'étape intermédiaire de la convergence, puisque nous ne disposons finalement pas encore des études nécessaires à ce travail très complexe.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et laborieux !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous en conviendrez avec moi, il importe d'aborder ce processus de convergence avec toutes les garanties nécessaires.
J'entends bien votre souhait de transparence, et le Gouvernement a évidemment pour objectif d'indiquer clairement aux gestionnaires les efforts à faire. Le passage à 100 % est, à ce titre, explicite pour tous les gestionnaires : le coefficient correcteur précise clairement tout écart par rapport à la moyenne.
Il s'agit d'un premier signe fort, mais je comprends votre préoccupation d'aller plus loin et de fixer la voie jusqu'en 2012. Il serait cependant difficile d'afficher une trajectoire, alors que nous en sommes encore à analyser les écarts sur les points de départ. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité renoncer à la convergence à mi-parcours, tout en annonçant sa volonté d'assurer cette convergence vers les tarifs les plus bas et pour toutes les nouvelles prestations.
Comme vous, monsieur le rapporteur, je pense qu'il faut que les gestionnaires soient mis en responsabilité, et c'est pour cela que le Gouvernement soutiendra l'amendement de la commission visant à « crédibiliser » les contrats de retour à l'équilibre des établissements de santé.
La maîtrise des coûts dans le secteur public supposera des efforts longs et constants. Pour l'essentiel, elle se traduira sous une double forme : la réorganisation de l'offre de soins ; la réorganisation interne des établissements.
Bien entendu, les mesures contenues dans ce PLFSS ne sont pas définitives. Des mesures complémentaires devront par la suite être prises, et cela implique d'engager une réflexion préalable. C'est précisément l'objet de la mission confiée à Gérard Larcher, qui devra faire des propositions en la matière. Je ne doute pas que vous serez vous-même extrêmement attentif à ces travaux, auxquels, d'ailleurs, vous participerez.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Par ailleurs, je vous remercie de votre soutien à l'article relatif à la démographie médicale. Vous avez eu raison de souligner, avec MM. Dominique Leclerc et Jean-Claude Etienne, qui s'est très excellemment exprimé sur le sujet, toute l'importance qu'il y avait à associer les étudiants à la négociation sur un sujet si essentiel pour leur avenir. Il faut le rappeler, cette association est en effet une première.
Sur ce sujet de la démographie médicale, nous ne pouvons ignorer les revendications légitimes de nos jeunes internes, qui sont la médecine de demain. Je vous remercie d'avoir prévu de consacrer la matinée de demain à cette question, ce qui nous permettra d'engager un vrai débat de fond.
Vous avez également évoqué les médecins libéraux, en soulignant les mesures nouvelles sur la médecine générale. Il s'agit de mieux engager les objectifs de maîtrise médicalisée, dans la logique de responsabilité voulue par le Gouvernement.
Monsieur Leclerc, je vous remercie d'avoir souligné que certaines dispositions de ce projet de loi ont valeur de « réformes structurelles ». Ayant moi-même parlé d'un « PLFSS de fondation », je suis heureuse de constater que vous vous êtes situé dans cette philosophie.
Rassurez-vous, l'article 25 ne constitue pas une mesure comptable, bien au contraire. Il s'agit de crédibiliser les engagements de maîtrise médicalisée, et rien de plus. D'ailleurs, les revalorisations ne sont pas annulées, elles sont simplement reportées. Nous ne pouvons pas durablement nous trouver confrontés à la situation que nous avons connue l'été dernier, alors que nous avons dû simultanément revaloriser les tarifs des médecins libéraux, conformément à l'engagement qui avait été fixé, et demander de nouveaux efforts aux patients.
Je voudrais maintenant revenir sur les propos que vous, ainsi que de nombreux autres orateurs, avez tenus à propos des franchises, car cette question mérite à mon sens un certain nombre d'éclaircissements.
Lorsque je dis que l'ONDAM « ville » est à 3,2 % « après effet franchise », cela signifie bien que les dépenses vont évoluer de 3,2 %, ce pourcentage correspondant aux revenus des professionnels, aux remboursements des médicaments et des produits de santé. Comme la franchise constitue un moindre remboursement, l'ONDAM ne se situe qu'à 2 %, mais les revenus évolueront bien de 3,2 %.
Ces marges de manoeuvre financières permettent, par ailleurs, de fixer un ONDAM à un niveau compatible avec les plans présidentiels sur les soins palliatifs, la maladie d'Alzheimer et le cancer.
Cela étant, monsieur Leclerc, vous avez raison de souligner que la franchise ne constitue pas l'unique solution à la dérive des dépenses et qu'il est nécessaire que nous soyons collectivement plus responsables. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, via notamment les missions médico-économiques de la Haute autorité de santé, que soit développé un véritable « parcours de soins efficients » pour les patients chroniques, qui représentent 60 % de la dépense d'assurance maladie.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est une bonne chose !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Virapoullé, je suis consciente des difficultés liées au prix du médicament dans les territoires d'outre-mer. Vous avez raison de soulever cette question et je m'engage à aborder rapidement ce sujet avec mon collègue chargé de l'outre-mer. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler lors du débat.
Monsieur Lardeux, la question du bouclier sanitaire que vous évoquez est évidemment une piste intéressante, mais pour laquelle un long travail d'analyse est nécessaire. C'est d'ailleurs ce qu'ont souligné MM. Briet et Fragonard dans l'excellent rapport qui leur a été confié, et c'est aussi tout l'intérêt de la réflexion d'ensemble qui sera menée au premier semestre 2008.
Cette question est évidemment intimement liée à votre autre remarque sur la refonte du système des affections de longue durée. Il convient cependant que toute évolution sur ce sujet préserve la qualité des soins et garantisse leur accès aux personnes les plus malades. Je sais que vous-même y êtes attaché. Certaines mesures sont déjà présentes dans le présent projet de loi, à l'image du parcours efficient des soins, que je souhaite développer, je le répète, autour des missions médico-économiques de la Haute autorité de santé.
Sur la démographie médicale, il me semble que vous êtes quelque peu pessimiste. Avec le texte proposé par le Gouvernement, nous avons tout de même de quoi avancer véritablement dans ce domaine en fonction des résultats qui seront obtenus lors des états généraux de l'organisation de la santé.
Monsieur Jégou, je vous remercie de nous avoir donné un satisfecit sur la démographie, la franchise, la tarification à l'activité à 100 % et la procédure d'alerte. Vous souhaitez aller plus loin dans la réforme de l'hôpital, dans la gouvernance des établissements de santé. Tel est bien l'objectif que nous cherchons à atteindre, et c'est le principe même de la mission confiée à Gérard Larcher.
En outre, nous souhaitons travailler avec vous à l'avenir du dossier médical personnel, le DMP. Sur ce sujet également, je vous remercie de votre soutien. Vous avez bien voulu le rappeler, je suis une militante du DMP et j'entends relancer ce dossier dans la concertation.
Monsieur Paul Blanc, vous avez souligné qu'il ne fallait pas opposer santé et économie. Je veux être la ministre de la qualité des soins, ce qui n'est pas incompatible avec l'efficience des dépenses. J'ai également pris acte avec intérêt de votre soutien aux réformes hospitalières, que je suis déterminée à mener. J'attends évidemment beaucoup des conclusions de la mission de réflexion sur les missions de l'hôpital.
MM. Guy Fischer et Bernard Cazeau, ainsi que Mme Michèle San Vicente-Baudrin m'ont interpellée sur de nombreux sujets. Chacun l'aura compris, rien ne trouve grâce à leurs yeux dans ce PLFSS !
M. Alain Gournac. Pour eux, tout est « en creux » !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame, messieurs, rien ne vous autorise à déformer ainsi les dispositions qu'il contient !
Monsieur Fischer, s'agissant tout particulièrement des franchises, vous avez, au cours de votre intervention, formulé un certain nombre d'assertions qui sont tout bonnement fausses.
M. Alain Gournac. C'est si rare de sa part ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Non, monsieur le sénateur, un patient dialysé n'aura pas à payer 300 euros de plus par an ! Non, un malade d'Alzheimer ou du sida n'aura pas à payer entre 800 euros et mille euros par an !
Le montant annuel des franchises, vous le savez, est plafonné à 50 euros par an, soit, en moyenne, quatre euros par mois. Par ailleurs, 15 millions de personnes en sont exonérées, dont les bénéficiaires de la CMU, les enfants et les titulaires d'une pension militaire pour les soins relatifs à l'affection qui justifie leur pension.
Monsieur Barbier, vous avez pour votre part évoqué plusieurs questions importantes et très pertinentes.
S'agissant de la fraude, ne doutez pas de la volonté du Gouvernement ni de celle de l'assurance maladie. Nous avons d'ores et déjà enregistré des résultats significatifs. Avec mes collègues Éric Woerth et Xavier Bertrand, j'ai présidé une réunion importante à ce sujet, afin de mettre en coordination les différents services du Gouvernement.
Je ne reviendrai pas sur le DMP, j'y ai déjà répondu.
Vous avez également soulevé la question des génériques. L'une des mesures du PLFSS répond à votre préoccupation, celle qui incite les médecins à prescrire dans le répertoire. Il y a là une source d'économies, parfaitement compatibles avec la qualité des soins.
Je remercie Mme Dini d'avoir souligné que l'ONDAM était crédible. Il s'agit en effet d'un ONDAM à la fois ambitieux et équilibré, et cela parce que le présent projet contient des mesures d'économies, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé. L'ONDAM pour 2008 s'appuie sur des mesures fortes d'évolution du système de soins et de régulation de la dépense.
Vous discutez les recettes nouvelles, madame la sénatrice, mais elles existent, comme l'atteste l'accord que nous avons passé sur les stock-options et la modernisation des recettes sur les dividendes.
Il n'y a pas d'incertitude quant au montant de la franchise et celle-ci ne dessine pas une assurance santé à plusieurs vitesses. Il suffit de comparer le niveau de la franchise que nous proposons avec celui qui est en vigueur chez nos voisins européens. Ainsi, en Allemagne, où le gouvernement réunit, dans des proportions égales, des socio-démocrates et des modérés, ce taux est fixé à 2 % du revenu, donc à un niveau bien plus élevé que ce que nous proposons.
J'ajoute que les bénéficiaires de la CMUC, ainsi que les enfants et les femmes enceintes - soit un Français sur quatre - sont exonérés de la franchise.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est bon de le rappeler !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Othily, je vous remercie de votre intervention sur la maladie d'Alzheimer. Vous avez raison de souligner le caractère prioritaire du combat contre cette maladie.
Le professeur Joël Ménard a présenté au Président de la République, vendredi dernier, les conclusions du travail passionnant et fécond qu'il a mené sur ce sujet.
Je laisserai ma collègue Valérie Létard vous répondre de façon plus complète, s'agissant notamment des implications de la lutte contre la maladie d'Alzheimer sur les secteurs médical, médico-social et social.
La partie plus particulièrement médicale de ce dossier est fondée sur le parcours d'accompagnement et de suivi du malade, qui prévoit une consultation d'annonce du diagnostic, sur le modèle du plan cancer, l'accompagnement du malade, avec l'élaboration d'un plan et d'une prise en charge personnalisée et évolutive, ainsi que le référent médico-social unique que vous aviez appelé de vos voeux.
Eric Woerth répondra à Mme Le Texier, car la question qu'elle a posée relève clairement de sa compétence.
Chère Dominique Voynet,...
M. Alain Gournac. Elle est partie !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... vous ne pouvez pas, à la fois, dénoncer le caractère inflationniste de la T2A et considérer que celle-ci sous-finance l'hôpital public.
Vous avez raison de souligner l'enlisement du DMP. C'est pourquoi j'ai l'intention de relancer ce dossier, dans le sens de l'amélioration de la qualité des soins aux patients. J'aurai l'occasion de faire, dans les prochains jours, des annonces à ce sujet.
Je suis d'accord avec vous : qualité des soins et quantité de soins ne sont pas des notions synonymes. C'est dans ce but que je souhaite définir un véritable « parcours efficient de soins ». Vous retrouverez cette perspective dans les missions médico-économiques de la Haute Autorité de santé.
Enfin, il était positif que Jean-Claude Etienne intervienne en dernier dans la discussion générale, car il a évoqué des questions de fond, comme celle de l'évaluation. Il est évident que les mesures contenues dans le PLFSS, notamment les franchises, seront évaluées.
Vous avez également parlé, monsieur le sénateur, de démographie, de médecine de demain, de rénovation des études médicales, de la nécessité de promouvoir l'enseignement clinique et de télémédecine. Nous examinerons évidemment avec toute l'attention requise les amendements que vous avez déposés à cet égard.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai voulu présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale ambitieux et équilibré. Mission sur l'hôpital public de Gérard Larcher, transformation des agences régionales de l'hospitalisation en agences régionales de santé, États généraux sur l'organisation de la santé : les travaux de réflexion ne font que commencer et vous aurez à y participer. Nous avons besoin de votre capacité de réflexion et de votre puissance de travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par saluer l'excellent travail des rapporteurs de la commission des affaires sociales, saisie au fond, et de la commission des finances, saisie pour avis.
Monsieur Vasselle, vous avez souligné les enjeux liés à la réforme des retraites et évoqué l'instauration du cinquième risque social.
Comme vous le savez, la réforme des retraites s'inscrit dans le cadre de la loi de 2003. La fin de la présente année va déjà être marquée par plusieurs échéances importantes. Le 21 novembre, le Conseil d'orientation des retraites présentera son rapport et l'adoptera. Ensuite, vers la mi-décembre, se tiendra la conférence de revalorisation des pensions. Enfin, avant la fin de l'année, le Gouvernement mettra la dernière main à un rapport permettant de préparer le rendez-vous de 2008.
Comme l'a souligné M. Jean-Jacques Jégou, l'année prochaine marquera également une nouvelle étape dans la prise en charge de la dépendance. Le Président de la République a dessiné un certain nombre d'orientations, le 18 septembre, lors du discours qu'il a prononcé au palais du Luxembourg. Le conseil de la CNSA a adopté à l'unanimité un rapport qui présente les points de convergence et d'évolution.
Je me réjouis que le Sénat, par l'intermédiaire de ses commissions des affaires sociales et des finances, se penche également sur la question. Nous aurons donc, très prochainement, l'occasion de travailler ensemble sur ce sujet.
Monsieur Leclerc, je vous remercie d'avoir souligné le véritable effort et la rupture que concrétise ce projet de loi en matière d'emploi des seniors, avec la taxation des préretraites et des mises à la retraite d'office. Il s'agit d'un changement profond des mentalités et des pratiques, nécessaire pour améliorer le taux d'emploi des seniors.
L'action du Gouvernement ne se limitera pas à sanctionner ceux qui ne jouent pas le jeu de l'emploi des seniors. Il nous faudra aussi encourager les comportements vertueux. Xavier Bertrand travaille en ce sens avec Christine Lagarde.
Vous avez également indiqué, monsieur le sénateur, que la commission des affaires sociales, dont vous êtes membre, entendait participer activement au rendez-vous de 2008 sur les retraites, en agissant comme une force de propositions. Vous en avez d'ailleurs formulé quelques-unes dès aujourd'hui, portant sur le régime général de la sécurité sociale ou sur la fonction publique.
L'heure n'est pas encore venue de répondre, point par point, à chacune de ces propositions. Mais soyez assuré que nous en prenons bonne note et que nous ne manquerons pas de les intégrer à la réflexion du Gouvernement, à laquelle votre commission sera évidemment associée de très près.
Je veux néanmoins vous apporter, dès aujourd'hui, certaines réponses.
S'agissant de la pénibilité, vous vous êtes inquiété de ce que la négociation en cours n'aboutisse, au final, qu'à créer un nouveau mécanisme de préretraite. Je souhaite vous rassurer : nous sommes, comme vous, très attachés à ce que les partenaires sociaux explorent toutes les solutions et fassent preuve d'imagination, afin d'éviter un départ précoce des salariés âgés du monde du travail. Cette réflexion doit englober les salaires, les conditions de travail, la formation tout au long de la vie et la seconde partie de carrière, éventuellement à temps partiel, sous forme de retraite progressive.
En ce qui concerne les régimes spéciaux, je souhaite vous rappeler la détermination du Gouvernement à réussir cette réforme, car elle est indispensable. Je veux également vous rassurer sur le fait que les négociations d'entreprise ne sauraient avoir pour effet d'annuler le passage de la durée de cotisations à quarante ans.
Pour ce qui est de la perspective d'une réforme structurelle, le Premier ministre a déjà eu l'occasion d'indiquer clairement que le rendez-vous de 2008 ne consisterait pas à réviser profondément l'architecture de notre système de retraites. Les études et les comparaisons avec les systèmes étrangers sont, cependant, toujours intéressantes et permettent de progresser dans la réflexion sur ces dossiers complexes.
Je souhaite répondre à M. Dériot et à Mme Dini sur la question du FCAATA.
Les dysfonctionnements du dispositif de l'allocation versée par le FCAATA sont connus. Tous les rapports, notamment celui du Sénat, sont unanimes sur ce constat : il n'est ni juste pour les personnes exposées ni raisonnable du point de vue de la gestion des finances publiques de laisser ce dispositif en l'état. En effet, des personnes qui ont été exposées significativement à l'amiante et dont la santé est menacée en sont exclues, tandis que d'autres, qui y furent peu, voire pas du tout exposées, en bénéficient.
C'est pourquoi je souhaite recentrer le dispositif sur les personnes qui ont été réellement exposées, et ce dans le cadre d'une concertation. Nous avons décidé de mettre en place très prochainement un groupe de travail chargé de faire des propositions en vue de la réforme du dispositif.
Ce groupe de travail regroupera les associations FNATH et ANDEVA, les partenaires sociaux, un sénateur, un député, quelques personnalités qualifiées, ainsi que l'administration. Je souhaite qu'il élabore des propositions dans un délai de six mois, afin de pouvoir, le cas échéant, introduire les évolutions proposées dans le PLFSS pour 2009.
J'en viens à la contribution de l'État. Si l'on prend en compte les sommes distribuées par le FIVA et le FCAATA, l'État a versé 568 millions d'euros, sur un total de 7,5 milliards d'euros, soit environ 7,5 % depuis la création de ces fonds.
Mais la contribution de l'État ne se limite pas à ce financement. N'oublions pas l'ensemble de la politique de prévention du risque amiante avec, notamment, l'organisation régulière de campagnes de contrôle dans les entreprises par les inspecteurs du travail et le contrôle des chantiers de désamiantage.
Enfin, à propos de la conférence du 4 octobre sur les conditions de travail, vous avez souligné, monsieur Dériot, l'excellent travail mené par votre collègue Gérard Larcher, et vous avez eu raison de lui rendre hommage.
Cette conférence a débouché sur une longue liste d'actions concrètes. Xavier Bertrand a missionné, la semaine dernière, deux experts, Philippe Nasse et Patrick Légeron, afin que ceux-ci lui présentent des propositions sur les risques psychosociaux d'ici au mois de février 2008.
Parmi les autres mesures adoptées à l'issue de la conférence, je puis vous annoncer le lancement prochain d'une négociation qui portera sur trois sujets essentiels et à l'occasion de laquelle je souhaite que les partenaires sociaux discutent de l'amélioration des conditions de travail dans nos entreprises. Il s'agit de mettre en place un cadre pour le dialogue social sur les conditions de travail dans les PME et les TPE, sur le rôle des missions des comités d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, sur la durée des mandats et la formation des représentants du personnel de ces instances, ainsi que sur les modalités d'alerte par les salariés concernant les conditions de travail.
Monsieur Lardeux, vous avez souligné, s'agissant de la famille et du handicap, que le Gouvernement tenait les engagements pris lors du vote de la loi du 11 février 2005, et je vous en remercie. Vous avez compris, bien sûr, qu'il s'agissait d'une première étape.
Le droit d'option permet d'améliorer immédiatement la situation des enfants les plus lourdement handicapés, bénéficiaires de l'AEEH et de la PCH, et n'exclut aucun enfant. Complément d'AEEH et PCH ont le même fait générateur : le besoin d'aide humaine ou l'existence de frais liés au handicap.
Élargir davantage cette aide, c'est prendre un double risque, celui de donner de faux espoirs aux familles et celui de submerger les MDPH de demandes dont on sait qu'elles aboutiront à un refus.
Il s'agit d'une première étape, comme le soulignait M. Lardeux. Nous devons désormais travailler sur le guide d'évaluation, le G20, qui permet de déterminer les besoins de compensation. En effet, la notion d'autonomie, et donc celle de compensation, n'a pas la même signification pour les enfants que pour les adultes. Les solutions apportées doivent permettre aux enfants de développer au maximum leurs capacités.
S'agissant de la modulation de l'allocation de rentrée scolaire, tout en approuvant cette mesure, saluée par les associations familiales, vous vous interrogez, monsieur Lardeux, sur sa cohérence par rapport à la fusion des majorations de onze à seize ans en une majoration unique à quatorze ans.
En fait, dans les deux cas, nous cherchons à adapter les prestations aux évolutions de la société. Comme vous l'avez vous-même relevé, nous devions tenir compte, concernant les allocations familiales, des préconisations de l'INSEE démontrant que le « coût » de l'enfant bascule à l'âge de quatorze ans, et de celles de la Cour des comptes. De même, pour l'allocation de rentrée scolaire, il s'agit de s'adapter aux écarts existants entre le coût d'une rentrée au primaire et celui d'une rentrée au lycée.
À l'issue de la concertation que nous allons mener dans les prochaines semaines, comme Xavier Bertrand s'y est engagé, nous déciderons quelles classes d'âge il convient de retenir. Je note en tout cas, monsieur le rapporteur, votre proposition de retenir les classes d'âges de onze et seize ans.
Vous vous êtes interrogé, de même que Muguette Dini, sur l'utilisation des excédents de la branche famille dans les prochaines années. Vous avez indiqué, avec le bon sens que l'on vous connaît, que l'on pourrait, soit financer des dépenses nouvelles, soit décider de réduire les recettes, afin de desserrer la contrainte des prélèvements obligatoires pesant sur les employeurs.
Avant de réfléchir à l'utilisation des excédents, il faut être certain de les réaliser !
En 2008, pour la première fois depuis longtemps, nous assisterons au retour à l'équilibre de la branche famille. Nous devrons être capables, ensuite, avant d'envisager une réduction des recettes, de financer les besoins, notamment en matière de garde d'enfants, à travers la mise en place d'un droit opposable, les contours d'un tel droit devant évidemment être précisés.
De même, la question que vous posez sur l'autorité qui pourrait se voir opposer ce droit est essentielle et doit faire partie de la réflexion.
Nous entamerons, vous vous en doutez, une vaste concertation avant de trancher ces questions. Vous serez bien sûr de ceux, monsieur le rapporteur, qui seront consultés à cette occasion.
Je voudrais maintenant répondre à M. Fischer et à Mme San Vicente-Baudrin sur le médico-social et la CNSA.
D'abord, monsieur Fischer, vous soulignez la faiblesse de l'évolution de l'ONDAM médico-social en faveur des personnes âgées. Je tiens à vous rappeler que le chiffre de l'ONDAM ne reflète pas l'évolution réelle des moyens alloués à ce secteur.
En effet, si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses, y compris celles qui sont financées directement par les ressources de la CNSA, on aboutit à une évolution non pas de 8 %, mais de 11 %, ce qui représente 650 millions d'euros de mesures nouvelles.
Ce budget nous permet de financer tous nos engagements envers les personnes âgées en perte d'autonomie : création de soins infirmiers à domicile - 6 000 places supplémentaires -, de places d'accueil de jour et d'hébergement temporaire - 3 250 places nouvelles - et même une accélération des créations de places en maison de retraite - 7 500 supplémentaires, au lieu des 5 000 prévues.
Madame San Vicente-Baudrin, vous avez évoqué la CNSA et exprimé une crainte au sujet du gel de ses crédits. Je tiens à vous rassurer sur ce point.
La création de la CNSA, en 2005, visait précisément à faire en sorte que les financements qui lui seraient affectés soient alloués en totalité aux personnes âgées et handicapées au lieu d'être gelés.
Lorsque les crédits prévus ne sont pas tous consommés, comme c'est le cas actuellement parce qu'il faut trois ans pour créer une place, ces crédits sont mis en réserve. Ces réserves peuvent ensuite être utilisées pour des plans d'investissement et de formation en faveur des personnes âgées et handicapées. C'est ce que nous proposons pour 2008 avec les 250 millions d'euros de réserves qui permettront de réduire le reste à charge pour les personnes âgées en établissement. Les moyens engagés auront donc un impact direct pour ces personnes.
Enfin, monsieur Othily, vous avez souligné les enjeux liés à la mise en oeuvre d'un plan de lutte contre la maladie d'Alzheimer. Roselyne Bachelot vous a rappelé les grandes lignes du rapport du professeur Ménard, et notamment les orientations qu'il propose sur le volet maladie en ce qui concerne l'accompagnement des soins de santé. Ces orientations seront mises en oeuvre.
S'agissant de la prise en charge en charge à domicile et du soutien aux aidants, le rapport du professeur Ménard souligne la nécessité de renforcer la création de places avec l'intervention de professionnels sanitaires et médico-sociaux ainsi que la création de formules souples comme les plateformes de services.
D'ores et déjà, le PLFSS pour 2008 prévoit la création de 2 125 places d'accueil de jour et de 1 125 places d'hébergement temporaire. Cela constitue une accélération extraordinaire par rapport à l'existant, à savoir respectivement de 7 000 et 3 600 places. Une véritable avancée sera également réalisée dans la prise en charge des frais de transport vers les accueils de jour.
En ce qui concerne la prise en charge en établissement, le rapport du professeur Ménard propose la création d'unités spécifiques dans tous les établissements accueillant des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.
L'enjeu de la formation pour les aidants ainsi que la nécessité de développer de nouveaux métiers est également un axe fort du rapport du professeur Ménard.
Enfin, vous mentionnez la situation particulière de la Guyane. Je tiens à vous féliciter du projet de création d'un centre d'accueil avec une unité spécifique à Macouria. Je réfléchirai avec la CNSA à ce que pourront être les modalités de son financement, afin que ce projet voie le jour dès que possible.
En 2006 et en 2007, la CNSA apportera 7,5 millions d'euros d'aide à l'investissement, qui permettront notamment la reconstruction complète de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, de l'hôpital de Cayenne.
Plus généralement, dans les DOM, l'effort augmente de façon considérable : 100 places financées en 2006, 180 en 2007, environ 250 en 2008 et autant en 2009.
Je pense avoir fait le tour de l'ensemble des aspects qui permettront, dans ce PLFSS, d'accompagner l'engagement du Président de la République d'être également au rendez-vous de la solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref car j'ai déjà répondu tout à l'heure à M. le rapporteur.
Mme Le Texier a prétendu que le découvert de l'ACOSS était une sorte de dette dissimulée. Il faut donc tout de même que je dise que ce n'est pas le cas !
M. François Autain. C'est pourtant vrai, elle est dissimulée !
M. Éric Woerth, ministre. Il n'y a aucune dissimulation. Il s'agit d'une dette, au sens où l'entend le traité de Maastricht. Cette dette est gérée par l'ACOSS, qui est un organisme public, et elle est surveillée par la commission de vérification des comptes de la sécurité sociale. Bref, cela n'a pas grand-chose de « dissimulé ». C'est tellement vrai qu'on n'en parlerait pas si elle l'était ! (Sourires.)
Cette dette est financée et elle fait l'objet d'un certain nombre de charges d'intérêt, plutôt inférieures d'ailleurs à ce qu'elles seraient si elles étaient du domaine de la CADES puisqu'il s'agit ici d'une couverture à court terme et non à long terme. Elle ne constitue donc en aucun cas une difficulté majeure.
En ce qui concerne le taux K, Mme Le Texier a indiqué qu'il s'agissait d'un message envoyé à l'industrie pharmaceutique pour lui dire qu'elle pouvait produire plus et vendre davantage. Il n'en est rien. C'est un taux défini d'une façon réaliste et qui constitue au contraire un bon instrument de maîtrise. Je tiens d'ailleurs à dire dès maintenant, même si nous y reviendrons dans le débat, que nous sommes favorables au fait de pouvoir anticiper sur 2009 et de ne pas reconduire la mesure de 50 millions d'euros sur le crédit d'impôt recherche.
Il n'y a donc aucun cadeau particulier fait à l'industrie du médicament. Cela dit, il s'agit d'une belle industrie française et il n'y a aucune raison de la moquer comme vous l'avez fait tout à l'heure.
Enfin, sur les stock-options, Mme Voynet a plusieurs fois indiqué qu'il était possible de dégager 3 milliards d'euros de recettes, suivant le rapport de la Cour des comptes. Les calculs que celle-ci a effectués doivent certes être pris en compte, mais ce n'est certainement pas l'ensemble des stock-options qui pourraient produire une telle somme, sauf à imaginer de les taxer comme tous les revenus, au même taux que l'ensemble des cotisations patronales, ce qui reviendrait à les supprimer complètement. Bien sûr, le problème s'en trouverait réglé, mais je ne suis pas sûr que ce serait très utile pour l'économie !
Mme Isabelle Debré. Très juste !
M. Éric Woerth, ministre. Nous aurons également un débat sur ce sujet.
Nous ne sommes nullement obsédés par la fraude, contrairement à ce que paraît penser Dominique Voynet. Nous ne voyons pas des fraudeurs partout ! Je pense simplement que ceux qui fraudent volent en réalité ceux qui paient, et cela me paraît susceptible de faire ici l'objet d'un consensus. On ne peut pas demander des efforts et en exonérer certains : cela reviendrait à les encourager à voler à la fois l'État, les contribuables et les cotisants sociaux.
Ce phénomène a évidemment un coût très important, et une république qui se respecte est une république qui lutte contre la fraude. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n 274, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 67).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Annie David, auteur de la motion.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous assistons depuis peu à une grande entreprise de destruction.
Transformés en experts de la casse, vous voilà attelés à des chantiers bien dangereux : casse des solidarités, destruction de la protection sociale, anéantissement du code du travail. Ces chantiers n'ont qu'un objectif : l'avènement d'un nouveau contrat antisocial, résolument tourné vers le chacun pour soi et la course au profit.
Dans votre empressement à tout détruire, vous en oubliez même qu'il existe encore quelques principes fondamentaux qui viennent, ne vous en déplaise, contrecarrer vos projets.
C'est ce qui vous est arrivé, par exemple, avec le contrat première embauche, que vous avez défendu envers et contre tous les jeunes, mais qu'une décision de justice a considéré comme contraire à la résolution 158 de l'Organisation internationale du travail, en raison de la longue période d'essai de deux ans durant laquelle le salarié ainsi embauché aurait pu être licencié sans motif.
Je vous rappellerai également la décision du Conseil constitutionnel, qui a depuis longtemps, en matière de protection des droits fondamentaux, posé le principe dit du « cliquet » empêchant tout retour en arrière. Il s'agit de la décision DC 86-210 du 29 juillet 1986 qui précise : « s'il est à tout moment loisible au législateur statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution de modifier des textes anciens ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions [...], l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. »
C'est pourtant bien de cela qu'il est question aujourd'hui.
Depuis la décision du Conseil constitutionnel dite « liberté d'association », et en raison de son intégration dans ce qu'il est convenu d'appeler le bloc de constitutionnalité, le préambule de la Constitution de 1946, créateur de nombreux droits sociaux, a valeur constitutionnelle. Il résulte de cette décision que les principes qu'il énonce revêtent un caractère fondamental, garanti par la Constitution, et qu'une simple loi, fût-elle voulue par le président Sarkozy, ne peut venir les amputer.
Ainsi, le droit à la santé, inscrit au onzième alinéa du préambule de la constitution de 1946, s'est vu reconnaître une valeur constitutionnelle.
Dans l'esprit des constitutionnalistes de l'après-guerre, il s'agissait de donner à tous l'accès à une médecine qui ne distinguerait plus ses bénéficiaires en raison de l'appartenance sociale ou des ressources.
Ce principe a été régulièrement confirmé par de nombreuses décisions. Ainsi, et sans en détailler le contenu, je vous rappelle la décision du Conseil constitutionnel du 27 janvier 1990, qui énonce que l'action du législateur doit « fixer des règles appropriées tendant à la réalisation de l'objectif » - il s'agit de la protection de la santé - « défini par le préambule », ou encore celle du 12 décembre 2002, relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qui énonçait que le tarif forfaitaire de responsabilité de la sécurité sociale devait être fixé « de telle façon que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ».
Or, en voulant imposer vos franchises médicales contre l'avis de la majorité de la population, vous contrevenez précisément à ce onzième alinéa en vertu duquel la nation garantit à tous la protection de la santé.
La sécurité sociale, outil au service de cet ambitieux projet de société, pose ces principes forts : la participation à raison de ses revenus et la satisfaction en fonction de ses besoins.
Or, en ajoutant une franchise prétendument fixée à 50 euros - prétendument puisqu'elle ne figure tout simplement pas dans votre projet de loi -, vous faites payer cher au malade sa situation. La conséquence sera, pour de nombreuses personnes, particulièrement dans les familles les plus modestes, un éloignement du dispositif de santé.
Un euro par visite, cinquante centimes par boîte de médicaments, sans compter le reste à charge et les dépassements d'honoraires pratiqués par des professionnels de santé indélicats, particulièrement dans certaines régions où il n'y a pour ainsi dire que des médecins conventionnés en zone II ou des médecins hors convention, ce qui leur permet de pratiquer leurs actes à des coûts importants. Cette pratique est pour le moins éloignée de la notion de « tact » pourtant inscrite dans le code de déontologie médicale.
Ce phénomène va s'accroître avec le passage à 100 % du financement des hôpitaux à l'activité. Vous le savez, les cliniques privées se refusent à pratiquer certains actes insuffisamment rentables, voire déficitaires. Ces actes sont, fort heureusement, pratiqués à l'hôpital. Mais demain, une fois que la T2A aura été imposée, cela sera-t-il encore le cas ?
Mme Annie David. Pouvez-vous affirmer que les hôpitaux, désormais soumis aux mêmes règles que les cliniques, pourront déroger à la gestion comptable propre au privé et continuer à pratiquer des actes qui coûtent plus qu'ils ne rapportent ?
Là encore, les conséquences seront supportées par les patients qui devront soit subir, dans le meilleur des cas, l'épreuve d'interminables listes d'attentes avant d'accéder aux soins, soit - et cela est scandaleux - y renoncer.
On estime que déjà 30 % de nos concitoyens renoncent aux soins pour certains actes très coûteux tels que les soins dentaires. Et ce pourcentage est encore plus élevé si l'on ne considère que les bénéficiaires de l'aide médicale d'État, qui se voient injustement - et en contradiction totale avec les engagements internationaux de la France - imposer un délai de carence de trois mois, alors même que, du point de vue de la santé publique, toutes les études attestent qu'une prise en charge rapide des besoins de santé des immigrants est de nature à réduire les risques, à endiguer les maladies et à renforcer les systèmes de prévention, bref, à assurer à tous un haut niveau de qualité de la santé.
Le PLFSS que vous nous présentez ne répond pas à ces exigences ; pis, il les bat en brèche !
Vous n'avez qu'une obsession : réduire les dépenses publiques et, pour ce faire, tous les moyens sont bons !
Pour le Président de la République, la fin, qui est la satisfaction des désirs du MEDEF, justifie tous les moyens, y compris le sacrifice volontaire des principes d'équilibre et de sincérité.
Comment ne pas croire en effet que le maintien en déficit de notre protection sociale n'est pas volontaire ? D'autant que vous ne formulez aucune critique de la réforme de MM. Douste-Blazy et Bertrand, laquelle devait pourtant permettre, disiez-vous, un retour à l'équilibre !
Avec un déficit de plus de 12 milliards d'euros, nous ne pouvons faire qu'un constat, unanimement partagé d'ailleurs : nous sommes loin de l'équilibre !
La logique aurait donc voulu que, constatant l'échec des plans comptables des années précédentes, vous décidiez de changer du tout au tout vos orientations en 2008. Mais tel n'est pas le cas, car vous maintenez votre cap : culpabilisation et taxation des assurés sociaux - auparavant avec la participation de 1 euro, aujourd'hui avec les franchises - et politique d'exonération des charges sociales, à hauteur de près de 350 millions d'euros durant l'été avec l'adoption de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la « TEPA ».
Or tout cela ne marche pas et a conduit au déficit que nous connaissons aujourd'hui, un déficit qui ne risque d'ailleurs pas de diminuer. Comment le pourrait-il d'ailleurs quand même vos estimations les plus favorables placent encore la sécurité sociale « dans le rouge » ?
Ajoutons que ces estimations sont fondées sur un ONDAM à 1%, alors que jamais celui-ci n'a été inférieur à 2 %, et sur une croissance supérieure à 3%. Autant dire qu'il ne s'agit plus d'un PLFSS mais d'un rêve !
Récemment encore, la Cour des comptes annonçait qu'il faudrait 40 milliards d'euros pour financer les déficits sociaux. Pourtant, côté recettes, on ne trouve rien de novateur dans ce PLFSS. Au contraire, vous maintenez la taxation des malades et créez celle des préretraités.
Pourtant, de l'argent pour financer un régime de protection sociale solidaire, il y en a ! Je pense, par exemple, aux 850 millions d'euros inutilisés du plan « amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques », montant que, tout naturellement, nous ne pouvons manquer de rapprocher de celui des économies que vous espérez réaliser avec votre projet de franchise médicale, montant d'ailleurs nettement surévalué puisque les économistes estiment qu'il sera plus proche de 650 millions d'euros que de 850 millions d'euros.
Mme Annie David. Et que dire de la faible, trop faible, taxation des stock-options : 2,5 % quand vous taxez les préretraites à 7,5 % ? C'est tout simplement inacceptable ! Pourtant, le candidat Sarkozy avait promis, lors du scandale provoqué par le départ d'EADS de M. Forgeard, de moraliser les pratiques des grands patrons.
Cet engagement, le Président de la République comme ses ministres l'ont oublié, au point qu'il aura fallu un amendement du député Yves Bur, rapporteur pour avis, pour que le PLFSS fasse mention d'une taxation des stock-options. Cette taxation devrait cependant rapporter au plus, d'après les estimations même de M. Bur, 400 millions d'euros. On est donc loin, très loin, des 3 milliards d'euros pourtant envisagés par la Cour des comptes.
Pour mon groupe, il n'y a pas de doute, c'est volontairement que vous appauvrissez la sécurité sociale.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Attaque grossière !
Mme Annie David. Vous savez l'attachement de nos concitoyennes et concitoyens à notre régime de protection ; vous savez que les uns et les autres ne s'en laisseront pas dessaisir sans se révolter.
Pour justifier ce qui n'est pas justifiable, vous usez d'artifices afin de maintenir « dans le rouge » les comptes, allant jusqu'à vous résoudre au déficit.
L'équilibre, qui devrait être objectif, devient pour vous handicap : en effet, une sécurité sociale à l'équilibre et c'en est fini de votre projet d'individualisation de la protection sociale sur fonds privés ! Un tel projet n'est plus justifiable, car la mise en oeuvre de la casse de la sécurité sociale ne peut se faire que si cette dernière se porte mal !
Naturellement, vous n'entendrez pas nos propositions ; pourtant, elles constituent cette fameuse « ordonnance » que M. Lardeux disait tout à l'heure attendre depuis dix ans puisqu'elles visent à financer durablement notre protection sociale, en particulier la taxation de l'ensemble des revenus financiers et spéculatifs des banques et des entreprises.
Vous poursuivrez les politiques de cadeaux fiscaux et d'exonérations fiscales. J'en veux pour preuve la proposition faite par le Président de la République lui-même, le 6 novembre dernier, d'exonérer de cotisations salariales et patronales les marins-pêcheurs.
Au demeurant, vous ne répondrez pas à une crise sectorielle par des mesures temporaires. De plus, cette proposition surprend dans le contexte du PLFSS, car, si elle se confirmait, elle viendrait modifier les dispositions relatives aux recettes, Nicolas Sarkozy estimant lui-même son coût à 21 millions d'euros par semestre !
Le conseil d'administration de la CNAV a d'ailleurs, par un vote à l'unanimité, dénoncé cette proposition, estimant que « les cotisations sociales ne doivent pas servir de variable d'ajustement au règlement des conflits sociaux ou des difficultés économiques rencontrées par certaines entreprises ou professions ».
Plus grave encore, soit cette proposition présidentielle, formulée dans la vitesse et la précipitation, entre en application avant l'adoption par notre assemblée du PLFSS et le texte dont nous débattrons sera, du fait même du Gouvernement, radicalement différent, dans sa partie recettes, de celui qui a été adopté à l'Assemblée nationale ; soit elle entre en application après l'adoption du PLFSS et la durée de vie de ce dernier n'aura été que de quelques heures.
Remarquez, c'est ce que nous avions compris ! Vous avez inventé le PLFSS à durée déterminée, périssable après les élections municipales et cantonales de 2008...
Mme Annie David. Toutes ces raisons nous conduisent à présenter cette motion d'irrecevabilité et nous invitons à la voter toutes celles et tous ceux qui sont attachés au principe du droit à la santé pour toutes et tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, bien entendu, je ne vais pas vous inviter à suivre Mme David dans ses réquisitions, car elles ne sont pas fondées.
Le présent PLFSS contreviendrait, selon celles-ci, au préambule de la Constitution de 1946, qui garantit l'accès à la santé pour tous.
Dois-je rappeler que ce projet, ce qui concerne la santé, assure une progression de l'ONDAM de ville et de l'ONDAM hospitalier de 3,2 %, c'est-à-dire une progression des dépenses de santé sensiblement supérieure à la progression de la richesse nationale ?
On pourrait d'ailleurs faire des critiques à ce sujet, mais, avant de dire que nous sommes dans une perspective de rationnement des soins, mieux vaudrait accorder ses violons !
M. Alain Gournac. Plus c'est gros, plus ça passe !
M. François Autain. En l'occurrence, c'est à vous que la formule doit s'appliquer, et ça ne va pas passer !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En outre, la critique est axée sur les franchises alors que, malgré les franchises, nous garderons le taux de remboursement le plus élevé d'Europe, soit près de 80 % sur le tarif opposable.
M. François Autain. Plus précisément 77 %...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je rappelle aussi que les franchises sont plafonnées à 50 euros par an, soit environ 4 euros par mois.
Je sais, madame David, que, pour certaines familles, cela peut représenter un effort, mais je répéterai inlassablement, parce que c'est la vérité, d'une part, que les 15 millions de nos concitoyens les plus fragiles sont évidemment exonérés des franchises et, d'autre part, que l'argent ainsi économisé retournera aux malades. Il n'ira pas se fondre dans je ne sais quelle masse indistincte du budget de l'État. Ce n'est ni une taxe, ni un impôt...
M. Guy Fischer. C'est un nouvel impôt sur la maladie !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ...et ces ressources nouvelles permettront de financer des dépenses nouvelles correspondant à de nouveaux besoins de santé, tels la lutte contre la maladie d'Alzheimer, la prise en charge du cancer ou les soins palliatifs. Je relève d'ailleurs que personne dans cette enceinte n'a en définitive remis en cause le bien-fondé de ces dépenses nouvelles.
M. Alain Gournac. C'est le bon sens !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, bien entendu, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ne contrevient pas aux principes constitutionnels et je vous engage donc de ne pas adopter l'exception d'irrecevabilité présentée par Mme David. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, pour toutes les raisons que vient d'exposer Mme la ministre, la commission émet elle aussi un avis défavorable sur la motion. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 274, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Bel, Godefroy, Cazeau et Domeizel, Mme Demontès, Le Texier, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 141, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 adopté par l'Assemblée nationale (n° 67, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, auteur de la motion.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Au seuil de l'examen du PLFSS pour 2008, la tâche qui échoit à l'opposition sénatoriale pourrait passer pour un réflexe contestataire dans la mécanique parlementaire.
Une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité présentée par nos collègues du groupe CRC suivie d'une question préalable du groupe socialiste : menu fretin pour le Gouvernement ! Pas de quoi affoler une majorité, qui ne s'affole d'ailleurs plus de grand-chose.
Mme Gisèle Printz. Tout à fait !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Votre texte va passer puisque tout doit passer...
Seulement, cette fois-ci, vous ne vous contentez pas de nous livrer un PLFSS déséquilibré.
Mes chers collègues, je reviendrai sur les aspects techniques qui fondent la question préalable et nous incitent à espérer que, dans votre grande sagesse, vous saurez reconnaître qu'il n'y a pas lieu, conformément à la lettre du règlement de notre assemblée, de poursuivre les délibérations.
Je souhaite d'abord attirer votre attention sur le contexte général dans lequel s'inscrit le présent PLFSS.
Vous conviendrez sans doute à l'issue de mon exposé, mesdames, monsieur les ministres, que votre projet tel qu'il se présente dans son environnement global ne peut que relever de la plus grande impudence.
Remontons quelques semaines en amont, je vous prie. Souvenons-nous de l'état d'esprit dans lequel notre Président de la République veut gouverner en toute chose : écoute, ouverture, recrutement où les talents se trouvent, où l'intelligence ne fait pas de doute, où l'expertise est de rigueur, où l'ingénierie est en action...
En la matière, nous disposons d'un bon exemple de gouvernance raisonnée. Mais voilà, avant votre arrivée aux affaires, en 2000 et en 2001, les comptes de la sécurité sociale étaient à l'équilibre : pas de dette, pas de tour de passe-passe ; de la méthode, de la rigueur, certes, mais pas sur le dos des assurés.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Quelle belle époque !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Lionel Jospin s'était employé avec succès à cette méthode.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Ne soyez pas tentés de voir ici une récupération quelconque. J'aurai l'honnêteté de remonter encore dans le temps pour rendre hommage à l'un des vôtres qui fut l'initiateur, dès 1995, de cette méthode efficace : Alain Juppé lui-même, dont le plan de 1996 était fort astucieux.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Transférer le financement de la dette de l'ACOSS à la CADES était en effet une méthode suffisamment ingénieuse pour que le successeur d'Alain Juppé, Lionel Jospin, ait la très grande intelligence de s'y tenir, pratiquant ainsi une forme d'ouverture dont il eut, peut-être, pour seul tort de ne pas faire publicité. On ne peut pas tout faire en même temps !
Et puis vous êtes arrivés et, dès 2002, tout s'est mis à filer !
Aujourd'hui, la CADES est fermée, mais l'accumulation des déficits records vous entraîne à augmenter le plafond autorisé d'emprunt à 36 milliards d'euros. Ce montant considérable atteste que les autorisations d'emprunt n'ont rien à voir avec des ajustements de trésorerie infra-annuels, mais servent à combler des déficits structurels croissants, tout en entraînant des frais financiers de plus en plus élevés pour le régime général.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
Mme Gisèle Printz. Voilà la vérité !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L'état actuel de l'assurance maladie aurait dû justifier que sa gouvernance, son financement et ses déficits soient au coeur du débat. Malgré les lois de 2003 et 2004, malgré vos annonces incessantes, malgré l'alarmisme de la Cour des comptes et du comité d'alerte, votre PLFSS n'apporte pas de solution permettant de régler le problème récurrent des déficits des différentes branches.
Ce projet de loi insipide ne contient aucune proposition tendant à retrouver les équilibres de 2000. Vous ne proposez aucune mesure structurelle susceptible de régler les problèmes du FSV et du FFIPSA.
Mais alors, que cache ce projet ? On est loin des promesses de la réforme Douste-Blazy de 2004, qui prévoyait un retour à l'équilibre de l'assurance maladie en 2007 !
Le système de réduction des dépenses retenu jusqu'à présent, les déremboursements et les franchises, a montré ses limites et pourtant vous poursuivez sur la même voie.
Comme il est précisé dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, la tendance n'est pas à l'amélioration. Ce rapport prévoit une nouvelle aggravation du déficit de l'ordre de 1 milliard d'euros en 2008, avant prise en compte des mesures nouvelles contenues dans le PLFSS.
Dès lors, ce projet de loi de financement vise à réduire le déficit tendanciel de la sécurité sociale de près de 4 milliards d'euros et à le ramener à 8,9 milliards d'euros d'ici à la fin de 2008.
S'il est vrai que le financement est assuré par les prélèvements sociaux, les multiples dispositifs que vous proposez amoindrissent le produit de ces prélèvements.
La Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2007, a démontré que l'élargissement de l'assiette des prélèvements sociaux participerait au retour à l'équilibre du régime général.
Les propositions faites par la Cour des comptes comprennent les exonérations relatives aux mesures pour l'emploi, les dispositifs d'association aux résultats de l'entreprise, les exonérations bénéficiant aux opérations de retraite et de prévoyance, les salaires affectés, les indemnités de départ involontaire, les avantages octroyés à certaines professions, les revenus du patrimoine, les cotisations des employeurs publics.
L'ensemble des pertes de recettes représente un montant évalué par la Cour des comptes à plus de 30 milliards d'euros.
De ce rapport vous avez retenu essentiellement les mesures relatives à la fin des exonérations AT-MP pour les petites entreprises, et notamment celles situées en zone de redynamisation urbaine et en zone de revitalisation rurale, pour les bénéficiaires de l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise ou pour les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, les GEIC.
Ces mesures pèsent sur le secteur de l'économie sociale ou sur l'embauche d'un public éloigné de l'emploi.
Vous êtes-vous demandé quelles seront les conséquences de la disparition de ces dispositifs sur les territoires où l'offre d'emploi a besoin d'être stimulée ?
En revanche, pour les grandes entreprises, vous renforcez les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires sans contrepartie, entraînant ainsi une paupérisation des salariés maintenus au SMIC, auquel vous n'avez pas voulu donner de coup de pouce en juillet dernier.
Les autres recettes que vous avez retenues -prélèvements sur les indemnités de mise à la retraite, maintien de la taxe de 1 % sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques, prélèvement à la source des contributions sociales sur les dividendes et enfin augmentation exceptionnelle de la taxe sur les grossistes répartiteurs - ne sont pas à la hauteur des enjeux actuels.
Par ailleurs, l'ensemble des dispositifs de participation, d'intéressement et de stock-options représente, comme le souligne la Cour des comptes, une perte substantielle pour le régime général, de l'ordre de 6 milliards à 8,3 milliards d'euros, alors que leur distribution aux salariés est inégalitaire et engendre des distorsions souvent liées à la taille des entreprises. La Cour des comptes propose donc « de réexaminer ou de plafonner les exonérations de cotisations sociales appliquées à la plus-value d'acquisition des stock-options ».
L'Assemblée nationale s'est contentée d'une taxation symbolique ; nous sommes loin des propositions de la Cour des comptes !
Il est difficile, dans ces conditions, de percevoir la logique de vos choix.
À défaut de vous engager dans le plan d'équilibre prôné par la Cour des comptes, vous préférez instaurer injustement une franchise sur les médicaments, les transports sanitaires et les actes paramédicaux.
Ces franchises médicales marquent une rupture importante par rapport à un principe fort qui fonde l'assurance maladie : la solidarité entre malades et bien portants.
Vous nous proposez ici de pénaliser les malades au mépris du principe même de la socialisation de la santé.
Le plus grave, c'est qu'en limitant l'accès aux soins primaires, notamment chez les généralistes, vous allez augmenter une nouvelle fois les inégalités d'accès aux soins. Aujourd'hui les dépenses de médecine de ville des cadres sont supérieures de 16 % à celles des ouvriers. Ce moindre accès à la médecine ambulatoire entraîne de fait un recours plus important à la médecine hospitalière. Les dépenses des ouvriers dans ce domaine sont déjà supérieures de 13 % à celles des cadres.
Aussi, cette politique de franchise va-t-elle entraîner le développement de pathologies plus graves, prises en charge plus tardivement et occasionnant, de fait, des dépenses plus lourdes.
De plus, la complexité de l'instauration de ce nouveau reste à charge, qui vient s'ajouter aux autres forfaits et tickets modérateurs, pose question. Pourquoi créer une nouvelle mesure au rendement limité, alors même qu'une réflexion d'ensemble est prévue à la suite du rapport rédigé par MM. Raoul Briet et Bertrand Fragonard ? D'autant que cette solution purement financière et artificielle va peser sur les assurés et ne modifiera pas les causes profondes des déficits.
Enfin, parmi les nombreux sujets concernés par le PLFSS pour 2008, il en est un qui demeure plus épineux que tous les autres : le système des retraites.
Faute de mesures nouvelles, le déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale devrait atteindre 8 milliards à 10 milliards d'euros en 2010. Or le contenu du projet de loi de financement pour 2008 ne permet pas une lisibilité des mesures prévisionnelles que vous comptez adopter pour limiter ce déficit.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous, vous n'avez rien fait !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Paradoxalement, alors que les comptes de la sécurité sociale sont dans le rouge virant au bordeaux, vous avez fait voter en juillet dernier un bouclier fiscal représentant un manque à gagner pour l'État de 15 milliards d'euros.
Comment ne pas s'étonner que, dans le cadre de la loi, TEPA, la mesure phare relative à l'exonération de l'ensemble des cotisations salariales et patronales sur les heures supplémentaires soit calée sur les heures supplémentaires effectuées dans les entreprises en 2006 ?
On peut se demander si vous croyez vous-même au caractère incitatif de cette mesure !
Ces exonérations seront-elles compensées dans leur globalité si elles dépassent vos prévisions ?
De même, vous avez fait voter par les députés le 7 novembre dernier, dans le projet de loi de finances pour 2008, un joli bouclier fiscal qui, présenté par M. Bernard Laporte, prévoit 32 millions d'euros d'exonérations de cotisations sociales et fiscales destinées aux sportifs professionnels, ce qui représente une augmentation de 113 %.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il s'agit simplement de la montée en charge du dispositif !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. À force de sous-évaluer les charges conjoncturelles décidées au jour le jour par le Gouvernement, les déficits prévisionnels ne révèlent en rien une responsabilité de gestion et ne correspondent pas aux enjeux d'une politique de soins cohérente.
D'ailleurs, le déficit prévisionnel de 2007, qui était de l'ordre de 8 milliards d'euros, est estimé au mois d'octobre à près de 12 milliards. Quelle entreprise pourrait se permettre une telle gestion ?
Comment discuter d'un texte en se demandant s'il est conforme et sincère au principe même d'une gestion rigoureuse et responsable ?
Bien entendu, si l'État réglait l'ensemble de ses dettes à l'égard de l'assurance maladie, les comptes de la sécurité sociale en seraient sans doute plus équilibrés. Mais cela ne fait pas partie de vos priorités !
Parviendriez-vous à payer vos engagements si une crise financière obérait votre budget ?
Les hypothèses de croissance que vous avancez sont d'ailleurs remises en cause par de nombreux économistes. Quelles mesures rectificatives envisagez-vous dans cette période de turbulence financière ?
J'en viens maintenant au dernier point que je souhaite aborder.
Tandis que nous nous apprêtons à examiner ce projet de loi, on entend, mais c'est une habitude, que le Président de la République promet de nouvelles exonérations patronales et salariales.
Bien sûr, les pêcheurs avaient besoin d'aide. Mais demain, quelles professions bénéficieront de telles mesures ? Combien obtiendront-elles ? Comment financerez-vous ces dispositions ? Il ne sera plus temps de glisser un amendement à la sauvette dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Les derniers touchés seront-ils servis ? En l'occurrence, il y a fort à parier que ce sont eux qui paieront pour les autres. À moins que le Président de la République ne récupère les diverses caisses noires que nous découvrons chaque jour avec stupéfaction, avant-hier celle du patronat de la sidérurgie, hier celle du MEDEF. Quelle manne insoupçonnée ! Quelle bonne nouvelle pour financer la sécurité sociale à grand renfort de publicité !
Avec la meilleure volonté du monde, nous ne pouvons croire, ni au bien-fondé, ni à la sincérité, ni à la transparence de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Si l'on veut conserver la sécurité sociale dans son principe tel qu'il est défini par le préambule de la Constitution de 1946, les défis pour renforcer les ressources du régime général sont réels. En instituant une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, ce préambule précise, je le rappelle que la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère, et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».
Si nous souhaitons que nos enfants bénéficient toujours des garanties que confère notre système de protection sociale, nous nous appuierons sur la conclusion - à laquelle vous adhérez, nous l'espérons - de la Cour des comptes. Celle-ci estime à juste titre que le retour à l'équilibre annuel des comptes sociaux doit constituer la priorité des pouvoirs publics. À défaut, une partie significative de la protection sociale se trouverait reportée sur les générations futures.
Telles sont les raisons qui fondent notre question préalable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cette motion tendant à opposer la question préalable a pour objet de démontrer qu'il n'y a pas lieu de débattre et qu'il faut mettre un terme à la séance. Je n'ose pas imaginer que ce soit vraiment la volonté de notre collègue.
Mme Jarraud-Vergnolle prétend que ce projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux.
Bien entendu, avec ce texte, nous n'avons pas la prétention de tout régler, mais nous jugeons qu'il s'agit d'un premier pas pour sauver notre protection sociale tout en préservant les plus démunis. C'est le cas puisque les franchises ne concernent pas les plus faibles, comme les attributaires de la CMU, les femmes enceintes et les enfants.
Ce texte vise à sauvegarder un système qui, au contraire, doit garantir à nos concitoyens, dans les années à venir, une protection sociale que d'autres nous envient. Il est donc urgent d'en débattre.
Je vous demande par conséquent, mes chers collègues, de repousser cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de ne pas adopter cette motion et de continuer à débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il s'agit d'un projet de loi audacieux, qui tend à moderniser notre système de soins grâce à un certain nombre de dispositions.
Nous avons déjà longuement évoqué les franchises destinées à financer de nouveaux besoins. Nous allons, avec les articles 32 et 33 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, aborder pour la première fois la question de la démographie médicale, qui deviendra un vrai problème de santé dans les vingt prochaines années. Nous voulons associer à notre réflexion les étudiants et les plus jeunes médecins.
Nous vous présenterons également des dispositions visant à moderniser notre système de soins et la généralisation de la tarification à l'activité.
Si ce PLFSS est audacieux, il n'en est pas moins équilibré. En effet, il tend à réaliser 2 milliards d'économies, mais il vise également à nous donner les outils de la maîtrise médicalisée, aussi bien par les stabilisateurs automatiques contenus à l'article 25 que par la modernisation du rôle de la Haute autorité de santé, qui se voit attribuer des missions d'évaluation médico-économique.
Un certain nombre de politiques de prévention sont également prévues. La France peut faire mieux en matière de prévention, notamment en ce qui concerne l'extension du congé maternité des travailleuses indépendantes et des agricultrices.
Ne serait-ce que pour ces raisons, nous devons continuer à débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 141, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Nous allons tout d'abord examiner la première partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l'exercice 2006.
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXERCICE 2006
Article 1er
Au titre de l'exercice 2006, sont approuvés :
1° Le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
|
|
(En milliards d'euros) |
|
|
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
160,1 |
166,0 |
- 5,9 |
|
Vieillesse |
162,2 |
163,2 |
- 1,0 |
|
Famille |
52,9 |
53,7 |
- 0,8 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
11,2 |
11,3 |
- 0,1 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
381,4 |
389,2 |
- 7,8 |
; |
2° Le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
|
|
(En milliards d'euros) |
||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
137,5 |
143,4 |
- 5,9 |
|
Vieillesse |
83,0 |
84,8 |
- 1,9 |
|
Famille |
52,5 |
53,4 |
- 0,9 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
9,8 |
9,9 |
- 0,1 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
277,8 |
286,6 |
- 8,7 |
; |
3° Le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
|
|
(En milliards d'euros) |
|
|
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Fonds de solidarité vieillesse |
13,5 |
14,7 |
- 1,3 |
|
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles |
15,0 |
16,3 |
- 1,3 |
; |
4° Les dépenses constatées relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, s'élevant à 141,8 milliards d'euros ;
5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, s'élevant à 1,5 milliard d'euros ;
6° Le montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, s'élevant à 2,8 milliards d'euros.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous opposons à chacun des articles des deux premières parties du projet de loi de financement de la sécurité sociale, car nous considérons que les comptes qui nous sont présentés sont loin de traduire la réalité.
S'agissant de l'article 1er, la Cour de comptes avait suggéré d'introduire un tel tableau dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en écho à une demande formulée par les parlementaires lors du débat sur la réforme de l'assurance maladie.
Cette nouveauté n'a rien de révolutionnaire, vous en conviendrez. Il s'agit juste d'un élément supplémentaire d'appréciation, que nous prenons comme tel.
Toutefois, ce tableau nous permet de tirer de riches enseignements sur la réforme Douste-Blazy qui, je le rappelle, devait ramener les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre. Pour mémoire, le déficit était alors de 11 milliards d'euros et les ministres concernés, à savoir MM. Douste-Blazy et Bertrand, nous le présentaient déjà comme tout à fait exceptionnel.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, malgré l'application de votre réforme, qui met au premier plan les déremboursements de nombreux médicaments et l'assujettissement de tous les salariés à la CRDS, ce sont 4 milliards d'euros qui ont été directement pris dans la poche des assurés, en grande partie pour compenser votre politique d'exonérations.
Naturellement, nous le constatons aujourd'hui, cette réforme a été un échec retentissant puisque la dette s'est accrue jusqu'à atteindre, cette année, plus de 12 milliards d'euros.
Il s'agit d'un déficit record et véritablement historique, comme l'illustrent d'ailleurs les plafonds d'avances, qui s'élèvent cette année à 36 milliards d'euros pour le régime général et à 8,4 milliards d'euros pour le régime agricole.
Pourtant, nous y reviendrons dans le détail, vous entendez recourir aux mêmes recettes, espérant que, demain, elles nous permettront de faire, si j'ose dire, un meilleur repas. Autant vous dire tout de suite que nous n'y croyons pas !
D'ailleurs, à l'évidence, vous n'y croyez pas non plus, ce qui explique, notamment, que vous cherchiez à définir des réponses de court terme, en attendant, après les élections, la mise au point d'autres recettes, qui seront bien plus difficiles encore à digérer pour la majeure partie de nos concitoyens, mais qui ne manqueront pas de susciter des réactions. C'est pourquoi vous refusez de rechercher l'équilibre des finances sociales pour 2012.
Monsieur le ministre, vous ne tirez aucun enseignement des échecs précédents. C'est bien dommage pour les comptes de la sécurité sociale qui, de votre propre aveu, continueront à se dégrader - bien entendu, cette évolution sera masquée - comme pour les assurés, qui seront toujours plus mis à contribution !
Outre qu'il atteste de l'échec des politiques précédentes, ce texte témoigne de la faillite de la réforme Fillon, qui ne parvient pas à ralentir l'accroissement du déficit de la branche vieillesse. Vous me répondrez que cette évolution est liée à la démographie, mais j'y vois plutôt la preuve que la seule solution envisagée par votre gouvernement, à savoir l'allongement de la durée de cotisation, n'est pas satisfaisante, il s'en faut de beaucoup.
Au vu du déficit de cette branche, il est clair que votre réforme des régimes spéciaux n'aura aucune conséquence financière positive sur notre système de retraites, ce qui ne manquera pas d'être dénoncé lors des manifestations des jours à venir.
Comme je l'ai souligné ici même le 2 octobre dernier, le Président de la République souhaite tout simplement accrocher à son tableau de chasse les 37,5 annuités et demie de cotisations des régimes spéciaux.
Compte tenu de tous ces éléments et du passif très négatif des années 2002 à 2007, nous ne pouvions que redouter le pire pour ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Sur ce plan au moins, et nous ne sommes pas déçus : vous avez dépassé nos craintes !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je m'exprimerai en même temps sur les deux premiers articles.
L'article 1er du projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans le cadre de la nouvelle constitution budgétaire, qui permet à la représentation nationale de débattre des résultats du contrôle effectué par la Cour des comptes sur les tableaux d'équilibre pour 2006.
Cette disposition constitue aussi l'occasion de dresser un bilan de la réforme de 2004.
Selon MM. Douste-Blazy et Bertrand, l'année 2006 devait être celle du succès, couronnant la logique mise en oeuvre, tandis que nous devions renouer en 2007 avec l'équilibre des comptes sociaux. Hélas, nous en sommes bien loin ! Dois-je rappeler que l'objectif de ce texte était de sauvegarder l'assurance maladie, d'en préserver l'universalité et le caractère obligatoire et solidaire, tout en luttant contre les gaspillages et les abus, afin que l'effort de chacun aboutisse à l'équilibre du système de protection sociale ?
À l'époque, M. Douste-Blazy estimait que « préparer l'avenir doit être la préoccupation centrale de tous les gouvernements ».
Il ajoutait : « Organiser notre système de soins, donner à l'assurance-maladie les outils et les compétences lui permettant d'assurer ses responsabilités, valoriser la qualité des soins au service du malade, tels sont les objectifs que s'est fixés le Gouvernement pour sauvegarder notre assurance maladie.
« Cela s'accompagne, sur le plan financier, d'un effort de redressement de 15 milliards d'euros, qui permettra le retour progressif à l'équilibre sur la période 2005-2007. »
Quant à M. Xavier Bertrand, il déclarait : « Nous avons bien conscience, Philippe Douste-Blazy et moi-même, d'avoir une obligation de résultat.»
Malheureusement, la réalité n'est pas à la hauteur des engagements, et encore moins à celle des discours. Les tableaux d'équilibre laissent apparaître une dégradation constante de la situation. Le déficit atteint 7,8 milliards d'euros. II est supérieur à 10 milliards d'euros si nous y ajoutons le solde des comptes des organismes qui concourent au financement de la sécurité sociale. Enfin, il frappe toutes les branches sans distinction et constitue un exercice déficitaire sans précédent depuis 1947.
Nous ne voterons donc ni cet article ni le suivant.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2 et annexe A
Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi décrivant les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l'occasion de l'approbation, à l'article 1er, des tableaux d'équilibre relatifs à l'exercice 2006.
ANNEXE A
Rapport décrivant les mesures prévues pour la couverture des déficits constatés sur l'exercice 2006
I. - Pour le régime général, l'exercice 2006 fait apparaître un déficit de 8,7 milliards d'euros. Il porte majoritairement sur la branche Maladie.
1. Couverture du déficit de la branche Maladie
Pour cette branche, le déficit de 5,9 milliards d'euros a été couvert par un versement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).
En effet, l'article 76 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a prévu que la CADES couvrirait :
- les déficits cumulés de la branche Maladie au 31 décembre 2003 et le déficit prévisionnel au titre de l'exercice 2004 dans la limite globale de 35 milliards d'euros ;
- les déficits prévisionnels des années 2005 et 2006 dans la limite globale de 15 milliards d'euros.
La mise en oeuvre de ces dispositions a donc conduit à opérer, trois années successives, des reprises de dette par la CADES :
- la reprise de dette effectuée en 2004, correspondant au déficit prévisionnel cumulé de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés à la fin 2004, d'un montant total de 35 milliards d'euros, a donné lieu à quatre versements de la CADES à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), échelonnés entre le 1er septembre et le 9 décembre 2004 ;
- la reprise de dette effectuée en 2005 s'est élevée à 6,61 milliards d'euros. Ce montant correspond, pour 8,3 milliards d'euros, à la reprise du déficit prévisionnel de 2005 et pour - 1,69 milliard d'euros, à une régularisation de la reprise de dette opérée en 2004 (le déficit cumulé réellement constaté à la fin 2004 s'étant élevé à 33,31 milliards d'euros au lieu des 35 milliards d'euros initialement prévus). Cette opération s'est traduite par un versement unique en date du 7 octobre 2005 ;
- en 2006, la reprise de dette a porté sur 5,7 milliards d'euros. Ce montant représente la reprise du déficit prévisionnel de 2006 pour 6 milliards d'euros et, pour - 0,3 milliard d'euros, la régularisation de la reprise de dette opérée en 2005 (le déficit réel de cet exercice s'étant élevé à 8 milliards d'euros au lieu du montant de 8,3 milliards d'euros initialement prévu). Il a fait l'objet d'un versement unique effectué le 6 octobre 2006.
Une dernière opération, en 2007, permettra de tenir compte du déficit réellement constaté en 2006. L'ACOSS devrait reverser 64,72 millions d'euros à ce titre à la CADES.
À compter de 2007, la loi ne prévoit pas de nouvelle reprise de déficit de la branche Maladie par la CADES.
2. Couverture des déficits des branches Vieillesse, Famille et Accidents du travail-maladies professionnelles
La branche Vieillesse du régime général a enregistré en 2006 un déficit de 1,9 milliard d'euros, la branche Famille de 0,9 milliard d'euros, et la branche Accidents du travail et maladies professionnelles de 0,1 milliard d'euros.
Ces déficits ont été couverts par les emprunts de trésorerie que peut conclure l'ACOSS auprès de la Caisse des dépôts et consignations, dans la limite du plafond fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale (18,5 milliards pour 2006). Sur l'ensemble de l'année 2006, les charges financières de l'ACOSS, nettes des produits financiers, s'élèvent à 270 millions d'euros.
II. - S'agissant des organismes concourant au financement des régimes :
1. Couverture du déficit du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA) :
Le résultat du FFIPSA pour l'exercice 2006 est déficitaire de 1,3 milliard d'euros. Compte tenu de son déficit 2005, les déficits cumulés à la fin 2006 s'élèvent à 2,6 milliards d'euros, auxquels il convient de rajouter le reliquat de la dette du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) d'un montant de 0,6 milliard d'euros, inscrit en créance sur l'État.
Le financement de ces déficits est assuré par les emprunts de trésorerie que peut conclure la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, sur délégation du FFIPSA, auprès du consortium bancaire CALYON dans la limite du plafond fixé par la loi de financement de la sécurité sociale (7,1 milliards pour 2006).
2. Couverture du déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) :
Le résultat du FSV pour l'exercice 2006 est déficitaire de 1,3 milliard d'euros.
Le FSV ne disposant pas de réserve et n'ayant pas le droit d'emprunter, le déficit cumulé, qui s'élève à 5 milliards d'euros au 31 décembre 2006, est inscrit au bilan en fonds de roulement négatif.
Le fonds se retrouve largement en position de débiteur vis-à-vis de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS - 5,5 milliards d'euros au 31 décembre 2006) et de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (0,1 milliard d'euros à cette même date).
Ces montants sont donc financés in fine par les emprunts de trésorerie de l'ACOSS, dans les mêmes conditions que les déficits propres à la CNAVTS. En 2006, la charge d'intérêts liée aux déficits du FSV représente 160 millions d'euros.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 et l'annexe A.
(L'article 2 et l'annexe A sont adoptés.)
Vote sur l'ensemble de la première partie
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
(La première partie du projet de loi est adoptée.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner la deuxième partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l'année 2007.
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ANNÉE 2007
Section 1
Dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre financier de la sécurité sociale
Article 3
Au titre de l'année 2007, sont rectifiées, conformément aux tableaux qui suivent :
1° Les prévisions de recettes et le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
|
|
(En milliards d'euros) |
|
|
|
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
|
Maladie |
166,8 |
173,4 |
- 6,6 |
|
Vieillesse |
168,0 |
172,1 |
- 4,0 |
|
Famille |
54,7 |
55,1 |
- 0,5 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
11,3 |
11,6 |
- 0,3 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
395,5 |
406,9 |
- 11,4 |
; |
2° Les prévisions de recettes et le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
|
|
(En milliards d'euros) |
|
|
|
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
|
Maladie |
143,5 |
149,7 |
- 6,2 |
|
Vieillesse |
85,4 |
90,0 |
- 4,6 |
|
Famille |
54,3 |
54,8 |
- 0,5 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
10,0 |
10,4 |
- 0,4 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
288,0 |
299,6 |
- 11,7 |
; |
3° Les prévisions de recettes et le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
|
|
(En milliards d'euros) |
|
|
Prévisions de recettes |
Prévisions de charges |
Solde |
Fonds de solidarité vieillesse |
14,0 |
14,2 |
- 0,3 |
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles |
14,2 |
16,5 |
- 2,3 |
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente-Baudrin, sur l'article.
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. À travers cet article, il s'agit de rectifier les comptes pour 2007, une année qui devait, en théorie, marquer le retour à l'équilibre de la sécurité sociale.
On nous propose d'adopter une prévision du déficit du régime général aggravée de 3,7 milliards d'euros, et cela alors même que le chapitre des recettes enregistre une hausse de 0,2 %. Pourtant, chacun le sait, lors des débats relatifs à ce texte, nous nous étions élevés contre des hypothèses macroéconomiques, un niveau de dépenses et un ONDAM largement sous-évalués.
La réalité des faits tout comme l'intervention post-électorale et fort tardive du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie nous ont donné une nouvelle fois raison, malheureusement. Le dérapage constaté est de l'ordre de 4 milliards d'euros, mais comment s'en étonner ? J'ajoute que cette dérive voulue est imputable, pour les deux tiers, à l'assurance maladie, et pour un tiers, au régime des retraites.
En effet, en matière de retraites, vos propositions de réformes sont telles que nos concitoyens préférèrent faire valoir rapidement leurs droits à pension plutôt que prendre le risque de voir leurs droits minorés et leur situation dégradée, ce qui produit des effets contraires à ceux que vous escomptiez !
J'évoquerai maintenant la protection sociale agricole, une question qui fait naître, nous le savons tous, des inquiétudes extrêmes, et à juste tire.
Je le rappelle, le déficit cumulé du FFIPSA, le fonds de financement des prestations sociales agricoles, devrait avoisiner les 7,7 milliards d'euros en 2008, pour atteindre près de 20 milliards d'euros en fin de législature. En 2007, le solde négatif de ce fonds atteint 2,3 milliards d'euros.
Tous les parlementaires, sans distinction politique, ont dénoncé cette situation et manifesté leur sérieuse inquiétude.
Quel est le contexte de cette situation ?
Conformément aux exigences de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale de 2005, le BAPSA disparaît, avec deux conséquences importantes : la fin du débat annuel consacré spécifiquement à ce budget annexe et la disparition de l'obligation pour l'État de verser une subvention d'équilibre.
Depuis lors, ce régime ne fait plus l'objet ni de dotations de l'État ni d'affectations de recettes suffisantes et identifiées. Les ressources affectées au BAPSA ont été remplacées par un produit unique, celui de la taxe sur les tabacs, dont le rendement s'est logiquement effondré !
Il faut mentionner encore le vieillissement de la population, qui suscite des dépenses importantes, et le problème des revenus des agriculteurs, qui demeurent inférieurs à ceux des autres catégories socio-économiques.
Rappelons que la situation catastrophique du régime agricole a été dénoncée par la Cour des comptes. Celle-ci préconise la disparition du FFIPSA, qui ne remplit pas ses fonctions puisque aucune mesure de redressement n'apparaît dans le présent PLFSS.
Le comité de surveillance du FFIPSA, créé pour pallier la disparition du débat annuel, proposait de recourir à un emprunt sur dix ans à hauteur du besoin de financement pour 2007, avec une prise en charge par l'État du remboursement de l'annuité. Cette solution avait le mérite de laisser le temps nécessaire aux arbitrages, mais elle n'a pas été retenue. On peut se demander légitimement pourquoi le régime des non-salariés agricoles serait le seul régime obligatoire à devoir massivement recourir à ce moyen pour assurer le paiement des prestations dues à ses assurés !
À vous entendre, monsieur le ministre, des négociations devraient s'ouvrir au cours du premier semestre 2008, afin de « trouver des solutions pérennes ». Mais, dans un tel contexte, que peut-on en attendre ?
Les perspectives ne doivent pas être très souriantes puisque la situation financière du régime a provoqué la démission du député Yves Censi de la présidence du comité de surveillance du FFIPSA, où il s'était fortement impliqué pour assurer un financement pérenne au régime, en émettant une série de propositions.
Toutes les questions essentielles restent aujourd'hui malheureusement posées. Quelles taxes seront affectées pour assurer l'équilibre de la branche maladie ou de la branche vieillesse ? Comment combler le déficit cumulé ? Comment le Président de la République, qui a promis de revaloriser les retraites agricoles, entend-il s'y prendre pour rééquilibrer ce fonds ?
Pour toutes ces raisons, et pour d'autres encore, nous ne voterons pas cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
I. - Au titre de l'année 2007, l'objectif d'amortissement rectifié de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale est fixé à 2,6 milliards d'euros.
II. - Au titre de l'année 2007, les prévisions rectifiées des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites sont fixées à 1,6 milliard d'euros.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Les dispositions de ces articles sont relatives à l'objectif d'amortissement de la CADES et au Fonds de réserve des retraites.
Pour ce qui est de la CADES, l'objectif d'amortissement avait été fixé pour 2007 à 2,5 milliards d'euros. Or il semble que l'objectif rectifié est quelque peu supérieur et atteint 2,6 milliards d'euros, soit 200 millions de moins qu'en 2006.
Ainsi, déduction faite des 3,1 milliards d'euros de frais financiers, que la hausse tendancielle des taux d'intérêt fait croître année après année, ce sont 2,6 milliards d'euros qui seront amortis en 2007. Reste que l'amortissement cumulé de la caisse s'établit, au 30 juin 2007, à 33,1 milliards d'euros.
Quant au montant total des dettes reprises par la CADES depuis sa création, il atteint 107,6 milliards d'euros.
Ainsi, ce sont 72,9 milliards d'euros qu'il reste à amortir : au regard du taux annuel moyen d'amortissement enregistré ces douze dernières années, il faudra, semble-t-il, plus d'un quart de siècle !
Monsieur le ministre, les perspectives financières, ainsi que l'éclatement de la dette entre l'ACOSS, le FFIPSA et le FSV, me conduisent, une fois de plus, à vous interroger sur vos intentions quant à la gestion de la dette de 2007. Jusqu'à présent, d'ailleurs, mes questions sont restées sans réponse.
Vous nous assurez que les dettes accumulées à l'ACOSS resteront au sein de cette agence - vous nous l'avez répété encore tout à l'heure - et qu'il n'est pas question de rouvrir la CADES. Dont acte ! Mais qu'en sera-t-il demain, alors que rien ne laisse présager une amélioration ?
Quant au Fonds de réserve pour les retraites qui, je le rappelle, a été créé par M Jospin afin de lisser les paiements en 2020, quand se produira le pic des charges de retraites, vous l'avez laissé à l'abandon à partir de 2002.
Dans cette perspective, la montée en charge prévoyait d'atteindre 100 milliards d'euros d'ici à 2012 et 150 milliards d'euros en 2020. Malheureusement, vos réformes et, plus généralement, votre gestion nous obligent à renoncer à ces objectifs initiaux.
Quelle solution de remplacement existe-t-il dès lors que vos choix politiques ont rendu inopérantes deux des trois sources de financement prévues, c'est-à-dire les excédents qui auraient dû être dégagés par le FSV et la CNAV ? Il ne reste que les recettes de privatisation et les 2 % prélevés sur les revenus du capital. Ainsi, à la fin de cette année, les réserves constituées devraient atteindre 27,5 milliards d'euros d'actifs.
Monsieur le ministre, forts de ce constat, nous souhaiterions savoir ce que vous comptez faire de ce fonds. Verra-t-il son existence, ses ressources et ses objectifs pérennisés ? À défaut, quelle solution proposez-vous de mettre en oeuvre, en dehors du système de retraite par capitalisation ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Section 2
Dispositions relatives aux dépenses
Article 5
Dans le I de l'article 94 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, le montant : « 195 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 125 millions d'euros » et le montant : « 178 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 108 millions d'euros ».
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sur cet article sera brève et concerne, comme vous vous en doutez, le dossier médical personnel, le DMP, ou, pour être plus précis, le fabuleux échec de celui-ci.
Il y a peu, Jean-Jacques Jégou est intervenu sur cette même question, et je me souviens de l'échange que j'avais eu l'année dernière avec le ministre de la santé et des solidarités, Xavier Bertrand. Il nous annonçait alors que le DMP serait mis en place au mois de juillet 2007.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il s'est trompé. C'est rare !
M. Guy Fischer. Vous conviendrez avec moi que tel n'est pas le cas, monsieur le ministre. Votre décision de diminuer de près de 70 millions d'euros la dotation prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 au FAQSV, le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, vient nourrir notre scepticisme.
D'ailleurs, permettez-moi de reprendre à mon compte un rapport de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, qui annonce que, « en dépit des efforts soutenus des services de l'État, il apparaît désormais évident que, sans une reconfiguration du projet et de son calendrier, ce projet, essentiel pour la France, court à un échec cuisant ». Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Si le sujet n'était pas si grave, un tel constat pourrait être cocasse. En effet, au-delà de cet échec coûteux, en temps et en efforts - d'ailleurs le coût estimé a varié de 500 millions d'euros à plus de 1 milliard d'euros -, et bien que ce projet ait fait l'objet d'un appel d'offre, la manière dont a été menée son élaboration témoigne d'un certain déni de démocratie sanitaire. Cela s'est traduit, dans les faits, par la démission de l'association AIDES du comité d'orientation du groupement d'intérêt public-DMP, au motif que la parole des patients relayée par les associations n'était pas ou était peu prise compte. Voilà qui ne contribue pas à apaiser notre inquiétude !
Monsieur le ministre, je souhaite vous poser cette question, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir dans la suite de la discussion. Alors qu'il a fallu dix ans au Royaume-Uni pour mettre en place le DMP, dans combien de temps le DMP sera-t-il opérationnel en France ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Je fais miennes les remarques formulées par Guy Fischer sur le DMP. Je me contenterai d'intervenir pour ma part sur le montant de la dotation du FAQSV. À l'heure où la désertification médicale devient une problématique centrale, ce fonds revêt une importance toute particulière.
En effet, le FAQSV est un acteur financier de la continuité des soins sur le territoire. Il participe notamment au financement des maisons de santé et des expérimentations en matière d'accès aux soins. Son importance est donc indiscutable : elle est d'ailleurs si prégnante que le Gouvernement décide de diminuer sa dotation de 70 millions d'euros !
Au-delà du fait que cette décision pèsera une nouvelle fois sur un secteur qui conditionne l'accès aux soins de nombre de nos concitoyens, j'avoue à avoir du mal à en comprendre la pertinence, dès lors que le Gouvernement dit vouloir mettre en oeuvre des dispositifs d'incitation à l'installation en 2008.
Le défi est de taille : il va falloir faire plus avec 70 millions d'euros en moins ! Une véritable gageure !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. S'agissant du DMP, Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même avons demandé un rapport à l'inspection générale des finances, à l'inspection générale des affaires sociales et au Conseil général des technologies de l'information sur ce sujet. Ce texte est en ligne et accessible au public. Les problèmes sont posés et nous tenterons d'y répondre de la façon la plus pragmatique possible.
Le DMP n'est pas enterré, il est appelé à connaître une autre vie, qui le rendra probablement plus opérationnel. Les délais ne sont pas fixés, mais Roselyne Bachelot-Narquin s'exprimera certainement sur ce sujet dans la suite de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les difficultés ont été identifiées. C'est un sujet complexe : des problèmes d'organisation, de maîtrise, de contrôle et de pilotage du projet ont été rencontrés. Nous avons voulu y voir plus clair. C'est le cas aujourd'hui : ce projet sera poursuivi sous d'autres formes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien ! Hâtons-nous lentement !
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. - Au titre de l'année 2007, les prévisions rectifiées des objectifs de dépenses, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont fixées à :
|
(En milliards d'euros) |
|
Objectifs de dépenses |
Maladie |
173,4 |
Vieillesse |
172,1 |
Famille |
55,1 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
11,6 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
406,9 |
II. - Au titre de l'année 2007, les prévisions rectifiées des objectifs de dépenses, par branche, du régime général de sécurité sociale sont fixées à :
|
(En milliards d'euros) |
|
Objectifs de dépenses |
Maladie |
149,7 |
Vieillesse |
90,0 |
Famille |
54,8 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
10,4 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
299,6 |
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L'article 6 porte sur la rectification pour 2007 des objectifs de dépenses par branche. Mon intervention sera brève, mais les précieuses indications présentes dans cet article méritent un minimum d'analyse.
En effet, on y apprend que, dans presque toutes les branches, les dépenses réelles ont été bien supérieures aux dépenses initialement prévues. J'enfonce des portes ouvertes, mais encore faut-il le dire ! Ce n'est pas dû à un accroissement inconsidéré des dépenses. Non, il en est ainsi tout simplement parce que vos prévisions - que nous avions dénoncées - sous-estimant les besoins à venir, tout comme vos prévisions pour 2008 seront sans aucun doute dépassées.
Cet écart s'explique par votre parti pris budgétaire. Vous concevez ce PLFSS comme les précédents, c'est-à-dire non pas en tenant compte des besoins réels, mais en tentant au contraire de les minorer sur le papier, en espérant que cette prévision se réalisera. Naturellement, cela ne fut pas le cas et ne le sera toujours pas, sauf à faire exploser les dépenses pesant personnellement sur les assurés eux-mêmes, afin de diminuer la participation de tous au financement de notre protection sociale. Mais cela, vous le taisez, sans doute jusqu'à la fin du premier trimestre, voire du premier semestre de l'année 2008.
Les dépenses en 2007 ont augmenté par rapport à vos prévisions : un dépassement de 3 milliards d'euros pour la branche maladie et un dépassement de plus de 1 milliard d'euros pour la branche retraite. Il est curieux de constater que, face à ces réalités, vous ne preniez pas les mesures adaptées, et je regrette que vous persistiez à nier l'évidence : si les dépenses par branche ont dépassé vos estimations, c'est qu'elles étaient volontairement trop faibles.
Pour ce projet de loi de financement, votre slogan pourrait se résumer en une phrase : « On ne change pas des méthodes qui ont échoué. » (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Eh oui !
M. Guy Fischer. Dans ce PLFSS, vous faites donc le choix de rester dans une gestion strictement comptable, timidement appelée « gestion médicalisée ». Mais, on l'a vu, il s'agit d'un PLFSS de transition, d'attente, surtout après les débats sur les prélèvements obligatoires et ceux qui ne manqueront pas d'avoir lieu au cours du premier semestre de 2008.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que personne n'est dupe ! Et la présentation de ce PLFSS piloté depuis le ministère des finances atteste d'ailleurs votre conception de ce que doit être notre protection sociale. On sait qui dirige la manoeuvre et on n'en connaît que trop les conséquences.
Naturellement, le groupe CRC votera contre cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Au titre de l'année 2007, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie rectifié de l'ensemble des régimes obligatoires de base est fixé à :
|
(En milliards d'euros) |
|
Objectifs de dépenses |
Dépenses de soins de ville |
69,4 |
Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l'activité |
47,4 |
Autres dépenses relatives aux établissements de santé |
18,2 |
Contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées |
4,8 |
Contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées |
7,0 |
Dépenses relatives aux autres modes de prise en charge |
0,8 |
Total |
147,7 |
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Vote sur l'ensemble de la deuxième partie
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
(La deuxième partie du projet de loi est adoptée.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que, à onze heures, au début de la séance du matin, aura lieu un débat sur la démographie médicale.
10
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre blanc - Ensemble pour la santé : une approche stratégique pour l'UE 2008-2013.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3680 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif aux amendements modifiant le protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et la République des Seychelles, pour la période allant du 18 janvier 2005 au 17 janvier 2011.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3681 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, et à l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif aux amendements modifiant le protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République des Seychelles, pour la période allant du 18 janvier 2005 au 17 janvier 2011.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3682 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'action commune du Conseil modifiant l'action commune 2005/797/PESC relative à l'établissement de la Mission de l'Union européenne d'assistance à la frontière au point de passage de Rafah (EU BAM Rafah).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3683 et distribué.
11
Dépôt d'un rapport d'information
M. le président. J'ai reçu de M. Joël Bourdin un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur les perspectives macroéconomiques et les finances publiques à moyen terme (2008-2012).
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 81 et distribué.
12
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 13 novembre 2007, à onze heures, seize heures et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi (n° 67, 2007-2008) de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 72, 2007-2008) de MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 73, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
1° Débat sur la démographie médicale (préalable à l'examen de la troisième partie).
2° Suite de l'examen des articles.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 13 novembre 2007, à une heure cinquante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD