CONCLUSION :

LA NÉCESSAIRE MATURATION DU DÉBAT BUDGÉTAIRE EN FRANCE

L'enquête que votre commission des finances a menée au long des six derniers mois a d'ores et déjà contribué à faire mûrir le débat sur les finances publiques dans notre pays. La presse s'intéresse à l'évolution de la situation mensuelle budgétaire. Le gouvernement n'hésite plus à revoir régulièrement ses prévisions et à tenir informée la représentation nationale sur l'exécution budgétaire. Les commissions des finances des deux assemblées sont maintenant destinataires chaque semaine des situations hebdomadaires financières et budgétaires de l'Etat, leur permettant de suivre de très près la situation des recettes et des dépenses.  Depuis la première loi de finances rectificative pour 2000, à l'initiative de l'Assemblée nationale, les commissions des finances, leurs présidents, rapporteurs généraux et rapporteurs spéciaux sont dotés de pouvoirs de contrôle plus étendus.

Depuis 1996, année des débuts de la publication de la situation mensuelle, à aujourd'hui, le Parlement est passé d'un état de quasi-ignorance sur les finances publiques à une information qui commence à être consistante.

C'est une exigence démocratique. La France est la seule grande démocratie industrialisée où le gouvernement considère que le peuple et ses représentants sont indignes de débattre sérieusement des finances publiques, et où il leur sert, chaque année, quelle que soit sa couleur politique, une vaste opération médiatique, dont on peut débattre 90 jours et 90 nuits, mais qu'on ne peut surtout pas toucher, et qui disparaît ensuite à la vue, lorsque les choses sérieuses, c'est à dire l'encaissement effectif des recettes, le décaissement réel des dépenses, commencent.

Votre commission souhaite à cet égard faire entendre deux messages, et contribuer à ouvrir une perspective.

Le premier message est le suivant : les gouvernements doivent cesser de croire que la culture du secret, l'exclusivité de leur savoir sur la situation des finances publiques du pays sont un élément constitutif de leur pouvoir d'initiative et de gestion. Votre commission ne conteste pas au gouvernement l'initiative des lois de finances et son rôle dans leur exécution. Elle exige simplement, au nom du peuple français, qui en a le droit, qui s'est doté en 1789 d'une Assemblée nationale à cette fin, que le gouvernement rende compte, fidèlement et rapidement de la gestion des finances des français et de ce qu'il compte en faire.  Le consentement à l'impôt doit être éclairé. Cet éclairage ne peut provenir que d'une information fiable sur son niveau et sur son utilisation. Le fait que le Parlement soit bien informé, bien éclairé, n'empêchera jamais le gouvernement de faire ses propositions et de bien gérer.

Le second message est le suivant : contrairement à la situation qui prévalait peut-être en 1958, on ne peut plus dire aujourd'hui que l'éloignement du Parlement du pouvoir budgétaire est une garantie de bonne gestion. Parmi les grands pays industriels, en particulier l'Union européenne, la France est l'un de ceux dont les pouvoirs financiers du Parlement sont les plus faibles. La France est aussi l'un de ceux dont les déficits publics sont les plus importants, l'un des seuls qui n'ait pris aucune mesure structurelle d'équilibrage à long terme de ses budgets publics (fonction publique, retraites, assurance-maladie), bref, l'un des plus mal gérés.

Nos partenaires qui ont mené des politiques vigoureuses de redressement de leurs finances n'ont pu le faire que par une implication forte de leur Parlement. Le pays dont le Parlement a les plus grands pouvoirs budgétaires, les Etats-Unis, est en excédent depuis plusieurs années et résorbe rapidement sa dette publique.

La perspective est celle qui a été ouverte à l'Assemblée nationale : la réforme de l'ordonnance de 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Votre commission entend prochainement contribuer à ce débat. Il est nécessaire aujourd'hui de moderniser la gestion publique, et de rééquilibrer les prérogatives respectives du Parlement et du gouvernement.

Ces deux objectifs sont indissociables. C'est une grande ambition. Elle est nécessaire pour une démocratie adulte.

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