b) Une bulle spéculative ?
La spéculation boursière s'apparente parfois à un jeu de hasard et d'argent. En juin 2005, la valorisation de Partygaming , le jour même de son introduction en bourse, atteignait à Londres plus de 10 milliards de dollars, soit plus que la capitalisation de British Airways. Les analystes financiers de Christiansen Capital Advisors ne voyaient pas dernièrement de signe annonciateur d'une fin de cette envolée. Ils s'attendaient à voir les revenus des jeux en ligne passer de 15 milliards de dollars en 2006 à 24 milliards en 2010, alors qu'ils n'étaient que de 1 milliard en 2001.
Plus optimistes encore, les analystes de Merril Lynch tablaient, selon le Monde du 17 décembre 2005, sur un total de 150 milliards de dollars de recettes brutes générées, en 2015, par les seuls paris sportifs en ligne.
Les bénéfices avant impôt annoncés pour 2005 par les ténors du secteur semblaient considérables. Ceux de PartyGaming avaient augmenté de 54 % durant le premier trimestre de 2006. Les gains de Bwin avaient doublé en 2005. Plus dure a été la chute.
Après l'arrestation en juillet à Dallas du directeur général de Bet on Sports, le vote par le Sénat américain d'une loi interdisant le paiement par carte de crédit des jeux en ligne étrangers aux Etats-Unis, dans la nuit du vendredi 29 au samedi 30 septembre, a provoqué, le lundi suivant 2 octobre, un effondrement à Londres des cours des sociétés de jeu d'argent sur Internet qui ont perdu, en une séance, plus de la moitié de leur valeur (sporting bet : - 73 % ; PartyGaming : - 62 % ; 888 : - 50 %).
La plupart des sociétés britanniques concernées ont suspendu, en conséquence, leurs activités aux Etats-Unis dont le marché représentait plus de la moitié de leur chiffre d'affaires.
Comme l'avaient pressenti certains analystes dès l'épisode du mois de juillet, une telle secousse était à craindre, étant donné les incertitudes relatives à la réglementation de ces activités et le surnombre d'entreprises présentes sur ce marché.
c) Un phénomène d'ampleur encore limité
Comme le souligne l'étude, précitée, de l'institut de droit comparé de Lausanne, le marché européen des jeux traditionnels (casinos, loteries, paris hippiques) est relativement mature.
Dans ce contexte, une forte croissance des jeux en ligne est, avec une ouverture à la concurrence de ces activités, le seul facteur qui puisse dynamiser le secteur de manière vraiment forte. Encore faut-il que l'environnement législatif et réglementaire s'y prête. Sinon, il est possible aux Etats de freiner le développement du jeu en ligne, à défaut de pouvoir l'empêcher car il s'agit, vraisemblablement, d'une évolution inéluctable.
Le phénomène, par la rapidité de sa progression, est, à la marge, important mais il reste encore relativement limité.
En effet, selon l'institut suisse, le part de marché des jeux en ligne ne devrait pas dépasser 5 % en Europe en 2012 .
Internet ne correspond aujourd'hui qu'à une part minime du chiffre d'affaires de la Française des jeux et du PMU (de 1 % à 2 %). Le nombre d'intervenants français s'adonnant actuellement aux jeux sur Internet dépasserait 500.000, mais celui des clients des jeux traditionnels dépasse, en France, les trente millions.
Les opérateurs « historiques » peuvent, en outre, se servir des moyens modernes d'information et de communication pour mieux promouvoir et diffuser leurs produits actuels (cas de la Française et du PMU), voire pour créer une offre spécialement adapté à ces nouveaux media interactifs (possibilité actuellement refusée, en France, aux casinos).
Il convient donc :
- ni de sous-estimer la déferlante des jeux sur internet ;
- ni d'en exagérer l'ampleur et la rapidité de propagation.
A long terme, leur progression peut être plus ou moins ralentie mais semble inexorable.
A court terme, il faut prendre du recul et se garder de tout emballement, sans se dissimuler, pour autant, que les difficultés rencontrées par les opérateurs concernés aux Etats-Unis vont les conduire à intensifier leurs efforts en Europe.
Leur succès dépendra des effets de substitution des jeux en ligne aux jeux anciens, de la riposte des monopoles traditionnels, de l'issue de la bataille juridique qui va se jouer en Europe (voir plus loin).
Leur prohibition, en tout cas, peut freiner la consommation de ces nouveaux produits, mais pas la faire disparaître. Elle peut, au contraire, créer un attrait du fruit défendu et favoriser les offres illégales et mafieuses.