II. TRAVAILLER ET VIVRE AVEC L'AMIANTE EN PLACE : LE CHANTIER DES ANNÉES A VENIR
Interdire l'amiante ne suffit pas à résoudre
tous les problèmes que pose l'utilisation passée importante de
l'amiante dans notre pays. D'une part, les conséquences médicales
et sociales de son utilisation passée se feront sentir encore pendant de
très nombreuses années, d'autre part, la diffusion de milliers de
produits et matériaux en contenant constitue une source potentielle de
contamination importante à l'avenir pour notre environnement, que ce
soit lors de l'éradication de l'amiante -le désamiantage- ou lors
du travail en présence d'amiante. Nous aurons à apprendre
à travailler et vivre en milieu amianté.
Travailler et vivre avec l'amiante en place devra prendre en compte
complètement son risque cancérogène. Cette situation
impose qu'un ensemble de mesures soient prises pour y faire face :
identifier partout et en tous lieux la présence de l'amiante
,
sous quelque forme qu'il soit,
et évaluer son état de
conservation
; éliminer l'amiante lorsqu'il est une source de
contamination ou renforcer la qualité de la cohésion du
matériau lorsqu'il ne présente pas de risque ; sensibiliser,
informer et protéger les différents publics concernés.
Le problème de l'amiante ne se trouve donc pas réglé par
la décision d'interdiction. Il faudra, en effet, identifier l'amiante en
place sous toutes ses formes : cela recouvre
l'inventaire des lieux
contenant de l'amiante, le répertoire des produits contenant de
l'amiante et le recensement des populations ayant été en contact
avec l'amiante ou qui le seront à l'avenir
.
A) L'INVENTAIRE OU L'INDISPENSABLE CONNAISSANCE DE L'ÉTAT DES LIEUX AMIANTÉS
Ce principe de l'inventaire a été posé
par le décret n° 96-97 du 7 février 1996, relatif
à la protection des populations contre les risques sanitaires
liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles
bâtis.
Il répond au principe nouvellement affirmé dans la loi n°
96-1236 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30
décembre 1996. Adoptée sous la responsabilité de Mme
Corinne LEPAGE, ministre de l'Environnement, qui faisait de la santé la
pierre angulaire de ce texte, cette nouvelle loi reconnaît que chacun a
droit "à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé".
Elle pose également pour chacun le principe du "droit à
l'information sur la qualité de l'air et ses effets sur la santé
et l'environnement", et fait de l'Etat le garant de l'exercice de ce
droit, de
la fiabilité de l'information et de sa diffusion.
Dans le même esprit, le décret du 7 février 1996 impose un
inventaire de tous les immeubles bâtis collectifs afin de bien
identifier, reconnaître, visualiser, et matérialiser la
présence de l'amiante dans notre environnement, et plus
particulièrement dans notre habitat et dans nos lieux de travail.
Il apporte au propriétaire la réponse à la conduite qu'il
doit tenir en présence d'amiante. Il devrait permettre également
de faire une évaluation détaillée de la
réalité de l'application de la nouvelle politique de gestion du
risque amiante.
1) l'inventaire prévu par le décret du 7 février 1996
Cet instrument de connaissance de l'état des lieux apparaît nécessaire, voire incontournable. Au vu des premiers éléments recueillis au cours des diverses auditions du groupe de travail, cet inventaire semble se dérouler dans des conditions plutôt satisfaisantes.
a) une procédure qui tire sa force de son caractère obligatoire
La procédure prévue par la nouvelle
réglementation est originale dans la mesure où elle ne se
présente pas sous la même forme dans les pays étrangers et
où elle s'écarte de certains principes de l'expérience
malheureuse menée à Nantes au début des années
1990. La force nouvelle donnée à ce recensement des immeubles
bâtis collectifs contenant de l'amiante sous forme de flocage et de
calorifugeage réside dans son caractère obligatoire pour tous les
propriétaires de ces locaux, avec responsabilité civile et
pénale en cas d'inobservation de cette obligation.
- cet inventaire a d'abord été considéré
comme impossible à réaliser au vu des premières
expériences
Suite à une recommandation du Comité Permanent Amiante, la
volonté de procéder à un tel inventaire s'est
manifestée dans notre pays sous la forme d'un voeu émis par le
Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France, lors de sa
séance du 13 décembre 1989 : il demandait aux
collectivités territoriales de recenser l'ensemble des bâtiments
ayant fait l'objet de flocage à base d'amiante, et notamment les locaux
recevant du public. Pour donner suite à ces recommandations, la
Direction Générale de la Santé avait confié en 1992
à la Direction de la Protection de l'Environnement et de la Santé
publique de la ville de Nantes, représentée par le Docteur
Héraud, une étude visant à vérifier la
faisabilité d'un recensement exhaustif des locaux ayant fait l'objet de
flocages amiante au niveau des collectivités locales, la
possibilité de définir un programme de réhabilitation et
la définition de mesures de surveillance du parc.
L'étude menée par le Docteur Héraud a d'abord
consisté à mener une pré-étude de
faisabilité permettant :
- de déterminer une méthode d'élaboration de
l'inventaire des bâtiments abritant ce type de matériau,
- de faire une première estimation du nombre de bâtiments
concernés, de leur nature et de leur usage.
La première difficulté de sa recherche tenait à
l'ancienneté des informations qu'il s'agissait d'obtenir puisque la
période d'utilisation des flocages se situe entre 1950 et 1978. Or,
avant 1973, de nombreuses constructions ont été
réalisées suivant des modèles constructifs types ne
définissant que des principes de construction et des niveaux de
prestation et ne permettant donc pas de connaître la nature des
matériaux employés. Après l'adoption de la loi sur
l'ingénierie en 1973, les descriptifs de construction sont devenus
très détaillés et les maîtres d'ouvrages ont
été destinataires à l'issue du chantier de 3 dossiers
complets, comportant notamment toutes les fiches techniques descriptives des
matériaux mis en oeuvre. Toutefois, la mise en oeuvre progressive de la
loi fait que son entrée en application a presque coïncidé
avec l'interdiction totale des flocages. L'objet de l'étude du Docteur
Héraud a donc porté sur les bâtiments antérieurs
à la loi de 1973.
La deuxième difficulté à laquelle s'est heurté le
Docteur Héraud est le manque de conservation des archives. En effet, les
maîtres d'ouvrage destinataires des dossiers de marché et des
D.O.E.(Dossier des ouvrages exécutés) ne sont pas tenus de
conserver ces documents ; les maîtres d'oeuvre (architectes et bureaux
d'études) ne conservent pas leurs dossiers techniques au-delà de
10 ans (garantie décennale) et les entreprises au-delà de 30 ans.
Par ailleurs, dans la région nantaise, sur les 8 entreprises de flocage,
7 avaient disparu au moment de l'étude.
La troisième difficulté, et la plus essentielle, a porté
sur la nécessité d'obtenir le consentement et la participation de
ces détenteurs d'information, et leur accord sur la consultation des
dossiers existants. Soient qu'ils aient craint les conséquences
financières d'une telle recherche, soit qu'ils n'en aient pas vu
l'intérêt, ceux-ci ont manifesté une franche
réticence, voire un refus courtois, à se mobiliser pour
participer à l'étude du Docteur Héraud.
En conclusion, le Docteur Héraud a pu retrouver les maîtres
d'ouvrages publics : cette tâche a été longue, mais
elle a été facilitée par son appartenance aux services
municipaux. En revanche, l'identification des responsables privés a
été une tâche beaucoup plus complexe et très
décevante.
A l'intention des pouvoirs publics qui avaient commandité cette
étude, le Docteur Héraud a donc estimé "absolument
irréaliste et irréalisable de généraliser
l'inventaire des bâtiments floqués à l'ensemble du
territoire national, aussi bien pour des raisons de volume de travail que de
qualité des résultats obtenus". "Les données objectives
sont pratiquement inexistantes, les sources ont disparu. Nous n'avons
trouvé que ce que les responsables voulaient bien nous dire, et encore
quand ils étaient bien informés", écrivait-elle dans son
rapport. Tirant les leçons de cette expérience, le Conseil
supérieur d'hygiène publique de France, dans son avis du 15
septembre 1994, jugeait alors "irréalisable tout recensement exhaustif
des locaux floqués à l'amiante".
Une réflexion supplémentaire des pouvoirs publics les a toutefois
menés à s'engager sur une nouvelle voie plus prometteuse : celle
de la recherche obligatoire de la présence d'amiante de la part de tous
les propriétaires ; elle a été facilitée par un
nouveau contexte politique et médiatique de plus grande
responsabilisation de tous les propriétaires, publics comme
privés.
- cette procédure d'inventaire n'existe pas ou ne
présente pas le même caractère obligatoire dans les pays
étrangers
Nous n'avons pas rencontré cette forme de procédure d'inventaire
dans les différents pays que nous avons visités au cours de nos
missions : Allemagne, Grande-Bretagne, Canada et Etats-Unis.
Dans tous ces pays, il n'y a pas d'obligation générale
d'inventaire, assortie de sanctions en cas d'inexécution.
Aux Etats-Unis, il n'y a pas d'obligation générale d'inventaire.
La loi oblige seulement à diagnostiquer l'amiante en cas de
démolition du bâtiment ou de rénovation importante (portant
sur plus de 80 mètres linéaires, ou plus de 15 m2). Seuls les
bâtiments scolaires ont fait l'objet d'une réglementation
spécifique. C'est en 1982 qu'une première réglementation a
eu pour objet de localiser et d'identifier la présence d'amiante dans
les locaux scolaires publics (Asbestos in Schools Rule) ; mais ce n'est
qu'en 1986 avec l'adoption de la loi AHERA (Asbestos Hazard Emergency Response
Act), que les LEA (Local Educational Agencies) ont été soumises
à l'obligation de vérifier la présence de matériaux
isolants friables à base d'amiante dans les bâtiments scolaires
publics et privés et de préparer des programmes de gestion qui
évaluent la meilleure manière de réduire le risque
amiante. Les 107.000 écoles primaires et secondaires existant aux
Etats-Unis ont donc fait l'objet d'un inventaire spécifique.
Au Canada, pays fédéral, la situation est différente
suivant les provinces. Le Québec n'a pas prévu d'inventaire,
alors qu'il était prévu par la réglementation de l'Ontario
dès 1986. On s'est aperçu cependant, deux ans plus tard, qu'il ne
recevait pas une bonne application, et une campagne d'information a
été lancée en direction des propriétaires et des
travailleurs, qui semble avoir donné de bons résultats.
Curieusement, on peut noter que le gros producteur d'amiante qu'est le
Québec a peu floqué ses constructions.
En Angleterre, il n'y a pas d'obligation d'inventaire en tant que telle. Il
n'existe que des obligations générales pesant sur les employeurs
et les propriétaires, dont il est difficile d'apprécier le
respect. Ainsi, une contrainte pèse sur les employeurs et les
travailleurs indépendants, en application du Health and Safety at Work
Act de 1974 : celle d'assurer "autant que cela est raisonnablement
possible" la santé, la sécurité et le bien-être des
travailleurs ; à cette fin, ils doivent s'assurer que le lieu de
travail est sain et ne présente pas de risque pour la santé en
raison de la présence d'une substance telle que l'amiante. De
même, le Defective Premises Act de 1972 oblige le propriétaire
à s'assurer que son locataire est à l'abri de toute maladie
causée par un défaut de l'état des lieux.
Il faut signaler, cependant, que l'identification obligatoire de l'amiante dans
les bâtiments avait été demandée, il y a plusieurs
années, par le T.U.C. (Trade Union Congress :
fédération des syndicats britanniques) et que, le 17
février dernier, la Health & Safety Commission vient de recommander
au gouvernement l'obligation pour les propriétaires de procéder
à la recherche d'amiante dans leur bâtiment.
En Allemagne, la législation fédérale (directive n°
1060 de mai 1989 concernant le diagnostic et le traitement dans le cas de
matériaux friables contenant de l'amiante utilisée dans les
bâtiments) prévoit la manière de réaliser un
diagnostic et le traitement de l'amiante en place qui résulte de ce
diagnostic, mais aucune obligation d'inventaire assortie de sanctions. Aucun
contrôle de la réalité de l'inventaire n'est donc
réalisable. La principale sanction du dispositif semble être la
pression faite par les utilisateurs de bâtiments publics (cas
fréquents pour les écoles et les gymnases) et la
possibilité de fermeture des établissements (procédure qui
semble employée lorsque cela est nécessaire). Par ailleurs, une
jurisprudence s'est dégagée selon laquelle on ne peut contraindre
quelqu'un à travailler là où il y a présence
d'amiante.
La Belgique a imposé à chaque employeur une obligation
d'inventaire de toutes les applications et matériaux contenant de
l'amiante, présents dans tous les bâtiments, machines,
installations, moyens de protection et autres équipements se trouvant
sur le lieu de travail (arrêté royal du 22 juillet 1991). Il
devait être le point de départ d'un programme de gestion ayant
pour finalité de réduire l'exposition des travailleurs au risque
amiante. L'arrêté interministériel du 22 décembre
1993 précisait qu'il devait être établi au plus tard le 1er
janvier 1995. Mais aucune sanction pour inobservation n'était
prévue et, à notre connaissance, cet inventaire n'est toujours
pas complètement réalisé.
- la conception de l'inventaire prévu par le décret du 7
février 1996
Par décret n° 96-97 du 7 février 1996
(3(
*
))
, les pouvoirs publics ont
imposé à tous les propriétaires (publics ou privés)
d'immeubles bâtis collectifs de faire rechercher la présence de
calorifugeages contenant de l'amiante dans ces immeubles. Ils ont
également imposé aux propriétaires d'immeubles construits
avant le 1er janvier 1980 de rechercher la présence de flocages
contenant de l'amiante.
Un calendrier annexé au décret précise les dates à
respecter par les propriétaires. Il est fonction de l'affectation de
l'immeuble (priorité est donnée aux établissements
recevant des jeunes enfants, puis aux établissements sanitaires,
sociaux, pénitentiaires et aux bureaux) et de la date de construction de
l'immeuble.
Dates limites pour la mise en oeuvre des dispositions des
articles 2, 3, 4 et 5
du décret du 7 février 1996,
en fonction de la nature des immeubles
Immeubles bâtis |
Etablissements d'enseignement (1), crèches et établissements hébergeant des mineurs |
Etablissements sanitaires
(2),
|
Autres immeubles bâtis |
Construits avant le 1/01/1950
(calorifugeages et flocages) |
1er janvier 1998 |
30 juin 1998 |
31 décembre 1999 |
Construits entre le 1/01/1950 et le
1/01/1980 (calorifugeages et flocages) |
1er janvier 1997 |
30 juin 1997 |
31 décembre 1998 |
Construits à compter du
1/01/1980
(calorifugeages) |
1er janvier 1999 |
30 juin 1999 |
31 décembre 1999 |
(1) Etablissements d'enseignement : écoles
maternelles, (2) Etablissements sanitaires et sociaux :
élémentaires, collèges, lycées, universités
et établissements établissements de santé et
établissements
d'enseignement supérieur, d'enseignement général,
technique relevant de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
ou professionnel. relative aux institutions sociales et médico-
sociales, à l'exception des établissements
cités dans la colonne précédente.
Les personnes physiques et morales qui avaient obligation de faire ces
recherches d'amiante et qui n'ont pas satisfait à cette obligation
peuvent être déclarées civilement et pénalement
responsables. Au pénal, les personnes physiques peuvent être
punies de la peine d'amende prévue pour les contraventions de
5ème classe (10.000 F, et 20.000 F en cas de récidive), tandis
que les personnes morales peuvent encourir une peine d'amende dont le taux
maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes
physiques.
L'obligation d'inventaire est la seule manière d'obtenir la
réalisation effective d'un recensement de l'habitat amianté de
notre pays. Cela représente, à nos yeux, un élément
essentiel de la connaissance du risque, donc un outil privilégié
de la gestion du risque amiante.
b) une procédure originale d'inventaire de tous les immeubles bâtis collectifs qui semble connaître un bon début de réalisation
La procédure d'inventaire définie par le texte
prévoit non seulement la recherche de l'amiante dans les bâtiments
amiantés, mais la vérification de l'état du
matériau qui, suivant son degré de dégradation, doit faire
ou non l'objet de travaux.
- la procédure originale prévue par le texte
Pour faire l'inventaire des flocages et des calorifugeages, le
propriétaire doit d'abord consulter l'ensemble des documents relatifs
à la construction ou à des travaux de rénovation de
l'immeuble. Si ces recherches ne révèlent pas de présence
d'amiante, il doit faire appel à un technicien de la construction
qualifié qui doit, par inspection visuelle, rechercher la
présence de flocages et de calorifugeages et déterminer s'ils
sont en amiante.
Ce technicien de la construction qualifié est :
- soit un contrôleur technique agréé (au sens du
décret du 7 décembre 1978),
- soit un technicien de la construction ayant contracté une
assurance professionnelle pour ce type de mission.
Lorsqu'il y a flocages et calorifugeages et qu'un doute persiste sur la nature
du matériau, le propriétaire doit faire effectuer un ou des
prélèvements représentatifs par le technicien de la
construction qualifié. Ce ou ces prélèvements de
matériaux sont alors examinés par des organismes
compétents en microscopie optique en lumière polarisée ou
maîtrisant toute autre méthode équivalente.
Lorsqu'il y a flocages et calorifugeages contenant de l'amiante, le
propriétaire doit faire vérifier l'état de conservation du
matériau par un technicien de la construction qualifié, qui devra
remplir, à cet effet, une grille d'évaluation.
Celle-ci évalue, aussi bien l'état de la surface et de la
dégradation (mauvais état, dégradation locale, bon
état...), que la protection physique du matériau, les chocs et
les vibrations auxquels il est soumis et l'existence de mouvements d'air dans
le local.
Au total, cette grille d'évaluation permet de déterminer
l'état de conservation du matériau et son environnement suivant
une échelle allant de 1 à 3 (dans l'ordre croissant de risque).
Si le chiffre 1 est obtenu, c'est que le matériau n'est pas
dégradé, et le propriétaire est seulement tenu de faire
procéder à un contrôle périodique de l'état
de conservation du matériau. Celui-ci doit être effectué
dans un délai maximal de 3 ans ou à l'occasion d'une modification
substantielle du bâtiment.
Si le chiffre 2 est obtenu, c'est que le matériau commence à se
dégrader. Dans ce cas, le propriétaire doit faire surveiller le
niveau d'empoussièrement. Pour faire ces mesures
d'empoussièrement, il doit faire appel à un organisme
agréé en microscopie électronique à transmission.
Si le chiffre 3 est obtenu, c'est que le matériau est fortement
dégradé. Le propriétaire doit faire procéder
à des travaux appropriés, qu'il doit engager dans un délai
d'un an.
Dans la deuxième hypothèse, c'est-à-dire lorsque le
propriétaire est tenu de faire faire des mesures
d'empoussièrement, trois cas de figure peuvent se présenter :
- le taux d'empoussièrement est inférieur ou égal
à 5 f/l : le propriétaire doit alors vérifier
périodiquement le matériau (dans un délai de 3 ans ou
à l'occasion d'une modification substantielle du bâtiment) ;
- le taux d'empoussièrement est compris entre 5 et 25 f/l : le
propriétaire doit faire vérifier périodiquement le
matériau (dans un délai de 2 ans) ;
- le taux d'empoussièrement est supérieur ou égal
à 25 f/l : le propriétaire doit faire procéder aux
travaux appropriés, qui doivent être engagés dans un
délai d'un an.
- une procédure dont la réalisation est
différenciée suivant les administrations
L'inventaire prévu par les textes a fait l'objet d'une certaine
anticipation de la part de certaines administrations ; pour sa part,
l'Education nationale semble avoir été assez
léthargique sur ce dossier
.
·
une anticipation de certaines administrations
Il faut d'abord signaler la grande conscience de certaines administrations qui
avaient anticipé les obligations prévues par le décret, et
même mené des opérations de désamiantage d'envergure
bien avant 1996. Les efforts menés par le ministère de la Justice
et celui de la Défense nous semblent devoir être mis en
lumière.
Avant la parution des décrets du 7 février 1996, la Direction de
l'administration générale et de l'équipement du
ministère de la Justice avait fait procéder à la recherche
des flocages et calorifugeages de son parc immobilier de près de
4.500.000 m2. La présence d'amiante avait été
localisée dans les bâtiments suivants :
- pour l'administration pénitentiaire, la maison d'arrêt de
Fleury-Merogis (mais les derniers 25.000 m2 floqués étaient en
cours de déflocage) et le centre de détention de Muret (1.200 m2
ne présentant pas de danger immédiat et faisant l'objet d'une
surveillance périodique).
- pour la Direction des services judiciaires, le palais de justice de
Nanterre (6.000 m2 de flocages et 4.000 m2 de locaux dans lesquels passent des
gaines de ventilation calorifugées à l'amiante : pas de
danger immédiat et surveillance périodique), le palais de
Montbrison (30 m2 de flocage) et la chaufferie d'un bâtiment de la
protection judiciaire de la jeunesse, le F.A.E. de Plerin (flocages sans danger
immédiat).
A cette date avaient déjà été
défloqués 15.000 m2 de la prison de Fleury-Mérogis, 320 m2
de l'hôpital pénitentiaire de Fresnes et 200 m2 du centre de
détention de Melun.
Au total, la maison d'arrêt de Fleury-Merogis, bâtiment
terminé en 1968, ponctuellement défloquée de 1978 à
1995 (pour 10.000 m2), devrait être totalement défloquée au
mois de juillet 1997. Commencés en juillet 1995, les travaux actuels
portent sur le centre des jeunes détenus et sur la maison d'arrêt
des hommes.
Cette action menée en dépit de contraintes budgétaires
difficiles nous semble devoir être soulignée.
Le cabinet du ministère de la Défense avait également
prescrit aux états-majors et directions, dès le 13
décembre 1995, de faire effectuer l'inventaire des bâtiments
présentant le risque d'un flocage à l'amiante et la
vérification de leur état de conservation. Dès la parution
du décret du 7 février 1996, et bien que les bâtiments
militaires ne soient pas soumis réglementairement à une
obligation d'inventaire immédiate, le contrôle
général des armées avait élargi le champ de
l'inventaire prescrit par le cabinet. En juillet 1996, une première
évaluation permettait de relever que la situation était
contrastée suivant les armées et directions et que le parc
immobilier ne paraissait pas comporter d'infrastructures importantes comportant
de grosses quantités de flocages et de calorifugeages :
- Armée de terre : assez faible nombre d'immeubles contenant
des flocages et des calorifugeages ; très peu d'immeubles
nécessitant des travaux immédiats.
- Armée de l'air : un ou plusieurs immeubles contenant des
flocages et des calorifugeages dans la quasi-totalité de ses emprises de
métropole ; très peu d'immeubles nécessitant des
travaux immédiats.
- Marine : une vingtaine d'immeubles, aucun ne nécessitant de
travaux immédiats ; présence de calorifugeages contenant de
l'amiante, mais exempts de toute trace de détérioration, sur de
nombreuses unités navigantes.
- Gendarmerie : une cinquantaine d'immeubles comportant des flocages
et des calorifugeages.
- Délégation générale pour l'armement :
un ou plusieurs immeubles comportant des flocages ou des calorifugeages en
amiante dans la quasi-totalité de ses emprises de métropole
(très peu nécessitant des travaux immédiats).
· une léthargie certaine au ministère de l'Education
Nationale
Le ministère de l'Education Nationale est compétent pour les
bâtiments de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Il a fait réaliser en septembre 1995, et donc avant la parution du
décret du 7 février 1996, un repérage de la
présence d'amiante par le Bureau des constructions et de la maintenance
du ministère : celui-ci a détecté la présence
d'amiante sur environ 350.000 m2, pour un total de 12 millions de m2 (4 %
du patrimoine bâti).
Mais c'est la gestion de la présence d'amiante sur le campus de Jussieu
qui apparaît difficilement compréhensible puisque, dès
1975, à la faveur d'une action du Comité anti-amiante, on
connaissait l'existence de flocages d'amiante en mauvais état à
Jussieu, essentiellement dans le gril d'Albert, construit entre 1964 et 1971. A
partir de 1977, des travaux ont certes été réalisés
(enduction au plâtre ou capotage de l'amiante, remplacement des faux
plafonds perforés par des faux plafonds étanches ou pose d'une
toile de PVC sous les faux plafonds existants). Mais, ce n'était que des
solutions partielles, qui n'ont pas été à la hauteur du
problème. Le diagnostic des surfaces amiantées, confié par
le ministère de l'Education Nationale à trois entreprises
spécialisées internationalement reconnues - Fibrecount
(Belgique), Eurotec (Allemagne) et BRGM (France) -, et remis le 23 novembre
1996, était sans appel : dans la plus grande partie des locaux de
superstructure de la tour et du gril, les flocages sont dans un état de
dégradation avancée et les protections contre la
dissémination des poussières ne sont pas satisfaisantes ; les
entreprises recommandaient donc une opération globale, massive et rapide
d'enlèvement complet de l'amiante des tours et du gril.
- un bon début de réalisation de la part des
collectivités publiques
N'étaient concernés par l'obligation d'avoir
réalisé l'inventaire au 1er janvier 1997 que les bâtiments
publics affectés à un usage d'enseignement, les crèches et
tous les établissements hébergeant des mineurs qui ont
été construits entre le 1er janvier 1950 et le 1er janvier 1980.
Les bâtiments construits avant 1950 doivent être inventoriés
avant le 1er janvier 1998 et les bâtiments construits après le 1er
janvier 1980 doivent satisfaire à cette obligation avant le 1er janvier
1999. Cette obligation a été prise très au sérieux
par toutes les collectivités concernées que nous avons
rencontrées : communes, départements, régions. On
peut dire aujourd'hui que l'inventaire connaît un bon début de
réalisation de la part des collectivités publiques.
S'agissant des bâtiments d'enseignement primaires publics, qui sont
à la charge des communes, ce sont, pour l'essentiel, soit des
bâtiments anciens, soit des bâtiments construits par les communes
après les lois de décentralisation de 1982, c'est-à-dire
après l'interdiction du flocage. Ils sont donc peu concernés par
des problèmes de flocage. Aucun chiffre précis n'est disponible
pour ces établissements mais, selon différentes enquêtes,
il semble qu'environ 5 % du parc immobilier scolaire soit concerné.
S'agissant des collèges et des lycées, un grand nombre a
été construit par l'Etat à partir des années 50,
c'est-à-dire à l'époque de l'utilisation de l'amiante,
puis transféré aux départements et aux régions par
les lois de décentralisation. Au 3 mars 1997, selon les derniers
chiffres disponibles de l'Observatoire national de la sécurité
des établissements scolaires, 1856 collèges avaient achevé
leur diagnostic et 915 collèges étaient en cours de diagnostic,
sur les 3437 collèges de l'ensemble des départements
français. Parmi ceux-ci, seulement 119 (soit 6,4 %) contenaient de
l'amiante, au sens du décret du 7 février 1996
(c'est-à-dire dans leurs flocages et calorifugeages). En ce qui concerne
les lycées, 877 établissements avaient achevé leur
diagnostic, 733 étaient en cours d'inventaire, sur les 2208
lycées de l'ensemble des régions françaises. Les chiffres
de bâtiments amiantés semblaient a priori plus alarmants
puisqu'ils représentaient 13,2 % du parc (116 lycées) mais,
en fait, on peut penser que le diagnostic a été
réalisé prioritairement dans les lycées présentant
les plus grands risques, et que plus on s'approchera de la fin de la
réalisation de l'inventaire, plus le pourcentage diminuera,
jusqu'à aller vers les 5 %.
La pression très forte que subissent les collectivités
communales, départementales et régionales les a conduit à
appliquer le décret, et même à aller au-delà de
certaines de ses dispositions. Il est toutefois difficile de déterminer
dans quelle mesure l'inventaire a été effectué dans les
délais, car les chiffres indiqués par l'Observatoire national de
la sécurité des établissements scolaires comprennent
l'ensemble des lycées et des collèges, sans qu'il soit possible
d'individualiser les établissements qui devaient réaliser
l'inventaire au 1er janvier 1997.
Des différences importantes entre collectivités méritent
cependant d'être notées. Dans l'Académie de Caen, le
recensement des 89 collèges est terminé, dans l'Académie
de Limoges, le diagnostic de 75 des 77 collèges est achevé, mais
dans l'Académie de Créteil aucun des 212 collèges n'a
terminé son recensement. De même, parmi les collectivités
régionales, on peut relever que l'inventaire est achevé en
Auvergne, en Champagne-Ardennes, en Languedoc-Roussillon, dans les Pays de la
Loire et quasiment terminé en Poitou-Charentes tandis que la
région Alsace et la région Nord-Pas de Calais n'ont encore aucun
résultat. La région Ile de France a achevé 83 diagnostics
et en a 90 en cours, sur un total de 435 lycées.
Des retards par rapport au calendrier prévu par le décret
existent donc, sans qu'il soit possible d'en déterminer l'ampleur.
Faut-il s'en alarmer et en profiter pour remettre en cause un calendrier
peut-être trop contraignant, donc irréaliste ? A la
réflexion, il nous semble qu'il est possible de maintenir ce calendrier
en l'état, même si des dérogations ponctuelles peuvent
être admises. Il a, en effet, le mérite de maintenir une certaine
pression sur les propriétaires et il est un des piliers de la mise en
place d'une bonne politique de gestion du risque amiante.
2) les difficultés de la mise en oeuvre de l'inventaire
Les difficultés de mise en oeuvre de l'inventaire portent à la fois sur sa limitation aux matériaux les plus friables (flocages et calorifugeages) alors que, dans une optique de protection des travailleurs qui interviennent dans le bâtiment, il serait bon de prévoir son extension à l'ensemble des bâtiments amiantés et sur les interrogations que l'on peut se poser à propos de la métrologie.
a) la limitation de l'inventaire au flocage et au calorifugeage des immeubles collectifs
Le champ d'application du décret n° 96-97 du 7
février 1996 a été limité à la recherche de
la présence de calorifugeages et de flocages contenant de l'amiante dans
les immeubles bâtis collectifs. Tous les autres matériaux que l'on
peut trouver dans le bâtiment (faux plafonds, dalles de sol, cloisons...)
n'entrent pas dans le champ d'application du décret. Une extension du
décret aux matériaux semi-durs (mais seulement aux faux
plafonds), est toutefois actuellement en préparation et pourrait entrer
en application prochainement.
(4(
*
))
- étendre l'inventaire à l'ensemble des matériaux
amiantés
Les flocages et les calorifugeages sont des matériaux friables qui sont
susceptibles, lorsqu'ils se dégradent, de libérer
spontanément des fibres dans l'atmosphère. Ce sont donc a priori
les matériaux les plus dangereux pour notre santé et ceux qu'il
fallait traiter en priorité. A notre sens, il faut cependant
étendre, le plus rapidement possible, l'inventaire à toute forme
d'amiante, qu'il soit semi-dur ou dur, comme l'amiante-ciment.
Il est, en effet, nécessaire d'avoir un recensement exhaustif de tout
l'amiante contenu dans un bâtiment. Toute forme d'amiante, dès
qu'elle est dégradée, est potentiellement nocive pour ceux qui
vivent ou travaillent occasionnellement dans le bâtiment. C'est l'amiante
friable qui présente le plus fort risque de dégradation,
même s'il n'est pas à exclure pour les autres matériaux en
amiante. Il était donc naturel de le recenser en priorité. Mais
même non dégradé, et donc non nocif pour la population qui
vit dans le bâtiment, l'amiante semi-dur ou dur devient nocif pour les
ouvriers du bâtiment dès qu'ils ont à intervenir sur le
matériau. Il nous apparaît donc essentiel de connaître
où se situe le danger.
Il est également indispensable de souligner que l'opération de
recherche d'amiante non friable n'entraînerait qu'un surcoût
limité. En effet, on peut penser que cet amiante sera non
dégradé dans la quasi-totalité des cas, et donc que le
coût de sa recherche sera limité à celui de la
présence du matériau et qu'un prélèvement d'air
(plus onéreux) sera rarement nécessaire.
Beaucoup de propriétaires concernés, qu'ils soient publics ou
privés, ont déjà dépassé l'obligation du
décret et anticipé sur son extension possible en intégrant
dans la réalisation de leur inventaire la recherche d'amiante sous
toutes ses formes, ceci dans une démarche de bonne gestion, tant sur le
plan pratique que sur le plan financier. Cela nous paraît une sage
décision. En revanche, certains professionnels de l'immobilier nous ont
fait part de leurs préoccupations.
Puisque l'amiante non friable est essentiellement dangereux en cas de travaux,
il nous semble qu'il faut emprunter une voie pragmatique et offrir aux
propriétaires l'option suivante :
- faire la recherche la plus complète possible de tout l'amiante au
moment de l'inventaire (c'est-à-dire l'amiante visuellement
repérable et facilement accessible, sans faire de percements ou de
démolitions intempestifs, qui pourraient créer un risque
là où il n'en existe pas encore) ;
- faire une recherche complète de tous les amiantes, et notamment
des matériaux semi-durs et durs, au moment où des travaux (de
rénovation ou de démolition) doivent intervenir.
La première solution assure une sécurité totale
immédiate et un surcoût limité. La seconde solution est
acceptable, compte tenu de la nature du risque.
- étendre l'inventaire à d'autres secteurs plus
différenciés
L'obligation d'inventaire est limitée aux immeubles bâtis
collectifs. Ne sont donc pas concernés les maisons individuelles, qui
effectivement ne présentent guère de risque de flocage. En
revanche, le calorifugeage des chaudières est probablement
fréquent ; il apparaît cependant opportun de laisser à
l'initiative et à la responsabilité du propriétaire le
soin de vérifier si sa maison est ou non amiantée. En revanche,
il convient de poser le problème d'une obligation éventuelle
pour le propriétaire de mentionner la présence d'amiante à
l'occasion d'une cession du bien
.
Mis à part les immeubles collectifs, il nous semble raisonnable de
prévoir une extension de l'obligation d'inventaire à certains
matériels utilisés par un public occasionnel mais nombreux : les
matériels de la SNCF, ceux de la RATP, les bâtiments de la Marine
Nationale et, d'une manière générale, tous les bateaux,
ainsi que les avions.
Comme nous l'avons vu précédemment, un repérage a
déjà été réalisé dans les
bâtiments de la Marine Nationale, mais il conviendrait que puisse
s'appliquer intégralement les textes réglementaires : cela
permettrait de s'assurer, par des mesures d'empoussièrement, que l'air
est véritablement sain dans des lieux (les salles de machine) par nature
extrêmement confinés, et d'informer les entreprises
extérieures qui interviennent en ces lieux de la présence
d'amiante.
S'agissant du matériel roulant de la SNCF comme de la RATP, il convient
de noter que, depuis une vingtaine d'années, ces entreprises publiques
ont procédé à la substitution des pièces contenant
de l'amiante. Il faut d'ailleurs remarquer que le matériel roulant
actuel de la SNCF contient relativement moins d'amiante que les
matériels roulants étrangers, car le parc a été
considérablement rénové en 1975-1980, avec l'introduction
de voitures Corail, qui ne contiennent pratiquement pas d'amiante pour
l'isolation thermique et phonique.
A la SNCF, pour les produits de freinage, il ne restait plus, début
novembre 1996, que 6 % de pièces avec de l'amiante. Mais il y a
encore des substances amiantifères dans les organes et
éléments suivants de certaines séries de matériel
généralement ancien :
- semelles et garnitures de freinage,
- joints d'étanchéité divers,
- produits anti-vibratils pour l'isolation acoustique des caisses,
- protection thermique localisée,
- flasques de soufflage de contacteurs.
Selon la SNCF, un recensement "aussi exhaustif que possible" des
pièces
comportant encore de l'amiante, entrepris en août 1996, est maintenant
terminé. A la RATP, l'amiante devrait avoir totalement disparu fin 1999
des matériels roulants ferroviaires et en 2003 des matériels
roulants tels que les bus.
On peut se réjouir que de telles actions aient été
effectuées de leur propre initiative par ces entreprises publiques. Une
vérification par une tierce partie nous semble cependant
nécessaire. Il nous paraît donc opportun de les insérer
dans le cadre réglementaire existant, de manière à
apporter les garanties de procédure (indépendance de la conduite
de diagnostic) que sont en droit d'attendre les salariés, les ouvriers
de la maintenance et le public.
b) la difficulté des opérations de prélèvement et d'analyse du matériau
Le décret 96-97 du 7 février 1996 impose au
propriétaire de faire appel à un technicien de la construction
qualifié pour procéder à un ou plusieurs
prélèvements de matériaux représentatifs. Cette
opération de prélèvement et d'analyse du matériau
n'est pas anodine, puisque de son résultat dépendra la
classification du bâtiment parmi les bâtiments amiantés ou
non. Elle est le premier maillon d'une chaîne qui a pour objet la
protection de la santé publique et elle doit impérativement
être effectuée correctement, sous peine d'affaiblir tout
l'ensemble.
(5(
*
))
- une stratégie de prélèvement à mieux
définir
Les techniciens de la construction doivent procéder à des
prélèvements de matériaux dans les zones homogènes
du bâtiment. Celles-ci sont définies comme des parties de
bâtiment présentant des caractéristiques communes, ce qui
est extrêmement vague. Il nous paraît donc nécessaire de
définir une véritable stratégie de
prélèvement. L'APAVE de l'OUEST, que nous avons rencontré
lors d'une mission à Nantes, nous a expliqué la
méthodologie qu'elle a mis au point et qui porte à la fois sur le
mode de prélèvement et la protection des techniciens qu'elle
emploie. Pour cet organisme, la notion de zone homogène se
définit comme une zone dans laquelle le matériau a même
aspect, même couleur et même friabilité. Le nombre de
prélèvement varie en fonction de la surface de la zone
homogène (2 prélèvements, dont un servant de
contre-expertise dans des zones de moins de 500 m2, et 3
prélèvements dans les zones de plus de 500 m2).
Pour assurer la qualité des prélèvements effectués
et éviter tout faux négatif, il faudrait donc standardiser un
contrôle de qualité des prélèvements des
matériaux et, par exemple, instaurer une norme AFNOR en ce domaine.
- une analyse du matériau à mieux
contrôler
(
6(
*
)
)
L'identification des divers types d'amiante présents dans les
matériaux s'effectue par microscopie optique à polarisation,
après avoir immergé une petite portion (homogène) de
l'échantillon dans des liquides d'indice de réfraction
approprié. Dans les cas difficiles, le recours à la microscopie
électronique est possible.
La qualité de l'analyse reposant essentiellement sur l'expérience
et la compétence de l'analyste (plus encore que pour les autres
analyses), il faut instaurer un contrôle de qualité externe
(analyse d'échantillons envoyés à un centre de
référence).
- une analyse de l'état de conservation à
évaluer
La grille d'évaluation française est différente dans son
principe de la grille retenue par la législation allemande. La grille
allemande attribue un certain nombre de points en fonction de 7 critères
bien définis :
- le mode d'utilisation de l'amiante,
- la variété d'amiante,
- la structure de surface du matériau,
- l'état de surface du matériau,
- la dégradation du matériau sous l'effet de facteurs externes,
- l'utilisation des locaux,
- la localisation du matériau.
Au total, le nombre de points obtenus détermine si le traitement est
immédiatement nécessaire, s'il est nécessaire à
moyen terme ou s'il est nécessaire à long terme.
La grille d'évaluation allemande comporte une donnée importante
que ne permet pas de recenser la grille française : la nature de
l'utilisation des locaux. La grille allemande permet, en effet, de
distinguer :
- une utilisation régulière par des enfants, des jeunes ou des
sportifs,
- une utilisation prolongée ou fréquente par d'autres personnes,
- une utilisation occasionnelle,
- une utilisation rare.
Il paraît nécessaire de ne pas traiter de la même
manière un gymnase d'école et un local technique. En fonction de
l'utilisation d'un local, des priorités devront certainement être
mieux définies.
Il semble donc souhaitable d'évaluer rapidement l'efficacité
de la grille française sur un échantillonnage de bâtiments,
de manière à pouvoir y apporter les corrections
éventuelles appropriées.
c) le problème de la qualité des prélèvements et des mesures d'empoussièrement de l'air
Comme pour les prélèvements et les analyses de
matériaux, la qualité des prélèvements et des
mesures effectuées pour déterminer le niveau
d'empoussièrement de l'air ambiant est un maillon indispensable de la
chaîne qualité de l'inventaire. C'est une étape plus
réglementée, mais qui ne manque pas de soulever quelques
interrogations.
- la qualité des prélèvements d'air
Les prélèvements d'air ne posent pas de problèmes
techniques majeurs et s'opèrent au moyen de pompes qui aspirent l'air
à travers une membrane filtrante. En revanche, la stratégie de
prélèvements qui consiste à savoir quand et où il
faut prélever l'air, durant combien de temps, combien de fois dans le
même local, etc... n'est à l'heure actuelle pas
maîtrisée, du fait que les paramètres d'influence
(vibrations, courants d'air, humidité, activité des occupants,
etc...) ne sont pas bien connus.
Actuellement, on peut différencier deux méthodes de
prélèvement, l'une privilégiant la recherche de la
contamination du bâtiment, l'autre visant à évaluer
l'exposition des occupants.
La norme française actuelle est quelque peu ambiguë. Elle a pour
objet de déterminer si des travaux sont nécessaires,
c'est-à-dire si le bâtiment est ou non contaminé. Mais elle
s'appuie sur une méthode de prélèvement (durée de
cinq jours, pendant les activités normales des occupants) qui revient
plus en fait à évaluer un niveau d'exposition des populations
qu'un niveau de contamination.
Rien ne permet d'affirmer que cette méthode retenue par la France donne
des résultats reproductibles. Il faut donc être bien conscient
qu'un résultat négatif (absence de détection de fibres
d'amiante aux niveaux mesurés très bas) ne traduit pas
forcément une absence de contamination des locaux. En effet, il peut se
produire que les conditions de prélèvement (très faible
occupation du local par exemple) aient favorisé des taux de fibres
d'amiante dans l'air extrêmement faibles (par sédimentations des
fibres longues). Seule, la répétition des mesures pourrait
apporter une information sur la reproductibilité des résultats et
leur dispersion, mais cela n'est pas réaliste pour des
prélèvements qui durent 5 jours.
Par ailleurs, d'une manière générale, les méthodes
de prélèvements d'air qui visent à évaluer
l'exposition des occupants se heurtent à deux problèmes
importants :
- leur véritable représentativité, du fait qu'ils
sont presque toujours effectués en « postes fixes »,
et non dans la zone respiratoire des occupants, et qu'ils sont rarement
répétés plusieurs fois ;
- leur absence d'information sur les pointes d'exposition qui se
produisent de manière souvent aléatoire et qui ne peuvent
être mesurées par les méthodes actuellement reconnues.
Une autre procédure de prélèvement déterminant
seulement le niveau de contamination du bâtiment est employé dans
plusieurs autres pays, selon des protocoles standardisés. Les
prélèvements sont plus courts (quelques heures), de ce fait moins
coûteux, et se basent sur une remise en suspension artificielle des
fibres et de la poussière sédimentée. Cette méthode
aboutit à des résultats de niveaux d'empoussièrement plus
élevés puisqu'elle prend en compte le phénomène des
pics d'exposition auxquels peuvent être exposés la population des
locaux. Cette dernière méthode permet de mieux définir le
degré d'urgence du traitement du bâtiment.
Ainsi, en fonction des objectifs recherchés, il faut adapter la
stratégie de prélèvement :
- dans l'optique d'un diagnostic de contamination, les
prélèvements courts (quelques heures) associés à
une remise en suspension artificielle des fibres sédimentées
(simulation de pics d'exposition) est la plus appropriée.
- dans l'optique d'une évaluation de l'exposition de la population
vivant dans ces locaux (exposition passive), la technique actuellement en
vigueur en France est la plus adaptée.
Des progrès dans les techniques et la stratégie
d'échantillonnage doivent encore être réalisés et un
consensus international à ce sujet est hautement souhaitable.
- les performances des méthodes de mesure
d'empoussièrement
En cas de dégradation du matériau amiante dans les flocages et
les calorifugeages, le technicien de la construction qualifié doit faire
procéder à des mesures du niveau d'empoussièrement. Ces
mesures d'empoussièrement sont effectuées par des organismes
agréés
(7(
*
))
annuellement par le Ministère de la Santé en fonction de la
qualification des personnels de l'organisme, de la nature des matériels
dont il dispose et des évaluations auxquelles il est soumis. Pour 1996,
26 laboratoires avaient été agréés pour
procéder aux prélèvements des poussières d'amiante
et 12 l'avaient été pour procéder au comptage de ces
poussières. Pour 1997, l'arrêté du 23 décembre 1996
agrée 62 laboratoires pour le prélèvement et 17 pour le
comptage. Il y a donc une forte et nécessaire progression de ces
organismes, dont la qualité est assurée par leur participation
chaque année aux campagnes d'intercomparaisons des comptages
organisées par l'INRS.
La méthode de mesure utilisée en France est la microscopie
électronique à transmission, avec emploi de la méthode
indirecte. Il convient de s'arrêter un instant sur les différentes
méthodes de mesures d'empoussièrement utilisées, car elles
ne sont pas homogènes et sont donc source de confusions.
Dans le domaine professionnel, la méthode utilisée est la
microscopie optique, une méthode techniquement très robuste et
d'un coût très raisonnable. Elle ne permet cependant pas de
distinguer les divers types de fibres et les recense toutes (fibres d'amiante
mais aussi autres fibres) ; elle ne compte pas les fibres de diamètre
inférieur à 0,2 um. C'est une méthode
éprouvée, adaptée au monde du travail et adoptée
internationalement (ce qui permet des comparaisons appropriées).
Pour l'environnement général, cette méthode a
été unanimement rejetée. La méthode retenue par la
France et qui est la plus utilisée, parce qu'elle permet d'identifier
positivement l'amiante et qu'elle a un pouvoir de résolution très
élevé qui permet de compter toutes les fibres, est la
méthode de microscopie électronique à transmission
(grandissement : 10.000 x). Mais il existe deux procédures
différentes pour préparer les échantillons qui seront
examinés au microscope : la méthode directe et la
méthode indirecte.
Utilisée notamment par les Etats-Unis et le Canada, la méthode
directe a pour finalité de changer le moins possible la distribution des
tailles des fibres entre le dépôt sur le filtre originel (qui est
conservé) et l'échantillon examiné. Retenue par la France,
mais aussi par la Belgique, la méthode indirecte détruit le
filtre de prélèvement et la matière organique dans un four
à basse température et récupère le résidu,
remis en suspension dans de l'eau, sur un filtre recouvert de carbone.
Les deux méthodes sont justifiées : la méthode indirecte a
le désavantage d'altérer les fibres ou de les défibriller
en les mettant dans l'eau (ce qui pose le problème d'une
surévaluation des résultats), tandis que la méthode
directe a le désavantage de ne pas permettre de prélever aussi
longtemps qu'avec la méthode indirecte (ce qui pose le problème
de sa représentativité, du fait que beaucoup de particules
organiques et minérales encombrent le filtre).
On évalue de 1
à 10 le rapport entre les résultats obtenus selon l'une et
l'autre méthode.
Une autre méthode est utilisée par la Suisse et l'Allemagne : la
microscopie électronique à balayage (grandissement de 2.000 x).
Elle est moins performante (elle ne permet pas de voir les fibres d'un
diamètre inférieur à 0,2 um) mais elle est meilleur
marché. Elle a donc été considérée comme un
compromis acceptable par ces deux pays.
Ce qui est certain, c'est que les résultats de toutes ces
méthodes ne peuvent pas se comparer et que l'on n'est pas encore parvenu
à établir une conversion qui permette de passer d'un
système à l'autre. On voit à quel point il faut se garder
de comparer hâtivement les chiffres de résultats des
différents pays. Il serait souhaitable d'obtenir un consensus
international sur une méthode uniforme de mesure.
Les différentes méthodes de microscopie électronique
à transmission sont beaucoup plus spécifiques et sensibles que la
méthode optique, puisqu'elles permettent d'identifier et de
différencier les amiantes, mais elles sont aussi techniquement moins
fiables. Les intercomparaisons entre laboratoires effectuées dans
différents pays ont montré des différences
considérables de résultats, ce qui jette un doute sur la
qualité actuelle des techniques de mesures. C'est pourquoi un pays comme
l'Allemagne n'a pas retenu l'idée de fixer des seuils
d'empoussièrement pour l'inventaire et se contente d'une inspection
visuelle de l'état de dégradation du matériau. Il nous
semble que la philosophie adoptée par la réglementation
française, celle d'une inspection visuelle et de mesures
d'empoussièrement, est à conserver, même si elle est plus
contraignante, mais il faut, en contrepartie, aider les laboratoires à
mieux maîtriser leurs techniques de mesures et,
parallèlement,
encourager la recherche en ce domaine
.
d) la validité des seuils de 5 et 25 f/l
En application du décret du 7 février 1996, le
propriétaire doit faire procéder à un contrôle
périodique de l'état de conservation du matériau, tous les
trois ans si le niveau d'empoussièrement est inférieur ou
égal à 5 f/l et tous les deux ans, s'il est compris entre 5 et 25
f/l ; il doit engager dans l'année les travaux appropriés si
le niveau d'empoussièrement est supérieur à 25 f/l.
Après travaux, le niveau d'empoussièrement doit être
inférieur ou égal à 5 f/l.
Le niveau des seuils retenus mérite toute notre attention.
Il faut d'abord bien préciser que, dans l'esprit de la
réglementation française, ces seuils, qui permettent de mettre en
évidence une émission de fibres par le revêtement,
devraient plus évaluer une contamination du bâtiment qu'une
exposition à un niveau de risque des populations. Nous avons cependant
relevé précédemment l'ambiguïté de la
méthode de prélèvement retenue, qui a plus pour objectif
d'évaluer l'exposition des occupants.
Les seuils n'ont pas été fixés par rapport à un
risque pour la santé lié à l'exposition mesurée.
Autrement dit, on ne peut pas leur faire dire ceci : au-dessous de 5 f/l, il
n'y a aucun danger pour la santé ; au-dessus de 25 f/l, il y a un
danger extrême pour la santé.
Le seuil de 25 f/l représente simplement un jugement sur l'état
de dégradation du matériau : celui-ci est jugé
très dégradé au-dessus de ce seuil, ce qui impose une
intervention sur le bâtiment.
Pourtant, le seuil de 5 f/l qui a été retenu est un seuil qui a
été fixé par référence au bruit de fond,
autrement dit au niveau d'empoussièrement de l'air extérieur. A
la date d'élaboration de ces normes, on disposait d'
une étude
du LEPI de 1974 sur le bruit de fond en amiante à Paris qui montrait que
99 % des mesures effectuées dans l'air se situaient en dessous de 3
fibres par litre d'air
. Le seuil de 5 f/l a donc été
fixé en référence à la contamination de l'air
extérieur. Aujourd'hui, une nouvelle étude du LEPI,
effectuée en 1994 et publiée
en 1995
, a montré que
le niveau de concentrations d'amiante dans l'air extérieur parisien
avait baissé et se situe désormais en dessous de 1 f/l pour
99 % des mesures effectuées
.
Sans accorder une importance exagérée au principe des seuils,
tant que des progrès importants n'auront pas été
réalisés en métrologie, il paraîtrait cependant
naturel, si l'on retenait la méthode française de
prélèvement actuelle, de tendre petit à petit à se
rapprocher du nouveau bruit de fond de 1 fibre par litre. Ce serait une
application du principe ALARA (as low as reasonably achievable), qui est le
plus adéquat à utiliser quand il s'agit d'un polluant
cancérogène. Il ne serait toutefois pas raisonnable d'assimiler
ce seuil à un risque de santé publique, mais l'exigence de
qualité nous incite à le fixer comme objectif.
Dans la troisième partie du rapport, une réelle évaluation
du risque nous amènera cependant à proposer de retenir l'autre
norme de prélèvement, celle qui se borne à une
évaluation de la contamination du bâtiment, et qui permettrait
alors le maintien des seuils de 5 et 25 f/l.
Cependant, s'il s'avérait à l'usage que la métrologie nous
fournit des résultats trop incertains, peut-être faudrait-il alors
se rapprocher d'une méthode beaucoup plus pragmatique, comme la
méthode utilisée par les Américains pour les
écoles. C'est une méthode simplifiée de microscopie
électronique à transmission, plus rapide et moins chère.
Elle permet de ne compter que les fibres d'une longueur supérieure
à 0,5 um (ce qu'ils appellent les structures) : cela a pour
résultat de diminuer considérablement le temps de
prélèvement et d'analyse et d'améliorer la
précision statistique, parce qu'il y a plus de fibres au-delà de
0,5 um que de fibres supérieures à 5 um. Mais ce qui importe aux
Américains n'est pas tant d'obtenir le nombre total de fibres existant
dans l'air ambiant que de comparer les résultats obtenus à
l'intérieur et à l'extérieur des locaux. Ils font donc
cinq prélèvements à l'intérieur des locaux et cinq
prélèvements à l'extérieur et il les comparent. Ils
estiment suffisant qu'il n'y ait pas de différence entre l'air
intérieur et l'air extérieur. L'inconvénient de cette
méthode réside toutefois dans le fait qu'elle ne permet pas de
garder une mémoire de l'exposition des personnes à l'amiante, ce
qui est pourtant essentiel, en termes de protection de la santé
publique. Elle ne serait donc à retenir qu'à défaut d'une
amélioration tangible des techniques de métrologie.