3) des prolongements indispensables : une harmonisation au niveau européen
Nous avons vu précédemment les directives
relatives à l'amiante élaborées au niveau européen
et leur transposition en droit national.
Pour les produits contenant de l'amiante, la directive cadre 76-769
modifiée par les directives 83/478, 85/610 et 91/659 n'autorise, comme
nous l'avons vu plus haut, que l'usage du chrysotile, sauf pour 14
catégories de produits et sous réserve d'un étiquetage
adéquat. Sept pays européens ont conformé leur
législation à cette directive, qui est une application de l'usage
contrôlé de l'amiante : le Royaume-Uni, l'Irlande, la
Belgique, le Luxembourg, la Grèce, l'Espagne, et le Portugal. Huit
autres pays européens sont allés au-delà de la directive
communautaire en interdisant l'amiante, avec dérogations :
l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, la France, l'Italie, les
Pays-Bas et la Suède.
Pour les travailleurs de l'amiante, c'est, comme nous l'avons vu plus haut, la
directive 83/477 modifiée par la directive 91/382 qui impose des valeurs
limites d'exposition. Ces valeurs n'ont pas été modifiées
depuis cette date et les législations nationales sont bien souvent
beaucoup plus restrictives. Il faut relever également la directive
90/394 concernant la protection des travailleurs contre les agents
cancérogènes, qui s'applique lorsque ses dispositions sont plus
strictes que les directives précédentes. Elle impose le
remplacement d'un agent cancérogène par une substance qui ne
présente aucun danger ou qui est moins dangereuse pour la santé
des travailleurs.
C'est donc toujours la politique d'usage contrôlée de l'amiante
qui prévaut à la Commission de Bruxelles.
Interrogée
sur l'interdiction totale de l'amiante, la Commission estime qu'à
défaut d'un consensus suffisant au sein du Conseil pour globaliser cette
interdiction, la priorité est au classement des fibres de substitution
à l'amiante en fonction de leur toxicité (JO des
Communautés du 24 juin 1996). Par ailleurs, dans sa communication du
5/9/1996, elle précise que les représentants des Etats membres
n'ont pas jugé nécessaire, pour l'instant, d'interdire plus
d'activités que celles qui sont indiquées dans la directive
actuellement en vigueur.
Il nous semble nécessaire d'aller rapidement au-delà de cette
argumentation. Il est vrai que, jusqu'à un passé récent,
la France était l'un des principaux soutiens de la politique d'usage
contrôlé de l'amiante et que l'on a le sentiment que la Commission
n'a pas véritablement compris les raisons du revirement français.
Il serait bon de la part du gouvernement français de mieux expliciter
à ses partenaires les raisons de la nouvelle politique d'interdiction,
car certains pays restent désemparés devant cette nouvelle
politique.
Certains pays ont de fortes raisons économiques de maintenir une
politique d'utilisation contrôlée
: la Grèce
possède une mine d'amiante, l'Espagne a une industrie importante de
fabrication de tuyaux d'amiante-ciment. La Belgique ne souhaite pas interdire
l'amiante-ciment dès à présent. D'autres pays pourraient
peut-être plus facilement nous rejoindre comme la Grande Bretagne ou
l'Irlande.
La Grande-Bretagne semble même avoir récemment
évolué sur ce sujet. Elle avait d'abord demandé à
la Commission un réexamen systématique de toute la
littérature scientifique avant toute modification de la politique
menée en matière d'amiante ; cela semblait
particulièrement inutile, car il ne s'agit plus de s'interroger sur le
caractère cancérogène de l'amiante, mais de trancher dans
le sens d'une politique de prévoyance face à un risque certain.
Aujourd'hui, en réponse à une question écrite du 17
février 1997, le Ministre de l'environnement a déclaré
qu'il acceptait les recommandations que lui avait faites la Health & Safety
Commission, notamment celle de continuer à travailler au niveau
européen pour étendre l'interdiction de l'amiante à tous
les produits chrysotiles encore autorisés, à l'exception d'un
petit nombre de dérogations.
Une décision d'interdiction de l'amiante au niveau européen
nécessite un vote à la majorité qualifiée. Cette
majorité existe probablement déjà sur le principe
même d'interdiction ; en revanche, obtenir une majorité sur un
texte précis prenant en compte les préoccupations des
différents pays en matière de dérogations est un travail
plus complexe qu'il conviendra de mener avec toute la
célérité possible. Un rôle actif et d'avant-garde de
l'Union Européenne sur ce dossier serait éminemment souhaitable.