Rapport n° 326 (2022-2023) de Mme Anne-Catherine LOISIER , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 8 février 2023

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N° 326

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 février 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser l' approvisionnement des Français en produits de grande consommation ,

Par Mme Anne-Catherine LOISIER,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

575 , 684 et T.A. 64

Sénat :

261 et 327 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Pour la troisième fois en cinq ans, le législateur est amené à réglementer les relations entre fournisseurs et distributeurs, ce qui témoigne du climat de défiance qui règne lors des négociations commerciales.

Cette proposition de loi a fait l'objet de débats nourris, que ce soit à l'Assemblée nationale ou dans les médias. De nombreux arguments ont été échangés, mais aussi des contre-vérités, des accusations, voire des menaces à peine voilées ; tensions certainement exacerbées par la période inflationniste.

Dans ce contexte, la commission des affaires économiques, en suivant les propositions de la rapporteure Anne-Catherine Loisier, a souhaité apaiser ces différentes tensions, en proposant un texte respectueux de la liberté contractuelle, qui rééquilibre le rapport de force au sein des négociations commerciales, tout en limitant les différents abus constatés dans les relations commerciales. En outre, compte tenu du niveau d'inflation actuel, la commission a cherché à rendre du pouvoir d'achat aux Français tout en protégeant l'emploi, l'investissement et l'innovation dans les secteurs non-alimentaires.

Réunie le 8 février, la commission a adopté cette proposition de loi après l'avoir modifiée pour, essentiellement :

- encourager une diminution de l'inflation à hauteur de 600 M€ par an en suspendant l'application du SRP+ 10, ce dernier s'appliquant sur des milliers de produits achetés chaque jour par les Français et n'ayant jamais fait la preuve de son efficacité pour améliorer le revenu agricole ;

- préciser le cadre applicable aux préavis de rupture commerciale, de telle sorte qu'aucune partie ne soit lésée et que soient évités les risques de déréférencement, de rupture d'approvisionnement et de livraison à perte ;

- plafonner les promotions sur les produits non-alimentaires, mesure ayant un effet minime sur l'inflation mais permettant de sauvegarder emplois et investissements dans ces secteurs ;

- durcir le régime des pénalités logistiques, compte tenu des abus qui continuent d'être constatés.

I. DES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES QUI CONTINUENT D'ÊTRE MARQUÉES PAR UN DÉSÉQUILIBRE STRUCTUREL ENTRE LES PARTIES

Les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs sont structurellement déséquilibrées en France, cette asymétrie s'exprimant tout particulièrement lors des négociations annuelles qui ont lieu du 1 er décembre au 1 er mars pour les produits de grande consommation.

En effet, si en amont le nombre de fournisseurs se compte en milliers, voire dizaines de milliers (PME, ETI, grandes marques), le point d'accès aux millions de consommateurs est contrôlé par un petit nombre d'acheteurs (en France essentiellement E. Leclerc, Carrefour, Intermarché, Système U, Auchan, Casino, Lidl). Ces distributeurs représentent par conséquent une part du chiffre d'affaires des fournisseurs bien supérieure à celle que représentent ces derniers dans le chiffre d'affaires de chaque distributeur. Pour le dire autrement, un fournisseur déréférencé d'un distributeur peut perdre jusqu'à 20 % de ses ventes, là où l'impact pour le distributeur se limiterait à 2-3 % de son chiffre d'affaires, auquel il convient d'ajouter, pour quelques marques extrêmement prisées, un coût réputationnel.

Par conséquent, les négociations commerciales ne sont pas abordées sur un « pied d'égalité », constat largement documenté dans de multiples rapports, et illustré, entre autres, par le fait que durant une décennie, les négociations des produits alimentaires se concluaient chaque année par un tarif de vente du fournisseur inférieur à celui de l'année précédente. Il en va de même pour les autres produits de grande consommation, qui en outre ne bénéficient pas de la récente protection que constitue la loi Egalim 2. Or l'écrasement du tarif des fournisseurs au nom de la guerre des prix, qui les a conduits à comprimer leurs marges pendant dix ans, a un impact sur leurs capacités d'investissement, d'innovation, et donc sur l'emploi.

Trois éléments en particulier causent et/ou renforcent ce déséquilibre.

A. LE DÉVELOPPEMENT DE CENTRALES D'ACHAT À L'ÉTRANGER PAR CERTAINS DISTRIBUTEURS, POUR CONTOURNER LE DROIT FRANÇAIS

Plusieurs lois récentes ont tenté de rééquilibrer le rapport de force dans les négociations commerciales, que ce soit pour améliorer le revenu des agriculteurs en sécurisant la part des matières premières agricoles dans ces négociations (lois Egalim 1 et 2), ou pour simplement redonner des marges de manoeuvre aux fournisseurs qui font face à un oligopsone 1 ( * ) (loi Egalim 2).

Or, en parallèle, se développe progressivement la constitution, par certains distributeurs, de centrales d'achats et de référencement installées à l'étranger. Si les justifications avancées mettent généralement l'accent sur l'accroissement du pouvoir de négociation que ces centrales confèrent et sur les synergies qu'elles permettent, argument au demeurant peu contestable pour les distributeurs véritablement implantés dans plusieurs pays européens mais plus douteux pour ceux dont l'activité est quasi-intégralement réalisée en France, force est de constater que ces centrales internationales permettent de négocier sous droit étranger le tarif de produits in fine vendus sur le territoire français.

Il ne fait donc désormais que peu de doute que ces centrales servent (ou, à tout le moins, permettent entre autres) à contourner la loi française, qui se veut protectrice des maillons amont de la chaîne d'approvisionnement en produits de grande consommation. Cette inquiétude est largement partagée par l'ensemble des acteurs entendus par la rapporteure, publics comme privés, à l'exception évidente des distributeurs.

B. UN FLOU JURIDIQUE QUANT AUX RELATIONS COMMERCIALES À MAINTENIR OU NON EN CAS D'ÉCHEC DES NÉGOCIATIONS AU 1ER MARS

Le code de commerce enserre les négociations commerciales annuelles dans des délais contraints, du 1 er décembre (date maximale d'envoi des conditions générales de vente par les fournisseurs) au 1 er mars, lorsqu'elles concernent les produits de grande consommation.

Durant ces trois mois, les parties négocient le tarif de vente du fournisseur au distributeur, ainsi que d'autres éléments de leur relation commerciale (notamment les services de coopération, comme la mise en tête de gondole, la présence dans le magazine de Noël, etc.). La loi, sans être silencieuse, reste floue quant à la marche à suivre en cas de désaccord au 1 er mars : les parties négocient un préavis de rupture, qui tient compte notamment de la durée de la relation commerciale. Durant ce préavis, le distributeur peut donc continuer de commander des produits, qui ne sont pas facturés au tarif demandé récemment par le fournisseur (puisqu'il y a eu désaccord sur ce nouveau tarif), mais à l'ancien tarif (celui du 1 er mars N-1), éventuellement augmenté des hausses de tarif acceptées en cours d'année (fait rare, sauf en 2022).

Par conséquent, un fournisseur peut être amené, durant six, neuf, douze, voire dix-huit mois, à livrer des produits à un tarif devenu depuis caduc au regard de sa structure de coûts : si l'inflation du coût de ses intrants est importante, comme c'est le cas depuis plusieurs mois, il peut être amené à produire « à perte », mettant potentiellement en danger son équilibre financier et donc sa capacité d'investissement, d'embauche, ou d'innovation.

Cette situation accentue le déséquilibre entre les parties : d'une part car le distributeur négocie en sachant qu'en cas de désaccord, il pourra toujours être livré, qui plus est à l'ancien tarif. Et d'autre part, car il existe de facto une sorte de prime au distributeur qui ne conclut pas d'accord, car il sera alors livré à un tarif inférieur à celui dont s'acquittent ses concurrents qui ont conclu un accord en année N. L'incitation à « jouer la montre » voire à ne pas conclure d'accord au 1 er mars est donc renforcée pour les distributeurs.

C. DES PÉNALITÉS LOGISTIQUES QUI CONTINUENT, POUR PARTIE, D'ÊTRE APPLIQUÉES DE FAÇON CONTESTABLE

Dans l'ensemble, nul ne conteste le bien-fondé de l'existence de pénalités logistiques, qui visent à réparer le préjudice subi par une partie au contrat en cas d'inexécution d'engagements de la part de l'autre partie. Appliquées à l'univers de la grande distribution, elles visent, en théorie, à s'assurer que les produits sont livrés à la bonne date et qu'ils sont conformes à la commande. Autrement, le distributeur pourrait subir des ruptures dans ses rayons, préjudiciables à son image et à ses ventes.

En pratique en revanche, les pénalités logistiques semblent être devenues un véritable « centre de profit » en elles-mêmes (elles peuvent atteindre plusieurs millions d'euros). Nombre d'abus remontent du terrain et traduisent un contournement de l'encadrement juridique pourtant renforcé par la loi Egalim 2 (pénalités sans que le préjudice ne soit démontré, pénalités alors que la rupture de rayon provient d'une désorganisation interne au distributeur, pénalités appliquées sur la valeur totale de la commande livrée, même si seuls certains produits d'une certaine catégorie sont non-conformes, etc.). Tout porte à croire que certains acteurs de la grande distribution profitent des pénalités logistiques pour compenser des pertes de marge consenties sur certains produits (pour rester peu cher), voire pour simplement engranger des recettes supplémentaires, sans lien avec la vie des affaires.

II. DES MESURES DE PROTECTION DU REVENU AGRICOLE À PROLONGER, MAIS AUX EFFETS DE BORD AVÉRÉS

A. LE RELÈVEMENT DE 10 % DU SEUIL DE REVENTE À PERTE : UN ÉCHEC PATENT POUR LA RÉMUNÉRATION DES AGRICULTEURS, MAIS UNE INFLATION AVÉRÉE, BIEN QUE MODÉRÉE

La loi Egalim de 2018 a prévu, à compter de 2019 et jusqu'en 2021 puis jusqu'au 15 avril 2023, le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte pour les produits alimentaires (« SRP+ 10 »). L'objectif alors était de « forcer » les distributeurs à réaliser un minimum de marge sur les produits qu'ils vendaient à prix coûtant (ils en faisaient des produits d'appel) afin qu'ils négocient moins durement les tarifs d'achat des produits agricoles pour que, in fine , le revenu des agriculteurs augmente. Bien que dubitatif quant à ce pari misant sur la bonne volonté des acteurs, le Sénat avait validé la mesure, toute initiative en la matière étant bonne à prendre.

Quatre ans après, le constat ne fait aucun doute, et ses craintes se sont concrétisées : le SRP+ 10 s'est révélé être un chèque en blanc de 600 M€ par an offert à la grande distribution, et un chèque en bois aux agriculteurs. Absolument aucun acteur entendu par la rapporteure, pas même le ministère de l'agriculture, n'a pu affirmer (et encore moins prouver) que cette ponction d'un demi-milliard d'euros dans les poches des consommateurs avait permis d'augmenter le revenu agricole.

En revanche, les effets de bord du SRP+ 10 sont bien réels et documentés : mesure inflationniste (chiffrée à 500 M€ par an environ, et à 1,6 Md€ pour les deux premières années par l'UFC Que Choisir), déclin des PME françaises dans les rayons (les marques nationales étant devenues plus lucratives, les distributeurs leur accordent plus de place), hausse des produits vendus sous marque de distributeur (l'écart de prix avec les marques nationales s'étant accru), pression accentuée sur certaines filières agricoles (les fruits et légumes, le distributeur voulant conserver un « prix psychologique » faible malgré l'obligation de réaliser une marge dessus).

B. L'ENCADREMENT DES PROMOTIONS SUR L'ALIMENTAIRE : UNE MESURE UTILE MAIS DESTRUCTRICE DE VALEUR DANS LE NON-ALIMENTAIRE

La deuxième mesure expérimentale de la loi Egalim, dont le terme est fixé au 15 avril 2023, fixe un plafond, en valeur (34 %) et en volume (25 %), aux promotions pouvant être réalisées sur les produits alimentaires. Son objectif était d'adoucir l'apprêté des négociations sur ces produits, qui se répercutait ensuite en amont sur les agriculteurs, et de mettre fin à la déconnexion entre la valeur du produit consommé et le prix effectivement payé par le consommateur.

Dans l'ensemble, cette mesure a porté ses fruits, et le taux de promotion sur l'alimentaire a effectivement diminué.

Pour autant, elle présente un effet de bord préjudiciable à l'emploi, à l'investissement et à l'innovation dans les territoires : les promotions ont en effet été reportées vers les rayons de la droguerie, de la parfumerie et de l'hygiène (DPH)). Les distributeurs ont ainsi fait de certains de ces produits de nouveaux produits d'appel (« 90 % de remise immédiate sur la carte de fidélité », « un produit acheté, un produit offert », etc.). En moyenne, le taux de remise atteint désormais environ 45 %.

Or ces opérations promotionnelles sont quasi-intégralement financées par les fabricants, c'est-à-dire qu'il leur est demandé de livrer certains produits à un tarif extrêmement faible, les conduisant parfois à produire à perte. Dès lors, en fragilisant ainsi leur trésorerie, l'absence d'encadrement des promotions sur le non-alimentaire fait courir un risque sérieux sur l'emploi, l'investissement et l'innovation dans ces secteurs.

En effet, une grande partie des produits DPH est fabriquée en France, que le propriétaire de la marque soit français ou étranger. En détruisant de la valeur sur le marché français, les promotions « choc » ne peuvent que conduire à des arbitrages financiers préjudiciables à la santé économique du pays.

III. UNE PROPOSITION DE LOI AUX MESURES TROP TIMORÉES POUR RÉELLEMENT RESTAURER UNE SYMÉTRIE DANS LES RELATIONS COMMERCIALES

Cette proposition de loi, composée de 15 articles, poursuit plusieurs objectifs :

• prolonger jusqu'au 15 avril 2026 l'expérimentation du SRP+ 10 et de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires (article 2) ;

• lutter contre le phénomène d'« évasion juridique » que peuvent représenter certaines centrales d'achat internationales, en précisant que les dispositions du code de commerce en matière de relations commerciales s'appliquent à toute convention entre un fournisseur et un acheteur lorsque les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français, et que seuls les tribunaux français sont compétents pour connaître des litiges en la matière (article 1 er ) ;

• mettre fin à la situation dans laquelle, pendant la durée d'un préavis de rupture, un fournisseur peut être tenu de livrer ses produits à un distributeur au tarif N-1, en prévoyant que si aucun accord n'est trouvé au 1 er mars, ou 1 er avril en cas de médiation, alors la relation commerciale est rompue sans que ne puisse être invoquée la rupture brutale (article 3) ;

• encadrer davantage les pénalités logistiques en fixant directement dans la loi un plafond de leur montant et un plafond du taux de service exigible (articles 3 bis et 3 ter ) ;

• renforcer le cadre de la sanctuarisation des matières premières agricoles dans la négociation commerciale (articles 4 et 4 bis ).

IV. LA COMMISSION A CHOISI DE RÉÉQUILIBRER LE RAPPORT DE FORCE, POUR PROTÉGER EMPLOIS, INVESTISSEMENTS ET CAPACITÉS D'INNOVATION

Si l'intention de cette proposition de loi, et plusieurs de ses dispositions, vont dans le bon sens, la commission a toutefois estimé que le rééquilibrage des relations commerciales entre fournisseur et distributeur nécessitait d'amplifier significativement sa portée. En outre, elle a souhaité corriger plusieurs effets de bord de la loi Egalim.

Les travaux de la rapporteure présentés à la commission ont donc poursuivi les objectifs suivants :

• tirer les conséquences du fait que le SRP+ 10, qui participe à l'inflation de milliers de produits achetés quotidiennement, n'a pas permis d'améliorer le revenu des agriculteurs ;

• trouver un dispositif équilibré permettant d'apaiser les relations entre fournisseurs et distributeurs en cas de désaccord lors des négociations commerciales, tout en préservant le principe de liberté contractuelle ;

• protéger l'emploi, l'investissement et l'innovation dans les secteurs non-alimentaires, aujourd'hui malmenés par les « promos choc » ;

• renforcer le cadre applicable aux pénalités logistiques afin de lutter contre les abus ;

• sécuriser juridiquement les dispositions « autres » de ce texte.

À l'article 2 , la commission a adopté un amendement de la rapporteure suspendant le SRP+ 10 jusqu'au 1 er janvier 2025 . Face à un dispositif par nature inflationniste, et n'atteignant pourtant pas l'objectif qui lui était fixé, il ne semble pas cohérent de vouloir le prolonger, a fortiori lorsque l'inflation a encore atteint 14 % en janvier 2023 . Toute mesure permettant de rendre du pouvoir d'achat est bonne à prendre, surtout qu'elle concerne ici des achats du quotidien. En outre, les craintes que cette « pause » dans le SRP+ 10 relance la guerre des prix dans l'alimentaire ne semblent pas fondées, compte tenu de l'ensemble des dispositifs protecteurs de la matière première agricole créés par la loi Egalim 2.

La commission a créé, à l'initiative de la rapporteure, un article 2 ter B étendant à tous les produits de grande consommation l'encadrement des promotions, en valeur et en volume, qui existe aujourd'hui pour les seuls produits alimentaires. La situation actuelle fait en effet courir un risque important de destruction de valeur, au détriment de l'emploi, de l'investissement et de l'innovation dans le secteur non-alimentaire. La portée inflationniste de cette mesure est en outre minime : le non-alimentaire représente à peine 20 % de la valeur des produits de grande consommation, il ne fait pas l'objet d'achats quotidiens, et nombre de sous-catégories du non-alimentaire sont aujourd'hui « sous-promues » et pourront donc toujours, demain, faire l'objet de promotions croissantes.

La suspension du SRP+ 10 diminuera les prix bien plus fortement que l'encadrement des promotions non-alimentaires ne les augmentera

La commission a également adopté un amendement de M. Cadec créant un article 2 bis A visant à contraindre fournisseurs et distributeurs à justifier, ligne par ligne, les obligations réciproques auxquelles ils s'engagent dans la convention écrite et qui permettent de diminuer le tarif fournisseur.

À l'article 3 , la commission a adopté un amendement de la rapporteure qui prévoit un mécanisme plus souple, de nature à apaiser les tensions, répondant aux craintes exprimées et préservant la liberté des parties au contrat. Cet amendement précise ainsi que le préavis de rupture (et donc le tarif applicable durant cette période) devra désormais tenir compte non seulement de la durée de la relation commerciale, mais également des conditions économiques du marché sur lequel opèrent le fournisseur et le distributeur mettant fin à leurs relations. Ces conditions peuvent, par exemple, être le taux d'inflation, celui du coût des intrants, ou encore, sans que cette liste ne soit exhaustive, la hausse moyenne de tarif acceptée par les distributeurs concurrents, qui ont conclu un accord avec le fournisseur. Pour les produits alimentaires, il est précisé en particulier que le tarif applicable durant le préavis devra respecter le principe de non-négociabilité de la matière première agricole . Cet amendement conserve par ailleurs la possibilité expérimentale pour les parties de saisir le médiateur pour négocier, sous son égide et avant le 1 er avril, les conditions d'un préavis de rupture, étant entendu qu'en cas d'échec, et si une partie saisit le juge, le médiateur peut formuler des recommandations à son intention.

Ce faisant, ce mécanisme évite à la fois les risques de rupture d'approvisionnement (la loi n'autorisant plus la rupture brutale à la fin de la médiation), les risques de livraison à perte (puisque le distributeur ne pourra plus exiger la simple application des conditions antérieures du contrat durant le préavis), et les risques de déréférencement soudain que craignaient les PME (puisqu'un préavis devra toujours être respecté).

Ce triple effet est de nature à apaiser les tensions existantes aujourd'hui, sans restreindre inutilement la liberté contractuelle des parties.

À l'article 3 bis , la commission a adopté un amendement de la rapporteure qui renforce et sécurise l'encadrement des pénalités logistiques . D'une part, il supprime la fixation du taux de service dans la loi, un pourcentage unique ne pouvant être adapté aux milliers de situations différentes rencontrées dans le commerce. D'autre part, il précise davantage l'assiette sur laquelle devra être calculé le montant maximal de 2 % des pénalités logistiques. Par ailleurs, il interdit les pénalités pour des manquements remontant à plus d'un an, et oblige le distributeur à apporter la preuve du manquement et du préjudice subi en même temps qu'il informe le fournisseur dudit manquement. Enfin, il permet au Gouvernement de suspendre l'application de ces pénalités lorsque la désorganisation des chaînes d'approvisionnement touche un ou plusieurs secteurs.

La commission a également adopté un amendement de la rapporteure créant un article 3 bis B , qui précise que la « convention logistique » négociée entre fournisseur et distributeur est un document distinct de la convention générale portant sur le tarif. Ce faisant, et si elles le souhaitent, les parties pourront négocier les aspects logistiques à un autre moment que fin février, dans l'urgence et sans que la discussion n'ait réellement lieu.

La commission a, du reste, adopté deux amendements de MM. Duplomb et Menonville créant un article 3 ter A visant à exclure les grossistes de l'application du régime des pénalités logistiques.

À l'article 4 , la commission a adopté un amendement de la rapporteure qui précise que le tiers indépendant doit attester également la méthodologie employée par le fournisseur pour faire le lien entre les évolutions de coût qu'il met en avant et leur impact sur son tarif. L'amendement indique également, explicitement, que l'attestation doit être transmise par le fournisseur au distributeur .

À l'article 5 , la commission a adopté un amendement de la rapporteure et deux amendements de MM. Tissot et Menonville qui suppriment l'habilitation à légiférer par ordonnance pour regrouper les dispositions du code de commerce propres aux grossistes. Rien ne semble justifier, en effet, que ces modifications législatives ne soient pas faites directement par le Parlement.

Tirant les conséquences de ces évolutions, la commission a adopté un amendement de la rapporteure qui modifie l'intitulé de la proposition de loi, cette dernière « tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ».

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Garantir l'application des chapitres Ier, II et III du titre IV du livre IV
du code de commerce à toute relation commerciale, dès lors que les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français ainsi qu'affirmer la compétence des tribunaux français
en la matière

Cet article précise que les dispositions du code de commerce relatives à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et à d'autres pratiques prohibées, sont d'ordre public et qu'elles s'appliquent à toute convention entre un fournisseur et un acheteur lorsque les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français.

L'intention du législateur est de considérer ces dispositions comme des lois de police, tout en laissant le soin aux juges de les consacrer effectivement comme telles, conformément à la pratique juridique. Ce faisant, cet article entend lutter contre le contournement du droit français par certains distributeurs facilité depuis quelques années par le développement de centrales d'achat et de référencement internationales.

En outre, cet article 1 er affirme la compétence exclusive des tribunaux français pour connaître des litiges portant sur l'application de ces dispositions, sous réserve du respect du droit de l'UE et du droit international.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure déplaçant le contenu de cet article 1 er au sein d'un nouvel article L. 443-9, compte tenu du fait que l'article du code de commerce initialement retenu par cet article 1 er existe déjà. Elle a également adopté un amendement de M. Menonville précisant que le recours à l'arbitrage est exclu de ces dispositions.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Un contournement de plus en plus fréquent, par certains distributeurs, du droit français relatif aux négociations commerciales par le truchement du développement de centrales d'achat installées à l'étranger

A. Le droit français relatif aux négociations commerciales entend garantir un équilibre entre fournisseurs et distributeurs

Le titre IV 2 ( * ) De la transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d'autres pratiques prohibées ») du livre IV (« De la liberté des prix et de la concurrence ») du code de commerce regroupe l'ensemble des dispositions juridiques applicables aux négociations commerciales qui se tiennent entre fournisseurs et distributeurs ainsi qu'à l'exécution du contrat en cours d'année. Leur objectif principal est d'encadrer le déroulement de ces négociations (documents à transmettre, contenu desdits documents, échéances calendaires à respecter, délais de paiement, pénalités logistiques, pratiques prohibées) et d'interdire certaines pratiques commerciales, afin de garantir un certain équilibre sur un marché caractérisé par un grand nombre de fournisseurs et un petit nombre d'acheteurs.

Son chapitre I er (art. L. 441-1 à L. 441-19) traite en particulier de la transparence dans la relation commerciale :

• sa section 1 regroupe les règles relatives aux conditions générales de vente qui sont envoyées par le fournisseur à son acheteur. Il est notamment précisé leur contenu (conditions de règlement, éléments de détermination du prix) ainsi que le fait qu'une fois établies, « elles constituent le socle unique de la négociation commerciale ». L'article L. 441-1-1, crée par l'article 4 de la loi dite « Egalim 2 3 ( * ) », précise plus particulièrement les règles de transparence applicables aux CGV des produits alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie ( cf . examen de l'article 4) ;

• sa section 2 traite de la négociation et de la formalisation de la relation commerciale. Elle précise notamment qu'à l'issue des négociations commerciales, une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur « mentionne les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties » (art. L. 441-3) et fixe différentes obligations concourant à la détermination du prix convenu (conditions de l'opération de vente comme les réductions de prix, services de coopération commerciale, etc.). Son article L. 441-4 traite plus spécifiquement de ladite convention lorsqu'elle est relative aux produits de grande consommation (mention du barème des prix unitaires, fixation du chiffre d'affaires prévisionnel et de sa révision, date d'entrée en vigueur). À noter en particulier que cet article fixe les dates de la négociation commerciale annuelle : les CGV devant être envoyées au plus tard trois mois avant le 1 er mars, la négociation débute généralement au 1 er décembre. Enfin, cette section 2 définit un certain nombre de règles applicables aux contrats portant sur les produits vendus sous marque de distributeur (modalités de détermination du prix, clause de révision automatique des prix, volume prévisionnel, durée minimale, répartition des coûts additionnels entre distributeur et fournisseur, etc.). Y figure également le régime de sanctions applicables en cas de méconnaissance de ces dispositions (art. L. 441-6) ;

• sa section 3 fixe le cadre général de la facturation et encadre les délais de paiement (art. L. 441-10 à L. 441-16) : règle générale de trente jours après réception des marchandises, délai maximal de soixante jours, taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles, etc.) ;

• sa section 4, enfin, créée à l'initiative du Sénat lors de l'examen de la loi Egalim 2, encadre les pénalités logistiques pouvant être infligées par un distributeur à un fournisseur en cas d'inexécution d'un engagement contractuel, et vice versa . Aux termes de l'article L. 441-17, ces pénalités « doivent être proportionnées au préjudice subi », et « la preuve du manquement doit être apportée par le distributeur par tout moyen ». Par ailleurs, certaines pratiques sont explicitement interdites, comme le refus ou retour de marchandises (sauf en cas de non-conformité ou de non-respect de la date de livraison) ou la déduction d'office des pénalités du montant de la facture.

Le chapitre 2 du titre IV du livre IV du code de commerce traite quant à lui des pratiques commerciales déloyales entre entreprises :

• sa section 1 concerne les pratiques restrictives de concurrence, qui engagent la responsabilité de leur auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé. Y figurent notamment l'obtention d'un avantage sans contrepartie, la soumission de l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif, l'imposition de pénalités logistiques ne respectant pas l'article L. 441-17 ( cf. supra ), et, pour les produits alimentaires et ceux destinés à l'alimentation des animaux, le fait de pratiquer à l'égard de l'autre partie des délais de paiement, des CGV ou des modalités de vente ou d'achat qui soient discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles (art. L. 442-1). De même, la rupture brutale d'une relation commerciale en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte de la durée de ladite relation, est considérée comme une pratique restrictive de concurrence. Cette section 2 précise par ailleurs que sont nuls les clauses et contrats prévoyant la possibilité de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant (art. L. 442-3), ainsi que la revente à perte (art. L. 442-5, cf. examen de l'article 2) et le fait, pour un acheteur de produits agricoles, de faire pratiquer par son fournisseur un prix de cession abusivement bas (art. L. 442-7).

Des compétences particulières reconnues aux autorités publiques
pour faire cesser ces pratiques restrictives de concurrence

Aux termes de l'article L. 442-4 du code de commerce, « l'action [visant à faire cesser ces pratiques] est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée aux articles précités ».

Si toute personne justifiant d'un intérêt peut demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation de ces pratiques ainsi que la réparation du préjudice subi, le ministre chargé de l'économie ou le ministère public dispose d'un arsenal plus large en la matière. Ils peuvent en effet, en sus , faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indument obtenus (possibilité également ouverte à la partie victime d'une telle pratique) ainsi que demander le prononcé d'une amende civile. Son montant est alors plafonné au plus élevé des trois montants suivants : cinq millions d'euros, ou le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus, ou 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'auteur des pratiques.

Par ailleurs, il est prévu que la juridiction « ordonne systématiquement la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise », et qu'elle « peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte ».

Le chapitre 3, enfin, comporte des dispositions spécifiques aux produits agricoles et aux denrées alimentaires :

• les articles L. 443-1 à L. 443-7 mêlent diverses obligations (précision de l'origine des produits agricoles périssables lorsqu'ils font l'objet d'une réduction de prix bénéficiant d'une publicité, présence d'un bon de commande établi par l'acheteur ou d'un contrat passé avec le commissionnaire ou le mandataire lors du transport de fruits et légumes frais destinés à la vente, mention au sein des CGV des indicateurs de coût de production utilisés pour la détermination du prix d'achat des produits agricoles) et interdictions (pour le distributeur de bénéficier de remises ou rabais pour certains produits agricoles lorsqu'ils ne sont pas prévus dans un contrat écrit, pour un acheteur de produits alimentaires périssables d'annuler une commande dans un délai inférieur à trente jours, pour un acheteur de produits agricoles d'utiliser ou divulguer illicitement des secrets d'affaires, etc.) ;

• l'article L. 443-8, crée par la loi Egalim 2, précise le cadre applicable à la convention unique conclue entre un fournisseur et un distributeur lorsque cette dernière concerne des produits alimentaires ou destinés à l'alimentation des animaux de compagnie. Il y est précisé, notamment, que « la négociation commerciale ne porte pas sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix des matières premières agricoles (MPA) » et que ladite convention doit comporter une clause de révision automatique des prix du contrat en fonction de la variation du coût de la MPA.

B. Le risque d'un contournement du droit français par certains distributeurs installant leurs centrales d'achat à l'étranger a augmenté ces dernières années...

1) Des centrales internationales censées permettre aux distributeurs de négocier à armes égales avec les grands industriels

Depuis plusieurs années s'est développée la pratique consistant à créer à l'étranger des centrales d'achat et de référencement 4 ( * ) (Belgique, Suisse, Espagne, etc.) regroupant généralement des distributeurs de nationalités différentes. Les principales centrales d'achat internationales dans lesquelles figurent des enseignes françaises sont listées dans l'encadré suivant.

L'objectif souvent mis en avant par les distributeurs est quadruple :

• ces centrales permettraient d'accroître leur pouvoir de négociation vis-à-vis de certains fournisseurs industriels de très grande taille (Coca-Cola, Nestlé, Ferrero, Danone, Unilever, etc.) ;

• elles permettraient de mettre fin à certaines pratiques de fournisseurs qui proposeraient des tarifs différents aux distributeurs selon le pays de commercialisation de leurs produits. Pour les distributeurs, ces pratiques, lorsqu'elles ont lieu entre des pays aux niveaux de vie similaires, pourraient être assimilées à une forme de discrimination pratiquée par les industriels. Pour les industriels, en revanche, l'écart de prix s'explique par plusieurs facteurs : les charges sociales et fiscales diffèrent d'un pays à l'autre, les habitudes de consommation seraient rarement les mêmes entre les pays (le volume de produits vendus impactant le tarif nécessaire à sa rentabilité), les investissements marketing ne sont pas les mêmes, les pratiques promotionnelles (particulièrement agressives en France) diffèrent entre les pays et peuvent justifier, pour les financer, l'application d'un tarif en rayon plus élevé, etc. ;

• elles seraient sources d'économies d'échelle, en regroupant les fonctions « achat » et en massifiant les commandes auprès des grandes marques ;

• elles se justifieraient par la présence de l'enseigne de grande distribution dans plusieurs pays (c'est par exemple le cas de la centrale Eureca à Madrid, à travers laquelle Carrefour négocie pour six pays dans lesquels il est implanté).

Un développement croissant, depuis quelques années, de centrales d'achat internationales

Outre la centrale d'achat Eurelec (Leclerc et Rewe) mise en place en 2016, plusieurs centrales internationales ont été créées récemment :

- la centrale internationale Coopernic (Leclerc, Rewe (Allemagne), Coop (Suisse), Delhaize (Belgique), Coop Italia (Italie)) ;

- Global Retail Services, la structure internationale de l'alliance à l'achat Auxo, qui négocie des services internationaux (et non l'achat de produits) ;

- Carrefour World Trade, qui négocie pour neuf marchés de Carrefour (France, Espagne, Belgique, Italie, Pologne, Roumanie, Argentine, Brésil, Chine) et pour l'entreprise Louis Delhaize ;

- Eureca, centrale créée par Carrefour et chargée d'acheter exclusivement pour Carrefour, pour six pays européens ;

- Epic, centrale regroupant Système U, Edeka (Allemagne), Picnic (Pays-Bas), Migros (Suisse), Jeronimo Martins (Portugal) et ICA (Suède) ;

- Everest, regroupant Système U, Edeka (Allemagne), Picnic (Pays-Bas).

Ces centrales et alliances à l'achat traitent avec un nombre croissant de fournisseurs industriels : alors qu'Eurelec (E. Leclerc) traitait avec quatre fournisseurs il y a six ans, ce sont désormais 40 fournisseurs qui y sont « attirés ». La centrale Eureca (Carrefour), initiée en 2023, traite, sous droit espagnol, avec quatre industriels (Kellogg's, Mars, Redbull, Reckitt Benckiser) et a annoncé son souhait de passer à 20 fournisseurs en 2024 puis 40 d'ici trois ans.

Si les centrales d'achat internationales expliquent n'y « attirer » que les grands industriels, et non pas les PME et les ETI, cette affirmation est remise en cause tant du côté des fournisseurs que des producteurs agricoles, ces derniers constatant notamment que « l'évasion de la négociation à l'étranger est un grand risque car ne sont plus invités seulement les grands groupes mais aussi des ETI françaises qui valorisent des produits agricoles français. Ce risque doit être pris au sérieux par le législateur . [...] Si la non-négociabilité de la matière première agricole n'est plus assurée parce que la négociation se sera déroulée à l'étranger, alors la rémunération des agriculteurs sera mise en danger 5 ( * ) ». Du reste, les services ministériels ont confirmé à la rapporteure que le spectre des fournisseurs concernés s'élargissait, pour atteindre désormais les ETI. Certaines d'entre elles réalisent plus de 80 % de leur chiffre d'affaires en France.

Selon plusieurs industriels entendus par la rapporteure, la « valse » des centrales et alliances d'achat ne se justifie par aucune stratégie industrielle ou commerciale, mais par la volonté d'accroître la pression commerciale sur le stade amont en s'exonérant de l'application du droit français. En outre, ces centrales (françaises comme internationales) se font et se défont très rapidement ; dans le cas des centrales internationales, sans qu'aucun critère objectif, justifiant que tel fournisseur y soit « attiré » mais pas tel autre, ne soit rendu public (ni même communiqué aux fournisseurs, d'après ces derniers) 6 ( * ) .

Des centrales d'achat nationales dont le périmètre a évolué fréquemment ces dernières années

Au-delà de la problématique des centrales internationales et du droit applicable aux négociations qu'elles conduisent, se pose de plus en plus celle du périmètre mouvant des centrales (ou alliances) « seulement » nationales.

Ainsi en 2014, quatre alliances existaient : Inca Achats (Intermarché et Casino, pour 26 % représentant 26 % de parts de marché), Alliance (Auchanet Système U) et une centrale regroupant Carrefour et Provera. Avec la centrale Le Galec (Leclerc), 90 % du marché étaient couverts par ces quatre centrales.

En 2018, plusieurs évolutions ont eu lieu : la centrale Envergure a été créée, regroupant Carrefour, Système U et Provera, une alliance à l'achat baptisée Horizon a été conclue entre Auchan, Casino, Métro et Schiever, et l'alliance à l'achat Inca Achats (Intermarché et Casino) a pris fin.

En 2021, l'alliance à l'achat Horizon a pris fin, Intermarché et Casino se sont à nouveau rapprochés en créant l'alliance Auxo (composée de deux structures au niveau national et une structure au niveau international), et Carrefour et Système U ont mis fin à leur alliance à l'achat Envergure.

Désormais, 67 industriels de l'alimentaire et 47 fournisseurs de produits non-alimentaires sont concernés par les négociations avec l'alliance Auxo (Intermarché et Casino).

2) Un développement qui permet notamment (voire avant tout) de contourner la loi française

Pour autant, un des objectifs du développement de ces centrales d'achat et de référencement internationales semble être, de l'avis général des acteurs (publics et privés) entendus par la rapporteure, à l'exception évidente des distributeurs, de contourner la loi française, cette dernière comportant un nombre important de dispositions visant à équilibrer le rapport de force entre fournisseurs et distributeurs. Ce constat est particulièrement mis en avant dans le cas d'enseignes françaises n'ayant qu'une faible présence à l'international.

Une note interne de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), dont la presse s'est faite l'écho 7 ( * ) , soulignait ainsi fin 2017 que la centrale internationale Eurelec, regroupant le groupe Leclerc et le groupe allemand Rewe, visait à « délocaliser la négociation commerciale à l'étranger » pour « éviter l'application de la loi française ». Du reste, selon cette note, ce déplacement des négociations à l'étranger s'accompagnerait de « fortes dégradations des tarifs sans contrepartie et de nombreuses mesures de rétorsion contre les fournisseurs ».

À noter, du reste, que la centrale Eurelec est de droit belge alors qu'E. Leclerc réalise 95 % de son activité en France. Les développements récents concernant Système U soulèvent des préoccupations similaires parmi les industriels : alors que la quasi-intégralité de son résultat est réalisée en France, l'enseigne vient de rejoindre une alliance à l'achat située aux Pays-Bas, en association avec Pic-Nic et Edeka.

Par ailleurs, la commission d'enquête de 2019 sur la situation et les pratiques de la grande distribution et ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs 8 ( * ) , concluait également, à propos de la centrale Eurelec, que « de la sorte, il devient possible de s'affranchir de certaines règles françaises (droit de la concurrence, délais de paiement, etc.) en organisant une véritable "extraterritorialité" ». Plus globalement, la commission a identifié un certain nombre de pratiques déloyales résultant du développement de ces centrales internationales, notamment le fait que « la signature d'un contrat avec une centrale de services européenne soit devenue un préalable à l'ouverture des négociations au niveau national », ou encore que « des pressions ont pu être exercées au niveau national pour forcer à la conclusion d'accords internationaux ».

Certaines pratiques mises en avant lors des auditions de la rapporteure confirment que l'objectif de certaines centrales internationales est bien, avant tout, de contourner le droit français : une centrale internationale réunissant une enseigne française et une enseigne allemande, par exemple, a fait le choix de négocier sous droit allemand avec ses fournisseurs allemands, mais sous droit belge avec ses fournisseurs... français.

C. ... bien que les juridictions françaises et les pouvoirs publics aient, à plusieurs reprises, confirmé que ces dispositions s'appliquent à des opérateurs situés à l'étranger lorsque l'exécution de la relation commerciale a lieu en France, compte tenu de leur caractère de loi de police

1) Afin de garantir l'effectivité de la loi, certaines dispositions sont érigées au rang de loi police par le législateur ou le juge

Une disposition érigée au rang de « loi de police » vise à définir quelle loi est applicable en cas de litige pour lequel plusieurs lois pourraient trouver à s'appliquer.

Si la règle générale en matière contractuelle, qui figure à l'article 3 du règlement européen dit « Rome I » 9 ( * ) , précise que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties », son article 9 précise, par dérogation à cette règle générale, qu'« une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement ». Autrement dit, certaines dispositions juridiques sont d'une importance telle pour la préservation de l'ordre public, que leur application prime sur celle d'une autre loi. Cet article 9 précise par ailleurs que « les dispositions du présent règlement ne pourront porter atteinte à l'application des lois de police du juge saisi », et qu'« il pourra également être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées, dans la mesure où lesdites lois de police rendent l'exécution du contrat illégale ». De façon générale, les lois de police en matière économique visent à protéger la partie faible d'une relation contractuelle.

Rares sont les dispositions juridiques érigées au rang de « loi de police » par le législateur lui-même. Il peut à cet égard être noté :

• les articles L. 311-15 et L. 311-23 du code des assurances, qui traitent de dispositions relatives aux mesures de prévention et de résolution ;

• les articles L. 613-45-1 et L. 613-50-4 du code monétaire et financier, qui traitent de dispositions relatives aux mesures d'intervention précoce en matière de prévention et de gestion des crises bancaires ;

• de 1995 à 2014, l'article L. 135-1 du code de la consommation qui prévoyait que « les dispositions de l'article L. 132-1 [interdiction des clauses abusives créant un déséquilibre significatif entre les parties] sont applicables lorsque la loi qui régit le contrat est celle d'un État n'appartenant pas à l'Union européenne, que le consommateur ou le non-professionnel a son domicile sur le territoire de l'un des États membres de l'Union européenne et que le contrat y est proposé, conclu ou exécuté ».

À noter par ailleurs que l'article 3 du Code civil précise que « les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire ».

Outre ces dispositions légales, différentes jurisprudences ont érigé certaines dispositions juridiques, notamment du code de commerce, au rang de loi de police.

Ainsi de la Cour de cassation qui, en 2020, dans un litige opposant le ministre de l'économie à différentes entreprises de voyage (Expedia, Travelscape, Hotels.com, Vacationspot), a jugé que « la cour d'appel a exactement retenu que l'article L. 442-6, I, 2° et II, d) du code de commerce 10 ( * ) , prévoit des dispositions impératives dont le respect est jugé crucial pour la préservation d'une certaine égalité des armes et loyauté entre partenaires économiques et qui s'avèrent donc indispensables pour l'organisation économique et sociale de la France, ce dont elle a déduit, à bon droit, qu'elles constituent des lois de police dont l'application [...] s'impose au juge saisi, sans qu'il soit besoin de rechercher la règle de conflit de lois conduisant à la détermination de la loi applicable 11 ( * ) ».

Ainsi toujours de la Cour de cassation qui, en 2016, dans un litige opposant le ministre de l'économie et la société Apple, a jugé que « l'arrêt [de la cour d'appel] énonce, à bon droit, que l'action ainsi attribuée [au ministre] au titre d'une mission de gardien de l'ordre public économique pour protéger le fonctionnement du marché et de la concurrence est une action autonome dont la connaissance est réservée aux juridictions étatiques au regard de sa nature et de son objet ; que, le ministre n'agissant ni comme partie au contrat ni sur le fondement de celui-ci, la cour d'appel a caractérisé l'inapplicabilité manifeste au litige de la convention d'arbitrage du contrat de distribution ».

Ainsi également du tribunal de commerce de Paris, qui dans une décision de 2019 a rappelé que « l'article L. 442-6 [devenu L. 442-1] étant une loi de police, [le ministre chargé de l'économie] bénéficie pour se faire d'une action autonome de protection du fonctionnement du marché national et de la concurrence, action qui n'est pas soumise au consentement des cocontractants ».

Par ailleurs, le 23 juin 2022, au cours d'un litige opposant le ministre de l'économie et Eurelec, le juge administratif a constaté le caractère de loi de police de l'article L. 441-3 du code de commerce (relatif à la convention unique devant être signée avant le 1 er mars entre le fournisseur et le distributeur), et en a déduit son applicabilité aux contrats conclus par la centrale d'achat, nonobstant son statut de société de droit belge. Dans ce litige, Eurelec contestait une sanction administrative de 6,134 millions d'euros qui lui avait été infligée en 2020 par la DIRECCTE d'Île-de-France en raison de 21 manquements à l'obligation de la société de conclure avec ses fournisseurs des conventions au plus tard à la date du 1 er mars de l'année de leur application.

En particulier, Eurelec soutenait que les dispositions de l'article L. 441-3 « ne lui sont pas opposables, dès lors que les contrats de vente conclus avec ses fournisseurs sous soumis à la législation belge ». Sur ce point, le juge administratif a considéré que « ces dispositions s'appliquent en tant que loi de police à toute convention conclue entre un fournisseur et un distributeur ayant pour objet la distribution de produits sur le marché français, sans qu'y fassent obstacle les circonstances que la convention est régie par une autre loi choisie par les parties, a été conclue dans un autre pays ou prévoit également la distribution de produits en dehors du marché français ». En outre, il a précisé que « ces dispositions poursuivent ainsi un objectif de défense de l'ordre public économique et permettent, par leur effet dissuasif, un fonctionnement équilibré du marché dans son ensemble ». Enfin, le juge a rappelé la compatibilité de la sanction infligée avec le droit européen.

Une décision récente de la CJUE relative à la compétence judiciaire en matière civile
et commerciale suscite quelques incertitudes

Entre 2016 et 2018, le ministre français de l'économie et des finances a conduit une enquête qui l'a conduit à soupçonner l'existence de pratiques possiblement restrictives de concurrence mises en oeuvre en Belgique par Eurelec, Scabel 12 ( * ) , le GALEC 13 ( * ) et l'ACDLEC 14 ( * ) à l'égard de fournisseurs établis en France (baisses de prix sans contrepartie, application de la loi belge aux contrats conclus afin de contourner le droit français, notamment).

À la suite d'opérations de visites et de saisies de documents effectuées en février 2018, le ministre a estimé que la réalité de ces pratiques était confirmée et a assigné Eurelec, Scabel, le GALEC et l'ACDLEC devant le tribunal de commerce de Paris, sur le fondement de l'ancien article L. 442-6 du code de commerce (devenu L. 442-1) « aux fins que celui-ci constate que ces pratiques soumettaient leurs partenaires commerciaux à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », leur enjoigne de cesser ces pratiques et les condamne, entre autres, à une amende civile. Le ministre a invoqué, pour justifier la compétence des juges français en la matière alors que les sociétés assignées sont domiciliées à l'étranger, le règlement européen n° 1215/2012 du 20 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I bis ». Son article 7 dispose, en effet, « qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre [...] en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande ». Par ailleurs, aux termes de son article 1 er , « le présent règlement s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s'applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l'État pour des actes ou des omissions commis dans l'exercice de la puissance publique ».

Les sociétés assignées ont contesté la compétence des juridictions françaises pour connaître de cette action, compte tenu du fait qu'Eurelec et Scabel sont des sociétés établies en Belgique. Par un jugement du 15 avril 2021, le tribunal de Paris s'est néanmoins déclaré compétent pour connaître de l'action. Eurelec et Scabel ont alors interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris. Elles considèrent en effet que l'action intentée par le ministre ne relevait pas de la « matière civile et commerciale », au sens du règlement européen n° 1215/2012 et, par conséquent, que cette juridiction était donc incompétente. Eurelec et Scabel s'appuient notamment sur le fait que l'article 1 er dudit règlement exclut de son champ d'application la responsabilité de l'État pour des actes commis dans l'exercice de la puissance publique ; or, tant les pouvoirs d'enquête mis en oeuvre par le ministre que la demande de prononcé d'une amende civile seraient des pouvoirs exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers.

La cour d'appel de Paris a donc posé une question préjudicielle à la CJUE visant à savoir si la « matière civile et commerciale » mentionnée à l'article 1 er du règlement doit être interprétée comme intégrant dans son champ d'application l'action intentée par le ministre à l'encontre d'une société belge sur la base d'éléments de preuve obtenus au moyen de ses pouvoirs d'enquête spécifiques.

La CJUE a rendu sa décision le 22 décembre 2022, dans laquelle elle affirme qu'« il y a lieu de répondre à la question posée que l'article 1 er , paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que la notion de "matière civile et commerciale", au sens de cette disposition, n'inclut pas l'action d'une autorité publique d'un État membre contre des sociétés établies dans un autre État membre aux fins de faire reconnaître, sanctionner et cesser des pratiques restrictives de concurrence à l'égard de fournisseurs établis dans le premier État membre, lorsque cette autorité publique exerce des pouvoirs d'agir en justice ou des pouvoirs d'enquête exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers ». Dans le même temps, tout en affirmant que l'action du ministre ne relève pas de la notion de matière civile et commerciale, la CJUE précise : « ce qu'il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier » .

Cette décision est donc sujette à diverses interprétations, qu'il appartiendra au juge français de clarifier. Du reste, si le règlement n° 1215/2012 ne peut être utilement invoqué, d'autres dispositions juridiques peuvent toutefois justifier la compétence des juridictions françaises. L'affaire sera plaidée devant la cour d'appel le 5 avril 2023.

II. Le dispositif envisagé - Consacrer d'ordre public les trois chapitres en question du code de commerce et affirmer la compétence exclusive des tribunaux français en la matière

Dans sa rédaction initiale, l'article 1 er de la proposition de loi créait un nouvel article L. 440-2 au sein du code de commerce, aux termes duquel l'ensemble des dispositions du titre IV du livre IV s'appliquait à toute relation commerciale, dès lors que les produits ou services concernés étaient commercialisés sur le territoire français. Toute clause contraire était par ailleurs réputée non écrite. Enfin, cet article disposait que « tout litige portant sur l'application des dispositions de ce titre relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve de l'application d'une disposition expresse contraire prévue par un règlement européen ou un traité international ratifié par la France » .

Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, « le premier article vient confirmer le caractère de lois de police reconnu par la jurisprudence en ce qui concerne les dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce ». Il est explicitement indiqué qu'il s'agit là de lutter contre l'évasion juridique permettant le contournement de la loi française.

En commission, un amendement du rapporteur (par ailleurs auteur de la proposition de loi) a légèrement circonscrit le champ d'application de cet article 1 er et a précisé le contenu de ce dernier.

Désormais, ce n'est plus tout le titre IV qui bénéficie de cette protection, mais trois de ses chapitres (I er , II et III), considérant à juste titre que le chapitre préliminaire du titre IV, qui concerne la commission d'examen des pratiques commerciales, ne nécessitait pas d'être inclus dans le dispositif. Par ailleurs, il est précisé que « ces dispositions sont d'ordre public » (c'est-à-dire qu'il ne peut y être dérogé, même en cas de volonté partagée des parties au contrat). Une modification rédactionnelle concernant la primauté du droit de l'Union européenne a également été introduite. Par ailleurs, ces dispositions sont désormais inscrites au sein de l'article L. 444-1.

III. La position de la commission - Souscrire pleinement à ce dispositif pour lutter contre l'évasion juridique de certaines enseignes

Les velléités de contournement du droit français, dont l'objectif est de garantir un équilibre dans des négociations commerciales, ne sont pas acceptables et contribuent non seulement à tendre encore davantage les relations entre fournisseurs et distributeurs, mais aussi à pénaliser in fine les producteurs agricoles et alimentaires, les distributeurs cherchant à se soustraire aux lois Egalim et Egalim 2.

Or il y a fort à craindre que cette « évasion juridique » se renforce dans les années à venir, à mesure que le législateur rééquilibre le rapport de force entre fournisseurs et distributeurs.

C'est pourquoi les dispositions de cet article 1 er sont bienvenues. La rapporteure se félicite du choix qui a été fait de préciser que les chapitres en question du code de commerce sont d'ordre public, plutôt que d'inscrire directement dans la loi leur caractère de loi de police. Ériger près de quarante articles à ce rang aurait en effet pu entrer en contradiction avec le droit de l'Union européenne 15 ( * ) , et aurait pu conduire certains acteurs à considérer, a contrario , que tous les autres articles du code de commerce ne peuvent être considérés comme des lois de police.

L'intention du législateur est ainsi clairement affirmée, que ce soit dans les différents exposés des motifs, ou dans les prises de parole publiques des parlementaires.

Du reste, il est utile que la loi rappelle le caractère d'ordre public de ces dispositions, car elle laisse ainsi la possibilité au juge de les considérer comme lois de police.

Compte tenu du fait que l'article L. 444-1 existe déjà au sein du code de commerce, la commission a adopté un amendement COM-39 de la rapporteure déplaçant le contenu de cet article 1 er au sein d'un nouvel article L. 443-9.

Elle a par ailleurs adopté un amendement COM-37 de M. Menonville précisant que ces dispositions ne s'appliquent pas aux clauses d'arbitrage.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2

Prorogation des dispositions relatives au relèvement du seuil de revente
à perte et à l'encadrement des promotions

Cet article prolonge de trois ans, jusqu'au 15 avril 2026, l'expérimentation relative au relèvement de 10 % du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions sur les denrées alimentaires et produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement qui :

- suspend l'application du SRP+ 10 jusqu'au 1 er janvier 2025, compte tenu de son inefficacité avérée en matière de revalorisation du revenu agricole et de son effet inflationniste. Par ailleurs, il exclue, à compter de cette date, les fruits et légumes frais de l'application du SRP+10, laissant la possibilité pour le ministre, par arrêté, de réintégrer certains de ces produits sur demande motivée de l'interprofession ;

- contraint les distributeurs à informer le Gouvernement, d'ici fin 2025, de l'usage qui a été fait du surcroît de recettes issu du SRP+ 10 durant les années de sa mise en application ;

- prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement, fin 2025, évaluant les effets du SRP+ 10 sur la période 2019-2022 et en 2025.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement de la rapporteure et trois amendements de ses collègues créant un article additionnel avant l'article 2 ter , étendant à tous les produits de grande consommation l'encadrement des promotions applicable aujourd'hui aux seuls produits alimentaires.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Deux dispositions expérimentales dont les avantages n'ont pas encore été clairement démontrés, mais dont certains effets de bord sont désormais bien documentés

A. Le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte pour les produits alimentaires : une manne financière pour les distributeurs, qui n'a que peu ruisselé jusqu'aux agriculteurs

1) Présentation du seuil de revente à perte

Aux termes de l'article L. 442-5 du code de commerce, la vente à perte est interdite. En effet, « le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 75 000 € d'amende. » Ce même article définit ensuite la notion de prix d'achat effectif : « le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat, minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport. »

Une définition qui a évolué en 2005 pour y intégrer les « marges arrières »

Cette définition du seuil de revente à perte a évolué dans le temps : avant la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, le prix d'achat ne pouvait être minoré des autres avantages financiers consentis par le vendeur. Autrement dit, le distributeur était obligé de revendre les produits au-dessus d'un prix d'achat qui n'incluait pas les services commerciaux qu'il vendait au fournisseur (placement en tête de gondole, dans le magazine, opérations spéciales en cours d'année, transmission de données statistiques sur les ventes, etc.), bien que ces services venaient, dans les faits, diminuer le réel prix d'achat acquitté par le distributeur (puisqu'il perçoit une somme en contrepartie de ces services). Ces services, dont l'utilité et la réalité matérielle de certains d'entre eux ont souvent été contestées par les fournisseurs, sont considérés comme des « marges arrières » pour le distributeur (par opposition à la « marge avant » qu'il réalise en vendant simplement plus cher qu'il n'a acheté).

Le fait d'avoir intégré ces marges arrières dans le calcul du seuil de revente à perte est généralement considéré comme ayant entraîné une diminution des prix.

Si la règle générale est l'interdiction de la vente à perte, ce même article L. 442-5 prévoit plusieurs exceptions, dont : l'affectation d'un coefficient de 0,9 au prix d'achat effectif pour les grossistes, les ventes volontaires ou forcées du fait d'une cessation d'activité, les produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, les produits soldés, etc. Pour ces produits, soit le seuil de revente à perte est minoré, soit il ne s'applique pas.

2) Pour les produits alimentaires, une expérimentation du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte depuis 2019, devant s'interrompre le 15 avril 2023

À la suite des États généraux de l'alimentation tenus en 2017, l'article 15 de la loi Egalim 16 ( * ) a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prévoir sur deux ans « d'affecter le prix d'achat effectif [...] d'un coefficient égal à 1,1 pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, revendus en l'état au consommateur ». Autrement dit, un produit alimentaire acheté 1 € par un distributeur doit être revendu, au minimum, à 1,1 €.

L'objectif affiché alors était celui d'un « ruissellement » de l'aval vers l'amont permettant d'augmenter le revenu des agriculteurs : les distributeurs ne pratiquant aucune marge sur certains produits dits « d'appel », l'obligation de dégager une marge via le SRP+ 10 était supposée leur octroyer une marge de manoeuvre financière leur permettant de revaloriser, en parallèle, le tarif auquel ils acquièrent certains produits agricoles et alimentaires.

À la suite de l'adoption de la loi Egalim, l'ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 17 ( * ) est venue concrétiser ce relèvement du SRP. Ses articles 1 er et 2 créent une expérimentation de deux ans (du 1 er février 2019 au 1 er février 2021 18 ( * ) ) durant laquelle ce relèvement de 10 % du SRP s'applique. Cette expérimentation a ensuite été prolongée par l'article 125 de la loi ASAP 19 ( * ) du 7 décembre 2020 jusqu'au 15 avril 2023 et, en outre, inscrit « en dur » dans la loi ces dispositions qui figuraient jusqu'alors dans l'ordonnance.

La loi Egalim 2 20 ( * ) a ensuite apporté plusieurs modifications à cette expérimentation du SRP+ 10 :

• elle a modifié le calcul de la majoration du seuil de revente pour les alcools, afin que le prix d'achat effectif sur la base duquel est calculé le SRP n'inclue plus le montant des droits d'accise (I bis ) ;

• à l'initiative du Sénat, elle a permis au ministre chargé de l'agriculture, par arrêté, de fixer une liste de fruits et légumes pour lesquels, par dérogation, le SRP+ 10 ne s'applique pas, sous réserve que le SRP+ 10 se soit traduit par une baisse du revenu du producteur agricole en raison de la saisonnalité des productions concernées, et que cette dérogation ait fait l'objet d'une demande motivée par l'interprofession représentative des produits concernés (I ter ).

D'après les éléments recueillis par la rapporteure, et quand bien même nombre de collèges de producteurs (tomates, pommes, poires, fraises, melons, etc.) souhaiteraient bénéficier de cette dérogation, l'interprofession des fruits et légumes frais n'a pas transmis de telle demande, en raison de l'opposition en son sein de certains acteurs de la distribution. Or une telle demande doit être décidée à l'unanimité de l'interprofession.

• Enfin, toujours à l'initiative du Sénat, la loi a complété le contenu des rapports d'évaluation du SRP+ 10 fournis par le Gouvernement au Parlement, afin d'y inclure des données relatives à l'usage qui a été fait par la grande distribution des recettes supplémentaires et à la revalorisation - ou non - des prix d'achat des produits agricoles.

B. L'encadrement, en valeur et en volume, des promotions sur les produits alimentaires : une mesure qui a effectivement diminué les remises sur ces produits

Pour une présentation détaillée de cette disposition, voir le commentaire du nouvel article 2 bis A créé par la commission à l'initiative de la rapporteure.

II. Le dispositif envisagé - Prolonger de trois années l'expérimentation du relèvement de 10 % du SRP et de l'encadrement en valeur et volume des promotions sur les produits alimentaires

Dans sa rédaction initiale, l'article 2 de la proposition de loi abrogeait le VII de l'article 125 de la loi ASAP, c'est-à-dire la disposition qui précisait que le SRP+ 10 et l'encadrement des promotions s'appliquaient jusqu'au 15 avril 2023. Par conséquent, ces deux mesures étaient pérennisées.

En commission, à l'initiative du rapporteur, il a été privilégié de prolonger l'expérimentation jusqu'au 15 avril 2026, plutôt que de la pérenniser.

En séance, aucune modification n'a été apportée à cet article 2.

III. La position de la commission - Mettre en pause le SRP+ 10 compte tenu de la période inflationniste

A. Comme anticipé par le Sénat dès 2018, le SRP+ 10 semble avoir été peu efficace en matière d'augmentation du revenu agricole

1) Un réel « ruissellement » qui se fait toujours attendre, des effets de bord dommageables et nombreux

Le mécanisme du SRP+ 10 repose intrinsèquement sur le bon vouloir des distributeurs et des industriels en matière de rétrocession aux agriculteurs du surcroît de marge dégagé. Aucun contrôle spécifique n'est prévu pour s'assurer que la manne financière issue du relèvement du SRP soit effectivement, dans les faits, utilisée par la grande distribution pour assouplir l'apprêté des négociations du prix d'achat des produits agricoles et alimentaires, et, dans l'hypothèse où les distributeurs auraient « joué le jeu », aucun contrôle n'est prévu pour s'assurer que les industriels qui bénéficieraient de ces meilleurs tarifs les répercutent effectivement sous forme de revalorisation du prix d'achat des produits agricoles. En outre, aucune sanction n'est prévue pour les cas où l'absence de ruissellement serait documentée.

Par conséquent, ainsi que l'avait déjà indiqué le Sénat dès 2018, peu d'espoirs de revalorisation du revenu agricole pouvaient être placés dans ce mécanisme. Toute tentative, même modeste, d'amélioration du revenu des agriculteurs étant bonne à prendre, le Sénat avait donc fait le choix de ne pas se priver de cette expérimentation. Mais le rapporteur Michel Raison déclarait alors : « il est même possible que le projet de loi fasse l'inverse de ce qu'il prétend. C'est un pari, monsieur le ministre. Et ce pari très risqué pourrait se retourner contre les producteurs. Je suis favorable au relèvement du seuil de revente à perte, ou SRP, à 10 %. Mais s'il n'y a pas ruissellement, comme prévu, cela reviendra à gonfler les marges des distributeurs sans améliorer les revenus des producteurs 21 ( * ) ».

Dans un rapport sénatorial du groupe de suivi de la loi Egalim paru un an après, il était fait le constat d'une part de l'inefficacité du SRP+ 10 (les négociations commerciales ayant abouti, au global, à une baisse de 0,4 % du tarif des fournisseurs) et d'autre part de l'apparition d'effets de bord fort dommageables :

• premièrement, si l'inflation globale dans les rayons atteignait 0,3 %, elle s'élevait alors à 6 % pour le beurre, 6,8 % pour les apéritifs anisés, 5,2 % pour les whiskies (compte tenu du SRP+ 10). Le consommateur ressent donc concrètement les effets de cette mesure ;

• deuxièmement, le ruissellement semble ne pas avoir eu lieu : « les agriculteurs n'ont pas, pour l'instant, et de l'accord unanime des acteurs, ressenti un quelconque effet de la loi 22 ( * ) » ;

• troisièmement, le SRP a même conduit à réduire la rémunération accordée à certains producteurs agricoles (afin de conserver, malgré le SRP+ 10, certains prix dits « psychologiques », comme l'étiquette à 1,99 €, les distributeurs ont fait le choix de négocier à la baisse le tarif d'achat de certains produits).

Dès ce rapport, il était fait le constat que la manne financière (évaluée généralement à 500 millions d'euros 23 ( * ) environ, et à 800 millions d'euros par l'UFC Que Choisir) ainsi octroyée aux distributeurs leur avait surtout permis de baisser les prix des produits vendus sous marque de distributeur et de baisser les prix des produits non-alimentaires (droguerie, parfumerie, hygiène, etc.) afin d'en faire des produits d'appel. En outre, il était constaté que le SRP+ 10 avait entraîné un déplacement de la guerre des prix des marques nationales vers les MDD (qui retrouvaient, grâce à l'accroissement de l'écart de prix avec les marques nationales, une plus grande compétitivité). Enfin, et ce constat a été corroboré par un rapport gouvernemental d'octobre 2022, le SRP+ 10 (ainsi que l'encadrement des promotions, cf. infra ) a pénalisé la part de marché des PME.

Un rapport plus récent 24 ( * ) de ce même groupe de suivi de la loi Egalim, daté de juillet 2022, constatait à nouveau le très faible impact du SRP+ 10 sur le revenu des agriculteurs, et appelait du reste à étudier l'opportunité de le supprimer pour certaines filières particulièrement impactées par ses effets de bord. Ainsi que l'a à nouveau confirmé en audition à la rapporteure un acteur agricole important, les filières des fraises, des tomates, des melons, des carottes, des asperges, constatent que les marges des producteurs ont diminué à la suite de la mise en oeuvre du SRP+ 10.

Du reste, aucun acteur, y compris agricole, n'a pu démontrer lors des auditions que le SRP+ 10, au-delà du fait qu'il aurait permis de redonner de la valeur à certains produits alimentaires aux yeux des consommateurs, s'est effectivement traduit par une amélioration directe du revenu des agriculteurs. Généralement, les acteurs agricoles soutiennent le SRP+ 10 pour d'autres raisons : ils craignent que sans lui, la guerre des prix s'accentue, et ils le voient comme un outil qui s'intègre plus globalement dans un ensemble de dispositifs permettant de mieux valoriser la production agricole aux yeux des consommateurs finaux.

Interrogés par la rapporteure quant au fait que la suppression du SRP+ 10 pourrait permettre de diminuer les prix, les services du ministère de l'économie, tout en rappelant leur opposition à une telle suppression, ont indiqué que : « l'hypothèse que la suppression du SRP majoré puisse faire baisser les prix, ou tout du moins limiter leur hausse, ne peut être totalement exclue. En effet, le contexte inflationniste actuel pourrait inciter les distributeurs à adopter des stratégies tarifaires, et donc des marges, différentes de celles qui prévalaient lorsque les mesures expérimentales sont entrées en vigueur, période où l'inflation sur les PGC était nulle ou négative dans les grandes et moyennes surfaces ».

2) Même les rapports gouvernementaux ne parviennent pas à prouver que le ruissellement a bien eu lieu

Un rapport du Gouvernement remis au Parlement en octobre 2022 conformément à la loi Egalim 2 constate en effet que : « Aux deux questions : la loi a-t-elle créé de la valeur dans la chaîne alimentaire allant des fournisseurs aux distributeurs et de ces derniers aux consommateurs ? A-t- elle en particulier permis d'opérer un déversement de revenu aux producteurs ? Les analyses des statistiques macroéconomiques et des panels n'ont pas permis d'apporter une réponse incontestable. [...]En outre, les données à ce jour disponibles ne permettent pas de déterminer comment cet éventuel accroissement du chiffre d'affaires total a pu agir sur le partage de la valeur et sur le revenu des agriculteurs. »

Pourtant, ce même rapport confirme bien que le SRP+ 10 (ainsi que l'encadrement des promotions) a été source d'inflation, bien que dans des proportions moindres que celles mises en avant lors de l'examen d'Egalim 1.

Du reste, la rapporteure regrette que le rapport d'évaluation du SRP+ 10, outre le fait qu'il ne conclue aucunement quant à l'efficacité du ruissellement, ne porte que sur des années désormais éloignées dans le temps : 2019 et, en partie, 2020. Plus regrettable encore, ce rapport, qui a été rendu deux ans après le premier rapport 25 ( * ) d'évaluation, porte... sur les mêmes années d'étude que le premier rapport ! Autrement dit, il se contente essentiellement d'affiner les conclusions, mais il ne permet en rien au Parlement d'être utilement éclairé sur l'impact du SRP+ 10 en 2020, 2021, 2022...

B. Un encadrement des promotions plutôt efficace, mais qui a conduit à accroître celles sur les produits non-alimentaires, mettant en danger emplois, investissements et innovation en France

Idem, pour une présentation détaillée, voir le commentaire du nouvel article 2 bis A.

Compte tenu de l'effet inflationniste du SRP+ 10 et de l'absence de résultat en matière d'amélioration du revenu agricole, la commission a adopté l'amendement COM-40 de la rapporteure qui :

• suspend l'application du SRP+ 10 jusqu'au 1 er janvier 2025. Ce faisant, les distributeurs cherchant continûment à être moins chers que leurs concurrents, cette « pause » est de nature à entraîner une diminution du niveau d'inflation ;

• prévoit que les fruits et légumes frais sont exclus de l'application du SRP+10 à compter de cette date et que le ministre peut, par arrêté, réintégrer certains de ces produits dans la mesure ;

• modifie les demandes de rapport prévues par la loi Egalim 2. Désormais, compte tenu de la « pause » prévue dans cet amendement, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport, avant le 1 er novembre 2025, évaluant les effets du SRP+ 10 entre 2019 et 2023 et au cours de l'année 2025 ;

• prévoit que les distributeurs transmettent au ministre, avant le 31 décembre 2025, un document présentant le gain de recettes issu du SRP+ 10 qui s'est effectivement traduit par une revalorisation des prix d'achat des produits alimentaires et agricoles. Ce document doit ensuite être transmis aux présidents des commissions des affaires économiques des deux assemblées, et ne pourra être rendu public.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2 bis A (nouveau)

Affichage détaillé des obligations réciproques et de leur prix convenus entre fournisseurs et distributeurs dans la convention relative
aux produits de grande consommation

Introduit par un amendement de M. Cadec, cet article étend le dispositif du « ligne à ligne », aujourd'hui circonscrit aux produits alimentaires, à tous les produits de grande consommation. Ce mécanisme contraint les distributeurs et fournisseurs à justifier et détailler, dans la convention écrite qu'ils concluent, chacune des obligations auxquelles ils s'engagent réciproquement, ainsi que leur prix unitaire.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

Aux termes de l'article L. 443-8 du code de commerce, la convention conclue entre un fournisseur et son acheteur « mentionne chacune des obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l'issue de la négociation commerciale ainsi que leur prix unitaire ».

Ce dispositif, surnommé le « ligne à ligne » et créé par la loi Egalim 2, contraint dans les faits les parties à justifier les diminutions de tarifs négociées et obtenues, afin notamment de s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un avantage accordé sans contrepartie. Il existe en effet des situations dans lesquelles le distributeur demande une baisse de tarif sans véritablement justifier la nature et le détail des services qu'il propose en contrepartie.

Aujourd'hui circonscrit aux seuls produits alimentaires, il paraît nécessaire de l'étendre à tous les produits de grande consommation.

La commission a donc adopté l'amendement COM-18 d'Alain Cadec qui procède à cette évolution.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 2 bis (supprimé)

Annualisation du rapport d'évaluation du relèvement du seuil
de revente à perte et de l'encadrement des promotions
durant la durée de l'expérimentation

Cet article tire les conséquences de la prolongation de l'expérimentation du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte et de l'encadrement des promotions en valeur et en volume des denrées alimentaires, en précisant que le rapport d'évaluation devant être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 1 er octobre 2022 le sera désormais avant le 1 er octobre de chaque année de l'expérimentation.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure supprimant cet article, compte tenu de l'intégration de ses dispositions à l'article 2.

I. La situation actuelle - Un rapport d'évaluation de l'expérimentation devant être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 1 er octobre 2022

Une présentation plus exhaustive du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte et de l'encadrement des promotions des denrées alimentaires figure supra , dans le commentaire de l'article 2.

Aux termes du IV de l'article 125 de la loi ASAP 26 ( * ) , « le Gouvernement remet au Parlement respectivement avant le 1 er octobre 2021 et avant le 1 er octobre 2022 deux rapports évaluant les effets du présent article sur la construction des prix de vente des denrées alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie revendus en l'état au consommateur. »

En particulier, la loi Egalim 2 27 ( * ) a prévu que le rapport de 2022 s'attache précisément à analyser l'usage fait par les distributeurs du surcroît de recettes issues du SRP+ 10 (quelle part de ces recettes s'est traduite par une revalorisation du tarif fournisseur, quelle part s'est traduite par une baisse des prix de vente en magasin ou a été reversée aux consommateurs sous forme de remise fidélité, quelle part s'est traduite par une baisse du prix de vente des produits vendus sous MDD, quelle part a permis la revalorisation des prix d'achat des produits agricoles ?).

II. Le dispositif envisagé - Prévoir ce rapport pour chaque année de l'expérimentation désormais prolongée par l'article 2

L'article 2 bis supprime les références au 1 er octobre 2021 et 1 er octobre 2022 et y substitue les termes « avant le 1 er octobre de chaque année ». Désormais, le rapport sera donc remis au Parlement en 2023, 2024 et 2025, compte tenu du fait que l'expérimentation, en application de l'article 2 de la présente proposition de loi, se termine au 15 avril 2026.

Par ailleurs, l'article 2 précise que le rapport « est établi après consultation de l'ensemble des acteurs économiques concernés de la filière alimentaire », et que l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est associé à son élaboration.

III. La position de la commission - Supprimer cet article, devenu doublon à la suite des évolutions apportées à l'article 2

Si les dispositions de cet article 2 bis sont justifiées, elles sont désormais redondantes avec celles figurant dans l'article 2 à la suite des modifications apportées par la rapporteure par voie d'amendement.

La commission a donc adopté un amendement COM-41 de la rapporteure supprimant cet article.

La commission a supprimé cet article.

Article 2 ter A (nouveau)

Analyse par l'Observatoire de la formation des prix et des marges
des produits alimentaires de la répartition de la valeur ajoutée
pour les produits issus de l'agriculture biologique

Introduit par un amendement de M. Salmon et plusieurs de ses collègues, cet article précise les missions de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires en matière d'analyse de la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation, pour y intégrer un volet spécifiquement consacré aux cas des produits issus de l'agriculture biologique.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

Les missions de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires sont définies à l'article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime. Parmi ces missions figure le fait d'étudier « à l'échelle de chaque filière, la prise en compte des indicateurs [de coût de production, de marché, de qualité, etc.] ainsi que la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles qui en résulte ».

Compte tenu des discussions dans le débat public relatives à la répartition de la valeur ajoutée en ce qui concerne les produits issus de l'agriculture biologique, il apparaît nécessaire de préciser que l'Observatoire traite également, lors de cet examen, le cas spécifique de ces produits. La commission a donc adopté l'amendement COM-22 de M. Salmon et plusieurs de ses collègues, qui dispose que cet examen porte « en particulier sur les produits issus de l'agriculture biologique ».

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 2 ter B (nouveau)

Extension aux produits non-alimentaires de l'encadrement
des promotions en valeur et en volume

Introduit par un amendement de la rapporteure et trois amendements de ses collègues, cet article étend l'encadrement des promotions, en valeur et en volume, à tous les produits de grande consommation. Depuis l'encadrement de celles sur les produits alimentaires, les distributeurs ont en effet accru l'ampleur des promotions sur les produits non-alimentaires, opérations financées par les fournisseurs eux-mêmes, ce qui représente une menace importante sur l'emploi, l'investissement et l'innovation des fabricants, souvent implantés sur le territoire national.

Cet article prévoit par ailleurs la remise au Parlement, par le Gouvernement, d'un rapport annuel, le temps de l'expérimentation, sur les effets de l'encadrement des promotions.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

I. Présentation de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires

Encadrer les promotions alimentaires visait à mettre fin à la guerre des prix et à redonner une certaine valeur à ces produits.

Aux termes de l'article L. 441-3 du code de commerce, la convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur fixe plusieurs obligations, dont « les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix ». Par ailleurs, il encadre les instruments promotionnels qui peuvent être utilisés par les distributeurs lors de la revente des produits. Du reste, l'article L. 441-4 dudit code précise que les conditions dans lesquelles le fournisseur s'engage à accorder aux consommateurs en cours d'année des avantages promotionnels sur ses produits sont fixées dans des mandats confiés au distributeur, qui obéissent aux articles 1984 et suivants du Code civil. Ces contrats doivent alors préciser le montant et la nature des avantages promotionnels en question, la période d'octroi, la quantité prévisionnelle de produits concernés, et les modalités de mise en oeuvre de ces avantages.

La règle, à nouveau, est donc la liberté contractuelle entre les parties. Une exception existe toutefois, figurant au même article L. 441-4 : ces avantages ne peuvent dépasser 30 % de la valeur du barème des prix unitaires pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses, les produits de la pêche et de l'aquaculture, lorsque ces produits figurent sur une liste établie par décret, ainsi que pour le lait et les produits laitiers 28 ( * ) .

Par ailleurs, l'article L. 443-1 du code de commerce précise le cadre des promotions applicables aux produits alimentaires périssables :

• toute publicité mentionnant une réduction de prix sur ces produits précise la nature et l'origine des produits offerts et la période de l'offre promotionnelle ;

• le terme « gratuit » ne peut être utilisé comme outil marketing et promotionnel ;

• lorsque de telles promotions sont susceptibles de désorganiser les marchés, un arrêté interministériel ou préfectoral fixe, pour les produits concernés, la périodicité et la durée de telles opérations.

Afin de limiter l'ampleur des promotions sur les produits alimentaires, considérées comme détruisant de la valeur dans les filières agricoles et comme induisant en erreur le consommateur quant à la réelle valeur des produits qu'il consomme, l'article 15 de la loi Egalim a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour « encadrer en valeur et en volume les opérations promotionnelles financées par le distributeur ou le fournisseur portant sur la vente au consommateur de denrées alimentaires et de produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie ».

Par conséquent, l'ordonnance n° 2018-1128 susmentionnée, en son article 3, a prévu que, à titre expérimental et pour une durée de deux ans :

• les promotions ne peuvent être supérieures à 34 % du prix de vente au consommateur (ou à une augmentation de la quantité vendue équivalente). L'objectif était notamment de mettre fin aux opérations « 1 produit acheté, 1 produit offert » ;

• les promotions ne portent pas sur des produits représentant plus de 25 % du chiffre d'affaires prévisionnel, ou du volume prévisionnel pour les contrats de MDD, ou des engagements de volume pour les produits agricoles périssables, animaux vifs, carcasses, produits de la pêche.

Comme pour le SRP+ 10 ( cf. supra ), ces dispositions ont ensuite été inscrites « en dur » à l'article 125 de la loi ASAP. À cette occasion, une exception a été introduite concernant l'encadrement des promotions en volume de 25 % : un arrêté ministériel peut exclure du dispositif les produits dont plus de la moitié des ventes de l'année est concentrée sur une durée maximale de trois mois (les produits saisonniers), dès lors que cette demande de dérogation émane de l'interprofession concernée. L'expérimentation de cet encadrement doit, elle aussi, prendre fin au 15 avril 2023.

II. Un encadrement des promotions plutôt efficace, mais qui a conduit à accroître celles sur les produits non - alimentaires, mettant en danger emplois, investissements et innovations en France

L'ensemble des acteurs entendus par la rapporteure, à l'exception de certains distributeurs, se déclarent satisfaits de cet encadrement des promotions, soit car ils considèrent que la pression s'est effectivement un peu relâchée au cours des négociations, soit car ils saluent, à tout le moins, le fait que cela participe à mettre fin à la déconnexion entre la valeur de ce qui est consommé et le prix payé.

La rapporteure regrette toutefois, à nouveau, que les rapports d'évaluation transmis par le Gouvernement au Parlement ne permettent pas de connaître précisément l'effet exact de cette disposition, notamment en matière de meilleure rémunération des agriculteurs.

En revanche, ce qui avait déjà été constaté par le Sénat dans le rapport de 2019 précité 29 ( * ) se confirme : l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires a entraîné une augmentation significative des promotions sur les produits non-alimentaires, notamment ceux des rayons « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH) : le taux de générosité moyen des produits DPH est passé de 38,9 % en 2018 à 41,0 % en 2021 puis à 41,8 % en 2022, selon la DGCCRF.

Or les fabricants de produits DPH subissent déjà, comme les fabricants de produits alimentaires l'ont subie pendant huit années consécutives, une déflation de leur tarif de vente depuis presque une décennie (sauf la catégorie « papier », pour laquelle une partie de la hausse de tarif demandée au titre de l'augmentation du coût de l'énergie a été prise en compte lors des négociations) : le prix de cession 5x net 30 ( * ) des industriels auprès de la grande distribution aurait ainsi diminué de 18,7 % entre 2012 et 2021. Corrélativement, les prix de vente en rayons ont diminué également depuis une décennie, comme en atteste le graphique suivant.

Évolution des prix du rayon droguerie-parfumerie-hygiène entre 2007 et 2022

Source : IRI, base 100 en 2007, graphique communiqué par l'ILEC.

Note de lecture : MN signifie « marque nationale »,
MDD signifie « marque de distributeur »,
PPX signifie « premier prix ».

À noter toutefois que les services du ministère de l'économie considèrent que les prix à la consommation des produits d'entretien, hygiène et beauté vendus en grande distribution ont plutôt baissé d'environ 3,5 % entre 2012 et 2022.

Si, au global, la part des volumes promus en DPH se situe aux alentours de 19 %, elle diffère grandement selon les sous-catégories de produits :

• huit sous-catégories de DPH enregistreraient des promotions en volume supérieures à 25 %. Or ces catégories représentent à elles-seules 23 % des ventes totales des rayons DPH (couches pour bébé, lessives, etc.) ;

• les 77 sous-catégories restantes, qui représentent donc 77 % du CA total des rayons DPH, restent sous-promues.

Alors que les volumes vendus sous promotion (et le taux de remise) ont diminué dans l'alimentaire depuis la loi Egalim, ils augmentent pour le DPH, les distributeurs « cassant les prix » de ces produits afin d'en faire de nouveaux produits d'appel (leur latitude en la matière étant désormais limitée en ce qui concerne les produits alimentaires). Pour certains produits, les volumes sous promotion atteignent désormais 45 %, avec des taux de remise situés entre 40 et 50 %. Il n'est, du reste, pas rare de constater des promotions affichant des taux de remise de 80, voire 90 %, notamment lors d'évènements particuliers : les « semaines du blanc » en début d'année (lessives, par exemple), les opérations beauté (souvent en mars-avril, avec de fortes réductions de prix sur les dentifrices, déodorants, etc.), les anniversaires de rentrée (souvent en septembre-octobre).

Par ailleurs, il est instructif de constater que les produits DPH des grands groupes sont six fois plus promus que ceux vendus sous MDD, et que le taux de générosité est pour les premiers près de deux fois supérieur à celui des seconds (alors même que les produits vendus sous MDD sont supposés proposer un prix plus abordable).

Plusieurs fabricants, qu'il s'agisse de grands groupes ou de PME, ont indiqué à la rapporteure, en audition, que ces opérations les conduisaient parfois à vendre à perte au distributeur (pour financer de telles opérations, ce dernier exige un tarif d'achat particulièrement faible).

Taux moyen de discount promotionnel

Source : IRI, HM-SM, données communiquées par l'Ilec.

Part du chiffre d'affaires réalisé sous promotion

Source : IRI, HM-SM, données communiquées par l'Ilec.

À cet égard, la rapporteure conteste les affirmations entendues dans le débat public, y compris de la part du ministre en séance à l'Assemblée nationale, selon lesquelles les fabricants de produits DPH seraient essentiellement situés à l'étranger. Nombreux sont les exemples de produits qui, qu'ils appartiennent à des entreprises françaises ou étrangères, sont fabriqués en France, générant emplois et investissements sur notre territoire.

Compte tenu des effets de bord dangereux que l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires a sur les produits non-alimentaires, la commission a adopté l'amendement COM-42 de la rapporteure, ainsi que les amendements COM-1 de Mme Férat, COM-6 de Mme Berthet et COM-30 de M. Duplomb, qui encadrent, en valeur et en volume, respectivement à 34 % et à 25 %, les promotions sur tous les produits de grande consommation, et non uniquement sur ceux de l'alimentaire. Les effets néfastes d'Egalim 1 sur les produits DPH semblent désormais bien documentés (un accroissement soudain et important des taux de remise, dont le financement est généralement laissé à la charge du fournisseur), et menacent par conséquent les capacités d'investissement et d'innovation de fabricants qui, qu'ils soient français ou étrangers, sont souvent bien implantés sur le territoire national.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 2 ter

Pérennisation de la convention interprofessionnelle
alimentaire territoriale

Cet article met fin à l'expérimentation de la convention interprofessionnelle alimentaire territoriale et pérennise ce dispositif.

Compte tenu de l'absence d'évaluation de cette expérimentation et du manque d'informations quant à l'efficacité de ces conventions, la commission a adopté un amendement de la rapporteure réinstaurant le principe d'une expérimentation du dispositif, jusqu'au 31 décembre 2025, et prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport d'évaluation au Parlement.

I. La situation actuelle - La convention interprofessionnelle alimentaire territoriale (« convention tripartite »), un dispositif expérimenté depuis la loi Egalim, afin de fluidifier les relations commerciales entre les acteurs de la chaîne agroalimentaire

A. Une pratique opérationnelle conforme au droit européen de la concurrence...

La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite « Egalim 1 ») a ouvert la possibilité, aux termes de son article 13, de conclure une convention tripartite réunissant producteurs, transformateurs et un distributeur, reconnue d'utilité publique dans le cadre d'une expérimentation de labellisation.

Cette convention lie les parties pour une durée minimale de trois ans et définit :

• « 1° Les prix de cession des produits objets de la convention ainsi que les modalités d'évolution de ces prix ;

• 2° Les délais de paiement ;

• 3° Les conditions de répartition de la valeur ajoutée de la production alimentaire au sein du territoire délimité par la convention ;

• 4° Les conditions environnementales, sanitaires et sociales de la production. »

Cet article vient doter d'un instrument juridique une pratique déjà opérationnelle, tout en établissant son ancrage territorial. Ainsi, l'article 96 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II ») interrogeait déjà l'« opportunité de favoriser fiscalement et réglementairement (...) en matière agroalimentaire, la mise en place de contrats tripartites et pluriannuels entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs » .

Ces conventions sont conformes au droit européen de la concurrence comme l'atteste l'avis n° 18-A-04 du 3 mai 2018 relatif au secteur agricole de l'Autorité de la concurrence. Tant que la concurrence est suffisante aux différents stades de la commercialisation d'un produit - c'est-à-dire si les co-contractants ne détiennent pas plus de 30 % du marché ou s'ils contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits tout en réservant aux utilisateurs une part équitable de la valeur créée, et que ces conventions ne contiennent pas de restrictions caractérisées de nature à entraver la concurrence au détriment des consommateurs -, ces conventions relèvent de l'exemption prévue au paragraphe 3 de l'article 101 du TFUE.

L'Autorité de la concurrence appelle toutefois à la prudence : dans l'hypothèse d'une restriction de la liberté des distributeurs à déterminer leur prix de vente, d'une volonté de protéger certains territoires ou d'un verrouillage du marché par la multiplication de tels contrats, le bénéfice de l'exemption pourrait être retiré.

B. ... produisant des effets bénéfiques à l'égard de toutes les parties et favorisant une meilleure répartition de la valeur ajoutée

Ce contrat tripartite produit des effets à l'égard de chacun des co-contractants. Constitué de plusieurs contrats bilatéraux entre les parties, ceux-ci permettent de s'engager sur les volumes et les prix des biens produits, accompagnés d'un cahier des charges commun garantissant la qualité et les conditions de production des produits.

De règle générale, les conventions tripartites dégagent des avantages pour les trois acteurs impliqués :

• elles assurent au distributeur le respect du cahier des charges par le producteur ;

• elles sécurisent les transformateurs sur les volumes de produits et, ainsi, sur les perspectives de rentabiliser leurs infrastructures ;

• elles assurent une rémunération plus importante et des débouchés aux producteurs ;

• elles garantissent au consommateur plus de transparence et une meilleure qualité des produits.

Le recours aux contrats tripartites permet d'assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre tous les acteurs engagés dans les processus de production, transformation et distribution d'un produit. Ces conventions permettent enfin d'assurer une plus grande solidarité entre les acteurs de la chaîne alimentaire et de favoriser la transparence. Une mesure de précaution avait rendu cette convention expérimentale, sans durée déterminée.

II. Le dispositif envisagé - Pérenniser la convention interprofessionnelle alimentaire territoriale

Cet article 2 ter résulte d'un amendement déposé par le groupe socialiste et apparentés qui vise à pérenniser cette convention tripartite en lui retirant son caractère expérimental.

III. La position de la commission - Privilégier la poursuite d'une expérimentation jusque fin 2025 et la remise d'un rapport d'évaluation

La rapporteure regrette le peu d'informations existantes permettant aujourd'hui de définir si, oui ou non, l'expérimentation des conventions « tripartites » doit être pérennisée. Elle juge nécessaire qu'une évaluation de leur mise en place et de leur impact sur les différents maillons de la chaîne agroalimentaire soit réalisée au préalable, d'autant qu'elles peuvent soulever des préoccupations de concurrence.

Par conséquent, la commission a adopté un amendement COM-43 de la rapporteure réinstaurant le principe d'une expérimentation de ces conventions, cette fois se terminant au 31 décembre 2025, et prévoyant la remise au Parlement, par le Gouvernement, d'un rapport d'évaluation de cette expérimentation.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3

Rupture des relations commerciales en l'absence d'accord entre les parties
à l'échéance de la période légale des négociations commerciales

Cet article crée une expérimentation de deux ans au cours de laquelle, en l'absence d'accord entre fournisseur et distributeur au 1 er mars, un délai supplémentaire d'un mois s'ouvre pour permettre une médiation visant soit à conclure un accord soit à définir les termes d'un préavis de rupture commerciale. En cas d'échec de la médiation, la relation commerciale serait considérée comme rompue, sans que ne puisse être invoquée la rupture brutale. Par ailleurs, cet article qualifie de pratique restrictive de concurrence le fait de ne pas avoir mené des négociations de bonne foi, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d'un contrat avant le 1 er mars.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure permettant d'atteindre l'objectif initialement recherché, à savoir la possibilité pour un fournisseur de ne pas être tenu de livrer à un ancien tarif durant un préavis de rupture, sans courir de risque de déréférencement soudain ou d'arrêt brutal des livraisons. Cet amendement :

- précise que le préavis doit tenir compte des « conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties » , afin que le tarif applicable durant ce préavis ne puisse être la simple reconduction de l'ancien tarif, a fortiori en période d'inflation. Désormais, le tarif devra impérativement intégrer des éléments liés au contexte économique (inflation des intrants, hausses de tarifs acceptées par les concurrents du distributeur partie au contrat, etc.). En cas de désaccord sur ce tarif, le fournisseur pourra saisir utilement le juge, tenu lui aussi de tenir compte de ces conditions, afin d'exiger l'application d'un tarif plus équitable ;

- dispose que pour les produits alimentaires, le tarif applicable durant le préavis de rupture commerciale respecte le principe de non-négociabilité des matières premières agricoles ;

- prévoit une expérimentation de trois ans, durant lesquels en cas de désaccord au 1 er mars, les parties pourront saisir un médiateur pour conclure, sous son égide et avant le 1 er avril, un préavis de rupture, sans que ce mois supplémentaire ne permette de prolonger les négociations relatives à la convention écrite. En cas d'accord lors de cette médiation, le tarif applicable durant le préavis est rétroactif au 1 er mars ; en cas de désaccord, les parties négocient entre elles un préavis et, si le refus persiste, peuvent saisir le juge dans les conditions de droit commun.

Cet amendement permet à la fois de trouver un tarif de livraison plus équitable, d'éviter les risques de rupture d'approvisionnement nés de cet article 3, et de protéger les PME contre un risque de déréférencement brutal.

Enfin, cet amendement supprime les références à la notion de « bonne foi », superfétatoires et inopérantes en pratique.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Un flou juridique quant aux modalités de poursuite des relations commerciales entre fournisseur et distributeur en cas d'absence d'accord au 1 er mars

Les modalités de la relation commerciale entre un fournisseur et un distributeur font l'objet d'une négociation annuelle, à l'issue de laquelle ils concluent une convention écrite fixant les obligations réciproques qui leur incombent.

Aux termes de l'article L. 441-3 du code de commerce, « la convention [...] est conclue pour une durée d'un an, de deux ans ou de trois ans, au plus tard le 1 er mars de l'année pendant laquelle elle prend effet ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier ». Les négociations se terminent donc le 28 février à minuit.

Cette convention fixe différentes obligations :

• les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix ;

• les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur, que le distributeur ou le prestataire de service lui rend (il s'agit par exemple du placement en tête de gondole, de la présence du produit dans le magazine de Noël, des annonces « micro » en magasin, etc.). Elle fixe également les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services ;

• l'objet, la date, les modalités d'exécution, la rémunération et les produits auxquels il se rapporte de tout service ou obligation relevant d'un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié.

La règle générale est que le fournisseur communique ses conditions générales de vente au distributeur dans un délai raisonnable avant le 1 er mars. Toutefois, dans le cas particulier des produits de grande consommation 31 ( * ) (qui représentent la quasi-intégralité des produits vendus en grandes surfaces), ce « délai raisonnable » est plus clair : le fournisseur doit communiquer ses CGV « au plus tard trois mois avant le 1 er mars », c'est-à-dire avant le 1 er décembre. À compter de la réception de ces CGV, le distributeur dispose d'un délai raisonnable pour motiver par écrit son refus de ces CGV, son acceptation, ou les éléments des CGV qu'il souhaite soumettre à la négociation.

Dans les faits, les négociations commerciales en France durant cette période de trois mois se révèlent particulièrement dures, parfois même agressives selon certains acteurs entendus par la rapporteure. Si certains fournisseurs parviennent à un accord avant le 1 er janvier ou le 1 er février (notamment les PME), il en va autrement des ETI et, plus encore, des grandes entreprises industrielles. Dans ces cas-là, il n'est pas rare, pour ne pas dire très fréquent, que les négociations durent plus de deux mois et débouchent sur la conclusion d'un accord dans les tout derniers jours du mois de février.

Or si aucun accord n'est conclu au 28 février à minuit, les parties à la négociation entrent dans une période de « flou juridique ». En effet, l'article L. 442-1 du code de commerce interdit la rupture brutale, c'est-à-dire le fait de rompre, même partiellement, « une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. » Par conséquent, bien que les parties ne se soient pas mises d'accord sur le nouveau tarif applicable pour l'année à venir, le fournisseur ne peut pas se contenter d'arrêter de livrer, et le distributeur ne peut pas se contenter d'arrêter de passer commande et de déréférencer les produits du fournisseur, car il s'agirait précisément d'une rupture brutale.

Cette situation, qui semble renvoyer les parties dos à dos, est en réalité asymétrique : le distributeur a davantage à y gagner que le fournisseur, car le premier peut continuer à commander des produits au second pendant plusieurs mois, qu'il acquitte à l'ancien tarif (le dernier sur lequel ils se sont mis d'accord, c'est-à-dire celui du 1 er mars N-1). Or ce tarif N-1 est souvent caduc au 1 er mars N, puisqu'entre temps la structure de coût du fournisseur a évolué, a fortiori en période d'inflation des charges (énergie, transport, emballage, salaires, etc.). Ce flou juridique conduit donc le fournisseur à devoir continuer de livrer des produits à un tarif qui, dans certains cas, ne couvre même plus ses coûts : c'est une « livraison à perte ».

La durée exacte de préavis durant laquelle le fournisseur doit continuer à honorer les commandes du distributeur est, en cas de litige, laissée à l'appréciation du juge (qui résulte d'un faisceau d'indices comprenant notamment l'antériorité de la relation, le taux de dépendance économique, une éventuelle exclusivité). Lorsque la relation commerciale est particulièrement longue (5, 10, 20 ans), le préavis peut atteindre neuf, douze, voire dix-huit mois (en général, un mois de préavis par année de relation contractuelle constitue la moyenne utilisée par le juge). Le fournisseur n'a donc que le choix entre livrer à l'ancien tarif, ou se plier aux conditions du distributeur avant le 1 er mars.

Dans un avis de 2015, la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) constatait ainsi : « lorsque aucun accord n'a été trouvé à l'issue des négociations commerciales annuelles, il arrive pourtant que des distributeurs passent commande. Ils sont alors livrés et facturés au nouveau tarif qu'ils ont refusé, mais déduisent de leur règlement l'écart entre le nouveau tarif et l'ancien. [...] En l'absence de convention et d'accord sur le prix, aucun contrat de vente ne peut se former. Le distributeur ne devrait pas passer commande ; s'il le fait, le fournisseur ne devrait pas le livrer. Si une commande est néanmoins passée et livrée, il appartiendrait au juge de déterminer, en fonction des circonstances propres à chaque cas, à quelles conditions la vente a été conclue. »

II. Le dispositif envisagé - Octroyer un mois de plus pour négocier sous l'égide d'un médiateur et, en cas d'échec, permettre la rupture de la relation commerciale sans que ne puisse être invoquée la rupture brutale

L'article 3 de la proposition de loi entend encadrer, à titre expérimental pendant deux ans, la procédure à suivre en cas d'absence d'accord au 1 er mars :

• la convention écrite entre fournisseur et distributeur est prolongée d'un mois (jusqu'au 1 er avril) ;

• durant ce délai supplémentaire, « la partie la plus diligente saisit la médiation des relations commerciales agricoles ou des entreprises afin de conclure, sous son égide, une convention pour un an, deux ans ou trois ans ou, à défaut, un accord fixant les conditions d'un préavis » ;

• s'il n'y a toujours pas de convention conclue (ou d'accord de préavis signé) au 1 er avril, « la relation commerciale est rompue sans que puisse être invoquée la rupture brutale définie à l'article L. 442-1 du code de commerce. »

Par ailleurs, le fait de ne pas avoir mené des négociations de bonne foi, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d'un contrat avant le 1 er mars, est désormais considéré comme une pratique restrictive de concurrence. Enfin, le médiateur saisi informe le ministre de l'économie, qui s'assure qu'aucun abus n'a été commis et que la négociation a été menée de bonne foi.

Une rédaction de l'article 3 qui a considérablement évolué au cours des débats
à l'Assemblée nationale

Dans sa rédaction initiale, l'article 3 de la proposition de loi spécifiait qu'en l'absence d'accord au 1 er mars, toute commande effectuée par le distributeur se ferait désormais sur la base du tarif et des CGV en vigueur, c'est-à-dire celles qui venaient d'être envoyées par le fournisseur et à propos desquelles aucun accord n'avait été trouvé.

Cette rédaction a toutefois paru « maximaliste », dans la mesure où elle aurait permis aux fournisseurs, selon les distributeurs, de demander des hausses de tarif inconsidérées puis, face au refus de la grande distribution, de les voir tout de même entrer en vigueur, les distributeurs ne pouvant se priver de certains produits dans leurs rayons.

En commission, à l'initiative du rapporteur, les députés ont adopté une autre rédaction. Elle contenait les dispositions finalement votées en séance publique, mais avec deux différences principales :

- il était prévu que si, à l'issue du délai supplémentaire d'un mois, aucune convention ou accord de préavis n'étaient conclus, toute commande du distributeur se ferait sur la base des CGV en vigueur ;

- la version issue de la commission ne prévoyait pas d'expérimentation du nouveau dispositif.

III. La position de la commission - Éviter l'application néfaste de l'ancien tarif durant le préavis de rupture, écarter le risque de rupture d'approvisionnement et sécuriser les PME, via une amélioration du cadre juridique

La rapporteure partage le constat que le droit actuel est flou quant aux conditions auxquelles un fournisseur de la grande distribution doit livrer ses produits durant le préavis de rupture intervenant à la suite d'un désaccord au 1 er mars. Elle note, du reste, que peu de jurisprudences applicables à cette situation sont « sorties » des tribunaux récemment ; par conséquent, celles régulièrement invoquées sont peu adaptées aux conditions actuelles des négociations entre fournisseurs et distributeurs. De fait, le caractère très général des dispositions du code de commerce relatives au préavis de rupture, et les très rares saisines du juge, ouvrent donc la voie à des interprétations divergentes et hétérogènes alimentant un climat de défiance déjà significatif.

Or cette situation, déjà peu satisfaisante lorsque l'inflation est faible, est d'autant plus préoccupante lorsque l'inflation des différents intrants est forte, comme c'est le cas en France depuis plus d'un an. En effet, pour un distributeur, ne pas conclure d'accord au 1 er mars peut permettre d'obtenir un tarif plus faible que celui qu'il aurait obtenu en cas d'accord et, surtout, d'obtenir un tarif plus faible que celui dont s'acquittent ses concurrents distributeurs parvenus à un accord. Or entre temps, la structure des coûts des fournisseurs se déforme, compte tenu de l'inflation du coût de leurs intrants, ce qui peut les conduire à produire et livrer à perte.

La rapporteure constate par ailleurs que la solution proposée par cet article 3 n'est pas satisfaisante, même si elle semble moins « maximaliste » que celle proposée initialement dans la proposition de loi. En autorisant les parties à négocier durant un mois de plus sous l'égide du médiateur et en prévoyant, en cas d'échec de la médiation, une rupture subite de la relation commerciale, sans préavis et donc sans livraison, elle fait courir un double risque.

Premièrement, un distributeur souhaitant couper toute relation avec une entreprise se verrait désormais offrir la possibilité de le faire sans avoir à respecter un quelconque préavis ; cette situation, problématique dans son principe-même au regard des usages et du droit en matière de relation commerciale, serait plus particulièrement préjudiciable aux PME, dont les produits sont souvent davantage substituables que les grandes marques nationales et qui perdraient ainsi le bénéfice du préavis.

Deuxièmement, un industriel de grande taille, fabricant un produit phare qui ne saurait disparaître des rayons sans causer un risque réputationnel et financier aux distributeurs, pourrait désormais proposer des tarifs particulièrement élevés sachant que lesdits distributeurs préféreront, dans l'ensemble, s'acquitter de ce tarif plutôt que présenter des rayons vides aux consommateurs.

Autrement dit, cet article 3, indépendamment des objectifs légitimes qu'il entend atteindre, fait courir à la fois un risque d'approvisionnement pour tous les distributeurs, et un risque de déréférencement brutal et soudain pour les PME.

Par conséquent, et afin de traiter cette problématique du tarif applicable durant l'exécution du préavis de rupture, la commission a adopté un amendement COM-44 de la rapporteure, qui propose de cadrer juridiquement les éléments sur lesquels doit se fonder la négociation du préavis.

Premièrement, cet amendement précise à l'article L. 442-1 que le préavis doit tenir compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. Ces conditions peuvent par exemple, sans que cette liste ne soit exhaustive, concerner le taux d'inflation des produits, le taux d'inflation des intrants nécessaires à leur fabrication ou encore la hausse moyenne de tarif acceptée par les distributeurs concurrents ayant trouvé un accord au 1 er mars. Ce faisant, et a fortiori en période d'inflation, un préavis durant lequel la livraison des produits se ferait aux conditions antérieures du contrat, sans aucune évolution, sera en infraction avec ces dispositions. En outre, en cas de désaccord entre fournisseur et distributeur sur les modalités du préavis, la saisine du juge des référés sera facilitée par le fait que ce dernier disposera d'une indication explicite que les conditions économiques du marché doivent être prises en compte.

Deuxièmement, il précise que dans le cas des produits alimentaires, le tarif applicable durant la durée du préavis de rupture respecte le principe de non-négociabilité des matières premières agricoles.

Troisièmement, il maintient le principe d'une expérimentation, portée à trois ans, durant laquelle, en cas de désaccord au 1 er mars, les parties peuvent saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises afin de tenter de conclure, sous son égide et dans un délai maximal d'un mois, un accord sur le préavis de rupture. Contrairement à l'article 3 adopté à l'Assemblée nationale, ce mois de médiation ne représente aucunement un mois supplémentaire de négociation de la convention écrite, dont la date butoir reste fixée au 1 er mars. Si, à l'issue de la médiation, un accord sur le préavis est conclu, le tarif nouvellement défini s'applique rétroactivement dès le 1 er mars, dans l'hypothèse où des commandes du distributeur auraient été passées entre le 1 er mars et la date de conclusion de l'accord. Si, à l'issue de la médiation, aucun accord n'est trouvé, les parties restent soumises aux nouvelles dispositions du II de l'article L. 442-1, à savoir conclure entre elles un préavis tenant compte des conditions économiques du marché ; si elles ne parviennent pas à s'entendre, le droit commun s'applique, qui autorise la partie s'estimant lésée à saisir le juge.

Cet amendement règle ainsi trois problématiques : les industriels ne pourront plus se voir imposer de livrer à un tarif devenu caduc, les distributeurs ne courront plus le risque d'un arrêt brutal des livraisons, et les PME ne courront plus le risque d'un déréférencement soudain.

Enfin, cet amendement supprime les références à la notion de « bonne foi », superfétatoire au regard du droit commun et, en tout état de cause, particulièrement complexes à prouver. En effet, les désaccords nés d'une négociation commerciale portent en général sur le tarif à conclure ; rien n'obligeant une partie à contracter à un tarif qu'elle refuse, il aurait été particulièrement ardu de prouver qu'une négociation s'était tenue de mauvaise foi du simple fait qu'aucun accord n'a été conclu.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 bis A

Alourdissement de la sanction pour non-respect de l'échéance
du 1er mars dans les négociations commerciales

Cet article alourdit les sanctions encourues par les fournisseurs et distributeurs en cas de non-respect de la date butoir du 1 er mars en matière de négociation commerciale. La sanction proposée est de 200 000 € pour une personne physique et de 1 000 000 € pour une personne morale.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant un doublement de cette sanction en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans.

I. La situation actuelle - Un régime de sanction administrative jugé insuffisamment dissuasif en cas de violation de l'échéance du 1 er mars

Aux termes de l'article L. 441-6 du code de commerce, « tout manquement aux dispositions des articles L. 441-3 à L. 441-5 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. » En cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans, le maximum de l'amende encourue est doublé.

Les dispositions juridiques dont la violation est ainsi sanctionnée sont les suivantes :

• l'article L. 441-3 traite du régime général des conventions écrites devant être conclues entre fournisseurs et distributeurs à l'issue de leur négociation commerciale (une description précise de son contenu figure supra au commentaire de l'article 3). En particulier, cet article dispose que la convention doit être conclue au plus tard le 1 er mars ;

• l'article L. 441-4 fixe le contenu de la convention écrite lorsque celle-ci concerne les produits de grande consommation ;

• l'article L. 441-5 traite plus spécifiquement des conventions écrites conclues pour l'achat de produits manufacturés, fabriqués à la demande de l'acheteur en vue d'être intégrés dans sa propre production.

Par conséquent, si un fournisseur et distributeur parviennent à un accord mais au-delà de la date du 1 er mars, ils encourent une sanction maximale de 375 000 €.

Or certains fournisseurs déplorent que, dans certains cas, le distributeur laisse durer les négociations jusque fin février, sans réelle avancée, de telle sorte que le fournisseur, voyant arriver la date butoir, finisse par se plier aux conditions exigées par le distributeur ; il semblerait que cette situation débouche alors sur la signature d'un contrat qui intervient après le 1 er mars (sans que ce manquement aux règles de formalisation du contrat ne soit dénoncé, le fournisseur craignant une mesure de rétorsion).

II. Le dispositif envisagé - Alourdir la sanction pour dépassement de la date butoir du 1 er mars

L'article 3 bis A crée une sanction plus lourde, spécifiquement pour le non-respect de l'échéance du 1 er mars : il sera passible d'une « amende administrative dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour une personne physique et 1 000 000 € pour une personne morale. »

III. La position de la commission - Souscrire au dispositif et prévoir une sanction alourdie en cas de réitération du manquement

Compte tenu des remontées de terrain faisant état de certaines pratiques de distributeurs consistant à « jouer la montre » jusque fin février, afin d'accroître la pression sur le fournisseur et de nourrir sa crainte d'être déréférencé, il apparaît en effet utile de prévoir un régime de sanctions spécifiques en cas de non-respect de la date butoir du 1 er mars, celui-ci étant souvent la conséquence directe de cette pratique.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-45 doublant le montant de sanctions en cas de réitération du manquement.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 bis B (nouveau)

Séparation de la convention logistique de la convention générale
conclue entre fournisseur et distributeur

Introduit par un amendement de la rapporteure, cet article précise que les conditions logistiques, notamment le montant des pénalités, sur lesquelles s'accordent le fournisseur et le distributeur font l'objet d'une convention distincte de la convention générale prévue au I de l'article L. 441-3 du code de commerce, dont la conclusion n'est pas soumise au respect de la date butoir du 1 er mars.

Il ressort des échanges de la rapporteure avec les différents acteurs publics et privés que les « conventions qualité et logistique » prennent souvent la forme d'une simple annexe à la convention générale, discutées en toute fin des négociations, lorsque la pression dans les « box » de négociation est maximale. En outre, la simultanéité de ces différentes négociations (tarif, services de coopération commerciale, pénalités logistiques, etc.) favoriserait certaines pratiques contestables, comme le fait de conditionner à la dernière minute la signature de la convention tarifaire à la signature, par le fournisseur, de l'annexe logistique, généralement aux conditions demandées par le distributeur.

Il paraît dès lors nécessaire de préciser que la convention logistique n'est pas un sous-document de la convention générale, mais une convention à part entière, et que celle-ci peut être négociée à tout moment de l'année, sans que la date butoir du 1 er mars ne puisse être opposée par une partie à l'autre.

Une négociation des conditions logistiques en dehors de la période des négociations commerciales, faculté ouverte par le présent amendement mais non obligatoire puisque les parties ont toute liberté de continuer à conclure la convention logistique fin février si tel est leur souhait, est de nature à rééquilibrer le rapport de force entre les parties et à améliorer la qualité desdites négociations.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a donc adopté un amendement COM-54 qui précise que, dans la négociation puis la relation commerciale entre un fournisseur et un distributeur, les conditions logistiques sur lesquelles ils s'accordent (notamment le montant des pénalités logistiques) font l'objet d'une convention distincte de la convention écrite « générale » prévue au I de l'article L. 441-3 du code de commerce. Par ailleurs, cet amendement précise que l'arrivée à échéance de cette convention logistique ne saurait entraîner la résiliation automatique de la convention tarifaire.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 3 bis

Plafonnement du montant des pénalités logistiques et possibilité
pour le Gouvernement de suspendre leur application
en cas de crise affectant la chaîne d'approvisionnement

Cet article plafonne le montant des pénalités logistiques pouvant être infligées par un distributeur à un fournisseur, et inversement, ou par un acheteur à un producteur agricole, à 2 % de la valeur des produits commandés. Il inscrit également dans la loi un taux de service maximal au-delà duquel aucune pénalité logistique ne peut être infligée.

Par ailleurs, il permet au Gouvernement de suspendre par décret en Conseil d'État, pour six mois, l'application des pénalités logistiques en cas de crise d'une ampleur exceptionnelle affectant gravement la chaîne d'approvisionnement.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement qui sécurise et renforce le dispositif en :

- supprimant le taux de service maximal, étant entendu que sa fixation relève de la liberté contractuelle des parties, que les situations sont bien trop hétérogènes pour être régentées par un taux unique, et qu'une telle mention directement dans la loi fait courir le risque que ce taux « plafond » devienne un taux « plancher » ;

- précisant la base à partir de laquelle le plafonnement de 2 % doit être calculé, à savoir la valeur des produits d'une même catégorie dont l'un ou plusieurs d'entre eux font l'objet d'une inexécution d'engagement contractuel ;

- interdisant toute pénalité logistique pour une inexécution d'engagement contractuel remontant à plus d'un an ;

- obligeant le distributeur à apporter la preuve du manquement et du préjudice subi, en même temps qu'il informe le fournisseur qu'un manquement a été constaté ;

- octroyant au Gouvernement la possibilité de suspendre par arrêté, et non plus par décret en Conseil d'État, l'application des pénalités y compris lorsque la désorganisation de la chaîne d'approvisionnement n'est pas globale mais touche seulement certains secteurs, voire un seul.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - L'utilisation abusive des pénalités logistiques par certains distributeurs a conduit récemment le législateur à les encadrer

A. Un encadrement récent des pénalités logistiques...

1) L'examen de la loi Egalim 2 au Sénat a conduit à un renforcement significatif des pénalités logistiques...

Les pénalités logistiques, appliquées par une partie au contrat à l'autre, obéissent à un objectif légitime : celui d'assurer le bon fonctionnement de la chaîne logistique, en sanctionnant d'éventuels retards ou absences de livraison ou des livraisons non conformes à la commande.

Elles sont d'autant plus justifiées dans leur esprit que ces retards et autres manquements, au-delà du non-respect du contrat qu'ils impliquent, peuvent causer un réel préjudice à la partie destinatrice des produits (le distributeur) : rayons vides, impact réputationnel, perte de clientèle, coûts de réorganisation interne, etc.

Pour autant, l'intégralité des acteurs privés et publics entendus par les différents rapporteurs des lois ASAP et Egalim 2, et par la rapporteure de la présente proposition de loi, à l'exception évidente des distributeurs, déplorent depuis plusieurs années une utilisation disproportionnée des pénalités logistiques, visiblement devenues un « centre de profit » pour la grande distribution, parfois sans aucun lien avec un préjudice réellement subi. Autrement dit, ces pénalités, qui peuvent atteindre plusieurs millions d'euros pour un seul fournisseur (elles représentent, d'après l'Ania, de 15 à 20 % de la valeur des commandes), semblent avoir été détournées de leur objectif initial, légitime, pour devenir un instrument de menace et d'augmentation des recettes des distributeurs. En 2020-2021, elles se sont élevées à 180 millions d'euros.

Des pratiques clairement abusives et déconcertantes ont été mentionnées, dans le passé mais également au cours des auditions conduites par la rapporteur au sujet de la présente proposition de loi :

• calcul des pénalités sur la valeur de toute la livraison contenue dans le camion, même s'il s'agit de produits différents et indépendants entre eux ;

• pénalités pour quelques minutes de retard de livraison. Des exemples de distributeurs demandant à un livreur arrivé trop en avance de stationner au bout de la file d'attente et lui infligeant ensuite des pénalités pour retard ont également été mis en avant ;

• pénalités pour une seule étiquette décollée dans une palette de dizaines de produits ;

• commandes passées par le distributeur alors que le fournisseur, avec un délai raisonnable, l'avait informé de son incapacité de livrer, pour ensuite lui appliquer une pénalité ;

• pénalités pour rupture en rayon alors que ladite rupture résulte en réalité d'une désorganisation interne du distributeur, et n'est pas la conséquence d'un manquement du fournisseur.

Par conséquent, l'article 139 de la loi ASAP a complété l'article L. 442-1 du code de commerce (relatif à certaines pratiques restrictives de concurrence) pour y faire figurer le fait « d'imposer des pénalités disproportionnées au regard de l'inexécution d'engagements contractuels ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant. »

Face au constat que le cadre juridique n'était pas suffisamment resserré, et à l'initiative du Sénat lors de l'examen de la loi Egalim 2, une section entière a été consacrée à ce sujet au sein du titre IV du livre IV du code de commerce, comportant trois articles.

L'article L. 441-17 prévoit que le contrat fixant les pénalités « prévoit une marge d'erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues par le contrat » et qu'« un délai suffisant doit être respecté pour informer l'autre partie en cas d'aléa ». Il rappelle que les pénalités doivent être proportionnées au préjudice subi au regard de l'inexécution d'engagements contractuels, et qu'est interdit le fait de procéder au refus ou au retour de marchandises, sauf en cas de non-conformité de celles-ci ou de non-respect de la date de livraison.

Cet article précise par ailleurs que « la preuve du manquement doit être apportée par le distributeur par tout moyen [et que] le fournisseur dispose d'un délai raisonnable pour vérifier et, le cas échéant, contester la réalité du grief correspondant ». Les déductions d'office sur la facture sont interdites (il s'agissait d'une pratique fréquente, permettant au distributeur de se constituer une trésorerie supplémentaire immédiate, charge ensuite au fournisseur d'attaquer le distributeur, et de courir ainsi le risque d'une mesure de rétorsion, en vue de faire constater l'illégalité de la déduction et de récupérer ces sommes).

Cet article L. 441-17 prévoit également que « seules les situations ayant entraîné des ruptures de stocks peuvent justifier l'application de pénalités logistiques », afin d'éviter les cas de figure dans lesquels une pénalité était infligée quand bien même le manquement reproché n'avait eu aucun impact sur le distributeur (par exemple, un retard de livraison de dix minutes). Enfin, l'infliction d'une pénalité doit tenir compte des circonstances indépendantes de la volonté des parties. Du reste, « en cas de force majeure, aucune pénalité logistique ne peut être infligée. »

L'article L. 441-18 , quant à lui, traite des pénalités (rares) éventuellement infligées par un fournisseur à un distributeur : « elles ne peuvent dépasser un montant correspondant à un pourcentage du prix d'achat des produits concernés. Elles doivent être proportionnées au préjudice subi au regard de l'inexécution d'engagements contractuels. La preuve du manquement doit être apportée par le fournisseur par tout moyen. Le distributeur dispose d'un délai raisonnable pour vérifier et, le cas échéant, contester la réalité du grief correspondant. »

L'article L. 441-19 , enfin, dispose que pour l'application des deux précédents articles, un guide des bonnes pratiques est publié et actualisé régulièrement.

2) ... complété récemment par des lignes directrices de la DGCCRF

Constatant que la parution du guide de bonnes pratiques tardait, au détriment des fournisseurs qui, s'ils constataient certes une diminution de la pratique dite de « déduction d'office », continuaient néanmoins à subir des pénalités semblant injustifiées, l'intention du législateur en la matière a été clairement rappelée par la rapporteure de la loi Egalim 2, Anne-Catherine Loisier, en mars 2022 32 ( * ) . Elle a ainsi rappelé que « pour le législateur, le principe est clair : il ne saurait y avoir de pénalités logistiques infligées sans préjudice subi et donc documenté. »

La présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, a, à cette occasion, indiqué « [inviter] le Gouvernement à adopter au plus vite, sur cette question des pénalités logistiques, déjà traitée au sein de la commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC), des lignes directrices qu'il modifiera en fonction des résultats de ses contrôles. C'est une obligation légale, c'est nécessaire et c'est surtout le seul moyen d'être réactif et pertinent pour réellement inverser la tendance ».

In fine , le 11 juillet 2022, la DGCCRF a publié une foire aux questions 33 ( * ) portant sur les lignes directrices en matière de pénalités logistiques, jugée utile et satisfaisante par les fournisseurs interrogés.

B. ... qui semble n'avoir toutefois pas éliminé tous les abus

Le 4 novembre 2022 34 ( * ) , la DGCCRF a annoncé avoir mené une vaste enquête relative aux pénalités logistiques auprès de 200 fournisseurs, lui ayant permis de mettre en évidence des pratiques abusives la conduisant à adresser à quatre enseignes de distribution des injonctions administratives de remise en conformité sous peine d'astreintes financières de plusieurs millions d'euros. Dans son communiqué, la DGCCRF mentionne quatre types de pénalités abusives :

• émission automatique de pénalité « sans que les fournisseurs puissent s'adresser à un interlocuteur physique pour les contester, au-delà d'une adresse de messagerie générique » ;

• émission de pénalités « alors que le fournisseur n'a pas manqué à ses obligations contractuelles ou qu'il a informé le distributeur de son incapacité à satisfaire certaines commandes avec un préavis raisonnable » ;

• « absence de document émis par l'enseigne de distribution permettant de justifier le manquement à l'origine de la pénalité. Il revenait, au contraire, au fournisseur de prouver que celle-ci n'était pas justifiée » ;

• « déduction automatique des pénalités sur les factures de vente des fournisseurs alors que ceux-ci contestent le bien-fondé de la pénalité ».

L'application de pénalités abusives, déjà déloyale en temps normal, est d'autant plus inadmissible que la guerre en Ukraine a participé, en 2022, à la désorganisation des chaînes logistiques et pouvait s'apparenter comme un cas de force majeure.

II. Le dispositif envisagé - Plafonner le montant des pénalités, fixer un taux de service maximal, permettre au Gouvernement de suspendre les pénalités en cas de crise exceptionnelle

L'article 3 bis prévoit tout d'abord que les pénalités logistiques ne puissent « être supérieures à 2 % de la valeur de la ligne des produits commandés, sur la base de chacune des commandes ». Il interdit également toute pénalité dès lors que « les taux de service mensuel se trouvent être à une limite de 99 % pour les promotions et de 98,5 % pour les produits hors promotion. » Autrement dit, pour des produits vendus en promotion, une pénalité ne peut être infligée que s'il manque plus d'un produit.

Cet article 3 bis prévoit les mêmes règles pour les pénalités qui seraient infligées par les fournisseurs aux distributeurs et, en modifiant l'article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime, pour celles infligées par un acheteur à un producteur de produits agricoles.

Enfin, il octroie au Gouvernement la possibilité, « en cas de crise d'une ampleur exceptionnelle affectant gravement la chaîne d'approvisionnement », de suspendre l'application des pénalités logistiques par décret en Conseil d'État, pour une durée maximale de six mois.

III. La position de la commission - Sécuriser juridiquement ce dispositif et augmenter sa portée

Si le principe des pénalités logistiques est, en tout état de cause, pertinent compte tenu du préjudice que peut subir un distributeur du fait de produits défectueux ou manquants, force est de constater qu'elles sont devenues un « centre de profit » à elles-seules, de l'avis général des acteurs entendus par la rapporteur, exception faite des distributeurs.

Leur développement répond de plus en plus, non pas à une réelle nécessité de faire respecter les termes d'un contrat, quand bien même cette situation existe bien entendu, mais à un objectif de rentabilité financière, au détriment de certains fournisseurs. Certaines pratiques ont certes disparu, à l'instar des déductions d'office de la facture, mais plusieurs contournements de la loi ont été portés à la connaissance de la rapporteure, y compris par les pouvoirs publics (absence de justification du préjudice subi, pénalités calculées sur la valeur de l'ensemble d'une commande mêlant plusieurs catégories de produits alors que seules certaines de ces catégories sont concernées par des manquements au contrat, pénalités appliquées pour des manquements remontant à plus d'un an, etc.). Cette situation, qui mêle mauvaise foi, intimidations et crainte du déréférencement, est inacceptable, et contribue au climat délétère dans lequel s'inscrivent les relations commerciales entre fournisseurs et grande distribution en France.

Les dispositions de cet article 3 bis sont donc utiles et bienvenues, mais doivent encore être renforcées et précisées pour être réellement efficaces.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a donc adopté un amendement COM-46 visant à :

• supprimer la référence à un taux de service maximal de 98,5 % pour les produits « fond de rayon » et de 99 % pour les produits sous promotion. En effet, la loi ne saurait fixer un taux de service uniforme à des situations commerciales aussi hétérogènes (le taux dépendant des produits, des secteurs, de la taille du fournisseur, etc.) ; il importe donc que ce taux soit librement défini par les parties dans le cadre de leurs négociations. En outre, fixer un tel taux dans la loi fait courir le risque que ce « plafond » devienne un « plancher », pénalisant ainsi les fournisseurs aujourd'hui soumis à un taux de service inférieur ;

• préciser que le plafond de pénalités logistiques à hauteur de 2 % s'applique, non pas à la valeur de toute la commande, mais à la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle l'inexécution d'engagements contractuels a été constatée. Ainsi, si un distributeur commande, dans le même temps, mille boîtes de céréales et mille paquets de pâtes, et qu'un manquement est constaté sur 20 boîtes de céréales, la pénalité logistique ne pourra être supérieure à 2 % de la valeur de la commande de céréales, et non de la valeur de la commande totale ;

• renforcer l'encadrement des pénalités logistiques en prévoyant qu'aucune pénalité ne peut être infligée pour un manquement remontant à plus d'un an ;

• obliger le distributeur à apporter au fournisseur la preuve du manquement et du préjudice subi en même temps qu'il l'informe d'un manquement constaté, afin d'éviter les cas de figure dans lesquels la preuve est apportée postérieurement à l'application de la pénalité ;

• préciser également le pouvoir donné par cet article 3 bis au Gouvernement de suspendre l'application des pénalités logistiques en cas de crise affectant les chaînes d'approvisionnement. Aux termes de cet amendement, le Gouvernement pourra, par arrêté, suspendre ces pénalités y compris lorsque la désorganisation des chaînes d'approvisionnement touche un secteur ou une filière en particulier, sans être globale. La durée de la suspension, de six mois au maximum, devient par ailleurs renouvelable ;

• prévoir explicitement des dispositions similaires (plafonnement du taux de service et du montant des pénalités) dans le code rural et de la pêche maritime.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 ter A (nouveau)

Exclusion des grossistes du régime de pénalités logistiques

Introduit par deux amendements de M. Duplomb et de M. Menonville, cet article exclut les grossistes du champ d'application des articles relatifs aux pénalités logistiques, compte tenu des spécificités de leur secteur.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

La loi Egalim 2 a renforcé le cadre juridique applicable aux pénalités logistiques ( cf. commentaire de l'article 3 bis ).

Pour autant, ce nouveau cadre pose des difficultés d'application pour les grossistes. En tant que distributeurs, ils sont soumis vis-à-vis de leurs fournisseurs à ce nouveau régime. En tant que fournisseur de leurs clients professionnels, en revanche, ils sont soumis aux clauses pénales traditionnelles des contrats, mentionnées dans le code civil.

Par conséquent, le régime applicable en amont n'est pas le même que celui applicable en aval. En outre, il n'est pas remonté du terrain des litiges particuliers relatifs aux pénalités qu'infligeraient les grossistes à leurs fournisseurs.

Il convient donc de revenir, pour les grossistes, à la situation antérieure, à savoir que tant en amont qu'en aval, ce sont les clauses pénales des contrats qui s'appliquent. La commission a donc adopté l'amendement COM-23 de M. Menonville et l'amendement COM-25 de M. Duplomb procédant à cette évolution.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 3 ter

Communication à la DGCCRF avant la fin d'année, par les fournisseurs
et les distributeurs, des montants de pénalités logistiques
réclamés et perçus

Cet article oblige les distributeurs et les fournisseurs à communiquer à la DGCCRF, avant le 31 décembre de chaque année, les montants qu'ils ont réclamés à leur co-contractant en matière de pénalités logistiques ainsi que les montants réellement perçus.

Il sanctionne par ailleurs d'une amende administrative pouvant atteindre 375 000 € pour une personne morale tout manquement à ces dispositions.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement prévoyant que la communication annuelle de ces informations détaille les montants exigés et perçus pour chacun des douze derniers mois. Par ailleurs, cet amendement prévoit la remise par le Gouvernement, aux présidents des commissions des affaires économiques du Parlement, d'une synthèse annuelle de ces informations.

Cet amendement augmente, enfin, le montant de sanctions encourues en cas de manquement à l'obligation de communication

I. La situation actuelle - Des pratiques abusives en matière de pénalités logistiques qui persistent malgré les contrôles plus fréquents de la DGCCRF

Une description plus précise des pénalités logistiques et de leurs enjeux figure au commentaire de l'article 3 bis .

Dans la situation actuelle, certains fournisseurs n'osent pas signaler aux pouvoirs publics (DGCCRF ou juge) les pénalités logistiques qu'ils se seraient vus infliger et dont ils contestent le bien-fondé, par crainte de représailles commerciales de la part du distributeur.

Par conséquent, le caractère abusif des pénalités logistiques est essentiellement constaté via les contrôles réalisés par la DGCCRF en la matière (certains d'entre eux étant le fruit de signalements par les fournisseurs, comme ceux annoncés le 4 novembre 2022, cf. supra ). Or ces contrôles ne peuvent évidemment porter sur l'intégralité des pénalités abusives.

II. Le dispositif envisagé - Contraindre les parties à communiquer chaque année à la DGCCRF le montant de pénalités perçu

Cet article 3 ter complète l'article L. 441-19 du code de commerce en prévoyant que chaque distributeur est tenu de communiquer, au plus tard le 31 décembre de chaque année, au directeur de la DGCCRF ou à son représentant nommément désigné les montants qu'il a réclamés à ses fournisseurs ainsi que les montants réellement perçus au titre des pénalités logistiques lors de l'année précédente.

L'alinéa suivant crée la même règle pour les fournisseurs.

Cet article prévoit par ailleurs un régime de sanctions en cas de manquement : ce dernier serait passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale, ces montants étant doublés en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans.

III. La position de la commission - Préciser le contenu de ces communications et prévoir une meilleure information du Parlement et une augmentation du montant de sanctions encourues

La commission souscrit pleinement à l'esprit de cet article 3 ter , qui facilitera le travail d'enquête des services de l'État. Compte tenu de l'importance prise par ces pénalités logistiques ces dernières années, du nombre important d'abus constatés ou relatés, et du déséquilibre du rapport de force entre fournisseurs et distributeurs susceptible d'entraîner une forme d'« autocensure » de la part de fournisseurs victimes de tels abus, il importe d'une part de documenter davantage le recours massif à ces pénalités et d'autre part de faciliter le travail d'enquête des services de l'État en la matière.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-47 qui précise que le montant des pénalités, devant être communiqué à la DGCCRF chaque année, est détaillé sur une base mensuelle. Par ailleurs, cet amendement prévoit la remise d'un rapport annuel du Gouvernement aux présidents des commissions des affaires économiques du Parlement synthétisant lesdites communications reçues, et indiquant les manquements constatés et les suites qui leur ont été données. Ce document ne pourra être rendu public. Enfin, cet amendement augmente de 375 000 € à 500 000 € le montant maximal de sanction encourue en cas de manquement à ces obligations de communication, le montant étant doublé en cas de réitération du manquement.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 4

Attestation du tiers indépendant fournie en amont de la négociation
dans le cadre de la troisième option prévue par l'article L. 441-1-1
du code de commerce pour assurer la transparence des négociations commerciales concernant la matière première agricole

Cet article prévoit que, dans le cas où les fournisseurs choisissent « l'option n° 3 » lors de l'envoi de leurs conditions générales de vente, ils accompagnent cet envoi d'une attestation d'un tiers indépendant certifiant la part de l'évolution de tarif qui résulte de l'évolution du prix des matières premières agricoles qui composent son produit.

Il maintient par ailleurs l'existence de l'attestation ex-post , c'est-à-dire celle transmise par le tiers indépendant à l'issue des négociations, qui certifie que ces dernières n'ont pas porté sur la part du tarif qui résulte de l'évolution du prix de la matière première agricole.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement précisant que parmi les documents que le fournisseur doit transmettre au tiers indépendant figure la méthodologie qu'il a employée pour déterminer l'impact sur son tarif de l'évolution du prix des intrants agricoles. Le tiers indépendant ne certifie aujourd'hui, en effet, que la conclusion du lien qui est fait par le fournisseur entre l'évolution des matières premières mise en exergue et l'évolution de son tarif, sans contrôler la méthode retenue pour faire le lien entre l'une et l'autre. Cet amendement précise également explicitement que ladite attestation doit être transmise au distributeur, afin d'éviter tout contournement éventuel de l'intention du législateur.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Un mécanisme de transparence, censé garantir la sanctuarisation de la matière première agricole dans les négociations commerciales, qui doit encore évoluer au regard des premiers retours d'expérience

A. Une sanctuarisation de la matière première agricole qui repose, entre autres, sur l'intervention post-négociation d'un tiers indépendant

La Loi Egalim 2, aux fins d'améliorer le revenu des producteurs agricoles, a mis en place en place un mécanisme tendant à « sanctuariser » la matière première agricole (MPA) au cours des négociations commerciales, afin que cet élément du tarif du fournisseur ne fasse pas l'objet d'une déflation qui se serait répercutée, in fine , sur les agriculteurs.

Ce mécanisme se compose de plusieurs étages :

• l'obligation de contractualisation écrite 35 ( * ) dans l'amont agricole, entre producteurs et acheteurs, sauf pour certaines filières définies par décret. Le contrat écrit ainsi conclu doit notamment déterminer le prix et les volumes livrés et, pour fixer le prix, tenir compte de différents types d'indicateurs (de coûts de production, de qualité, etc.). Surtout, ces contrats doivent contenir une clause de révision automatique des prix, qui se déclenche en fonction de l'évolution des coûts de production des agriculteurs ;

• la sanctuarisation de la MPA dans la négociation commerciale aval, entre fournisseurs et distributeurs. La non-négociabilité de la MPA est ainsi consacrée par la loi 36 ( * ) ;

• pour que le distributeur connaisse la part que représentent les MPA dans le tarif du fournisseur (préalable nécessaire pour s'assurer que la négociation ne porte pas dessus), trois options « de transparence » sont au choix du fournisseur, en vertu de l'article L. 441-1-1 du code de commerce.

La première option consiste pour le fournisseur à présenter dans ses CGV, « pour chacune des matières premières agricoles et pour chacun des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles qui entrent dans la composition du produit [...], leur part dans la composition dudit produit, sous la forme d'un pourcentage en volume et d'un pourcentage du tarif du fournisseur ». Par exemple, pour un yaourt aux fraises, le fournisseur indiquerait : « les fraises représentent x % du volume du produit, et y % du tarif transmis ».

La deuxième option consiste pour le fournisseur à présenter dans ses CGV, non pas la part détaillée de chaque MPA, mais la part agrégée des MPA. Par exemple, pour un yaourt aux fraises, le fournisseur indiquerait : « les MPA représentent x % du volume du produit et y % du tarif transmis », sans indiquer la part respective des fraises, du lait, du sucre.

Ces deux options facilitant toutefois, pour le distributeur, le fait d'estimer le niveau de marge du fournisseur (et par conséquent, la part du tarif sur laquelle il peut lui demander de rogner), le législateur a introduit une troisième option, plus respectueuse du secret des affaires tout en permettant le degré de transparence nécessaire.

La troisième option consiste pour le fournisseur à prévoir, lorsque son tarif évolue par rapport à l'année précédente, « l'intervention d'un tiers indépendant, aux frais du fournisseur, chargé de certifier au terme de la négociation que [...] celle-ci n'a pas porté sur la part de cette évolution qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ». Cette certification doit être fournie dans le mois qui suit la conclusion du contrat (donc au plus tard au 1 er avril).

B. « L'option 3 » n'a pas apporté entière satisfaction

Dans les faits, 80 % des fournisseurs ont choisi cette option 3, qui leur permet de ne pas dévoiler aux distributeurs la décomposition exacte de leur tarif, tout en permettant, normalement, de garantir la non-négociabilité de la MPA. Les entreprises qui ont choisi les options 1 et 2 sont, généralement, des PME.

Un rapport sénatorial 37 ( * ) de Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier, de juillet 2022, a toutefois mis en exergue les limites de ce dispositif.

Premièrement, le choix de l'option 3 a pu alimenter la défiance entre fournisseurs et distributeurs, ces derniers soupçonnant les premiers d'avoir fait ce choix, qui implique une certification n'intervenant qu'à la fin des négociations, pour maintenir une forme d'opacité durant les négociations : « Les négociations commerciales étant une période dans laquelle le degré de défiance entre les parties est élevé, et dans laquelle chacune semble soupçonner l'autre de dissimuler des informations, le choix de l'option n° 3 a pu être vécu par les distributeurs comme une tentative de se soustraire à l'exigence de transparence promue par Egalim 2. En période de forte hausse des tarifs demandés, les distributeurs ont légitimement souhaité savoir dans quelle mesure elles sont le reflet fidèle de la hausse de telle ou telle MPA (qui dépend de la part que représente la MPA dans la composition du produit), sans attendre la certification du tiers indépendant ».

Deuxièmement, « selon les acteurs de la grande distribution entendus par le groupe de suivi, les certifications post-négociation des commissaires aux comptes auraient, pour une large part, tardé à être envoyées aux distributeurs (parfois plusieurs mois après la fin des négociations) ». De fait, l'attestation n'étant délivrée qu' ex-post , les négociations se déroulent « à l'aveugle », le fournisseur transmettant son tarif, et le distributeur devant attendre la fin des négociations pour savoir si la part de MPA sur laquelle la négociation ne devait pas porter était bien celle annoncée par le fournisseur. Par conséquent, le principe-même de l'option 3 est dévitalisé du fait de ces envois tardifs.

Et le rapport de conclure, dans le même sens que le médiateur des relations commerciales agricoles : « l'ensemble des professionnels entendus a estimé qu'une intervention plus en amont du tiers de confiance, par exemple au moment de l'envoi des conditions générales de vente du fournisseur, serait de nature à fluidifier les négociations et apaiser les tensions ».

Du reste, il convient de noter que plusieurs acteurs entendus en audition, dont le Médiateur, ont précisé que l'option 2 devrait être davantage utilisée en 2023 qu'elle ne l'a été en 2022.

II. Le dispositif envisagé - Compléter l'option 3 actuelle par une attestation délivrée au début des négociations

Le présent article 3 complète l'alinéa de l'article L. 441-1-1 du code de commerce relatif à l'option 3. Désormais, en cas d'évolution du tarif fournisseur par rapport à l'année précédente, les CGV dudit fournisseur prévoient « l'intervention d'un tiers indépendant, aux frais du fournisseur, chargé d'attester la part de cette évolution qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés mentionnés au même premier alinéa. Dans ce cas, le fournisseur transmet au tiers indépendant les pièces nécessaires à cette attestation. Celle-ci est fournie dans le mois qui suit l'envoi des conditions générales de vente ».

L'article 3 conserve la deuxième attestation, post -négociation, chargée d'attester que la négociation n'a pas porté sur cette part de la MPA dans le tarif fournisseur.

III. La position de la commission - Souscrire à cette attestation ex ante tout en assurant une plus grande fiabilité des informations soumises à certification

La commission valide le principe d'une attestation transmise par le fournisseur au distributeur au début des négociations, gage d'une plus grande transparence et, en théorie, d'une plus grande fluidité des échanges. Cependant, une telle attestation ne permet que de vérifier si, selon la méthode retenue par le fournisseur, l'évolution des MPA mise en avant impacte correctement le tarif, sans que ne soit validée la méthodologie elle-même (quelle date de référence de l'évolution des cours des intrants est prise en compte, quel type de contrat d'achat des intrants agricoles est utilisé par le fournisseur, etc.). Autrement dit, rien ne permet aujourd'hui d'affirmer que cette attestation ex ante assurera une transparence qui, sans être totale car tel n'est pas l'objectif de l'option 3, est néanmoins suffisante.

En outre, il ressort des échanges que la rapporteure a eus avec certains distributeurs que, dans certains cas, des fournisseurs peuvent se sentir non-tenus de transmettre l'attestation, la loi indiquant seulement que les CGV doivent prévoir l'intervention d'un tiers indépendant.

Par conséquent, à l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-48 qui prévoit que parmi les pièces justificatives que le fournisseur doit transmettre au tiers indépendant figure une note explicative de la méthodologie qu'il a retenue pour calculer l'impact entre évolution des MPA et évolution de son tarif. Cet amendement explicite également clairement que ladite attestation doit être transmise par le fournisseur au distributeur.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 4 bis

Champ d'application de la clause de révision automatique des prix
dans les conventions entre fournisseurs et distributeurs
et délai d'entrée en vigueur du nouveau tarif

Cet article prévoit que la clause de révision automatique des prix des produits alimentaires, devant figurer dans les conventions écrites conclues entre fournisseurs et distributeurs, se fonde sur l'évolution des différentes matières premières agricoles composant le produit, et non d'une seule d'entre elles. Par ailleurs, il précise que l'évolution tarifaire qui résulte du déclenchement de la clause doit être mise en oeuvre au plus tard un mois après ledit déclenchement.

La commission a adopté cet article, modifié par un amendement de la rapporteure procédant à des adaptations rédactionnelles.

I. La situation actuelle - Une clause de révision automatique des prix des produits alimentaires qui a entraîné des pratiques contestables visant à atténuer son effet

Afin d'assurer la construction du prix des produits agricoles et alimentaires « en marche avant », la loi Egalim 2 a prévu un mécanisme mêlant contractualisation écrite en amont et non-négociabilité des matières premières agricoles entre fournisseurs et distributeurs ( cf. supra, commentaire de l'article 4).

L'un des rouages de ce mécanisme consiste en la négociation, entre fournisseur et distributeur, d'une clause de révision automatique des prix du contrat « en fonction de la variation du coût de la matière première agricole, à la hausse ou à la baisse, entrant dans la composition du produit alimentaire 38 ( * ) », intégrée à la convention écrite qu'ils concluent entre eux.

La loi Egalim 2 promulguée en octobre 2021 ayant introduit des évolutions significatives en matière de négociation commerciale, celles qui se sont déroulées du 1 er décembre 2021 au 1 er mars 2022 n'ont laissé que peu de temps aux acteurs pour définir les termes de cette clause de révision automatique des prix. Ainsi que le pointait le rapport sénatorial 39 ( * ) de juillet 2022 de Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier, la négociation de ces clauses semble avoir été bâclée, compte tenu de l'apprêté des échanges et du climat de défiance résultant à la fois du contexte inflationniste et du déclenchement de la guerre en Ukraine fin février.

Plus regrettable, ce rapport identifiait un ensemble de pratiques contestables pouvant être imputées aux distributeurs, consistant à fixer des conditions de déclenchement de ces clauses à des niveaux inatteignables. « Par exemple :

• délais de mise en oeuvre de neuf mois (c'est-à-dire que la hausse résultant de la clause de révision automatique ne s'applique que près d'un an plus tard, donc lorsque les nouvelles négociations annuelles ont débuté) ;

• seuils de déclenchement à partir de 30 % ou 50 % de hausse, de telle sorte qu'une hausse de 25 % n'est pas considérée comme suffisante pour réviser le tarif, etc. ;

• clause de révision qui ne s'applique que pour une seule matière première agricole (souvent celle qui n'a, justement, pas beaucoup augmenté). »

II. Le dispositif envisagé - Encadrer par la loi le délai d'entrée en vigueur du nouveau tarif résultant du déclenchement de la clause, et le champ d'application de ladite clause

Le présent article 4 bis est issu de deux amendements adoptés en séance publique à l'Assemblée nationale, à l'initiative du député Paul Molac.

Il précise que la révision n'est plus fonction de l'évolution du prix de la matière première agricole, mais « des matières premières agricoles », afin que toutes celles qui composent un produit alimentaire soient concernées par la clause de révision automatique. Il fixe par ailleurs un délai maximal d'un mois, à l'issue duquel les évolutions tarifaires résultant du déclenchement de la clause de révision doivent avoir été mises en oeuvre.

III. La position de la commission - Souscrire à ces évolutions bienvenues et procéder à une modification rédactionnelle

Les dispositions de cet article 4 bis traduisent législativement des recommandations issues du rapport rédigé en juillet 2022 par la rapporteure de la présente proposition de loi et par le sénateur Daniel Gremillet, président du groupe de suivi de la loi Egalim, adopté alors par la commission des affaires économiques : par conséquent, la commission souscrit pleinement aux dispositions de cet article, qui entendent lutter contre certaines pratiques contestables visant à vider de leur sens les clauses de révision automatique.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-49 procédant à quelques ajustements rédactionnels.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 4 ter (non modifié)

Ratification des ordonnances n° 2019-358
et n° 2019-359 du 24 avril 2019

Cet article ratifie l'ordonnance n° 2019-358 du 24 avril 2019 relative à l'action en responsabilité pour prix abusivement bas et l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - Deux ordonnances modifiant le titre IV du livre IV du code de commerce

L'article 17 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite « Egalim 1 ») a autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier le titre IV du livre IV du code de commerce. Le Gouvernement a modifié ce titre par deux ordonnances : la première porte sur l'action en responsabilité pour prix abusivement bas et la seconde porte réforme du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

Les deux ordonnances ont été publiées le 24 avril 2019, et un projet de loi de ratification a été déposé le 10 juillet 2019 sur le bureau de l'Assemblée nationale.

A. Ordonnance n° 2019-358 du 24 avril 2019 relative à l'action en responsabilité pour prix abusivement bas

L'ordonnance n° 2019-358 modifie l'article L. 442-9 du code de commerce relatif à l'action en responsabilité civile pour prix abusivement bas afin de rendre ce recours plus opérant.

L'article 1 er supprime l'exigence tendant à l'existence d'une crise conjoncturelle, en élargissant le champ d'application du dispositif à l'ensemble des produits agricoles et aux denrées alimentaires. Il indique également les modalités de prise en compte des indicateurs de coûts de production sur lesquels le juge pourra désormais s'appuyer pour caractériser le prix abusivement bas.

L'article 2 concerne les modalités d'application des dispositions introduites par l'ordonnance aux situations en cours à sa publication.

B. Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées

L'ordonnance n° 2019-359 porte refonte du titre IV du livre IV du code de commerce. Elle réorganise ce titre afin d'améliorer la lisibilité et la sécurité juridique des textes.

Cette ordonnance s'inscrit dans la continuité des États généraux de l'alimentation, et a fait l'objet d'une consultation des acteurs économiques concernés. Elle comporte six articles. Les articles 1 er à 3 portent refonte des dispositions du titre IV du livre IV, qui font l'objet d'une renumérotation. Ce titre est réorganisé en suivant un plan chronologique et thématique de la relation commerciale.

L'article 1 er de l'ordonnance modifie le chapitre I er du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence dans la relation commerciale. Ce chapitre est composé de trois sections : conditions générales de ventes (1), négociation et formalisation de la relation commerciale (2) et facturation et délais de paiement (3).

Les dispositions modifiées par l'ordonnance permettent :

à la section 1 :

• de préciser les dispositions relatives aux conditions générales de vente (CGV) en créant un article spécifique (L. 441-1) qui mentionne le contenu des CGV, les modalités d'obligation de communication, le rôle dans la négociation commerciale et les sanctions en cas de non-communication ;

• de modifier les sanctions relatives à la non-communication des CGV : elle fait désormais l'objet d'une sanction administrative de 15 000 € pour une personne civile et de 75 000 € pour une personne morale.

à la section 2 :

• de réorganiser les dispositions relatives aux conventions uniques afin de simplifier et de préciser les dispositions applicables aux entreprises. Deux régimes de convention sont désormais prévus :

o un régime aux obligations applicables à tous les fournisseurs ou distributeurs ou prestataires de services, tous secteurs confondus (L. 441-3) ;

o un régime aux obligations applicables à tous les fournisseurs ou distributeurs ou prestataires de services lorsque la convention concerne des produits grande consommation (L. 441-4).

• de prendre en compte les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties afin de déterminer le prix convenu, le chiffre d'affaires prévisionnel et la définition du plan d'affaire (art. L. 441-4) ;

• de modifier les dispositions relatives aux CGV dans le cadre de ces conventions ;

• de réécrire les dispositions relatives aux sanctions dans le cas de manquements aux dispositions des conventions précitées (art. L. 441-6) ;

• de supprimer des dispositions obsolètes.

à la section 3 :

• de clarifier les règles de facturation du code de commerce, de les harmoniser avec celles du code général des impôts et de modifier les sanctions relatives à ces règles ;

• de réorganiser et clarifier les dispositions relatives aux délais de paiement.

L'article 2 de l'ordonnance modifie le chapitre II relatif aux pratiques commerciales déloyales qui rassemble les pratiques restrictives de concurrence (section 1) et les autres pratiques prohibées (section 2).

L'ancien article L. 442-6 du code de commerce est désormais découpé en 4 nouveaux articles (articles L. 442-1 à L. 442-4) conformément aux objectifs suivants :

• recentrer la liste de pratiques commerciales restrictives autour de trois pratiques générales, et les définir (art. L. 442-1). Cette simplification supprime les pratiques non utilisées par les opérateurs économiques ou pouvant être appréhendées sous un autre fondement juridique ;

• préciser les modalités du préavis en ce qui concerne la rupture brutale d'une relation commerciale établie (art. L. 442-1) ;

• prévoir un article spécifique concernant la pratique illicite relative à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur (art. L. 442-2) ;

• prévoir un article spécifique relatif aux clauses ou contrats prohibés (art. L. 442-3) ;

• prévoir un article spécifique sur la mise en oeuvre de l'action en justice clarifiant les dispositions antérieures et précisant les dispositions relatives aux amendes civiles (art. L. 442-4).

L'article 3 de l'ordonnance modifie le chapitre III relatif aux produits agricoles et aux denrées alimentaires afin de :

• clarifier et harmoniser les dispositions relatives aux produits agricoles et alimentaires ;

• mettre en cohérence ces dispositions en ce qui concerne les références applicables aux critères et modalités de détermination des prix (art. L. 443-4) ;

• élargir l'interdiction de céder à un prix abusivement bas aux produits agricoles et aux denrées alimentaires en supprimant l'exigence tenant à l'existence d'une situation de crise conjoncturelle.

L'article 4 est relatif aux dispositions d'outre-mer.

L'article 5 concerne les dispositions d'entrée en vigueur des articles 1 à 3.

II. Le dispositif envisagé - Ratifier les ordonnances n° 2019-358 et n° 2019-359 du 24 avril 2019

Cet article 4 ter est issu d'un amendement du Gouvernement visant à ratifier ces deux ordonnances.

III. La position de la commission - Une adoption sans modification de cet article

La commission des affaires économiques du Sénat a adopté cet article sans modification.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 5

Habilitation à légiférer par ordonnance pour améliorer
la lisibilité des dispositions relatives aux grossistes

Cet article habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre toute mesure relevant du domaine de la loi pour améliorer la lisibilité des dispositions relatives au commerce de gros et mettre en cohérence les dispositions des autres codes avec ces modifications.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure et deux amendements de ses collègues supprimant cette habilitation à légiférer par ordonnance et procédant « en dur » dans la loi aux modifications requises.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Des dispositions propres aux grossistes disséminées dans plusieurs articles du code de commerce

Un grossiste s'entend de « toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d'autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s'approvisionne pour les besoins de son activité 40 ( * ) ». Il existerait environ 150 000 entreprises du commerce de gros en France, composées à 95 % de TPE-PME, employant environ un million de salariés.

Compte tenu des spécificités de ce secteur, les grossistes sont souvent exemptés de l'application des dispositions générales relatives à l'encadrement des relations commerciales :

• les règles de formalisation des conditions générales de vente pour les produits alimentaires (art. L. 441-1-1) ;

• les règles spécifiques relatives au contenu de la convention écrite conclue entre fournisseurs et distributeurs lorsqu'elle concerne des produits de grande consommation (art. L. 441-4) ;

• pour le calcul du seuil de revente à perte, le prix d'achat effectif est affecté d'un coefficient de 0,9 pour certains grossistes, ce qui n'est pas le cas pour les autres vendeurs (art. L. 442-5).

La multiplication des lois relatives aux relations commerciales semble rendre nécessaire le regroupement des dispositions applicables aux grossistes dans un certain nombre d'articles qui leur soient propres. Les grossistes craignent en effet d'être les « victimes collatérales » d'évolutions législatives qui ne tiendraient pas suffisamment compte des spécificités de leur secteur.

II. Le dispositif envisagé - Une habilitation à légiférer par ordonnance pour procéder au regroupement de ces dispositions

L'article 5 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre, dans un délai de six mois, toute mesure relevant du domaine de la loi pour :

• modifier le titre IV du livre IV du code de commerce afin d'améliorer la lisibilité des dispositions relatives au commerce de gros, notamment en les regroupant ;

• mettre en cohérence les dispositions de tout code avec celles prises par voie d'ordonnance.

Au stade de la commission toutefois, les députés avaient adopté un amendement créant deux nouveaux articles « en dur » au sein du code de commerce (art. L. 441-1-2 et L. 441-1-3) procédant à ce regroupement, avant de privilégier en séance la voie d'une habilitation à légiférer par ordonnance.

Ces deux articles, à droit constant, fixaient notamment la définition d'un grossiste, les règles applicables à leurs CGV, ou encore le contenu de la convention écrite établie à l'issue des négociations.

III. La position de la commission - Procéder directement à l'inscription dans la loi des modifications requises et supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance

Aucun des échanges conduits avec les services ministériels ou avec les représentants des grossistes n'a permis de justifier le choix fait par le Gouvernement de privilégier une habilitation à légiférer par ordonnance.

Par conséquent, et compte tenu du fait qu'une telle habilitation dépossède temporairement le Parlement de son pouvoir de légiférer, la commission a adopté un amendement COM-50 de la rapporteure, ainsi qu'un amendement COM-16 de M. Tissot et un amendement COM-29 de M. Menonville, inscrivant directement dans la loi les modifications législatives requises pour clarifier le régime propre aux grossistes. Outre quelques adaptations rédactionnelles, ces amendements reprennent le dispositif adopté, à l'unanimité, par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6

Exclusion des contrats portant sur certains produits agricoles
et alimentaires du champ de l'obligation de comporter une clause
de renégociation du prix

Cet article précise que peuvent être exclus de l'obligation de comporter une clause de renégociation des prix certains produits figurant sur une liste fixée par décret.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure précisant que cette dérogation fait l'objet d'une demande motivée de l'interprofession représentative des produits concernés.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Une obligation générale, pour les contrats portant sur des produits alimentaires, de comporter une clause de renégociation des prix

Aux termes de l'article L. 441-8 du code de commerce, les contrats de plus de trois mois portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires « dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires, de l'énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages » doivent comporter une clause de renégociation du prix afin de tenir compte desdites fluctuations.

Cette clause est définie par les parties, notamment ses conditions de déclenchement (pourcentage d'augmentation des coûts au-delà duquel la clause est activée, délai avant entrée en vigueur du nouveau tarif, etc.).

Peu de règles encadrent le déroulement de la renégociation, si ce n'est qu'elle doit avoir lieu dans un délai d'un mois à compter du moment où les conditions de déclenchement sont réunies, qu'elle doit être « conduite de bonne foi », et tendre à une « répartition équitable entre les parties de l'accroissement ou de la réduction des coûts de production résultant de ces fluctuations ».

Par ailleurs, ne pas prévoir de telle clause est passible d'une amende administrative ne pouvant excéder 375 000 € pour une personne morale.

Surtout, la loi ne fixe aucune obligation de résultat : le déclenchement de la clause impose simplement d'entamer des discussions en vue de renégocier le tarif d'achat des produits, mais sans contrainte légale de parvenir à un accord. Il s'agit là d'une différence majeure entre cette clause et la clause de révision automatique du prix figurant à l'article L. 441-7.

Avant la loi Egalim 2, cette clause de renégociation n'était obligatoire que pour les contrats portant sur la vente de produits agricoles et alimentaires figurant sur une liste fixée par décret. Du reste, elle ne trouvait à s'appliquer qu'en cas de fluctuation importante soit du prix des MPA et des produits agricoles et alimentaires, soit des coûts de l'énergie.

L'article 5 de la loi Egalim a élargi son champ d'application en supprimant la référence au décret (tous les produits agricoles et alimentaires sont donc désormais concernés) et en ajoutant, parmi les coûts dont la forte fluctuation entraîne le déclenchement de la clause, ceux des emballages et du transport.

Or il ressort des échanges avec les acteurs économiques que certains types de contrats sont, par principe, insusceptibles de contenir une telle clause, sauf à radicalement modifier l'organisation de certains marchés. En effet, les contrats « à terme », qui permettent de fixer à une certaine date le prix d'une livraison qui n'aura lieu qu'ultérieurement afin d'éliminer les risques de marché et donner de la prévisibilité aux acteurs, seraient vidés de leur utilité si le prix ainsi fixé en amont pouvait être renégocié entre temps. Cette situation trouve particulièrement à s'appliquer dans le secteur des céréales, où le prix de la livraison est souvent fixé avant même l'ensemencement ou la récolte.

II. Le dispositif envisagé - Une possibilité pour le ministre d'exclure par arrêté certains produits de cette obligation

L'article 6, introduit en commission à l'Assemblée nationale, précise que la clause de renégociation s'applique aux produits agricoles et alimentaires « à l'exception des produits figurant sur une liste fixée par décret ». Il s'agit là de confier au Gouvernement le soin de définir les produits exemptés de cette clause, au premier rang desquels devraient figurer les produits céréaliers.

III. La position de la commission - Prévoir une demande motivée de l'interprofession concernée

La rapporteure partage le constat que l'obligation de prévoir une clause de renégociation élargie (matière agricole, énergie, transport, emballage), si elle représente une avancée utile et importante pour la prise en compte de l'évolution des différents intrants, ne peut s'appliquer indifféremment à tout type de contrats.

En particulier, les contrats de vente à terme ou les contrats à prix ferme, surtout présents dans les filières céréales et oléagineux, sont intrinsèquement incompatibles avec une telle obligation, puisque leur principe-même est de fixer en amont le prix payé au moment de la livraison future, permettant à l'acheteur de se couvrir d'éventuels aléas de marché.

La rapporteure considère cependant qu'une telle dérogation à une obligation générale doit être officiellement demandée par l'interprofession concernée, charge au ministre d'y donner suite ou non. À son initiative, la commission a donc adopté l'amendement COM-51 qui précise que la dérogation fait l'objet d'une demande motivée de l'interprofession représentative des produits concernés.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 7

Exclusion des contrats « à terme » de l'obligation faite à l'acheteur
de communiquer, avant le premier jour de la livraison des produits,
le prix payé, et possibilité de tenir compte dans les contrats agricoles
des modalités de fixation du prix issues du commerce équitable

Cet article exonère les contrats à terme de la règle selon laquelle, lorsque le contrat liant un producteur agricole et son acheteur ne comporte pas de prix déterminé, l'acheteur communique au producteur, avant le premier jour de la livraison, le prix qui sera payé.

Par ailleurs, il ouvre la possibilité, pour définir les indicateurs devant être pris en compte au titre des critères et modalités de révision ou de détermination du prix, de s'appuyer sur les modalités de fixation du prix issues du commerce équitable.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure précisant davantage les types de contrats concernés par la dérogation.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Une obligation générale d'informer le producteur agricole, avant la livraison, du prix qui lui sera payé, qui ne tient pas suffisamment compte du cas spécifique des contrats à terme

L'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime définit le mécanisme « amont » permettant la construction du prix « en marche avant » dans le secteur agricole et alimentaire :

• premièrement, il oblige à ce que tout contrat de vente de produits agricoles livrés en France soit conclu sous forme écrite (sauf quelques exceptions), et qu'il émane initialement du producteur agricole. Si ce dernier a donné mandat à une organisation du producteur (OP) pour négocier la commercialisation de ses produits, le contrat proposé est subordonné au respect d'un accord-cadre conclu entre l'OP et l'acheteur ;

• deuxièmement, il précise que « la proposition de contrat ou d'accord-cadre écrit est le socle unique de la négociation au sens de l'article L. 441-1 du code de commerce » ;

• troisièmement, il liste les clauses qui doivent impérativement figurer dans un contrat de vente, parmi lesquelles les clauses relatives « au prix et aux modalités de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de ce prix, selon une formule librement déterminée par les parties, ou aux critères et modalités de détermination du prix, parmi lesquels la pondération des indicateurs mentionnés au quinzième alinéa du présent III », la quantité à livrer, les modalités de collecte, ou encore les délais de paiement ;

• quatrièmement, il dispose que le contrat « prend en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts », ainsi qu'un ensemble d'autres indicateurs (indicateur relatif aux prix des produits agricoles constatés sur le marché, indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l'origine, à la traçabilité des produits) ;

• cinquièmement, les contrats doivent également comporter une clause de renégociation (outre la clause de révision automatique).

Par ailleurs, pour les cas où le contrat ne comporterait pas de prix déterminé à l'avance, le VIII de cet article L. 631-24 précise que « l'acheteur communique au producteur et à l'organisation de producteurs ou à l'association d'organisations de producteurs, avant le premier jour de la livraison des produits concernés par le contrat, de manière lisible et compréhensible, le prix qui sera payé ».

Or il ressort des échanges avec les acteurs agricoles et avec les pouvoirs publics que, comme pour la clause de renégociation ( cf. commentaire de l'article 6), cette obligation ne peut être respectée dans le cas des contrats « à terme », sauf à modifier structurellement l'organisation des marchés agricoles qui y recourent.

Dans ces contrats en effet, une partie du prix est versée avant même la livraison (pour financer l'ensemencement des céréales, par exemple), une partie du prix est versée le jour de la livraison, et un complément de rémunération est versé a posteriori , dont le montant dépend du cours des marchés à cette date. Par conséquent, il ne peut être indiqué au producteur agricole en amont le prix total, et exact, qui lui sera versé, puisqu'une partie de ce prix sera déterminée ultérieurement.

II. Le dispositif envisagé - Exclure les contrats à terme de l'obligation d'informer le producteur, avant la livraison, du prix payé, et possibilité explicite de se fonder sur les modalités de fixation de prix issues du commerce équitable pour les contrats agricoles

L'article 7 précise ainsi que ladite obligation d'information « n'est pas applicable aux contrats de vente comportant des stipulations justifiant de les qualifier de contrats financiers au sens du III de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier [c'est-à-dire les instruments financiers à terme] ou comportant des stipulations qui prévoient la conclusion d'un contrat financier pour la détermination du prix » .

Par ailleurs, les députés en séance ont adopté un amendement précisant que pour déterminer les indicateurs ( cf. supra ) sur lesquels doivent s'appuyer les modalités de détermination et de révision du prix d'un contrat agricole, « les parties peuvent notamment s'appuyer sur les modalités de fixation du prix des systèmes de garantie et des labels de commerce équitable ».

Ces systèmes de garanties et labels sont aujourd'hui au nombre de huit : Agri éthique France, Biopartenaire, Bio équitable en France, FNAB, Fair for life, Fairtrade Max Havelaar, World Fair Trade Organization, label Tourisme équitable.

Parmi les sept critères dont ils garantissent le respect figure, notamment, « un prix rémunérateur établi sur la base de l'identification des coûts de production et une négociation équilibrée » et « un montant supplémentaire destiné au financement de projets collectifs visant le renforcement de capacité et l'autonomisation des [producteurs] 41 ( * ) ».

Le principe de ces systèmes et labels, privés, est explicitement reconnu par la loi depuis 2015 42 ( * ) .

III. La position de la commission - Une précision des contrats concernés par la dérogation

La rapporteure note que l'ensemble des acteurs entendus juge utiles les précisions apportées par cet article 7. La rédaction actuelle de l'article L. 631-24, bien qu'elle ne semble pas avoir entraîné de contentieux, soulève en effet des préoccupations juridiques qu'il convient de clarifier en vue de sécuriser certains contrats d'achats de produits agricoles, notamment les céréales.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-52 qui précise le champ des contrats concernés par la dérogation.

Du reste, la mention des systèmes de garanties et de labels issus du commerce équitable ouvre la possibilité d'y recourir, parmi d'autres, sans que cela ne soit une obligation ; cet ajout est donc pertinent et ne diminue en rien la liberté des parties au contrat.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 8 (supprimé)

Rapport du Gouvernement au Parlement
relatif aux conséquences des pénalités logistiques infligées
par les distributeurs aux fournisseurs

Cet article prévoit la remise, par le Gouvernement, d'un rapport au Parlement relatif aux conséquences des pénalités logistiques infligées par les distributeurs aux fournisseurs. Ce rapport doit notamment évaluer l'hypothèse d'une potentielle suppression de celles-ci.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement supprimant cet article 8, compte tenu du fait qu'un rapport équivalent est désormais prévu à l'article 3 ter .

I. La situation actuelle - Des abus flagrants en matière de pénalités logistiques relevés par la DGCCRF, en dépit d'un renforcement récent de leur encadrement

La loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (dite « Egalim 2 ») a renforcé le cadre législatif applicable aux pénalités logistiques infligées par les distributeurs aux fournisseurs, en créant une section dédiée au chapitre I er du titre IV du livre IV du code de commerce ( cf. le commentaire de l'article 3 bis pour une analyse plus détaillée de ces évolutions).

À la suite de nombreux signalements d'abus potentiels, la DGCCRF a mené en 2022 une vaste enquête auprès de plus de 200 fournisseurs afin de vérifier la bonne application de la loi « Egalim 2 ». Les services de la DGCCRF ont constaté des pratiques abusives de la part de plusieurs enseignes de la grande distribution, expressément interdites par l'article L. 441-17 du code du commerce introduit par la loi « Egalim 2 », qui sont davantage détaillées dans le commentaire de l'article 3 bis ( cf. supra ).

II. Le dispositif envisagé - La remise d'un rapport au Parlement afin d'évaluer les conséquences de ces pénalités et leur éventuelle suppression

Un amendement adopté en séance publique complète la proposition de loi par un article 8 prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement, dans un délai de 3 mois à compter de la promulgation de la loi, relatif aux conséquences des pénalités logistiques infligées par les distributeurs aux fournisseurs. Le rapport devra évaluer également la potentielle suppression de ces pénalités.

III. La position de la commission - Supprimer cet article car un tel rapport est déjà prévu à l'article 3 ter

Bien que les demandes de rapport sont souvent perçues comme alourdissant la charge de travail des services ministériels, diminuant de facto la disponibilité des agents pour mener des enquêtes ou lutter contre les pratiques pointées du doigt, un tel rapport sur les pénalités logistiques aurait été particulièrement utile pour objectiver et documenter le phénomène croissant du recours à ces pénalités.

Suite à l'adoption de l'amendement COM-47 de la rapporteure à l'article 3 ter , qui prévoit un tel rapport et précise davantage son contenu, le rapport prévu à cet article 8 ne paraît plus nécessaire, car il doublonnerait le premier. La commission a donc adopté l'amendement COM-53 de la rapporteure supprimant cet article.

La commission a supprimé cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 février 2023, la commission a examiné le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier sur la proposition de loi n° 261 (2022-2023) visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous examinons ce matin le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier sur la proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation, improprement appelée Egalim 3 du fait qu'elle en prolonge certains dispositifs. Or il y est question de produits de grande consommation, ainsi que le précise l'intitulé de ce texte.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi qui a fait parler d'elle et suscité de fortes tensions entre les fournisseurs de produits de grande consommation et la grande distribution. Vous avez sans doute lu les déclarations des uns et des autres, et entendu, malheureusement, des invectives.

Je rappelle en introduction certains éléments de cadrage qui, visiblement, ont échappé aux différents acteurs ayant jugé bon de mettre la pression sur les parlementaires dans les médias. Si le législateur est appelé, pour la troisième fois en cinq ans, à tenter de réguler les relations et les négociations commerciales, c'est uniquement parce que les professionnels n'arrivent pas à s'entendre et se renvoient la balle dans une éternelle partie de poker menteur.

Si nous devons légiférer et « durcir » la loi concernant les négociations commerciales, c'est parce que les tensions, les contournements, les pratiques abusives, donc la défiance demeurent. Quand certains acteurs des négociations commerciales nous disent qu'ils sont corsetés dans un ensemble de règles trop strictes en France, nous les renvoyons à leurs propres responsabilités : chez bon nombre de nos voisins, en effet, le cadre législatif est plus souple justement parce que les relations se passent mieux.

Pendant la discussion à l'Assemblée nationale, un autre débat s'est installé dans les médias. Les arguments échangés n'étaient pas toujours de « bonne foi », pour employer une terminologie de circonstance. Dans nombre de cas, ils étaient simplistes et ne pouvaient prétendre informer correctement sur les tenants et aboutissants de ce texte, il est vrai très technique. Compte tenu du calendrier, nous examinons ce texte en pleines négociations annuelles. Il s'agit donc pour certains acteurs de faire pression pour arriver plus forts dans les box de négociations.

Nous avons entendu des mises en cause personnelles et vu des données économiques confidentielles être divulguées ! Nous le regrettons. J'espère que le Sénat, fidèle à sa tradition, apportera de la sérénité et du recul dans ce débat.

J'en viens à la proposition de loi en elle-même, qui contient quinze articles.

Au-delà de la question de la prolongation ou non du SRP+ 10 (seuil de revente à perte), dont l'expérimentation touche à sa fin, quel est l'objectif initial de ce texte ?

Il vise d'abord à apporter une réponse au flou juridique qui entoure le préavis de rupture dans une relation commerciale entre un fournisseur et un distributeur. En effet, aujourd'hui, le droit dit simplement que le préavis doit tenir compte de la durée de la relation commerciale, en fonction des usages du commerce. La traduction concrète, c'est que la durée du préavis correspond généralement à un mois par année de relation. Ainsi, si vous livrez vos produits à un distributeur depuis dix ans, le préavis devrait être de dix mois.

Le code de commerce ne dit pas grand-chose de plus sur ce préavis et quelques jurisprudences sont venues le compléter, mais elles sont rares, anciennes, et portaient rarement sur un cas aussi spécifique que la rupture d'une relation entre un fournisseur et la grande distribution. Le sujet est donc peu encadré.

Le coeur du problème est de définir le tarif applicable durant ce préavis de rupture. Les quelques fois que la question a été posée à un juge, il a été répondu que, durant un préavis de rupture, ce sont les conditions antérieures du contrat qui devaient s'appliquer, ce qui conduit la grande distribution à considérer systématiquement que, durant le préavis, elle doit être livrée à l'ancien tarif, celui conclu en année N-1. Généralement, elle refuse tout autre tarif plus élevé pendant ce préavis, puisque rien ne l'y oblige. De l'autre côté, les fournisseurs, eux, considèrent injuste de devoir continuer à livrer des produits au tarif de l'année précédente. En effet, et surtout en période d'inflation des coûts, le tarif N-1 n'est plus adapté, puisque la structure de coût du fournisseur a changé.

Ces pratiques peuvent amener les fournisseurs à devoir livrer des produits à perte pendant huit, douze, dix-huit mois...

Ainsi, s'il n'y a pas d'accord au terme de la période de négociations commerciales qui se déroule du 1 er décembre au 1 er mars, la relation se termine et le préavis de rupture commence. Or le fait de pouvoir être livré à un ancien tarif, c'est-à-dire à un tarif moins élevé, surtout en période d'inflation, incite souvent le distributeur à ne pas passer d'accord au 1 er mars, sachant qu'il sera tout de même livré pendant un an à un tarif plus faible et qu'en outre ce tarif pourrait lui donner un avantage concurrentiel, car inférieur à celui que ses concurrents distributeurs auraient accepté en année N.

Le préavis devient ainsi un instrument de la guerre des prix que se livrent les distributeurs, au détriment de leurs fournisseurs.

Bien sûr, tous les distributeurs ne refusent pas de signer au 1 er mars, mais la tentation est grande et elle est alors lourde de conséquences pour les fournisseurs.

L'objet de cette proposition de loi est de mieux encadrer le préavis. Ainsi, l'article 3, qui a cristallisé toutes les tensions, proposait dans la première version de la commission de l'Assemblée nationale, en cas d'absence d'accord au 1 er mars, d'appliquer le tarif proposé par le fournisseur durant le préavis. Nous passions d'un extrême à un autre, d'un préjudice à un autre !

Les distributeurs ont considéré, à juste titre, qu'il n'y aurait alors plus de négociation : un fournisseur pouvant venir avec une hausse de tarif de 20 % et être certain de l'obtenir puisqu'en cas de désaccord c'est son tarif qui s'appliquerait durant le préavis.

Alors surgit dans les médias la menace d'une inflation à 20 % dès le mois d'avril...

Face à ce constat, l'article 3 a été réécrit en séance à l'Assemblée nationale. La version sur laquelle nous nous penchons précise désormais que, s'il n'y a pas d'accord, les parties au contrat saisissent le médiateur, pour essayer de conclure sous son égide et, dans un délai d'un mois, un nouveau tarif ou, à défaut, les conditions du préavis. Cet article dispose que, si la médiation échoue, la relation commerciale est rompue, sans que ne puisse être invoquée la rupture brutale, c'est-à-dire sans que quelqu'un puisse s'en plaindre au juge.

Bien que moins radicale que la proposition initiale, cette nouvelle version soulève des inquiétudes des différents acteurs : pour les distributeurs, un risque de rupture d'approvisionnement, de rupture de rayon, si une grande marque décide de rompre la relation et qu'elle n'est plus soumise à un préavis ; pour les PME, un risque grandissant de déréférencement, puisque le distributeur pourrait les évincer sans avoir à respecter de préavis - et nous savons que la tentation est forte, puisqu'il faut faire de plus en plus de places aux MDD dans les rayons...

Plusieurs amendements ont été déposés sur cet article, afin de répondre à ces inquiétudes légitimes. Je vous proposerai une rédaction qui me semble plus équilibrée, parce qu'elle tente de répondre à la fois aux PME, aux industriels et aux distributeurs, sans que le législateur restreigne la liberté contractuelle.

L'article 2 prolonge jusqu'au 15 avril 2026, donc dans trois ans, l'expérimentation du SRP+ 10 sur les produits alimentaires et l'encadrement des promotions sur ces mêmes produits. Je vous proposerai un amendement substantiel, qui instaure, dans le contexte d'inflation importante des produits alimentaires, une « pause » du SRP+ 10 pendant deux ans. Il y a en effet une grande incohérence, voire une forme d'hypocrisie, dans le débat sur ce SRP+ 10.

D'un côté, 600 millions d'euros par an sont prélevés dans la poche du consommateur et sont censés ruisseler vers l'amont agricole. Ce chiffre est avéré. UFC-Que Choisir avait même chiffré à 1,6 milliard d'euros la hausse des prix lors des deux premières années de la mise en place du SRP.

De l'autre côté, aucun acteur - public, privé, agriculteurs, industriels, distribution - ni aucun rapport ne confirme ce ruissellement ; même le ministère ne le dit pas : il indique, pudiquement, que c'est compliqué à vérifier. Lors des auditions, les réponses varient de « nous ne savons pas, nous ne pouvons pas vérifier » à « c'est clairement un échec en la matière ».

Alors que l'inflation alimentaire a atteint 14 % en janvier, que les ménages français rencontrent des difficultés grandissantes qui se traduisent déjà par une baisse de la consommation, il est de notre responsabilité de législateur de ne pas continuer à nous voiler la face pour constater qu'après quatre ans de mise en oeuvre et près de 600 millions d'euros ponctionnés chaque année dans le porte-monnaie des consommateurs, aucun des multiples rapports ne fait la transparence sur les montants ou les usages du SRP+ 10. Par ailleurs, rien ne vient démontrer son efficacité au service d'une meilleure rémunération des producteurs !

Pourquoi certains acteurs le défendent-ils ? Leur argument est instructif : ils le défendent, non pas parce qu'il fonctionnerait, même juste un peu, mais parce que, sans lui, ils craignent que les négociations soient « encore plus âpres, plus dures ». Cela en dit long sur les rapports de force et l'état des négociations commerciales en France !

Sur le fond, cet argument, qui traduit une crainte bien compréhensible, est un leurre, une fuite en avant, qui se justifie d'autant moins que le SRP+ 10 n'existe pas chez nos voisins et que les producteurs ne sont pas pour autant plus mal rémunérés.

Ce qui protège le revenu des agriculteurs dans les lois Egalim 1 et 2, ce sont des dispositions telles que le contrat, la non-négociabilité des matières premières agricoles, un meilleur encadrement des pénalités logistiques, bien plus qu'un supplément de marge offert aux distributeurs sans transparence ou garantie de contrepartie...

D'ailleurs, s'il y a bien un sujet sur lequel tous les acteurs sont à peu près d'accord, c'est sur le fait que la MPA (matière première agricole) a bien été sanctuarisée dans les négociations en 2022, et que cela s'est traduit par une augmentation de 3,5 % du tarif du fournisseur.

Ce qui signifie que, même sans le SRP+ 10, la part des MPA est bel et bien protégée pour autant, et nous en sommes bien conscients, que le processus soit contrôlé et sous la vigilance de la DGCCRF.

Enfin, j'avoue ne pas comprendre la logique qui consisterait à maintenir un SRP+ 10 et à proposer en même temps des « paniers-inflation » à bas prix !

Je vous proposerai également de créer un nouvel article qui élargira les dispositions relatives à l'encadrement des promotions.

C'est un constat bien documenté, et même confirmé par les services de Bercy : si l'encadrement a bien permis de diminuer le taux de promotion sur l'alimentaire, il a soudainement augmenté fortement celui sur les produits des rayons droguerie-parfumerie-hygiène (DPH). Il est en moyenne situé entre 40 % et 50 %, allant même jusqu'à 90 %, ces promotions étant quasi intégralement financées par le fournisseur.

Autrement dit, les fabricants de produits DPH subissent un préjudice collatéral sur lequel nous avions déjà alerté en 2019. Je note d'ailleurs que le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les pratiques de la grande distribution concluait qu'il fallait protéger les produits DPH en leur étendant l'encadrement des promotions. Un rapport de 2021 du député Thierry Benoît recommandait la même chose.

Quels sont les enjeux derrière cette situation ? Des conséquences désastreuses sur les emplois, les investissements et l'innovation.

Il n'est pas objectif de dire que protéger les produits DPH, c'est protéger les grands groupes étrangers, comme un ministre a pu le faire au banc, à l'Assemblée nationale. De nombreuses PME en France fabriquent des produits DPH : Briochin dans les Côtes d'Armor, L'Arbre vert à Poitiers...

De grands groupes, certes étrangers, produisent en France et créent des milliers d'emplois dans leur territoire : la lessive Ariel est fabriquée à Amiens, le dentifrice Signal à Compiègne, etc.

Les mêmes qui plaident pour le Made in France, louent les investissements étrangers en France et déploient en ce sens une fiscalité des plus attractives, nous expliquent maintenant qu'il serait tout à fait déplacé de considérer l'activité et les emplois de ces entreprises. Là encore, j'avoue ne pas comprendre la logique.

L'article 1 er , bienvenu, rappelle que le code de commerce s'applique à tout contrat entre un acheteur et un fournisseur lorsque les produits sont commercialisés en France ; il précise aussi que ces articles sont d'ordre public et que, sauf si le droit européen en dispose autrement, les tribunaux français sont les seuls compétents pour connaître de ces litiges. C'est une arme supplémentaire, et, espérons-le, définitive, dans la lutte contre l'évasion juridique que représentent certaines centrales d'achat installées à l'étranger afin d'éviter d'appliquer le droit français.

Enfin, les articles 3 bis et 3 ter renforcent le cadre applicable aux pénalités logistiques. L'article 4 bis traduit dans la loi deux recommandations que Daniel Gremillet et moi-même avions formulées en juillet 2022 dans notre rapport sur l'inflation et les négociations commerciales.

M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Merci à Mme la rapporteure pour ces éclairages sur ce qui reste, hélas, un rituel très complexe en cette période de l'année, marqué par un éternel rapport de force. Des encadrements sont nécessaires, pour que chacun des maillons de la chaîne y trouve son compte.

Il faut regarder ce chantier avec humilité. Il est en effet toujours complexe d'aboutir à l'effet final recherché. Ce texte est à mes yeux une loi Egalim 2+ et n'a pas l'ambition d'être une loi Egalim 3. Il cherche à corriger un certain nombre de déséquilibres. Il a trouvé une unanimité à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi il faut aboutir en commission mixte paritaire, même si le Sénat cherchera à mettre sa patte.

Sur l'article 2, le groupe RDPI comprend bien la tentation de rendre 600 millions d'euros aux consommateurs, mais le SRP+ 10 fait partie d'un ensemble, et les lois Egalim 1 et 2, c'est plus que cela : ce sont aussi les contrats écrits, la non-négociabilité des matières premières agricoles, et c'est cet ensemble qui commence à produire des résultats. Par conséquent, au regard de l'impact inflationniste très faible du SRP+ 10, il n'est pas opportun de déséquilibrer l'ensemble de la cathédrale en lui enlevant cette pierre angulaire, à laquelle tous les acteurs sont attachés.

Il est vrai cependant que l'impact du SRP+ 10 n'est pas encore établi sur le prix d'achat en amont ; c'est pourquoi il vaut mieux poursuivre l'expérimentation, pour mieux étudier ses effets.

L'article 3, relatif à la période qui s'ouvrira après le 1 er mars dans le cas où un accord ne serait pas trouvé, vise à mettre l'épée dans les reins de tous les acteurs pour les inciter à conclure des accords avant le 1 er mars. Les précisions de l'Assemblée nationale et les propositions de notre rapporteure sont intéressantes, mais la rédaction n'est pas encore suffisante. Je doute qu'un fournisseur assigne le distributeur au tribunal dès lors qu'un accord n'aura pas été trouvé sur les modalités du préavis. La séance puis la CMP permettront d'affiner la rédaction.

Certaines précisions de notre rapporteure sont positives : la référence aux « conditions économiques du marché » est un gage de sécurité pour les fournisseurs, même si le recours au juge n'est pas très fréquent. Nous sommes favorables à la réécriture de l'article 3 bis A et à l'augmentation de l'amende administrative en cas de dépassement de la date butoir. En revanche, si les amendements à l'article 2 étaient adoptés, le groupe RDPI s'abstiendrait, dans l'espoir d'une convergence en CMP.

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, vice-présidente -

M. Daniel Gremillet . - Il faut appeler un chat un chat, cette proposition de loi est bien une loi Egalim 3 ! On peut se féliciter que le texte reprenne, pour partie, les propositions de notre groupe de suivi de la loi Egalim ; c'est réconfortant, car nous avions été décriés lorsque nous avions eu le courage de dire que certains points n'allaient pas.

Je soutiens l'approche retenue par notre rapporteure, qui vise à rappeler que les négociations commerciales durent jusqu'au 1 er mars, et que le délai d'un mois octroyé en cas d'échec de ces négociations ne doit pas être considéré comme une prolongation de ces dernières, mais doit servir à définir les conditions de vente durant le préavis. Il ne faut pas faire l'amalgame entre ces deux périodes.

Enfin, certains sont tentés de faire preuve d'une certaine timidité à l'égard des produits vendus sous marque de distributeur (MDD), mais si l'on veut sanctuariser les MPA, il faut viser aussi les MDD. Il serait d'ailleurs intéressant de mesurer l'impact des lois Egalim sur la place des produits français par rapport aux produits étrangers dans le marché unique européen.

M. Daniel Salmon . - L'enjeu est de parvenir à une juste répartition de la marge et de trouver le juste prix. L'exercice n'est pas simple ! Il est clair que le ruissellement ne se fait pas. Nous avons déposé un amendement afin d'avoir une vision plus claire, filière par filière, et conditionner la prolongation de l'expérimentation du SRP+ 10 à un examen de ce ruissellement. Par ailleurs, la filière bio est en difficulté ; les marges de la grande distribution sont plus importantes pour le bio, cela soulève des questions. La transparence s'impose.

M. Laurent Duplomb . - Oui, il s'agit d'une loi Egalim 3, qui aurait d'ailleurs pu aller plus loin si le Sénat avait été écouté, notamment sur les centrales d'achat européennes. La grande distribution étant bridée en France dans les négociations commerciales, a choisi de se déporter au niveau européen pour poursuivre ses pratiques antérieures. Nous avions alerté sur le phénomène. À cet égard, la proposition de loi va dans le bon sens.

Une dizaine de filières de fruits et légumes souhaitent sortir du SRP+ 10 : elles démontrent qu'elles perdent des millions d'euros chaque année. J'ai déposé un amendement visant à autoriser ces filières à sortir du dispositif, dans le prolongement des propositions que j'avais émises lors de l'examen de la loi Egalim 2, avec l'accord du ministre de l'époque. Notre rapporteure souhaite aller plus loin et autoriser toutes les filières à sortir du SRP+ 10.

L'article 3 vise à lutter contre le déséquilibre qui oblige un fournisseur, en cas d'absence d'accord avec le distributeur, de continuer à lui fournir des produits au prix de l'année précédente, ce qui, en période d'inflation, le pénalise. L'enjeu est de parvenir à une rédaction équilibrée, tout en tenant compte de la taille des distributeurs. J'espère que nous parviendrons à trouver la meilleure rédaction.

Sur les pénalités, nous sommes sur la bonne voie ; nous ne pouvons pas accepter certaines pratiques que l'on pourrait presque qualifier de mafieuses de la part de la grande distribution, lorsqu'elle prélève des frais sans raison sur des factures alors que les produits ont bien été livrés, en bon état. Nous devons continuer à travailler sur les pénalités pour assainir les pratiques de la grande distribution, qui sont parfois peu respectueuses de leurs fournisseurs.

Enfin, j'ai déposé un amendement visant à prévoir la non-négociabilité de la matière première agricole dans les MDD. La loi Egalim 1 a favorisé le développement des MDD, en volume comme en chiffre d'affaires. Il faut sanctuariser le prix d'achat des MPA dans ces MDD.

M. Henri Cabanel . - Peu importe le nom de la proposition de loi, Egalim 3 ou autre, l'essentiel est de trouver le juste prix à toutes les étapes, du fournisseur jusqu'au consommateur, et un partage équitable de la valeur. Des lois successives ont été adoptées, mais elles semblent insuffisantes : peut-être n'ont-elles pas été suffisamment préparées en amont ; le Sénat n'a pas été suffisamment écouté non plus. L'enjeu est de rééquilibrer le combat dans les négociations commerciales - tâche complexe et ardue ! - entre, d'un côté, les tout-puissants, la grande distribution, qui est bien organisée avec des centrales d'achat nationales, voire européennes, et, d'un autre côté, des organisations professionnelles mal organisées.

En ce qui concerne le SRP, je rejoins la position de M. Duplomb : certaines filières veulent sortir de ce dispositif, notamment celle des fruits et légumes, qui n'a pas d'activité de transformation, car le fruit est cueilli, conditionné, puis vendu. Pourquoi ne pas donner la possibilité de sortir de ce mécanisme à toutes les filières ?

Sur les MDD, ce sont peu ou prou les mêmes fournisseurs que pour les autres produits. On ne peut donc pas avoir deux visions différentes ; il faut donc intégrer les MDD au système.

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les négociations commerciales sont toujours très difficiles depuis la loi Egalim - le terme de « combat » est justifié - et le climat est toujours aussi tendu.

Le SRP+ 10 fait partie d'un ensemble, certes, mais ce sont les autres dispositifs qui ont des conséquences concrètes sur le revenu des agriculteurs : le contrat, la non-négociabilité des matières premières agricoles, etc. Ces mécanismes ont des effets tangibles, quantifiables et traçables, à la différence du SRP+ 10. De plus, on dispose d'une évaluation sur 4 ans, qui démontre que le dispositif n'atteint pas ses objectifs. Son efficacité est inexistante : 600 millions d'euros par an sont prélevés dans la poche du consommateur, sans ruissellement vers l'amont agricole.

En ce qui concerne les MDD, la rédaction actuelle est perfectible, nous en proposerons une autre en vue de la séance.

La rédaction que je vous propose, prévoyant la suspension du SRP+ 10, répond aux attentes de la filière des fruits et légumes.

Enfin, en ce qui concerne l'article 3, si aucun accord n'a été trouvé et que le fournisseur décide de ne plus livrer le distributeur, c'est ce dernier qui saisira le juge afin d'ordonner la reprise des livraisons. S'ouvrira alors une période de négociations, où le juge pourra se pencher sur la prise en compte des conditions économiques du marché. Il pourra conclure, le cas échéant, que le prix indiqué dans le préavis doit être revalorisé.

Le système est très complexe et évolue en fonction des contournements mis en oeuvre par les acteurs. C'est ce qui fait la complexité de notre travail.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, il me revient maintenant de préciser le périmètre indicatif de la proposition de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut des dispositions relatives : à la transparence et à l'encadrement des relations commerciales, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées en matière commerciale ; à l'encadrement des négociations commerciales ; et à la détermination du seuil de revente à perte pour certaines catégories de produits et à l'encadrement des promotions portant sur ces produits.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-39 est de coordination juridique.

L'amendement COM-39 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-37 tend à prévoir une dérogation pour l'arbitrage au principe de compétence exclusive des tribunaux français. L'article 1 er consacre la compétence exclusive des tribunaux français pour connaître des litiges portant sur des produits commercialisés en France. Il existe une interrogation quant au traitement réservé aux procédures d'arbitrage. Les clauses d'arbitrage, librement définies par les parties, permettent en effet de choisir de porter le litige devant un arbitre plutôt qu'un juge, afin de gagner en célérité notamment. L'objectif de cet article 1 er , vertueux, n'est pas d'empêcher le recours à l'arbitrage, bien entendu. Nous sommes encore en train de vérifier avec les services juridiques du ministère si cet amendement est déjà satisfait, ou non, par l'article 1 er . Nous attendons leur retour. C'est pourquoi j'émets un avis de sagesse dans l'immédiat sur cet amendement.

L'amendement COM-37 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les amendements COM-40 , COM-11 et COM-35 tendent à réécrire l'article 2. Les amendements identiques COM-11 et COM-35 visent à diminuer de trois à deux ans la prolongation de l'expérimentation du SRP+ 10. L'amendement COM-5 prévoit que cette réduction s'applique également à l'expérimentation sur l'encadrement des promotions.

Mon amendement COM-40 prévoit de suspendre l'application du SRP+ 10 pendant deux ans compte tenu du contexte inflationniste, comme indiqué dans la discussion générale.

Il vise aussi à exclure la filière des fruits et légumes frais de l'application du SRP+ 10. Cela ne s'appliquera bien sûr qu'en 2025, à la fin de la pause du SRP+ 10. Des rapports attestent que le SRP+ 10 s'est traduit, pour certaines filières, par des négociations encore plus rudes, le distributeur voulant conserver le produit sous un prix dit « psychologique ». La loi Egalim 2 avait autorisé l'interprofession à demander une dérogation ; mais force est de constater qu'en son sein, certains distributeurs bloquent, ce qui empêche de transmettre la demande au ministre. Laurent Duplomb a déposé un amendement en ce sens, mais comme ce dernier crée un article additionnel après l'article 2, il sera par définition incompatible avec celui-ci. Sur le fond, mon amendement prévoit en outre que le ministre puisse, par arrêté, réintégrer certains fruits et légumes s'il le juge nécessaire. Si mon amendement était adopté, les autres amendements deviendraient sans objet.

Je souhaite aussi rectifier mon amendement pour le gager, car si un distributeur baisse les prix, les recettes de TVA pourraient diminuer ; il convient donc de créer une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts pour compenser la perte de recettes pour l'État.

M. Franck Montaugé . - Si j'ai bien compris, aucune évaluation sérieuse du SRP+ 10 n'a été faite. On doit se prononcer sans pouvoir s'appuyer sur des faits objectifs.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Des rapports ont été réalisés, notamment celui de la DGCCRF pour les années 2019 et 2020. On manque d'éléments attestant le ruissellement. Les agriculteurs disent clairement qu'ils n'en constatent aucun. L'association UFC-Que Choisir chiffre à 800 millions par an le coût du SRP+ 10 pour le consommateur.

M. Franck Montaugé . - Nous avons tous été sollicités par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), les Jeunes Agriculteurs, etc., pour prolonger le dispositif. Vous n'allez pas dans ce sens.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - La FNSEA ne s'appuie sur aucun élément fondé démontrant que la rémunération des agriculteurs a augmenté avec le SRP+ 10. Elle craint en revanche que sa suppression n'entraîne un durcissement des relations commerciales. Il est difficile de prolonger un dispositif qui coûte 600 millions par an aux consommateurs, alors que les évaluations des expérimentations en cours depuis 4 ans montrent qu'il est inefficace ! Si le raisonnement des agriculteurs est compréhensible, le législateur doit se fonder sur la réalité du marché, en prenant en compte les conséquences pour les consommateurs en période d'inflation. Si l'on craint une réaction des distributeurs, il faudrait alors renoncer aussi à encadrer les pénalités, sources de marges considérables pour les distributeurs !

La meilleure garantie d'une bonne rémunération des agriculteurs, c'est le contrat et la non-négociabilité des MPA, autant d'outils qui sanctuarisent les prix et auxquels nous ne touchons pas. À l'inverse, avec le SRP+ 10, on s'en remet au bon vouloir du distributeur.

M. Daniel Gremillet . - La proposition de notre rapporteure n'est pas faite au doigt mouillé ! Elle s'appuie sur tout le travail du groupe de suivi du Sénat sur la loi Egalim, qui a montré que nos craintes lors du vote de la loi étaient justifiées. La DGCCRF et l'UFC-Que Choisir le confirment aussi. La loi Egalim visait à sanctuariser la MPA, y compris d'ailleurs aux dépens des matières premières industrielles (MPI), ce qui sera source de difficultés d'ailleurs en raison de la hausse des prix de l'énergie. Je soutiens l'amendement de notre rapporteure, qui permet de trouver le bon équilibre, à la fois pour les agriculteurs et pour les consommateurs. Les premières évaluations montrent qu'en raison du développement des MDD, les agriculteurs n'ont pas gagné autant qu'ils auraient dû avec la sanctuarisation des MPA, tandis que les consommateurs ont été perdants.

M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Le rapport de la DGCCRF montre l'impact très faible du SRP+ 10 sur l'inflation : la hausse des prix attribuable à la loi Egalim n'est que de 0,17 %, tandis que le prix des fruits et légumes a baissé de 0,21 %, ce qui conforte l'analyse de Laurent Duplomb. On manque certes d'éléments pour mesurer le ruissellement. Mais n'est-ce pas un argument pour poursuivre les expérimentations en cours ? Si on supprime le SRP+ 10, on revient au SRP+ 0, avec le risque que les négociations commerciales soient encore plus tendues. C'est pourquoi il convient de maintenir le SRP+ 10, en tant qu'élément d'un ensemble de dispositions.

M. Henri Cabanel . - Nous nous sommes tous fait berner, car il n'y a pas eu de ruissellement ! Plutôt que de céder aux demandes des uns ou des autres, restons-en à la philosophie de la loi : trouver le juste prix pour le fournisseur comme pour le consommateur. Je ne comprends pas comment on peut vendre des produits sans faire de marges ! Dans ce cas, ce n'est pas le juste prix. Cette pratique alimente la guerre des prix entre les distributeurs. Laissons donc le choix aux filières qui le souhaitent de sortir du SRP+ 10.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Je laisse le soin à chacun d'apprécier si un coût de 600 millions pour le consommateur représente, ou non, un impact inflationniste limité...

Doit-on craindre un durcissement des négociations si on supprime le SRP+ 10 ? Les négociations seront plus dures sur les MPI, en effet, mais elles le sont déjà ! Tous les fournisseurs le disent, ils n'arrivent pas à répercuter les hausses liées aux coûts des matières industrielles. Les MPA, quant à elles, sont sanctuarisées, grâce à leur non-négociabilité depuis Egalim 2.

Les pénalités sont devenues un élément de marge des distributeurs. Nous les encadrons de manière draconienne. Il est évident que les distributeurs s'efforceront de récupérer ailleurs ce qu'ils ne gagneront plus avec les pénalités.

Le vrai sujet est donc d'encadrer les négociations, de préserver les MPA, d'accompagner les filières pour les aider à inscrire dans les contrats leurs coûts de production. Les négociations sont âpres, on ne peut pas s'en remettre au bon vouloir des distributeurs. Il existe aussi de fortes présomptions que le SRP+ 10 ait été utilisé pour favoriser les MDD et étrangler les autres marques. L'avantage de ce débat est qu'il nous permet de lever le voile sur les pseudo-effets positifs du SRP+ 10.

M. Laurent Duplomb . - Nous devons soutenir l'amendement de notre rapporteure, la rédaction pourra être améliorée en séance et en CMP. Ne pas l'adopter reviendrait à renier le travail que nous avons réalisé depuis 4 ans. Le ruissellement ne fonctionne pas, le SRP + 10 crée de nouveaux problèmes à certaines filières, comme celle des fruits et légumes. Il est donc logique de tenir compte de ces constats.

L'amendement COM-40 , ainsi modifié, est adopté. En conséquence, les amendements COM-11 , COM-35 et COM-5 deviennent sans objet.

L'article 2 est adopté ainsi rédigé.

Après l'article 2

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-18 rectifié prévoit un affichage détaillé des obligations réciproques et des prix convenus entre fournisseurs et distributeurs dans la convention relative aux produits de grande consommation. J'y suis favorable. Appliquer ce qu'on appelle le « ligne à ligne » à tous les produits de grande consommation était déjà la volonté du législateur lors des débats sur la loi Egalim 2, mais le périmètre retenu à l'époque ne permettait de traiter que des produits alimentaires. Il paraît de bon sens que les distributeurs qui proposent des services en échange d'une baisse du tarif définissent clairement quel est le service proposé, et sa valeur.

L'amendement COM-18 rectifié est adopté et devient article additionnel.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-26 tend à exclure la filière des fruits et légumes de l'application du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte. Je demande le retrait ou, à défaut, avis défavorable, car l'article 2 tel que nous venons de le modifier contient déjà ces dispositions. Par ailleurs, il est précisé dans l'article 2 que le ministre pourra réintégrer certains fruits et légumes dans le SRP+ 10 si nécessaire.

M. Laurent Duplomb . - L'amendement de notre rapporteure est plus large en effet. Je n'avais pas prévu à ce stade la possibilité pour le ministre de réintégrer certains fruits et légumes dans le SRP+ 10 si nécessaire. J'aurais préféré pouvoir en discuter en séance et en CMP.

L'amendement COM-26 devient sans objet.

Article 2 bis (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-41 vise à supprimer cet article, qui concerne la demande de rapport au Gouvernement sur le SRP+ 10. En effet, l'article 2 que nous venons d'adopter inclut déjà cette demande de rapport.

L'amendement COM-41 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-21 devient sans objet.

L'article 2 bis est supprimé.

Après l'article 2 bis (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Avis favorable à l'amendement COM-22 . Il serait utile en effet que l'Observatoire de la formation des prix et des marges ait un regard précis sur la répartition de la valeur ajoutée en matière d'agriculture biologique.

L'amendement COM-22 est adopté et devient article additionnel.

Avant l'article 2 ter (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les amendements identiques COM-42 , COM-1 rectifié bis , COM-6 rectifié et COM-30 rectifié bis visent à étendre au non-alimentaire l'encadrement des promotions qui existe aujourd'hui uniquement pour les produits alimentaires. Il est désormais très clair que les promotions « chocs », pour faire des produits d'appel, se sont déplacées de l'alimentaire vers la droguerie, la parfumerie, l'hygiène (DPH) : le taux de promotion est de plus de 41 %, et atteint pour certaines opérations 80 % ou 90 %. Or ces promotions ne sont pas financées par la marge du distributeur, mais par le fournisseur lui-même, à qui il est exigé de fournir une partie importante de sa production à prix cassés. Autrement dit, nous faisons face à une situation de destruction de valeur dans des secteurs pourtant bien implantés territorialement, qui emploient des dizaines de milliers de salariés, dans des usines de production de plus en plus innovantes.

Je souhaiterais m'arrêter un instant sur un argument entendu dans le débat public, selon lequel cette mesure reviendrait à aider les grandes multinationales étrangères. C'est triplement faux. D'abord, nombre de PME fabriquent des produits DPH en France. Les produits d'entretien Briochin viennent des Côtes d'Armor, les produits L'Arbre Vert viennent de Poitiers, les produits Vigor et Baranne sont français, etc. Deuxièmement, même quand ce sont de grands groupes, ils ont des usines de production en France. Enfin, il est faux de dire que tout va bien parce qu'un groupe international affiche des résultats satisfaisants. Un groupe international regarde la rentabilité pays par pays ; or force est de constater que celle en France se détériore avec ces promotions chocs. Il importe de lutter contre la désindustrialisation de notre pays.

Je précise que l'effet inflationniste de cette mesure sera minime, voire inexistant, et en tout état de cause largement inférieur à la baisse d'inflation résultant de la pause du SRP+ 10. En effet aujourd'hui les trois quarts du marché DPH en valeur sont promus à moins de 25 % en volume : ils sont en moyenne promus pour 19 % du volume. Autrement dit, les distributeurs, qui rivalisent d'idées pour apparaître moins chers que leurs concurrents, pourront promouvoir davantage ces produits. Cet amendement les oblige seulement à en faire un peu moins sur les 25 % du marché qui font aujourd'hui l'objet de promotions très agressives (lessives, couches bébés ...).

Les amendements identiques COM-42 , COM-1 rectifié bis , COM-6 rectifié et COM-30 rectifié bis sont adoptés et deviennent article additionnel.

Article 2 ter (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-43 tend à réécrire cet article pour prolonger l'expérimentation des conventions tripartites entre les agriculteurs, les industriels et les distributeurs jusqu'à la fin de l'année 2025, avec remise à ce moment d'un rapport d'évaluation.

L'amendement COM-43 est adopté.

L'article 2 ter est adopté ainsi rédigé.

Après l'article 2 ter (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les amendements identiques COM-2 et COM-7 reviennent en fait à supprimer le régime des négociations commerciales en France. En effet, ils visent à ce que, dès qu'un fournisseur propose un nouveau tarif au distributeur, ce dernier soit tenu de l'accepter, sans discussion. Seules les discussions sur les services de coopérations commerciales seraient autorisées. Ils font donc courir un réel risque inflationniste, et seraient contraires à la liberté du commerce et de l'industrie. Le rapport de force serait fortement déséquilibré, mais dans le sens inverse cette fois-ci. Du reste, les négociations ne seraient plus encadrées dans le calendrier ; or lorsque nous avons testé cette hypothèse auprès des acteurs, tous, qu'ils soient publics ou privés, nous ont indiqué leur attachement à ce que la date du 1 er mars soit conservée. Avis défavorable à ces deux amendements.

L'amendement COM-2 est retiré et l'amendement COM-7 est rejeté.

Article 3

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Avis défavorable à l'amendement COM-8 qui vise à supprimer l'article 3. Je vous proposerai plutôt de l'améliorer.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Mon amendement COM-44 représente une position d'équilibre qui permettra d'apaiser les tensions et les craintes, car il remplit un triple objectif : éviter les livraisons à perte pour le fournisseur, éviter le risque de rupture de rayon pour le distributeur, et éviter le risque de déréférencement pour les PME.

Il existe une très forte divergence d'appréciation entre fournisseurs et distributeurs sur ce qu'il doit se passer durant le préavis de rupture, lorsqu'ils ne parviennent pas à un accord au 1 er mars ; et cette situation est plus probable en période d'inflation.

En effet, d'un côté les distributeurs considèrent que durant le préavis de rupture, qui peut durer 10, 12 voire 18 mois, le fournisseur doit les livrer à l'ancien tarif, puisqu'ils ne se sont pas mis d'accord sur le nouveau. Ils s'appuient pour cela sur une jurisprudence ancienne, qui ne traitait même pas de produits de grande consommation. Il y a en effet peu de jurisprudence plus récente, car les fournisseurs et distributeurs n'envoient pas en justice leur cocontractant, même lorsqu'il y a litige.

De l'autre côté, les fournisseurs expliquent que livrer pendant douze mois à l'ancien tarif, c'est livrer à un tarif devenu caduc parce que depuis, leurs coûts ont augmenté ; pour certains, c'est même de la livraison à perte. Ils soulignent en outre que la situation actuelle incite les distributeurs à ne pas signer d'accord au 1 er mars, car ils savent qu'ils seront quand même livrés, et qui plus est à un ancien tarif, donc un tarif plus faible. C'est un avantage dans l'absolu pour eux, mais aussi en relatif par rapport aux autres distributeurs qui, eux, auraient accepté des hausses de tarif.

Face à ce constat, l'article 3 prévoit que s'il n'y a pas d'accord au 1 er mars, les parties peuvent saisir le médiateur pour un mois. Pendant ce mois supplémentaire, elles peuvent continuer de négocier le tarif, ou négocier un préavis de rupture. S'il n'y a toujours pas d'accord au 1 er avril, alors la relation s'interrompt brutalement. Le distributeur ne peut plus rien commander, et le fournisseur n'est pas tenu de livrer quoi que ce soit.

Cette solution n'est pas satisfaisante. Déjà, car elle revient à dire que de facto , les négociations durent quatre mois en France et non plus trois. Il y a fort à parier que les parties vont toutes utiliser ce mois supplémentaire sous l'égide du médiateur ; or ce dernier ne peut pas intervenir pour des dizaines de milliers de références. Ensuite, une rupture soudaine de la relation en cas de désaccord crée des risques réels : le risque de rupture de rayon, si le distributeur n'est plus livré ; ou encore le risque de déréférencement brutal, surtout pour les PME, mais pas uniquement, puisque le préavis de rupture n'existe plus dans cet article 3.

L'amendement que je vous propose permet de résoudre l'ensemble de ces problèmes. Il précise que le préavis de rupture doit tenir compte, non pas uniquement de la durée de la relation, comme c'est le cas aujourd'hui, mais aussi des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. Ces conditions économiques seront précisées par le juge, mais on peut déjà mentionner par exemple le taux d'inflation des intrants, la hausse moyenne de tarif acceptée par les distributeurs qui ont accepté un accord, etc.

Par ailleurs, cet amendement précise que, dans l'alimentaire, le tarif applicable durant le préavis doit au moins intégrer l'évolution des matières premières agricoles, pour qu'elles continuent à être sanctuarisées.

Désormais, les fournisseurs pourront exiger que le préavis ne se fasse pas à l'ancien tarif, puisque les conditions économiques ont changé ; les distributeurs ne risqueront plus l'arrêt des livraisons, car le préavis est maintenu ; et les PME ne risqueront plus le déréférencement soudain, puisqu'elles disposeront toujours du préavis.

En outre, le fournisseur insatisfait pourra toujours saisir le juge s'il considère le tarif comme trop faible, charge à ce juge ensuite de dire quelles sont les conditions économiques dont il doit être tenu compte pour déterminer le prix équitable pour les deux parties.

Toutes ces modifications ne sont pas expérimentales, mais pérennes. Cet amendement conserve juste la possibilité pendant trois ans de saisir le médiateur en cas de désaccord au 1 er mars, mais uniquement pour négocier ce préavis, pas pour prolonger les négociations d'un mois supplémentaire.

Par conséquent, je demande le retrait pour tous les amendements sur cet article 3, puisqu'ils sont par nature incompatibles avec celui-ci et, surtout, désormais satisfaits.

Mon amendement prévoit en effet la rétroactivité du tarif pendant le préavis, ce qui satisfait les amendements COM-31 rectifié et l'amendement COM-15 . Il en va de même pour l'amendement COM-32 rectifié, puisqu'il n'y a plus de rupture des relations, ainsi que pour les amendements identiques COM-3 et COM-36 , puisque les PME sont désormais protégées, et enfin pour l'amendement COM-12 , le médiateur tenant naturellement compte de la taille des entreprises lorsqu'il formule des recommandations.

L'amendement COM-44 est adopté. En conséquence, les amendements COM-31 rectifié, COM-12, COM-15, COM-32 rectifié, COM-3, et COM-36 deviennent sans objet.

L'amendement COM-13 est retiré.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 bis A (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-45 prévoit un doublement de la sanction en cas de réitération du non-respect de la date butoir du 1 er mars.

L'amendement COM-45 est adopté.

L'article 3 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3 bis A (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-54 précise que les aspects logistiques négociés entre un fournisseur et un distributeur doivent être formalisés dans une convention qui est différente de la convention tarifaire habituelle.

Il est en effet fait le constat aujourd'hui que les conditions logistiques sont généralement juste indiquées en annexe de la fameuse convention du 1 er mars, et qu'elles sont à peine abordées en toute fin des négociations. Certains distributeurs conditionnent même la signature du tarif au fait que ses conditions logistiques soient entièrement acceptées, sans réel débat, par le fournisseur.

En distinguant les deux documents, et en précisant que la date du 1 er mars ne s'applique pas à la convention logistique, cet amendement permettra aux parties qui le souhaitent de discuter de ces conditions logistiques à un autre moment dans l'année, lorsque les tensions des négociations sont retombées. Ce n'est donc pas une obligation, mais une faculté.

L'amendement COM-54 est adopté et devient article additionnel.

Article 3 bis (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Mon amendement COM-46 précise à quoi s'applique le plafond de 2 % pour le montant maximal de pénalités logistiques pouvant être infligées. Les 2 % s'appliqueront non pas à la valeur des produits manquants, auquel cas le préjudice subi par le distributeur ne serait pas du tout indemnisé, ni à la valeur de l'intégralité de la commande, car sinon la pénalité serait disproportionnée par rapport au préjudice subi, mais à la valeur de la catégorie de produits au sein de laquelle le manquement a eu lieu. Je prends un exemple : si un camion livre 1 000 yaourts, ainsi que 1 000 mottes de beurre, et que seuls des yaourts manquent à l'appel, la pénalité sera plafonnée à 2 % de la valeur des 1 000 yaourts, et non pas de toute la commande qui incluait aussi des mottes de beurre. Bien sûr, si in fine le montant de pénalité est considéré comme trop élevé, le fournisseur peut toujours le contester au motif qu'il n'est pas proportionné au préjudice subi.

Mon amendement supprime aussi le fait que la loi fixe directement un taux de service. Les situations sont extrêmement variées : les produits sont différents, tout comme les chaînes d'approvisionnement, la taille du fournisseur, l'attachement du consommateur, etc. Il faut donc mieux garder la situation actuelle, à savoir que la loi indique qu'une marge d'erreur raisonnable doit être respectée, et cette marge est vérifiée par la DGCCRF ou le juge s'ils sont saisis.

Ensuite, mon amendement interdit d'appliquer des pénalités pour un manquement remontant à plus d'un an ; il oblige le distributeur, lorsqu'il facture une pénalité, à transmettre en même temps les preuves du préjudice.

Enfin, mon amendement précise dans quelles conditions le Gouvernement peut suspendre les pénalités logistiques en cas de crise affectant les chaînes d'approvisionnement.

L'amendement COM-46 est adopté. En conséquence les amendements COM-34 rectifié, COM-14 et COM-4 rectifié bis deviennent sans objet. L'amendement COM-33 rectifié est retiré.

L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3 bis (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Avis favorable aux amendements identiques COM-23 rectifié et COM-25 rectifié qui visent à exclure les grossistes du régime des pénalités logistiques. Les grossistes se retrouvent en effet entre deux feux : en amont, ils sont soumis au nouveau régime issu d'Egalim 2, c'est-à-dire que les pénalités qu'ils peuvent infliger sont limitées, et en aval ils peuvent se voir infliger des pénalités supérieures, car celles-ci relèvent du code civil et non plus du code de commerce.

Les amendements identiques COM-23 rectifié et COM-25 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Demande de retrait de l'amendement COM-24 rectifié qui vise à interdire la facturation de pénalités logistiques sans démonstration concomitante du préjudice. Cet amendement est désormais satisfait par le nouvel article 3 bis que nous venons de modifier.

L'amendement COM-24 rectifié est retiré.

Article 3 ter (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'article 3 ter prévoit que les distributeurs communiquent chaque année à la DGCCRF le montant de pénalités infligées et effectivement perçues, et que les fournisseurs en fassent autant. Ce faisant, l'administration pourra plus facilement diligenter des enquêtes en cas d'informations erronées, ou divergentes.

Mon amendement COM-47 prévoit que dans les communications, le montant de pénalités soit distingué mois par mois, pour faciliter les comparaisons ; on sait par exemple qu'il y en a beaucoup plus qui sont infligées en fin d'année. Cet amendement oblige les distributeurs également à communiquer sur les pénalités 2021 et 2022, pour vérifier si la loi Egalim 2 a eu un effet en la matière. Par ailleurs, il prévoit que le Gouvernement remet chaque année aux présidents des commissions des affaires économiques du Sénat et de l'Assemblée nationale, une synthèse de ces informations reçues.

L'amendement COM-47 est adopté.

L'article 3 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'article 3 traduit une recommandation que Daniel Gremillet et moi-même avions faite en juillet 2022, à savoir que l'attestation du tiers indépendant parvienne aux distributeurs en amont des négociations, plutôt qu' a posteriori . Avis défavorable à l'amendement COM-9 qui supprime la deuxième attestation : ni les industriels ni les distributeurs ne souhaitent sa suppression. Ils la perçoivent comme une protection, une preuve que tout s'est bien passé, qu'ils pourront éventuellement produire devant un juge s'il y a litige.

L'amendement COM-9 n'est pas adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Mon amendement COM-48 prévoit simplement que le fournisseur doit fournir au tiers indépendant une note méthodologique précisant comment il fait le lien entre l'évolution des cours des MPA et le nouveau tarif qu'il propose. Nous nous sommes en effet rendu compte que le tiers indépendant atteste le tarif sur la base des éléments fournis par le fournisseur, mais qu'il n'atteste pas du tout la méthode, ni même l'exhaustivité des pièces produites. Il juge quelque peu à l'aveugle, d'une certaine façon. Par ailleurs, nous précisons explicitement que le fournisseur doit transmettre l'attestation au distributeur.

L'amendement COM-48 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-10 tend à interdire au distributeur d'exiger la communication par le fournisseur des pièces justificatives transmises au tiers indépendant. J'y suis défavorable. Cet amendement risque de soulever plus de difficultés qu'il n'en résout. En effet, il ne faudrait pas que toute sollicitation soit interdite, car certains fournisseurs sont tout à fait d'accord pour transmettre certaines pièces supplémentaires au distributeur, pour justifier les hausses demandées. Or un distributeur qui, dans une relation non soumise à tension, car il en existe tout de même, souhaiterait solliciter certains documents, se retrouverait dans l'illégalité. Si cet amendement vise surtout à interdire le fait de forcer le fournisseur à transmettre ces pièces, alors il est déjà satisfait. Elles font partie du secret des affaires, et il n'est pas autorisé de contraindre qui que ce soit à les communiquer. Si cela se produit, c'est au fournisseur de saisir le juge, mais la loi est déjà très stricte sur ce point.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 4

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-17 rectifié vise à étendre le principe de non-discrimination tarifaire à tous les produits de grande consommation et non uniquement aux produits alimentaires. Je comprends l'intention des auteurs de cet amendement, mais dans les faits, il ne traduit pas du tout cette intention. En effet, cet amendement conserve le fait que la non-discrimination ne s'applique qu'aux produits alimentaires ; et l'article du code de commerce auquel il fait référence, l'article L. 443-4, ne concerne pas la convention tarifaire, mais le fait que les indicateurs de coût de production doivent être mentionnés dans les CGV. Nous pourrons revenir dessus en séance, avec un dispositif plus opérant, si vous le souhaitez. En attendant, demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-17 rectifié est retiré.

Les amendements COM-19 rectifié bis et COM-20 rectifié bis sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-27 rectifié prévoit la prise en compte du coût des matières premières agricoles dans la détermination du tarif d'un produit vendu sous marque de distributeur. Il y a effectivement un travail à réaliser en matière de sanctuarisation des MPA dans les MDD. Cependant, cet amendement indique seulement qu'il est tenu compte du coût d'achat de la MPA, au moment de la signature du contrat. Ça ne veut pas dire qu'elle est sanctuarisée : ils peuvent en tenir compte à hauteur de très peu. Je vous propose donc de le retirer et que nous travaillions ensemble, d'ici à la séance, pour proposer un dispositif plus exigeant.

L'amendement COM-27 rectifié est retiré.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-28 rectifié prévoit qu'un décret fixera les modalités d'application du régime des pénalités logistiques. Un tel décret ne paraît pas nécessaire. D'une part, la loi est désormais claire, depuis la loi Egalim 2 et a fortiori à la suite des amendements que nous avons adoptés à l'article 3 bis . D'autre part, prévoir un décret va relancer une période de flou juridique jusqu'à ce qu'il soit édicté. De l'avis général, les lignes directrices publiées par la DGCCRF à notre demande, en juillet 2022, ont permis de clarifier la doctrine et servent d'outils pour sanctionner les manquements. Il semble dès lors préférable de s'en tenir à ces lignes directrices. Retrait sinon avis défavorable.

L'amendement COM-28 rectifié est retiré.

Article 4 bis (nouveau)

L'amendement rédactionnel COM-49 est adopté.

L'article  4 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4 ter (nouveau)

L'article 4 ter est adopté sans modification.

Article 5 (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Mon amendement COM-50 ainsi que les amendements COM-16 rectifié et COM-29 rectifié bis tendent à clarifier des dispositions du code de commerce applicables aux grossistes.

Les amendements identiques COM-50 , COM-16 rectifié et COM-29 rectifié bis sont adoptés.

L'article  5  est ainsi rédigé.

Article 6 (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'article 6 prévoit qu'un décret fixe la liste de produits pour lesquels l'obligation d'avoir une clause de renégociation n'est pas applicable. L'intention est tout à fait légitime, puisque par exemple des contrats de vente à terme dans les filières céréales sont par nature incompatibles avec une telle clause. Leur intérêt même repose dans le fait que le prix est fixé à l'avance. Il me semble néanmoins nécessaire de prévoir qu'une dérogation à une telle obligation générale fasse d'abord l'objet d'une demande motivée de l'interprofession représentative des produits concernés, pour garder une forme de « traçabilité » de l'action du ministre en la matière. C'est l'objet de mon amendement COM-51 rectifié, qui réécrit l'article 6 en ce sens.

L'amendement COM-51 rectifié est adopté.

L'article 6 est adopté ainsi rédigé.

Article 7 (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Mon amendement COM-52 permet de ne pas inclure dans l'obligation des contrats qui sont fondés sur le fait qu'une partie du prix payé au producteur dépend d'indicateurs observés a posteriori .

L'amendement COM-52 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8 (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-53 tend à supprimer cet article, devenu redondant avec le nouvel article 3 ter .

L'amendement COM-53 est adopté.

L'article 8 est supprimé.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-38 tend à modifier l'intitulé de la proposition de loi pour tirer les conséquences des modifications apportées par la commission des affaires économiques. Je propose comme intitulé : « Proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ».

L'objet des différents articles n'est en effet pas tant de sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation, que de rééquilibrer le rapport de force dans les relations commerciales.

L'amendement COM-38 est adopté.

L'intitulé du projet de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme LOISIER, rapporteure

39

Coordination juridique

Adopté

M. MENONVILLE

37

Dérogation pour l'arbitrage au principe de compétence exclusive des tribunaux français

Adopté

Article 2

Mme LOISIER, rapporteure

40 rect.

Suspension durant deux ans de l'application du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte

Adopté

M. TISSOT

11

Réduction de la durée d'expérimentation du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte

Satisfait ou sans objet

M. GAY

35

Réduction de la durée d'expérimentation du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte

Satisfait ou sans objet

Mme BERTHET

5

Réduction de la durée d'expérimentation du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte et de l'encadrement des promotions

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 2

M. CADEC

18 rect.

Affichage détaillé des obligations réciproques et de leur prix convenus entre fournisseurs et distributeurs dans la convention relative aux produits de grande consommation

Adopté

M. DUPLOMB

26 rect.

Exclusion de la filière des fruits et légumes de l'application du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte

Satisfait ou sans objet

Article 2 bis (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

41

Suppression d'article

Adopté

M. SALMON

21

Poursuite de l'expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte sous réserve des conclusions du rapport d'évaluation

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 2 bis (nouveau)

M. SALMON

22

Précision des compétences de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires pour ce qui relève de l'agriculture biologique

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant Article 2 ter (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

42

Extension de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires aux produits de grande consommation

Adopté

Mme FÉRAT

1 rect. bis

Extension de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires aux produits de grande consommation

Adopté

Mme BERTHET

6 rect.

Extension de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires aux produits de grande consommation

Adopté

M. DUPLOMB

30 rect. bis

Extension de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires aux produits de grande consommation

Adopté

Article 2 ter (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

43

Prolongation de l'expérimentation des conventions tripartites

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2 ter (nouveau)

Mme ESTROSI SASSONE

2

Application automatique du tarif du fournisseur sans négociation possible

Retiré

Mme BERTHET

7

Application automatique du tarif du fournisseur sans négociation possible

Rejeté

Article 3

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme BERTHET

8

Suppression d'article

Rejeté

Mme LOISIER, rapporteure

44

Précision relative aux éléments d'un préavis de rupture de relation commerciale

Adopté

M. DUPLOMB

31 rect.

Rétroactivité du tarif conclu en médiation

Satisfait ou sans objet

M. TISSOT

12

Prise en compte de la taille des entreprises par la médiation des relations commerciales agricoles

Satisfait ou sans objet

M. TISSOT

15

Rétroactivité du tarif conclu en médiation

Satisfait ou sans objet

M. DUPLOMB

32 rect.

Extinction de la convention écrite en cas de désaccord à l'issue de la médiation

Satisfait ou sans objet

Mme ESTROSI SASSONE

3

Restriction du champ d'application aux seules grandes entreprises

Satisfait ou sans objet

M. GAY

36

Restriction du champ d'application aux seules grandes entreprises

Satisfait ou sans objet

M. TISSOT

13

Contenu du rapport d'évaluation de l'expérimentation

Retiré

Article 3 bis A (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

45

Doublement de la sanction en cas de réitération du non-respect de la règle du 1 er mars

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 3 bis A (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

54

Distinction de la convention logistique de la convention tarifaire

Adopté

Article 3 bis (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

46

Encadrement des pénalités logistiques

Adopté

M. DUPLOMB

33 rect.

Assiette sur laquelle est calculé le plafond du montant de pénalités logistiques

Retiré

M. DUPLOMB

34 rect.

Suppression du taux de service pour les pénalités logistiques

Satisfait ou sans objet

M. TISSOT

14

Expérimentation d'un taux de service fixé à 97 %

Satisfait ou sans objet

M. SAVARY

4 rect. bis

Interdiction des pénalités en cas de franchissement d'un taux de service ou de commande de moins d'un mois

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 3 bis (nouveau)

M. MENONVILLE

23 rect.

Exclusion des grossistes du régime des pénalités logistiques

Adopté

M. DUPLOMB

25 rect.

Exclusion des grossistes du régime des pénalités logistiques

Adopté

M. DUPLOMB

24 rect.

Interdiction de facturation de pénalités logistiques sans démonstration concomitante du préjudice

Retiré

Article 3 ter (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

47

Informations relatives aux pénalités logistiques communiquées par les distributeurs et fournisseurs à l'administration

Adopté

Article 4

Mme BERTHET

9

Suppression de la deuxième attestation

Rejeté

Mme LOISIER, rapporteure

48

Attestation de la méthodologie employée par le fournisseur et transmission obligatoire de l'attestation au distributeur

Adopté

Mme BERTHET

10

Interdiction pour le distributeur d'exiger la communication par le fournisseur des pièces justificatives transmises au tiers indépendant

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 4

M. CADEC

17 rect.

Non-discrimination tarifaire des produits de grande consommation

Retiré

M. CADEC

19 rect. bis

Intégration des centrales d'achat dans la définition d'une concentration

Irrecevable art. 45, al. 1 C

M. CADEC

20 rect. bis

Modalités de déclaration de la constitution d'une centrale d'achat

Irrecevable art. 45, al. 1 C

M. DUPLOMB

27 rect.

Prise en compte du coût des matières premières agricoles dans la détermination du tarif d'un produit vendu sous marque de distributeur

Retiré

M. DUPLOMB

28 rect.

Décret pour la fixation des modalités d'application du régime des pénalités logistiques

Retiré

Article 4 bis (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

49

Modifications rédactionnelles

Adopté

Article 5 (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

50

Clarification des dispositions du code de commerce applicable aux grossistes

Adopté

M. TISSOT

16 rect.

Clarification des dispositions du code de commerce applicable aux grossistes

Adopté

M. MENONVILLE

29 rect. bis

Clarification des dispositions du code de commerce applicable aux grossistes

Adopté

Article 6 (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

51 rect.

Possibilité d'exclusion de certains types de contrats de l'obligation de contenir une clause de renégociation

Adopté

Article 7 (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

52

Exclusion de certains contrats de vente de l'obligation d'informer le producteur en amont de la livraison du prix finalement payé

Adopté

Article 8 (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

53

Suppression d'article

Adopté

Proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation

Mme LOISIER, rapporteure

38

Modification de l'intitulé de la proposition de loi

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 bis
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » , le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 43 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 44 ( * ) .
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 45 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 46 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, je vous proposer de considérer que sont inclues dans le périmètre de l'article 45 de la Constitution les dispositions de cette proposition de loi qui sont relatives :

- à la transparence et à l'encadrement des relations commerciales, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées en matière commerciale ;

- à l'encadrement des négociations commerciales ;

- à la détermination du seuil de revente à perte pour certaines catégories de produits et à l'encadrement des promotions portant sur ces produits.

Les amendements figurant dans le tableau ci-après ont été déclarés irrecevables par la commission des affaires économiques sur le fondement de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du Règlement du Sénat :

Numéro

Place

Auteur

Objet

19

Article additionnel après l'article 4

M. CADEC

Modalités de déclaration de la constitution d'une centrale d'achat

20

Article additionnel après l'article 4

M. CADEC

Intégration des centrales d'achat dans la définition d'une concentration

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 17 janvier 2023

- Institut de liaison des entreprises de consommation (Ilec) : MM. Richard PANQUIAULT , directeur général, Daniel DIOT , secrétaire général, Antoine QUENTIN , directeur affaires publiques.

- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) : MM. Emmanuel HONORÉ , conseiller chargé des élus et des discours, Simon LAPORTE , conseiller économie et suivi des filières alimentaires, Serge LHERMITTE , chef du service compétitivité et performance environnementale.

- Fédération du commerce et de la distribution (FCD) : M. Jacques CREYSSEL , délégué général, Mme Layla RAHHOU , directrice des affaires publiques.

- Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) : M. Emmanuel GUICHARD , délégué général, Mme Olivia GUERNIER , directrice des affaires publiques et de la communication, M. Xavier GUEANT , directeur juridique.

Jeudi 19 janvier 2023

- Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) : M. Léonard PRUNIER , président, Mme Diane AUBERT , directrice de cabinet.

- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : MM. Patrick BÉNÉZIT , secrétaire général adjoint, Benjamin GUILLAUME , chargé de mission organisation économique, Xavier JAMET , responsable des affaires publiques.

Mardi 24 janvier 2023

- Association nationale des industries alimentaires (Ania) : M. Jean-Philippe ANDRÉ , président, Mme Marie BUISSON , responsable juridique, M. Simon FOUCAULT , directeur affaires publiques.

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : M. Jérôme VIDAL , conseiller consommation et pratiques commerciales, Mmes My-Lan NGUYEN , conseillère parlementaire et relations avec les élus locaux, M. Pierre REBEYROL , chef du bureau du commerce et des relations commerciales.

-  SYSTEME U : MM. Dominique SCHELCHER , président-directeur général, Philippe GIGLEUX , chargé de mission auprès de la présidence.

Mardi 31 janvier 2023

- Intermarché : MM. Jean-François SOUDAIS , vice-président, Gilles ROTA , directeur juridique commerce et distribution, Frédéric THUILLIER , directeur des affaires publiques.

- Fédération de l'hygiène et de l'entretien responsable (FHER) : Mme Virginie D'ENFERT , déléguée générale, M. Pierre TIZZANI , directeur financier et des opérations - société Héritage, Mme Johanne BOUAKNIN , directrice commerciale de la société Héritage.

- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) : MM. Thierry DAHAN , médiateur des relations commerciales agricoles, Pierre DEBROCK , médiateur délégué des relations commerciales agricoles.

- Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale) : MM. Jérôme FOUCAULT , président, Christian DIVIN , directeur général, Christian GUYADER , membre du Conseil d'administration, dirigeant du groupe Guyader.

- La Coopération agricole : MM. Dominique CHARGÉ , président, Thibault BUSSONNIÈRE , responsable des affaires publiques.

Mercredi 1 er février 2023

- Confédération des grossistes de France : Mme Kristelle HOURQUES , directrice des affaires publiques, MM. Jacques-Olivier BOUDIN , président de la commission économie, Pierre PERROY , directeur des affaires économiques et fiscales.

- Carrefour : M. Éric ADAM , directeur des relations institutionnelles, Mme Nathalie NAMADE , directrice des affaires publiques, M. Tony VEDIE , directeur juridique.

- Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel) : MM. Alexis DEGOUY , directeur général délégué, Laurent GRANDIN , président.

Jeudi 2 février 2023

- Association des Centres Distributeurs - E. Leclerc : M. Philippe MICHAUD , co-président, Mme Marie DE LAMBERTERIE , secrétaire générale.

- Unilever France : M. Nicolas LIABEUF , président.

- Altair : MM. Étienne SACILOTTO , président, François-Xavier APOSTOLO , directeur général Briochin (filiale d'Altair).

Vendredi 3 février 2023

- UFC - Que Choisir : MM. Olivier ANDRAULT , chargé d'études alimentation et nutrition, Benjamin RECHER , chargé des relations institutionnelles.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-261.html


* 1 En économie, un oligopsone est un marché sur lequel il y a un petit nombre de demandeurs pour un grand nombre d'offreurs.

* 2 Les dispositions de ce titre sont majoritairement issues de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce, elle-même prise sur le fondement de l'habilitation à légiférer par ordonnance accordée par le Parlement dans l'article 17 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi Egalim ».

* 3 Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

* 4 Une centrale d`achat centralise les achats pour le compte de ses membres, permettant en temps normal une recherche plus efficace des fournisseurs, une analyse plus fine des produits et une négociation optimisée des conditions d'achat. Une centrale de référencement, dont le fonctionnement se rapproche fortement de celui d'une centrale d'achat, n'achète pas directement les produits ; elle négocie les tarifs et autres aspects commerciaux pour le compte de ses membres, et ce sont ces derniers qui les achètent auprès des fournisseurs, aux conditions ainsi négociées.

* 5 Réponse d'un acteur agricole au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 6 Les critères de sélection des fournisseurs semblent toutefois plus précis dans le cas des centrales nationales.

* 7 RMC, 31 janvier 2018, « Michel-Edouard Leclerc dans le collimateur de Bercy » et Les Échos, 31 janvier 2018, « Leclerc dément vouloir contourner la loi avec sa centrale d'achat belge ».

* 8 Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs, présenté par M. Thierry Benoit, Président, et M. Grégory Besson-Moreau, Rapporteur, le 25 septembre 2019.

* 9 Règlement (CE) No 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

* 10 Devenu depuis l'article L. 442-1, relatif à certaines pratiques restrictives de concurrence comme l'avantage sans contrepartie, le déséquilibre significatif, la rupture brutale de relation commerciale.

* 11 Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 juillet 2020, 17-31.536, Publié au bulletin.

* 12 Scabel est une société de droit belge, qui exerce un rôle d'intermédiaire entre Eurelec et les centrales d'achat régionales françaises et portugaises de la société Leclerc.

* 13 Groupement d'achat des centres Édouard Leclerc. Il s'agit de la centrale d'achat nationale du groupe Leclerc, qui négocie les contrats-cadres annuels avec les fournisseurs français, lesquels contrats-cadres sont mis en oeuvre par les centrales d'achat régionales.

* 14 Association des centres distributeurs Édouard Leclerc, en charge de l'élaboration de la stratégie à long terme du Mouvement E. Leclerc.

* 15 Lors de l'examen de la loi Egalim en 2018, la commission des affaires économiques avait adopté un amendement des rapporteurs érigeant directement certaines dispositions du code de commerce au rang de loi de police, mais seuls deux articles dudit code étaient alors concernés.

* 16 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

* 17 Ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires.

* 18 Décret n° 2018-1304 du 28 décembre 2018 fixant l'entrée en vigueur de l'article 2 de l'ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires.

* 19 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

* 20 Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

* 21 Compte-rendu intégral des débats de la séance du 26 juin 2018 ( https://www.senat.fr/seances/s201 806/s20 180 626/s20 180 626 005.html ).

* 22 Synthèse du rapport d'information « Loi Egalim un an après : le compte n'y est pas », de MM. Daniel Gremillet, Michel Raison et Mme Anne-Catherine Loisier, fait au nom de la commission des affaires économiques n° 89 (2019-2020) - 30 octobre 2019.

* 23 Une enseigne de grande distribution a indiqué à la rapporteure que le SRP+ 10 s'était traduit, pour elle, par un surcroît de recettes de 70 millions d'euros la première année de sa mise en oeuvre (2019).

* 24 « Négociations commerciales et inflation : des tensions inédites, des pratiques contestables », Rapport d'information n° 799 (2021-2022) de M. Daniel Gremillet et Mme Anne-Catherine Loisier, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 19 juillet 2022.

* 25 https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/276 625_0.pdf

* 26 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

* 27 Article 9 de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

* 28 Article 106 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 29 Il était ainsi constaté que : « sur les produits du rayon droguerie, parfumerie, hygiène, où l'encadrement ne s'applique pas, le taux de générosité a augmenté, même si le poids du chiffre d'affaires sous promotion n'a pas fondamentalement évolué. Nul doute que lors des prochaines négociations commerciales, ces produits étant devenus des produits d'appel, cette tendance devrait être modifiée » .

* 30 Il s'agit du prix de vente à la grande distribution minoré des remises accordées par le fournisseur (par exemple celles de fin d'année, en fonction des volumes vendus) et du montant des services de coopération commerciale vendus par le distributeur (par exemple le placement en tête de gondole).

* 31 Ils sont définis comme des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation. Leur liste figure à l'article D. 441-9 du code de commerce.

* 32 « Rappel de l'intention du législateur sur l'application de l'article 7 de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs relatif aux pénalités logistiques infligées par les distributeurs », Rapport d'information de Mme Anne-Catherine LOISIER, fait au nom de la commission des affaires économiques n° 595 (2021-2022) - 30 mars 2022.

* 33 https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/concurrence/relations_commerciales/faq-lignes-directrices-penalites-logistiques-vf.pdf ?v=1658 221 274

* 34 https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/presse/communique/2022/cp-dgccrf-egalim2.pdf ?v=1668 499 068

* 35 Art. L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

* 36 II de l'article L. 443-8 du code de commerce : « La négociation commerciale ne porte pas sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix des matières premières agricoles [...] ».

* 37 « Négociations commerciales et inflation : des tensions inédites, des pratiques contestables », Rapport d'information n° 799 (2021-2022) de M. Daniel Gremillet et Mme Anne-Catherine Loisier, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 19 juillet 2022.

* 38 Art. L. 443-8 du code de commerce.

* 39 Rapport d'information de M. Daniel Gremillet et Mme Anne-Catherine Loisier, fait au nom de la commission des affaires économiques n° 799 (2021-2022) - 19 juillet 2022.

* 40 Art. L. 441-4 du code de commerce.

* 41 Guide des labels et systèmes de garanties, commerce équitable origine France : https://www.commercequitable.org/wp-content/uploads/cef-guide-label-of-2021.pdf

* 42 Article 219 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, modifiant l'article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

* 43 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 44 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 45 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 46 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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