Article
65
(art. 8 de la loi n° 72-964 du
25 octobre 1972)
Francisation de prénom
Cet article tend à ne plus opposer de forclusion à la demande de francisation de prénoms présentée par des personnes ayant acquis ou retrouvé la nationalité française et justifiant de l'utilisation de prénoms précédemment francisés à l'initiative des autorités administratives.
La francisation du prénom consiste à substituer à ce prénom un prénom français ou à attribuer un tel prénom complémentaire ou, en cas de pluralité de prénoms, à supprimer le prénom étranger pour ne laisser subsister que le prénom français.
L'article 8 de la loi n° 72-964 du 25 octobre 1972 relative à la francisation des noms et prénoms des personnes qui acquièrent, recouvrent ou se font reconnaître la nationalité française dispose que la demande de francisation de nom ou de prénoms peut être présentée lors de la demande de naturalisation ou de réintégration ou lors de la déclaration d'acquisition de la nationalité française ou de réintégration.
Ce même article prévoit que cette demande peut être présentée également dans le délai d'un an suivant l'acquisition de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité 39 ( * ) .
Au-delà, le délai est forclos. La personne désireuse de changer de prénom doit alors recourir à la procédure de droit commun de l'article 60 du code civil relatif au changement de prénom. La personne justifiant d'un intérêt légitime porte sa demande devant le juge aux affaires familiales. Cette procédure est longue et son coût est d'environ 900 euros, le ministère d'avocat étant obligatoire.
Cette limitation du délai de dépôt de la demande de francisation à un an n'est pas allée sans poser d'importantes difficultés aux personnes naturalisées françaises dont les prénoms furent francisés d'office par les administrations lors de l'établissement de documents officiels.
Cette pratique de francisation de facto des prénoms fut fréquente durant les décennies qui suivirent la seconde guerre mondiale. L'administration décidait parfois de franciser les prénoms unilatéralement sans que l'étranger naturalisé ne l'ait demandé.
Or, les prénoms francisés n'ayant fait l'objet d'aucune décision légale, les actes de naissance de ces personnes ne comportent que les seuls prénoms étrangers. 40 ( * )
Cette procédure illégale pose aujourd'hui problème à l'occasion du renouvellement des titres d'identité. En effet, il convient que les prénoms figurant sur les titres d'identité correspondent à ceux figurant sur l'acte de naissance. Pour conserver leurs prénoms francisés ces personnes naturalisées depuis longtemps doivent engager des démarches longues ou coûteuses.
Le médiateur de la République a été confronté à ces situations. Il distingue deux cas de figure :
- le ou les prénoms français figurent sur le décret de naturalisation. Le parquet du tribunal de grande instance de Nantes accepte, sur présentation des justificatifs adéquats démontrant l'utilisation du ou des prénoms francisés par les autorités administratives, de donner instruction au service central de l'état civil de procéder à la rectification de l'acte de naissance. Le parquet considère en effet que le non report des prénoms francisés sur l'acte de naissance résulte d'une simple erreur matérielle, puisque le décret de naturalisation prévoyait cette francisation. La procédure prend entre 18 et 24 mois mais n'entraîne aucun frais ;
- le décret de naturalisation mentionne seulement le ou les prénoms étrangers, inscrits sur l'acte de naissance. Le délai d'un an prévu à l'article 8 de la loi n° 72-964 du 25 octobre 1972 précitée étant écoulé, la seule solution pour recouvrer ses prénoms dans leur consonance française est de recourir à la procédure de changement de prénom prévue par l'article 60 du code civil.
Conformément à l'article 9 modifié de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 qui autorise le médiateur de la République à proposer des modifications législatives ou réglementaires visant à faire disparaître à la source une iniquité constatée, ce dernier a publié la proposition de réforme 04-R07.
Cette proposition qui a directement inspiré le présent article suggère de ne pas rendre opposable aux personnes justifiant de l'utilisation de prénoms francisés par les autorités administratives le délai d'un an suivant l'acquisition de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. En outre, le médiateur propose que la francisation soit de droit dans ces circonstances.
L'article 65 du projet de loi a retenu la proposition de réforme du médiateur en ce qui concerne la non-opposabilité du délai d'un an. La demande de francisation pourrait être formulée sans délai. Toutefois, le projet de loi ne prévoit pas que la francisation soit de droit.
Votre commission vous propose un amendement reprenant cette dernière proposition du médiateur. La francisation des prénoms de ces personnes devrait être de droit, les difficultés administratives auxquelles elles sont confrontées résultant des seules erreurs de l'administration. Elles n'ont pas à en supporter le poids indéfiniment. Cette francisation de droit signifierait que l'administration, en l'espèce le ministre des affaires sociales, aurait compétence liée une fois les vérifications matérielles accomplies.
Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 65 ainsi modifié .
* 39 En 2003, 7710 personnes (y compris des enfants mineurs bénéficiant de l'effet collectif) ont bénéficié d'une francisation, dont 7471 francisations du prénom.
* 40 Lors de la mise en place de la carte nationale d'identité sécurisée prévue par le décret n° 87-178 du 19 mars 1987, il a été décidé de traiter les demandes de renouvellement des cartes nationales d'identité cartonnées comme des premières demandes. Jusqu'alors, le renouvellement se faisait sur simple présentation de la carte périmée sans réclamation de pièces justificatives de l'état civil ou de la nationalité française. La substitution de la nouvelle carte sécurisée à la carte d'identité cartonnée étant considérée comme une première délivrance, elle exige de contrôler l'ensemble des documents justificatifs de l'état civil et de la nationalité.