ALLEMAGNE
Dans le
souci de se démarquer de son passé autoritaire et centralisateur,
la République fédérale d'Allemagne a choisi d'appliquer le
principe de subsidiarité
et de limiter les compétences de
l'État.
Les Églises prennent donc en charge des missions
que l'État n'assume pas
, notamment dans les domaines social et
éducatif. Elles gèrent par exemple des hôpitaux, des foyers
pour handicapés, des maisons de retraite, des crèches et des
écoles maternelles, ainsi que des centres assurant les consultations
obligatoires préalables aux interruptions volontaires de grossesse.
|
1) Les dispositions constitutionnelles relatives à la religion
Dans son préambule, la Loi fondamentale comporte une référence religieuse : « Conscient de sa responsabilité devant Dieu et devant les hommes, (...) le peuple allemand s'est donné la présente Loi fondamentale en vertu de son pouvoir constituant . »
a) L'interdiction de toute discrimination religieuse
Elle est
prévue par
l'article 3-3
de la Loi fondamentale, selon
lequel : «
Nul ne doit être défavorisé ni
privilégié en raison de (...) ses opinions religieuses ou
politiques (...).
»
En outre, l
'article 33-3
, relatif à l'égalité
civique, précise : «
La jouissance des droits civils
et civiques, l'admission aux fonctions publiques, ainsi que les droits acquis
dans la fonction publique sont indépendants de la croyance religieuse.
Personne ne doit subir de préjudice en raison de son adhésion
à une croyance religieuse et philosophique.
»
Par ailleurs,
l'article 116-2
prévoit que les personnes
déchues de la nationalité allemande entre le 30 janvier 1933
et le 8 mai 1945 pour des raisons religieuses doivent être
réintégrées dans la nationalité allemande si elles
en font la demande. Leurs descendants bénéficient des mêmes
dispositions.
b) La liberté religieuse
Elle est
garantie par les alinéas 1 et 2 de
l'article 4
de la Loi
fondamentale, qui énoncent :
«
1. La liberté de croyance et la liberté de
professer des croyances religieuses et philosophiques sont inviolables.
»
2. Le libre exercice du culte est garanti.
»
La liberté religieuse jouit d'une garantie renforcée : comme
tous les droits fondamentaux, en vertu de l'article 1-3 de la Loi
fondamentale, «
elle lie les pouvoirs législatif,
exécutif et judiciaire, en tant que droit directement
applicable
. » En outre, elle fait partie du petit groupe de
droits fondamentaux pour lesquels aucune limite explicite n'est prévue.
c) L'enseignement privé
L'article 7
de la Loi fondamentale place
l'ensemble du
système éducatif sous le contrôle de l'État, mais
assure la
liberté de fonder et de gérer des
écoles privées
.
Son alinéa premier dispose en effet : «
L'ensemble de
l'enseignement scolaire est placé sous le contrôle de
l'État
», tandis que ses alinéas 4 et 5
prévoient :
«
Le droit de fonder des écoles privées est garanti.
Les écoles privées qui se substituent aux écoles publiques
doivent être agréées par l'État et sont soumises aux
lois des Länder. L'agrément doit être délivré
lorsque les écoles privées ne sont pas d'un niveau
inférieur aux écoles publiques quant à leurs programmes,
à leurs installations et à la formation pédagogique de
leur personnel enseignant, et qu'elles ne favorisent pas une
ségrégation des élèves fondée sur la fortune
des parents. L'agrément doit être refusé si la situation
économique et juridique du personnel enseignant n'est pas suffisamment
assurée.
»
Une école primaire privée ne doit être
autorisée que si l'administration de l'instruction publique lui
reconnaît un intérêt pédagogique particulier ou si
les personnes investies de l'autorité parentale demandent la
création d'une école interconfessionnelle, confessionnelle ou
philosophique et qu'il n'existe pas d'école primaire publique de ce
genre dans la commune.
»
d) L'instruction religieuse
L'article 7 de la Loi fondamentale en fait une
matière
obligatoire dans les écoles publiques
, mais il n'impose pas la
participation des enfants à ces cours. Il n'oblige pas non plus les
enseignants à assurer ces cours contre leur gré.
Conformément aux alinéas 2 et 3 de cet article :
«
Les personnes investies de l'autorité parentale ont le
droit de décider de la participation des enfants à l'instruction
religieuse.
»
L'instruction religieuse est une matière d'enseignement
régulière dans les écoles publiques sauf dans les
écoles non confessionnelles. L'instruction religieuse est
dispensée conformément aux principes des communautés
religieuses, sans préjudice du droit de contrôle de l'État.
Aucun enseignant ne peut être obligé de dispenser l'instruction
religieuse contre son gré.
»
e) La reconnaissance des cultes
L'article 140
de la Loi fondamentale précise
que
les articles 136 à 139, et 141 de la Constitution de Weimar,
relatifs à la religion et aux sociétés religieuses,
demeurent en vigueur
.
Ces dispositions proclament la
stricte neutralité de
l'État
, tout en organisant
sa coopération avec les
communautés religieuses
.
Les communautés religieuses qui sont reconnues
,
c'est-à-dire celles qui satisfont aux critères fixés par
l'article 137-5 de la Constitution de Weimar et qui respectent l'ordre
constitutionnel,
sont des personnes morales de droit public
.
En vertu des dispositions constitutionnelles,
elles peuvent lever
l'impôt
,
entretenir des aumôneries
dans les
hôpitaux, les prisons et les casernes, et jouissent du
droit
d'autodétermination
, qui leur permet de s'administrer librement
et qui exclut toute ingérence de l'État, qu'il s'agisse ou non de
questions en relation directe avec le culte. Si les dispositions
constitutionnelles restreignent cette autonomie par la nécessité
de respecter la loi «
applicable à tous
»,
l'interprétation que donne la Cour constitutionnelle
fédérale de cette prescription équivaut à une
autonomie presque complète. Ainsi, les sociétés
religieuses reconnues peuvent se soustraire à la législation, en
particulier au droit du travail.
Actuellement, 90 % des groupements religieux (essentiellement
l'Église catholique, l'Église évangélique
d'Allemagne, plusieurs Églises protestantes n'appartenant pas à
cette dernière, l'Église mormone, les communautés juives
et plusieurs Églises orthodoxes) sont reconnus et ont le statut de
personnes morales de droit public. En revanche, ni les témoins de
Jéhovah
(1(
*
))
ni les groupements
islamiques ne sont reconnus.
Les communautés religieuses qui ne sont pas reconnues sont
organisées en associations de droit commun. Elles
bénéficient seulement du principe constitutionnel
d'autodétermination.
* *
*
Les Constitutions des différents Länder , tout en respectant les prescriptions de la Loi fondamentale, comportent des dispositions très différentes . Certaines, comme celles du Bade-Wurtemberg ou de la Rhénanie-Palatinat, insistent sur la coopération de l'État et des Églises. Elles reconnaissent par exemple leur rôle d'éducation morale, leur droit de recevoir des subsides publics et d'entretenir des séminaires. D'autres, comme celles de Brême, de Hesse, ainsi que des nouveaux Länder , insistent plutôt sur la séparation.
Articles de la Constitution de Weimar relatifs à la
religion et aux sociétés religieuses
1.
Les droits et devoirs civils et civiques ne seront ni conditionnés, ni
limités par l'exercice de la liberté religieuse.
Article 137
1. Il
n'existe pas d'Église d'État.
Article 138
1. Les
aides accordées par l'État aux sociétés religieuses
en vertu d'une loi, d'une convention ou de titres juridiques particuliers
seront rachetées conformément aux lois des Länder. Les
principes applicables sont établis par le Reich.
Article 139 Les dimanches et jours fériés légaux restent protégés par la loi en tant que jours de repos physique et de recueillement spirituel. Article 141 Dans la mesure où le besoin d'un culte divin et d'un ministère pastoral existe dans l'armée, dans les hôpitaux, dans les établissements pénitentiaires ou dans d'autres établissements publics, les sociétés religieuses sont autorisées à y accomplir des actes religieux, sans pouvoir, à cette occasion, subir aucune pression. |
2) Les relations entre l'État et les communautés religieuses
Les
relations entre les deux principales Églises et l'État sont
essentiellement régies par des
accords passés entre, d'une
part, la Fédération
-
ou plus souvent les
différents Länder
-
et, d'autre part, le
Saint-Siège ou l'Église évangélique
d'Allemagne
. Ces accords sont ratifiés par les Parlements des
Länder
.
En règle générale, ils contiennent surtout des
dispositions dont l'application requiert à la fois l'adoption de lois ou
de règlements de la part du
Land
(fonctionnement des
écoles privées et des aumôneries dans les
différentes institutions publiques, activités caritatives de
l'Église, participation de l'Église à la formation des
adultes et aux organismes de contrôle des offices régionaux de
radiotélévision...), et la prise de décisions des
autorités ecclésiastiques (programmes de l'instruction religieuse
dans les établissements de l'enseignement public par exemple). Ils
comportent également des règles précises, comme la
détermination des subventions versées par le
Land
.
À titre d'exemple, l'accord conclu en 1997 entre le
Land
de
Thuringe et le Saint-Siège prévoit que le
Land
verse en
1997 à l'Église catholique :
- 998 000 DEM (soit environ 3 350 000 FRF) au
titre des bâtiments ecclésiastiques ;
- 5 056 000 DEM (soit environ 17 000 000 FRF)
pour les autres dépenses.
Pour les années 1998 à 2001, il prévoit une augmentation
annuelle de 225 000 DEM (c'est-à-dire d'environ
750 000 FRF) de la première ligne.
3) Le financement des dépenses des communautés religieuses
Par
suite des différents mouvements de sécularisation
, parmi
lesquels ceux qui ont suivi la Réforme, le traité de Westphalie
et l'annexion par Napoléon de la rive gauche du Rhin,
les
Églises possèdent peu de biens immobiliers
.
Les ressources fournies par leurs activités sociales, telle la
participation financière des parents pour la fréquentation des
crèches, représentent également une petite part de leurs
moyens. Par ailleurs, les différents dons sont en général
directement affectés à des oeuvres bien précises. Dans ces
conditions,
les ressources financières principales proviennent de
l'impôt cultuel et, à un degré moindre, des subventions
publiques.
a) L'impôt cultuel
Aux
termes de l'article 137-6 de la Constitution de Weimar, toujours en
vigueur, les sociétés religieuses reconnues peuvent percevoir
l'impôt cultuel, «
sur la base des rôles civils
d'impôts, dans les conditions fixées par le droit du
Land
».
Chaque
Land
a donc adopté une loi sur l'impôt cultuel. Ces
lois constituent des lois-cadres, dont l'application requiert des
décisions des Églises elles-mêmes.
Les dispositions en vigueur varient d'un
Land
à l'autre, mais
elles présentent certains traits communs.
L'impôt cultuel est dû uniquement par les personnes physiques
qui sont imposables sur le revenu, qui ont été
baptisées et qui n'ont pas abjuré
. Le principe
constitutionnel de liberté de croyance permet en effet à chaque
citoyen d'effectuer une démarche personnelle auprès du tribunal
d'instance afin de décliner toute appartenance religieuse.
L'impôt cultuel représente
8 % ou 9 % de
l'impôt sur le revenu selon les
Länder
. Tous ont
prévu un plafonnement de cet impôt en fonction du revenu imposable
(3 %, 3,5 % ou 4 % selon les
Länder
).
Pour les salariés, l'impôt cultuel est retenu par l'employeur en
même temps que l'impôt sur le revenu. L'appartenance religieuse du
salarié constitue donc l'une des données dont l'employeur a
besoin pour pratiquer les retenues à la source. Les sommes ainsi
retenues sont versées à l'administration fiscale. Celle-ci
reverse aux Églises le produit de l'impôt cultuel. En contrepartie
des prestations effectuées, elle en prélève un certain
pourcentage, qui varie selon les
Länder
entre 2 % et
4,5 %.
L'impôt cultuel constitue une charge déductible du revenu
imposable.
Les lois sur l'impôt cultuel des différents
Länder
comportent des dispositions permettant de traiter le cas des couples dont les
membres n'ont pas la même religion.
Les lois sur l'impôt cultuel diffèrent sur plusieurs points :
ainsi, certaines prévoient un impôt annuel minimal (en
général fixé à 7,20 DEM, soit environ
25 FRF), d'autres une rectification de l'assiette en fonction du
patrimoine.
En 1999, les Églises catholique et évangélique
d'Allemagne ont perçu chacune environ 8,3 milliards de DEM
grâce à l'impôt cultuel, ce qui correspond à
80 % de leur budget.
Malgré la tendance à l'abjuration
(plus de 100 000 personnes quittent l'Église évangélique
d'Allemagne chaque année, et le mouvement s'amplifie), les ressources
provenant de l'impôt cultuel sont, en valeur absolue,
assez
stables depuis le début des années 90.
En 1999, le produit de l'impôt cultuel a été utilisé
de la façon suivante :
Personnel |
60 % pour l'Église catholique
|
Administration |
environ 10 % |
Bâtiments ecclésiastiques |
environ 10 % |
Enseignement |
environ 10 % |
OEuvres sociales et caritatives |
environ 10 % |
b) Les subventions publiques
Les
Églises reçoivent des subventions publiques. Elles couvrent une
partie de leurs frais de personnel, de leurs dépenses d'entretien des
immeubles et de leurs frais généraux. Elles sont
généralement considérées comme une compensation des
sécularisations passées.
En outre, les oeuvres sociales des Églises sont financées
à hauteur d'environ 30 % par les pouvoirs publics. Ces sommes ne
sont pas considérées comme des subventions, mais comme la
contrepartie de l'absence de l'État dans ce domaine et de sa
neutralité.
Par ailleurs, les Églises reçoivent des subventions indirectes,
dans la mesure où elles échappent au paiement de la plupart des
impôts et où les dons qui leur sont faits sont déductibles
de l'impôt sur le revenu.