Projet de loi Projet de loi de finances pour 2025
Direction de la Séance
N°I-1363
20 novembre 2024
(1ère lecture)
PREMIÈRE PARTIE
(n° 143 , 144 )
AMENDEMENT
C | Demande de retrait |
---|---|
G |
présenté par
MM. DOSSUS et Grégory BLANC, Mme SENÉE, MM. BENARROCHE et DANTEC, Mme de MARCO, MM. FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON, Mmes SOUYRIS, Mélanie VOGEL
et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires
ARTICLE 36
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Supprimer cet article.
Objet
L'article 36 de ce PLF prévoit la suppression de la contribution des Gestionnaires de Réseau de Distribution d'énergie (GRD) au Compte d'Affectation Spéciale pour l'Électrification Rurale (CAS Facé), pour la remplacer par une fraction de l'accise sur l'électricité. Cette décision, si elle n'est pas corrigée, constituerait une véritable atteinte à l'égalité entre les territoires et un abandon progressif des zones rurales.
Il s’agit ici d’un amendement d’appel, qui fait écho à un autre amendement à l’article 7, issu de remontées du terrain, notamment des syndicats d’énergie inquiets pour leur avenir. L’objectif ici est d’échanger avec le Gouvernement pour lui faire remonter ces inquiétudes et permettre à la navette parlementaire de trouver des solutions pérennes.
Le CAS Facé, depuis sa création en 1936, est un outil indispensable pour garantir une solidarité territoriale entre les zones urbaines et rurales, permettant une péréquation des coûts liés aux travaux sur les réseaux publics de distribution d'électricité dans les communes rurales. La contribution actuelle des GRD (Enedis, ELD, régies) au CAS Facé repose sur un principe de justice territoriale ; les gestionnaires versant une contribution cinq fois plus élevée pour les kilowattheures acheminés dans les communes urbaines que dans les zones rurales. Ce mécanisme a permis, depuis des décennies, de garantir un service public de qualité sur l'ensemble du territoire, et de maintenir les réseaux ruraux malgré les contraintes géographiques et économiques.
La réforme envisagée avec cet article 36, en remplaçant cette contribution par une fraction de l'accise sur l'électricité, pose de nombreuses questions quant à l'avenir de cette solidarité territoriale. Ce nouveau mode de financement, appliqué sans distinction géographique, mettrait en péril l*équilibre financier actuel et compromettrait à court terme la capacité des syndicats d'énergie à poursuivre les investissements indispensables dans les zones rurales. Une telle évolution remettrait en cause le traitement équitable entre les territoires, aggravant de fait la fracture territoriale et l'inégalité d'accès à l'électricité entre les zones urbaines et rurales. Le principe de péréquation, qui est l'essence même du CAS Facé, sera abandonné, et ce sont les habitants et les entreprises des zones rurales qui en subiront les conséquences les plus lourdes.
La suppression de cette contribution risquerait d'avoir plusieurs conséquences néfastes :
1. Limitation drastique des investissements en zones rurales : Les syndicats d'énergie, notamment en milieu rural, ne pourraient plus compter sur les ressources du CAS Facé pour financer les travaux de modernisation, de sécurisation, d'extension ou de renforcement des réseaux électriques. Cela entraînerait une diminution significative des travaux, compromettant la qualité et la fiabilité des réseaux ruraux.
2. Aggravation de la fracture territoriale : Alors que les zones urbaines bénéficieraient d'un financement plus stable, les zones rurales se retrouveraient pénalisées, faute de moyens pour entretenir et moderniser leurs infrastructures électriques. Une telle rupture dans le financement des réseaux menacerait directement l'égalité d'accès à l'électricité sur l'ensemble du territoire national, créant une disparité flagrante entre les zones urbaines et rurales.
3. Impact sur la qualité de service en milieu rural : Le CAS Facé a permis, au fil des décennies, de maintenir une qualité de service satisfaisante dans les communes rurales, malgré des coûts de gestion plus élevés, notamment en raison de la longueur des lignes et du nombre limité de consommateurs raccordés. La suppression de ce mécanisme de financement risquerait d'entraîner une dégradation progressive des infrastructures en milieu rural, exposant les usagers à des coupures plus fréquentes et à des délais d'intervention plus longs.
4. Déconnexion entre les besoins réels et le financement : La fraction de l'accise sur l'électricité proposée comme alternative ne permettrait pas de prendre en compte les besoins spécifiques des zones rurales, qui doivent faire face à des défis particuliers tels que le développement des énergies renouvelables, la décentralisation de la production électrique ou encore l'augmentation des aléas climatiques. Ces territoires, particulièrement vulnérables face à l'intensification des événements climatiques (tempêtes, inondations, etc.), nécessitent des investissements conséquents pour renforcer la résilience des réseaux. La réforme envisagée, en déconnectant les aides à l'électrification rurale des besoins réels d'investissement, irait à l'encontre de ces enjeux cruciaux.
5. Risques juridiques et incertitudes réglementaires : Le projet de réforme du CAS Facé soulève également des questions de sécurité juridique, dans la mesure où il n'intègre pas la régulation du Tarif d'Utilisation des Réseaux Publics d'Électricité (TURPE), qui finance pourtant l'ensemble des réseaux publics, urbains comme ruraux. Le fait de rompre ce lien avec le TURPE pourrait entraîner des contestations juridiques et mettre en péril le cadre régulé actuel, conçu pour garantir un financement pérenne des infrastructures électriques.
Il est donc primordial de maintenir le CAS Facé dans sa forme actuelle, qui garantit un financement solidaire et adapté aux besoins spécifiques des territoires ruraux. Le financement des travaux d'électrification ne doit en aucun cas être conditionné à des critères de rentabilité immédiate, mais doit avant tout servir l'intérêt général en assurant un accès équitable à l'électricité pour tous les citoyens, quelle que soit leur localisation.
Cet amendement provient des travaux du SYDER.