Sommaire
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès, M. Philippe Nachbar.
3. Modification de l’ordre du jour
4. Communication du Conseil constitutionnel
5. Retrait d’une question orale
manque de personnels de vie scolaire au collège maréchal Leclerc de puteaux
Question de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mmes Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; Brigitte Gonthier-Maurin.
évaluation des acquis réalisés en cm2
Question de M. Yannick Bodin. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Yannick Bodin.
Question de M. Claude Bérit-Débat. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Claude Bérit-Débat.
conditions d'exploitation des zones à haute valeur naturelle
Question de M. Alain Fauconnier. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Alain Fauconnier.
permis de recherche du gaz de schiste
Question de M. Simon Sutour. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Simon Sutour.
Question de M. Jean Boyer. – MM. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Jean Boyer.
eviction de renault trucks défense du marché des camions militaires
Question de M. Rachel Mazuir. – MM. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Rachel Mazuir.
règles applicables aux constructions existantes en zone rurale
Question de M. Bernard Piras. – MM. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Bernard Piras.
délinquance et vol sur la voie publique
Question de Mme Samia Ghali. – M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mme Samia Ghali.
services de soins de suite et de réadaptation des hôpitaux du sud charente
Question de M. Michel Boutant. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.
situation des allocataires de l'allocation équivalent retraite
Question de M. Martial Bourquin. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Martial Bourquin.
restructuration des hôpitaux locaux de nyons et de buis-les-baronnies
Question de M. Didier Guillaume. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Didier Guillaume.
dysfonctionnement de la mutuelle des étudiants
Question de M. Alain Gournac. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Alain Gournac.
restructuration des laboratoires de qualification biologique du don
Question de M. Francis Grignon. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Francis Grignon.
approvisionnement et mise en œuvre des circuits courts
Question de M. Gérard Bailly. – MM. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ; Gérard Bailly.
démarchage téléphonique et droits du consommateur
Question de M. Jacques Mézard. – MM. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ; Jacques Mézard.
dysfonctionnement des services postaux d’anglet
Question de Mme Annie Jarraud-Vergnolle. – M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ; Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
7. Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. – Adoption d'un projet de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants ; André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. Jean-Pierre Chevènement, Mme Michelle Demessine, MM. Rachel Mazuir, Xavier Pintat, Jacques Berthou, Mme Dominique Voynet.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.
Articles 1er à 14 bis, et 15 à 17. – Adoption
Article 18 (Suppression maintenue)
Adoption de l’ensemble du projet de loi.
8. Contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre. – Adoption d'un projet de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants ; Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, rapporteur.
Mme Michelle Demessine, MM. Jean-Pierre Chevènement, Daniel Reiner, Joseph Kergueris, Jacques Gautier.
Clôture de la discussion générale.
M. Gérard Longuet, ministre.
Amendement no 1 de Mme Michelle Demessine. – Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes ; Daniel Reiner. – Rejet.
Amendement no 2 de Mme Michelle Demessine. – Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, Laurent Wauquiez, ministre ; Daniel Reiner. – Rejet.
Amendement no 3 de Mme Michelle Demessine. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement no 4 de Mme Michelle Demessine. – Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, Laurent Wauquiez, ministre. – Rejet.
Amendement no 5 de Mme Michelle Demessine. – Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, Laurent Wauquiez, ministre. – Rejet.
Amendement no 6 de M. André Trillard. – MM. André Trillard, le rapporteur, Laurent Wauquiez, ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 7 de la commission. – MM. le rapporteur, Laurent Wauquiez, ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Mme Marie-Christine Blandin.
Adoption du projet de loi.
9. Conventions internationales instituant des partenariats de défense. – Adoption de quatre projets de loi (Textes de la commission)
Discussion générale commune : MM. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes ; Philippe Paul, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
MM. Michel Billout, Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères ; Didier Boulaud, Michel Guerry, Jean-Étienne Antoinette.
Clôture de la discussion générale commune.
M. le ministre.
Accord avec la République centrafricaine. – Adoption du projet de loi
Traité avec la République gabonaise. – Adoption du projet de loi
Accord avec la République du Cameroun. – Adoption du projet de loi
Accord avec la République togolaise. – Adoption du projet de loi
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 17 février 2011 a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. J’ai le profond regret de vous annoncer le décès de notre ancien collègue Robert Pagès, qui fut sénateur de la Seine-Maritime de 1988 à 1998.
3
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date du 22 février 2011, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a complété l’ordre du jour de la séance de ce jour pour inscrire l’examen de quatre conventions internationales instituant des partenariats de défense.
Par ailleurs, j’informe le Sénat que, à la demande de M. Gérard Longuet, qui vient d’être nommé aux fonctions de ministre de la défense et des anciens combattants par décret publié ce jour, et après consultation des groupes politiques du Sénat, la séance de questions cribles thématiques consacrée à la situation en Afghanistan, qui devait se dérouler aujourd’hui à dix-sept heures, est reportée au jeudi 3 mars prochain, de onze heures trente à douze heures quinze.
En conséquence, l’ordre du jour de la séance de cet après-midi s’établit comme suit :
À quatorze heures quarante-cinq et, éventuellement, le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ;
- Projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre ;
- Quatre projets de loi autorisant l’approbation d’accords ou la ratification d’un traité instituant un partenariat de défense entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des Républiques centrafricaine, gabonaise, du Cameroun et togolaise.
Acte est donné de cette communication.
Ces quatre derniers projets de loi pourraient faire l’objet d’une discussion générale commune, qui serait organisée sur une durée de deux heures, conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
4
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 24 février 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-124 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
5
Retrait d’une question orale
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 1170 de M. Thierry Foucaud est retirée de l’ordre du jour de la séance de ce jour, à la demande de son auteur.
Acte est donné de cette communication.
6
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
manque de personnels de vie scolaire au collège maréchal leclerc de puteaux
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 1164, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d’État, le collège Maréchal Leclerc de Puteaux accueille 787 élèves.
Depuis 2009, cet établissement, réputé tranquille, connaît une lente dégradation des conditions d’encadrement de ses élèves, en raison d’un manque criant de personnels de vie scolaire.
Si, en cinq ans, 100 élèves supplémentaires y ont été scolarisés, le nombre des personnels de vie scolaire, lui, n’a fait que décroître.
À la rentrée, le collège disposait d’un conseiller principal d’éducation, de quatre postes et demi d’assistants d’éducation et de trois médiateurs de vie scolaire.
Ce manque de personnels a déjà suscité des dysfonctionnements : absences qui ne sont pas relevées régulièrement et donc pas suivies dans le temps ; sorties d’élèves non autorisées faute d’adultes toujours présents à la grille ; difficultés pour surveiller la récréation et les deux services de cantine, par manque de surveillants et compte tenu de l’architecture en demi-lune du collège ; recrudescence des incivilités ; dégradations de locaux – avant Noël, des sanitaires ont été saccagés.
Or, sur les trois contrats de médiateurs, l’un s’est achevé en février dernier et les deux autres doivent se terminer en avril prochain, sans que leur reconduction soit prévue. Cela signifie qu’il y aura encore moins d’adultes pour finir l’année !
Cette situation a conduit les personnels de l’établissement, soutenus par les associations de parents d’élèves, à se mettre en grève, le 6 janvier dernier, pour réclamer la nomination d’un deuxième CPE, ou conseiller principal d’éducation, et l’attribution de personnels supplémentaires.
En guise de réponse, ils n’ont obtenu qu’un demi-poste d’assistant d’éducation supplémentaire. En ce qui concerne les trois postes de médiateur, un seul contrat est reconduit, pour six mois.
Les enseignants et les parents, dont certains sont présents dans les tribunes ce matin, constatent chaque jour la dégradation des conditions de vie scolaire dans l’établissement.
Les enseignants tentent de colmater les brèches, bien sûr, mais cela relève de plus en plus – ils me l’ont confié – du « bricolage ». Ils tirent donc la sonnette d’alarme, tout comme les parents d’élèves, qui ont fait part à l’inspection académique de leur inquiétude grandissante quant à la sécurité des enfants.
Les états généraux pour la sécurité à l’école avaient pourtant souligné la nécessité d’équipes pérennes dans les établissements et d’un encadrement à la hauteur des besoins.
Alors que la direction de ce collège prévoit pour la rentrée 2011 quelque trente élèves de plus – l’effectif de l’établissement dépasserait donc le seuil des 800 élèves –, quelles mesures d’urgence comptez-vous prendre, madame la secrétaire d'État, pour garantir aux élèves et aux personnels éducatifs que la fin d’année se déroulera dans de bonnes conditions et que, à la prochaine rentrée, ce collège disposera enfin de personnels correspondant au nombre réel des élèves ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Luc Chatel, retenu par d’autres obligations. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Le collège Maréchal Leclerc, pour sa vie scolaire, compte à ce jour quatre postes et demi d’assistant d’éducation, un assistant pédagogique et trois personnes assurant les fonctions de médiateur, soit un total de 8,5 emplois pour 779 élèves. Pour un même nombre d’élèves, il accueille donc autant de personnels de vie scolaire que d’autres établissements du département, comme les collèges Albert Camus de Bois-Colombes ou Henri Bergson de Garches.
Or ces établissements ne souffrent pas de problèmes graves de vie scolaire. En outre, garantir la sérénité d’un établissement ne relève pas seulement de la responsabilité du personnel de vie scolaire : toute l’équipe éducative a pour rôle de s’assurer que cette condition fondamentale de l’apprentissage est remplie. Or, là encore, le collège Maréchal Leclerc ne souffre pas d’une carence d’encadrement au regard de ses voisins, puisqu’il compte douze adultes pour cent élèves.
Toutefois, croyez bien, madame la sénatrice, que je ne veux pas minimiser les problèmes que rencontre l’équipe éducative du collège Maréchal Leclerc. En effet, si l’inspection académique n’a pas reçu de signalement d’acte de violence, les parents d’élèves comme l’équipe enseignante ont fait état de nombreuses incivilités, de retards et d’absences, ce qui n’est pas admissible, car nous savons combien l’ambiance au sein d’un établissement peut rapidement se dégrader et combien elle influe sur l’apprentissage et les résultats de ses élèves.
Néanmoins, cette dégradation de climat auquel le collège Maréchal Leclerc est confronté tient pour une large part à des problèmes liés à l’organisation interne de la vie scolaire.
L’inspection académique a été saisie l’année dernière de ce sujet. Pour remédier à cette situation, dont pâtissent aussi bien les élèves que les équipes pédagogique et de vie scolaire, les services rectoraux envisagent de faire appel assez rapidement à un CPE TZR, ou titulaire sur zone de remplacement, qui viendra renforcer l’action de l’équipe éducative dans son ensemble.
Croyez-le bien, madame la sénatrice, les services académiques suivent attentivement ce dossier, car il en va de la sérénité au sein du collège Maréchal Leclerc et de la réussite des élèves de cet établissement.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d'État, ce n’est pas parce que Pierre est nu qu’il faut déshabiller Paul ! J’entends bien votre réponse, mais, de grâce, ne jouons pas au chat et à la souris.
En réalité, la situation de ce collège est symptomatique du mal dont souffrent les établissements de notre pays et qui est lié non seulement à une application drastique de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, dont découlent des suppressions de postes considérables, mais aussi – j’y insiste –, à une précarisation croissante des emplois dédiés à la vie scolaire.
Or on connaît l’importance de tels postes dans la vie d’un établissement. Comment travailler en équipe et construire un projet de vie scolaire avec des personnels qui ont des contrats précaires et qui, par définition, n’ont pas vocation à rester dans l’établissement ?
Ainsi, dans ce collège en particulier, l’un des médiateurs – un poste censé, je le répète, assurer le lien, si important pour lutter contre l’absentéisme, entre l’établissement et les familles –, qui travaillait depuis un an et demi, n’a pas été remplacé. Or, je peux vous affirmer, madame la secrétaire d'État, qu’il fait singulièrement défaut à la vie et à la tranquillité de ce collège !
Votre argument consistant à dire que, au fond, tous les adultes présents dans un établissement sont responsables de la vie scolaire ne me surprend pas, parce que M. Chatel y a déjà largement eu recours. Je vous indiquerai néanmoins, pour conclure mon intervention, qu’à la rentrée prochaine le collège Maréchal Leclerc enregistrera lui aussi une baisse de sa dotation horaire. De fait, il perdra également des postes d’enseignements !
Vous le voyez, de quelque côté que l’on se tourne, l’encadrement des élèves se réduit comme peau de chagrin. Je pense vraiment que nous prenons là de gros risques, notamment pour la sécurité des enfants.
évaluation des acquis réalisés en cm2
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 1179, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
M. Yannick Bodin. Au cours de la semaine du 17 au 21 janvier dernier, les 730 000 élèves de CM2 ont passé des tests d’évaluations. Ils ont été interrogés, en cent questions, sur le français et les mathématiques. Comme les années précédentes, la communauté éducative, les syndicats d’enseignants et les parents d’élèves ont contesté la tenue de ces évaluations.
La principale critique porte sur le déroulement de ces tests. En effet, le calendrier n’est pas approprié : réaliser ces évaluations au mois de janvier n’est pas adéquat, puisque la progression pédagogique, à cette date, est différente dans chaque classe. De plus, l’aide personnalisée est, quant à elle, en place dès le mois de septembre.
Un tel calendrier rend ces évaluations inutiles et déstabilisantes pour les élèves, puisqu’elles ne permettent d’établir ni un diagnostic pour l’ensemble de l’année à venir ni un bilan.
En effet, soit elles sont réalisées en début d’année, auquel cas ce sont des « évaluations-diagnostics » qui concernent tous les élèves, soit il s’agit d’évaluations bilans visant à donner une photographie des acquis des élèves à un palier particulier du système éducatif et pouvant être réalisées sur un panel d’élèves. Se situant aujourd’hui entre les deux démarches, le dispositif que vous mettez en place n’est pas viable. Il faut choisir !
Par ailleurs, la possibilité de publier ces évaluations vous vaut également le reproche de vouloir mettre « en concurrence des écoles entre elles ».
Enfin, le mode de notation binaire est inadapté et les exercices se révèlent trop difficiles.
Pour ces raisons, de nombreuses organisations syndicales ont demandé le retrait de ces évaluations.
Les évaluations sont certes nécessaires et utiles, mais elles doivent être placées en début de CE2 et en début de CM2 et viser les compétences du socle commun. Elles doivent avoir pour objectif non pas d’évaluer les connaissances acquises par chaque élève pris individuellement, mais d’émettre une appréciation globale des classes, des taux de réussite et de progression de l’ensemble des élèves concernés.
Je souhaite donc, madame la secrétaire d'État, que vous me communiquiez un bilan des évaluations réalisées en 2011 et que vous mettiez en place, pour les années suivantes, de véritables « évaluations-diagnostics », visant les compétences du socle commun, et ce selon un calendrier permettant aux enseignants à la fois de repérer les difficultés des élèves et d’y répondre.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Luc Chatel.
Notre système éducatif a besoin de dispositifs d’évaluation fréquents et fiables, afin d’avoir une idée précise des domaines dans lesquels nos élèves réussissent et dans lesquels ils sont plus faibles. Ces évaluations permettent de construire une véritable stratégie éducative, la mieux adaptée de manière que le niveau des élèves augmente. L’éducation nationale ne pourra évoluer que si elle porte un regard lucide et éclairé sur son action.
Vous l’avez dit, les évaluations ont eu lieu du 17 au 21 janvier pour les élèves de CM2. Elles seront mises en place en mai pour ceux de CE1.
Ces tests, extrêmement précis, ont une double finalité : il s’agit de disposer, d’une part, d’un diagnostic complet et objectif de la situation de chaque élève et, d’autre part, d’une photographie non pas par école, mais par département, par académie et, plus largement, à l’échelle de la France.
Vous contestez le calendrier de ces évaluations. Pourquoi maintenir celles de CM2 en janvier ?
Il existe plusieurs raisons. La première est de permettre aux enseignants d’apporter toute l’aide nécessaire aux élèves qui en ont besoin avant le passage de ces derniers au collège, et ce grâce aux dispositifs mis en place par la réforme du primaire : l’aide individualisée, soit deux heures hebdomadaires, mais aussi les stages de remise à niveau.
Ensuite, faire passer les épreuves au mois de mai créerait certainement une confusion avec un examen de passage en sixième alors que ce n’est nullement l’objectif de ces évaluations.
Enfin, à l’inverse, positionner des évaluations en tout début d’année serait contre-productif et donnerait lieu à des évaluations faussées. On sait en effet que, après les vacances d’été, bon nombre d’élèves ont besoin d’un temps d’adaptation pour se réhabituer à l’école. Par ailleurs, je vous rappelle que les compétences évaluées sont celles de la fin du CM1. Il est donc intéressant de laisser passer quelques mois afin d’estimer la permanence des acquis de l’année précédente.
Quant à la question que vous soulevez du codage binaire de ces tests, ce dernier a évolué cette année, preuve que nous ne sommes pas fermés au dialogue.
Des enseignants ont légitimement exprimé le souhait d’aller plus loin dans l’exploitation pédagogique de ces évaluations. C’est pourquoi nous avons précisé cette année le codage d’un tiers de leurs items. Avec ces informations supplémentaires, la personnalisation du suivi est encore mieux assurée.
Enfin, le bilan que vous demandez des évaluations réalisées en 2011 ne sera disponible qu’en juillet. Luc Chatel le mettra à votre disposition sitôt qu’il sera abouti.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse du ministre de l’éducation nationale.
À l’évidence, nous avons bien compris l’intérêt et la nécessité de ces évaluations.
La question qui se pose est celle du calendrier. Je persiste à penser, reflétant ainsi l’opinion émise par la majorité de la communauté éducative – vous l’avez sans doute entendue – ainsi que par les parents d’élèves, notamment au sein de la Fédération des conseils de parents d'élèves, ou FCPE, que ces évaluations interviennent trop tôt ou trop tard dans l’année scolaire.
D’une part, elles interviennent trop tôt : le questionnaire est souvent inadapté compte tenu tant de la différence de progression des élèves d’une classe à l’autre que de la manière dont le programme est examiné dans chaque classe. Par exemple, les élèves ne peuvent pas répondre aux questions portant sur des parties du programme qui ne seront traitées que deux ou trois semaines plus tard.
D’autre part, elles interviennent trop tard : si les résultats de ces évaluations sont donnés au mois de juillet, avouez que c’est un peu tardif pour garantir aux élèves qui entreront en sixième au mois de septembre la réadaptation ou le rattrapage que vous proposez.
Il y a donc là un choix à faire. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité de réfléchir à une véritable « évaluation-diagnostic » qui soit utile aux élèves et recueille, si possible, l’approbation de la majorité de ceux qui ne comprennent pas le système en place aujourd’hui.
devenir de la crs 17 bergerac
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 1191, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la secrétaire d'État, ma question s’adressait en effet à M. le ministre de l’intérieur.
Voilà quelques semaines, les compagnies républicaines de sécurité, ou CRS, ont lancé un mouvement national pour s’opposer à la suppression de deux d’entre elles, à Lyon et à Marseille.
Ce mouvement inédit a révélé le sentiment d’abandon et de mépris qu’éprouvent les CRS. Les forces de maintien de l’ordre, comme les autres catégories de fonctionnaires, subissent en effet de plein fouet les conséquences de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Aujourd’hui, il semble acquis que les deux compagnies menacées ne seront pas supprimées, mais que 280 postes seront redéployés. Le malaise des CRS demeure donc.
Au sein de la CRS 17 de Bergerac, le malaise est plus ancien encore. En effet, la caserne est menacée, mais elle se trouve aussi dans une situation de dégradation inadmissible. Depuis maintenant plusieurs années, les responsables de la compagnie demandent la réhabilitation de leurs locaux.
La caserne a été construite en 1870 et la CRS 17 y est établie depuis 1952. Des travaux de réhabilitation et de réaménagement sont donc indispensables et attendus.
La construction d’un lycée des métiers sur le site pourrait permettre la rénovation espérée. En effet, même si cela peut paraître surprenant, la cohabitation entre le lycée et la compagnie de CRS est tout à fait possible, compte tenu des besoins en termes de surface et des caractéristiques de ce projet.
La région Aquitaine et la ville de Bergerac ont d’ailleurs fait savoir qu’elles étaient prêtes à intervenir dans cette opération, à condition que la CRS 17 soit effectivement maintenue sur le site.
Depuis, la préfecture qui semblait favorable à ce projet n’a donné aucune précision écrite à ce sujet. Les services du ministère de l’intérieur ont également été sollicités en ce sens, mais aucune réponse n’a été fournie là non plus.
La Dordogne – il me semble utile de le rappeler – a déjà payé un lourd tribut au désengagement de l’État : fermeture de l’Établissement spécialisé du commissariat de l'armée de terre, ESCAT 24, démantèlement de la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE, menaces sur l’entreprise Eurenco, délocalisation de la station météorologique de Bergerac, sans oublier la fermeture de Marbot-Bata à Neuvic et les menaces pesant aussi sur les ateliers SNCF de Chamiers. Vous le voyez, la liste est longue.
Dans ce contexte, vous comprendrez que la fermeture de la caserne de la CRS 17 serait un nouveau coup dur pour notre département en général et pour la ville de Bergerac en particulier.
Les collectivités, je le répète, sont prêtes à intervenir financièrement dans la réhabilitation de cette caserne. Elles attendent seulement du ministre de l’intérieur et de ses services que soit pris l’engagement de maintenir sur place cette compagnie républicaine de sécurité.
Aussi, madame la secrétaire d'État, à défaut de m’adresser à M. le ministre de l’intérieur, ma question est toute simple : pouvez-vous enfin nous garantir, ici et maintenant, que la compagnie de CRS 17 restera bien à Bergerac ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Claude Guéant.
Le ministre de l’intérieur mène, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, une action déterminée en matière de sécurité. Cette politique passe, à l’évidence, par une rationalisation de l’organisation et des modes d’action des services de police et de gendarmerie.
Les compagnies républicaines de sécurité, les CRS, qui représentent une force indispensable principalement chargée de missions de maintien de l’ordre public, sont, tout comme l’ensemble des services de police et de gendarmerie, concernées par cette dynamique de modernisation et d’adaptation.
Alors que l’on observe depuis une trentaine d’années une diminution des besoins en maintien de l’ordre et, parallèlement, une augmentation des besoins en matière de sécurité publique, les forces mobiles sont nécessairement amenées à évoluer.
Des ajustements d’effectifs sont donc nécessaires. Ils devraient concerner environ un millier de policiers, sur les 14 000 agents que comptent les CRS. Parallèlement, un important travail est mené pour réduire les charges indues qui pèsent sur les CRS, notamment les gardes statiques ou l’escorte de convois exceptionnels. Un effort sera consenti, dans les mêmes proportions, par les escadrons de gendarmerie mobile.
Le ministre a ainsi décidé de mobiliser l’équivalent de deux CRS, soit environ 280 hommes, sur des missions permanentes de sécurité publique sur le terrain.
Deux options étaient envisageables pour atteindre cet objectif : la suppression de deux compagnies républicaines de sécurité ou le redéploiement de l’équivalent de deux compagnies.
Attaché à la concertation sociale et au dialogue, le ministre a souhaité, avant toute décision, en débattre avec les organisations syndicales. Des rencontres ont donc eu lieu entre les représentants du personnel et le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, puis avec le ministre. À la suite de ces échanges et en plein accord avec les organisations syndicales, le ministre a décidé de transférer 280 postes de CRS vers des missions de sécurité publique. C’est donc l’équivalent de deux CRS qui sera prélevé sur l’effectif global des 14 000 agents.
Je veux vous rassurer, monsieur le sénateur, aucune CRS ne sera donc dissoute, pas plus la CRS 17 qu’une autre.
Cette démarche, menée dans la transparence et dans la concertation, constitue une nouvelle étape vers une organisation plus efficace et plus performante de la police nationale au service de la sécurité des Français.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.
Il paraît quelque peu curieux – je dois l’avouer – que la réponse à une question sur la sécurité soit apportée par la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
J’ai bien entendu – et c’est la parole de l'État qui est engagée par vos propos – que la CRS 17 de Bergerac ne disparaîtra pas. C’est déjà une première nouvelle. Nous avons en effet écrit aux services du ministre de l’intérieur ainsi qu’à Mme le préfet de la Dordogne, en vain. Nous étions dans l’attente. Aujourd'hui, enfin, une réponse nous est fournie.
Ma question portait également sur la réhabilitation des locaux de cette caserne, construite au xixe siècle et, par conséquent, assez vétuste. L’opportunité de la réhabiliter se présente, en profitant de la nécessité de créer un lycée des métiers. Certes, une telle « cohabitation » peut sembler un peu particulière, mais les surfaces nécessaires, les caractéristiques du site permettent de l’envisager, d’autant que le conseil régional, qui est compétent en matière de lycée, et la ville de Bergerac sont prêts à apporter leur concours financier à cette opération.
Madame la secrétaire d'État, vous m’avez répondu sur le maintien de cette compagnie républicaine de sécurité. Il me serait agréable de connaître assez rapidement la décision que le Gouvernement entend prendre quant à la nécessaire réhabilitation de ces locaux, afin de pouvoir continuer à accueillir les policiers de façon décente dans la belle ville de Bergerac !
conditions d'exploitation des zones à haute valeur naturelle
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 1152, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
M. Alain Fauconnier. Ma question porte sur les zones à haute valeur naturelle, ou HVN, concept développé au début des années quatre-vingt-dix par un groupe d’experts ayant constaté que certains systèmes agricoles avaient un impact favorable sur la biodiversité, notamment les exploitations utilisant des techniques de production extensives sans avoir recours à des intrants de synthèse.
Je constate que l’Union européenne tend à prendre en compte la richesse du lien entre agriculture et biodiversité, ce dont je me félicite.
Les zones à haute valeur naturelle répondent favorablement à l’un des trois critères retenus pour l’attribution de fonds dans le cadre du programme de développement rural hexagonal lancé en 2007 et dont le terme est prévu en 2013. En effet, selon le rapport du Forum européen pour la conservation de la nature et le pastoralisme du mois de mars 2009, « chaque État membre du Conseil de l’Europe [s’est] engagé en 2003 à identifier les zones à haute valeur naturelle à l’échéance 2006 et à mettre ainsi en œuvre des programmes de mesures adaptés en 2008. Si ces échéances sont d’ores et déjà dépassées dans la perspective du "halte à la perte de la biodiversité en 2010", les urgences demeurent ».
Nous assistons à un véritable déclin du nombre d’exploitations à haute valeur naturelle en France. Il est donc urgent de mettre en place des politiques pour maintenir l’équilibre fragile entre agriculture et biodiversité et pour prévenir l’intensification de l’exploitation des surfaces et l’abandon de terres agricoles à haute valeur naturelle.
Si rien n’est fait en ce sens, nos filières qualitatives de proximité disparaîtront à plus ou moins long terme. Une étude du cabinet Solagro, publiée récemment par le Centre commun de recherche de la Commission européenne, souligne qu’environ 25 % de la surface agricole utilisée en France se trouve en zone à haute valeur naturelle, soit 7 millions d’hectares.
Certes, c’est un chiffre important, mais, en 1970, la France comptait trois fois plus de zones à haute valeur naturelle ! Défavorisées sur le plan économique, ces dernières souffrent d’un différentiel d’environ 160 euros par hectare sur une moyenne 2007-2008. Cette somme ne pourrait-elle pas servir de base de calcul à de futurs soutiens, tels les « contrats spécifiques HVN » proposés par certains dans une contribution intitulée « Un nouveau pacte pour l’Europe ! » ?
La même étude nous apprend que, pour l’année 2006, les entreprises agricoles françaises situées en zone à haute valeur naturelle ont dégagé un revenu moins élevé de 8 % environ que celles qui se trouvaient dans d’autres zones. Cette situation s’explique par des rendements plus faibles et des systèmes de production différents. Il convient, là encore, de chercher des solutions par l’instauration d’une politique plus audacieuse qui, naturellement, tiendrait compte du réseau actuel Natura 2000.
Cela pourrait par exemple déboucher sur une labellisation, à l’échelon européen, des exploitations à haute valeur naturelle. En dynamisant ces zones, nous reconnaîtrons le savoir-faire de nos agriculteurs, nous valoriserons nos paysages et nous préserverons les filières de qualité.
Quelles solutions le Gouvernement compte-t-il apporter pour asseoir la durabilité économique et écologique des zones à haute valeur naturelle ? Comment compte-t-il mener une politique volontariste destinée à maintenir la biodiversité ? En vous interrogeant, madame la secrétaire d'État, je parle naturellement d’aujourd’hui et, plus encore, de demain – c’est-à-dire au-delà de l’échéance de 2013 –, après la réforme de la politique agricole commune.
À l’heure où s’achève un Salon de l’agriculture que les Français apprécient particulièrement, c’est le quart des exploitants français qui attendent une réponse.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Bruno Le Maire, retenu à l’Assemblée nationale.
Vous interrogez le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur les démarches mises en œuvre par le Gouvernement afin d’asseoir la durabilité économique et écologique des zones à haute valeur naturelle et de préserver la biodiversité, dont elles sont un facteur.
Vous le savez, l’Agence européenne de l’environnement propose trois critères pour définir ces zones : une large proportion d’espaces semi-naturels, prairies permanentes anciennes, pelouses, alpages... ; une mosaïque agricole à bas niveaux d’intrants avec une forte proportion d’éléments paysagers – haies, murets, arbres isolés... – ; la présence d’espèces rares ou bien une forte proportion de la population européenne ou mondiale de l’une de ces espèces.
La combinaison de ces critères doit caractériser une agriculture contribuant à un haut niveau de biodiversité.
Cependant, compte tenu de leur caractère très large, le Centre commun de recherche de la Commission européenne a confié à des organismes des États membres la mission de proposer des modalités de mise en œuvre plus précises.
Il en ressort que la surface des zones potentiellement concernées varie fortement : de 3 % à près de 28 % de la surface agricole utile en France, selon les indicateurs utilisés et le poids qui leur est donné. Il s’agit donc de trouver le bon équilibre pour ne pas exclure des zones à l’apport reconnu en matière de biodiversité.
Par ailleurs, et comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, l’agriculture à haute valeur naturelle correspond la plupart du temps à une agriculture extensive, souvent dans les zones les plus difficiles, où le revenu agricole est inférieur à la moyenne nationale. Ces zones difficiles font déjà l’objet d’une aide spécifique, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels. Près de 95 000 exploitations en bénéficient, pour un montant total avoisinant les 520 millions d'euros. Il importe donc de savoir comment et dans quelle mesure peut être mieux rémunérée cette agriculture à haute valeur naturelle, en articulation avec les dispositifs existants.
C’est pour lever ces difficultés que les services du ministère de l’agriculture ont engagé une étude visant à préciser les critères et indicateurs pertinents et, le cas échéant, à améliorer ou à élaborer des dispositifs d’aides adaptés. Ces travaux devraient aboutir prochainement et le ministre de l’agriculture vous en communiquera les conclusions.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, lorsque l’on entend le Président de la République déclarer que l’environnement, « ça commence à bien faire », vous comprendrez qu’il y a là matière à inquiétude !
Il y a urgence. Sur ce sujet, nous sommes en retard par rapport à d’autres pays. J’entends bien qu’il faut étudier les critères, etc., mais les statistiques cachent une réalité cruelle : un tiers des espaces à haute valeur naturelle ont disparu en trente ans – c’est énorme ! –, des exploitations ferment et des territoires souffrent.
Par conséquent, je souhaite très vivement que nous accélérions le mouvement !
permis de recherche du gaz de schiste
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 1181, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Simon Sutour. Cette question concerne les permis d’exploitation du gaz de schiste accordés par l’État, plus particulièrement dans le département du Gard. Elle a déjà été posée dans cet hémicycle et elle le sera inlassablement tant que ce problème ne sera pas réglé.
Peu avant son départ du ministère de l’écologie, M. Borloo a accordé pas moins de huit permis d’exploitation du gaz de schiste concernant une zone s’étendant de Narbonne à Montélimar. Or ces autorisations ont été attribuées dans la plus grande discrétion, puisque les populations et les élus de ces territoires n’en ont eu connaissance qu’au détour d’un article de presse sans que rien de précis leur fût communiqué quant à l’intérêt économique de ces opérations, mais aussi et surtout quant aux risques que celles-ci peuvent faire courir d’un point de vue environnemental.
En effet, l’exemple de l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis, en Pennsylvanie notamment, mérite toute notre attention, tant les conséquences semblent alarmantes – pollution irréversible des nappes phréatiques, paysages dévastés et, par voie de conséquence, inquiétudes bien légitimes sur l’état de santé des populations vivant sur ces territoires –, si bien que plusieurs états américains ont d’ores et déjà décrété un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste pour protéger les réserves d’eau potable et l’environnement.
De plus, si l’exploitation devait commencer, plusieurs articles du Grenelle de l’environnement ne seraient pas respectés, notamment sur le volet relatif aux énergies renouvelables.
Nous venons d’apprendre – est-ce un hasard ? – qu’une ordonnance portant modification du code minier a été prise en conseil des ministres, le 19 janvier dernier, pour faciliter ce type d’exploitation. Il faut le souligner, car il est extrêmement rare que ce code soit modifié. Le conseil général de mon département, le Gard, a adopté un vœu à l’unanimité – vos amis de l’UMP l’ont donc voté, madame la secrétaire d'État – soulignant que l’annonce de la suspension provisoire des travaux d’exploitation par le Gouvernement n’était pas suffisante et demandant l’arrêt immédiat de toute recherche et l’abandon des travaux.
Les Cévennes misent depuis plusieurs années sur le développement touristique. Prévoir l’exploitation du gaz de schiste dans une zone jouxtant le parc national des Cévennes est un total non-sens !
Il est quelque peu paradoxal de voir le Gouvernement soutenir à la fois la candidature des Grands Causses au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, ce dont nous nous félicitons, et les mesures que je viens de décrire.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d'État, je vous demande de m’indiquer quel est l’état d’avancement des recherches en France et si le Gouvernement entend revenir sur les autorisations d’exploitation de gaz de schiste décidées par M. Borloo.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet.
Concernant les gaz de roche mère, dits « gaz de schiste », trois permis de recherche ont été accordés par arrêtés du 1er mars 2010 sur une surface de 9 672 kilomètres carrés. Ils concernent les départements de l’Ardèche, de la Drôme, du Vaucluse, du Gard, de l’Hérault, de l’Aveyron et de la Lozère. Ils ont pour seul objectif d’acquérir une meilleure connaissance géologique du sous-sol et d’évaluer l’existence d’un gisement et son potentiel éventuel en tenant compte de la nécessité de respecter l’environnement.
Ces arrêtés ont tous fait l’objet d’une information publique,…
M. Simon Sutour. C’est totalement faux !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. … à la suite d’un processus administratif qui inclut une publication au Journal officiel de la République française ainsi qu’au Journal officiel de l’Union Européenne.
En Europe, notamment en France, l’évaluation de ce type de ressources n’en est qu’à ses débuts, sans certitude de succès.
Toutefois, compte tenu des préoccupations environnementales importantes que suscite ce sujet complexe, en accord avec le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, une mission d’inspection a été confiée au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et au Conseil général de l’environnement et du développement durable afin d’éclairer le Gouvernement sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des hydrocarbures de roche mère.
Cette mission examinera également la situation des huiles de schiste pour lesquelles des travaux d’exploration sont prévus dans les départements de l’Aisne, de la Marne et de Seine-et-Marne.
Un rapport d’étape sera remis le 15 avril et un rapport final le 31 mai. Tous deux seront rendus publics et les conclusions en seront tirées avant la fin du mois de juin 2011.
Éric Besson et Nathalie Kosciusko-Morizet ont rencontré les industriels détenteurs de permis de recherche de gaz ou d’huiles de schiste. Ils ont pu prendre connaissance de l’avancement des travaux d’exploration planifiés par les industriels et ont examiné la compatibilité de leurs calendriers avec les travaux de la mission.
Pour la recherche du gaz, il n’y aura, j’y insiste, aucun forage et aucune opération technique de terrain avant la remise du rapport final.
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement reconnaît qu’il y a un véritable problème puisque vous nous dites qu’il vient de mandater une mission pour étudier la question, laquelle rendra son rapport dans quelques mois.
Qu’il nous soit permis, en tant que membres de la représentation nationale, de nous interroger : n’aurait-il pas été plus normal et logique que la mission effectue ses travaux avant que les permis soient attribués ? Vous prétendez que tout s’est fait dans la plus grande transparence. Si un certain formalisme a pu être respecté, en tout cas – nous le disons ici, au Sénat, représentant des territoires et des communes – les élus locaux n’ont pas été consultés. Dans mon département, la nouvelle leur est, si j’ose dire, tombée dessus !
Nous avons d’autres motifs d’inquiétude. Comme je l’ai indiqué, une ordonnance a été prise en conseil des ministres, le 19 janvier dernier, sur la base de l’article 38 de la Constitution, en vue de la modification du code minier. Montesquieu nous a appris qu’il ne fallait toucher à la loi « que d’une main tremblante ». Je ferai la même remarque pour le code minier : pourquoi l’avoir modifié dans un tel contexte ? Nous aurons l’occasion de nous exprimer à ce sujet puisque le Parlement sera amené à ratifier cette ordonnance.
Par ailleurs, M. Claude Allègre lui-même, géochimiste, ancien ministre de la recherche, qui ne peut pas être soupçonné d’être un grand écologiste, a déclaré : « En l’état actuel, l’exploitation de gaz de schiste est sale. Je ne donnerai pas un avis favorable. »
Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous dire que la mobilisation va s’accentuer. Je vous l’ai indiqué, les élus du conseil général de mon département ont voté à l’unanimité – y compris donc les élus UMP – un vœu tendant à l’abrogation des décrets concernés. Il ne sert donc à rien de nous faire des réponses convenues séance après séance.
Vous qui êtes notamment chargée de la vie associative, sachez que des centaines, voire des milliers d’associations se mobilisent. Ce week-end, une manifestation a rassemblé plus de 20 000 personnes, pas très loin du Gard. Il y en aura d’autres demain, y compris dans le Gard. Vous aurez donc de plus en plus l’occasion, sur le terrain et dans cette assemblée, d’entendre le mot d’ordre qui a été lancé : « No gazaran ! »
simplification administrative
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 1193, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, je me permets d’insister une nouvelle fois sur la nécessaire et indispensable simplification administrative, qui, nous le constatons tous, ne progresse pas. On peut même dire, très objectivement, qu’elle s’enlise, qu’elle recule, car, comme vous le savez, « qui n’avance pas recule ».
Les gouvernements se succèdent et cherchent régulièrement à réformer l’État. Cela se voit bien dans l’évolution de l’architecture gouvernementale au cours des dernières décennies, certains ministères s’étant succédé avec des identifications différentes. Certes, les intentions sont louables, la simplification est souhaitée par tous, mais les résultats sont inexistants.
La révision générale des politiques publiques a-t-elle eu quelque efficacité ? En tout cas, la compression des effectifs n’a pas permis d’alléger ni de synthétiser les textes !
En effet, une partie de notre administration cherche trop souvent les parapluies, même en période de sécheresse : ceux-ci deviennent des obstacles à toutes solutions, y compris les plus légales. On veut trop se couvrir, laver plus blanc que blanc, alors, involontairement, on complique, on rallonge, et surtout on décourage. Le découragement est tel aujourd’hui qu’il touche le besoin de dire les choses, de les redire et de vous interpeller de nouveau sur cette question fondamentale.
Monsieur le secrétaire d’État, c’est mon troisième appel en six ans et il peut être partagé par la grande majorité des élus, de mes collègues notamment, quel que soit le côté de l’hémicycle où ils siègent. La situation actuelle, nous ne la comprenons pas. Je sais bien que personne ne peut créer des emplois ou fabriquer des euros à sa guise, mais, très franchement, on devrait être capable de simplifier.
Les décrets d’application dénaturent les lois. L’un n’est pas né que l’autre est déjà embryonnaire. Les circulaires rendent les textes souvent illisibles. Notre société perd ses valeurs, mais elle perd aussi cette force que lui donnerait la simplification administrative, synonyme de bon sens et de réalisme. Pour être efficaces et bien suivies, les directives doivent êtres claires ; or elles sont sources de contentieux inutiles, venant encombrer les juridictions administratives et judiciaires.
Les chemins de la simplification débouchent trop souvent sur des sentiers à débroussailler, où la densité des buissons – c’est un ancien agriculteur qui vous parle – est impénétrable. Alors, que fait-on ? On abandonne…
Certes, notre contexte économique est difficile, les solutions sont rares ; mais, dans le domaine administratif, n’y a-t-il pas aussi des efforts à entreprendre ? Et que dire de la réunionite aiguë, extrêmement contagieuse, qui va du sommet à la base ? Ce n’est pas très raisonnable de se réunir pour ne déboucher souvent sur rien : combien de fois sommes-nous sortis de la salle plus perplexes encore que lorsque nous y sommes entrés !
Reconnaissons aussi en toute objectivité que, nous, parlementaires, devons accomplir un effort en ce sens. Soyons certains que tous les Français, qui sont souvent déroutés, seraient unanimes à approuver de notre part un langage plus clair, plus vrai, donc plus efficace.
Monsieur le secrétaire d’État, mon temps de parole étant dépassé, je m’arrêterai là. Je tenais aujourd’hui, avec beaucoup de simplicité mais aussi avec une grande détermination, à vous donner ce message.
M. Denis Badré. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, chargé de la fonction publique. Monsieur Boyer, avant de vous répondre, comme il se doit, à partir d’éléments précis qui m’ont été communiqués par les services ministériels, permettez-moi d’apporter une touche personnelle pour vous dire que je suis particulièrement sensible à la question que vous posez.
J’ai été moi aussi parlementaire avant d’occuper les fonctions du moment. Nous sommes quelques-uns à avoir commis plusieurs rapports sur ce sujet précis et allant exactement dans le sens que vous avez indiqué : ce qui est simple se comprend ; par définition, à force d’ajouter des normes à des normes et des structures à des structures, on finit par rendre le fonctionnement d’ensemble de l’administration ésotérique et illisible aux yeux des Français.
Cela étant, je ne partage pas forcément le regard très critique que vous avez émis sur les dernières années. Il y a eu des progrès, et je vous détaillerai dans un instant ceux qui ont été faits dans le domaine de la norme.
Actuellement se met en place, avec des difficultés que je ne minimise pas, une réforme de l’administration déconcentrée de l’État ; elle vise à regrouper plusieurs directions dans une même organisation au niveau tant régional que départemental, pour placer l’usager au cœur de la politique qui est menée. Je viens d’effectuer un voyage de deux jours au Canada, où j’ai découvert des modèles de simplification extraordinaires qui ont cette particularité de toujours mettre l’usager au centre du dispositif tout en assurant un service rendu performant. Je n’ai pas le temps de vous en décliner les différents aspects dans le cadre de ma réponse ce matin, mais je vous en rendrai très volontiers compte si cela vous intéresse.
Monsieur le sénateur, puisque vous m’interrogez sur la nécessaire simplification administrative de notre société, je tiens à vous faire part des éléments de réponse suivants.
L’instabilité normative et la dégradation de la qualité de la norme sont des maux auxquels des réponses efficaces ont commencé à être apportées au cours des dernières années.
Les conditions d’élaboration de la norme ont connu d’importantes évolutions, que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 est venue amplifier. Les délais d’application des lois se sont considérablement améliorés durant la présente législature, et l’action du Gouvernement est tout aussi résolue en matière de simplification de la réglementation en vigueur.
Les progrès tangibles de la France ont été présentés par l’OCDE dans son rapport rendu public en 2010 et portant sur la gouvernance réglementaire. S’agissant en particulier du mode d’élaboration de nouvelles règles, l’organisation internationale constate que ces progrès sont avérés.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a conféré au Parlement de nouvelles prérogatives, qui lui permettent d’ores et déjà d’affirmer son contrôle sur la qualité des lois en cours d’élaboration. Depuis 2008, en effet, un nouvel équilibre a été défini entre l’activité législative du Parlement et ses fonctions de contrôle de l’activité gouvernementale.
Le Gouvernement a souhaité instituer l’obligation d’établir une étude d’impact préalable au dépôt de tout projet de loi au Parlement. Cette obligation a été inscrite dans la loi organique du 15 avril 2009.
Les études conduites par le Parlement, qui sont par ailleurs rendues publiques, constituent l’un des outils majeurs des politiques mises en œuvre pour améliorer la qualité de la norme et en réduire le volume.
Dans le même esprit, monsieur le sénateur, je tiens à souligner que l’étude des conséquences pour les collectivités de l’application d’une nouvelle norme – sujet particulièrement important, et je pèse mes mots – a sensiblement progressé. Il y a encore des progrès à faire, et c’est un maire qui vous parle.
La commission consultative d’évaluation des normes, instituée par la loi de finances rectificative du 25 décembre 2007, effectue à ce titre un remarquable travail d’examen de l’impact financier des mesures réglementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire et qui sont susceptibles de concerner les collectivités territoriales.
Selon la procédure fixée par une circulaire du Premier ministre datant du 29 février 2008, un double principe de transparence et d’obligation de résultat dirige désormais les travaux du Gouvernement dans l’application des lois.
Une action énergique est menée pour réduire la charge administrative que représente le « stock » des normes en vigueur.
Depuis 2003, le Gouvernement s’est engagé dans un vaste programme de simplification du droit, qui a abouti à l’adoption de deux lois de simplification.
Le chantier a été repris par le Parlement en 2007, ce qui a notamment donné lieu à l’adoption de la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, ainsi qu’à celle du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures.
Ces lois ont permis l’abrogation de plusieurs centaines de textes obsolètes ou devenus sans objet, allégeant ainsi significativement le volume de notre corpus législatif. Le travail de simplification se poursuit et associe toujours davantage les parlementaires.
Le Président de la République a ainsi récemment missionné le député Jean-Luc Warsmann, afin d’envisager les modalités d’une nouvelle vague de simplification du droit des entreprises. Le 17 janvier dernier, il a également demandé à votre collègue sénateur du Loiret Éric Doligé de formuler des propositions permettant de simplifier le droit applicable aux collectivités territoriales.
Monsieur Boyer, comme je l’ai dit en introduction, votre question est parfaitement pertinente. Le Gouvernement a d’ailleurs saisi l’occasion de l’examen au Parlement de la proposition de loi Warsmann pour présenter toute une série de mesures de simplification.
Je conclurai sur une nouvelle touche personnelle : plus on simplifie, plus on mesure encore mieux tout le chemin qui reste à parcourir. Au-delà de l’architecture gouvernementale, que vous avez évoquée, dans les fonctions qui sont les miennes aujourd’hui, c’est une mission que je considère comme essentielle. Je m’efforce de soumettre de façon précise au Président de la République et au Premier ministre de nouvelles mesures de simplification pour aller dans le sens de ce que vous souhaitez.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez apporté, avec votre classe et votre personnalité, une réponse qui nous rassure. Quel que soit le respect que l’on doit aux propos tenus par les plus hautes personnalités de l’État, je suis, toutefois, un peu pessimiste. En effet, depuis plusieurs années, nous entendons un langage analogue, à cette réserve près qu’il n’était peut-être pas aussi clair qu’aujourd’hui.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai oublié de mentionner, à l’appui de ma question, les décrets d’application, qui ne paraissent que des mois, voire des années, après le vote des lois. Franchement, monsieur le secrétaire d’État, quelle que soit notre bonne volonté, nous ne pouvons pas tout faire ! La situation est très difficile, j’en ai conscience. Mais il me semble que le Gouvernement peut faire certaines choses, par exemple réduire les délais de parution des décrets d’application.
éviction de renault trucks défense du marché des camions militaires
M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir, auteur de la question n° 1183, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants.
M. Rachel Mazuir. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai souhaité attirer l’attention du Gouvernement sur les résultats de l’appel d’offres lancé par le ministère de la défense concernant la fabrication de 200 camions militaires, le porteur polyvalent terrestre.
Ce renouvellement était nécessaire pour remplacer la flotte vieillissante des camions dépanneurs, de transport ou de chars, ou encore de munitions, qui avaient été en partie conçus par Renault Trucks Défense et dont certains dataient du milieu des années quatre-vingt.
Ce contrat, évalué dans sa totalité à un milliard d’euros, vient d’être remporté par une filiale de Fiat, Iveco, associée à une entreprise française Lohr, basée en Alsace, et ce en dépit du recours formulé par le groupe Renault Trucks Défense, évincé.
Renault Trucks, qui a été, certes, racheté par le groupe Volvo en 2001, reste, pour autant, très implanté sur le territoire français. Et ses filiales dédiées à la défense sont parmi les plus performantes au monde.
L’attribution de ce contrat aurait permis de maintenir, voire de créer, de nombreux emplois dans ses différents sites de production français : Fourchambault, dans la Nièvre, pour la réparation des véhicules de l’avant blindé, les VAB ; Limoges, dans la Haute-Vienne, pour la fabrication des Sherpa, des VAB, et des véhicules blindés de combat de l’infanterie, les VBCI ; et à Bourg-en-Bresse, dans l’Ain, pour la fabrication des Kerax. Ce contrat aurait occupé 200 à 300 salariés pendant au moins huit ans.
Cette éviction semble aujourd’hui d’autant plus injuste que ce groupe a toujours répondu aux appels d’offres précédents, mais deux avaient été annulés faute de candidats, et un autre, concernant des blindés pour la gendarmerie, est resté lettre morte, faute de commande, alors même que le groupe avait été retenu.
Il va sans dire que ce résultat va fortement peser sur l’avenir des industries d’armements en France, d’autant que le président de Renault Trucks laisse planer la menace d’un retrait de l’activité défense, alors que cette entreprise était jusqu’à présent l’un des fournisseurs de référence de l’armée de terre française.
Par conséquent, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour sauver ces industries françaises et valoriser ainsi leurs produits et leur savoir-faire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue le ministre de la défense qui ne peut pas être présent ce matin. En effet, la passation des pouvoirs a lieu en ce moment-même entre M. Alain Juppé et M. Gérard Longuet.
Vous posez aujourd’hui la question de l’appel d’offres lancé par le ministère de la défense concernant le marché des porteurs polyvalents terrestres, les PPT.
L’examen de ce dossier a retenu toute l’attention du ministère de la défense, s’agissant notamment de ses conséquences sur l’emploi.
Deux offres de grande qualité étaient en concurrence : l’une présentée par Renault Trucks, l’autre en partenariat de co-traitance entre Iveco et Lohr.
Après analyse détaillée et au regard des critères de sélection fixés par le cahier des charges, c’est l’offre présentée par les sociétés Iveco et Lohr qui est apparue la mieux-disante. Une commande de 200 camions a donc été notifiée fin décembre 2010 à Iveco et Lohr.
Il va de soi que la société Renault Trucks garde toute sa place sur le marché des véhicules terrestres et qu’elle pourra soumissionner aux futurs appels d’offres que le ministère de la défense va lancer pour l’acquisition d’un véhicule blindé.
S’agissant des conséquences de cette décision sur l’emploi en France, je vous précise, monsieur le sénateur, que l’offre retenue présente un retour industriel français assez significatif puisque la fabrication des 200 camions commandés se fera, pour près des deux tiers, sur le territoire français.
Cela correspond à des prestations réalisées directement par le groupe alsacien familial Lohr, qui se trouve ainsi conforté par cette commande, mais aussi à des prestations réalisées en sous-traitance par d’autres sociétés françaises.
Le ministère de la défense s’efforce donc, autant que faire se peut, au travers de ses choix en matière de commandes publiques, de concilier les légitimes intérêts économiques à court terme de l’État avec une politique industrielle de plus long terme, qui conforte les entreprises nationales.
M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir.
M. Rachel Mazuir. Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de votre réponse. Permettez-moi de vous faire deux remarques : d’abord, à l’échelon européen, les deux pays qui font des efforts en matière de défense sont la Grande-Bretagne et la France.
Dans ces conditions, je trouve dommage que des pays qui ne s’engagent pas dans ce secteur et nous en font porter la responsabilité soient, qu’on le veuille ou non, bénéficiaires de l’essentiel du marché. Certes, Lohr, qui va surtout monter et serrer les boulons, est une entreprise bien française.
Ensuite, vous avez tous en tête ce qui vient de se produire aux États-Unis avec Boeing et Airbus, sans parler de Sodexo.
Les parlementaires de ce pays pratiquent le lobbying – je veux notamment citer Mme Patty Murray. Elle est allée jusqu’à commander un spot au cours duquel des employés de Boeing disent qu’ils n’accepteraient pas que les emplois aillent en France !
Sans vouloir faire un lien direct, je me pose la question de savoir si nous, parlementaires, ne devrions-nous pas, à l’échelle européenne, agir de même pour faire bouger le marché de cette défense européenne que portent, pour l’essentiel, la France et la Grande-Bretagne.
Je terminerai en posant une question. Ne serait-il pas judicieux de faire en sorte que notre industrie d’armement se regroupe pour être plus performante au niveau européen ? Je pense aux entreprises Dexter, Panhard et Renault Trucks. Il serait opportun de constituer un consortium plus pertinent et plus solide pour affirmer notre présence.
règles applicables aux constructions existantes en zone rurale
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 1098, transmise à M. le secrétaire d'État chargé du logement.
M. Bernard Piras. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le droit de l’urbanisme applicable aux constructions situées dans les zones non urbaines des communes.
Soit ces bâtiments sont destinés à l’agriculture, et ils sont classés en A, selon les termes de l’article R. 123-7 du code de l’urbanisme. Soit il s’agit de bâtiments agricoles qui, compte tenu de leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent changer de destination et sont donc zonés, à cette fin, selon l’article L. 123-3-1 du même code. Soit, enfin, ces bâtiments se trouvent dans une zone naturelle à protéger et ils sont classés en N, selon l’article R. 123-8 du même code.
En revanche, rien n’est prévu pour les constructions existantes, qui ne sont pas destinées à l’agriculture ou qui ne sont pas situées dans une zone naturelle à protéger. Dans mon département, la Drôme, cela concerne des milliers de logements. Ainsi, l’arrêt Milla, rendu par le Conseil d’État le 12 juillet 2002, a conduit à l’interdiction du changement de destination et d’extension de tous les bâtiments non agricoles. Ces maisons se retrouvent alors, par défaut, classées en A, alors qu’elles n’ont aucun lien avec l’agriculture et que la rigueur du règlement A ne permet aucune extension, ni aménagement, les figeant ainsi en l’état.
Pour éviter cela, les communes ayant lancé des révisions de leur document d’urbanisme ont procédé à cette occasion à « un pastillage » ou « micro-zonage » en N de chaque construction concernée, la réglementation applicable étant alors plus souple. Le tribunal administratif de Grenoble, qui a eu à apprécier la validité d’un plan local d’urbanisme, PLU, de ce type, l’a considéré comme illégal en raison des micro-zones N insérées.
Face à ce risque avéré, les services de l’État refusent désormais tout micro-zonage au sein des PLU. Cette solution place les élus locaux dans une grande difficulté, pour ne pas dire une impasse. Le vide juridique actuel, qui conduit à nier l’existence de milliers de logements, risque, par exemple, de conduire à la non-déclaration de travaux, ce qui rendra la gestion de ces dossiers encore plus difficile et conflictuelle pour les élus.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir m’indiquer les mesures précises que le Gouvernement entend très rapidement faire adopter pour combler cette lacune juridique et permettre une évolution raisonnable et maîtrisée de ces constructions existantes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur le droit de l’urbanisme applicable aux constructions situées dans les zones non urbaines des communes.
Afin de résoudre le problème du zonage sur les terres agricoles de certaines communes, l’Assemblée nationale a voté, avec le soutien du Gouvernement, un amendement dans le cadre de l’examen de la loi Grenelle 2.
La clarification ainsi apportée par le nouvel article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme résultant de cet amendement a pour objet de permettre expressément au règlement du plan local d’urbanisme de délimiter des micro-zones de taille et de capacité d’accueil limitées, indistinctement au sein des zones naturelles, agricoles ou forestières.
La délimitation de ces micro-zones ou « pastilles » devra, bien sûr, être strictement encadrée. En effet, ces micro-zones ne pourront accueillir des constructions qu’à la condition de ne porter atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages.
Par ailleurs, le règlement du PLU devra préciser les conditions de hauteur, d’implantation et de densité des constructions afin de permettre leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone.
Dans ces limites, cette disposition est donc susceptible de régler les éventuelles difficultés liées à la réhabilitation des bâtiments dans votre commune de Bourg-lès-Valence ou, plus généralement, dans celles du département de la Drôme.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le secrétaire d’État, je ne connaissais pas l’amendement que vous avez mentionné. En tout cas, sur Bourg-lès-Valence, tout va bien, nous n’avons pas ce problème !
S’agissant du département de la Drôme, je ne sais pas si cet amendement donne totalement satisfaction aux préoccupations que je viens d’exposer.
Quoi qu’il en soit, je vous demande de bien vouloir faire connaître aux services de l’État cette nouvelle disposition de façon à lever leurs craintes, voire leur refus de mettre en place des pastilles ou des micro-zonages dans les PLU des communes rurales. Ainsi, les maires pourront poursuivre, établir des PLU corrects et donner satisfaction à leurs administrés quant à la destination de ces bâtiments, qui, pour l’instant, sont figés.
délinquance et vol sur la voie publique
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, auteur de la question n° 1186, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’imigration.
Mme Samia Ghali. Monsieur le secrétaire d’État, en décembre dernier, j’interpellais le ministre de l’intérieur sous la forme d’une question écrite sur l’évolution inquiétante de la délinquance et la très nette augmentation du nombre de violences contre les personnes enregistrées par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales entre octobre 2009 et septembre 2010.
Ce type de violence, le plus durement ressenti par nos concitoyens, est effectivement de nouveau fortement en hausse. Le nombre de faits observés atteint 461 294.
La lutte contre l’insécurité fut le principal thème de campagne de l’actuel Président de la République. Alors que celle-ci est régulièrement présentée comme une priorité du Gouvernement, les résultats confirment – hélas ! – l’échec de la politique actuelle en la matière.
Le 21 novembre dernier, à la suite de la mort d'un gamin de seize ans lors d'un règlement de compte, le ministre, flanqué du directeur général de la police nationale, des directeurs centraux de la police judiciaire et de la sécurité publique, annonçait le renforcement des effectifs sur Marseille et les Bouches du Rhône.
Le 22 novembre dernier, à Marseille, le Président de la République haussait le ton et déclarait une nouvelle fois la guerre aux délinquants.
Le 21 janvier, lors de la présentation des chiffres de 2010, il annonçait que les agressions sans arme contre les femmes sur la voie publique avaient connu une forte hausse de 13 %.
Le 27 janvier dernier, à Marseille, dans l’un des deux arrondissements dont je suis le maire, une personne âgée de 73 ans était agressée et succombait à ses blessures, pour le vol d’un sac ne contenant que 5 euros.
Nous en sommes là ; vous en êtes là, monsieur le secrétaire d’État !
Les Marseillais, et les Français en général, en ont assez des annonces que vous enfilez, les unes derrière les autres, à l’instar de toutes vos lois qui s’accumulent, sans que nous apercevions le début d’un résultat. Ce que nos concitoyens voient de moins en moins, en revanche, ce sont des policiers dans les rues.
En huit ans, vous avez diminué les effectifs de police de 10 000 hommes. Nous vous demandons de revenir sur cette politique et d’implanter une police de proximité que, par idéologie, vous avez fait disparaître de nos quartiers.
Oui, nous voulons d’abord des policiers dans nos villes, nos quartiers et nos rues, pour dissuader le vol et traquer les délinquants.
Enfin, je souhaite ajouter un détail, qui n’en est d’ailleurs pas un. Il est une mesure qui, sans rien coûter au budget de l’État, serait très utile : la modification de la réglementation sur la vente d’objets précieux, en particulier en or.
Comme vous tous, mes chers collègues, nous voyons fleurir des publicités commerciales garantissant l’anonymat sur la vente d’objets précieux. La facilité de la revente de ces objets, colliers, bracelets, et la publicité que l’on en fait sont une aubaine pour les délinquants et les auteurs de vols dits « à la sauvette », ces agressions, toujours plus violentes, dont le nombre augmente au fur et à mesure de la montée du prix de l’or.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, chargé de la fonction publique. Madame la sénatrice, avant de vous transmettre la réponse de mon collègue ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, je tenais à vous faire part de mes réflexions sur deux points de votre intervention.
Vous avez mentionné les faits tragiques qui ont eu lieu le 21 novembre dernier et qui ont abouti à la mort d’un jeune homme de 16 ans. Comme vous, j’ai une pensée pour les familles touchées par ces évènements, qui vivent un drame épouvantable. En tant que maire, j’ai été confronté à une situation analogue et j’ai eu l’occasion de m’occuper d’une famille ainsi endeuillée. Je connais donc bien la situation dont vous parlez.
Par ailleurs, je partage votre point de vue sur les achats et ventes d’or anonymes, qui ne laissent pas d’inquiéter. Ces opérations, qui se déroulent sur internet et garantissent l’anonymat, donnent lieu à de nouvelles formes de trafic et peuvent encourager les agressions et les actes graves de délinquance. Vous soulevez là une vraie question !
J’en viens à la situation de la délinquance dans votre ville de Marseille, sur laquelle vous avez interrogé le ministre de l’intérieur.
La politique menée par le Gouvernement produit des résultats concrets, même si divers exemples peuvent donner le sentiment d’une relative impuissance.
Vous avez cité les chiffres de l’Observatoire national de la délinquance ; pour ma part, je citerai ceux de la délinquance globale : celle-ci a reculé de 2 % en 2010, ce qui fait de cette année la huitième année de baisse consécutive de la délinquance depuis 2002. Le Gouvernement veut, à cette occasion, rendre hommage à nouveau aux actions menées et à l’engagement sans faille des policiers et des gendarmes.
La lutte contre les atteintes volontaires à l’intégrité physique figure parmi les toutes premières priorités du ministre de l’intérieur. Ce phénomène est d’ailleurs commun à l’ensemble des sociétés développées.
La mobilisation des forces de l’ordre permet cependant d’obtenir de premiers résultats, et l’augmentation constatée depuis 2002 est sans commune mesure avec celle observée entre 1997 et 2002, qui était, je le rappelle, de 60,8 %. Cette hausse, qui représente 2,5 % en 2010, est en effet de mieux en mieux contenue – même si, je le concède, c’est encore trop... – et le phénomène est désormais circonscrit géographiquement.
Vous avez rappelé, notamment, la fusillade dramatique qui s’est produite le 21 novembre dernier, au cours de laquelle un jeune homme de 16 ans a été tué et un enfant de 11 ans, totalement innocent, grièvement blessé. Pour ces familles, ainsi que pour la collectivité nationale, c’est une immense épreuve, d’autant plus que cette mort si injuste trouve sa source dans des règlements de comptes, des trafics de stupéfiants et des rivalités de bandes dans les quartiers.
Le ministre de l’intérieur s’est rendu sur place à deux reprises pour donner des instructions claires au préfet et aux forces de l’ordre.
Je rappelle les quatre mesures annoncées par Brice Hortefeux à cette occasion : le renforcement des effectifs liés aux renseignements accrus avec l’affectation, dès le 1er décembre dernier, de cinq policiers spécialisés supplémentaires au service départemental d’information générale ; l’amélioration de la sécurisation et de la surveillance des quartiers sensibles grâce à la mise en place de deux unités de CRS, soit 150 CRS supplémentaires ; le renforcement des équipes d’enquête dédiées au trafic d’armes, avec la nomination de six policiers supplémentaires, et dont le double objectif est d’élucider tous les règlements de compte et de démanteler les gangs qui y sévissent ; une coordination renforcée de l’action du groupe d’intervention régionale de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur centrée sur la lutte contre le blanchiment, en lien étroit et permanent avec l’autorité judiciaire.
En outre, le préfet des Bouches-du-Rhône a mis en place un plan de lutte contre les armes à feu et, d’une manière générale, contre les trafics. Ainsi, depuis le 21 novembre dernier, date de ce drame, 207 opérations ont été menées quotidiennement dans l’agglomération marseillaise. Elles ont déjà permis de saisir 70 armes à feu, 65 kilos de cannabis et 3,5 kilos de cocaïne ; par ailleurs, 587 personnes ont été interpellées pour diverses infractions.
Madame la sénatrice, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, nous sommes dans l’action. Les Français doivent le savoir : pour assurer leur sécurité au quotidien, nous sommes toujours à l’offensive.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali.
Mme Samia Ghali. La diminution de la délinquance que vous évoquez, monsieur le secrétaire d’État, n’est pas liée à la baisse du nombre des agressions, mais au fait que les victimes ne déposent plus plainte. En effet, en l’absence de commissariats de proximité, il faut parfois parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour déposer une plainte, ce qui est souvent compliqué pour les personnes âgées.
Vous avez ensuite cité les mesures prises, à Marseille, au cours du dernier trimestre de 2010. Il est vrai que le ministre de l’intérieur est venu sur place afin d’annoncer, avec tambours et trompettes, la mise en place d’effectifs supplémentaires de police. Or, quinze jours plus tard, ces policiers étaient partis.
Pour ma part, j’estime qu’il ne faut pas fixer de rendez-vous à des voyous. En l’occurrence, ces derniers s’étaient organisés, entre-temps, pour entreposer leurs marchandises dans des garde-meubles en attendant que la police reparte. Ils savaient en effet que ces policiers ne resteraient pas sur le territoire, et ce fut effectivement le cas. À Marseille, nous connaissons donc les mêmes problèmes qu’à la fin de l’année 2010.
Certes, 60 policiers supplémentaires ont été nommés. Mais que peut-on faire avec pareil effectif ? Dans certains quartiers, des enfants de huit ou dix ans n’ont jamais vu un seul uniforme. C’est inacceptable !
Je rappelle que de nombreux auteurs d’agressions, à l’instar de ceux qui ont tué la vieille dame dont je parlais, sont des mineurs. La peur de l’uniforme permettrait de canaliser de tels comportements. Mais, pour que ces jeunes aient peur de l’uniforme, encore faudrait-il qu’ils en voient !
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, que la police faisait son travail. Je le confirme : ceux qui sont en poste sur notre territoire, avec lesquels je communique régulièrement, font tout ce qu’ils peuvent. Mais ils manquent de moyens : eux-mêmes disent qu’ils ne sont pas assez nombreux. Et lorsqu’ils sont en effectif suffisant, ce qui arrive parfois, ils n’ont pas de véhicules pour se déplacer ! Il suffit d’appeler la police pour le savoir : on vous répond qu’il est impossible de se rendre sur place faute de voiture...
Au XXIe siècle, il est inacceptable que la police n’ait pas les moyens, notamment humains, d’accomplir son travail.
services de soins de suite et de réadaptation des hôpitaux du sud charente
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 1150, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
M. Michel Boutant. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la situation des services de soins de suite et de réadaptation, les SSR, des hôpitaux du Sud Charente, c’est-à-dire ceux des départements de Charente-Maritime et de Charente.
Ces services, qui dépendent de l’hôpital de Barbezieux, sont actuellement hébergés sur le site du Château Saint Bernard. Or le bâtiment est vétuste et, aux dires de plusieurs experts, condamné d’ici à dix ans maximum. Les dépenses de mise aux normes ne seraient pas supportables. De plus, les coûts actuels de transport entre le service de SSR et l’hôpital sont devenus très lourds.
Il semble clair que ce service, à moins d’être transféré au plus vite, devra fermer, d’autant plus que les établissements de Jonzac, en Charente-Maritime, et de Libourne, en Gironde, ont ouvert ou s’apprêtent à ouvrir des lits, vers lesquels se dirigeront sans doute les patients de la région. La survie du service passe donc par un rapatriement rapide sur le site de Barbezieux. Ce déménagement implique une extension de l’hôpital.
L’étude architecturale a déjà été financée, et un projet de 120 lits a été prévu, qui pourra éventuellement être revu à la baisse jusqu’à 100 lits. L’extension de l’hôpital fait normalement partie du plan Hôpital 2012, mais on ignore de quelle somme le projet pourrait bénéficier. De la même façon, l’Agence régionale de santé, l’ARS, a indiqué qu’elle soutenait le projet, mais elle ne dispose pas de suffisamment de lisibilité dans son budget pour s’engager clairement.
Aussi, je vous demande de bien vouloir prendre en compte l’urgence de la situation et de faire sorte que l’hôpital de Barbezieux, comme tous ceux du Sud Charente, puisse dans un avenir proche accueillir les patients en soins de suite et de réadaptation dans des conditions décentes.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, la population du Sud Charente mérite effectivement une offre de soin optimale, adaptée à ses besoins de santé ainsi qu’aux normes actuelles de sécurité. Le ministère de la santé connaît particulièrement bien le projet de regroupement sur le site de Barbezieux.
Il veille à ce que les projets d’investissement présentés par les professionnels et soutenus par les élus soient ajustés au mieux aux besoins de la population, actuels et à venir, et aux projections en matière d’activité que les établissements sont amenés à élaborer. Le ministère de la santé prend également en compte, pour évaluer les projets de restructuration hospitalière, le développement des alternatives à l’hospitalisation complète, le déploiement de la chirurgie ambulatoire, et le rapprochement entre les équipes hospitalières et la médecine de ville.
Concernant le territoire de santé du Sud Charente, il convient de veiller à ce que l’établissement puisse supporter à l’avenir, et sur la durée, les coûts d’exploitation qui seront engendrés par cet investissement majeur.
Les décisions d’appui à l’investissement au titre de la deuxième tranche du plan Hôpital 2012 seront prises au regard de ces différents paramètres et n’interviendront, en tout état de cause, qu’au cours du deuxième semestre 2011. Les porteurs de projets sont invités, dans l’intervalle, à vérifier que leur projet est correctement dimensionné et répond aux différents impératifs de la médecine d’aujourd’hui et de demain.
situation des allocataires de l'allocation équivalent retraite
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 1158, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question concerne les 45 000 allocataires de l’allocation équivalent retraite ou AER.
Depuis 2008, des dizaines de milliers de nos concitoyens, aux carrières souvent longues et pénibles, sont partis en retraite anticipée dans le cadre de plans de départ dits volontaires validés par les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
Ces personnes ont quitté leur emploi parce qu’on le leur a demandé et qu’on les a persuadées qu’elles allaient toucher à l’issue de la période d’indemnisation de chômage l’allocation équivalent retraite, soit environ 1 000 euros par mois.
Or ces salariés ont découvert non seulement que l’AER n’existait plus, mais aussi qu’ils pourraient tout au plus prétendre à l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique, qui représente 450 euros par mois.
Madame la secrétaire d’État, le différentiel de plus de 500 euros dans les revenus d’un ménage moyen, ce n’est pas de l’argent de poche. Les allocataires de l’AER ne sont pas des chômeurs surpayés, comme j’ai pu l’entendre dire. Cette somme représente simplement la différence qui existe parfois entre la précarité et la dignité humaine.
Après différentes interventions appuyées du groupe socialiste, le Gouvernement a accepté de prolonger le dispositif de l’AER en 2009, puis en 2010. Pour l’année 2011, année qualifiée de sortie de crise par certains, non seulement vous avez donné une fin de non-recevoir à nos demandes de prolongation du dispositif, en discussion budgétaire, mais, cerise sur le gâteau, la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a prolongé le supplice de ces anciens salariés de deux ans en rétablissant l’obligation de rechercher un emploi.
Or rechercher un emploi dans la situation actuelle – le nombre de seniors de plus de 50 ans en quête d’emploi a augmenté de 16,3 % en 2011 alors que le chômage de longue durée a bondi de 20 % en 2010 – s’apparente à un véritable exploit. Dans ces conditions, c’est un abandon de première classe que de laisser ainsi tomber des personnes qui ont quarante ans de travail pénible derrière elles.
Nous savons que des négociations sont en cours avec les représentants de ces ex-salariés. Il ne s’agirait pas de prolonger le dispositif existant mais d’en inventer un autre.
En tout état de cause, madame la secrétaire d’État, nous demandons que cette allocation, sous quelque forme que ce soit, soit rétablie, et ce de façon rétroactive. Le Gouvernement a, en quelque sorte, mis ces personnes dans une situation de précarité ; c’est donc à lui de les en sortir.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur Bourquin, je vous prie de bien vouloir excuser Xavier Bertrand, qui m’a demandé de vous répondre.
Ainsi que vous l’avez rappelé, l’allocation équivalent retraite avait été supprimée par la loi de finances pour 2008. Cette fermeture ne s’appliquait pas aux bénéficiaires actuels de l’allocation, lesquels continuent de la percevoir.
Vous avez également souligné que deux décrets ont reporté en 2009 et en 2010 la mise en œuvre de cette mesure. C’est donc depuis le 1er janvier 2011 que le dispositif de l’AER n’accepte pas de nouveaux entrants.
L’adoption de la loi portant réforme des retraites a donné l’occasion de soulever la question des demandeurs d’emploi seniors ayant épuisé leurs droits à l’assurance chômage ; c’est une question tout à fait légitime.
Nous discutons de ce point avec les partenaires sociaux, qui ont, comme vous le savez, engagé une renégociation de la convention d’assurance chômage. Cela n’aurait guère de sens de dissocier la question de l’assurance chômage et celle de la prise en charge des demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits à cette même assurance. Ces deux sujets doivent être abordés conjointement.
Sur le fond, monsieur le sénateur, convenez qu’un dispositif permettant de cesser son activité avant l’âge de la retraite et de toucher un revenu équivalent à celui d’une pension de retraite porte un nom : la préretraite. Je ne vous ai pas entendu formuler le souhait que nous rétablissions les préretraites, mais c’est bien ce à quoi aboutirait une pérennisation pure et simple de l’AER dans sa forme actuelle ; il faut y prendre garde.
Par conséquent, nous devons également intégrer dans notre réflexion l’objectif de réduction des effets pervers de ces dispositifs de cessation anticipée d’activité. Certes, ces derniers répondent sans doute à une demande de la part tant de leurs bénéficiaires que, parfois, des entreprises. Ils pénalisent toutefois notre compétitivité en éloignant du marché du travail un grand nombre de travailleurs et font par ailleurs peser une charge très importante sur les finances publiques.
Tels sont donc les deux principes qui guident nos discussions avec les partenaires sociaux sur le sujet : réduction des effets pervers des dispositifs de cessation d’activité, bonne articulation avec les règles de l’assurance chômage.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Je suis assez stupéfait d’une telle réponse.
Madame la secrétaire d’État, il existe une parole d’État. Lorsque les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle précisent par écrit à des personnes partant en retraite qu’elles toucheront l’allocation équivalent retraite, ces dernières doivent percevoir une telle allocation.
Par ailleurs, vous savez comme moi que les salariés aux carrières longues deviendront inévitablement moins nombreux…
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Martial Bourquin. … et que l’AER s’éteindra d’elle-même.
Or, aujourd'hui, des personnes sont jetées dans la précarité : des mesures urgentes sont nécessaires. Il n’y a plus de départ en AER désormais ; on comptait près de 70 000 allocataires encore récemment, il en reste aujourd’hui 40 000 et, dans deux ans, ils ne seront que quelques milliers ; nous le savons bien ! Vous devez faire en sorte que ces personnes touchent à nouveau ce qui leur a été promis.
La reprise du versement de l’AER peut être obtenue de trois façons. La meilleure option est de relayer la demande des concitoyens, ainsi que je le fais moi-même, en tant que parlementaire. Une autre manière consiste à passer par la négociation ; vous en parliez voilà quelques instants, madame la secrétaire d’État. La troisième façon est de porter l’affaire devant les tribunaux administratifs : la parole d’État n’ayant pas été tenue, c’est à la justice qu’il revient de trancher.
Je trouve déplorable que, au moment où certains contribuables bénéficient du bouclier fiscal, on retire 500 euros d’allocation à des familles. De telles mesures sont presque abjectes, inacceptables ! Pour les couples qui ont travaillé ensemble dans l’automobile ou d’autres grandes industries et qui sont partis en retraite au même moment, ce sont 1 000 euros qui sont perdus pour le foyer. Peut-on accepter une telle situation, provoquée par une seule décision de l’État, par une seule décision du Gouvernement ?
La réponse qui m’a été faite ne me semble donc pas adaptée. Il faut réfléchir à la situation : le Gouvernement a pris des engagements et il doit les tenir, sans quoi il appartiendra aux tribunaux de décider qui a raison et qui a tort. L’État a perdu devant les tribunaux à plusieurs reprises. Et ce sera le cas cette fois encore, car des documents écrits témoignent de l’engagement qui a été pris de verser aux personnes concernées l’allocation équivalent retraite.
Vous plongez ces personnes dans la précarité, mais elles ont une dignité et elles ont le droit de la défendre.
restructuration des hôpitaux locaux de nyons et de buis-les-baronnies
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, auteur de la question n° 1171, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question concerne un sujet qui préoccupe particulièrement notre assemblée, puisque nous en avons débattu récemment : les déserts médicaux des territoires ruraux, territoires dont l’avenir est une préoccupation importante pour ceux qui y vivent.
La difficulté de nos concitoyens pour accéder au service public de la santé est prégnante. Je veux parler des Français qui habitent ces territoires ruraux. Pour la plupart ils y naissent, y travaillent, y vivent et y meurent ; ils souhaiteraient y vieillir dignement.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, il me tenait à cœur d’attirer votre attention sur la restructuration des hôpitaux locaux de Nyons et de Buis-les-Baronnies, dans le sud du département dont je suis l’élu. J’associe d’ailleurs à ma question mon collègue Jean Besson, sénateur de la Drôme, particulièrement attaché à ces territoires.
Ces deux établissements de santé, très similaires par leur nature et par leurs activités de proximité, attendent depuis de nombreuses années d’être rénovés. Ils sont aujourd’hui vétustes et ne répondent plus aux normes, comme cela est souligné à chaque réunion des commissions de sécurité.
Les dossiers de restructuration sont pourtant bien avancés ; ils sont pour ainsi dire bouclés. Les travaux sont estimés à 19 millions d’euros pour l’hôpital de Nyons et à 18 millions d’euros pour celui de Buis-les-Baronnies. Les acteurs locaux ont suivi le protocole relatif à ces projets et les études préalables ont été validées.
Pourtant, ces rénovations sont toujours bloquées en attente d’une validation de l’État et de l’agence régionale de santé, l’ARS. C’est d’ailleurs après-demain, jeudi 3 mars, que les maires des deux communes concernées rencontreront le représentant de l’État à l’ARS et défendront à nouveau auprès de lui leurs demandes.
Sur ces territoires, la lutte contre les déserts médicaux devient une priorité, parce que la proximité est un gage de sécurité. Dans ces secteurs, on ne compte pas en kilomètres mais en temps nécessaire pour relier un lieu à un autre. En hiver, il faut franchir des cols pour aller de Séderon à l’hôpital le plus proche, celui de Buis-les-Baronnies, malgré des routes enneigées.
C’est pourquoi, pour les habitants, pour les élus, la modernisation rapide des deux établissements ne peut plus attendre ; il y a urgence. Retarder encore le lancement de ces restructurations reviendrait sans nul doute à anéantir ces projets et je ne peux penser que ce soit dans l’air du temps.
En effet, au fil des années, avec le problème de l’évolution des normes, il est à craindre que la décision d’abandonner tout projet de rénovation ne l’emporte. En matière d’accessibilité sachez que, à l’hôpital de Buis-les-Baronnies, il n’y a qu’un ascenseur, déjà ancien et donc susceptible de tomber en panne. À ces moments-là, ce sont non seulement les conditions d’accueil des patients, mais aussi les conditions de travail des personnels qui sont mises à mal.
Lorsque le Gouvernement lance le plan Alzheimer, peut-il rester insensible aux difficultés rencontrées dans ces territoires où les élus militent inlassablement pour des établissements rénovés dans lesquels les personnes seraient accueillies dans la dignité, notamment celles qui subissent une perte d’autonomie ?
Accueillir des personnes dans des chambres vétustes avec une configuration qui nuit à l’intimité des patients, n’est-ce pas une forme de maltraitance ?
Enfin, quand on sait que ces établissements sont également des employeurs importants, voire le principal employeur du territoire – dans le cas présent, 308 salariés au total, un chiffre énorme en zone rurale –, dans des secteurs ruraux où l’activité économique est souvent mise à mal, il semble d’autant plus important d’apporter aux habitants et aux élus la réponse espérée.
Madame la secrétaire d’État, ma question est toute simple : quand seront validés les projets de restructuration des hôpitaux locaux de Nyons et de Buis-les-Baronnies ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur Guillaume, vous interrogez le Gouvernement sur la restructuration des hôpitaux locaux de Nyons et Buis-les-Baronnies.
Effectivement, dès 2007, la DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, et l’ARH, l’agence régionale de l’hospitalisation, puis l’ARS, à compter du mois d’avril 2010, ont été saisies de projets de restructuration des hôpitaux de Nyons et de Buis-les-Baronnies, qui présentent en effet des similitudes.
De nombreuses consultations et échanges ont eu lieu ces dernières années entre la direction de chacun de ces établissements et les services de l’État et du conseil général.
Ces deux établissements de santé, qui comportent chacun un EHPAD, un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes, sont situés à trente kilomètres l’un de l’autre dans le sud-est du département de la Drôme, zone géographique relativement enclavée.
Ils desservent l’un comme l’autre une population locale et ont développé des coopérations entre eux ainsi qu’avec des établissements de santé de référence, tant dans le Vaucluse que dans la Drôme – Montélimar –, dans le cadre de groupements de coopération sanitaire.
Les deux hôpitaux présentent un caractère de vétusté certain qui a légitimement conduit leurs dirigeants à présenter un projet de restructuration très important, puisqu’il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, de reconstruire certains bâtiments ou d’opérer des réhabilitations lourdes. Ces projets se traduisent par un coût élevé de 19,7 millions d’euros pour Nyons et de 17,2 millions d’euros pour Buis-les-Baronnies.
Compte tenu de leur emplacement et du rôle qu’ils jouent en matière d’accès aux soins, notamment pour une population âgée, l’ARH a approuvé le projet d’établissement de ces hôpitaux ; il apparaît en effet nécessaire de les mettre aux normes.
Depuis la mise en place de l’ARS et après échange avec les maires de Nyons et de Buis-les-Baronnies, une remise à plat de l’état d’avancement des deux projets a été faite avec la directrice des deux hôpitaux, puisque Mme Sicard, directrice de l’hôpital de Buis, assure actuellement l’intérim de Nyons dans la perspective d’une direction commune.
Ces échanges se sont traduits par un courrier du directeur général de l’ARS en date du 22 décembre dernier adressé à chaque établissement et, vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, une rencontre est prévue entre le directeur général de l’ARS et les élus le 3 mars prochain.
À ce jour, la situation est la suivante.
Pour Nyons, la directrice vient d’adresser un programme technique détaillé qui est en cours d’examen à la délégation territoriale en lien avec le siège. L’opération ne semble pas pouvoir s’équilibrer sans l’aide de l’agence.
Pour Buis-les-Baronnies, le projet est moins avancé techniquement, et il est nécessaire d’envisager différentes hypothèses de réhabilitation, car l’hôpital n’a pas d’autofinancement et ne peut faire face à cette opération sans un recours à l’emprunt très important.
Ces deux opérations sont au stade de l’instruction par l’ARS, qui en étudie la faisabilité financière dans le contexte actuel de réductions des aides contractuelles.
On peut souligner qu’une démarche de création de maisons de santé pluridisciplinaires est également lancée sur ce territoire puisque l’ARS a été saisie d’un projet par la commune de Nyons et d’un autre par celle de Buis-les-Baronnies.
Ces deux projets de maisons de santé pluridisciplinaires, qui se justifient tout à fait compte tenu de la démographie médicale de ces territoires, ont été portés dans le cadre de la programmation conjointe ARS-préfet arrêtée en octobre dernier dans le cadre du programme « 250 maisons de santé pluridisciplinaires en zone rurale » avec les deux hôpitaux pour assurer une parfaite complémentarité ; ils pourront constituer le point d’accroche de pôles de santé, car certains médecins vont rester très éloignés des deux localités et auront sans conteste besoin d’un appui pour fonctionner en réseau.
Ces projets rejoignent, bien sûr, la préoccupation manifestée par les élus de ce territoire lors de la journée du 11 février à Buis-les-Baronnies sur les « déserts médicaux », à laquelle assistait le délégué territorial de l’ARS de la Drôme.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse que je considère comme excellente et qui témoigne d’une bonne connaissance du terrain… mais vous ne répondez pas tout à fait à ma question.
C’est vrai, des projets de création de maisons de santé pluridisciplinaires sont engagés sur ces territoires – projets dans lesquels les collectivités locales, et notamment le département que j’ai l’honneur de présider, se sont d’ailleurs beaucoup investies –, mais la question que je vous ai posée portait sur l’avenir des restructurations.
Alors que le Gouvernement met en place le plan Alzheimer, on sait très bien que la proximité est importante pour faire face au problème de la dépendance. En zone rurale, ce ne sont pas les maisons de santé pluridisciplinaires qui vont pouvoir remplacer à cet égard les hôpitaux locaux !
On sait très bien aussi que, si les travaux nécessaires ne sont pas réalisés, l’avis de la commission de sécurité sera systématiquement défavorable : on voudrait fermer les hôpitaux qu’on ne s’y prendrait pas autrement !
Or, sur le terrain, élus, praticiens et pouvoirs publics, tous nous avons la volonté de maintenir nos hôpitaux parce qu’ils jouent un rôle essentiel – je dis bien de les « maintenir », et non pas de les « sauver », car ils n’ont pas à être sauvés.
C’est l’avis unanime qui s’est exprimé lors de la journée du 11 février sur l’avenir de la santé dans ces territoires, journée qui s’est très bien déroulée, qui a rassemblé beaucoup de monde et lors de laquelle était présent, comme vous l’avez vous-même relevé, madame la secrétaire d'État, le délégué territorial de l’ARS.
C’est pourquoi votre réponse, bien que très étayée, ne nous convient pas tout à fait. Il faut un engagement de l’État. Actuellement, l’effort repose sur les collectivités locales.
Le conseil général de la Drôme apporte ainsi son aide financière, alors qu’il ne devrait pas avoir à le faire, et n’aura d’ailleurs peut-être plus le droit de le faire après 2014 si la réforme des collectivités territoriales passe, parce que nous croyons à l’avenir de la santé en zone rurale et parce que assurer la proximité est indispensable.
Même dans le cadre de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, et de la réduction des dépenses, les coûts des deux projets de restructuration – 19,7 millions d’euros pour l’un, 17,2 millions d’euros pour l’autre – ne sont pas énormes comparés à l’enjeu : il en va de l’avenir de la santé et du bien-vieillir de nos concitoyens.
Dans les hôpitaux locaux, la maltraitance, c’est aussi de ne pas pouvoir être seul pour prendre sa douche parce que les locaux sont trop petits. Aujourd'hui, la norme est de 55 mètres carrés pour la chambre plus le couloir. À Buis-les-Baronnies, on est à 22 mètres carrés ! Il est donc indispensable, pour la dignité des patients, de faire un effort.
C’est l’idée que l’on se fait de la santé dans notre pacte républicain qui est en cause, et nous ne manquerons pas de revenir à la charge.
dysfonctionnement de la mutuelle des étudiants
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 1147, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.
M. Alain Gournac. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la situation très préoccupante de la LMDE, La mutuelle des étudiants, situation qui suscite la colère des étudiants de la région de Saint-Germain-en-Laye dont, en tant que maire du Pecq, j’ai eu l’occasion de recevoir une délégation.
De nombreux étudiants affiliés à cette mutuelle se sont regroupés pour faire face aux difficultés actuelles de gestion de cet organisme : traitement manuel – en 2011 ! – de nombreux dossiers, accumulation de ces mêmes dossiers, manque d’informations électroniques des précédentes mutuelles d’étudiants, dossiers incomplets et donc impossibles à traiter, explosion des appels téléphoniques de mécontentement, appels qui, souvent, restent sans réponse, files d’attente qui n’en finissent plus, impossibilité de recruter du personnel temporaire pour faire face à cette désorganisation.
Ces difficultés seraient, paraît-il, consécutives à la mise en place de la réforme de l’assurance maladie et toucheraient d’autres mutuelles d’étudiants.
La situation est d’autant plus préoccupante qu’il semblerait que ces dysfonctionnements, qui se soldent par des retards de remboursement, conduisent les étudiants les plus démunis à différer les soins dont ils auraient besoin, voire, pour certains d’entre eux, à les abandonner.
C’est une situation que nous ne pouvons accepter. Nous n’avons pas le droit de laisser nos jeunes quels qu’ils soient hors de notre système de soins.
Aussi, madame la secrétaire d'État, quelles mesures envisagez-vous de mettre en place pour qu’il soit rapidement mis fin à une situation préjudiciable non seulement à nombre d’étudiants mais également à leurs familles ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur Gournac, j’ai été sensibilisée aux difficultés que peuvent rencontrer les étudiants avec leur régime de sécurité sociale.
Ces difficultés, notamment de délais de remboursement, étaient en grande partie liées à la mise en place de la carte Vitale avec photo, qui a fortement impacté le fonctionnement des mutuelles.
La procédure qui présidait jusqu’alors à l’obtention de la carte Vitale était source de dysfonctionnements : un jeune ne pouvait faire sa demande de carte Vitale qu’au moment de son inscription au régime de sécurité sociale. Compte tenu de la complexité de la procédure, les remboursements prenaient du retard, le temps que l’étudiant rassemble les pièces qui lui étaient demandées.
Ces difficultés de mise en œuvre et les retards qu’elles entraînaient ont eu pour conséquence une forte augmentation du nombre de feuilles de soins papier, puisqu’il ne peut y avoir de télétransmission de feuilles de soins électroniques en l’absence de carte vitale. Il en est résulté un délai croissant pour les remboursements de ces feuilles de soins papier et un nombre croissant de réclamations.
Désormais, les cartes Vitale sont délivrées aux jeunes dès qu’ils atteignent l’âge de seize ans, donc avant leur affiliation aux mutuelles d’étudiants. Ce changement devrait permettre d’éviter le recours aux feuilles de soins papier, ainsi que les retards de remboursement.
La principale cause de dysfonctionnement devrait donc disparaître et les délais de remboursement diminuer.
D’autres facteurs expliquent cependant les difficultés qui entourent le fonctionnement des régimes de sécurité sociale étudiante.
Par exemple, malgré la mise en place d’une procédure de mutation inter-régimes en partie automatisée, la nature même du « régime étudiant », régime de passage qui impose à chaque étudiant de choisir chaque année sa mutuelle, est source de difficultés opérationnelles que les modalités de gestion devront prendre davantage en compte.
En effet, les droits ne peuvent être ouverts qu’après que l’établissement d’enseignement a fait connaître à la mutuelle et à la caisse primaire d’assurance maladie de rattachement le choix fait par l’étudiant.
Par ailleurs, la mobilité des jeunes, qui changent fréquemment d’adresse ou de lieu d’étude et sont de plus en plus souvent amenés à faire des séjours à l’étranger dans le cadre des nouveaux programmes, augmente les difficultés de gestion des mutuelles d’étudiants.
Pour améliorer cette situation, la convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNAMTS, la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, prévoit de forts engagements sur la qualité de service, notamment en termes de délai de remboursement des soins de santé, d’accueil téléphonique, de délais de réponse aux réclamations, engagements qui s’appliquent aux mutuelles délégataires du régime obligatoire comme aux caisses primaires d’assurance maladie.
Toutes ces évolutions devraient permettre d’éviter dans l’avenir les nombreux dysfonctionnements que vous soulignez, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de vos réponses, mais je m’interroge tout de même, car, si j’approuve les réorganisations, j’estime que la santé des étudiants doit passer avant. Je ne critique certainement pas la mise en place de la carte Vitale avec photo – nous nous sommes assez battus ici pour l’obtenir ! –, mais je m’étonne que les changements ne s’accompagnent pas de moyens pour que les étudiants puissent se faire soigner et rembourser correctement.
Sincèrement, je me demande si cette mutuelle est bien gérée et je m’inquiète ! Vous parlez de feuilles de soins papier et de traitement électronique dès lors impossible, mais, madame la secrétaire d'État, nous sommes en 2011. Le fait que les étudiants « bougent » beaucoup et partent de plus en plus souvent à l’étranger, ce qui d’ailleurs est une très bonne chose, ne justifie pas non plus que leurs possibilités de se faire soigner et rembourser soient mises à mal et qu’ils soient contraints de différer les soins, ce qui est toujours dangereux.
J’ai rencontré à la mairie du Pecq un étudiant ayant des problèmes dentaires ; il m’a dit qu’il pouvait attendre, mais ce n’est pas vrai : cet étudiant a besoin de se faire soigner les dents et les soins ne doivent pas être différés à cause de problèmes de mutuelle.
Je sais, madame la secrétaire d'État, que vous êtes très attentive à cette situation et je compte sur vous et sur Xavier Bertrand pour faire bouger les choses et trouver une solution afin qu’au lieu de s’entendre expliquer qu’il y a des problèmes électroniques ou des difficultés administratives ces étudiants aient la possibilité d’aller immédiatement consulter leur médecin, leur dentiste ou se faire hospitaliser et d’être ensuite rapidement remboursés.
restructuration des laboratoires de qualification biologique du don
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 1184, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.
M. Francis Grignon. Madame la secrétaire d’État, la restructuration des laboratoires de qualification biologique du don, dits laboratoires QBD, a pour objectif le regroupement de l’activité de qualification des dons du sang sur quatre plateaux au lieu des quatorze laboratoires régionaux existants.
Concernant l’Alsace, ce projet comporte des risques en termes de disponibilité des produits puisque les échantillons prélevés à l’occasion des dons collectés dans cette région devront être acheminés en Haute-Savoie, à Metz-Tessy, soit à 550 kilomètres de Strasbourg.
La durée du trajet est estimée à cinq heures – hors « bouchons » ou intempéries –, auxquelles doivent être ajoutées huit heures d’analyses. Cela représente une forte augmentation du temps qui s’écoule avant la mise à disposition du produit. Or une poche de plaquettes doit être utilisée dans les cinq jours qui suivent le don.
Cette réforme aura également des conséquences en termes d’approvisionnement des hôpitaux alsaciens et donc, en fin de chaîne, pour les patients. L’augmentation des délais met en cause la qualité et la sécurité des produits sanguins.
Enfin, cette restructuration au niveau national a pour objectif d’aboutir à des coûts unitaires de QBD comparables à ceux de l’établissement régional le plus performant à l’échelle nationale, établissement qui n’est autre que l’établissement français du sang d’Alsace.
Madame la secrétaire d'État, pourquoi le Gouvernement impose-t-il à l’Alsace un changement d’organisation alors que son établissement français du sang est considéré comme un modèle pour fixer nos objectifs nationaux ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon attention sur la restructuration des laboratoires de qualification biologique du don.
L’Établissement français du sang, EFS, a présenté un plan de mutualisation des plateaux de qualification biologique du don – plan prévu à l’article 12 du contrat d’objectifs et de performance signé le 2 septembre 2010 entre l’établissement et les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget – le 10 novembre dernier au comité des directeurs et l’a transmis le même jour aux organisations syndicales siégeant au comité central d’établissement. Une première information officielle de ce dernier a eu lieu le 16 décembre suivant
Parmi la dizaine de plans d’action prévue par le contrat d’objectifs et de performance pour l’EFS, il s’agit du premier et du plus important. Ce contrat exige une réduction du coût du processus de qualification biologique du don de 15 % à son échéance. Les quatorze plateaux existants actuellement connaissent tous des organisations différentes et nécessitent des mesures d’harmonisation. Le coût de leur fonctionnement est connu ; il est d’autant plus élevé que le maillage territorial est important.
Le contrat d’objectifs et de performance ne définit pas le nombre de plateaux qui devront faire l’objet d’une mutualisation. L’EFS, après avoir mené une étude portant sur plusieurs scenarii prévoyant un nombre final de plateaux allant de trois à huit, a finalement retenu l’hypothèse du passage de quatorze à quatre plateaux interrégionaux.
Pour ce faire, un groupe de travail a œuvré jusqu’au mois de juillet 2010 ; des études complémentaires ont été rendues à la fin du mois suivant ; enfin, des propositions de localisations géographiques ont été faites au mois d’octobre dernier. Les localisations envisagées l’ont été en raison de leur intérêt logistique. Les régions retenues sont le Languedoc-Roussillon, avec Montpellier, le Nord, avec Lille, Rhône-Alpes, avec Annecy, Metz-Tessy, et Pays-de-Loire, avec Angers. Le premier regroupement sur Montpellier aura lieu en deux temps : la fermeture d’abord du plateau de Saint-Etienne, puis de celui de Marseille, au cours de cette année. Les autres regroupements se feront en 2012.
Le comité central d’établissement demandera à un cabinet d’experts de réaliser une expertise, avant que la position finale lui soit soumise au printemps 2011. Les localisations pressenties à l’heure actuelle ne sont donc pas complètement validées.
D’autres pays européens comparables à la France ont déjà fait l’expérience du regroupement de tels plateaux. Aucune difficulté particulière n’a été constatée lors de ces opérations, et la disponibilité des produits y est assurée sans problème.
Le projet actuel prend en compte la transmission des résultats dans les délais impartis, et les tubes doivent arriver au laboratoire interrégional dans un laps de temps ne pouvant excéder quatre heures. Même si dans quelques situations cette durée maximale est légèrement dépassée, il ne s’agit pas d’un facteur limitant. Dans tous les cas, il est prévu que les résultats soient transmis aux différents services de préparation au fur et à mesure de leur validation grâce au logiciel de laboratoire de qualification biologique du don. Les délais d’approvisionnement des hôpitaux alsaciens ne sont donc pas remis en cause ; ils resteront comparables à ceux que nous connaissons aujourd’hui.
Le fait que l’EFS-Alsace soit un modèle en matière de qualification biologique du don n’est pas contesté. Et c’est justement pour généraliser ces bonnes pratiques, monsieur le sénateur, que la mutualisation doit être opérée. La qualité et la sécurité des produits sanguins en seront renforcées.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Certes, Mme la secrétaire d’État, qui connaît très bien le dossier, a relaté avec force détails l’évolution du processus. Je suis cependant quelque peu déçu de constater que, bien que l’EFS-Alsace soit le meilleur, ma région doit se désengager en matière de don. Malgré toutes les concertations avec les syndicats, les directeurs, l’EFS précité m’a adressé un courrier dénonçant l’absence de logique dans le système envisagé.
approvisionnement et mise en œuvre des circuits courts
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 1151, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
M. Gérard Bailly. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les possibilités de développement des circuits courts, plus particulièrement dans le domaine de l’agro-alimentaire.
La loi Grenelle 2 tout comme la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ont attesté du bien-fondé et des aspects positifs de ce mode de commercialisation de proximité, pour ce qui concerne tant les économies de CO2 et les conditions de transport en cas de longues distances, que la valorisation des produits, plus attractifs pour les consommateurs et plus rémunérateurs pour les producteurs du fait des économies de manutention et de la limitation, voire de la suppression, des intermédiaires.
Si, aujourd’hui, des marchés existent – je pense notamment aux ventes à la ferme, où viennent s’approvisionner les consommateurs, ou aux marchés de produits régionaux, que nous connaissons tous –, ce mode de commercialisation, qui séduit de plus en plus les collectivités territoriales, ne répond pas aux exigences que ces dernières doivent respecter eu égard au code des marchés publics. Compte tenu de l’importance de la restauration collective dans les écoles ou les hôpitaux, il serait particulièrement utile que les collectivités qui le souhaitent puissent privilégier les circuits courts avec beaucoup plus de facilité.
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour favoriser le développement de ces circuits, qui rapprochent le producteur du consommateur et qui, de plus, répondent aux souhaits de nombreux élus et concitoyens, ce dont nous sommes tous conscients ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, je vous répondrai au nom de mon collègue Frédéric Lefebvre, qui est ce matin empêché.
L’article 53 du code des marchés publics consacre un droit de préférence, en cas d’équivalence d’offres, au profit des groupements de producteurs agricoles par rapport à d’autres catégories de candidats à un marché public. La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 prévoit que « l’État se donne pour objectif de recourir, pour l’approvisionnement de ses services de restauration collective, à des produits faisant l’objet de circuits courts de distribution, impliquant un exploitant agricole ou une organisation regroupant des exploitants agricoles. »
Cette orientation rejoint le souhait d’un nombre croissant de consommateurs de privilégier de plus en plus le lien direct avec les producteurs et, de ce fait, les achats de produits de saison disponibles localement.
Les ventes en circuits courts qui se développent rapidement en raison de la demande exprimée par les consommateurs présentent des formes variées, et les marchandises offertes ne se limitent pas aux fruits et légumes, mais concernent également des produits d’origine animale et des produits agricoles transformés.
Des travaux ont été engagés par le Gouvernement afin de favoriser et de définir cette nouvelle forme de commercialisation qu’est la vente directe. Ils visent à améliorer les connaissances sur les circuits courts et leur diffusion, à adapter la formation des agriculteurs, à favoriser l’installation de ces derniers en circuit court, et à améliorer l’organisation des circuits courts.
De son côté, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, a mis en place des enquêtes, afin d’inventorier ces formes de vente et de s’assurer que celles-ci sont en cohérence avec les règles de protection du consommateur existant dans le domaine économique, comme en matière de qualité et de sécurité des produits.
Pour ce qui concerne la restauration collective publique comme privée, l’approvisionnement en produits agricoles de proximité constitue un point fort du programme national pour l’alimentation. Cependant, ce critère de choix doit se faire dans le respect des règles du code des marchés publics et des principes fondamentaux qui régissent la commande publique, au premier rang desquels se situe l’égalité de traitement entre les candidats.
Ainsi, la proximité géographique d’une entreprise ne peut être intégrée au sein des critères de jugement des offres, car présentant un caractère discriminatoire, mais les préoccupations environnementales peuvent être dorénavant largement prises en compte dans la passation des marchés.
C’est donc dans le respect des principes édictés par la réglementation que ces formes de commercialisation pourront effectivement répondre aux attentes des consommateurs, des gestionnaires des collectivités, des exploitants agricoles et des fournisseurs.
Dès lors, le Gouvernement est engagé dans le développement et la valorisation des circuits courts, auxquels vous êtes attaché, monsieur Bailly, dans l’intérêt des consommateurs, de l’achat de proximité au bénéfice des collectivités et en raison des débouchés qu’ils constituent, en période de crise, pour le secteur agricole.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse détaillée.
Néanmoins, comme un certain nombre de mes collègues, j’estime que le code des marchés publics devrait être modifié. Si, pour l’approvisionnement en produits frais des restaurants scolaires et des hôpitaux, une priorité peut être accordée à la proximité, c’est à égalité de prix.
Voilà peu de temps, j’ai interrogé sur ce sujet Michel Barnier, actuellement commissaire européen après avoir été ministre de l’environnement, puis de l’agriculture et de la pêche. Les circuits courts peuvent en effet concourir à la résolution des problèmes que l’on peut connaître dans les domaines agricole et environnemental. Ils permettent, notamment, d’être plus économe en CO2.
Pour que tel conseil général, tel conseil régional ou tel hôpital puisse y recourir, après avoir obtenu bien entendu des exploitations ou des groupements de producteurs en cause les garanties sanitaires adéquates, il serait nécessaire qu’intervienne un assouplissement des directives européennes et du code des marchés publics. Une telle démarche représenterait un réel progrès, souhaité par tout le monde.
démarchage téléphonique et droits du consommateur
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 1190, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l’attention sur la nécessité de renforcer les droits du consommateur en matière de démarchage téléphonique.
Aux termes de l’article 38 de la loi dite « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978, toute personne physique « a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur. »
Ce droit figure également dans le code des postes et des communications électroniques, dont l’article R. 10 dispose que toute personne qui en fait expressément la demande, peut s’opposer à l’utilisation de ses données personnelles lors d’opérations de prospection directe.
Face à des pratiques commerciales de plus en plus « agressives » de nombreuses sociétés de télémarketing qui n’hésitent pas à appeler les personnes plusieurs fois dans le même mois, et à des horaires inopportuns – en soirée ou le week-end –, et à un accroissement inquiétant des démarchages téléphoniques, il paraît nécessaire de renforcer les droits du citoyen, qui devrait pouvoir ne plus être importuné chez lui, contre son gré, et ne plus être assailli d’offres et d’informations commerciales diverses qu’il n’a pas sollicitées, et ce d’autant plus que les personnes âgées et vulnérables deviennent la cible privilégiée de ces démarchages proches du délit d’abus de faiblesse ; je pense, en particulier, aux nombreuses victimes de sociétés effectuant des travaux en vue de réaliser des économies d’énergie.
Il n’est pas juste qu’il incombe au citoyen de s’opposer expressément à ce que de telles données soient transmises à des sociétés et utilisées à des fins de télémarketing. Il serait bien plus logique et plus équitable que la législation prévoie, à l’inverse, que le citoyen consommateur doive donner expressément son accord pour que ses données personnelles puissent être utilisées à des fins commerciales, tels la prospection et le démarchage, et que, à défaut, ses données soient réputées strictement confidentielles et ne puissent en aucun cas servir à des fins commerciales.
À tout le moins, une information écrite rappelant les droits du consommateur à refuser le démarchage téléphonique devrait impérativement figurer sur chaque facture téléphonique.
Il paraît en effet indispensable, d’une part, de mieux protéger les consommateurs contre les pratiques agressives et abusives et, d’autre part, de faire en sorte que le droit à la tranquillité et à ne pas être importuné chez soi soit indéniablement reconnu et respecté.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre afin que les droits des consommateurs, en général, et leur droit à la tranquillité en particulier, soient respectés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, de nouveau, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Frédéric Lefebvre, qui m’a chargé de vous transmettre sa réponse.
Vous soulignez la nécessité de renforcer les droits du consommateur en matière de démarchage téléphonique face au développement de pratiques commerciales de plus en plus agressives, notamment à l’égard de personnes vulnérables.
Le Gouvernement est très sensible à cette question. Des réponses existent déjà en la matière, mais les travaux se poursuivent.
Tout d’abord, aux termes de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, chaque citoyen dispose du droit de s’opposer à l’utilisation de ses données personnelles à des fins de prospection commerciale. La mise en œuvre de ce droit se traduit concrètement par l’obligation faite à tous les opérateurs de téléphonie de proposer à leurs abonnés de s’inscrire sur une liste d’opposition. Cette inscription signifie que les coordonnées téléphoniques des abonnés concernés ne doivent pas être communiquées à des entreprises commerciales en vue de réaliser de la prospection directe. Cependant, tous les fichiers utilisés dans des opérations de prospections ne sont pas issus de l’annuaire téléphonique, mais sont souvent constitués par les entreprises elles-mêmes.
C’est pourquoi, l’an dernier, le ministre en charge de la consommation a souhaité étendre le droit d’opposition aux fichiers constitués par les entreprises commerciales aux fins de prospection téléphonique. Un groupe de travail a été créé et les fédérations professionnelles représentatives du secteur ont accepté de mettre en place une liste d’opposition sur laquelle les consommateurs pourront s’inscrire facilement. La mise en place de cette liste d’opposition est prévue au premier semestre 2011 ; elle constituera une protection supplémentaire pour lutter contre les démarchages téléphoniques intrusifs.
S’agissant des pratiques commerciales agressives, je rappelle que la transposition de la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, réalisée dans le cadre de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel », et de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, a considérablement renforcé la protection du consommateur contre les agissements abusifs de certaines entreprises commerciales.
Désormais, le code de la consommation interdit et sanctionne tant les pratiques commerciales trompeuses que les pratiques commerciales agressives. Ces nouvelles dispositions, assorties de peines délictuelles, viennent compléter les règles existant en matière d’abus de faiblesse et visent tous les procédés de vente, au titre desquels figurent les sollicitations par téléphone. J’ajoute que les agents de la direction générale de la concurrence, de consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, sont compétents pour la recherche et la poursuite de ces nouvelles infractions.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, le problème tient surtout au fait que l’exercice du droit d’opposition est extrêmement marginal dans la pratique. Vous pouvez demander à nombre de nos concitoyens, y compris à certains de nos collègues élus, s’ils savent comment fonctionne le droit d’opposition en matière téléphonique : je pense que vous obtiendrez une réponse très largement négative. En effet, personne ne sait réellement comment utiliser ce droit d’opposition.
De plus, bien que le Gouvernement déclare poursuivre ses efforts dans le cadre de l’application du nouveau droit de la consommation, nous constatons, sur le terrain, que les services de la DGCCRF ont d’autres chats à fouetter et ne disposent pas de moyens suffisants pour poursuivre ces agissements. Aussi nos concitoyens sont-ils de plus en plus nombreux à subir un véritable harcèlement du fait de ces démarchages téléphoniques : il convient d’y mettre fin. La seule solution consiste à renverser le système, en interdisant les démarchages sauf si l’abonné a donné son accord préalable.
dysfonctionnement des services postaux d’anglet
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, auteur de la question n° 1189, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés des services de La Poste d’Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Cette commune connaît en effet, de manière récurrente depuis deux ans, des problèmes importants de distribution du courrier. Force est de constater que les 40 000 habitants de la ville sont pénalisés par ces dysfonctionnements. Afin de mesurer l’ampleur de ce constat, il faut savoir que les Angloys se plaignent quotidiennement, par courrier, au téléphone ou de vive voix, des conséquences financières, juridiques et personnelles de ces retards de réception de courriers pouvant atteindre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ces derniers s’interrogent : doivent-ils payer les pénalités de retard exigées par les impôts ou l’URSSAF ? Comment gérer les problèmes notariaux ou bancaires qui font suite à ces retards ? Quand recevront-ils leur nouvelle carte de mutuelle indispensable au règlement de leurs soins médicaux ?
Les institutions publiques et républicaines subissent également les conséquences de ces dysfonctionnements. Ainsi, en mars 2010, Anglet a connu des défauts de distribution des documents de propagande relatifs aux élections régionales. Ce manquement à l’article R. 34 du code électoral, qui prévoit que les circulaires et bulletins de vote doivent être adressés « au plus tard le mercredi précédant le premier tour de scrutin », aurait pu justifier l’invalidation du scrutin. À l’approche de nouvelles élections et dans l’état actuel de la distribution, comment ne pas être inquiet ?
Le 16 octobre 2009, le Premier ministre affirmait, à juste titre, dans son courrier adressé aux maires : « Les Français, comme les élus, sont soucieux que les missions de service public de La Poste continuent à être pleinement assurées à l’avenir. » Tel n’est pas le cas à Anglet : sous prétexte de rentabilité économique, la réforme de La Poste a engendré des restructurations et des réductions de moyens humains qui pénalisent au quotidien les citoyens et la vie économique locale dans une ville au développement démographique constant – la population a augmenté de plus de 11 % en dix ans, sur un territoire de 2 693 hectares. Nous ne pouvons que constater et déplorer, tout comme l’ensemble de nos concitoyens, la réalité de l’affaiblissement et du démantèlement du service public postal. Après maints échanges restés sans effet entre la mairie d’Anglet et les directions locale, régionale et nationale de La Poste, des dizaines de milliers de courriers restent en attente de distribution ; les entreprises, les citoyens et la collectivité sont exaspérés de cet état de fait.
Aussi souhaiterais-je savoir, monsieur le ministre, qui va prendre en compte le préjudice subi par les usagers de La Poste, notamment les pénalités de retard sur les cotisations sociales ou fiscales ? Quels moyens seront mis en œuvre pour faire cesser ces dysfonctionnements récurrents ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Madame la sénatrice, la loi du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales et, plus récemment, la signature du contrat de présence postale territoriale ont conforté les missions de service public de cette grande entreprise publique qu’est La Poste.
L’enveloppe de soutien à la présence postale territoriale est ainsi passée de 135 millions d’euros à 170 millions d’euros pour développer les 17 000 points postaux répartis sur le territoire. Par ailleurs, grâce à l’augmentation de capital de 2,7 milliards d’euros qui vient d’être approuvée, La Poste va continuer de moderniser son réseau et pérenniser son activité. On ne saurait donc parler de « démantèlement du service public postal » !
La Poste est tenue de fournir, sur l’ensemble du territoire, une qualité de service répondant aux objectifs fixés dans le contrat de service public et régulièrement évalués. Ces objectifs portent, notamment, sur la rapidité et la fiabilité des prestations : on peut citer, par exemple, l’acheminement des lettres prioritaires le lendemain dans 85 % des cas. Dans le cadre de son autonomie de gestion, La Poste doit donc s’organiser pour respecter ces objectifs de qualité et répondre aux attentes de ses clients. Elle doit cependant s’adapter également à une très forte baisse du volume du courrier.
La nouvelle organisation mise en place le 4 novembre 2010 à Anglet, qui a été approuvée par 72 % des facteurs, avait pour objectif d’améliorer la régularité de la distribution du courrier, en privilégiant notamment le travail en équipe.
Le conflit social intervenu à la fin du mois de novembre 2010 a entraîné, temporairement, des perturbations dans la distribution du courrier. Toutefois, depuis la signature d’un protocole portant sur la mise en place de renforts et la constitution d’un dispositif d’observation avec les organisations syndicales, 99 % des tournées de distribution sont désormais effectuées normalement. Seuls deux secteurs ont continué à connaître des perturbations en décembre 2010 et en janvier 2011, en raison d’absences imprévisibles ; des moyens supplémentaires leur ont été affectés prioritairement, afin de ne pas pénaliser les populations concernées.
Depuis, je peux vous confirmer que la direction de La Poste a rencontré le maire d’Anglet afin de l’informer des efforts entrepris pour améliorer la distribution du courrier, distribution redevenue normale et régulière. Une attention particulière sera apportée à la prochaine distribution des plis électoraux ainsi qu’à l’information de la municipalité, grâce à la désignation d’un interlocuteur privilégié sur la plate-forme de distribution.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le ministre, je vois que vous vous êtes renseigné sur les difficultés que rencontre Anglet avec ses services postaux, mais ces difficultés ne sont pas récentes, elles remontent à deux ans environ. La poste d’Anglet a effectivement fait l’objet d’une alerte de la part de la médecine du travail, car plusieurs tentatives de suicides sont survenues au sein de son personnel. La restructuration actuelle de La Poste n’a fait qu’aggraver les difficultés déjà existantes.
Par ailleurs, d’autres communes de notre département rencontrent les mêmes problèmes et sont pénalisées par la suppression de 20 % des effectifs globaux de La Poste au niveau du département des Pyrénées-Atlantiques, alors que la population de ce département augmente. Ces réductions d’effectifs ne sont pas compensées par une baisse du trafic postal. La situation se dégrade donc, la surcharge de travail et la recherche de gains de productivité entraînent un épuisement physique et psychologique des personnels, qui ne peuvent plus remplir correctement leur mission de service public. Les clients, entreprises, particuliers, collectivités locales, en subissent quotidiennement les conséquences.
En ma qualité d’adjoint au maire d’Anglet, je reçois régulièrement des récriminations d’entreprises et de particuliers, notamment de personnes âgées, qui ne reçoivent pas leur courrier dans des délais normaux. Ces problèmes persistent aujourd’hui, bien que la municipalité ait effectivement rencontré le directeur local de La Poste. Cependant, je puis vous assurer que tous les courriers que nous avions adressés au niveau régional et national sont restés sans réponse.
Le 16 octobre 2009, M. Fillon disait que le service postal devait continuer de remplir ses missions indispensables en matière d’aménagement du territoire et de lien social. Pourquoi ces déclarations ne sont-elles pas suivies d’effet, monsieur le ministre ? Pourquoi déstructurer une institution dont le maillage territorial constitue un point de repère essentiel dans nos communes, pour l’ensemble de nos concitoyens ?
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Lutte contre la prolifération des armes de destruction massive
Adoption d'un projet de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs (projet n° 133, texte de la commission n° 212, rapport n° 211).
Monsieur le ministre, avant de vous donner la parole, je tiens à vous saluer dans vos nouvelles fonctions et à vous souhaiter la bienvenue au Sénat en tant que membre du Gouvernement.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, cher Josselin de Rohan, monsieur le rapporteur, cher André Dulait, mesdames, messieurs les sénateurs,... j’allais dire « chers collègues », mais je suis privé de ce bonheur pour quelques mois puisque c’est en qualité de ministre de la défense que je vous présente aujourd’hui ce projet de loi relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs.
Ce projet de loi fait l’objet d’un accueil unanimement favorable, tant il apparaît à chacun nécessaire de mettre à jour notre législation en vue de combattre efficacement la prolifération des armes de destruction massive, une prolifération qui ne relève pas seulement, hélas, de la fiction ou de l’imagination, ainsi qu’en témoignent les observations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale paru en 2008 ou encore, dans l’actualité récente, la révélation de l’existence du réseau dirigé par Abdul Qadir Khan, physicien nucléaire pakistanais, et les informations diffusées par la presse internationale sur les pratiques de certains pays, telle la Corée du Nord.
La prolifération s’est amplifiée avec la disparition de l’empire soviétique, qui a entraîné l’effondrement de son complexe militaro-industriel et l’émergence, dans ses décombres, de formes nouvelles de transactions illicites particulièrement préoccupantes.
La préoccupation est d’autant plus justifiée que ces transactions illicites concernent également des biens à double usage, c’est-à-dire pouvant avoir à la fois une application civile, reconnue et acceptée, et une application militaire.
Le projet de loi traite non seulement de la prolifération organisée par des États pour lesquels cette activité est notoire, mais aussi de celle qui est le fait de réseaux privés ou clandestins. La prolifération s’appuie en effet désormais sur une économie en partie souterraine, favorisée par la libéralisation du commerce international, qui permet malheureusement à certains d’utiliser, contre l’intérêt général, une maîtrise scientifique largement diffusée dans le monde et parfois adossée à certains États.
Dans ce contexte, les services de renseignement soulignent le risque de voir des acteurs non étatiques chercher à acquérir des armes de destruction massive et, face à cette situation, la communauté internationale a réagi.
Les résolutions 1540 et 1810, adoptées en 2004 et en 2008 par le Conseil de sécurité des Nations unies, font obligation aux États d’améliorer leurs outils juridiques afin de prendre en compte toutes les dimensions de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, qu’il s’agisse d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques, de leurs vecteurs ou des matériels connexes sans lesquels ces armes ne pourraient évidemment pas être utilisées.
Par ailleurs, la résolution 1887 de 2009 reconnaît la nécessité pour tous les États d’adopter des mesures efficaces pour empêcher des terroristes d’accéder à des matières nucléaires ou à une assistance technique relative à l’usage de ces matières nucléaires.
En ce qui concerne la France, un diagnostic interministériel demandé par le Premier ministre en novembre 2006 a mis en évidence la complexité, les carences et le manque de lisibilité de notre arsenal juridique de lutte contre la prolifération, éclaté entre le code de la défense, le code des douanes, le code pénal et le code de procédure pénale.
Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter a donc pour objet de renforcer la cohérence, l’efficacité et surtout le caractère dissuasif de la législation française.
Le premier objectif du texte est l’harmonisation des dispositions relatives aux infractions et aux peines encourues au titre d’actes de prolifération dans les trois domaines : nucléaire, biologique et chimique. En l’état actuel des textes, pour des raisons évidentes, c’est la prolifération chimique qui est le plus sévèrement sanctionnée.
Le deuxième objectif est l’introduction de dispositions relatives à la prolifération des vecteurs d’armes de destruction massive, avec une peine de quinze ans de réclusion criminelle prévue pour les infractions relatives à leur fabrication, leur commerce, leur acquisition, leur détention et leur transport.
Le troisième objectif est le renforcement des peines encourues en matière de contrebande, d’importation et d’exportation de biens et technologies à double usage. Cette nouvelle infraction douanière permettrait l’ouverture d’enquêtes judiciaires favorisant le démantèlement de filières de fraude.
Le quatrième objectif est le comblement d’une lacune importante du dispositif juridique actuel en matière de financement, ce dispositif privilégiant la répression du terrorisme et du blanchiment au détriment de celle de la prolifération.
Le cinquième objectif, enfin, est le renforcement des moyens procéduraux de lutte contre la prolifération, sur le modèle, qui a fait ses preuves, des règles applicables à l’encontre du terrorisme et de la criminalité organisée ; je pense en particulier à la centralisation des enquêtes et des jugements au tribunal de grande instance de Paris et à l’utilisation de techniques spéciales d’enquête.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je vous remercie chaleureusement, et, avec vous, l’ensemble des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, d’avoir adopté à l’unanimité ce texte. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays est déjà partie aux instruments juridiques internationaux comme le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, la convention sur l’interdiction des armes chimiques ou le règlement 428/2009 du Conseil de l’Union européenne instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens à double usage. Il s’est engagé de manière déterminée pour renforcer l’efficacité de la stratégie de l’Union européenne en matière de lutte contre la prolifération.
L’adoption du présent projet de loi permettra à la France de franchir une étape supplémentaire, faisant ainsi preuve d’une exemplarité accrue. Elle montrera qu’elle accorde la priorité à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, conformément aux engagements pris par le G8, dont elle assure pour la sixième fois la présidence.
La nouvelle loi montrera que nous sommes résolus à entraîner les grandes nations dans un effort opiniâtre, systématique de lutte contre la prolifération et contre ceux qui la rendent possible.
Il s’agit d’un texte réaliste, tenant compte de l’évolution des formes d’une menace à laquelle il est impératif de parer. C’est pourquoi je vous remercie d’avance, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter ce projet de loi avec le même esprit de rassemblement qui a conduit votre commission à l’approuver unanimement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour féliciter M. le ministre de sa nomination.
Nous tenons à vous dire, monsieur le ministre, tout le plaisir que nous avons à vous retrouver et nous savons combien votre rôle sera important dans les semaines et les mois qui viennent.
Dans sa résolution 1540 du 28 avril 2004, le Conseil de sécurité des Nations unies a clairement désigné la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs comme une menace pour la paix et la sécurité internationales.
Cette menace est directement liée au pouvoir destructeur de ces armes, qui justifie le principe d’interdiction ou, dans le cas des armes nucléaires, de stricte limitation, posé par les traités internationaux.
La menace est également indirecte, car la prolifération est un facteur de course aux armements et de déstabilisation dans plusieurs régions du monde, notamment en Asie et au Moyen-Orient. La possession de missiles balistiques ou de croisière par un nombre croissant d’États ne fait qu’exacerber la prolifération nucléaire, chimique ou biologique.
Aujourd’hui, trente-trois États n’ont toujours pas ratifié la convention sur l’interdiction des armes biologiques de 1972 ; sept États ne sont pas parties à la convention sur l’interdiction des armes chimiques de 1993 ; enfin, trois États n’ont pas adhéré au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, alors que la Corée du Nord s’en est retirée en 2003.
Par ailleurs, l’adhésion à ces instruments fondamentaux n’en garantit pas toujours le plein respect. En effet, la convention sur l’interdiction des armes biologiques ne comporte pas de mécanisme d’inspection et de vérification. Le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique – AIEA – sur les activités nucléaires se heurte à des limites politiques, juridiques et techniques, ainsi que nous l’observons avec l’Iran.
Enfin, le rôle croissant des acteurs non étatiques dans la prolifération est un phénomène marquant de ces quinze dernières années. Chacun a en mémoire les activités du réseau dirigé par le scientifique nucléaire pakistanais Abdul Qadir Khan. La diffusion des savoir-faire scientifiques et des technologies comme la mondialisation des échanges favorisent l’apparition de nouveaux acteurs de la prolifération, qui s’affranchissent largement des logiques et des pratiques habituelles des États.
Face à ce type d’agissements, le renforcement des contrôles étatiques sur la fabrication et les transferts d’équipements sensibles est indispensable.
C’est l’objet de la résolution 1540, qui est en grande partie à l’origine du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Cette résolution prescrit aux États la mise en œuvre d’un véritable plan de lutte contre les acteurs non étatiques de la prolifération. À cet effet, elle demande aux États : de se doter d’une législation interdisant et réprimant les activités d’acteurs non étatiques liées aux armes de destruction massive ou à leurs vecteurs ; de mettre en place des dispositifs intérieurs de contrôle visant à comptabiliser les produits sensibles, à assurer leur protection physique et à surveiller les exportations ; d’empêcher le trafic de ces armes et de leurs vecteurs.
La résolution a créé un comité auprès du Conseil de sécurité, appelé « comité 1540 », qui est chargé d’en suivre la mise en œuvre. Ce comité analyse les rapports sur les mesures d’application nationales que les États membres sont tenus de remettre régulièrement.
La France a soutenu l’adoption de cette résolution et se doit de la mettre en œuvre de manière aussi complète que possible.
Ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le ministre, notre arsenal juridique en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive résulte de strates successives, liées notamment à notre adhésion à plusieurs instruments internationaux : les conventions d’interdiction des armes biologiques et des mines chimiques, que j’ai déjà évoquées, mais aussi la convention de l’AIEA sur la protection physique des matières nucléaires.
C’est pour rendre cette législation plus complète et plus cohérente que le présent projet de loi a été élaboré.
Parmi les améliorations qu’il tend à apporter, nous pouvons retenir les points suivants.
Premièrement, ce projet de loi permet une harmonisation du régime des sanctions pénales applicables aux armes chimiques, aux armes biologiques et aux matières nucléaires.
Il comble certaines lacunes, notamment l’absence d’incrimination du financement des activités liées à la prolifération, comme cela existe par exemple pour le terrorisme.
Il instaure un régime pénal spécifique, plus sévère, pour les activités menées en bande organisée ou dans le but avéré de réaliser une arme. Cela permettra de cibler plus efficacement les réseaux de la prolifération, en les distinguant des agissements isolés.
Deuxièmement, le projet de loi introduit dans le droit français la notion de vecteurs d’armes de destruction massive, conformément à la résolution 1540. Jusqu’à présent, ces engins n’étaient pas distingués des autres matériels de guerre, alors que les infractions les concernant justifient un dispositif particulier.
Troisièmement, le projet de loi renforce les sanctions en cas d’infraction sur l’exportation des biens et technologies à double usage. On sait qu’il s’agit là d’un canal privilégié pour les réseaux de prolifération, car la vigilance des États peut plus facilement être prise en défaut.
Quatrièmement, enfin, le projet de loi instaure des règles spécifiques de procédure pénale, notamment la centralisation des poursuites et des jugements au tribunal de grande instance de Paris, afin de lutter plus efficacement contre la prolifération.
Aux yeux de la commission, ce projet de loi nous dotera d’un dispositif très complet permettant de réprimer sévèrement tous les actes en lien avec la prolifération.
Fort heureusement, nous n’avons été, jusqu’à présent, que très rarement – une seule fois, me semble-t-il – confrontés à ce type d’affaires. Il n’en demeure pas moins nécessaire de mettre en place tous les moyens juridiques permettant d’y faire face.
Grâce à ce projet de loi, la France sera en conformité avec les obligations qui découlent de la résolution 1540, étant rappelé que chaque État fait l’objet d’un examen régulier par le comité spécial institué auprès du Conseil de sécurité. Il nous semble également que, avec la mise en place d’une législation complète et efficace, notre pays peut contribuer à promouvoir auprès des autres États les meilleurs standards et les meilleures pratiques.
Nous savons que, sur ces questions de prolifération, la France travaille étroitement avec ses partenaires européens et que l’Union européenne est engagée en tant que telle dans une stratégie de lutte contre la prolifération. Elle a notamment adopté une réglementation sur les biens à double usage, civil et militaire, destinée à harmoniser les pratiques des États membres.
L’Europe concentre une grande partie des technologies et équipements sensibles au regard de la prolifération ; il est donc indispensable d’adopter une approche coordonnée en la matière.
Je souhaiterais maintenant aborder une problématique qui sort du champ du projet de loi : il s’agit du risque d’utilisation d’éléments radioactifs, par exemple d’origine médicale, pour la fabrication de bombes radiologiques, ce que l’on appelle les « bombes sales ». Il ne s’agit pas d’armes de destruction massive au sens du présent projet de loi, mais ce sont des armes vers lesquelles un terrorisme de masse peut se tourner, et il nous faut, hélas, prendre en compte une telle hypothèse.
L’AIEA a adopté en 2003 un code de conduite sur la sûreté et la sécurité des sources radioactives. Celui-ci incite fortement les États à protéger les sources radioactives les plus dangereuses contre les actes de malveillance.
La mise en place d’un dispositif de contrôle de la sécurité des sources radioactives est nécessaire. Je sais que des travaux interministériels ont été engagés en ce sens voilà un peu plus de deux ans. Il nous paraît important que les mesures législatives correspondantes puissent être adoptées aussi rapidement que possible. Peut-être serez-vous en mesure de nous donner, monsieur le ministre, quelques indications sur ce point ?
La commission a considéré que ce projet de loi constituait une avancée indiscutable et l’a adopté à l’unanimité dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. En son nom, je vous demande donc pour conclure, mes chers collègues, de l’approuver à votre tour. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous présenter mes cordiales félicitations pour votre promotion attendue à un poste prestigieux. Je suis certain que, dans l’exercice de ces responsabilités, vous saurez défendre au mieux les intérêts de la France et de nos forces armées.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’adoption du présent projet de loi mettra enfin la France en conformité avec les obligations qui découlent de la résolution 1540, adoptée le 28 août 2004, par le Conseil de sécurité des Nations unies, le CSNU.
On peut se demander pourquoi il aura fallu près de sept ans à la France pour réaliser cette mise en conformité, alors que, dès la chute du régime taliban, en 2001, les services de renseignement américains faisaient savoir l’intérêt d’Al-Quaïda pour recueillir les éléments nécessaires à la confection d’une arme nucléaire.
On ne compte plus les nombreuses initiatives internationales, la principale étant le partenariat mondial du G8 de juin 2002, au sommet de Kananaskis.
J’évoquerai l’arraisonnement, en 2003, dans les eaux italiennes, du cargo allemand BBC China, qui transportait des centrifugeuses, à la suite de quoi la Libye a révélé les activités du réseau semi-privé du docteur Abdul Qadir Khan pour approvisionner ses commanditaires, à travers de multiples ramifications, en matière de nucléaire – équipements et modes d’emploi –, permettant la réalisation in fine d’une arme nucléaire.
Je mentionnerai encore l’initiative de sécurité contre la prolifération, dite PSI, de mai 2003, la stratégie européenne de non-prolifération de 2003, la Global Threat Reduction Initiative, ou GTRI, lancée en 2004 par les États-Unis en liaison avec l’AIEA, dont le Fonds de sécurité nucléaire est alimenté par les contributions volontaires des États, ainsi que la Global Initiative to Combat Nuclear Terrorism, ou GICNT, prise en 2006 par les présidents Bush et Poutine.
Je rappellerai également que, le 5 avril 2009, dans son discours de Prague, le président Obama qualifiait la menace de terrorisme nucléaire comme étant « la plus immédiate et la plus extrême pour la sécurité du monde ».
En avril 2010, un sommet mondial sur la sécurité nucléaire s’est tenu à Washington. Il a permis de ratifier la convention sur la protection physique des matières nucléaires et son amendement de 2005, de mettre l’accent sur le recensement des matières sensibles et d’encourager la minimisation des usages civils de l’uranium hautement enrichi.
On peut donc s’étonner, monsieur le ministre, du retard avec lequel ce projet de loi vient devant le Parlement.
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. Ce n’est qu’en novembre 2006 que le Premier ministre a confié au secrétaire général de la défense nationale – SGDN – le soin d’effectuer un diagnostic interministériel sur l’ensemble de notre arsenal juridique en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs.
Mieux vaut tard que jamais !
Notre législation actuelle résulte de l’empilement, de 1972 à 2010, de strates successives. Il est donc bon d’harmoniser les dispositions régissant les trois domaines, nucléaire, biologique et chimique, en aggravant notamment les peines frappant les activités menées en bande organisée, afin de dissuader les réseaux. Il est bon de réprimer le financement des actes contribuant à la prolifération. Il est également nécessaire de renforcer et d’élargir le dispositif répressif lié à la prolifération.
On ne peut que se réjouir de la centralisation des poursuites et des jugements au tribunal de grande instance de Paris, suivant le modèle éprouvé de la législation antiterroriste.
Le 25 novembre 2010, l’Assemblée nationale a adopté ce projet de loi à l’unanimité. Notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées propose d’en faire autant, sur le rapport de notre collègue M. Dulait.
Je me bornerai, monsieur le ministre, à faire quelques observations.
Premièrement, ce projet de loi sera utile, notamment en ce qu’il définira un modèle pour d’autres pays, dans un domaine dont on ne saurait sous-estimer l’importance stratégique.
Deuxièmement, on ne doit pas se dissimuler que la plupart des trafics se déroulent hors du territoire national. L’adoption de la loi doit donc être relayée par une intense activité de coopération internationale en matière de renseignements et en tous domaines : policier, douanier, fiscal, maritime, aérien.
MM. Yvon Collin et Roland Courteau. Oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. Troisièmement, on peut s’étonner de deux omissions.
La première, relevée par M. le rapporteur, concerne la confection de bombes radiologiques dites encore « bombes sales », dont le risque paraît plus élevé que celui de la fabrication ou du vol d’une arme nucléaire proprement dite, dont la mise en œuvre par un vecteur approprié ne va pas de soi.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Chevènement. Notre rapporteur nous a dit que le Gouvernement préparait un projet de loi sur la protection des sources radioactives. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez le délai nécessaire au dépôt de ce projet de loi sur le bureau des assemblées.
Seconde omission : aucune disposition n’est prévue pour faire face aux attaques éventuelles dans le cyberespace. Ne serait-il pas temps de demander au SGDN de faire, là aussi, des propositions ?
Quatrièmement, l’intérêt apporté à la lutte contre la prolifération émanant d’acteurs non étatiques ne doit pas nous détourner de la lutte contre la prolifération d’origine étatique, tant il est vrai que les trafics illicites se nourrissent des comportements proliférants d’États n’ayant pas souscrit au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dit TNP, ou à d’autres instruments juridiques internationaux, ou ne se conformant pas à leurs obligations.
Ainsi, trente-trois États n’ont toujours pas ratifié la convention d’interdiction des armes biologiques et sept ne sont pas parties à la convention d’interdiction des armes chimiques. Dans les deux cas, on trouve la Syrie, l’Égypte et Israël.
La convention d’interdiction des armes biologiques souffre de l’absence d’un mécanisme d’inspection et de vérification. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour y remédier, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, la prolifération balistique ne peut être enrayée à travers le régime de contrôle de technologie des missiles, ou Missile Technology Control Regime, MTCR, créé en 1987, ni par le code de conduite de La Haye de novembre 2002, qui n’est pas contraignant. Que comptez-vous faire, à cet égard ?
Notons enfin que le projet de traité dit cut off, interdisant la production de matières fissiles à usage militaire, est en panne, du fait du veto pakistanais à la conférence du désarmement et du refus par la Chine de tout moratoire sur la production de ces matières. Quelles initiatives le Gouvernement français compte-t-il prendre dans ce domaine, qui fonde la crédibilité de la lutte contre la prolifération ?
Notons, en dernier lieu, que l’administration américaine ne semble pas en mesure de faire ratifier le traité d’interdiction des essais nucléaires par le Sénat américain, faute de la majorité des deux tiers nécessaire. Du discours de Prague à la réalité, il y a un écart auquel je rends sensible la représentation nationale.
La lutte contre la prolifération est un tout. On aimerait que le Gouvernement nous donne une vue d’ensemble de la manière dont il voit l’application des résolutions de la conférence d’examen du TNP de mai 2010.
Dans ces matières complexes, la vigilance ne doit jamais se relâcher. Il vaudrait mieux, monsieur le ministre, que le Gouvernement soit critiqué pour son activisme que pour sa mollesse !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement. Sous ces réserves, le groupe du RDSE votera le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, mes chers collègues, après avoir suivi, heure par heure, ce week-end de chaises musicales (Sourires.), je salue l’arrivée de l’un de nos collègues à cette responsabilité au plus haut niveau de l’État, responsabilité régalienne de surcroît. Je vous félicite de cette nomination, monsieur le ministre.
Conformément à la résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations unies du 28 avril 2004, ce projet de loi tend à mettre en place des dispositifs permettant, dans le cadre de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes, d’agir contre les trafics illicites et les acteurs non étatiques.
Ce texte prévoit de créer une procédure spécifique pour les infractions contribuant à la prolifération des armes de destruction massive : la centralisation de l’enquête, de la poursuite, de l’instruction et du jugement des crimes et délits au TGI de Paris, ainsi qu’un allongement substantiel des délais de prescription, les alignant sur ceux qui ont cours en matière de terrorisme.
Il crée une incrimination du financement des actes contribuant à la prolifération, ainsi qu’une aggravation des peines encourues.
Enfin, il renforce le contrôle des biens à double usage, civil et militaire.
Bien sûr, on ne saurait prendre le risque de laisser tomber entre les mains de terroristes ces armes capables de mettre en danger la sécurité du monde, mais il ne faut pas se leurrer sur la portée réelle d’un tel texte.
Jusque-là, un seul fait a été jugé, en France, concernant l’exportation, la fabrication ou l’utilisation illégale d’armes de destruction massive ; c’était en 2003, lorsque le tribunal correctionnel de Paris a prononcé des peines allant de dix mois à trois ans de prison à l’encontre de trois personnes arrêtées sur le territoire français en possession d’uranium hautement enrichi.
Ainsi, de l’aveu de tous, la prolifération d’armes de destruction massive sur notre territoire est peu probable. Le problème vient d’ailleurs, puisque les terroristes ne s’arrêtent pas aux frontières et que des attaques peuvent venir de l’autre bout du monde, à partir d’États qui ne sont pas en mesure de lutter contre ce type de prolifération d’armes de destruction massive, malgré les mesures d’aide que prévoit la résolution 1540 des Nations unies.
Néanmoins, nul ne peut admettre que la prolifération de ces matières extrêmement dangereuses au profit de terroristes passe par la France. On ne saurait transiger sur un tel enjeu. Nous ne cesserons de le répéter : ces armes peuvent, en une seule fois, tuer des centaines de milliers de personnes.
Cependant, ce projet de loi ne peut éclipser le problème central et c’est sur celui-ci que je veux insister.
La principale source d’insécurité pour notre planète vient des États qui rentrent à reculons sur le chemin du désarmement nucléaire, pour ceux qui sont dotés de l’arme nucléaire, et sur le chemin de la non-prolifération, pour tous les autres.
Le développement de nouvelles forces nucléaires élève le niveau de la menace intentionnelle et augmente la probabilité de risques accidentels comme celui du détournement des armes.
Ce texte s’attaque à la prolifération illégale mais, quand bien même cette prolifération est légale, elle constitue un risque pour la sécurité internationale, dont nous partageons la responsabilité avec l’ensemble du monde.
Notre pays fait malheureusement fausse route en se considérant comme un bon élève et en estimant que l’arrêt des essais nucléaires et la limitation de son arsenal à 300 ogives nucléaires le dispensent de tout nouvel effort.
On ne compte plus les occasions manquées par le Gouvernement de s’engager sur la voie du désarmement nucléaire. Depuis quelques années, malheureusement, il est loin de briller par son volontarisme en la matière, avec, en toile de fond, la conviction que cela impliquerait un déclassement de la puissance de la France dans le concert des nations.
Ainsi, en mai dernier, à la tribune des Nations unies, lors de la conférence de révision du TNP, la France a réitéré son discours habituel sur la non-prolifération nucléaire, bien que cette obstination des puissances nucléaires ait provoqué l’échec complet de la précédente conférence d’examen en 2005.
La France est restée figée sur ses positions, contribuant à transformer en marché de dupes le fondement du TNP qui impose aux pays n’ayant pas encore testé d’engins nucléaires de ne pas en mettre au point lorsque, en échange, les pays détenteurs s’engagent au désarmement nucléaire.
Le Gouvernement interprète même de façon spécieuse le TNP puisqu’il a installé, en Gironde, le laser mégajoule, ou LMJ. Cet outil, destiné à simuler les explosions nucléaires militaires et opérationnelles en 2014, a un coût pour le contribuable de l’ordre de 2,3 milliards d’euros sur dix ans, alors même que le Gouvernement impose toujours des économies draconiennes sur la plupart des budgets sociaux.
Nous déplorons le développement de ce programme tout comme l’accord pour la construction du Centre de simulation des armes nucléaires, conclu le 2 novembre dernier entre Nicolas Sarkozy et David Cameron, lors de la signature de deux traités de coopération militaire.
Par ailleurs, je profite aujourd’hui du vote de ce projet de loi pour réitérer une proposition que j’avais déjà formulée le 23 mars dernier, lors du débat sur le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la France : l’arrêt du programme de missile stratégique M 51, qui contient des têtes nucléaires ; c’est là un héritage de la guerre froide plus qu’un instrument de défense adapté aux menaces qui pèsent aujourd’hui sur notre sécurité.
En outre, le Gouvernement et le Président de la République pratiquent l’attentisme face à la dynamique de désarmement nucléaire qui est en cours sur la planète puisqu’ils refusent toujours de soutenir la convention d’élimination des armes nucléaires signée par 75 % des États du monde. Notre groupe avait d’ailleurs déposé une proposition de résolution sur ce point.
Lors du dernier sommet de l’OTAN des 19 et 20 novembre 2010, qui a notamment entériné une défense anti-missiles coûteuse et marquant l’abandon de l’ambition d’une défense européenne, le Président de la République a encore montré des réticences dans la perspective d’un monde débarrassé des armes nucléaires. Il a fait peser tout le poids de la France contre le camp des antinucléaires, mené par l’Allemagne, afin que la vocation nucléaire de l’OTAN soit de nouveau inscrite dans la stratégie de Lisbonne, laquelle admet désormais que « tant qu’il y aura des armes nucléaires, l’OTAN demeurera une puissance nucléaire ».
Insister pour asseoir le lien transatlantique sur la question nucléaire est contraire à notre conception originelle de l’arme nucléaire comme garante de l’indépendance française.
La puissance de notre pays est à présent considérée par le Président de la République et son gouvernement comme la capacité d’être le plus près possible du rayonnement américain. Tout cela ternit l’image de la France, qui est ainsi privée d’une réelle crédibilité internationale.
Ces aspects dépassent, bien entendu, le cadre de la présente discussion, mais comment ne pas les aborder si l’on ne veut pas contourner les problèmes cruciaux que soulève ce projet de loi. ?
Cela dit, par souci d’application de la loi internationale et parce qu’on ne saurait transiger sur la question d’un terrorisme qui utiliserait des armes de destruction massive, vous l’aurez compris, nous voterons ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Rachel Mazuir.
M. Rachel Mazuir. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord, joignant ma voix à celle des précédents intervenants, à vous féliciter pour votre nomination. (M. le ministre adresse un signe de remerciement à l’orateur.)
Nous nous réjouissons de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour du Sénat, tout en espérant qu’il restera d’application hypothétique, c’est-à-dire que nous n’aurons jamais à connaître de faits criminels gravissimes, commandités ou encouragés par des groupuscules, impliquant l’usage d’armes de destruction massive.
Je me félicite que ce texte ait été adopté à l’unanimité par les députés, puis par la commission des affaires étrangères du Sénat, qui n’y a apporté aucune modification.
L’issue de son examen dans notre assemblée devrait être tout aussi favorable et je souhaite vivement que cette initiative soit suivie par tous les autres pays signataires de la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui est à l’origine de cette réglementation.
Certes, je ne saurais mettre en cause le bien-fondé de cette démarche internationale, mais je doute de son efficacité. Vous me permettrez donc de vous exprimer mes doutes et de vous soumettre mes observations.
Je commencerai par rappeler que ce projet de loi vise à transposer en droit national les décisions contenues dans la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée à l’unanimité le 28 avril 2004, lesquelles ont pour objet d’interdire aux États d’aider les acteurs non étatiques à se procurer les moyens et les techniques permettant de se doter d’armes nucléaires, biologiques et chimiques. Juridiquement contraignante, cette résolution impose aux États membres qui souhaitent s’y conformer d’adapter leur législation interne. C’est ce à quoi, monsieur le ministre, vous nous invitez aujourd'hui.
Je souhaite toutefois élargir cette rétrospective en exposant d’autres facteurs qui ont encouragé les États à légiférer contre ce fléau.
Il faut remonter au 10 décembre 2002, qui vit l’arraisonnement par la marine espagnole, sur ordre des forces américaines, du navire nord-coréen So San qui se trouvait dans les eaux internationales en route pour le Yémen. L’absence de textes juridiques appropriés n’avait pas permis la saisie de pièces de missiles balistiques dont la provenance, quasi certaine, de Corée du Nord n’avait pu être prouvée.
À la suite de cette constatation de l’impuissance des grandes forces de ce monde à lutter contre la prolifération de telles armes, c’est le président américain George W. Bush qui, le 31 mai 2003, a lancé un grand programme de coopération internationale, l’Initiative de sécurité contre la prolifération, ou PSI, dans le but d’enrayer le trafic d’armes de destruction massive.
Dès septembre 2003, onze pays, dont la France, ont adopté et publié cette déclaration. Toutefois, la PSI n’est ni une institution ni une organisation : la participation et la coopération se font sur la base du volontariat. Je rappelle au passage que la Russie et la Chine n’étaient pas signataires.
Parallèlement, la France et d’autres États de l’Union s’étaient déjà réunis pour examiner ce thème lors du Conseil européen de Thessalonique de juin 2003. À cette occasion, ils avaient adopté une déclaration sur la non-prolifération dans laquelle ils s’étaient engagés à poursuivre l’élaboration d’une stratégie communautaire cohérente, visant à faire face à la menace des armes de destruction massive. Cette stratégie européenne a été récemment complétée, en décembre 2008, lors de la présidence française, par un plan d’action contre la prolifération des armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, dites NRBC, qui couvre ainsi tous les volets de la lutte contre la prolifération.
Monsieur le ministre, il serait intéressant que nous soit présenté un bilan de ce plan d’action européen.
C’est pour compléter ce dispositif que la résolution 1540 a été prise, également sur l’initiative du président américain, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, le 28 avril 2004, soit quelques mois après la mise en place de la PSI.
Quelles sont les limites de cette résolution ? Tout d’abord, certains se sont interrogés sur l’utilité de son adoption, alors même que la PSI venait d’être engagée par la plupart des grands pays de ce monde ; d’autant qu’aujourd’hui les résultats obtenus peuvent paraître modestes.
Le deuxième rapport du « comité 1540 » souligne en effet que tous les pays ne traitent pas cette question de la même manière, alors qu’était préconisée une réaction unanime et similaire de l’ensemble des États adhérents. J’espère d’ailleurs que le mandat du « comité 1540 », placé auprès du Conseil de sécurité et chargé de suivre la mise en œuvre de la résolution, sera encore renouvelé à son expiration, en avril 2011. Il est en effet indispensable de maintenir ce dispositif et de veiller à la bonne application des dispositions prévues par les États membres.
En comparaison, ce sont plus de quatre-vingt-dix pays qui, à ce jour, ont souscrit aux principes de la PSI. Doit-on justifier cet engouement par le caractère non contraignant de cette initiative, qui peut apparaître comme le signe d’un engagement politique quelque peu informel ?
Ainsi, contrairement à la résolution 1172 dans laquelle il était demandé au Pakistan et à l’Inde d’adhérer au traité de non-prolifération nucléaire, dans la résolution 1540, on s’est abstenu d’exiger une telle adhésion.
Par ailleurs, cette résolution ne vise la prolifération nucléaire que par la mention des acteurs non étatiques, lesquels ne sont en outre qu’imparfaitement définis : « personnes ou entités qui, n’agissant pas sous l’autorité légale d’un État, mènent des activités tombant sous le coup de la présente résolution ». J’espère que cette définition, bien qu’assez vague, sera malgré tout utile.
Les États ne sont donc pas concernés même si leur responsabilité, ou à tout le moins leur négligence, est susceptible d’être invoquée. Je pense, comme nombre d’entre vous sans doute, à la Corée du Nord ou à l’Iran.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Rachel Mazuir. Cette résolution vise donc principalement les groupes terroristes, une notion qui n’est pourtant pas définie par le droit international… et pour cause.
De plus, elle ne résout en rien la question de l’inspection des navires en haute mer, alors même que l’affaire du So San pointait ce manquement juridique. Le droit de la mer interdit à tout État de contrôler, sans traité bilatéral, les navires battant pavillon d’un autre État en haute mer. Aussi aurait-il fallu insérer une clause spéciale autorisant ces interventions.
Au travers des dispositions de ce projet de loi, la France a choisi de renforcer sa législation en adoptant une procédure pénale proche de celle qui est prévue en matière de terrorisme, en prévoyant de lourdes peines et en renforçant les moyens d’investigation des forces de l’ordre et des magistrats. Comme il est impossible de se protéger efficacement contre toutes ces armes si elles sont utilisées, il est primordial d’agir en amont et de veiller à leur non-prolifération.
Toutefois, je m’interroge sur les raisons du dépôt tardif de ce texte : sept ans après l’adoption de la résolution 1540, Jean-Pierre Chevènement l’a rappelé.
Je n’ose penser que l’urgence à vouloir transposer soudainement cette réglementation dans notre droit interne s’explique par la menace sous-jacente d’organisations illicites trafiquantes.
M. Roland Courteau. Espérons-le !
M. Rachel Mazuir. J’espère en effet que vous nous rassurerez sur ce sujet, monsieur le ministre.
Certains jugeront mon analyse pessimiste, mais il m’est apparu utile de soulever ces questions, légitimes au regard de l’importance du thème aujourd’hui traité. Ce projet de loi est encourageant et a le mérite de dresser une ligne directrice qui peut être suivie et reprise par des pays tiers. Il renforce nos propres moyens d’action par le développement de mesures pénales appropriées.
Serons-nous pour autant entendus ? Quelle serait notre légitimité si, comme la plupart des grandes puissances nucléaires, nous proclamions « rechercher la paix et la sécurité dans un monde sans armes nucléaires », mais que nous soutenions parallèlement la position qu’a défendue le président américain dans un discours prononcé à Prague en avril 2009 « Ne vous méprenez pas : tant que ces armes existeront, nous conserverons un arsenal sûr et efficace pour dissuader tout adversaire » ?
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Rachel Mazuir. Tous les pays pourraient tenir le même raisonnement. Nous entrerions alors dans un cercle vicieux, où la loi du plus fort s’applique et où la force dissuasive reste une arme de guerre menaçante redoutable.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Rachel Mazuir. Mes chers collègues, le chemin à parcourir est encore long, mais en votant ce texte, nous faisons aujourd’hui un pas important. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai cet après-midi un double motif de satisfaction.
En premier lieu, je me réjouis, monsieur le ministre, de votre nomination à la tête de ce grand ministère qu’est le ministère de la défense. Je connais votre respect pour les hommes et les femmes qui en relèvent, ainsi que votre profond attachement aux valeurs qu’incarne cette grande institution de la République. Je vous adresse donc tous mes vœux amicaux de réussite. (M. le ministre fait un signe de remerciement.)
En second lieu, je me félicite de l’inscription rapide de ce projet de loi à l’ordre du jour du Sénat, à peine plus de trois mois après son adoption par l’Assemblée nationale, le 25 novembre dernier. Je tiens, en cet instant, à rendre hommage à notre rapporteur, André Dulait, qui, de la lutte contre la piraterie à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, n’a de cesse d’œuvrer pour la sécurité mondiale.
Déjà, en 2004, la commission des affaires étrangères du Sénat s’était saisie d’une partie de ce sujet, et je parle sous le contrôle de son président, M. Josselin de Rohan. Un rapport d’information sur la prolifération nucléaire et les réponses aux crises en la matière avait été publié. Cela témoigne de la persévérance de notre commission dans ce domaine et de la qualité de son travail.
Le projet de loi relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive répond à des impératifs internationaux et nationaux.
Voilà peu encore, l’interdiction des armes de destruction massive était appréhendée de façon « catégorielle ». Le droit international a successivement érigé des conventions à vocation différente.
Il y a d’abord les conventions d’interdiction, applicables pour les armes biologiques et chimiques. Telle est la nature de la convention d’avril 1972, sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques ou à toxines et sur leur destruction, ou encore de celle de 1993, sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction.
Il y a aussi des conventions de contrôle, pour les interdictions ou protections dans les domaines du nucléaire et des matériels à double usage. Je citerai à cet égard la convention de l’AIEA de 1979 sur la protection physique des matières nucléaires.
Avant l’effondrement du bloc soviétique, la menace que représentaient les armes de destruction massive était étatique et, par conséquent, clairement identifiable. De nombreuses doctrines qui ont vu le jour à cette époque occupent aujourd’hui encore beaucoup de chercheurs en géopolitique.
Après 1991, à la menace des armes de destruction massives s’est ajoutée celle de leur prolifération sauvage, en dehors de tout cadre juridique international.
Au cours des trente dernières années, en particulier des dix qui viennent de s’écouler, ont émergé non seulement de nouveaux États, mais surtout des réseaux privés clandestins internationaux, à un moment où le terrorisme a valeur de doctrine stratégique pour des organisations non étatiques.
En 2004, tant pour le groupe des cinq pays détenteurs de l’arme nucléaire que pour tous les États ayant ratifié les conventions évoquées tout à l’heure ou étant parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, le choc est venu du Pakistan. Les confessions du père de la bombe nucléaire pakistanaise, ainsi que les révélations de la Libye sur ce réseau organisé, ont démontré l’ampleur des ramifications et de la complexité du phénomène.
Ces nouveaux canaux de prolifération demeurent l’une des plus grandes menaces pour la sécurité internationale.
Face à leur étendue et à leur très difficile identification, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 1540 et mis en place un comité accompagné d’un groupe d’experts chargé de veiller à son application.
Je voudrais d’ailleurs attirer votre attention sur la prorogation du mandat de ce comité au-delà du 25 avril 2011. Au vu de la multiplication des menaces pour la sécurité internationale, il est plus que souhaitable que notre diplomatie s’emploie avec ses partenaires du Conseil de sécurité à définir les contours d’une nouvelle résolution qui prorogera le mandat du « comité 1540 ».
Par ailleurs, il me semble important de rappeler que la résolution 1540 est garante d’une approche globale de la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive.
En premier lieu, cette résolution vise à renforcer les contrôles étatiques sur la fabrication, les transferts de biens et de technologies considérés comme sensibles du point de vue de la prolifération.
En second lieu, elle enjoint aux États d’adapter leurs dispositifs législatifs et juridiques nationaux et de mettre en place des systèmes de contrôle.
C’est dans cette logique que s’inscrit le texte que nous examinons cet après-midi. En adoptant celui-ci, la France, membre permanent du Conseil de sécurité et État nucléaire, y souscrit « activement ».
Pour notre pays, ce texte doit être envisagé comme une occasion, d’une part, d’adresser un message fort quant au respect et à l’application de ses engagements internationaux et, d’autre part, d’ouvrir la voie vers l’établissement de standards législatifs en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.
En cela, fût-ce de façon indirecte, la France répond aux obligations de la résolution 1540 relatives à l’aide et l’assistance aux autres pays n’ayant pas les capacités d’adaptation de leurs dispositifs législatifs nationaux.
Mes chers collègues, en plus de nous permettre d’honorer nos obligations internationales, ce projet de loi est un formidable moyen de combler pallié les lacunes de notre législation relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.
En effet, l’arsenal législatif et juridique actuel est trop morcelé ; notre approche législative et répressive du sujet est « trop catégorielle » : elle répond au classement d’armes et des traités internationaux les régissant. Le droit actuel résulte de l’empilement et de ratifications successives par notre pays de différentes conventions.
D’ailleurs, cette faille n’a pas manqué d’être évoquée lors de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en 2008.
L’heure est donc venue de procéder à une harmonisation de la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs, et ce dans les trois domaines.
Ce projet de loi contient une disposition primordiale : il introduit pour la première fois dans notre législation la notion de vecteurs, alors qu’auparavant ils n’étaient pas distincts des autres matériels de guerre ; cela m’apparaît comme une nécessité absolue.
Je ne reviendrai pas sur le détail des dispositions liées aux règles de procédure pénale spécifiques que le texte instaure. Toutefois, on ne peut que se féliciter que le projet aggrave les sanctions prévues en cas d’exportation sans déclaration de biens à double usage. Ainsi, il permettra de qualifier les infractions les plus graves liées à la prolifération d’actes terroristes.
À mon sens, ce sont là des avancées majeures, qui prennent en compte les réalités stratégiques auxquelles doit faire face la France. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte.
Pour conclure, je tiens à rappeler que ce projet de loi permet également à notre pays de jouer un rôle de leader au sein de l’Union européenne, qui, dans ce domaine, ne mène pas de politique « concertée ». L’harmonisation des instruments juridiques français doit inciter à la mise en place de meilleurs standards pratiques européens en matière de contrôle et de lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive. Cela est capital, car le sol européen concentre les technologies les plus avancées et les équipements les plus sensibles, qui peuvent donner lieu à prolifération.
Aussi, je formulerai le vœu que l’Union européenne adopte rapidement une politique plus coordonnée contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Monsieur le ministre, je m’associe à toutes les félicitations qui vous ont été adressées.
Comme dit le proverbe, « mieux vaut tard que jamais » : il n’aura échappé à aucun observateur que plusieurs années se sont écoulées depuis l’adoption de la résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations unies en 2004.
MM. Roland Courteau et André Trillard. Très bien !
M. Jacques Berthou. Le texte que nous examinons aujourd’hui transpose dans notre droit interne les décisions contenues dans cette résolution. Il a été déposé en 2009, soit cinq ans après la rédaction de cette résolution, alors même que la France fut, avec d’autres pays, à l’origine de l’adoption de cette dernière. Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 25 novembre 2010.
Dès son préambule, cette résolution rappelait certains principes intangibles : la prolifération des armes nucléaires, biologiques ou chimiques, les fameuses NBC, et de leurs vecteurs constitue une menace pour la paix et la sécurité internationale. Les États se sont engagés à lutter contre cette prolifération.
L’une des principales préoccupations est alors d’empêcher, ou pour le moins de rendre très difficile pour des acteurs non étatiques, donc des groupes terroristes, de se procurer des armes nucléaires, biologiques et chimiques. Il s’agit évidemment de stigmatiser la menace terroriste et d’essayer de la contenir en adoptant des législations de principe dans chaque État. La résolution invite ainsi l’ensemble des États à mettre en œuvre des législations appropriées interdisant à tout acteur non étatique de fabriquer ou de se procurer des armes nucléaires, biologiques ou chimiques.
En 2004, cette résolution des Nations unies trouvait son origine dans un contexte mondial particulièrement brûlant, trois ans après les attentats du 11 septembre et treize mois après l’invasion de l’Irak par la coalition menée par les États-Unis. Nous sommes désormais en 2011, et les temps ont changé.
Cependant, il est de notre devoir d’adopter ce projet de loi, d’autant que le comité chargé de suivre la mise en œuvre de la résolution 1540 devra rendre, au plus tard le 24 avril prochain, un rapport indiquant si la résolution a été appliquée et ses prescriptions satisfaites. Il faut bien avouer qu’un dysfonctionnement de transposition en droit français « ferait désordre »...
Ce projet de loi est complexe sur le fond, mais il peut finalement être résumé en quelques mots : il s’agit simplement d’interdire et de réprimer en droit interne tout ce qui concourt, de près ou de loin, à la prolifération d’armes nucléaires, biologiques et chimiques, au profit d’acteurs non étatiques. Est également incluse dans ce champ toute activité visant à permettre à un groupe terroriste de se doter de vecteurs, c’est-à-dire de missiles.
Par ailleurs, ce projet de loi définit de manière très large les infractions relatives à la prolifération des armes NBC et prévoit des peines très lourdes. La procédure pénale est la même que celle qui est applicable en matière de terrorisme.
En adoptant ce projet de loi, nous répondons bien sûr à une exigence des Nations unies, mais nous envoyons également un signal dissuasif à tous ceux qui tenteraient de s’impliquer dans des activités de prolifération sur le sol national.
Monsieur le ministre, je vous rassure, personne au sein du groupe socialiste et apparentés ne saurait s’opposer à l’adoption de ce projet de loi. D’ailleurs, dans notre pays, à l’exception des terroristes eux-mêmes, quel citoyen pourrait rationnellement être en faveur de la prolifération des armes nucléaire biologiques et chimiques au profit de groupes terroristes ?
La France se doit d’adopter ces mesures afin, dirai-je, de montrer sa détermination en la matière. Ce texte est principalement préventif ; il n’a pas vocation, souhaitons-le, à s’appliquer au quotidien. En réprimant des infractions commises en matière de prolifération d’armes NBC sur le territoire national, ce texte ne saurait s’appliquer, a priori, qu’à des tentatives isolées, peu organisées, à un terrorisme que l’on pourrait qualifier d’amateur. Ce texte n’empêchera pas les autres, les groupes organisés, de passer les frontières et de sévir depuis l’étranger.
Il est en effet nécessaire d’avoir, en la matière, une approche tous azimuts et transfrontalière. L’Union européenne a adopté en 2008 un plan d’action contre la prolifération des armes dites NBC, que le Parlement européen, dans un rapport de novembre 2010, a considéré comme manquant de rigueur et de cohérence sur différents points. On peut notamment regretter que la clause de solidarité présente dans le traité de Lisbonne ne soit pas citée dans ce plan d’action.
La lutte contre la prolifération des armes de destruction massive a longtemps été un tabou. Les politiques menées jusqu’à présent semblent s’essouffler par manque de volontarisme. Il est donc primordial que la France réaffirme sa volonté d’action en matière de lutte contre cette prolifération.
Si chacun est d’accord sur l’adoption de ce texte, force est de constater que les problèmes de fond subsistent. Nous légiférons aujourd’hui contre une prolifération parfaitement hypothétique. Par l’adoption de ce projet de loi, nous nous protégeons d’un danger qui reste, jusqu’ici, abstrait.
La menace du terrorisme nucléaire est en effet hypothétique. Le risque d’utilisation d’armes biologiques ou chimiques par des groupes terroristes est en revanche réel, mais de telles armes ne sont pas faciles à manipuler. Le constat est partagé : rares sont les acteurs non étatiques, les groupes terroristes, essayant de développer des armes de destruction massives. Reconnaissons que le procédé est complexe, long à mettre en œuvre. En bref, il ne correspond aucunement aux objectifs généralement visés par les groupes terroristes. Ces derniers préfèrent agir vite en employant des méthodes simples, ingénieuses, nécessitant une logistique qui ne s’appuie pas sur les armes NBC ; les attentats du 11 septembre 2001 en sont le meilleur exemple.
MM. Roland Courteau et Bernard Piras. Oui !
M. Jacques Berthou. Il suffit de regarder la liste des attentats commis dans les quinze dernières années pour s’en convaincre : les terroristes préfèrent employer des méthodes traditionnelles. À côté de cela, se souvient-on des attentats au gaz sarin dans le métro de Tokyo, en mars 1995, qui ont fait douze morts et des milliers de blessés ? Ou encore, plus récemment, de l’envoi de bactéries de la maladie du charbon, par courrier, qui auraient coûté la vie à cinq personnes aux États-Unis en 2001 ?
Enfin, il me paraît impensable de ne pas dire un mot sur la prolifération d’État à État, qui reste, à ce jour, la principale menace en matière de prolifération nucléaire. À ce titre, je me souviens du débat que nous avions eu ici-même, le 23 mars dernier, sur le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la France. L’excellent travail du rapporteur, M. Jean-Pierre Chevènement, démontrait que le maintien de notre posture et, par conséquent, de notre effort de défense en matière de dissuasion constituait la meilleure garantie de la paix. La dissuasion est bel et bien la seule garantie qui nous est offerte contre la prolifération d’État à État : aucune législation nationale ne pourrait éliminer un risque quelconque. Cette prolifération-là reste la principale menace.
Le terrorisme a ses armes traditionnelles. Bien sûr, il ne faut pas sous-estimer la menace visée par ce projet de loi, de même qu’il ne faut pas la surévaluer. Il faut donc adopter ce projet de loi pour deux bonnes raisons : ce texte est nécessaire et il est conforme à la résolution internationale que nous avions adoptée en 2004. Espérons que les juges n’auront jamais à appliquer ces dispositions sur notre territoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, vous avez été chaudement félicité sur toutes les travées de cet hémicycle, à droite et pratiquement autant à gauche. C’est une tradition républicaine bienvenue !
Vous me permettrez néanmoins de souligner l’étrangeté qui consiste, pour un pays comme le nôtre, qui entend peser sur la marche du monde et qui est doté de robustes moyens de défense, à changer de ministre de la défense à tout bout de champ ! (Mme Bernadette Dupont proteste.)
Ainsi, ce ne sont pas moins de trois ministres de la défense qui auront eu à se pencher sur ce petit texte qui vise à adapter notre législation nationale aux exigences de la résolution 1810, adoptée en 2008, un texte qui renforce donc notre arsenal juridique de lutte contre la prolifération des armements de destruction massive et de leurs vecteurs.
Dans son préambule, la résolution des Nations unies précise qu’il s’agit d’interdire aux États d’aider des acteurs non étatiques à se procurer les moyens et techniques permettant de se doter d’armes nucléaires, biologiques et chimiques.
La résolution réaffirme des points sur lesquels nous sommes tous d’accord : la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales. Les États se sont engagés à lutter contre la prolifération. La menace terroriste est très préoccupante et, parmi les préoccupations principales, figure le risque de voir des acteurs non étatiques se procurer des armes de destruction massive des catégories citées.
Le projet de loi qui nous est soumis vise donc à inscrire dans le droit national que tout ce qui concourt d’une façon ou d’une autre, de près ou de loin, à la prolifération d’armes nucléaires, biologiques ou à base de toxines au profit d’acteurs non gouvernementaux, de groupes terroristes est interdit et réprimé par la loi.
Il aggrave les peines encourues par les criminels et va jusqu’à prévoir – anecdote ou « cerise sur le gâteau » – la confiscation des matériels ou des missiles illégalement détenus.
Je ne doute pas que ce projet de loi sera adopté à l’unanimité ; en tout cas il sera aussi voté par les sénateurs Verts. Mais je veux, à cet instant, formuler certaines interrogations : à quoi sert réellement ce texte ? Serons-nous désormais mieux protégés ? Les mesures annoncées sont-elles de nature à dissuader les criminels ? En vérité, je n’en suis pas certaine, même si vous nous dites qu’il se crée, sur fond de mondialisation, une économie de la prolifération illégale, utilisant les nouvelles technologies de la communication et profitant de l’ouverture des marchés financiers.
Je n’en suis pas certaine, même si vous nous dites que des acteurs non étatiques cherchent très concrètement à acquérir des armes de destruction massive ou des composants permettant d’en fabriquer.
Le risque existe sans doute, il est essentiellement potentiel. Mais la question reste entière : le projet de loi peut-il dissuader les terroristes, les trafiquants ?
Les faits incriminés n’existent pratiquement pas en France, puisque le député Michel Voisin, à l’Assemblée nationale, a identifié un seul événement en mars 2003, événement ayant conduit à une condamnation par le tribunal correctionnel de Paris. Nous aurons donc mis à jour le code de la défense, nous nous serons dotés d’un arsenal juridique nous permettant de traiter des problèmes théoriques, mais nous n’aurons pas fait reculer la prolifération, dont nous savons bien qu’elle est pour l’essentiel le fait d’États au fonctionnement opaque et peu démocratique comme la Corée du Nord ou le Pakistan, ou d’États qui assument tranquillement devant leur population – c’est le cas du nôtre – le fait de s’être dotés de l’arme nucléaire.
Nous y reviendrons sans doute, mais c’est un point dont nous avons déjà débattu à plusieurs reprises. Je pense en particulier au débat qui a suivi la présentation du rapport d’information de Jean-Pierre Chevènement, l’an dernier, ici même. Jean-Pierre Chevènement admettait que, si le TNP constituait effectivement la clé de voûte de l’ordre nucléaire mondial, il n’avait finalement pas permis d’empêcher la prolifération nucléaire, ce qui constituait pourtant son principal objectif théorique.
En vérité, le problème est double : d’une part, de nouveaux observateurs ont pointé le fait que des liens très étroits existaient entre le nucléaire civil, que le TNP prétend encourager, et le nucléaire militaire, dont il prétend contenir la diffusion ; d’autre part, on ne peut que constater la faiblesse de l’argumentation selon laquelle certains États seraient fondés à se doter de ce type d’armes quand d’autres seraient décidément jugés trop instables ou trop dangereux pour y avoir accès eux-mêmes.
La liste est longue des décisions hasardeuses qui ont été prises par notre pays en la matière, voire des fautes qu’il a commises. Nous nous souvenons de la position du Président de la République, qui avait proposé à la Libye non seulement des Rafales, mais aussi des centrales nucléaires à vocation civile. Je me rappelle les commentaires de certains diplomates et de certains hauts gradés de l’armée : ils en frémissaient d’avance. Heureusement, cette proposition ne s’est pas concrétisée…
On doit aussi noter l’annonce d’une volonté de coopération avec la Chine dans le cadre d’un partenariat global pour la mise au point d’un réacteur nucléaire de moyenne puissance de troisième génération ou encore l’accord de coopération signé le 22 février dernier avec l’Arabie saoudite dans le domaine du nucléaire civil.
On peut également mentionner l’inauguration en octobre dernier du laser mégajoule, déjà évoqué par Michelle Demessine, et le développement – qui lui est lié – d’armes nucléaires miniaturisées, sans oublier le ralliement de la France aux principes d’une défense anti-missiles dans le cadre de l’OTAN.
Le contexte national est, lui aussi, source d’interrogations.
Deux députés, Christian Bataille et Claude Birraux, viennent de faire part de leurs conclusions sur l’évaluation du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs. Dans leur rapport, ils pointent du doigt le paradoxe de la tranquillité dans le domaine nucléaire. L’anomalie détectée par EDF le 1er février, aux conséquences potentielles sur la sûreté des installations de trente-quatre réacteurs nucléaires en France, soulève aussi des interrogations.
Enfin, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de plusieurs débats ici même à ce sujet, la seule façon de limiter la prolifération est, me semble-t-il, de limiter les arsenaux et de cesser de vendre des équipements nucléaires civils urbi et orbi.
Nous avons proposé à maintes reprises de commencer par établir une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.
Nous avons un devoir d’exemplarité ? Chiche ! Soyons exemplaires, cessons d’alimenter la machine infernale !
Bien que ce projet de loi me paraisse assez éloigné de la réalité concrète du champ nucléaire, bien qu’il ne traite pas, contrairement à son titre, de toutes les dimensions de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes, il est néanmoins intéressant, me semble-t-il, en tant que signal et c’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Longuet, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je retrouve le Sénat comme l’apprécient ceux qui aiment la République, c’est-à-dire un lieu où l’on débat, où l’on s’écoute, où l’on peut se retrouver sur un projet de loi majeur tout en marquant ses différences. C’est exactement mon sentiment à l’issue de cette discussion générale où les orateurs des différents groupes ont annoncé un vote favorable – ce qui me donne à penser que nous allons vers un vote unanime – tout en indiquant les raisons pour lesquelles le Gouvernement doit à tout instant faire preuve de la plus grande vigilance.
Je remercie Xavier Pintat, sénateur de la Gironde, qui a repris avec plus de talent et de compétences que je n’en ai actuellement – mais j’espère rattraper mon retard ! (Sourires.) – le sujet d’ensemble de la lutte contre les armes de destruction massive.
Je dirai à Jean-Pierre Chevènement, qui fut mon prédécesseur au ministère de la défense, que j’ai écouté son intervention avec une extrême attention. En effet, outre sa compétence en quelque sorte « historique », liée au travail qu’il a accompli sur ce thème et dont il a fait profiter cette assemblée, ainsi que plusieurs orateurs l’ont rappelé, il a attiré mon attention non pas sur les faiblesses du dispositif, mais sur la nécessité de l’insérer dans une réflexion plus soutenue et de ne laisser passer aucune occasion.
Il a souligné avec un peu de malice que cette ratification était tardive et que, depuis 2004, nous avions laissé les années s’écouler… Il conviendra cependant que, en matière de transposition de conventions internationales et plus particulièrement de directives européennes, il ne manifeste pas lui-même, me semble-t-il, beaucoup d’empressement ! (Nouveaux sourires.)
Disons que la France a mûri progressivement, tandis que se succédaient les gouvernements et les ministres de la défense, jusqu’à ce que puisse être soumis au Parlement un texte qui nous rassemble aujourd’hui.
Il reste que chacune de vos interventions, monsieur Chevènement, me paraît légitime et pertinente : je m’efforcerai de les intégrer dans ma réflexion.
Je remercie Rachel Mazuir et Jacques Berthou d’avoir reconnu que ce texte constituait une avancée, même s’ils considèrent que la démarche a été un peu lente.
Michelle Demessine et Dominique Voynet se sont livrées à un exercice assez difficile en disant qu’elles étaient contre la politique du Gouvernement en général, contre la politique nucléaire en particulier, tout en affirmant qu’il fallait voter le projet de loi. Elles me pardonneront de ne retenir que la conclusion. Je me réjouis qu’elles votent le texte : c’est un pas vers une compréhension mutuelle, mais il y a encore, me semble-t-il, un peu de chemin à faire et je m’y emploierai dans le cadre de mes responsabilités.
André Dulait a posé une question tout à fait concrète sur les sources médicales. Nous avons aujourd’hui un texte en phase finale de préparation ; il sera présenté par ma collègue ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, et je prends l’engagement devant vous, afin que le Gouvernement n’ait pas à subir de nouveau les reproches qui ont été exprimés à propos du présent projet de loi – d’une façon tout à fait raisonnable d’ailleurs –, de veiller à ce qu’il soit soumis rapidement au Parlement.
La politique qui a été engagée produit des résultats, mais je n’ai pas encore aujourd’hui une compétence suffisante pour vous convaincre totalement. Il y a eu, certes, une seule décision judiciaire, mais l’action européenne, l’action internationale, les saisies en mer et, en particulier, les saisies de biens à double usage, montrent que la situation évolue et que les grandes puissances arrivent à convaincre l’immense majorité des pays responsables de la nécessité de mettre en place des politiques de contrôle, d’isolement et de dénonciation de ceux qui, en effet, auxiliaires d’États incertains, cherchent à tirer profit de trafics aux limites du trafic industriel et du trafic militaire, portant sur ces fameux biens à double usage.
Je ne suis pas certain de lever vos doutes en cet instant, mais j’espère que, même si votre enthousiasme n’est pas absolu, ce texte sera adopté par le Sénat à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LA PROLIFÉRATION DES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE
Chapitre Ier
Lutte contre la prolifération des armes nucléaires
Article 1er
(Non modifié)
L’article L. 1333-9 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Au 1° du I, les mots : « fournir des renseignements inexacts afin d’obtenir » sont remplacés par les mots : « se faire délivrer indûment par quelque moyen frauduleux que ce soit » ;
2° Le II est abrogé ;
3° Au III, les références : « aux 2°, 4° et 5° du I » sont remplacées par la référence : « au I ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Après l’article L. 1333-13 du même code, sont insérés onze articles L. 1333-13-1 à L. 1333-13-11 ainsi rédigés :
« Art. L. 1333-13-1. – Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 € :
« 1° L’exportation sans autorisation de biens connexes aux matières nucléaires, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé de l’industrie ;
« 2° Le fait de se faire délivrer indûment par quelque moyen frauduleux que ce soit l’autorisation d’exportation de ces mêmes biens.
« Art. L. 1333-13-2. – Le fait de provoquer, d’encourager ou d’inciter quiconque de quelque manière que ce soit à commettre les infractions prévues au I de l’article L. 1333-9 et aux articles L. 1333-11 et L. 1333-13-1, lorsque ce fait a été suivi d’effet, est puni des peines prévues pour ces infractions.
« Lorsque les faits mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas suivis d’effet en raison de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur, la peine est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Art. L. 1333-13-3. – I. – Les infractions définies aux articles L. 1333-12 et L. 1333-13-1 sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende lorsqu’elles sont commises en bande organisée.
« II. – Les infractions définies aux articles L. 1333-9 et L. 1333-11 sont punies de quinze ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’euros d’amende lorsqu’elles sont commises en bande organisée.
« Art. L. 1333-13-4. – I. – Les infractions définies à l’article L. 1333-13-1 sont punies de quinze ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’euros d’amende lorsqu’elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de permettre à quiconque de se doter d’une arme nucléaire.
« La peine est portée à vingt ans de réclusion criminelle et à 7,5 millions d’euros d’amende lorsque les infractions sont commises en bande organisée.
« II. – Les infractions définies aux 1° et 2° du I de l’article L. 1333-9 et aux articles L. 1333-11, L. 1333-12 et L. 1333-13-2 sont punies de vingt ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’euros d’amende lorsqu’elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de permettre à quiconque de se doter d’une arme nucléaire.
« Ces faits sont punis de trente ans de réclusion criminelle et 7,5 millions d’euros d’amende lorsqu’ils sont commis en bande organisée.
« III. – Constitue une arme nucléaire, pour la poursuite des infractions mentionnées au présent article, tout engin explosif dont l’énergie a pour origine la fission de noyaux d’atomes.
« Art. L. 1333-13-5. – Le fait de procurer un financement en fournissant, réunissant ou gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’une des infractions prévues à l’article L. 1333-13-4, est puni des peines prévues au même article, indépendamment de la commission effective de cette infraction.
« Art. L. 1333-13-6. – Le fait de provoquer, d’encourager ou d’inciter quiconque de quelque manière que ce soit à commettre les infractions prévues aux articles L. 1333-13-3, L. 1333-13-4 et L. 1333-13-5, lorsque ce fait a été suivi d’effet, est puni des peines prévues pour ces infractions.
« Lorsque les faits mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas suivis d’effet en raison de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur, la peine est de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende.
« Art. L. 1333-13-7. – Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues à la présente sous-section encourent les peines complémentaires suivantes :
« 1° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de famille ;
« 2° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du même code, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
« 3° La fermeture soit à titre définitif, soit pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
« 4° L’exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;
« 5° La confiscation des matières nucléaires ainsi que celle des équipements ayant servi à l’élaboration, à l’utilisation ou au transport de ces matières ;
« 6° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal ;
« 7° L’interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l’article 131-31 du même code ;
« 8° L’interdiction du territoire français, lorsqu’il s’agit d’étrangers, prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-30 du même code, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus.
« Art. L.1333-13-8. – Les personnes morales coupables de l’une des infractions prévues à la présente sous-section encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines suivantes :
« 1° Dans les cas prévus par les articles L. 1333-9 et L. 1333-11, le premier alinéa de l’article L. 1333-13-2, les articles L. 1333-13-3, L. 1333-13-4, L. 1333-13-5 et le premier alinéa de l’article L. 1333-13-6 du présent code, les peines mentionnées à l’article 131-39 du code pénal ;
« 2° Dans les cas prévus par les articles L. 1333-12, L. 1333-13 et L. 1333-13-1, le deuxième alinéa de l’article L. 1333-13-2 et le deuxième alinéa de l’article L. 1333-13-6, les peines mentionnées aux 2° à 11° de l’article 131-39 du code pénal.
« L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
« Art. L. 1333-13-9. – Toute personne qui a tenté de commettre les infractions prévues aux articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et au premier alinéa de l’article L. 1333-13-6 est exempte de peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices.
« Art. L. 1333-13-10. – La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice des infractions prévues aux articles L. 1333-13-3, L. 1333-13-4 et L. 1333-13-5 et au premier alinéa de l’article L. 1333-13-6 est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser les agissements incriminés ou d’éviter que l’infraction n’entraîne mort d’homme ou infirmité permanente et d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices.
« Art. L. 1333-13-11. – Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 du code pénal sont applicables aux infractions prévues par les articles L. 1333-13-3, L. 1333-13-4 et L. 1333-13-5 et par le premier alinéa de l’article L. 1333-13-6 du présent code. » – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
L’article L. 1333-14 du même code est ainsi modifié :
1° Les mots : « ou détenues dans les installations nucléaires intéressant la défense » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 1333-13-2 à L. 1333-13-11 sont également applicables aux matières nucléaires mentionnées à l’alinéa précédent, mais seulement en ce qu’elles renvoient aux infractions prévues à l’article L. 1333-9. » – (Adopté.)
Chapitre II
Lutte contre la prolifération des armes biologiques ou à bases de toxines
Article 4
(Non modifié)
À l’article L. 2341-1 du code de la défense, les mots : « l’acquisition et la cession » sont remplacés par les mots : « le transport, l’acquisition, la cession, l’importation, l’exportation, le commerce et le courtage ». – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
L’article L. 2341-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2341-2. – Il est interdit de procurer un financement en fournissant, réunissant ou gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’un quelconque des actes interdits à l’article L. 2341-1, indépendamment de la réalisation effective d’un tel acte. » – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
L’article L. 2341-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2341-4. – Les infractions aux articles L. 2341-1 et L. 2341-2 sont punies de vingt ans de réclusion criminelle et de 3 millions d’euros d’amende.
« Les peines sont portées à trente ans de réclusion criminelle et à 5 millions d’euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.
« En cas de condamnation, la juridiction de jugement ordonne la confiscation, en vue de leur destruction, des agents ou toxines définis à l’article L. 2341-1. » – (Adopté.)
Article 7
(Non modifié)
L’article L. 2341-5 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2341-5. – Le fait de provoquer, d’encourager ou d’inciter quiconque de quelque manière que ce soit à commettre les infractions prévues à l’article L. 2341-4, lorsque ce fait a été suivi d’effet, est puni des peines prévues pour ces infractions.
« Lorsque les faits mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas suivis d’effet en raison de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur, la peine est de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. » – (Adopté.)
Article 8
(Non modifié)
Après l’article L. 2341-5 du même code, sont insérés deux articles L. 2341-5-1 et L. 2341-5-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 2341-5-1. – Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues à la présente section encourent les peines complémentaires suivantes :
« 1° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de famille ;
« 2° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du même code, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
« 3° La fermeture soit à titre définitif, soit pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
« 4° L’exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;
« 5° La confiscation des équipements ayant servi à la mise au point, à la fabrication, au transport, à la détention et au stockage des agents ou toxines définis à l’article L. 2341-1 du présent code ;
« 6° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal ;
« 7° L’interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l’article 131-31 du même code ;
« 8° L’interdiction du territoire français, lorsqu’il s’agit d’étrangers, prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-30 du même code, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus.
« Art. L. 2341-5-2. – Les personnes morales coupables de l’une des infractions prévues à la présente section encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines mentionnées à l’article 131-39 du même code.
« L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 du même code porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. » – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
À l’article L. 2341-6 du même code, après le mot : « incriminés », sont insérés les mots : « ou d’éviter que l’infraction n’entraîne mort d’homme ou infirmité permanente ». – (Adopté.)
Article 10
(Non modifié)
Après l’article L. 2341-6 du même code, sont insérés deux articles L. 2341-6-1 et L. 2341-6-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 2341-6-1. – Toute personne qui a tenté de commettre les infractions prévues par la présente section est exempte de peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la réalisation de l’une des infractions et d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices.
« Art. L. 2341-6-2. – Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 du code pénal sont applicables aux infractions prévues par la présente section. » – (Adopté.)
Chapitre III
Lutte contre la prolifération des armes chimiques
Article 11
(Non modifié)
Après le deuxième alinéa de l’article L. 2342-3 du code de la défense, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit de procurer un financement en fournissant, réunissant ou gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue d’entreprendre une activité interdite par le présent chapitre, indépendamment de la réalisation effective d’une telle activité. » – (Adopté.)
Article 12
(Non modifié)
L’article L. 2342-60 du même code est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa (2°), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait de procurer un financement en fournissant, réunissant ou gérant des fonds, valeurs ou biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’une quelconque des infractions prévues aux articles L. 2342-57 et L. 2342-58 et aux alinéas ci-dessus, indépendamment de la commission effective d’une telle infraction. » ;
2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les infractions prévues par le présent article sont punies de trente ans de réclusion criminelle et de 5 millions d’euros d’amende lorsqu’elles sont commises en bande organisée. » – (Adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LA PROLIFÉRATION DES VECTEURS D’ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE
Article 13
(Non modifié)
Le chapitre IX du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complété par une section 8 ainsi rédigée :
« Section 8
« De la prolifération des vecteurs d’armes de destruction massive
« Art. L. 2339-14. – Les infractions définies au premier alinéa du I de l’article L. 2339-2, à l’article L. 2339-4, au premier alinéa des articles L. 2339-5 et L. 2339-8, au 1° du I de l’article L. 2339-9 et au premier alinéa de l’article L. 2339-10 sont punies de quinze ans de réclusion criminelle et 1,5 million d’euros d’amende lorsqu’elles concernent des missiles, fusées ou autres systèmes sans pilote capables de conduire à leur cible des armes nucléaires telles que définies au III de l’article L. 1333-13-4, chimiques ou biologiques et spécialement conçus à cet usage.
« Ces faits sont punis de vingt ans de réclusion criminelle et 3 millions d’euros d’amende lorsqu’ils sont commis en bande organisée.
« Art. L. 2339-15. – Le fait de procurer un financement en fournissant, réunissant ou gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’une quelconque des infractions prévues à l’article L. 2339-14, indépendamment de la commission effective d’une telle infraction, est puni des peines prévues à ce même article.
« Art. L. 2339-16. – Le fait de se faire délivrer indûment par quelque moyen frauduleux que ce soit les autorisations ou agréments mentionnés au I de l’article L. 2332-1, aux articles L. 2335-1, L. 2335-2 et L. 2335-3, au 2° du I de l’article L. 2336-1 et à l’article L. 2337-4 est puni de dix ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende lorsque ces autorisations ou agréments concernent des missiles, fusées ou autres systèmes sans pilote capables de conduire à leur cible des armes nucléaires telles que définies au III de l’article L. 1333-13-4, chimiques ou biologiques et spécialement conçus à cet usage.
« Art. L. 2339-17. – Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues à la présente section encourent les peines complémentaires suivantes :
« 1° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de famille ;
« 2° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du même code, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
« 3° La fermeture soit à titre définitif, soit pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
« 4° L’exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;
« 5° La confiscation des missiles, fusées ou autres systèmes sans pilote capables de conduire à leur cible des armes nucléaires telles que définies au III de l’article L. 1333-13-4 du présent code, chimiques ou biologiques et spécialement conçus à cet usage, ainsi que celle des équipements ayant servi à l’élaboration, à l’utilisation ou au transport de ces biens ;
« 6° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal ;
« 7° L’interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l’article 131-31 du même code ;
« 8° L’interdiction du territoire français, lorsqu’il s’agit d’étrangers, prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-30 du même code, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus.
« Art. L. 2339-18. – Les personnes morales coupables de l’une des infractions prévues à la présente section encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines suivantes :
« 1° Dans les cas prévus par les articles L. 2339-14 et L. 2339-15 du présent code, les peines mentionnées à l’article 131-39 du code pénal ;
« 2° Dans les cas prévus par l’article L. 2339-16 du présent code, les peines mentionnées aux 2° à 11° de l’article 131-39 du code pénal.
« L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 du même code porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. » – (Adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX BIENS À DOUBLE USAGE
Article 14
(Non modifié)
Après le premier alinéa de l’article 414 du code des douanes, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La peine d’emprisonnement est portée à une durée maximale de cinq ans et l’amende peut aller jusqu’à trois fois la valeur de l’objet de fraude lorsque les faits de contrebande, d’importation ou d’exportation portent sur des biens à double usage, civil et militaire, dont la circulation est soumise à restriction par la réglementation européenne. » – (Adopté.)
Article 14 bis
(Non modifié)
I. – Après l’article 61 du même code, il est inséré un article 61 bis ainsi rédigé:
« Art. 61 bis. – Dans l’attente de la décision d’interdiction ou d’autorisation visée à l’article 6 du règlement (CE) n° 428/2009 du Conseil, du 5 mai 2009, instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens à double usage, les agents des douanes immobilisent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les biens à double usage civil et militaire non communautaires, à destination d’un pays non membre de l’Union européenne, ainsi que leurs moyens de transport, aux frais du propriétaire, du destinataire, de l’exportateur ou, à défaut, de toute personne qui participe à l’opération de transit. »
II. – L’article 427 du même code est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Tout transport sur le territoire douanier de biens à double usage civil et militaire non communautaires, à destination d’un pays non membre de l’Union européenne, en violation des interdictions ou des autorisations visées à l’article 6 du règlement (CE) n° 428/2009 du Conseil, du 5 mai 2009, instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens à double usage. »
III. – Le chapitre III du titre II du même code est complété par un article 59 sexies ainsi rédigé:
« Art. 59 sexies. – Les agents de la direction générale des douanes et droits indirects et les agents de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services peuvent se communiquer sur demande ou spontanément tous les renseignements et documents détenus ou recueillis à l’occasion de leurs missions respectives, notamment à l’occasion du contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens à double usage. » – (Adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX INFRACTIONS RELATIVES À LA PROLIFÉRATION DES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE ET DE LEURS VECTEURS
Article 15
(Non modifié)
Le livre IV du code de procédure pénale est complété par un titre XXXII ainsi rédigé :
« TITRE XXXII
« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX INFRACTIONS RELATIVES À LA PROLIFÉRATION D’ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE ET DE LEURS VECTEURS
« Art. 706-167. – La procédure applicable à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des crimes et des délits suivants ainsi que des infractions connexes est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre :
« 1° Les infractions relatives aux matières et aux armes nucléaires et aux biens connexes aux matières nucléaires prévues par les 1° et 2° du I de l’article L. 1333-9 et les articles L. 1333-11, L. 1333-13-1, L. 1333-13-2, L. 1333-13-3, L. 1333-13-4, L. 1333-13-5, L. 1333-13-6 et L. 1333-14 du code de la défense ;
« 2° Les infractions relatives aux armes biologiques ou à base de toxines prévues par les articles L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4 et L. 2341-5 du même code ;
« 3° Les infractions relatives aux armes et produits chimiques prévues par les articles L. 2342-57 à L. 2342-61 du même code ;
« 4° Les infractions relatives à la prolifération des vecteurs d’armes de destruction massive prévues par les articles L. 2339-14, L. 2339-15 et L. 2339-16 du même code ;
« 5° Les délits de contrebande, d’importation ou d’exportation prévus aux deuxième et troisième alinéas de l’article 414 du code des douanes, lorsqu’ils portent sur des biens à double usage, civil et militaire ;
« 6° Les infractions de livraison d’informations à une puissance étrangère prévues par les articles 411-6 à 411-8 du code pénal lorsque ces infractions sont en relation avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 5° du présent article ;
« 7° Le délit de participation à une association de malfaiteurs prévu par l’article 450-1 du code pénal lorsqu’il a pour objet de préparer l’une des infractions susvisées.
« Le présent titre est également applicable à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions susvisées commises à l’étranger lorsque la loi française est applicable en vertu de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre Ier du code pénal.
« Section 1
« Compétence
« Art. 706-168. – Pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-167, le procureur de la République, le juge d’instruction, le tribunal correctionnel et la cour d’assises de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 382 et 702.
« En ce qui concerne les mineurs, le procureur de la République, le juge d’instruction, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite et l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-167, le procureur de la République et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national.
« L’instruction des actes de financement de la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs définis par les articles L. 1333-13-5, L. 2339-15, L. 2341-2 et L. 2341-4 et le quatrième alinéa de l’article L. 2342-60 du code de la défense peut être confiée, le cas échéant dans les conditions prévues à l’article 83-1 du présent code, à un magistrat du tribunal de grande instance de Paris affecté aux formations d’instruction spécialisées en matière économique et financière en application du dernier alinéa de l’article 704.
« Art. 706-169. – Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris peut, pour les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-167, requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction de Paris. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction ; l’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.
« L’ordonnance par laquelle le juge d’instruction se dessaisit ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours prévu par l’article 706-173 ; lorsqu’un recours est exercé en application de cet article, le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation soit porté à sa connaissance.
« Dès que l’ordonnance est devenue définitive, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République de Paris.
« Le présent article est applicable devant la chambre de l’instruction.
« Art. 706-170. – Lorsqu’il apparaît au juge d’instruction de Paris que les faits dont il a été saisi ne constituent pas une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-167 et ne relèvent pas de sa compétence à un autre titre, ce magistrat se déclare incompétent, soit sur requête du procureur de la République, soit, après avis de ce dernier, d’office ou sur requête des parties. Celles des parties qui n’ont pas présenté requête sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations ; l’ordonnance est rendue au plus tôt huit jours après cet avis.
« Le deuxième alinéa de l’article 706-169 est applicable à l’ordonnance par laquelle le juge d’instruction de Paris se déclare incompétent.
« Dès que l’ordonnance est devenue définitive, le procureur de la République de Paris adresse le dossier de la procédure au procureur de la République territorialement compétent.
« Le présent article est applicable lorsque la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris statue sur sa compétence.
« Art. 706-171. – Lorsque le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants de Paris se déclare incompétent pour les motifs prévus par l’article 706-170, il renvoie le ministère public à se pourvoir ainsi qu’il avisera ; il peut, le ministère public entendu, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu.
« Art. 706-172. – Dans les cas prévus par les articles 706-169 à 706-171, le mandat de dépôt ou d’arrêt conserve sa force exécutoire ; les actes de poursuite ou d’instruction et les formalités intervenus avant que la décision de dessaisissement ou d’incompétence soit devenue définitive n’ont pas à être renouvelés.
« Art. 706-173. – Toute ordonnance rendue sur le fondement des articles 706-169 ou 706-170 par laquelle un juge d’instruction statue sur son dessaisissement ou le juge d’instruction de Paris statue sur sa compétence peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, à la chambre criminelle de la Cour de cassation qui désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d’instruction chargé de poursuivre l’information. Le ministère public peut également saisir directement la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans le délai d’un mois prévu au premier alinéa de l’article 706-169.
« La chambre criminelle qui constate que le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris n’est pas compétent peut néanmoins, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, décider que l’information sera poursuivie à ce tribunal.
« L’arrêt de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d’instruction et du ministère public ; il est signifié aux parties.
« Le présent article est applicable à l’arrêt rendu sur le fondement du dernier alinéa des articles 706-169 et 706-170 par lequel une chambre de l’instruction statue sur son dessaisissement ou sa compétence.
« Section 2
« Procédure
« Art. 706-174. – Pour le jugement des accusés majeurs, les règles relatives à la composition et au fonctionnement de la cour d’assises sont fixées par l’article 698-6.
« Art. 706-175. – L’action publique des crimes mentionnés à l’article 706-167 se prescrit par trente ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour l’un de ces crimes se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.
« L’action publique relative aux délits mentionnés à l’article 706-167, lorsqu’ils sont punis de dix ans d’emprisonnement, se prescrit par vingt ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour ces délits se prescrit par vingt ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive. » – (Adopté.)
Article 16
(Non modifié)
Le même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 78-2-2, après les mots : « des infractions en matière » sont insérés les mots : « de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs visées aux 1° et 2° du I de l’article L. 1333-9, à l’article L. 1333-11, au II de l’article L. 1333-13-3, au II de l’article L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense, » ;
2° Après le 17° de l’article 706-73, tel qu’il résulte de la loi n°2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer, il est inséré un 18° ainsi rédigé :
« 18° Crimes et délits punis de dix ans d’emprisonnement, contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs entrant dans le champ d’application de l’article 706-167. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 706-75, après les mots : « à l’exception du 11° », sont insérés les mots : « et du 18° » ;
4° Au premier alinéa de l’article 706-75-1, après les mots : « à l’exception du 11° », sont insérés les mots : « et du 18° » ;
5° Au dernier alinéa de l’article 706-75-1, après les mots : « à l’exception du 11° », sont insérés les mots : « et du 18° » ;
6° À la première phrase du premier alinéa de l’article 706-77, après les mots : « à l’exception du 11° », sont insérés les mots : « et du 18° ». – (Adopté.)
TITRE V
DES INFRACTIONS RELATIVES À LA PROLIFÉRATION DES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE ET DE LEURS VECTEURS COMME ACTE DE TERRORISME
Article 17
(Non modifié)
Le 4° de l’article 421-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« 4° Les infractions en matière d’armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par le I de l’article L. 1333-9, les articles L. 1333-11 et L. 1333-13-2, le II de l’article L. 1333-13-3, le II de l’article L. 1333-13-4, les articles L. 1333-13-6, L. 2339-2, L. 2339-5, L. 2339-8 et L. 2339-9 à l’exception des armes de la 6e catégorie, L. 2339-14, L. 2339-16, L. 2341-1, L. 2341-4, L. 2341-5, L. 2342-57 à L. 2342-62, L. 2353-4, le 1° de l’article L. 2353-5 et l’article L. 2353-13 du code de la défense ; ». – (Adopté.)
TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 18
(Suppression maintenue)
Article 19
(Non modifié)
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa du I de l’article L. 2339-2, les mots : « du délinquant » sont remplacés par les mots : « de l’auteur de l’infraction » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 2342-18 est supprimé. – (Adopté.)
Article 20
(Non modifié)
I. – La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République, à l’exception de son article 14.
II. – Après le premier alinéa de l’article 282 du code des douanes de Mayotte il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La peine d’emprisonnement est portée à une durée maximale de cinq ans et l’amende peut aller jusqu’à trois fois la valeur de l’objet de fraude lorsque les faits de contrebande, d’importation ou d’exportation portent sur des biens à double usage, civil et militaire, dont la circulation est soumise à restriction par la réglementation européenne. »
III. – Après le premier alinéa de l’article 414 du code des douanes applicable à Wallis-et-Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La peine d’emprisonnement est portée à une durée maximale de cinq ans et l’amende peut aller jusqu’à trois fois la valeur de l’objet de fraude lorsque les faits de contrebande, d’importation ou d’exportation portent sur des biens à double usage, civil et militaire, dont la circulation est soumise à restriction par la réglementation européenne. »
IV. – Après le deuxième alinéa de l’article 414 du code des douanes applicable en Polynésie française, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La peine d’emprisonnement est portée à une durée maximale de cinq ans et l’amende peut aller jusqu’à trois fois la valeur de l’objet de fraude lorsque les faits de contrebande, d’importation ou d’exportation portent sur des biens à double usage, civil et militaire, dont la circulation est soumise à restriction par la réglementation européenne. »
V. – Le livre VI du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le chapitre XI du titre Ier est complété par un article 866-2 ainsi rédigé :
« Art. 866-2. – Au 5° de l’article 706-167, la référence : “aux deuxième et troisième alinéas de l’article 414 du code des douanes” est remplacée, en Nouvelle-Calédonie, par la référence : “aux deuxième et troisième alinéas de l’article 414 du code des douanes applicable en Nouvelle-Calédonie”, en Polynésie française, par la référence : “aux troisième et quatrième alinéas de l’article 414 du code des douanes applicable en Polynésie française”, et à Wallis-et-Futuna, par la référence : “aux deuxième et troisième alinéas de l’article 414 du code des douanes applicable à Wallis-et-Futuna”. » ;
2° Le chapitre VIII du titre II est complété par un article 900-1 ainsi rédigé :
« Art. 900-1. – Au 5° de l’article 706-167, la référence : “aux deuxième et troisième alinéas de l’article 414 du code des douanes” est remplacée par la référence : “à l’article 282 du code des douanes de Mayotte”. » ;
3° Le titre III est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« De quelques procédures particulières
« Art. 934-3. – Au 5° de l’article 706-167, la référence : “aux deuxième et troisième alinéas de l’article 414 du code des douanes” est remplacée par la référence : “aux deuxième et troisième alinéas de l’article 414 du code des douanes applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon”. – (Adopté.)
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
8
Contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre
Adoption d'un projet de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité (projet n° 70, texte de la commission n° 307 rapport n° 306).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes aujourd’hui dans un monde imprévisible, en même temps que nous avons à faire face à des contraintes budgétaires croissantes. L’Europe doit être en mesure de développer ses capacités militaires dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune. La construction d’un marché européen pour les équipements de défense est donc indispensable.
En transposant les directives sur les transferts intracommunautaires de produits liés à la défense et sur la coordination des procédures de passation de marchés des travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui permet deux avancées en ce sens.
La première avancée consiste à fluidifier les échanges intracommunautaires et à harmoniser les modalités de contrôle étatique.
Pour les entreprises – certaines sont importantes, mais nombre d’entre elles sont beaucoup plus petites ! –, il s’agit de réduire les coûts et les incertitudes juridiques liés à l’actuelle hétérogénéité des régimes nationaux dans le domaine des procédures de contrôle, des champs d’application et des délais d’autorisation. Je rappelle, en effet, que le marché européen des produits liés à la défense est aujourd’hui fragmenté en vingt-sept régimes de contrôle nationaux.
Pour les États membres, il s’agit de garantir la sécurité d’un approvisionnement d’origine européenne, j’y insiste, pour répondre aux besoins opérationnels de leurs forces.
En ce qui concerne les transferts intracommunautaires, le texte prévoit d’instaurer un principe de liberté encadrée du commerce et de l’industrie et donc de supprimer le dispositif des autorisations d’importation et de transit. Le nouveau cadre juridique, harmonisé, reposera sur un dispositif de contrôle à la fois a priori et a posteriori, par le biais de trois types de licences de transfert : individuelle, globale et générale.
Au-delà des transferts intracommunautaires, nous avons profité de la transposition de la directive pour rénover notre dispositif national de contrôle des importations et des exportations, qui repose sur des principes datant de 1939 ! Vous comprendrez qu’une actualisation était souhaitable !
Le projet de loi prévoit ainsi de remplacer l’actuel système de double autorisation – agrément préalable pour négocier et signer un contrat, d’une part, et autorisation d’exportation, d’autre part – par une licence unique, qui fusionnera ces deux autorisations, et ce dans un esprit de simplification administrative et d’harmonisation avec les procédures en vigueur chez la plupart de nos partenaires.
Par ailleurs, il crée une licence générale d’exportation, utilisable à destination de pays jugés suffisamment sûrs et limitativement désignés par un arrêté.
Il prévoit également la mise en place d’un mécanisme de qualification des entreprises souhaitant utiliser des licences générales d’exportation et de certification des entreprises souhaitant recevoir des produits liés à la défense, afin de vérifier la fiabilité de leur organisation interne.
Il prévoit enfin la création d’un dispositif de contrôle a posteriori, avec la mise en place d’un comité ministériel du contrôle, qui impliquera plusieurs services du ministère de la défense dans les opérations de contrôle des entreprises sur pièce et sur place. C’est tout le sens des amendements gouvernementaux qui ont été présentés en commission.
Ces amendements introduisent trois éléments nouveaux : l’habilitation des agents du ministère de la défense chargés du contrôle, l’obligation pour les entreprises de permettre l’accès de ces personnels habilités et une demande d’avis du ministre de la défense, préalablement à tout acte de poursuite envisagé.
Naturellement, un haut niveau de sécurité sera maintenu, toute autorisation pouvant être suspendue, modifiée, abrogée ou retirée, notamment dans le cas d’un changement rapide et brutal du contexte international.
La seconde avancée de ce projet de loi consiste à contribuer à l’harmonisation de la législation communautaire pour favoriser le développement d’une concurrence plus loyale au sein de l’Union européenne et introduire plus de transparence dans les marchés passés par les autres États membres. Tel est l’objet de la directive du 13 juillet 2009 concernant les marchés de défense et de sécurité, qui vise notamment à limiter l’utilisation massive par certains États membres de l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le TFUE, permettant de soustraire des achats d’armement à la concurrence. Vous l’aurez compris, il s’agit de lutter contre le protectionnisme des pays qui ôtaient à nos entreprises l’idée même d’accéder à leurs marchés.
Pour autant, l’ouverture des marchés qu’organise cette directive est maîtrisée. Le texte conserve naturellement la possibilité d’exclure les marchés sensibles. Il continue également à écarter tout programme de recherche cofinancé avec d’autres États européens, ainsi que ses phases ultérieures. Chaque État a ainsi la possibilité de conserver un système spécifique.
Enfin, il prévoit de larges possibilités de sélection des soumissionnaires, sur le fondement d’exigences relatives à la sécurité d’approvisionnement, en particulier sur la base de la localisation des activités sur le territoire de l’Union européenne.
Bien que cette ouverture soit maîtrisée, elle a pour objet de renforcer, promouvoir et développer une base industrielle et technologique de défense européenne.
Le projet de loi qui vous est aujourd’hui présenté rassemble des dispositions législatives souvent très techniques qui doivent être adoptées pour satisfaire aux exigences de transposition de la directive en droit français, sachant que l’essentiel de la transposition se fera ensuite par voie réglementaire.
Il a, d’abord, pour objet de modifier l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, afin d’assurer la cohérence de ses dispositions avec celles du code des marchés publics. Cette modification permet, en outre, la prise en compte de la définition communautaire de la sous-traitance et l’introduction des mesures nécessaires pour fermer certains marchés aux opérateurs économiques non ressortissants de l’Union européenne.
Il vise, ensuite, à modifier le code de justice administrative pour y insérer les dispositions relatives aux recours prévues par la directive Marchés publics de défense et de sécurité.
Le texte initial proposé par le Gouvernement était sans doute perfectible, et nous avons accueilli avec beaucoup d’enthousiasme la proposition du président de Rohan de travailler ensemble à l’amélioration de celui-ci, tirant ainsi profit de la réforme constitutionnelle. Sur la base de débats fructueux et constructifs avec les services du ministère, mais aussi avec les industriels de la défense, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a élaboré un amendement qui a reçu le plein soutien du Gouvernement. La nouvelle rédaction de l’article 5, qui résulte de l’adoption de cet amendement en commission, exploite au mieux les différentes possibilités qu’offre la directive d’encadrer les modalités d’ouverture des marchés à la concurrence.
Sans aller jusqu’à affirmer clairement une préférence communautaire, qui ne serait pas conforme, chacun ici le sait, au droit communautaire, le texte s’appuie sur la directive pour permettre aux services acheteurs de définir si un marché est ouvert ou non à la concurrence extracommunautaire. Le service acheteur peut fonder sa décision sur l’analyse d’un ensemble de critères, explicités dans le projet de loi, parmi lesquels figurent les impératifs de sécurité d’information d’approvisionnement, la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l’État, l’intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, les objectifs de développement durable, toujours bienvenus en l’espèce, et chers à Mme Voynet, ainsi que les exigences de réciprocité.
Le texte donne également les moyens aux services acheteurs d’écarter une offre ou un candidat dont les capacités techniques ne seraient pas à niveau pour exécuter le marché ou pour assurer la maintenance des équipements faisant l’objet du marché. Ces capacités techniques peuvent notamment être appréciées au regard de l’implantation géographique de l’équipement technique, du personnel ou encore des sources d’approvisionnement dont dispose le candidat.
Ainsi, en s’appuyant sur des exigences relatives à la sécurité de l’information et à la sécurité des approvisionnements, les services acheteurs peuvent vérifier la pertinence de l’ensemble des composantes d’une offre, en particulier les capacités techniques des sous-traitants utilisés. Nous nous dotons donc ici d’un dispositif de nature à écarter ce que l’on appelle, dans ces échanges commerciaux et industriels bien spécifiques, les « faux nez ».
Au terme du processus de transposition de ces deux directives, adoptées par le Conseil et le Parlement européen lorsque la France assurait la présidence de l’Union européenne, nous avons atteint, je le pense profondément, un bon équilibre entre l’ouverture à la concurrence européenne de nos marchés de défense et la protection des intérêts de notre base industrielle de défense.
Je tiens donc à saluer de nouveau le travail remarquable accompli par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, avec laquelle nous travaillons dans un parfait esprit de confiance et de dialogue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons l’occasion, avec ce projet de loi, de franchir une étape essentielle dans la construction de l’Europe de la défense que les Français appellent de leurs vœux. Je compte sur votre soutien pour adopter ce texte, qui est au service des industries de défense de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. André Trillard. Vous l’aurez !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Monsieur le ministre, permettez-moi de joindre mes félicitations à celles que mes collègues vous ont déjà adressées lors de la précédente discussion.
Je vous présente tous mes vœux de réussite dans votre mission, et je veux vous dire que nous croyons en vous pour poursuivre la coopération confiante que nous avons eue avec vos prédécesseurs.
M. Jean-Louis Carrère. Le prédécesseur immédiat !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Le Parlement européen et le Conseil ont adopté en 2009 le « paquet défense », qui est un ensemble formé de deux directives et d’une communication de la Commission européenne de 2007 intitulée : « Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive. »
Les deux directives sont la directive 2009/43/CE du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté, plus communément dénommée Transferts intracommunautaires, ou TIC, et la directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE, plus communément dénommée Marchés publics de défense et de sécurité, ou MPDS.
La communication de 2007 pose l’équation fondatrice selon laquelle la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, rebaptisée par le traité de Lisbonne « politique de sécurité et de défense commune », la PSDC, ne peut se passer d’une BITDE – base industrielle et technologique de défense – forte et que seule une BITDE compétitive peut donner à l’Europe les moyens de concevoir et de fabriquer des équipements de défense de manière autonome et à un coût abordable.
La directive de mai 2009, qui simplifie les conditions des transferts de produits liés à la défense au sein de l’espace économique européen, doit être transposée avant le 30 juin 2011.
La directive de juillet 2009, qui harmonise les règles émanant des codes de marchés publics des États membres pour permettre une meilleure transparence et de meilleures conditions de concurrence dans le processus d’achat des équipements de défense, doit être transposée avant le 21 août 2011.
Ensemble, ces textes marquent un tournant par rapport au régime dérogatoire des règles du marché unique qui régit la production et l’achat d’armement.
Ce régime, fondé sur l’article 296 du traité des Communautés européennes, devenu le nouvel article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le TFUE, permet à chaque État d’éviter de recourir à la concurrence chaque fois qu’il estime que ses intérêts essentiels en matière de sécurité sont en jeu. L’interprétation extensive qui en avait été faite avait permis à certains États européens de mettre leurs industries de défense à l’abri de toute concurrence européenne.
Cette utilisation abusive avait conduit à fermer des marchés civils sous prétexte de la préservation des intérêts de sécurité, ce qui avait fait naître un contentieux devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Face au risque d’extension jurisprudentielle du domaine de la libre concurrence, les industriels européens ont milité en faveur d’une réglementation plus claire. C’est ce qui a donné naissance aux directives du paquet défense, qui ont été finalisées pendant la présidence française de l’Union européenne, au second semestre 2008.
Si le droit issu des négociations préserve la spécificité des marchés de défense et de sécurité d’une application mécanique des règles du marché, il n’impose pas formellement une clause de préférence communautaire, ainsi que vous l’avez indiqué, monsieur le ministre.
Pourtant, l’émergence d’une authentique BITDE suppose l’existence d’une préférence communautaire à l’égard des opérateurs économiques de pays tiers au grand marché et de l’application du principe de réciprocité entre États européens à l’intérieur du grand marché.
C’est dire l’importance de cette transposition. En tant que législateurs, il nous revient de trouver un juste équilibre entre, d’une part, une salutaire ouverture à la concurrence, qui stimulera l’innovation, améliorera la compétitivité des entreprises et permettra aux États de réduire les coûts d’acquisition des biens d’équipement et, d’autre part, une trop grande ouverture, qui détruirait bon nombre d’entreprises et nous rendrait trop dépendants d’armes fabriquées par d’autres pour assurer notre propre défense.
De ce point de vue, le texte qui nous était proposé par le Gouvernement nous a semblé perfectible et la commission a effectué une modification de l’article 5 du projet de loi, en introduisant le nouvel article 37-2 de l’ordonnance du 6 juin 2005.
Je souhaiterais, dans le cadre de cette discussion générale, formuler un certain nombre d’observations.
Premièrement, la production et le commerce des armes de guerre et de leurs munitions ne pourront jamais être considérés comme une production et un commerce ordinaires.
M. Gérard Longuet, ministre. Effectivement !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Forger des armes de guerre pour les armées n’est pas produire des biens de consommation pour le public. En autoriser l’exportation est un acte politique. Importer des armes suppose d’avoir confiance en l’État qui les fournit et en la volonté de celui-ci de poursuivre les approvisionnements si le pire devait se produire.
Un État peut être souverain sans pour autant produire d’armes, mais aucun État souverain digne de ce nom ne peut rester indifférent à la production ni au commerce des armes de ses armées.
Du reste, la question se pose : un État peut-il disposer d’une défense crédible sans base industrielle et technologique de défense, ou BITD, autonome ? À nos yeux, celle-ci constitue l’une des conditions de notre indépendance.
D’autres pays, en Europe ou ailleurs, ont apporté à cette question une réponse plus nuancée, soit qu’ils n’aient pas les moyens d’entretenir une telle base, soit qu’ils s’en remettent à des États tiers pour se procurer les armements dont ils ont besoin, soit, enfin, qu’ils estiment que leurs alliances, notamment l’OTAN, assureront à leur place leur défense.
Il est pourtant évident que l’industrie de défense est l’un des moteurs de la recherche, du développement économique et de l’emploi dans tous les pays qui en possèdent une.
La recherche et développement, la R&D, en matière de défense est particulièrement innovante. C’est, par construction, une R&D de « rupture », puisqu’il s’agit de réaliser des armes procurant un avantage décisif sur les autres et, donc, de mettre en œuvre des technologies qui n’existent pas encore.
Elle s’oppose en cela à la R&D civile, qui est plus souvent « incrémentale ». C’est pour cette raison que la R&D militaire est stratégiquement importante et que les programmes d’armement sont, en règle générale, plus longs et plus coûteux que prévu.
Beaucoup d’innovations sont issues de la R&D militaire et profitent à l’ensemble de l’économie, ce qui conduit souvent les pays importateurs d’armes de guerre à demander des compensations industrielles, ou offsets, afin d’acquérir des compétences industrielles qu’ils n’ont pas et qu’ils recherchent dans des secteurs jugés par eux stratégiques.
Deuxièmement, la présente transposition permet une indéniable modernisation de notre droit. La directive TIC, comme la plupart des directives européennes, laisse une marge de manœuvre importante aux pouvoirs législatifs nationaux. Celle-ci peut être utilisée pour réexaminer la législation nationale, moderniser les procédures et se débarrasser des archaïsmes en s’inspirant des meilleures pratiques européennes. C’est ce qu’a fait le Gouvernement dans le cadre de cette transposition, en remettant à plat le système législatif actuel et en lui substituant un nouveau dispositif beaucoup plus efficace, ainsi qu’en simplifiant les procédures d’autorisation et en instituant un contrôle a posteriori efficace.
Il nous faut combiner une réforme de ces procédures avec le strict respect du texte de la directive, de manière à assurer la sécurité juridique de la transposition.
Nous observons aussi que les directives du paquet défense ont été élaborées avant la crise financière. On peut y voir l’avancée d’une Europe de la défense davantage orientée vers les marchés que vers les États, reflétant la théorie anglaise dite de la best value for money. Ces directives n’auraient-elles pour seul effet que de nous permettre d’acquérir nos armes à moindre coût, un tel avantage ne serait pas à dédaigner dans un contexte budgétaire contraint.
Mais à eux seuls, ces textes ne permettront pas de réaliser l’Europe de la défense. La logique qui les sous-tend devrait permettre de disposer de bases équitables de concurrence entre industriels européens, ce qui ne suffira pourtant pas à construire une BITD européenne forte et autonome.
Il faudrait pour ce faire non seulement l’affirmation de la préférence communautaire et la régulation des conditions de marché, c’est-à-dire une politique de l’offre, mais aussi une politique de la demande qui suppose l’harmonisation, d’une part, des besoins et des programmations par les états-majors des pays de l’Union et, d’autre part, de l’effort de défense dans chacun des pays qui la composent.
La force de l’industrie américaine vient de ce qu’elle dispose d’un marché intérieur qui est non seulement protégé par le Buy American Act, mais également vaste et profond. Or la dimension du marché américain des armements dépend tant de l’importance des sommes qui y sont consacrées que de l’uniformisation des besoins au sein d’une même armée.
Les industriels américains fabriquent des blindés, des frégates et des avions de combat pour répondre aux besoins d’un seul État fédéré, à la différence de ce qui se passe en Europe.
La puissance de leur industrie, comme de leur R&D, leur permet de s’assurer des avantages incomparables à l’exportation et de concurrencer durement leurs compétiteurs européens sur les marchés mondiaux.
Tant que l’Europe ne sera pas capable d’harmoniser la demande, de mettre fin à la segmentation de ses industries de l’armement ou d’organiser une coopération efficace entre ses entreprises de défense, la lutte demeurera inégale.
C’est assez dire que le préalable à la réalisation de l’Europe de la défense est une volonté politique forte des États membres. La coopération franco-britannique initiée par les traités signés à Londres en novembre dernier marque véritablement une nouvelle étape dans la construction d’une Europe de la défense.
Elle constitue une approche très différente des précédentes en ce qu’elle réalise une véritable rupture par la substitution, d’une part, d’une démarche pragmatique et concrète à une architecture globale et mal assurée et, d’autre part, de programmes d’équipement précis et financés à des velléités ou des réalisations minces.
Elle peut être le prélude aux coopérations renforcées prévues par le traité de Lisbonne qui, seules, sont susceptibles de faire progresser la PSDC, la politique de sécurité et de défense commune, et lui donner de la consistance.
Monsieur le ministre, peut-être pourrez-vous nous dire ce que vous pensez de l’initiative germano-suédoise, qui propose la mise en commun et le partage dans le domaine de l’armement au sein de l’Union européenne, ou des suites données à la lettre qui a été adressée par votre prédécesseur et ses homologues allemand et polonais à la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ?
Le texte dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande l’adoption ne crée pas une révolution dans le domaine des industries de défense européennes. Il représente une étape importante et indispensable dans la réalisation d’une véritable BITD. Il ouvre des perspectives et autorise des espoirs : puisse-t-il permettre de déboucher rapidement sur des projets mobilisateurs et crédibles !
Avant de conclure, je veux souligner l’excellente qualité de l’étude d’impact qui accompagne le texte transmis par le Gouvernement, ainsi que la grande diligence et efficacité de l’ensemble des services de l’État concernés pour répondre aux demandes d’information et d’explication que nous avons formulées.
Je tiens à féliciter notre collègue député Yves Fromion, auteur d’un rapport remarqué sur la directive Transferts intracommunautaires, et à remercier notre collègue sénateur Daniel Reiner, qui a su éclairer utilement les travaux de notre commission sur la directive Marchés publics de défense et de sécurité.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que j’ai l’honneur de présider, vous recommande, mes chers collègues, d’adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi intervient à un moment où l’actualité nous rappelle cruellement la place importante que tiennent l’industrie de l’armement et le commerce des armes de guerre dans les relations internationales, sans même évoquer le marché des avions-ravitailleurs de l’armée américaine, qui, échappant à EADS, est finalement revenu à Boeing.
Que ce soit en Tunisie, en Égypte, ou récemment en Libye, la question de nos ventes d’armes de toute nature à ces pays est un sujet qui compte pour appréhender et analyser les situations.
Concernant la Libye, il est évident qu’il y a un lien direct de responsabilité entre l’utilisation d’armes conventionnelles ou d’avions par le colonel Kadhafi pour réprimer son peuple dans le sang et la vente de ces matériels par notre pays.
M. Jacques Gautier. Cela n’a aucun rapport avec le texte !
Mme Michelle Demessine. Cette question est l’un des deux grands sujets abordés dans le texte que nous examinons aujourd’hui. En effet, il s’agit de transposer dans notre droit interne deux directives européennes, c’est-à-dire d’y adapter notre législation nationale.
La première directive traite précisément du contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre dans l’espace européen. La seconde vise à harmoniser les procédures des marchés publics dans le domaine de la défense.
Cette dernière est l’illustration parfaite du dogmatisme ultralibéral de la Commission européenne. Celle-ci a ainsi trouvé le moyen, avec l’accord des États membres – dont notre pays –, de rendre totalement inopérant l’article 346 du traité de fonctionnement de l’Union européenne, communément appelé traité de Lisbonne, qui, je le rappelle, permet à un État de préserver ses intérêts essentiels de sécurité lorsqu’il les estime menacés.
Sous prétexte de réduire le coût d’achat de nos armements et d’accroître la compétitivité de nos industries, nous devrions accepter une ouverture totale de nos marchés de défense, y compris hors de l’espace européen, et ce sans aucune garantie de réciprocité !
Je n’insisterai pas sur les dangers – tout le monde les a à l’esprit – que comporte la transcription de cette directive pour la construction de l’Europe de la défense, dont la perspective s’éloignera encore plus.
Nous pouvons voir là très clairement non seulement le résultat des pressions des lobbies européens pro-atlantistes, mais aussi une conséquence de notre réintégration sans condition dans le commandement militaire de l’OTAN. Nous savons en effet que cette ouverture à une concurrence débridée profitera essentiellement à l’industrie de défense la plus puissante, car les États-Unis – soyons sans illusions, mes chers collègues –, poursuivront leur politique protectionniste, comme le montre le tout récent exemple des avions-ravitailleurs.
Toutefois, il faut souligner la volonté et les tentatives de M. le président de notre commission pour trouver une solution juridique sous la forme d’une préférence communautaire souple, qui permettrait de limiter cette ouverture totale.
Je consacrerai l’essentiel de mon propos à la première directive. Celle-ci, selon le jargon technocrato-commercial, vise à fluidifier le commerce des biens de défense dans l’espace européen, pour améliorer la compétitivité à l’exportation des entreprises d’armement.
Elle propose pour cela d’harmoniser et, surtout, de simplifier les procédures. En réalité, il s’agit d’alléger les contrôles sur les importations et les exportations de matériels de guerre en Europe. Si cette démarche peut à la rigueur se comprendre dans l’espace de l’Union européenne, encore que tous les pays ne soient pas au même niveau en matière de déontologie et de contrôle des matériels de guerre, tel n’est pas le cas pour les exportations hors de l’Union.
Pourtant, alors que rien dans la directive ne nous obligeait à le faire, le Gouvernement a choisi, à l’occasion de la transposition, de réformer également le régime d’autorisation et de contrôle des exportations vers les États qui ne sont pas membres de l’Union européenne.
J’ai de sérieuses réserves sur cette façon de procéder. En effet, le double niveau d’autorisation que constituaient l’agrément préalable et l’autorisation d’exportation est supprimé, pour être remplacé par un système de licence unique, tel qu’il existe dans d’autres pays européens.
Concrètement, cela revient à remplacer un système de contrôle a priori, qui – j’en suis consciente – était lourd et lent, par un contrôle a posteriori. Pourtant, l’ancien système pouvait fonctionner efficacement, même utilisé in extremis, notamment pour la Tunisie ou l’Égypte. Je suis en revanche sceptique sur les bienfaits du nouveau dispositif.
Au contraire, il aurait fallu renforcer le système de contrôle. En effet, à l’heure actuelle les matériels de guerre exportés peuvent être assez facilement détournés d’un usage habituel et utilisés de façon incontrôlée. Ils peuvent aussi être réexportés vers des zones de conflits. Une telle situation est essentiellement due à un manque d’efficacité, résultat d’une absence de moyens de vérification fiables des contrôles post-exportation.
Il est donc indispensable de mieux contrôler les ventes d’armes, afin que les États soient en mesure de prévenir toute vente risquant de tomber entre les mains d’organisations incontrôlées. En refusant de se doter de ces moyens, les États prendraient aussi le risque de se rendre complices de graves violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire. Plus simplement, ils pourraient ainsi entraver le développement économique et social d’un pays.
Les industriels trouveront certainement des avantages dans la simplification et la souplesse des procédures, ainsi que dans le raccourcissement des délais de délivrance des autorisations.
En revanche, je crains que le respect d’une déontologie rigoureuse en matière d’armements ne souffre de cette plus grande facilité d’obtention des autorisations et de ce contrôle a posteriori.
Comme le souligne fort justement M. de Rohan dans son rapport, « la production et le commerce des armes de guerre ne peuvent être considérés comme une production et un commerce de marchandises ordinaires. »
Il doit y avoir dans tout cela de la morale, sinon une certaine éthique. Cela passe par le respect des valeurs que notre pays prétend promouvoir partout dans le monde, mais aussi par celui des règles internationales auxquelles nous avons souscrit.
Certes, dans ses prises de positions officielles, notre pays ne peut être pris en défaut, puisque nous jouons un rôle important et positif dans de nombreuses instances internationales. Raison de plus pour que nous ne baissions pas la garde à l’occasion de la transposition de cette directive ! Or tel est précisément ce que nous pouvons craindre.
Avec l’exemple de la Libye, on comprend mieux l’exigence d’inscrire ces grands principes dans la loi. Ce qui se passe dans ce pays illustre aussi le décalage existant entre l’affirmation de grands principes, en particulier le respect des droits de l’homme, sur lequel nos gouvernants paraissent souvent arrogants aux yeux des étrangers, et la réalité de la politique étrangère et de défense du Gouvernement.
Ces grands principes avaient été proclamés par le Président de la République. Alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle, il en appelait « à tous ceux qui, dans le monde, croient aux valeurs de la tolérance, de la liberté, de la démocratie, […] à tous ceux qui sont persécutés par les tyrannies et les dictatures ».
Les membres du Gouvernement connaissaient pourtant, comme tout le monde, le vrai visage du pouvoir du colonel Kadhafi. Je ne critique pas le fait que nous entretenions des relations commerciales de toute nature avec ce type de régimes.
Ce que je dénonce, en revanche, monsieur le ministre, c’est que vous ayez continué à afficher vos grands principes et que, dans le même temps, vous vous soyez laissé volontairement leurrer par de tels régimes, au point d’être complaisants avec eux.
Ainsi, il est de notoriété publique que le régime libyen finançait habilement des campagnes de publicité pour vanter les potentialités de son pays et faire miroiter de juteux marchés.
La façon dont le Président de la République avait reçu Kadhafi en France en 2007 est l’illustration caricaturale de votre méthode, qui allie cynisme et défense d’intérêts économiques.
Malgré les mises en garde, y compris celles qui émanaient de nos diplomates sur place, vous avez trop facilement sacrifié vos valeurs à des marchés que vous avez crus fructueux.
Cette invitation en France avait été adressée au guide libyen, sous le prétexte de le remercier de la libération des infirmières bulgares et de le réintégrer au sein de la communauté internationale. En réalité, il s’agissait de vendre des armes à un pays opportunément effacé de la liste du terrorisme et de placer rapidement sur ce marché nos industries de défense, trois ans après la levée de l’embargo de l’Union européenne.
Le Président de la République s’était d’ailleurs prématurément et imprudemment félicité de contrats mirobolants, concernant quatorze Rafale, trente-cinq hélicoptères Tigre, des missiles, un système de communication militaire, des navires...
Au final, on ne saura pas ce qu’il est véritablement advenu de ces commandes, évaluées à dix milliards d’euros, puisque la liste des matériels réellement exportés n’a pas été rendue publique. On sait en tout cas que les contrats pour les quatorze Rafale, les missiles Milan et les centrales nucléaires ne se sont pas concrétisés.
À cet égard, concernant les exportations d’armements, nous avons déposé un amendement visant à apporter une plus grande précision, donc une plus grande transparence, au rapport annuel que le Gouvernement adresse au Parlement.
Monsieur le ministre, la discussion de ce texte peut vous donner l’occasion d’inscrire dans la loi les grands principes dont vous vous revendiquez. Ce serait d’autant plus légitime que la France a déjà affiché ses convictions en adoptant des positions fortes sur cette question, en particulier à l'échelle européenne.
Ainsi, lors de la présidence française, elle a joué un rôle important pour faire adopter par l’ensemble des autres pays membres une position commune particulièrement novatrice.
Les critères fixés pour que les États membres accordent des autorisations d’exportation permettraient, s’ils étaient strictement respectés, d’exercer un contrôle efficace.
Notre pays joue également un rôle déterminant dans le cadre des négociations en cours relatives à un traité sur le commerce des armes.
M. Gérard Longuet, ministre. Tout à fait !
Mme Michelle Demessine. Dès lors, pourquoi ne pas transcrire concrètement dans notre droit national l’esprit des critères de cette position commune et les principes que nous proclamons dans les instances internationales ? Cela aurait le mérite d’être clair !
Au total, monsieur le ministre, votre texte n’intègre pas suffisamment dans notre législation les engagements que nous avons pris à l'échelle européenne en matière de contrôle des armes conventionnelles. Il ne permet pas non plus d’atteindre le niveau de transparence nécessaire dans l’exercice de ce contrôle.
Au vu de l’ensemble de ces observations, notre groupe votera contre ce texte, car, plus largement, au-delà des considérations techniques et juridiques complexes de cette transposition, nous estimons que l’ouverture totale des marchés de l’armement à la concurrence est pleine de périls. Le commerce des armes ne peut être soumis au dogme de la libre circulation des marchandises, ni à celui de la concurrence libre et non faussée. En effet – nous le savons par expérience, pour l’avoir vécu dans bien d’autres domaines –, plus cette logique est appliquée concrètement, plus la maîtrise démocratique recule et plus les valeurs humaines sont mises à mal.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Pentagone vient d’en décider, Boeing souffle à EADS le contrat géant – 35 milliards de dollars – des 179 avions-ravitailleurs de l’armée de l’air américaine.
Le résultat était si peu attendu que le représentant démocrate de l’État de Washington, où se trouvent – précisément à Seattle – les usines Boeing, M. Jay Inslee, avait déjà dénoncé, par erreur il est vrai, une « décision néfaste » et appelé à sa remise en cause !
Faut-il s’en étonner ? Pour un marché de défense de cette importance, le réflexe protectionniste a joué au plus haut niveau. Comme l’a justement fait remarquer le président de la commission, M. Josselin de Rohan, le jeu n’est pas égal entre les deux rives de l’Atlantique : « Il n’y a pas d’équivalent en Europe du Buy American Act. La disproportion des moyens consacrés à la recherche […] constitue un handicap majeur. Les règles américaines sont telles qu’il est même difficile de vendre un avion de transport aux Américains, puisqu’il faut disposer sur le sol américain de filiales totalement contrôlées par des ressortissants américains, c’est la règle dite des proxy boards, en plus de déployer sa production sur place… » Je cesse de citer M. de Rohan, car, si je poursuivais, j’aurais l’impression de lui donner la possibilité de s’exprimer deux fois ! (Sourires.)
Tel est donc le moment que choisit le Gouvernement pour présenter au Parlement un projet de loi visant à transposer deux directives européennes d’esprit fondamentalement libéral. La seconde, surtout, visant les marchés de défense, tend à restreindre l’utilisation de l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ex-article 296 du traité sur les Communautés européennes.
Or, je le rappelle, c’est cet article qui permet à chaque État d’éviter de recourir à la concurrence chaque fois que ses intérêts essentiels en matière de sécurité sont en jeu.
On croit donc rêver, monsieur le ministre, d’autant que la directive MPDS, Marchés publics de défense et de sécurité, ne fait nullement mention d’une préférence communautaire !
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Tout commence par une communication de la Commission européenne, dont l’inspiration libre-échangiste n’est plus à démontrer, faite le 5 décembre 2007, donc avant la crise financière.
La présidence française de l’Union européenne, au second semestre de 2008, a cru bon d’aller dans le même sens, sous le prétexte qu’un marché unique de l’armement permettrait de renforcer la « base industrielle et technologique de défense européenne ».
Sur ce, la Commission a publié deux directives : l’une, du 6 mai 2009, sur les transferts intracommunautaires, qui ne pose pas de problèmes essentiels, car elle vise essentiellement à la simplification des procédures ; l’autre, du 13 juillet 2009, communément appelée MPDS. La transposition de cette deuxième directive soulève des interrogations majeures.
Tout d’abord, l’enfer est pavé de bonnes intentions : sous prétexte d’ouvrir aux industries de défense françaises les marchés européens, qui ne représentent que 20 % de nos exportations de matériel militaire, la France a voulu restreindre l’utilisation de l’article 346, supposé couvrir les pratiques protectionnistes de certains États européens.
Toutefois, force est de le constater, les directives dites du paquet défense, finalisées à la fin de 2008 sous la présidence française de l’Union européenne, n’imposent pas une clause de préférence communautaire, pas plus qu’un principe de réciprocité dans les échanges avec des pays tiers. Tout se passe comme si, dans un contexte de contrainte budgétaire, avait prévalu la théorie de la best value for money – un concept cher aux Britanniques, dont la base industrielle de défense a fait les frais –, et ce à contretemps, puisque ces directives, je le rappelle, ont été prises au lendemain du krach du capitalisme financier mondialisé.
Je crains fort que les avantages escomptés ne se révèlent illusoires et que la directive MPDS, bien loin d’ouvrir les marchés européens à nos industries, ne renforce la pénétration étrangère sur notre propre marché. Nous aurions ainsi lâché la proie pour l’ombre.
Ensuite, monsieur le ministre, en transposant aujourd’hui la directive, nous prenons la tête de l’Union en la matière. Néanmoins, qui nous dit que les autres États européens joueront le jeu de manière aussi loyale et transparente que nous ? Nous sommes dans le wagon de tête, mais serons-nous suivis ? M. Gilles Briatta, secrétaire général aux affaires européennes, reconnaît lui-même que « nous avons peu de visibilité sur l’état de la transposition chez nos partenaires européens. »
Tout juste note-t-il que, « au Royaume-Uni, le droit de recours des entreprises des pays tiers hors UE écartées d’un marché semble moins large qu’en droit français. » Il est vrai que les Britanniques ont su préserver une large part de leur « droit coutumier »…
Par ailleurs, M. Juppé nous a assuré, lors de l’examen du rapport du président de la commission, M. de Rohan, que « chacun des États membres continuera de pouvoir recourir à l’article 346 du traité de fonctionnement de l’Union européenne lorsque les dispositions issues de la directive ne seront pas suffisantes pour assurer la protection de ses intérêts essentiels de sécurité. »
Je ne partage pas cet optimisme. Quelles qu’aient été les précautions prises dans la négociation d’une directive marquée du sceau du compromis, nous ne pourrons maintenir l’article 346 que si la jurisprudence de la CJUE, la Cour de justice de l’Union européenne, nous le permet. On peut faire confiance à la Commission pour interpréter les textes dans le sens du plus grand libre-échangisme. Et la Cour de justice interprétera les critères introduits par la directive, et non pas ceux qui figurent dans la loi française.
Or le sens même de la nouvelle directive est de limiter l’usage de l’article 346 du traité en favorisant l’ouverture des marchés. Comme l’a reconnu devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat le délégué général pour l’armement, ou DGA, M. Collet-Billon, « c’est bien la jurisprudence de la CJUE qui déterminera à l’avenir le champ de cette exception » qu’est devenu l’article 346. Mes chers collègues, je ne fais que citer ses déclarations, qui sont publiques !
Mme Michelle Demessine. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Chevènement. Les autres pays européens n’ont pas voulu de la mention expresse d’une préférence communautaire, soit par choix idéologique – c’est le cas de la Grande-Bretagne et de la Suède –, soit parce qu’ils sont dépourvus d’une base industrielle de défense. Certes, le considérant 18 de l’exposé des motifs de la directive va dans le sens d’une préférence communautaire, mais il n’a pas de valeur normative.
Le DGA a indiqué qu’il entendait profiter de la transposition pour inscrire dans la loi des dispositions allant plus loin que la directive stricto sensu. Le fameux considérant 18 précise qu’il appartient aux pays tiers de laisser leurs pouvoirs adjudicateurs « libres d’aller chercher ou non des fournisseurs en dehors de l’Union européenne ».
Cette formulation est en elle-même inquiétante. Certes, elle peut signifier que les États ont le droit d’autoriser cette pratique, comme de l’interdire. Néanmoins, cela ne constitue pas une protection à l’échelle communautaire !
S’agissant de la France, celle-ci réalisait ses achats pour l’essentiel dans le cadre du décret défense : dès qu’il y avait un « secret de défense », il était possible de limiter les acquisitions aux fournisseurs nationaux. Avec la transposition de la directive, le décret défense tombe. Un texte est donc nécessaire pour empêcher l’application de l’article 1er du code des marchés publics ouvrant tous les marchés à la compétition mondiale. C’est l’objet de l’article 5 du projet de loi, qui vise notamment à modifier l’article 37-2 de l’ordonnance du 6 juin 2005. Sa rédaction est d’ailleurs assez ambiguë, parce qu’elle se veut une transposition du considérant 18. Nous sommes victimes de l’inexistence d’un code spécifique des marchés de la défense !
Qui nous dit, monsieur le ministre, que la CJUE retiendra notre interprétation de l’article 37-2 ? La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en est si peu convaincue qu’elle a jugé utile de renforcer ces fragiles « protections », si je puis dire. Mais j’observe que les amendements adoptés par la commission, visant à créer des articles 37-3, 37-4, 37-5 pour définir des critères, que j’approuve par ailleurs, peuvent ne pas être retenus par la CJUE au motif que ces derniers, notamment les intérêts de la défense, la sécurité d’approvisionnement, le souci de la base industrielle et technologique de défense, vont au-delà de la directive. Comment sortir de là ? Je vous le demande !
Contrairement à ce que vous avez dit, je ne vois pas comment on évitera les faux nez européens, c’est-à-dire des entreprises non européennes établissant le siège d’une filiale en Europe et recourant à la sous-traitance.
Il faudra s’appuyer sur une directive européenne autorisant les achats sur étagère, directive dont, au surplus, l’interprétation ne nous appartiendra pas ! Quelle démarche aléatoire, accordez-le moi !
Peut-on amener nos partenaires européens à privilégier la constitution d’une base industrielle et technologique de défense européenne et à renoncer à se fournir aux États-Unis ? L’exemple du JSF 35 montre qu’il n’y a pas de volonté politique en ce sens. La directive Marchés publics de défense et de sécurité n’y changera rien. Elle proscrit théoriquement les compensations industrielles, les offsets, en interdisant la sous-traitance nationale qui serait imposée par le pouvoir adjudicateur à l’intérieur de l’Union européenne.
Cependant, je vous pose la question suivante : les pays ne disposant pas d’une base industrielle de défense l’entendront-ils de cette oreille ?
Nos industriels soutiennent non sans logique que l’interdiction des offsets au sein de l’Union européenne favorisera plutôt les industriels américains. C’est aux industriels français qu’il reviendra alors de faire valoir « leur bon droit » auprès de la CJUE, sans doute par l’intermédiaire de leurs organisations professionnelles, car on voit mal une entreprise soumissionnaire attaquer en justice un État adjudicateur.
Comme l’a indiqué le secrétaire général aux affaires européennes, la « transposition est un exercice forcément contraint, puisqu’il faut rester dans le cadre de la directive, sauf à introduire un important élément d’insécurité juridique. Il est indispensable d’utiliser les critères de la directive que tout juge national ou européen fera primer, en cas de discordance, sur les dispositions du projet de loi ».
On ne saurait mieux illustrer la vanité de l’exercice de la transposition, qu’elle soit législative ou réglementaire. Nous savons que vous avez encore un grand nombre de décrets à nous soumettre.
La vérité est que le traité de marché commun préservait la souveraineté nationale. En croyant, pour des raisons mercantiles, favoriser nos industriels, le gouvernement français a, en fait, accepté au travers de cette directive de la Commission, de soumettre les marchés de défense au droit communautaire.
C’est un recul grave de la souveraineté nationale sur un point essentiel : nos approvisionnements en matériels de défense et notre politique extérieure en la matière.
C’est la marque d’une politique à courte vue. La méconnaissance de nos intérêts nationaux et de l’intérêt bien compris de l’Europe, qui conduit à l’affirmation explicite d’une préférence communautaire, laisse en fait aux juges européens le champ libre.
M. Juppé a certes pu affirmer, devant la commission sénatoriale des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, son « volontarisme » pour doter l’Europe d’une base industrielle et technologique de défense indépendante. Cependant, nous quittons le terrain solide de l’article 346, qui préservait la souveraineté nationale, pour entrer sans véritable précaution dans les sables mouvants de la jurisprudence européenne.
La pression des intérêts mercantiles et des lobbies, très puissants à Bruxelles, la naïveté de ceux qui confondent l’Europe avec l’européisme, c'est-à-dire la dévolution d’immenses pouvoirs à une Commission européenne qui ne peut définir un intérêt général européen, l’enfermement de beaucoup de nos juristes dans leur spécialisation, le conformisme de la classe politique et de la plupart de nos hauts fonctionnaires, qu’ils soient ou non dans les cabinets ministériels, nous engagent sur une pente glissante.
Comme l’a fort bien dit notre collègue M. Reiner, que je salue, « faute d’une clause de préférence communautaire, nous aurons bel et bien une dissymétrie de protection entre le marché nord-américain et le marché européen. Ce n’est pas “la forteresse Europe”, c’est la “passoire Europe” ».
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne vote pas ce projet de loi, même si j’en approuve le chapitre Ier. Plusieurs autres sénateurs du groupe RDSE me rejoindront dans cette abstention fortement motivée. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, je veux tout d’abord joindre ma voix aux félicitations qui vous ont été présentées cet après-midi et, en l’occurrence, ce sera celles d’un Lorrain adressées à un Lorrain,…
M. Gérard Longuet, ministre. Oui !
M. Daniel Reiner. … originaires d’une région historiquement attachée à tout ce qui touche les questions militaires. Vous avez d’ailleurs eu un lointain prédécesseur en la circonstance, un ministre de la guerre qui a laissé son nom dans l’histoire, même si la ligne en question n’a pas été aussi efficace qu’on l’imaginait…
M. Gérard Longuet, ministre. André Maginot !
M. Daniel Reiner. Il s’agit en effet de lui !
M. Gérard Longuet, ministre. Il y a eu ensuite Pierre Messmer !
M. Daniel Reiner. Oui, mais il était mosellan ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet, ministre. On lui pardonnera ! (Nouveaux sourires.)
M. Daniel Reiner. Je vous adresse donc, de ce point de vue, tous mes vœux de réussite !
Ce projet de loi, pour l’essentiel, transpose deux directives du paquet défense : l’une sur les transferts intercommunautaires, l’autre sur les marchés publics de défense et de sécurité.
Sur la forme, ce texte a fait l’objet d’une étude approfondie, ponctuée – je veux en témoigner ici – par les nombreuses auditions de tous ceux qui étaient intéressés par ce sujet, non seulement des industriels, mais aussi des personnes chargées de ce domaine au sein des ministères.
Le texte a été amélioré, me semble-t-il, grâce à ce travail parlementaire dont nous nous félicitons et qui nous a permis la rédaction d’un amendement. Celui-ci me paraît satisfaire ceux à qui il s’adresse. Par ailleurs, le Gouvernement a proposé un amendement relatif au contrôle, qui permet également de bonifier ce projet de loi.
Je ne répéterai pas ce qui a été excellemment exposé par Josselin de Rohan, président de la commission et rapporteur du texte.
En revanche, je vous ferai part de quelques réflexions relatives à ce projet de loi, dont certaines rejoindront celles de notre collègue et ami Jean-Pierre Chevènement, sans pour autant conduire à la même conclusion.
Premièrement, admettons-le, ce texte est un cadre législatif fixant des principes. La vraie transposition se fera par les textes réglementaires, qui seront fort nombreux : pas moins de quatorze décrets et six arrêtés sont prévus. Nous avons demandé, et j’y insiste ici, que chacun d’eux respecte l’esprit du texte que nous allons voter tout à l’heure ; nous devrons pouvoir le vérifier suffisamment vite.
Deuxièmement, les modalités du contrôle vont changer. Ces directives, au moins celle qui concerne les marchés publics, étant d’inspiration libérale et visant à simplifier les procédures, la tentation pourrait être grande de limiter par la suite les contrôles. Nous allons en effet passer d’un contrôle a priori à un contrôle a posteriori.
Il faudra porter une attention absolue à ce marché. En la matière, je souscris sans réserve aux propos tenus par M. le président de la commission, qui affirmait : « Le marché des armes n’est pas un marché ordinaire. Il est d’ailleurs soumis au régime de la prohibition. » Nous sommes donc dans un système à caractère dérogatoire.
Même si nous simplifions les textes, nous avons le devoir de respecter toutes les conditions de la position commune qui a été définie sur le fondement du code de conduite proposé en 1998, je le redis, par un gouvernement de gauche à la Commission européenne, discuté et approuvé par cette dernière. Ce code a fixé des conditions très contraignantes.
Certes, elles ne sont certes pas toutes reprises dans le texte. Je le précise, parce que nous avons évoqué l’amendement que le groupe CRC-SPG défendra tout à l’heure et qui présente un intérêt évident. Toutefois, le fait que cet acte juridique, contraignant en soi, est toujours contenu dans la réglementation française nous permettra de prêter une attention absolue au marché des armes et au contrôle des exportations.
Par ailleurs, il est remis chaque année au Parlement un rapport qui recense de manière assez exhaustive les exportations d’armements. Il serait hautement souhaitable que celui-ci, à l’avenir, s’accompagne d’une étude de l’impact des directives sur le marché européen.
Il serait également intéressant d’étudier la manière dont la transposition est effectuée ailleurs. La France, qui est la première à transposer, figure donc dans le « wagon de tête » en la matière. Il faudra nous assurer que l’esprit qu’elle adopte pour cette transposition est bien suivi.
Troisièmement, sur le fond, ces directives vont dans la bonne direction et marquent une amélioration par rapport à la situation présente.
La directive sur les transferts intracommunautaires, en simplifiant les procédures, facilitera la vie de nos industriels. Plus, du reste, que la directive elle-même, c’est la décision, à l’occasion de cette transposition, de refondre le système des autorisations qui va alléger les procédures. Même s’il a été revu par un décret en 1992, ce système est plus que cinquantenaire. En effet, la fameuse Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre date de 1955, et est donc antérieure au traité de Rome. Ces dispositions vont donc dans le bon sens – cela mérite d’être souligné –, dès lors naturellement que la réduction des délais va de pair avec un contrôle rigoureux a posteriori.
Quant à la directive sur les marchés publics de défense et de sécurité, elle harmonisera les procédures de passation des marchés publics dans l’ensemble de tous ces pays – du moins nous l’espérons – et permettra d’offrir à nos industriels l’opportunité de conquérir de nouveaux marchés.
Jusqu’à présent, certains États – le nôtre n’était pas totalement innocent, avouons-le – faisaient un usage abusif de l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui autorise une nation – Jean-Pierre Chevènement l’a rappelé –, pour des motifs tenant aux intérêts essentiels de sa sécurité, de se dispenser de toute procédure d’appel d’offres pour l’achat d’armements.
Le fait de limiter le recours à cet article devrait favoriser la mise en concurrence au sein de l’espace économique européen. Il vaut mieux, pour nos industriels, se retrouver en concurrence, y compris avec des industriels américains, plutôt que d’être face à des marchés totalement fermés, ce qui est le cas pour un certain nombre de pays. On peut donc considérer que cette directive constitue un pas en avant, tous nos industriels français et, plus largement, européens devant bénéficier d’une telle mesure.
Par ailleurs, ne l’oublions pas, la mise en concurrence a des effets sur les prix et, dans une période où les budgets de défense sont contraints, le fait d’exercer une pression en ce domaine n’est pas en soi une mauvaise chose.
Quatrièmement, la transposition des directives du paquet défense comporte des risques. Ils sont liés à l’absence, que nous regrettons, de clause de préférence communautaire. Malheureusement, nous ne sommes pas seuls et certains de nos partenaires au sein de la Communauté européenne ont un point de vue différent du nôtre à cet égard.
En tout état de cause, l’ouverture des marchés de défense à la concurrence risque de déboucher sur un dilemme : soit la fermeture du marché aux seuls producteurs nationaux, soit son ouverture à l’ensemble de la concurrence internationale. Notre amendement tend donc à limiter ce risque.
Il n’y aurait absolument aucune raison d’ouvrir notre marché national en l’absence de réciprocité. Je pense notamment au marché américain, qui nous reste à peu près totalement fermé, comme l’actualité vient malheureusement de nous le rappeler à l’occasion de l’appel d’offres pour la fourniture d’avions-ravitailleurs.
Il faut donc prendre garde à ce que l’ouverture reste maîtrisée, ce qui est difficile à faire quand on sait que la Commission européenne a une vision très libre-échangiste des choses, vision qui consiste à ouvrir d’abord et à contrôler ensuite. Or, en matière d’équipements de défense, les investissements se font sur le long terme et ne concernent en général que quelques entreprises. Ainsi, quand vient l’heure de constater les effets, c’est souvent pour enregistrer l’acte de décès des industriels.
On dit du reste que nos voisins britanniques sont revenus, en se mordant les doigts, sur la théorie dite du « rapport qualité-prix » – une autre formule existe en anglais –, qui s’est traduite par la disparition de pans entiers de leur industrie de défense.
Faute d’une clause de préférence communautaire, nous aurons bel et bien une dissymétrie de protection entre le marché nord-américain et le marché européen. Ce sera non pas la « forteresse Europe », mais la « passoire Europe ». C’est un vrai risque !
Il faut aussi craindre l’absence de réciprocité entre les Européens. Par exemple, si nous ouvrons notre marché des véhicules blindés aux producteurs européens – monsieur le ministre, mes chers collègues, vous voyez à quoi je fais allusion –, mais que les autres États ne font pas de même, nous serons les dindons de la farce. C’est un risque à ne pas négliger.
Un autre risque était qu’une rédaction un peu imprécise ouvre la porte à des faux nez européens ou à de mauvais Européens qui feraient fabriquer hors d’Europe l’essentiel de leur production. Grâce à l'amendement présenté par M. le rapporteur, qui est devenu celui de la commission, ce danger paraît désormais à peu près écarté.
Mme Bernadette Dupont. Très bien !
M. Daniel Reiner. Cinquièmement, il ne faut pas attendre de ces directives qu’elles fassent avancer l’Europe de la défense, ou alors ce sera à pas comptés. Nous ne pouvons qu’être sceptiques en la matière. Cependant, ces directives constituent un outil supplémentaire, qui sera peut-être modeste : tout dépendra de la façon dont les pays s’en empareront.
Pour que l’équation qui relie la mise en place d’un marché européen de la défense au renforcement d’une base industrielle et technologique de défense européenne se vérifie, il fallait évidemment une clause de préférence communautaire. Son absence ne le permet pas.
Pourtant, si elle avait des avantages, une telle clause pouvait aussi présenter des inconvénients. Elle supposait d’accepter d’acheter plus cher au sein de l’espace où elle se serait appliquée, au profit des industriels qui en auraient bénéficié. Cet inconvénient a paru inacceptable à tous les pays européens, en particulier à ceux qui n’ont pas d’industrie de défense et même, avouons-le, à certains de ceux qui disposent d’une industrie de défense ; je pense aux Britanniques et aux Suédois.
À supposer même que nous eussions réussi à imposer une telle clause à nos amis et voisins européens, cela n’aurait pas pour autant suffi à contribuer à renforcer la politique européenne de sécurité et de défense. Nous le savons bien : si cet outil supplémentaire s’impose, d’autres sont nécessaires.
Encore faudrait-il que les efforts en matière de défense soient identiques ou équivalents dans tous les pays de l’Union européenne et qu’ils ne reposent pas de façon disproportionnée sur quelques pays, notamment la France. Par ailleurs, une harmonisation des besoins serait nécessaire – il n’est pas nécessaire de fabriquer trois avions de combat ou d’étudier dix-sept programmes de blindés ! –, tout comme le serait une harmonisation des calendriers et des doctrines d’emploi. Cela concerne aussi nos états-majors : nos politiques ne portent pas l’entière responsabilité de la situation, ils la partagent. Or nous sommes très loin de tout cela.
Dans ces conditions, les directives du paquet défense n’ont que peu de chances d’atteindre les objectifs qu’elles se sont elles-mêmes fixées, en tout cas tels qu’ils apparaissent dans l’exposé des motifs.
Dans le meilleur des cas, ces directives augmenteront la concurrence entre producteurs européens et contribueront à une pression à la baisse sur le coût des équipements, ce qui n’est pas rien.
Dans le pire des cas – à nous de faire en sorte que cela n’arrive pas –, elles affaibliront les BITD nationales au profit d’une BITD transatlantique. Ce serait grave et sonnerait le glas de l’Europe de la défense, ce que personne d’entre nous ne souhaite.
Pour autant, et sous l’engagement que l’application de ces directives fera l’objet d’un contrôle toujours aussi scrupuleux du Gouvernement, le groupe socialiste votera ce texte. Je précise que les sénateurs Verts m’ont fait part de leur opposition à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joseph Kergueris.
M. Joseph Kergueris. Monsieur le ministre, avant d’entamer mon propos, permettez-moi, au nom du groupe de l’Union centriste, de vous témoigner le plaisir que nous avons de vous accueillir dans vos nouvelles fonctions, de vous adresser nos sincères félicitations et de vous présenter nos vœux de succès dans la conduite des missions dont vous avez la charge.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, un État peut-il être véritablement souverain, véritablement autonome, sans une industrie de défense innovante et performante ?
A fortiori, l’Europe peut-elle pleinement devenir une puissance sans une base industrielle de défense et de sécurité solide ?
Comme beaucoup d’entre nous, je ne le pense pas.
Le projet de loi dont la discussion nous réunit aujourd’hui vise à la transposition en droit français de directives importantes pour la construction effective d’une Europe de la défense.
Se défendre aujourd’hui coûte cher.
Même si la France demeure le quatrième exportateur mondial dans le domaine, notre production ne répond pas nécessairement à tous nos besoins. Nous avons besoin de nos partenaires européens, comme ils ont besoin de nous. C’est ensemble qu’il faut donner davantage de contenu industriel à la politique européenne de sécurité et de défense. C’est ensemble qu’il nous faut produire les meilleurs équipements aux meilleurs coûts.
Le projet de loi qui nous est soumis transpose les directives Transferts intracommunautaires et Marchés publics de défense et de sécurité des mois de mai et de juillet 2009, textes qui portent respectivement sur le régime des transferts intracommunautaires de matériels de défense et de sécurité, et sur le régime des marchés publics ouverts aux entreprises spécialisées dans ces matières.
Réduire les barrières marchandes produites par la multiplication de régimes nationaux en matière de transfert intracommunautaires était la première tâche à accomplir. C’est le problème auquel s’attache le premier chapitre de ce projet de loi, qui transpose la directive TIC. L’Union européenne est composée de vingt-sept pays, soit autant de procédures de contrôle, de domaines spécifiques d’application, de délais d’autorisation. Cette complexité est le produit de l’exclusion du marché de la défense du marché unique, conséquence du principe de prohibition.
Cette exception est d’ailleurs inscrite à l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et son champ a été défini par la Cour de justice des Communautés européennes tout au long de la construction communautaire.
Après un demi-siècle de construction jurisprudentielle, il était temps que les États membres et le Conseil européen reprennent la main, afin de poser, enfin, les fondations de cette Europe de la défense, sans laquelle la politique européenne de sécurité et de défense ne peut avoir ni contenu ni avenir.
Il fallait introduire la liberté du commerce et de l’industrie comme nouveau principe, mais pas à n’importe quel prix. Par conséquent, cette liberté sera encadrée, et ce au moyen de trois instruments étendus à l’ensemble de l’Union européenne : un système de triple licence d’autorisation, qui différencie les produits de défense et leur transfert selon leur sensibilité pour la sécurité des États ; une certification renforcée des entreprises ; un contrôle a posteriori des transferts effectués.
L’efficacité de ce système est garantie par la possibilité laissée aux États membres de modifier, voire de retirer toute autorisation de transfert.
Le non-respect des licences d’autorisation exposera l’entreprise bénéficiaire à de lourdes sanctions pénales et l’exclura des circuits commerciaux communautaires en matière de défense et de sécurité.
C’est donc non pas vers un grand marché libéralisé que nous nous orientons, mais vers un système de libre circulation fortement encadré, ce dont je me réjouis.
Une fois les régimes de transfert de marchandises simplifiés, il faut aménager en conséquence les procédures de passation de marchés publics à l’échelle communautaire. La question est traitée par le second chapitre du projet de loi, qui vise à transposer la directive MPDS.
Sur le plan juridique, cette directive permettra à la loi de définir les marchés de défense et de sécurité comme une catégorie spéciale, donc différente des marchés ordinaires et des marchés exclus.
Dans ce domaine, les travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, animés par son rapporteur et président, Josselin de Rohan, dont je me plais à saluer la contribution de grande qualité, ont permis de pointer un certain nombre de questions laissant penser que ce paquet défense est l’ébauche d’une construction juridique qu’il faudra consolider.
Le premier problème est évidemment celui du respect de la préférence communautaire, qui, dans les dispositions actuelles, n’est pas résolu. La méconnaissance par nos partenaires de ce principe conduirait à une ouverture asymétrique des marchés européens à l’échelle mondiale.
Le considérant 18 de la directive MPDS semble, de fait, en évoquer le principe, mais il n’a pas de portée normative. L’aléa repose ainsi sur la confiance que nous plaçons en nos partenaires européens pour faire vivre la réciprocité des échanges au sein de l’Union européenne.
Selon les travaux de notre rapporteur, la Commission européenne travaillerait à la confection d’un instrument juridique permettant de rejeter, lors des passations de marchés publics de défense, les candidats non-couverts par les engagements internationaux de l’Union européenne, c'est-à-dire ceux qui sont issus des pays tiers.
Dans l’immédiat, le projet de loi, en particulier l'amendement que M. le rapporteur a eu l’heureuse initiative de déposer et qui est devenu celui de la commission, permet d’introduire dans l’ordonnance de 2005 le droit souverain de l’acheteur public de refuser, au cas par cas, de conclure une procédure de passation avec des pays tiers. Cette disposition serait alors notre meilleure protection contre une concurrence industrielle potentiellement déloyale.
Nous le savons, le marché de la défense et de l’armement n’est pas et ne sera jamais un marché tout à fait comme les autres. Il y va de la sûreté de la souveraineté nationale comme de la sécurité du territoire.
Pour autant, ce marché n’est pas isolé de l’économie générale. J’en veux pour preuve le fait que la recherche militaire a bien souvent été à l’origine, dans le domaine civil, d’innovations aujourd’hui déterminantes dans notre quotidien.
Il y avait donc une difficile équation à résoudre entre, d’une part, le respect des prérogatives de souveraineté nationale et, d’autre part, la performance économique et budgétaire.
Si le texte dont nous discutons aujourd’hui aboutit à un équilibre entre ces deux impératifs, si le progrès, en comparaison de ce qui est en vigueur, est manifeste, il reste encore beaucoup à faire. La transposition de ces deux directives ne suffira bien évidemment pas à résoudre, à elle seule, ces questions.
Le bilan qui en sera fait et que nous attendons servira, comme l’a noté notre rapporteur, à la préparation dans les années à venir d’un second paquet défense.
En attendant ce prochain rendez-vous, le groupe de l’Union centriste soutiendra la position de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier.
Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Alain Gournac. Excellent Jacques Gautier !
M. Jacques Gautier. Monsieur le ministre, bien qu’étant le dernier orateur inscrit, je tiens à vous dire à mon tour le plaisir que nous avons à vous retrouver au banc du Gouvernement.
M. Alain Gournac. C’est vrai !
Mme Michelle Demessine. Ça commence bien…
M. Jacques Gautier. Je vous souhaite un franc succès dans cette mission délicate, pour laquelle vous aurez à rendre des arbitrages particulièrement difficiles. Nous serons à vos côtés, je tiens à vous l’assurer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Christiane Demontès. Parlementaires soumis…
M. Jacques Gautier. Avec le président de Rohan, vous venez de nous présenter, dans le détail et avec précision, le projet de loi portant transposition des directives formant ce que l’on appelle le « paquet défense », textes techniques et complexes que vous avez réussi à nous rendre compréhensibles. Je voudrais à cet égard saluer l’approche pédagogique de notre collègue Daniel Reiner, dont je partage la quasi-totalité des réflexions.
Dans ces conditions, je limiterai mon propos à six observations, qui prendront la forme d’autant de questions, et à une proposition.
Première question : la base industrielle et technologique de défense française est-elle forte et autonome ?
La réponse est oui, et j’ajouterai : pour l’instant encore.
Nos industriels ne sont pas les seuls à fabriquer des armes en Europe, mais ils ont la capacité de concevoir et de réaliser, de façon autonome, la quasi-totalité de la gamme des équipements de défense et de sécurité, depuis la jumelle jusqu’au sous-marin nucléaire en passant par les centrales inertielles à résonance magnétique. Les seuls équipements que nous achetons sur étagère correspondent soit à du matériel de transition, intérimaire, dans l’attente d’un équipement français – je pense aux drones Male ou aux missiles sol-sol Javelin –, soit à des besoins très limités en nombre qui ne permettent pas une réalisation nationale, comme les avions Hawkeye ou Awacs.
Chaque pays a ses forces et ses faiblesses industrielles ; la BITD fait incontestablement partie de nos forces.
Deuxième question : est-il important d’avoir une BITD forte ?
En Europe, la réponse est nuancée.
Certains pays n’en ont ni les moyens ni la volonté. La question ne se pose pas pour eux. C’est le cas de la majorité des pays entrés récemment dans l’Union européenne. Pour eux, l’indépendance se trouve dans l’Alliance atlantique.
D’autres pays, en particulier le Royaume-Uni ou la Suède, mais aussi l’Italie, ont traditionnellement considéré, comme nous, que l’indépendance implique de disposer de ses propres arsenaux. Pourtant, aujourd’hui, avec la mondialisation de l’économie et les partenariats transatlantiques, bon nombre de leurs fournisseurs industriels sont autant américains qu’européens.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Oui !
M. Jacques Gautier. Cela affecte-t-il leur indépendance ? C’est aux gouvernements de ces pays de répondre.
Le choix que nous, Français, avons fait est tout autre.
La France, depuis les débuts de la Ve République et même avant, a toujours considéré que la BITD était l’un des cinq éléments qui fondent son indépendance, avec le siège au Conseil de sécurité de l’ONU, la force de dissuasion nucléaire, une capacité de renseignement autonome et une armée polyvalente, répondant strictement à ses besoins mais capable de se projeter à l’étranger, seule ou en coalition.
Oui, mes chers collègues, il est important d’avoir une BITD forte.
Elle est un atout pour l’autonomie stratégique et un enjeu économique et social majeur. Je rappelle que la BITD représente entre 160 000 et 300 000 emplois directs et au moins autant d’emplois indirects, fortement qualifiés et faiblement délocalisables.
Troisième question : les BITD nationales, en particulier la nôtre, sont-elles menacées par la crise actuelle ?
La réponse est clairement « oui ». C’est un enchaînement bien connu, que j’appellerai, monsieur le ministre, la valse à quatre temps des équipements militaires.
Premier temps : avec la fin de la crise reviennent les disciplines budgétaires. Il va falloir soit augmenter les impôts, soit réduire les dépenses, et peut-être les deux.
Deuxième temps : parmi les dépenses de l’État, le budget de la défense est financièrement important et politiquement plus facile à diminuer que d’autres. C’est un « TOTB », un terrible objet de tentation budgétaire ! (Sourires.)
M. François Trucy. Bien vu !
M. Jacques Gautier. Troisième temps : au sein du budget de la défense, les sommes consacrées aux équipements militaires sont les plus faciles à réduire, d’autant que la diminution des dépenses de fonctionnement a déjà atteint ses limites et que tout a été tenté : déflation des effectifs, mise en place des bases de défense, externalisation.
Quatrième et dernier temps : nous pénalisons ainsi l’avenir, avec des programmes reportés, décalés ou annulés. Nos troupes se retrouvent mal ou sous-équipées. Nous avons déjà fait, par le passé, l’expérience de ce non-choix.
M. Jean-Louis Carrère. Il ne faut donc pas voter le budget !
M. Jacques Gautier. J’en viens à ma quatrième question : les directives du paquet défense que nous étudions vont-elles dans le bon sens ?
Là encore, la réponse est « oui ».
La directive TIC va fluidifier les procédures et réduire la paperasse, si je peux me permettre ce terme. Ce sera incontestablement un gain pour nos industriels, qui se plaignaient depuis longtemps de la lourdeur des procédures.
La directive MPDS va imposer une plus grande ouverture des marchés de défense et restreindre, cela a été dit, le champ des marchés protégés. Elle va donc accroître la concurrence et exercer, normalement, une pression à la baisse sur le coût des équipements de défense. Par les temps qui courent, personne ne s’en plaindra.
Tout cela est donc positif, étant entendu que c’est surtout la directive MPDS qui, potentiellement, peut avoir des effets structurants sur le marché européen des équipements de défense et la création d’une BITDE, c’est-à-dire une BITD européenne.
Pour que ce texte joue à plein, il faut que deux conditions soient remplies.
La première est que tous les pays européens jouent le jeu, en ouvrant véritablement leurs marchés, et ce dans les mêmes termes que nous. La seconde est qu’ils les ouvrent préférentiellement à des opérateurs économiques européens.
Sur la réalisation de la première condition, l’avenir nous en dira plus. Les plus optimistes d’entre nous pensent que cela se fera, tôt ou tard, sous l’influence de la jurisprudence de la CJUE, que M. Chevènement a déjà évoquée. Le champ d’application de l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne devrait progressivement se réduire.
Quant à la réalisation de la seconde condition, permettez-moi de vous dire que je n’y crois pas : si les États européens avaient voulu créer une BITDE, ils auraient accepté d’imposer une clause de préférence communautaire. S’ils ne l’ont pas fait, c’est qu’ils veulent continuer à acheter des équipements américains, à l’image de la Suède qui vient de se doter de quinze hélicoptères Blackhawk de Sikorsky, se détournant ainsi des hélicoptères Caracal d’Eurocopter.
M. Didier Boulaud. Voilà l’Europe de la défense…
M. Jacques Gautier. Mes chers collègues, c’est une réalité que nous devons prendre en compte avec attention : si le champ de l’article 346 se restreint, sans préférence communautaire en guise de compensation, le risque est grand de déboucher à terme sur une base industrielle et technologique de défense de l’OTAN,…
Mme Michelle Demessine. C’est ce qui va arriver !
M. Jacques Gautier. … et non sur une base industrielle et technologique de défense de l’Europe. C’est un risque que nous ne devons pas méconnaître.
M. Jean-Pierre Chevènement. Absolument !
M. Jacques Gautier. À cet égard, je voudrais féliciter le président de Rohan d’avoir proposé à la commission de préciser le texte du Gouvernement pour l’article 37-2 de l’ordonnance du 6 juin 2005, en introduisant un article 37-3. La nouvelle rédaction affiche clairement une préférence communautaire. C’est notre droit. Mais il s’agit, nous le savons, d’une préférence non obligatoire, que les acheteurs publics écarteront quand et comme ils le voudront, dans le libre exercice de la souveraineté de l’État.
Cela m’amène à ma cinquième question : en supposant que les directives du paquet défense produisent leur plein effet, suffiront-elles à créer l’Europe de la défense ?
Tout le monde le sait, l’harmonisation des conditions de l’offre est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Ce qui fait la force des industriels américains, c’est le fait de disposer d’un vaste marché, dans le cadre d’une demande harmonisée. Pour qu’un tel marché existe en Europe, trois éléments sont indispensables.
Premièrement, tous les États européens devraient fournir le même effort de défense. Vous en conviendrez, c’est loin, très loin d’être le cas.
Deuxièmement, il faudrait qu’il existe sinon un état-major européen, du moins une coordination des états-majors susceptibles de se mettre d’accord sur les besoins en armement et les calendriers de remplacement.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Tout à fait !
M. Jacques Gautier. Troisièmement, même si cet état-major existait, cela ne suffirait pas, car la définition des armements dépend des doctrines d’emploi. Or ces dernières,…
M. Gérard Longuet, ministre. Dépendent des stratégies !
M. Jacques Gautier. … quelle que soit la problématique – défense du territoire ou corps expéditionnaire, capacité offensive ou défensive, rôle plus ou moins important de la marine, dissuasion nucléaire ou pas –, dépendent in fine des politiques. Pour que ceux-ci puissent faire des choix, une instance d’arbitrage au niveau européen, qui n’existe pas aujourd’hui, devrait être mise en place.
En clair, il n’y aura pas d’Europe de la défense tant qu’il n’y aura pas d’Europe politique. Alors même que jamais les outils à la disposition des gouvernements n’ont été aussi importants, jamais le souffle constructeur n’a été aussi faible.
Monsieur le ministre, je voudrais, à cet instant, saluer l’initiative de votre prédécesseur, qui a voulu donner plus de poids, de cohérence, de régularité et, je l’espère, de pouvoir à la réunion des ministres de la défense européens.
Sixième et dernière question : que faire ?
Je viens de dresser le constat : notre BITD nationale est forte ; elle est essentielle à l’indépendance de notre pays, aux emplois, à la recherche et au développement ; les directives du paquet défense, même si elles vont dans le bon sens, ne suffiront pas à la préserver ; il n’existe, à court terme, aucun espoir de créer une véritable Europe de la défense.
Dans ces conditions, la solution la plus raisonnable, que le président de Rohan a évoquée, est de rechercher un accord, un pacte fondateur, dirais-je, avec le seul État qui soit dans une situation similaire à la nôtre et dont les objectifs soient semblables. Cet État, vous le connaissez, c’est la Grande-Bretagne.
C'est la raison pour laquelle les accords de Londres, signés en novembre dernier, vont dans le bon sens. Je soutiens pleinement le Président de la République dans cette voie, qui vise à constituer les noyaux durs d’une coopération permanente structurée auxquels pourront s’agréger, selon les programmes et les besoins, d’autres pays européens. Je pense, bien sûr, à l’Italie, à l’Espagne et à l’Allemagne.
J’ai beaucoup parlé de base industrielle et technologique de défense. Pourtant, les secteurs de la défense, de l’aéronautique, du nucléaire, du spatial et de la sécurité, qui font l’objet de synergies et de transversalités très nombreuses, constituent les fondements mêmes de notre indépendance nationale. Les industriels qui composent ces secteurs s’adressent principalement à des clients publics ou parapublics pour satisfaire des besoins à forte dimension étatique.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà pourquoi je voudrais vous proposer, même si nous nous intéressons aujourd’hui aux questions de défense et de sécurité, de dépasser le cadre trop restrictif de la BITD pour parler à l’avenir de BITS, base industrielle et technologique de souveraineté.
Le présent texte, que le groupe UMP votera, représente un petit pas dans le développement d’une BITS européenne. Je nous invite tous à poursuivre nos efforts pour que ce petit pas soit le premier d’un long parcours ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Longuet, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il est remarquable de constater que, au détour d’un texte de transposition de directives en apparence techniques et juridiques, les conditions mêmes de la souveraineté et de la construction européennes soient évoquées avec force au cours du débat.
Je n’étais pas très compétent sur le premier texte, je ne le suis guère plus sur le second. J’y retrouve cependant les clés de la construction d’une politique industrielle, mais au service d’un projet politique, tant il est vrai qu’en ma qualité de ministre de la défense je sais qu’il ne peut y avoir de défense sans l’existence, au préalable, d’un projet politique.
Je voudrais remercier l’ensemble des orateurs, ceux qui soutiennent cette transposition telle que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat nous la propose et ceux qui ne la soutiennent pas encore – ou peut-être pas du tout ! –, car les uns et les autres se sont exprimés avec une véritable hauteur de vue.
Je salue le travail du président de la commission, qui rapporte le texte, parce qu’il a su poser exactement les conditions de la réussite, ou de l’échec, d’une politique de souveraineté fondée sur une industrie dont l’ambition est européenne, mais qui se heurte, soyons lucides, à la réalité : les vingt-sept États membres se distinguent non seulement par leurs niveaux de développement, mais également par leurs stratégies internationales de long terme, même si l’on observe d’une façon générale des points de convergence. Si le pessimisme est légitime, quelques progrès sont toutefois à noter.
Il y a d’abord cette réussite de l’accord franco-britannique, qu’évoquait à l’instant Jacques Gautier avec l’enthousiasme et le dynamisme que nous lui connaissons et qui attestent de son implication sur ces questions. Il y a aussi, même pour ceux qui sont les plus éloignés en apparence de l’idée de construction européenne, l’initiative germano-suédoise destinée à promouvoir la coopération industrielle militaire au niveau européen. Il y a encore, au travers de la déclaration du triangle de Weimar, une véritable volonté d’avancer dans le domaine de la défense.
Mais, une nouvelle fois, soyons lucides : à cet instant, il serait à mon sens prématuré de dire que la clef magique a été trouvée et que la serrure va se débloquer. En effet, l’héritage du passé est lourd et tous les points de vue ne sont pas européens.
Si l’offre et la demande se rapprochent, force est de reconnaître qu’une politique de la demande suppose des stratégies militaires convergentes et une politique de l’offre harmonisée, des efforts industriels, accompagnés de sacrifices et, sans doute, de concessions des uns et des autres.
Je remercie Daniel Reiner d’avoir, au fond, défendu le texte avec mesure et réalisme. Ce n’est pas tout à fait une surprise ; nous nous connaissons et je sais son implication dans les choses de l’armée.
Madame Demessine, vous portez, à mon sens, un jugement excessif en disant que la transposition de ces directives par ce projet de loi aboutit à une Europe trop ouverte aux États-Unis. Il y a une situation de fait, héritée de l’histoire. Mais les amendements adoptés par la commission brossent l’esquisse du début du commencement de quelque chose qui ressemble à une politique industrielle inspirée de considérations politiques. Pour ma part, je ne m’en plaindrai pas !
C’est la raison pour laquelle je me tourne vers Jean-Pierre Chevènement, qui craint, à juste titre, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Monsieur le sénateur, l’article 346, d’abord, le considérant 18, ensuite, et la volonté politique des États, enfin – car c’est bien ce qui est en cause –, devraient progressivement amener nos « compatriotes » européens – si vous me permettez cette formule – à se rendre compte que nous partageons, sur le vieux continent, les mêmes risques et défis.
Des relations anciennes, qui se comprenaient sous l’éclairage de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre froide, doivent être aujourd’hui analysées à la lumière d’une Méditerranée turbulente. Le fait que celle-ci nous concerne directement ne nous place pas, reconnaissons-le, dans la situation que les « Atlantistes » pouvaient comprendre il y a dix, quinze, vingt ou trente ans.
Il y a donc une évolution, mais je reconnais que la culture libérale européenne – et c’est un libéral qui vous parle – peut poser problème. En effet, comme l’a dit très justement Josselin de Rohan, le marché de l’armement n’est pas celui des biens de consommation. Lorsque les clients sont des États, ils n’obéissent pas aux règles du moins-disant commercial immédiat, même si les états-majors ont naturellement le souci de garder des moyens pour leur fonctionnement et d’économiser sur l’investissement.
Monsieur Kergueris, votre analyse est parfaitement équilibrée et harmonieuse. Lorsque vous dites qu’il reste beaucoup à faire, c’est la stricte vérité.
Comment pourrait-il en être autrement ? Vous venez d’un grand département marin dans lequel l’idée de défense maritime et de coopération franco-anglaise a commencé à faire un bout de chemin ! Mais nous avons eu, par le passé, trop de déceptions pour que le Gouvernement n’exige pas d’être plus attentif à la progression de la construction européenne.
Sans avoir la prétention d’épuiser le sujet, je dirai simplement que l’Europe est en mouvement. Cette actualité va amener les pays qui n’ont pas naturellement la culture de la responsabilité en matière de défense à s’interroger. Le temps n’est-il pas venu d’écouter les avis des vieilles nations européennes, qui, en évitant les excès, ont su construire des politiques de défense durables n’excluant pas les alliances ?
C’est principalement le cas de la France et de la Grande-Bretagne, qui savent travailler ensemble. Nous aimerions que cela soit plus souvent le cas de l’Allemagne, qui est profondément européenne. Je pense que nous arriverons, avec l’initiative de Weimar ou l’initiative germano-suédoise, à créer ce nouveau climat.
Je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter ce projet de loi de transposition de ces directives, en mesurant que nous ne sommes qu’au début d’un chemin qui se poursuivra au fur et à mesure de la réalité de la construction politique européenne, tant il est vrai que les questions de défense ne sont là que pour appliquer des projets collectifs voulus par les peuples pour construire leur avenir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Je tiens à présenter au Sénat les excuses les plus plates. Je vais devoir quitter l’hémicycle, non par désinvolture mais parce que je suis convoqué par le chef de l’État. L’actualité internationale requiert en effet la présence à l’Élysée du ministre de la défense.
Je vais donc céder le témoin à M. le ministre des affaires européennes, qui est d’ailleurs bien plus impliqué que moi sur ce dossier. (M. le ministre chargé des affaires européennes remplace M. le ministre de la défense et des anciens combattants au banc du Gouvernement.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles.
Chapitre Ier
Dispositions relatives au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés et à la transposition de la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté
Article 1er
I. – Il est inséré après l’article L. 2332-8 du code de la défense, un article L. 2332-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2332-8-1. – Les canons d’arme de guerre fabriqués en France sont soumis à des épreuves constatées par l’application d’un poinçon. »
II. – Le chapitre V du titre III du livre III de la deuxième partie législative du code de la défense est remplacé par les dispositions suivantes :
« Chapitre V
« Importations et exportations - Transferts au sein de l’Union européenne
« Section 1
« Importations et exportations des matériels de guerre et matériels « assimilés hors du territoire de l’Union européenne
« Sous-section 1
« Autorisations d’importation et dérogations
« Art. L. 2335-1. – I. – L’importation sans autorisation préalable des matériels des 1ère, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème et 6ème catégories mentionnés à l’article L. 2331-1 provenant des États non-membres de l’Union européenne est prohibée.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à cette prohibition et les conditions dans lesquelles une autorisation d’importation peut être délivrée.
« II. – Aucun des matériels des première ou quatrième catégories mentionnés à l’article L. 2331-1 dont l’importation en France est prohibée ne peut figurer dans une vente publique à moins d’avoir été au préalable rendu impropre à son usage normal.
« III. – Aucun importateur des matériels appartenant aux quatre premières catégories mentionnées à l’article L. 2331-1 ne peut obtenir une autorisation d’importation s’il n’est pas déjà titulaire de l’autorisation prévue au I de l’article L. 2332-1.
« Les personnes non titulaires de cette autorisation peuvent, à titre exceptionnel, demander à bénéficier d’une autorisation d’importation des matériels des quatre premières catégories dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« IV. – L’autorité administrative peut à tout moment, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, suspendre, modifier, abroger ou retirer les autorisations d’importation qu’elle a délivrées, pour des raisons de respect des engagements internationaux de la France, de protection des intérêts essentiels de sécurité, d’ordre public ou de sécurité publique, ou pour non-respect des conditions spécifiées dans l’autorisation.
« Sous-section 2
« Autorisations d’exportation et dérogations
« Art. L. 2335-2. – L’exportation sans autorisation préalable de matériels de guerre et matériels assimilés vers des États non-membres de l’Union européenne est prohibée.
« L’autorité administrative définit la liste de ces matériels de guerre et matériels assimilés soumis à autorisation préalable, ainsi que les dérogations à cette autorisation.
« Art. L. 2335-3. – I. – L’autorisation préalable d’exportation, dénommée licence d’exportation, est accordée par l’autorité administrative, sous l’une des formes suivantes :
« 1° Des arrêtés dénommés « licences générales d’exportation », comportant des listes de matériels autorisant directement tout exportateur établi en France remplissant certaines conditions définies par l’autorité administrative, à expédier ces matériels vers une ou plusieurs catégories de destinataires situés dans un État non membre de l’Union européenne ;
« 2° Des licences globales d’exportation, faisant l’objet d’une notification, autorisant, à sa demande, un exportateur établi en France à expédier des matériels de guerre et matériels assimilés spécifiques à un ou plusieurs destinataires identifiés, situés dans un État non membre de l’Union européenne, pour une durée déterminée, sans limite de quantité ni de montant ;
« 3° Des licences individuelles d’exportation, faisant l’objet d’une notification, autorisant, à sa demande, un exportateur établi en France à expédier, en une ou plusieurs fois, un ou plusieurs matériels de guerre et matériels assimilés à un destinataire situé dans un État non membre de l’Union européenne.
« Les licences d’exportation peuvent comporter des conditions ou des restrictions concernant l’utilisation finale de ces matériels.
« II. – Les licences générales d’exportation autorisent tout exportateur établi en France à effectuer des exportations de matériels de guerre et matériels assimilés, y compris toutes les opérations commerciales préalables.
« III. – Les licences globales et les licences individuelles d’exportation autorisent un exportateur établi en France à procéder à l’exportation de matériels de guerre et matériels assimilés y compris toutes les opérations commerciales préalables.
« IV. – Les opérations préalables mentionnées au II et au III comprennent la communication d’informations dans le cadre de la négociation d’un contrat, l’acceptation d’une commande ou la signature d’un contrat.
« À la demande de l’exportateur ou lorsque l’autorité administrative l’estime nécessaire, compte tenu de l’opération d’exportation, l’autorisation peut être limitée à la communication d’informations dans le cadre de la négociation d’un contrat, à l’acceptation d’une commande ou à la signature d’un contrat.
« V. – Aucun exportateur des matériels appartenant aux quatre premières catégories mentionnées à l’article L. 2331-1 ne peut utiliser une licence générale d’exportation ou obtenir une licence globale ou individuelle d’exportation s’il n’est pas déjà titulaire de l’autorisation prévue au I de l’article L. 2332-1.
« Les personnes non titulaires de cette autorisation peuvent, à titre exceptionnel, demander à bénéficier d’une licence générale, globale ou individuelle d’exportation des matériels des quatre premières catégories.
« VI. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2335-4. – L’autorité administrative peut à tout moment, dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État, suspendre, modifier, abroger ou retirer les licences d’exportation qu’elle a délivrées, pour des raisons de respect des engagements internationaux de la France, de protection des intérêts essentiels de sécurité, d’ordre public ou de sécurité publique, ou pour non-respect des conditions spécifiées dans la licence.
« Sous-section 3
« Obligations des exportateurs et des importateurs
« Art. L. 2335-5. – Les exportateurs de matériels de guerre et matériels assimilés informent le ministre de la défense, dans un délai fixé par voie réglementaire, de leur intention d’utiliser une licence générale d’exportation pour la première fois.
« Les exportateurs de matériels de guerre et matériels assimilés informent les destinataires des conditions dont est assortie la licence d’exportation, ainsi que, le cas échéant, des restrictions dont elle fait l’objet concernant l’utilisation finale de ces matériels ou leur réexportation. Ces conditions et restrictions doivent être reproduites dans le contrat ou dans tout acte liant les parties.
« Art. L. 2335-6. – Les exportateurs de matériels de guerre et matériels assimilés tiennent, dans des conditions déterminées par l’autorité administrative, un registre des exportations qu’ils ont effectuées.
« Le registre des exportations, ainsi que l’ensemble des documents commerciaux nécessaires à leur réalisation, sont conservés pendant dix ans à compter de la fin de l’année civile au cours de laquelle l’exportation a eu lieu.
« Les exportateurs sont également tenus de transmettre à l’administration un compte rendu des prises de commande et des exportations effectuées. Les importateurs sont tenus de transmettre à l’administration un compte rendu des importations effectuées. L’autorité administrative définit le contenu de ce document, la périodicité de sa transmission et la liste des catégories de matériels concernées par cette obligation.
« L’autorité administrative définit en outre les obligations spécifiques qui s’appliquent aux exportateurs sollicitant une licence globale d’exportation.
« Sans préjudice des compétences du ministre chargé des douanes, le ministre de la défense exerce le contrôle du respect des obligations définies ci-dessus.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2335-7. – Lors du dépôt d’une demande de licence d’exportation, les exportateurs de matériels de guerre et matériels assimilés qu’ils ont reçus au titre d’une licence de transfert publiée ou notifiée par un autre État membre de l’Union Européenne et faisant l’objet de restrictions à l’exportation, déclarent à l’autorité administrative qu’ils ont respecté ces restrictions ou, le cas échéant, qu’ils ont obtenu l’accord de cet État membre. Les modalités de cette déclaration sont fixées par l’autorité administrative.
« Section 2
« Transferts de produits liés à la défense au sein de l’Union européenne
« Sous-section 1
« Définitions
« Art. L. 2335-8. – On entend par « transfert » toute transmission ou mouvement de produits liés à la défense d’un fournisseur situé en France vers un destinataire situé dans un autre État membre de l’Union européenne ou d’un fournisseur situé dans un autre État membre vers un destinataire situé en France.
« On entend par « fournisseur » la personne physique ou morale établie en France responsable d’un transfert.
« On entend par « destinataire » la personne physique ou morale établie en France ou sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne et qui est responsable de la réception d’un transfert.
« On entend par « licence de transfert » une autorisation publiée ou notifiée par l’autorité administrative et permettant à un fournisseur établi en France de transférer des produits liés à la défense à un destinataire situé dans un État membre de l’Union européenne.
« Sous-section 2
« Autorisations de transfert et dérogations
« Art. L. 2335-9. – Le transfert de produits liés à la défense effectué depuis la France vers les autres États membres de l’Union européenne est soumis à autorisation préalable mentionnée à l’article L. 2335-10.
« L’autorité ministérielle compétente définit la liste des produits liés à la défense soumis à autorisation préalable conformément à l’annexe de la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté.
« Art. L. 2335-10. – I. – L’autorisation préalable de transfert, dénommée licence de transfert, est accordée par l’autorité administrative en tenant compte notamment de la sensibilité de l’opération ou de la catégorie d’opérations, sous l’une des formes suivantes :
« 1° Des arrêtés dénommés « licences générales de transfert », comportant des listes de produits autorisant directement tout fournisseur établi en France à effectuer le transfert de ces produits, vers une ou plusieurs catégories de destinataires situés dans un autre État membre de l’Union européenne ;
« 2° Des licences globales de transfert, faisant l’objet d’une notification, autorisant, à sa demande, un fournisseur établi en France, à effectuer des transferts de produits liés à la défense spécifiques à un ou plusieurs destinataires identifiés, situés dans un autre État membre de l’Union européenne, pour une durée déterminée sans limite de quantité ni de montant ;
« 3° Des licences individuelles de transfert, faisant l’objet d’une notification, autorisant à la demande d’un fournisseur établi en France à effectuer le transfert en une ou plusieurs expéditions, d’un ou plusieurs produits liés à la défense, à un destinataire situé dans un autre État membre de l’Union européenne .
« Les licences de transfert peuvent comporter des conditions ou des restrictions concernant l’utilisation finale de ces produits ou leur exportation hors du territoire de l’Union européenne.
« II. – Les licences générales de transfert autorisent tout fournisseur à effectuer des transferts de produits liés à la défense y compris toutes les opérations commerciales préalables.
« III. – Les licences globales et les licences individuelles de transfert autorisent un fournisseur à procéder au transfert de produits liés à la défense, y compris toutes les opérations commerciales préalables.
« IV. – Les opérations préalables mentionnées au II et au III comprennent la communication d’informations dans le cadre de la négociation d’un contrat, l’acceptation d’une commande ou la signature d’un contrat.
« À la demande du fournisseur, ou lorsque l’autorité administrative l’estime nécessaire compte tenu de la nature des informations en cause, l’autorisation peut être limitée à la communication de certaines informations dans le cadre de la négociation d’un contrat, à l’acceptation d’une commande ou à la signature d’un contrat.
« V. – Les licences de transfert publiées ou notifiées par un État membre de l’Union européenne autorisent l’entrée ou le passage par le territoire national, sous réserve de l’application de dispositions nécessitées par les exigences de la protection de la sécurité publique, de l’ordre public ou de la sécurité des transports.
« VI. – Aucun fournisseur des matériels appartenant aux quatre premières catégories mentionnées à l’article L. 2331-1 ne peut utiliser une licence générale de transfert ou obtenir une licence globale ou individuelle de transfert s’il n’est pas déjà titulaire de l’autorisation prévue au I de l’article L. 2332-1.
« Les personnes non titulaires de cette autorisation peuvent, à titre exceptionnel, demander à bénéficier d’une licence générale, globale ou individuelle de transfert des matériels des quatre premières catégories.
« VII. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2335-11. – L’autorité administrative peut accorder des dérogations à l’obligation d’autorisation préalable mentionnée à l’article L. 2335-10 lorsque :
« 1° Le fournisseur ou le destinataire est une institution publique ou fait partie des forces armées ;
« 2° Les livraisons sont effectuées par l’Union européenne, l’Organisation du traité de l’atlantique nord, l’Agence internationale de l’énergie atomique ou d’autres organisations intergouvernementales aux fins d’exécution de leur mission ;
« 3° Le transfert est nécessaire pour la mise en œuvre d’un programme de coopération en matière d’armements entre États membres de l’Union européenne ;
« 4° Le transfert est lié à l’aide humanitaire en cas de catastrophe ou réalisé en tant que don dans le contexte d’une situation d’urgence ;
« 5° Le transfert est nécessaire dans le cadre d’opérations de réparation, d’entretien, d’exposition ou de démonstration.
« Art. L. 2335-12. – L’autorité administrative peut à tout moment, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, suspendre, modifier, abroger ou retirer les licences de transfert qu’elle a délivrées, pour des raisons de respect des engagements internationaux de la France, de protection des intérêts essentiels de sécurité, d’ordre public ou de sécurité publique, ou pour non-respect des conditions spécifiées dans la licence.
« Sous-section 3
« Obligations des fournisseurs et des destinataires
« Art. L. 2335-13. – Les fournisseurs de produits liés à la défense informent le ministre de la défense, dans un délai fixé par voie réglementaire, de leur intention d’utiliser une licence générale de transfert pour la première fois. L’autorité administrative peut exiger des informations supplémentaires sur les produits dont le transfert est envisagé.
« Les fournisseurs de produits liés à la défense informent les destinataires des conditions dont est assortie la licence de transfert, ainsi que, le cas échéant, des restrictions dont elle fait l’objet concernant l’utilisation finale de ces produits ou leur exportation hors du territoire de l’Union européenne. Ces conditions et restrictions doivent être reproduites dans le contrat ou dans tout acte liant les parties.
« Art. L. 2335-14. – Les fournisseurs de produits liés à la défense tiennent, dans des conditions déterminées par l’autorité administrative, un registre des transferts qu’ils ont effectués.
« Le registre des transferts, ainsi que l’ensemble des documents commerciaux nécessaires à leur réalisation, sont conservés pendant dix ans à compter de la fin de l’année civile au cours de laquelle le transfert a eu lieu.
« Les fournisseurs et les destinataires sont également tenus de transmettre à l’administration un compte rendu des prises de commande et des transferts effectués et reçus. L’autorité administrative définit le contenu de ce document, la périodicité de sa transmission et la liste des catégories de produits concernées par cette obligation.
« Sans préjudice des compétences du ministre chargé des douanes, le ministre de la défense exerce le contrôle du respect des obligations définies ci-dessus.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. Celui-ci fixe, en particulier, les informations qui doivent figurer dans le registre mentionné au premier alinéa du présent article.
« Art. L. 2335-15. – Lorsque le transfert d’un produit en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne est conditionné par cet État à la production d’une déclaration d’utilisation, le destinataire atteste que le produit lié à la défense qu’il acquiert doit être intégré dans ses propres produits et qu’il ne peut être ni transféré, ni exporté en l’état à partir du territoire français, sauf dans un but d’entretien ou de réparation.
« Sous-section 4
« Certification
« Art. L. 2335-16. – Les entreprises souhaitant être destinataires de produits liés à la défense transférés au titre des licences générales des autres États membres de l’Union européenne, sollicitent, auprès de l’autorité administrative, une certification attestant de leur fiabilité, notamment de leur capacité à appliquer les restrictions mentionnées au cinquième alinéa de l’article L. 2335-10.
« Les critères de certification sont définis par décret en Conseil d’État.
« Sous-section 5
« Transferts soumis à une procédure spécifique
« Art. L. 2335-17. – I. – Pour le contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, de munitions et de leurs éléments, le transfert de certaines armes, munitions et leurs éléments acquis à titre personnel figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d’État, ainsi que des armes, munitions et leurs éléments non considérés comme matériels de guerre figurant sur la même liste, est soumis à une autorisation préalable spécifique.
« Des dérogations à cette autorisation préalable peuvent être établies par l’autorité administrative.
« II. – L’autorité administrative peut à tout moment, suspendre, modifier, abroger ou retirer les autorisations préalables qu’elle a délivrées pour des raisons de respect des engagements internationaux de la France, de protection des intérêts essentiels de sécurité d’ordre public ou de sécurité publique, ou pour non-respect des conditions spécifiées dans l’autorisation préalable.
« III. – Les conditions d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2335-18. – I. – Est soumis à une autorisation préalable le transfert effectué depuis la France vers les autres États membres de l’Union européenne des matériels suivants :
« 1° Les satellites de détection ou d’observation, leurs équipements d’observation et de prises de vue, ainsi que leurs stations au sol d’exploitation, conçus ou modifiés pour un usage militaire ou auxquels leurs caractéristiques confèrent des capacités militaires ;
« 2° Les véhicules spatiaux, les autres satellites, leurs stations au sol d’exploitation, leurs équipements spécialement conçus ou modifiés pour un usage militaire ;
« 3° Les moteurs et système de propulsion spécialement conçus ou modifiés pour les matériels des 1° et 2° ;
« 4° Les fusées et les lanceurs spatiaux à capacité balistique militaire, leurs équipements et composants ainsi que les moyens spécialisés de production, d’essai et de lancement ;
« 5° Les parties, composants, accessoires et matériels spécifiques d’environnement, y compris les équipements de maintenance, des matériels mentionnés aux 1°, 2° et 3° ;
« 6° Les outillages spécialisés de fabrication des matériels mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 4°.
« L’autorisation est refusée lorsque le transfert est de nature à compromettre les intérêts essentiels de la sécurité.
« II. – Les dispositions des articles L. 2335-12, L. 2335-13, L. 2335-14 et L. 2335-15 sont applicables aux transferts régis par le I.
« III. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions et la procédure de délivrance de cette autorisation, ainsi que les éventuelles dérogations à cette obligation d’autorisation.
« Sous-section 6
« Dispositions communes
« Art. L. 2335-19. – Les contestations en douane portant sur la prohibition d’importation, d’exportation ou de transfert, prévue au présent chapitre, peuvent être soumises à un comité siégeant auprès du ministre de la défense et tranchées par lui. L’organisation et le fonctionnement de ce comité sont déterminés par décret. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 23
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
« Les licences d'exportation sont accordées aux exportateurs établis en France après que l'autorité administrative se soit assurée :
« - du respect des obligations et des engagements internationaux des États membres, en particulier des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations-Unies ou l'Union européenne, des accords en matière de non-prolifération, ainsi que des autres obligations internationales ;
« - de l'absence de risque manifeste que les matériels de guerre et matériels assimilés dont l'exportation est envisagée servent à la répression interne, à de graves violations des droits de l'homme ou du droit international humanitaire dans le pays destinataire ;
« - que ces matériels ne risquent pas de provoquer ou de prolonger des conflits armés ou d'aggraver des tensions ou des conflits existants dans le pays destinataire ;
« - de l'absence d'un risque manifeste d'utilisation de ces matériels de manière agressive contre un autre pays pour faire valoir par la force une revendication territoriale ;
« - de l'absence d'un risque d'utilisation de ces matériels aux fins de compromettre la sécurité nationale des États membres ainsi que celle des pays amis ou alliés ;
« - de l'absence d'utilisation de matériels de guerre et matériels assimilés par le pays destinataire aux fins de soutenir le terrorisme ou la criminalité organisée internationale ;
« - de l'équilibre entre le besoin légitime de sécurité et de défense du pays destinataire et la nécessité d'assurer son développement durable ;
« - de l'absence de risque de détournement et de réexportation de ces matériels vers un utilisateur final qui ne répondrait pas aux conditions susmentionnées.
« Les conditions de ce contrôle sont fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’essentiel de cet article vise à remplacer le système d’autorisation des ventes d’armes actuellement en vigueur dans notre pays par des licences d’exportation qui concerneraient également les exportations hors de l’Union européenne.
Il vise, pour cela, à harmoniser et, surtout, à simplifier les procédures. Il s’agit, en réalité, d’alléger les contrôles sur les importations et les exportations de matériels de guerre. On passerait ainsi d’un contrôle a priori, certes contraignant pour les industriels, car il ne leur permet pas d’engager rapidement des négociations pour conclure des marchés, à un système de contrôle a posteriori, une fois la licence accordée. Ce qui pourrait à la rigueur être admissible dans l’espace de l’Union européenne, encore que tous les pays ne soient pas au même niveau en matière de déontologie et de contrôle des matériels de guerre, l’est beaucoup moins pour les exportations hors de l’Union.
Selon moi, pour prévenir les risques de réexportation frauduleuse et d’utilisation inappropriée, nous devrions nous entourer de garanties juridiques permettant de ne pas autoriser une exportation. Ces garanties, qui reposent sur des critères précis, figurent en tant que telles dans une position commune adoptée par le Conseil européen et possédant un caractère contraignant.
Le fait d’inscrire, comme le prévoit cet amendement, ces critères dans la loi plutôt que de les intégrer, comme ils le sont actuellement, dans les « directives à haut niveau » d’application immédiate, qui sont données aux ministères chargés de l’instruction des dossiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Issue du code de bonne conduite de 1998, la position commune qui a été adoptée en 2008 sous la présidence française de l’Union européenne fixe huit critères pour l’exportation d’armements.
C’est un acte juridiquement contraignant, qui s’impose donc aux gouvernements pour la délivrance des autorisations. Juridiquement, la position commune ne nécessite pas, en droit français, une transposition législative, non plus d’ailleurs que dans d’autres États membres comme l’Allemagne et les Pays-Bas.
D’application directe, la position commune est, en effet, appliquée au quotidien avec la plus grande vigilance par l’administration. Les ministères chargés de l’instruction des dossiers examinent avec la plus grande vigilance les demandes d’exportation, s’assurant du respect des huit critères de la position commune. Cette vigilance explique, d’ailleurs, que les délais d’instruction soient très longs. Aujourd’hui, il faut au total plus de 110 jours pour procéder aux deux phases de cet examen.
D’après le rapport remis au Parlement sur les exportations d’armements, 79 demandes d’exportation ont été refusées en 2009 sur le fondement des critères de la position commune, dont près d’un tiers sur la base du septième critère, celui du risque de détournement ou de réexportation ultérieure. La plupart des refus concernaient le Moyen-Orient, l’Afrique subsaharienne ou l’Asie du Nord-Est.
Enfin, la position commune prévoit, dans son article 15, son réexamen tous les trois ans. Ce texte devrait, en conséquence, être bientôt appelé à évoluer.
Si nous transposons dans la loi le texte actuel de la position commune, il deviendra rapidement obsolète, et il faudra tout recommencer.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 1.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Le Gouvernement, qui partage l’avis de la commission, est défavorable à cet amendement.
Je me contenterai de rappeler que c’est la France qui a été à l’origine de l’inscription du code de bonne conduite dans la position commune adoptée par le Conseil le 8 décembre 2008, ce qui l’a rendu juridiquement contraignant.
À cet égard, l’introduction dans la loi d’une liste exhaustive – je sais le Sénat toujours attentif à ces questions de rédaction – aboutirait à un texte inutilement long. Ce serait contre-productif par rapport à la rédaction actuelle, laquelle permet expressément le retrait ou la suspension au motif du non-respect des engagements internationaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Si nous partageons totalement l’esprit de cet amendement, nous sommes sensibles au fait que les huit critères existent déjà dans la réglementation française. Dès lors, personne ne peut douter de leur mise en application.
L’inscription dans la loi ne nous paraît pas une exigence absolue. C’est la raison pour laquelle, bien que favorables à l’esprit de cet amendement, nous ne le voterons pas.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par les mots :
leur maintenance, leur conservation et leur contrôle a posteriori, ou leur réexportation
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement est une déclinaison du précédent. Je pense qu’il est nécessaire, pour renforcer les pouvoirs de contrôle de l’autorité administrative, d’inscrire précisément dans la loi que les licences d’exportation doivent également comporter des conditions ou des prescriptions ayant trait à la réexportation des matériels et au contrôle après la vente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui lui paraît superfétatoire. Il vise en effet à détailler la terminologie en ajoutant les termes de « maintenance », « conservation » et « réexportation » à ceux d’« utilisation finale ». Toutefois, la terminologie retenue dans le projet de loi est d’ores et déjà en vigueur, notamment à l’article 5 de la position commune.
La précision apportée par cet amendement nous paraît donc inutile.
Pour ce qui est du contrôle a posteriori, il a été renforcé par la nouvelle rédaction adoptée par la commission de l’article 2 du texte, qui vise à conférer des prérogatives très étendues d’inspection in situ aux agents habilités du ministère de la défense. Les dispositions relatives au contrôle doivent figurer non dans les licences délivrées aux industriels mais dans le code de la défense. Faire ici référence au contrôle ne serait pas efficace.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Madame la sénatrice, bien que je comprenne l’esprit qui anime cet amendement, je vous demande néanmoins de le retirer. La notion d’« utilisation finale » recouvre, en réalité, très précisément l’ensemble des thèmes qui vous préoccupent, notamment celui de la réexportation.
Sous le bénéfice de ces explications, j’espère que vous accepterez de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Madame Demessine, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Michelle Demessine. Il l’est, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Notre position sur cet amendement sera identique à celle que nous avons adoptée sur l’amendement précédent.
Je précise que ces amendements nous ont été suggérés par des organisations non gouvernementales, telles que le Comité catholique contre la faim et pour le développement, le CCFD, et Oxfam, qui s’assurent de manière intelligente de la transparence du marché des armements.
Très attachés à cette idée, nous avons, nous aussi, fait progresser la réglementation. La France peut d’ailleurs être fière de son action, depuis plusieurs années, en la matière.
Dès lors que ces dispositions figurent déjà dans la réglementation, les inscrire dans la loi n’ajouterait à peu près rien.
Nous ne voterons donc ni cet amendement ni les suivants.
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 60
Après les mots :
l'utilisation finale de ces produits
insérer les mots :
leur maintenance, leur conservation, leur contrôle a posteriori
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par coordination, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport annuel au Parlement dans lequel il publie la totalité des licences octroyées ou révoquées, en détaillant les types de matériels et les utilisateurs finaux, ainsi que les motifs invoqués pour les licences révoquées. Un décret en Conseil d'État détermine la nature des informations publiées.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Le rapport sur les exportations d’armements remis chaque année au Parlement est relativement volumineux, mais les informations qu’il contient sont assez succinctes. Pour des raisons évidentes de sécurité, de concurrence entre fournisseurs, ou tout simplement de volume, il est compréhensible que l’intégralité des documents ne puisse être divulguée.
Mais à côté des informations et des analyses présentées dans le rapport devraient également figurer un certain nombre d’éléments plus précis.
Par cet amendement, nous proposons donc qu’un décret en Conseil d’État détermine la nature des informations à publier. Je pense en particulier à une liste nominative des licences, ainsi qu’à une liste plus détaillée du type de matériels et des utilisateurs finaux, alors que seuls sont mentionnés actuellement les pays destinataires. Il serait également nécessaire de publier les motifs invoqués pour retirer une licence.
Ces différentes mesures contribueraient à rendre ces marchés plus transparents et à améliorer l’information du Parlement. Ce serait aussi une façon de traduire dans notre législation l’un des engagements de la position commune européenne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je regrette d’opposer, une fois de plus, un avis défavorable à l’amendement présenté par Mme Demessine. Je suis en général très sensible aux amendements qui visent à accroître l’information du Parlement, mais, dans le cas présent, je me demande s’il est réaliste de demander la publication de l’intégralité des autorisations et refus, qui représentent un total de 13 000 actes. Même avec la simplification administrative qui doit découler du nouveau système, il en restera encore 6 000 !
Je crains que trop d’informations ne tuent l’information. Le format actuel du rapport est lisible et les tableaux en annexe détaillent par zones géographiques les autorisations accordées ou refusées, en mentionnant les types d’armements, les pays concernés et les montants précis. Pourquoi établir un listing des 13 000 ou 6 000 autorisations ?
Par ailleurs, madame Demessine, j’ai bien peur qu’en livrant un trop grand nombre d’informations sur les contrats passés par nos industriels, nous ne donnions quelques idées à la concurrence. N’oublions pas qu’il s’agit d’un marché extrêmement disputé, sur lequel nous avons quelquefois bien du mal à nous défendre. Trop de transparence touche à l’innocence !
M. André Trillard. C’est la glasnost !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre. Je partage l’avis de la commission. Je précise que, à l’échelle européenne, le niveau de transparence du rapport français est de loin le plus élevé.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
I. – Le III de l’article L. 2331-1 du code de la défense est remplacé par les dispositions suivantes :
« III. – Les matériels appartenant ou non aux précédentes catégories, qui sont soumis à des restrictions ou à une procédure spéciale pour l’importation ou l’exportation hors du territoire de l’Union européenne, ou le transfert au sein de l’Union européenne, sont définis au chapitre V du présent titre. »
II. – À l'article L. 2332-4 du code de la défense, le mot : « représentants » est remplacé par les mots : « agents habilités ».
III. – Le second alinéa de l'article L. 2339-1 du code de la défense est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les agents du ministère de la défense habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État peuvent également constater les infractions aux dispositions du présent titre ainsi qu'aux dispositions réglementaires prises pour leur application.
« Les titulaires des autorisations et des licences définies dans le présent titre sont tenus de laisser pénétrer, dans toutes les parties de leurs locaux, les agents habilités de l'État.
« Ils sont tenus de fournir les renseignements verbaux ou écrits et les comptes rendus demandés par ces mêmes agents.
« Ils sont également tenus de n'apporter aucune entrave aux investigations nécessaires à l'exécution des missions des agents habilités. Ces investigations peuvent comporter, outre l'examen des lieux, des matériels et du système d'information, les recensements et les vérifications des comptabilités ou registres de toute espèce paraissant utiles.
« Les agents habilités de l'État qui ont connaissance à titre quelconque des renseignements recueillis au sujet des entreprises en application du présent titre sont tenus au secret professionnel sous les peines définies à l'article 226-13 du code pénal.
« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les agents des douanes et les agents habilités du ministère de la défense mentionnés au présent article peuvent se communiquer spontanément tous les renseignements et documents détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives.
« En cas d'infraction aux dispositions du présent titre, les services compétents du ministère de la défense adressent au procureur de la République les procès-verbaux des constatations effectuées. Une expédition est également transmise au ministre de la défense.
« Préalablement à tout acte de poursuite envisagé sur le fondement des dispositions du présent titre, le procureur de la République doit demander l'avis du ministre de la défense, par tout moyen dont il est fait mention dans la procédure, hormis en ce qui concerne le port, le transport et l'usage mentionnés au chapitre VIII du présent titre. Cet avis est donné dans un délai d'un mois, sauf cas d'urgence. La dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf si cet avis n'a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d'urgence. »
IV. – (nouveau) Les articles L. 2332-7 et L. 2332-9 du code de la défense, et le deuxième alinéa de l'article L. 2332-3 du code de la défense sont abrogés.
V. – (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 2352-1 du code de la défense est remplacé par les dispositions suivantes :
« La production, l’importation et l’exportation hors du territoire de l’Union européenne, le transfert entre États membres de l’Union européenne, le commerce, l’emploi, le transport et la conservation des produits explosifs sont subordonnés à un agrément technique et aux autorisations et contrôles nécessités par les exigences de la sécurité publique et de la défense nationale. »
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les agents habilités de l'État, ou la représentation diplomatique de l'État, doivent également s'assurer régulièrement que l'usage par les utilisateurs finaux du matériel exporté se fait dans le respect des dispositions du présent titre.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. L’amélioration des instruments internationaux sur le commerce des armes et la nécessité d’agir pour qu’ils soient ratifiés par le plus grand nombre de pays ne sauraient nous dispenser de rechercher les moyens d’assurer un meilleur contrôle des ventes d’armes à l’exportation.
Plutôt que d’alléger le système de contrôle, comme vous le proposez, il aurait fallu au contraire le renforcer. En effet, les matériels de guerre exportés peuvent être, actuellement, assez facilement détournés d’un usage habituel et utilisés de façon totalement incontrôlée. Ils peuvent aussi être réexportés vers des zones de conflits. Cela est essentiellement dû au manque d’efficacité, faute de moyens de vérification fiables, des contrôles post-exportation.
Ces contrôles devraient également pouvoir être effectués dans le pays destinataire, au terme d’accords passés entre les deux pays, par ce qu’il est convenu d’appeler les « agents habilités de l’État ».
Nous proposons donc de préciser que les agents de notre réseau diplomatique figurent parmi ces agents habilités de l’État. Nos attachés de défense, en particulier, lorsqu’ils sont couverts par un statut diplomatique, seraient à mon sens les plus compétents en ce domaine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je suis désolé d’émettre à nouveau un avis défavorable.
Cet amendement tend à prévoir que les agents habilités de l’État ou nos représentants diplomatiques en poste à l’étranger s’assurent de l’utilisation, par leurs destinataires, des armements exportés. Ils auront bien du mal à le faire !
Pour des raisons évidentes de territorialité, le contrôle de l’administration française sur l’exportateur – sur lequel pèsent d’ailleurs des sanctions pénales très lourdes ! – s’exerce en France. Cela n’empêche pas le ministère des affaires étrangères d’intervenir avant la délivrance de l’autorisation. En effet, dans les pays sensibles, nos postes sont systématiquement sollicités. Le cas échéant, on peut aussi faire remonter les informations transmises par nos services de renseignement.
Il est donc important de soutenir les initiatives internationales visant à établir, non pas un traité, mais un socle de droit international prévoyant des règles partagées par le plus grand nombre d’États et, si possible, des mécanismes de contrôle. On ne peut pas contrôler sur pièce et sur place dans des pays étrangers sans que ces derniers ne nous donnent leur accord ! C’est une question de bon sens.
Nous sommes d’ardents défenseurs d’un traité sur le commerce des armes. Le principe de ce traité, dont nous avons été les promoteurs, a fait l’objet d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, en 2009. Mais la signature d’un tel document suppose que chaque État adhère à un système de contrôle. Or nous n’en sommes pas encore là !
En tout état de cause, nous n’avons pas les moyens de nous rendre dans les pays étrangers pour y faire la police !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre. Je partage l’avis de la commission, tout d’abord en raison du principe de souveraineté des États, qui a été rappelé avec beaucoup de clarté par M. le président de Rohan.
Ensuite, je tiens à informer Mme Demessine que nous disposons de procédures permettant de nous assurer que les matériels sont bien vendus aux seules personnes autorisées. Je pense notamment aux certificats de réexportation, authentifiés par nos représentations diplomatiques et par les services de renseignement, qui contrôlent de façon très approfondie les risques de détournement de matériels.
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par M. Trillard, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Après le mot :
concerne
insérer les mots :
l'acquisition et la détention mentionnées au chapitre VI du présent titre, la conservation, la perte et le transfert de propriété mentionnés au chapitre VII du présent titre et
La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. L’article L. 2339-1 du code de la défense prévoit que le procureur de la République, avant d’engager des poursuites, doit demander l’avis du ministère de la défense. Cette obligation est assortie d’exceptions tenant au fait que l’avis du ministère de la défense n’est pas requis en ce qui concerne les infractions présumées relatives au port, au transport et à l’usage d’armes à feu dont les dispositions figurent, dans ce code, au chapitre VIII du titre III relatif aux matériels de guerre, armes et munitions.
D’un point de vue philosophique, l’autorisation préalable du ministère de la défense pour engager des poursuites ne peut porter que sur des armes fabriquées par des entreprises d’armement, c’est-à-dire des armes de première, deuxième et troisième catégories.
Le texte qui nous est proposé reprend en partie, en le transformant, l’ancien article 36 du décret-loi du 18 avril 1939, abrogé par la ratification du code de la défense.
Jusqu’à présent, les auteurs d’infractions pouvaient arguer qu’ils se livraient à l’activité de commerce d’armes, même si les matériels concernés n’étaient pas des armes de guerre. Il était peu probable, en effet, que le ministère de la défense donne une réponse sur ce sujet durant le délai de la garde à vue, ce qui leur permettait d’échapper aux poursuites.
Nous proposons donc que l’on puisse se passer de l’avis du ministère de la défense pour toutes les infractions concernant des armes qui relèvent non pas de la définition militaire du terme, mais de la justice ordinaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, ministre. Je remercie M. Trillard de son travail rédactionnel. C’est un excellent amendement, qui va dans le sens des libertés publiques et permet de mieux restreindre les cas dans lesquels le procureur de la République, dans le cadre de l’article L. 2339-1 du code de la défense, doit demander l’avis du ministère de la défense. En effet, certains matériels mentionnés dans cet article ne sont pas des armes au sens militaire du terme, et ne relèvent donc pas du périmètre de compétence du ministère de la défense.
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Au deuxième alinéa de l'article L. 2339-3 du code de la défense, les mots : « des articles L. 2332-6 et L. 2332-9, du premier alinéa de l'article L. 2332-10 et des articles L. 2335-2 et L. 2336-2 du présent titre ; » sont remplacés par les mots : « des articles L. 2332-6, du premier alinéa de l'article L. 2332-10 et des articles L. 2336-2 et L. 2339-1 du présent titre ».
II. – La section 5 du chapitre IX du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est modifiée ainsi qu’il suit :
1° L’intitulé de la section 5 est remplacé par l’intitulé suivant : « Section 5 - Sanctions pénales des importations, exportations et transferts » ;
2° L’article L. 2339-11 est modifié comme suit :
a) Au premier alinéa, les mots : « dans l’article L. 2535-4 » sont remplacés par les mots : « dans l’article L. 2332-8-1 » ;
b) Au second alinéa, les mots : « ou du poinçon d’exportation » sont supprimés ;
3° Après l’article L .2339-11 sont insérés les articles suivants :
« Art. L. 2339-11-1. – Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 € :
« 1° Sans préjudice de l’application du code des douanes, le fait de contrevenir aux dispositions des articles L. 2335-2, L. 2335-3, L. 2335-9 et L. 2335-10 et au I de l’article L. 2335-18 ;
« 2° Le fait de ne pas tenir ou de ne pas conserver durant le délai prévu le registre des exportations prévu à l’article L. 2335-6 et le registre des transferts effectués, mentionné à l’article L. 2335-14 ;
« 3° Le fait de ne pas présenter les registres des exportations ou les registres de transferts et aux agents visés à l’article L. 2339-1, à leur première demande ;
« 4° Le fait d’omettre, de manière répétée et significative, de renseigner une ou plusieurs des informations obligatoires des registres prévus aux articles L. 2335-6 et L. 2335-14.
« Art. L. 2339-11-2. – Est puni d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 € :
« 1° Le fait de ne pas reproduire les mentions obligatoires prescrites au deuxième alinéa de l’article L. 2335-5 ou au deuxième alinéa de l’article L. 2335-13 ;
« 2° Le fait pour le destinataire de transférer ou d’exporter des matériels non intégrés dans ses produits en violation de l’engagement prévu à l’article L. 2335-15 ;
« 3° Le fait d’obtenir la licence d’exportation mentionnée à l’article L. 2335-7 à la suite d’une déclaration mensongère ou frauduleuse selon laquelle les restrictions à l’exportation de produits liés à la défense, reçus au titre d’une licence de transfert d’un État membre de l’Union européenne, ont été respectées ou levées par l’État membre d’origine ;
« 4° Le fait pour un destinataire d’omettre ou de refuser de répondre aux demandes qui lui sont adressées par les agents mentionnés à l’article L. 2339-1 concernant les utilisateurs finaux et l’utilisation finale de tous les produits exportés, transférés ou reçus par l’entreprise au titre d’une licence de transfert d’un autre État membre de l’Union européenne.
« Art. L. 2339-11-3. – Est puni d’une amende de 15 000 € :
« 1° Le fait pour un fournisseur ou un exportateur de ne pas informer le ministre de la défense, dans le délai fixé, y compris par négligence, de son intention d’utiliser une licence générale d’exportation ou une licence générale de transfert pour la première fois ;
« 2° Le fait de ne pas transmettre à l’autorité administrative la déclaration des matériels exportés mentionnée à l’article L. 2335-6 et la déclaration des matériels transférés mentionnée à l’article L. 2335-14.
« Art. L. 2339–11-4. – Pour les infractions prévues aux articles L. 2339-11-1 et L. 2339-11-2, les personnes morales encourent :
« 1° L’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal ;
« 2° Les peines mentionnées aux 2°, 4°, 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal. » – (Adopté.)
Article 4
I. – L’article 2 ter du code des douanes est abrogé.
II. – À la première phrase du point 4 de l’article 38 du code des douanes, après les mots : « les dispositions du présent article sont applicables », sont ajoutés les mots : « aux produits liés à la défense dont le transfert est soumis à l’autorisation préalable prévue à l’article L. 2335-10 du code de la défense, aux produits chimiques du tableau 1 annexé à la Convention de Paris et mentionnés à l’article L. 2342-8 du code de la défense, aux matériels mentionnés à l’article L. 2335-18 du code de la défense ainsi qu’aux produits explosifs destinés à des fins militaires régis par l’article L. 2352-1 du code de la défense, ».
III. – Au 4 de l’article 95 du code des douanes, les mots : « la forme des déclarations applicables aux opérations mentionnées à l’article 2 ter ainsi que » sont supprimés.
IV. – Au 1 de l’article 419 du code des douanes, les mots : « 2 ter, » sont supprimés.
V. – Au 2 de l’article 419 du code des douanes, les mots : « et les personnes visées aux 2 et 3 de l’article 2 ter » sont supprimés.
VI. – (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. de Rohan, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
et les personnes visées
La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de pure forme, qui vise à corriger une erreur matérielle figurant dans le texte initial.
La présente rédaction du projet de loi tend à supprimer, au 2 de l’article 419 du code des douanes, les mots « et les personnes visées aux 2 et 3 de l’article 2 ter ».
Si cette expression est supprimée, il n’y aura plus de sujet dans la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article du code des douanes. L’amendement vise donc à maintenir ces termes, afin de veiller à la correction grammaticale de notre droit. On peut légiférer tout en parlant français !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives à la transposition de la directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE
Article 5
L’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics est modifiée ainsi qu’il suit :
1° À l’article 2 :
a) Le premier alinéa est précédé d’un « I » ;
b) Il est ajouté les dispositions suivantes :
« II. – Les marchés et accords-cadres de défense ou de sécurité sont les marchés et accords-cadres ayant pour objet :
« 1° La fourniture d’équipements, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous assemblages, qui sont destinés à être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre, qu’ils aient été spécifiquement conçus à des fins militaires, ou qu’ils aient été initialement conçus pour une utilisation civile puis adaptés à des fins militaires ;
« 2° La fourniture d’équipements destinés à la sécurité, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous-assemblages, et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l’intérêt de la sécurité nationale ;
« 3° Des travaux, fournitures et services directement liés à un équipement visé au 1° ou 2° , y compris la fourniture d’outillages, de moyens d’essais ou de soutien spécifique, pour tout ou partie du cycle de vie de l’équipement ; le cycle de vie de l’équipement est l’ensemble des états successifs qu’il peut connaître, notamment la recherche et développement, le développement industriel, la production, la réparation, la modernisation, la modification, l’entretien, la logistique, la formation, les essais, le retrait, le démantèlement et l’élimination ;
« 4° Des travaux et services ayant des fins spécifiquement militaires, ou des travaux et services destinés à la sécurité et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l’intérêt de la sécurité nationale ;
« 5° Des travaux, fournitures ou services mentionnés aux 1° à 4°, et des travaux, fournitures ou services qui n’y sont pas mentionnés, lorsque la passation d’un marché unique est justifiée pour des raisons objectives. »
2° Au II de l’article 3, après les mots : « les règles », sont insérés les mots : « de passation ou d’exécution » ;
3° À l’article 4 :
a) Le premier alinéa est précédé d’un « I » ;
b) Il est ajouté les dispositions suivantes :
« II. – Les dispositions de la présente ordonnance ne font pas obstacle à la possibilité pour les entités adjudicatrices d’appliquer volontairement les règles de passation ou d’exécution prévues par le code des marchés publics. » ;
4° L’article 7 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 7. – I. – Les dispositions de la présente ordonnance ne sont pas applicables aux marchés, quel que soit leur objet, qui présentent les caractéristiques suivantes :
« 1° Marchés de services conclus avec un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance, lorsque ce pouvoir adjudicateur ou cette entité adjudicatrice bénéficie, sur le fondement d’une disposition légalement prise, d’un droit exclusif, à condition que cette disposition soit compatible avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
« 2° Marchés de services qui ont pour objet l’acquisition ou la location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles, ou qui concernent d’autres droits sur ces biens ;
« 3° Marchés passés au bénéfice d’un pouvoir adjudicateur ou d’une entité adjudicatrice en vertu de la procédure propre à une organisation internationale et dans le cadre des missions de celle-ci ;
« 4° Marchés passés selon des règles de passation particulières prévues par un accord international, y compris un arrangement administratif, relatif au stationnement de troupes ou conclu entre au moins un État membre de l’Union européenne et au moins un État tiers ;
« 5° Marchés de services relatifs à l’arbitrage et à la conciliation ;
« 6° Marchés de service concernant les contrats de travail.
« II. – Les dispositions de la présente ordonnance ne sont pas applicables aux marchés, autres que les marchés de défense ou de sécurité, qui présentent les caractéristiques suivantes :
« 1° Marchés de services financiers relatifs à l’émission, à l’achat, à la vente et au transfert de titres ou d’autres instruments financiers, en particulier les opérations d’approvisionnement en argent ou en capital des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices ; toutefois, les contrats de services financiers conclus en relation avec un contrat d’acquisition ou de location de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles, sous quelque forme que ce soit, entrent dans le champ d’application de l’ordonnance ;
« 2° Marchés de services de recherche et développement pour lesquels le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’acquiert pas la propriété exclusive des résultats ou ne finance pas entièrement la prestation ;
« 3° Marchés qui exigent le secret ou dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité conformément aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’État l’exige ;
« 4° Marchés qui ont pour objet l’achat d’œuvres d’art, d’objets d’antiquité et de collection et marchés ayant pour objet l’achat d’objets d’art.
« III. – Les dispositions de la présente ordonnance ne sont pas applicables aux marchés de défense ou de sécurité qui présentent les caractéristiques suivantes :
« 1° Marchés de services financiers à l’exception des services d’assurance ;
« 2° Marchés de services de recherche et développement pour lesquels le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’acquiert pas la propriété exclusive des résultats ou ne finance pas entièrement la prestation ;
« La recherche et développement est définie comme l’ensemble des activités relevant de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et du développement expérimental, y compris la réalisation de démonstrateurs technologiques, et à l’exception de la réalisation et de la qualification de prototypes de pré-production, de l’outillage et de l’ingénierie industrielle, de la conception industrielle et de la fabrication ; les démonstrateurs technologiques sont les dispositifs visant à démontrer les performances d’un nouveau concept ou d’une nouvelle technologie dans un environnement pertinent ou représentatif ;
« 3° Marchés portant sur des armes, munitions ou matériel de guerre, lorsque, au sens de l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la protection des intérêts essentiels de sécurité de l’État l’exige ;
« 4° Marchés pour lesquels l’application de la présente ordonnance ou du code des marchés publics obligerait à une divulgation d’informations contraire aux intérêts essentiels de sécurité de l’État ;
« 5° Marchés spécifiquement destinés aux activités de renseignement ;
« 6° Marchés passés dans le cadre d’un programme de coopération fondé sur des activités de recherche et développement mené conjointement par l’État et un autre État membre de l’Union européenne en vue du développement d’un nouveau produit et, le cas échéant, de tout ou partie des phases ultérieures du cycle de vie de ce produit tel que défini au 3° du II de l’article 2 ; lorsque seuls participent au programme des personnes relevant d’États membres, l’État notifie à la Commission européenne, au moment de la conclusion de l’accord ou de l’arrangement de coopération, la part des dépenses de recherche et développement par rapport au coût global du programme, l’accord relatif au partage des coûts ainsi que, le cas échéant, la part envisagée d’achat pour chaque État membre telle que définie dans l’accord ou l’arrangement ;
« 7° Marchés passés dans un pays tiers lorsque des forces sont déployées hors du territoire de l’Union européenne, et que les besoins opérationnels exigent qu’ils soient conclus avec des opérateurs économiques locaux implantés dans la zone des opérations ;
« 8° Marchés ayant pour objet des travaux, fournitures ou services mentionnés au II de l’article 2, et des travaux, fournitures ou services n’entrant pas dans le champ de la présente ordonnance, lorsque la passation d’un marché global est justifiée pour des raisons objectives. » ;
5° À l’article 8 :
a) Le 1° est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1° Les personnes qui ont fait l’objet, depuis moins de cinq ans, d’une condamnation définitive pour l’une des infractions prévues par les articles 222-38, 222-40, 226-13, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3, 324-1 à 324-6, 413-9 à 413-12, 421-1 à 421-2-3, par le deuxième alinéa de l’article 421-5, par l’article 433-1, par le deuxième alinéa de l’article 433-2, par le huitième alinéa de l’article 434-9, par le deuxième alinéa de l’article 434-9-1, par les articles 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 441-1 à 441-7, par les premier et deuxième alinéas de l’article 441-8, par l’article 441-9, par les articles 445-1 et 450-1 du code pénal et par l’article 1741 du code général des impôts, par les articles L. 2339-2 à L. 2339-4, L. 2339-9, L. 2339-11-1 à L.2339-11-3 du code de la défense »
b) Après le 4°, il est inséré les dispositions suivantes :
« 5° Pour les marchés de défense ou de sécurité, les personnes qui ont été sanctionnées par la résiliation de leur marché ou qui, par une décision de justice, ont vu leur responsabilité civile engagée depuis moins de cinq ans, pour méconnaissance de leurs engagements en matière de sécurité d’approvisionnement ou en matière de sécurité de l’information, à moins qu’elles aient entièrement exécuté les décisions de justice éventuellement prononcées à leur encontre et qu’elles établissent, par tout moyen, que leur professionnalisme ne peut plus être remis en doute ;
« 6° Pour les marchés de défense ou de sécurité, les personnes au sujet desquelles il est établi, par tout moyen, et le cas échéant par des sources de données protégées, qu’elles ne possèdent pas la fiabilité nécessaire pour éviter des atteintes à la sécurité de l’État. » ;
6° Il est créé un article 37-2 rédigé ainsi qu’il suit :
« Art. 37-2. – I. – Pour les marchés de défense ou de sécurité, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices peuvent ne pas accepter un opérateur économique proposé par le candidat ou le titulaire comme sous-contractant, pour l’un des motifs prévus à l’article 8 ou au motif qu’il ne présente pas les garanties suffisantes telles que celles exigées pour les candidats du marché principal, notamment en termes de capacités techniques, professionnelles et financières ou de sécurité de l’information ou de sécurité des approvisionnements.
« Le sous-contractant est l’opérateur économique avec lequel le titulaire du marché conclut, aux fins de la réalisation de celui-ci, un contrat de sous-traitance au sens de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ou un contrat dépourvu des caractéristiques du contrat d’entreprise.
« II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » ;
7° Il est créé un article 37-3 rédigé ainsi qu’il suit :
« Art. 37-3. – I. – Les marchés de défense ou de sécurité, exclus ou exemptés de l’Accord sur les Marchés Publics conclu dans le cadre de l’Organisation mondiale du Commerce, sont passés avec des opérateurs économiques d’États membres de l’Union européenne ou d’un État partie à l’Espace économique européen.
« II. – Un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice peut toutefois autoriser, au cas par cas, des opérateurs économiques de pays tiers à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen à participer à une procédure de passation de marchés de défense ou de sécurité.
« III. – La possibilité mentionnée au II prend notamment en compte les impératifs de sécurité d’information et d’approvisionnement, la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l’État, l’intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, les objectifs de développement durable et les exigences de réciprocité.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
8° Il est créé un article 37-4 rédigé ainsi qu’il suit :
« Art. 37-4 – I. – Dans le cadre des marchés de défense ou de sécurité, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices peuvent ne pas accepter un opérateur économique qui ne dispose pas des capacités techniques, au regard, notamment, de l’implantation géographique de l’outillage, du matériel, de l’équipement technique, du personnel, du savoir-faire et des sources d’approvisionnement dont il dispose, pour exécuter le marché, faire face à d’éventuelles augmentations des besoins par suite d’une crise ou pour assurer la maintenance, la modernisation ou les adaptations des fournitures faisant l’objet du marché, lorsque cette implantation se trouve hors du territoire de l’Union européenne.
« II. – En outre, afin de prendre en compte les objectifs de développement durable, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices peuvent ne pas accepter un opérateur économique qui ne dispose pas des capacités techniques suffisantes au regard, notamment, des exigences environnementales préalablement définies.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
9° (nouveau) Il est créé un article 37-5 rédigé ainsi qu’il suit :
« Art. 37-5 – Un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice peut imposer, notamment dans un marché de défense ou de sécurité, au titre des conditions d'exécution, que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie du marché, maintenir ou moderniser les produits acquis, soient localisés sur le territoire des États membres de l'Union européenne ou des États parties à l’Espace économique européen, afin, notamment, d’assurer la sécurité des informations et des approvisionnements ».
10° (nouveau) À l’article 38 :
a) Le premier alinéa est précédé d’un « I » ;
b) Sont ajoutées les dispositions suivantes :
« II. – Les dispositions des articles 37-2, 37-3, 37-4 et 37-5 sont applicables aux personnes soumises au code des marchés publics. » – (Adopté.)
Article 6
Le code de justice administrative est modifié ainsi qu’il suit :
1° À l’article L. 551-2 :
a) Le premier alinéa est précédé d’un : « I » ;
b) Sont ajoutées les dispositions suivantes :
« II. – Toutefois, les dispositions du I ne sont pas applicables aux contrats passés dans les domaines de la défense ou de la sécurité au sens du II de l’article 2 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.
« Pour ces contrats, il est fait application des dispositions des articles L. 551-6 et L. 551-7. » ;
2° Le second alinéa de l’article L. 551-19 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Cette raison ne peut être constituée par la prise en compte d’un intérêt économique que si la nullité du contrat entraîne des conséquences disproportionnées et que l’intérêt économique atteint n’est pas directement lié au contrat, ou si le contrat porte sur une délégation de service public ou encore si la nullité du contrat menace sérieusement l’existence même d’un programme de défense ou de sécurité plus large qui est essentiel pour les intérêts de sécurité de l’État. » – (Adopté.)
Chapitre III
Dispositions diverses et transitoires
Article 7
I. – Les agréments préalables délivrés antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi conservent leur validité jusqu’à leur terme.
II. – Les autorisations d’exportation de matériels de guerre et matériels assimilés concernant l’exportation vers des États membres de l’Union européenne et délivrées jusqu’à la date d’entrée en vigueur mentionnée au I de l’article 8 de la présente loi sont réputées valoir licences individuelles et globales de transfert ou autorisation de transfert au sens de l’article L. 2335-18 jusqu’à l’expiration de leur durée de validité s’agissant des autorisations individuelles, et cinq ans après la date d’entrée en vigueur de la présente loi s’agissant des autorisations globales. – (Adopté.)
Article 8
I. – À titre transitoire, jusqu’à une date déterminée dans les décrets d’application et au plus tard le 31 décembre 2014 :
1° Les opérations mentionnées au premier alinéa du IV de l’article L. 2335-3 sont soumises au régime de l’agrément préalable dans les conditions fixées par l’article L. 2335-2 du code de la défense dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi ;
2° Les opérations mentionnées au premier alinéa du IV de l’article L. 2335-10 sont soumises au régime de l’agrément préalable dans les conditions fixées par l’article L. 2335-2 du code de la défense dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.
II. – Les agréments préalables délivrés dans cette période conservent leur validité jusqu’à leur terme.
III. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
Article 9
I. – Sous réserve des dispositions de l’article 8, les articles 1er à 4 et l’article 7 entrent en vigueur le 30 juin 2012.
II. – L’article 5 entre en vigueur le 21 août 2011.
III. – Les dispositions de l’article 6 sont applicables aux contrats pour lesquels une consultation est engagée à compter du 21 août 2011. – (Adopté.)
Article 10
Les articles 1er à 3, 7 et 8 ainsi que le I de l’article 9 de la présente loi sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, retenue par l’enquête sur le Mediator, je n’ai pu assister que de très loin à vos débats.
Le très lucratif commerce des armes donne lieu, aujourd’hui, à une transposition juridique dont on nous dit que la finalité est dictée par une volonté d’encadrement vigilant. Cet argument ne convainc pas les élus d’Europe Écologie. Nous voterons donc contre ce texte.
Au bout du commerce des armes se trouvent tout de même du sang, des frontières incertaines entre légalité et illégalité, des paradis fiscaux et le flirt avec l’argent sale. Nos convictions pacifistes et notre prévention en la matière nous rendent plus exigeants que vous sur cette question.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
9
Conventions internationales instituant des partenariats de défense
Adoption de quatre projets de loi
(Textes de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion :
– du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense (projet n° 103, texte de la commission n° 246, rapport n° 245) ;
– du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise (projet n° 104, texte de la commission n° 247, rapport n° 245) ;
– du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense (projet n° 351 [2009-2010], texte de la commission n° 640 [2009-2010], rapport n° 639 [2009-2010]) ;
– du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense (projet n° 352 [2009-2010], texte de la commission n° 641 [2009-2010], rapport n° 639 [2009-2010]).
Ces quatre projets de loi font l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir excuser mon collègue Henri de Raincourt, retenu par d’autres obligations gouvernementales.
J’ai l’honneur de soumettre à votre assemblée la proposition de ratification des accords de partenariat de défense entre la France et quatre pays africains : le Togo, le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine. Cette exigence de transparence, voulue par le Président de la République, constitue une innovation et une avancée supplémentaire au regard du droit d’information du Parlement.
Dans un mouvement inédit depuis la décolonisation, la France a en effet procédé avec ses partenaires africains à la renégociation de ses accords de défense, dont certains avaient été négociés il y a près de cinquante ans. Autant dire que les enjeux stratégiques auxquels nous faisons face ont entre-temps évolué ; c’est un euphémisme !
Le cadre de renégociation a été précisé lors d’un discours du Président de la République en Afrique du Sud il y a deux ans, le 28 février 2008. Dans la continuité de cette intervention, tout un travail de renégociation a débuté en janvier 2009 et concernait huit pays africains. En l’état actuel des choses, quatre négociations ont abouti et ce sont les accords issus de ces dernières qui vous sont aujourd'hui soumis.
Ces accords reposent sur deux piliers principaux.
D’abord, ils ne comporteront plus de « clause de sécurité », c’est-à-dire de référence à une éventuelle intervention dans une crise intérieure.
Ce type de clause ne correspond plus ni aux besoins ni aux attentes de l’Afrique d’aujourd’hui, où s’affirme de plus en plus nettement la volonté de voir prédominer les systèmes de sécurité collective des Nations unies et de l’Union africaine.
Ensuite, la finalité de nos forces pré-positionnées sera d’appuyer la constitution, toujours en attente, de forces africaines régionales et continentales.
Dans ce cadre, ces accords de partenariat de défense sont simples, clairs et transparents.
Ils comportent également des dispositions relatives au statut des membres du personnel et des personnes à charge, lequel a été renforcé, afin de garantir la protection de ces derniers, notamment au Cameroun, État qui, comme vous le savez, applique la peine de mort.
Surtout, ces accords prévoient – et j’y suis particulièrement sensible – l’association de l’Union européenne et de ses États membres aux projets de coopération. L’intérêt de la France est toujours de fédérer autour de sa politique une action européenne qui vient encore renforcer et épauler nos efforts.
Permettez-moi de préciser succinctement le contenu de ces accords de partenariat de défense.
L’accord conclu avec le Togo est en fait un cas type : il correspond au dispositif de base commun à tous les pays que je viens d’évoquer. Il est centré notamment sur la formation et le soutien aux opérations de maintien de la paix des Nations unies.
L’accord signé avec le Cameroun est un peu différent du précédent, car la France dispose d’une mission logistique militaire à Douala. Celle-ci joue un rôle important dans le soutien de nos forces intervenant à titre bilatéral – le dispositif Épervier au Tchad – ou dans le cadre d’opérations internationales en Afrique centrale. Une annexe fixe le régime juridique de cette mission.
Cet accord permet de préciser le cadre de notre relation de défense avec le Cameroun.
Les deux accords qui concernent le Gabon et la République centrafricaine sont particuliers, dans la mesure où ces deux pays accueillent des troupes françaises, de manière permanente pour le Gabon et dans le cadre d’une opération extérieure, ou OPEX, pour la République centrafricaine.
L’accord avec le Gabon comporte deux particularités : il dispose d’une annexe relative aux facilités opérationnelles accordées aux forces françaises et son préambule fait référence aux mécanismes africains de sécurité collective, ce qui correspond à l’état d’esprit qui nous a animés durant tout ce travail de renégociation.
Je rappelle que la signature de cet accord ne modifie en rien le dispositif des forces françaises présentes au Gabon : leur volume et leurs capacités resteront les mêmes.
Enfin, l’accord conclu avec la République centrafricaine, contrairement aux précédents accords conclus avec ce pays, ne comporte pas de clause d’assistance en cas d’exercice de la légitime défense, mais simplement des échanges de vues sur les moyens de faire face à une telle situation.
Ainsi, ces accords sont désormais entièrement publics et tournés vers le soutien au développement des capacités militaires africaines.
Ce sont non plus de simples « accords de défense », mais des accords de « partenariat de défense ». Cette nouvelle dénomination illustre bien la nouveauté des relations que la France et l’Afrique souhaitent désormais entretenir, relations marquées du sceau de la confiance et reposant sur un partenariat établi dans un rapport d’égalité et la volonté de défendre ensemble des intérêts communs stratégiques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Paul, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen par le Sénat des accords de partenariat de défense avec le Togo, le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine constitue un jalon symbolique important dans l’évolution de notre politique à l’égard du continent africain.
Il marque la concrétisation d’un engagement pris par le Président de la République voilà tout juste trois ans dans son discours du Cap devant le Parlement sud-africain : il s’agit de procéder, avec tous les États africains concernés, à un réexamen des accords de défense existants, afin de les adapter « aux réalités du temps présent » et de donner à nos relations de défense et de sécurité avec ces pays un cadre renouvelé et transparent.
Bien qu’il n’existe pas de définition juridiquement établie de la notion d’accord de défense, on désigne généralement sous ce terme un accord intergouvernemental prévoyant l’aide ou l’assistance militaire d’un pays auprès d’un autre en cas de menace ou d’agression.
À la suite des indépendances, la France avait conclu de tels accords avec une quinzaine de pays africains, leur apportant ainsi une garantie de sécurité à un moment où leurs forces armées restaient à construire et où ils n’étaient pas encore en mesure d’assurer leur propre défense.
Au fil du temps, un certain nombre de ces accords ont été remplacés par des accords de coopération classiques. Mais d’autres sont restés en vigueur ou ont été mis à jour sans que soit remis en cause le principe d’assistance en cas d’agression.
Depuis longtemps déjà, la question du maintien de ces accords était posée.
Il s’agit tout d’abord d’instruments très anciens, pour la plupart élaborés lors des indépendances. Ils n’ont donc pas pris en compte l’évolution du contexte politique de ces cinquante dernières années. À titre d’exemple, nos accords avec le Gabon ou la République centrafricaine se réfèrent encore au cadre constitutionnel de la Communauté, qui est devenu caduc dès 1961.
Ensuite, ces accords comportent des clauses d’assistance, y compris parfois en cas de troubles intérieurs. Or ces clauses n’ont plus de portée pratique dans les faits. La France estime depuis longtemps que leur mise en œuvre ne peut avoir de caractère automatique et que le règlement des crises doit s’appuyer sur un mandat des Nations unies et l’implication des organisations régionales.
Enfin, le cadre de nos relations avec les pays concernés manquait de transparence, puisque certaines clauses ou certains accords particuliers n’avaient pas été publiés ni soumis à l’approbation parlementaire.
En résumé, les accords de défense qui continuaient à nous lier à huit pays d’Afrique paraissaient en fort décalage avec les orientations de notre politique de sécurité sur le continent, comme avec la réalité de notre coopération.
Ces orientations ont été rappelées par le Président de la République au Cap, en février 2008. Elles se situent dans la continuité des priorités fixées durant les années quatre-vingt-dix et s’articulent autour de trois idées force : aider le continent à bâtir son propre dispositif de sécurité collective, à travers l’Union africaine et les organisations sous-régionales ; faire de l’Union européenne un partenaire majeur de l’Afrique en matière de paix et de sécurité ; privilégier le recours au cadre multilatéral, sous l’égide de l’ONU ; et limiter nos engagements militaires bilatéraux tout en réduisant la présence permanente des forces militaires françaises en Afrique.
La constitution d’une force africaine et de brigades sous-régionales, le concept de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix RECAMP, désormais européanisé sous l’appellation EURORECAMP, ou encore la stratégie conjointe Union européenne-Afrique adoptée à Lisbonne en décembre 2007, sont la traduction la plus visible de cette nouvelle donne dans laquelle s’inscrit pleinement notre coopération militaire.
Pour cet ensemble de raisons, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées estime qu’il était souhaitable de rénover profondément notre dispositif d’accords bilatéraux. C’est le sens de la démarche engagée il y a trois ans sous l’impulsion du Président de la République.
Les quatre accords sur lesquels nous devons nous prononcer aujourd’hui instituent un partenariat de défense avec le Togo, le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine.
Le changement de terminologie, avec l’introduction de la notion de partenariat, illustre l’évolution de nos relations avec les pays africains dans le domaine de la défense. Il s’agit de consacrer le passage – déjà pleinement réalisé dans les faits – de la logique de substitution qui prévalait au moment des indépendances à une logique d’appui aux capacités propres des pays africains et aux architectures de sécurité collective qui se mettent progressivement en place à l’échelle régionale et sous-régionale.
Ces quatre accords présentent un contenu très proche, puisqu’ils s’inspirent d’un modèle d’accord type qui a été proposé à nos partenaires.
Conclus pour une durée de cinq ans, renouvelables par tacite reconduction, ils abrogent et remplacent tous les accords antérieurs, y compris ceux qui n’auraient pas été publiés. Ils constitueront donc le cadre juridique unique pour l’ensemble de nos relations de défense avec les pays concernés.
M. Jean-Louis Carrère. Il a dépassé son temps de parole de cinq minutes !
M. Philippe Paul, rapporteur. Deuxième caractéristique, ils ne comportent pas de clause d’assistance.
En outre, ils précisent les principes généraux du partenariat de défense et de sécurité, en soulignant la dimension régionale de la paix et de la sécurité et en mentionnant le rôle de l’Union européenne, qui pourra être associée aux projets de coopération. Ils énumèrent les domaines de la coopération bilatérale : échanges d’informations ; organisation ; équipement et entraînement des forces ; missions de conseil ; formation dans des écoles françaises ou des écoles soutenues par la France.
Enfin, ils comportent des dispositions détaillées sur les règles applicables aux activités menées dans le cadre de la coopération, qu’il s’agisse du statut des personnels ou des facilités en matière d’importation de matériels.
Au-delà de ces grandes lignes communes, les négociations ont conduit à quelques variantes sur plusieurs points techniques, en fonction des situations propres à chaque pays. J’ai évoqué celles-ci dans mon rapport écrit.
Des annexes spécifiques précisent également les conditions de stationnement de nos forces au Gabon et en République centrafricaine, ainsi que le statut de notre mission logistique à Douala, au Cameroun.
La commission considère que ces quatre accords offriront un cadre beaucoup plus adapté à nos activités de coopération, que j’ai également présentées dans mon rapport écrit. Je me limiterai simplement à souligner le rôle important dévolu aux écoles nationales à vocation régionale, ou ENVR, que nous soutenons au Togo, au Cameroun et au Gabon.
Il est par ailleurs évident que si nos relations de défense avec chacun de ces quatre pays s’appuient sur un cadre juridique très proche, leur nature et leur densité présentent des singularités.
Nous n’avons pas de forces permanentes stationnées au Togo ou au Cameroun. Ainsi le Gabon devient-il clairement notre principale implantation militaire sur la façade occidentale de l’Afrique. Une délégation de notre commission s’est rendue sur place l’an dernier et a constaté l’importance des missions de nos forces stationnées à Libreville, missions qui s’exercent à l’échelle de l’ensemble de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Ouest.
S’agissant de la République centrafricaine, la présence de nos forces, limitées à 200 hommes, relève d’un tout autre cadre, puisqu’il s’agit d’une opération extérieure, en soutien de la force multinationale africaine de stabilisation. La situation politique intérieure centrafricaine demeure fragile. La mise en œuvre de l’accord de paix de juin 2008 s’effectue avec lenteur et difficulté, alors que la séquence électorale entamée avec le scrutin présidentiel du 23 janvier est contestée par les mouvements d’opposition, qui semblent ne pas vouloir participer au second tour des élections législatives fixé au 27 mars prochain.
M. Jean-Louis Carrère. Ils ont bien raison ! (Sourires.)
M. Philippe Paul, rapporteur. Il faut se féliciter des conditions dans lesquelles ont été négociés et conclus ces quatre premiers accords de partenariat de défense. Un cinquième accord a été signé avec les Comores le 27 septembre dernier et doit faire l’objet d’un projet de loi d’approbation.
Sur les huit pays concernés, cinq sont donc désormais bien engagés dans ce processus de rénovation. Les négociations se poursuivent avec le Sénégal et Djibouti. Seules restent totalement en suspens les discussions avec la Côte d’Ivoire, qui n’ont pu démarrer étant donné la situation politique.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a réaffirmé l’importance de l’Afrique dans la stratégie de défense de la France du fait de l’impact direct ou indirect, sur notre pays comme sur l’Europe, des problèmes de sécurité du continent : conflits régionaux ou interethniques, trafics transitant par l’Afrique à destination de l’Europe, développement du terrorisme dans la zone sahélienne, enjeux liés à l’approvisionnement en matières premières.
À travers ces accords de partenariat de défense ou la réorganisation de ses forces pré-positionnées, la France ne devra en aucun cas abandonner ou réduire une coopération à laquelle nos partenaires sont très attachés.
Bien au contraire, cette coopération doit demeurer une priorité forte de notre stratégie de prévention. C’est pourquoi elle doit se poursuivre sur des bases plus solides et plus claires, avec l’objectif d’aider nos partenaires à exercer pleinement leurs responsabilités en matière de sécurité.
S’agissant de notre dispositif permanent, sa reconfiguration a été annoncée autour de deux bases opérationnelles avancées, à Djibouti et Libreville, et deux pôles de coopération à vocation régionale, à Dakar et N’Djamena.
Nous voyons bien cependant que ce dispositif, déjà fortement remanié au cours des dernières décennies, devra faire preuve d’une certaine flexibilité, en fonction de l’évolution des situations régionales.
Je pense notamment à la situation préoccupante dans la bande sahélienne, qui nous amène, en liaison avec les pays de la région, à déployer temporairement certains moyens militaires.
Par ailleurs, monsieur le ministre, nous souhaiterions quelques précisions sur les perspectives de notre présence au Tchad, pays avec lequel nous disposons non pas d’un accord de défense, mais d’un simple accord de coopération technique.
Au cours de l’été 2010, le Président Déby a souhaité que les modalités de la présence des troupes françaises, déployées dans le cadre de l’opération Épervier, soient revues. Nous nous sommes déclarés prêts à réexaminer les conditions de cette présence en fonction des demandes qui seront formulées par les autorités tchadiennes. Pourriez-vous nous éclairer sur les conséquences susceptibles de découler de ces discussions ?
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées apporte, je l’ai dit, son soutien à la mise à jour des accords de défense engagée avec nos partenaires et déjà menée à bien avec cinq d’entre eux.
Ces nouveaux instruments donnent à notre coopération de défense et de sécurité un cadre beaucoup plus clair et adapté aux évolutions imprimées à notre politique en Afrique depuis de nombreuses années.
Ils s’inscrivent pleinement dans la volonté d’aider nos partenaires à renforcer leurs capacités de défense et à mettre progressivement en place une organisation régionale de maintien de la paix et de la sécurité.
La commission vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter les projets de loi autorisant l’approbation de ces accords avec le Togo, le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout. (M. Didier Boulaud applaudit.)
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ces quatre projets de loi autorisant la ratification d’accords de défense renégociés avec le Cameroun, le Togo, la République centrafricaine et le Gabon montre un certain tournant dans l’évolution des relations entre la France et les pays africains.
En effet, ces accords sont censés traduire les nouveaux principes de notre politique de sécurité en Afrique, principes que le Président de la République avait exposés dans son discours du Cap en février 2008.
L’importance de cette évolution aurait mérité, comme nous l’avions demandé avec nos collègues du groupe socialiste, une discussion globale sur la politique de sécurité et de défense que nous menons dans cette partie du monde et même, plus largement et puisque ces accords sont du ressort du ministre des affaires étrangères, un débat sur les grandes orientations de notre politique étrangère en Afrique.
M. Didier Boulaud. Nous en sommes loin !
M. Michel Billout. Monsieur le ministre, nous regrettons donc que vous vous soyez cantonné à la présentation de ces accords.
En outre, discuter d’accords signés un an, voire deux ans auparavant avec quatre pays seulement ne permet pas de prendre en compte toute la mesure de l’évolution de la situation sécuritaire dans la région. D’ailleurs, monsieur le rapporteur, vous avez vous-même interrogé M. le ministre sur la situation au Tchad, ce qui démontre que le cadre de notre discussion aurait dû être moins étriqué.
Je pense précisément aux menaces auxquelles nous sommes confrontés dans le Sahel et au Sahara, car elles appellent de notre part des relations particulières avec la Mauritanie, le Mali ou le Niger.
Je regrette ainsi, monsieur le ministre, que nous n’ayons pas vraiment la possibilité d’évoquer la stratégie mise en œuvre par votre gouvernement pour protéger nos intérêts dans la région, pour riposter quand nos compatriotes sont pris en otages, mais aussi pour aider ces pays à se développer, seule solution efficace pour lutter durablement contre le terrorisme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Cela étant dit, de prime abord, la conclusion de ces nouveaux accords semble constituer un changement d’attitude appréciable en matière de coopération de défense et de sécurité avec les pays africains.
Le premier élément positif est une logique qui permet un appui au développement des capacités militaires de ces pays, en particulier par la formation, et une aide pour tenter de mettre sur pied un système de sécurité collective qui leur soit propre.
En outre, il faut relever qu’un certain nombre de clauses d’un autre âge ont – enfin ! – disparu de ces accords, comme celles qui autorisaient les interventions pour maintenir l’ordre intérieur ou pour garder au pouvoir des dirigeants, ou encore celles qui prévoyaient notre assistance en cas d’agression extérieure. C’est tout simplement la reconnaissance de la souveraineté des peuples et des États.
Enfin, au-delà du nouveau contenu de ces accords types, sur lesquels le Parlement est maintenant appelé à se prononcer, nous apprécions qu’ils soient désormais rendus publics, puisque le texte du traité figure en annexe du projet de loi.
Nous notons également avec satisfaction que le Président de la République s’est engagé à ce qu’il n’y ait plus d’accords secrets et nous espérons que cet engagement sera tenu.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sera difficile à vérifier !
M. Michel Billout. En revanche, d’une manière générale, il me semble que ces accords ont pour vocation de refléter le nouveau type de relations que le Président de la République a déclaré vouloir entretenir avec les pays africains ; bien qu’il ait une approche différente de celle que trahissaient les anciennes pratiques de la « Françafrique », je suis très sceptique quant à sa volonté de nouer de véritables partenariats permettant le développement économique et social de ces pays.
Le discours qu’il avait prononcé à Dakar, en prétendant que l’homme africain n’était pas suffisamment entré dans l’histoire,…
M. Daniel Reiner. Quelle horreur !
M. Michel Billout. … avait profondément choqué en Afrique…
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Michel Billout. … parce qu’il était révélateur d’un état d’esprit dénotant une conception condescendante et paternaliste du développement des sociétés. (MM. Jean-Louis Carrère et Jean-Étienne Antoinette applaudissent.)
M. Didier Boulaud. Exactement !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Billout. Lors du dernier sommet franco-africain, bien qu’il ait proclamé sa volonté de rompre avec l’image d’une France pilleuse des richesses minières ou pétrolières de l’Afrique en nouant des partenariats « gagnants-gagnants », son combat contre la perte de notre « pré carré » au bénéfice des Chinois ou des Américains avait donné l’impression de n’avoir pour objectif que la seule préservation des intérêts économiques de notre pays, de nos marchés et de nos approvisionnements en uranium ou en pétrole.
Je suis donc sans illusions sur les raisons profondes qui motivent l’évolution des relations de défense que le Président de la République veut maintenant entretenir avec les pays d’Afrique. Elle procède tout simplement du pragmatisme dont il se réclame volontiers.
En réalité, la France ne veut plus, mais surtout ne peut plus, jouer le gendarme de l’Afrique. C’est la raison pour laquelle vous avez décidé, dans le domaine militaire, de rompre notre tête-à-tête avec les pays africains et d’agir soit dans le cadre des Nations unies – bien ! –, soit dans celui de l’OTAN – c’est plus discutable – ou d’un dispositif de l’Union européenne. C’est ce que vous avez fait en République démocratique du Congo ou avec l’opération EUFOR Tchad.
Cependant, vous agissez ainsi également par souci d’économie et de redéploiement de nos forces et de nos crédits, puisque vous êtes contraints par nos engagements dans d’autres parties du monde. C’est, bien sûr, la création d’une base à Abou Dhabi et c’est surtout la très importante mobilisation d’hommes et de moyens en Afghanistan, conséquence malheureuse de notre réintégration dans le commandement militaire de l’OTAN.
MM. Didier Boulaud et Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Billout. En conséquence, malgré des progrès en matière de transparence et de contrôle par le Parlement, mais en l’absence de tout débat précisant les orientations actuelles de la France, notamment en faveur d’une véritable politique de coopération avec les pays africains, les membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche voteront contre les accords de défense qui nous sont soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je voudrais mettre les choses au point !
Il n’a jamais été question, lorsque nous avons demandé l’inscription à notre ordre du jour de cette discussion sur les accords de défense, d’engager un débat sur la politique africaine de la France : notre demande était strictement circonscrite aux projets de loi dont nous débattons.
Vous aviez la possibilité, monsieur Billout, de discuter de la politique africaine de la France lors du débat de politique étrangère que nous avons eu récemment. C’est un chapitre qui aurait parfaitement pu être ouvert dans ce cadre. Vous n’aviez pas choisi ce thème…
M. Michel Billout. Faute de temps !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. C’est possible, monsieur Billout, mais il n’en reste pas moins que le débat qui nous occupe aujourd'hui est de nature strictement militaire : déborder du sujet est peut-être votre droit, mais vous n’êtes plus dans le sujet ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. André Trillard. Vous êtes hors sujet !
Mme la présidente. Je vous remercie de cette mise au point, monsieur de Rohan !
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président de Rohan, si vous étiez intervenu après moi, vous auriez pu faire d’une pierre deux coups : je vais en effet vous donner l’occasion d’intervenir au même propos ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Billout sourit également.) Nous aurons d’ailleurs plaisir à vous entendre à nouveau !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur Boulaud, puisque vous m’interpellez, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Didier Boulaud. Je vous en prie, monsieur le président.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission, avec l’autorisation de l’orateur.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Au fond, votre problème, chers collègues de l’opposition, c’est que vous avez beaucoup de mal à dire du bien de ces accords, dont M. Billout a pourtant été obligé de reconnaître qu’ils allaient dans le bon sens. Comme votre propos est de condamner le Président de la République et sa politique,…
M. Alain Gournac. Tout le temps ! C’est le seul but !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. … je conçois qu’il ne s’agisse pas d’un sujet qui vous agrée et c’est pourquoi vous êtes obligés de parler d’autre chose !
M. Jean-Louis Carrère. Nous ne sommes pas seuls à condamner le Président de la République et sa politique !
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Boulaud.
M. Didier Boulaud. Mes chers collègues, au moment où je préparais cette courte intervention, j’ignorais encore si le ministre qui serait présent parmi nous serait toujours ministre d’État ou seulement ministre tant la situation politique et gouvernementale est devenue confuse, non seulement aux yeux de nos concitoyens et de leurs représentants que sont les parlementaires, mais aussi, hélas ! aux yeux de l’opinion internationale.
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Didier Boulaud. Nous venons une nouvelle fois de changer de ministre de la défense et de ministre des affaires étrangères. Sans porter de jugement sur les hommes qui se succèdent ainsi à un rythme endiablé, permettez-moi de regretter la légèreté avec laquelle, au sommet de l’État, sont traités des secteurs aussi importants que celui de la défense ou celui des affaires étrangères.
M. Daniel Reiner. Vous avez raison !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. André Trillard. Monsieur Boulaud, vous n’avez pas de mémoire !
M. Didier Boulaud. Cette légèreté montre à l’évidence, si cela était encore nécessaire, que seules les orientations et les décisions prises au 55, rue du Faubourg Saint-Honoré ont cours. Peu importe donc, serai-je tenté de dire, de savoir qui occupe les locaux de la rue Saint-Dominique ou ceux du Quai d’Orsay, même si depuis deux jours on tente de nous faire accroire le contraire.
Après l’effacement, pour ne pas dire l’évitement, dont a été victime notre diplomatie sous l’« autorité » de M. Kouchner, puis le passage éclair et désastreux que nous venons de vivre au cours des quelques mois écoulés, nous voici avec l’espoir que tout ce charivari va enfin cesser, car, voyez-vous, au risque de vous étonner, même dans l’opposition, nous sommes affectés et meurtris de voir ainsi notre beau pays perdre jour après jour son influence sur la scène internationale,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Didier Boulaud. … même si nous n’ignorons certes pas que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et, surtout, depuis la fin de la guerre froide la France n’est sans doute plus la grande puissance mondiale qu’elle a été au début du siècle dernier. Mais au moins était-elle, jusqu’à voilà peu encore, entendue et pouvait parfois peser, si ce n’est sur le destin du monde à elle seule, à tout le moins sur certains choix majeurs, notamment au sein du Conseil de sécurité – on l’a vu pour la guerre en Irak –, ainsi que sur le destin de ce continent africain dont nous allons parler dans quelques instants.
Dans le même temps, il convient de s’interroger afin de savoir si un outil de défense affaibli, et même parfois déconsidéré par quelques décisions improvisées, peut encore soutenir efficacement un outil diplomatique dont ce dernier a pourtant tant besoin. Voilà une vraie question qui risque, hélas ! de trouver une réponse que nous ne souhaitons entendre ni les uns ni les autres à brève échéance.
Monsieur le ministre, nous sommes entrés dans le domaine de l’illusion. Pis, nous nous cachons à nous-mêmes la vérité, et ce ne sont pas quelques accords de partenariat, en apparence anodins, qui vont y changer grand-chose !
Nous perdons pied en Afrique, et le mouvement va s’accélérant. Tout le monde le sait et le dit mezzo voce, mais personne n’ose l’avouer. Ne vous y trompez pas : les Français même les moins au fait des questions internationales le ressentent, et cela ne manque pas d’agir sur la perte de confiance globale à laquelle est confronté notre pays depuis quelques années.
Je n’aurai pas la cruauté de revenir sur notre cécité au Maghreb et au Machrek, ou encore au Sahel. Les faits parlent d’eux-mêmes. La responsabilité n’en n’incombe qu’au seul décideur suprême, et non aux multiples lampistes que l’on essaye parfois de jeter en pâture à l’opinion publique.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Didier Boulaud. Quand on prétend sanctuariser comme jamais sous la Ve République le domaine réservé, qui d’ailleurs n’a aucun fondement constitutionnel réel,…
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Ça, c’est vrai.
M. Jean-Louis Carrère. Il n’est pas seulement réservé, il est même exclusif !
M. Didier Boulaud. … il faut en assumer la décision jusqu’au bout et ne pas faire porter la responsabilité à d’autres, comme j’ai eu le sentiment que cela était le cas au cours des quelques semaines écoulées.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Didier Boulaud. J’attends toujours, par exemple, que le Gouvernement vienne justifier devant le Parlement l’acte de contrition de la France au Rwanda, acte de contrition porté en l’occurrence par quelqu’un qui à l’époque – il n’est ministre que depuis vingt-quatre heures – n’était nullement habilité par un mandat quelconque que le peuple lui aurait confié. (M. André Trillard s’exclame.)
On pourrait ainsi presque faire le tour de l’Afrique et du Moyen-Orient – Abu Dhabi, Syrie,… – et, hélas ! curieusement constater que tout cela est dépourvu de la moindre cohérence.
On a l’impression que notre action dans le monde est, comme le disait un spécialiste reconnu de ces questions dont je tairai le nom, entre les mains d’un cabinet d’avocats d’affaires. Il ouvre un dossier. Il traite le dossier. Il ferme le dossier. Il range le dossier, il passe à un autre dossier et ainsi de suite, sans jamais établir la moindre relation entre les différents dossiers !
Comment voulez-vous que dans les autres capitales la position française puisse être identifiée ? Mettons-nous à leur place un instant.
Par exemple, les capitales arabes n’ont pas encore compris notre retour dans le commandement intégré de l’OTAN, sinon pour y avoir perçu un alignement suiviste et à contretemps sur George Bush « le petit ». (M. Roland Courteau sourit.)
J’observe d’ailleurs que, depuis quelques jours, beaucoup de commentateurs que nous n’avions pas forcément trouvés à nos côtés lorsque le débat s’est ouvert sur ce sujet en reviennent eux aussi.
Quant à la Turquie, grand pays stratégique s’il en est et qui fait d’ailleurs l’objet de toutes les attentions de la part des révolutions en cours dans le monde arabe, elle s’étrangle devant le comportement de la France à son égard.
Inutile enfin d’insister sur ce qu’il est advenu de notre relation avec le Mexique…
Je regardais par curiosité, en préparant cette courte intervention, les documents d’archives du voyage du général de Gaulle et son discours de Mexico ainsi que celui du Président Mitterrand à Cancún et je me demandais, avec une peine réelle, « qu’avons nous fait de tout cela ? ».
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Didier Boulaud. Monsieur le ministre, tout cela va se payer et je crains que l’addition ne soit, hélas ! de plus en plus « salée » pour la France.
Aujourd’hui, vous nous présentez quatre accords de partenariat de défense avec le Gabon, le Cameroun, le Togo et la République centrafricaine. Nous n’allons pas nous en plaindre, puisque nous avons réclamé un tel débat depuis longtemps. De surcroît, c’était un engagement figurant dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale que d’y associer enfin le Parlement. D’autres accords sont encore en discussion et devront, une fois finalisés, être aussi soumis à notre approbation. On aurait peut-être pu attendre qu’ils soient tous signés pour tenir ce débat, mais certaines signatures risquent sans doute de se faire désirer…
Outre le fait qu’ils entérinent, pour certains, le repli de notre pays sur le continent africain et qu’ils marquent notre souhait de voir l’Union européenne s’y investir plus largement, on peut toutefois s’interroger sur l’opportunité politique de ces accords. Car la question est bien, au travers de tels accords, de savoir quels signaux nous envoyons aux peuples africains.
On peut se demander si les coopérations militaires sont actuellement le bon vecteur de la France en Afrique, au moment où l’on ferme nos frontières à double tour, sous la pression du Front national.
Alors que nous apportons notre soutien aux armées de ces pays, ne serions-nous pas en train, dans le même temps, de négliger les revendications sociales et politiques, notamment dans le domaine des libertés, de leurs peuples ? Nous venons pourtant d’être payés pour y être plus attentifs au Maghreb.
Enfin, doit-on faire aveuglément confiance à certains gouvernements pour établir ces partenariats ? Je pense en particulier au Gabon et à la République centrafricaine. Il ne nous semble pas opportun de ratifier aujourd’hui les accords qui concernent ces pays, au vu de leur situation politique intérieure actuelle. Il en est de même à l’égard du Togo et du Cameroun.
En effet, au Gabon, lors de la dernière élection présidentielle, des voix s’étaient élevées pour s’inquiéter d’un résultat qui désignait comme chef de l’État un candidat choisi par moins de la moitié de la population. Et plus récemment, la modification de la Constitution laisse craindre un report des élections législatives prévues en 2011. On assiste depuis à une rapide dégradation du climat politique, avec, notamment, la formation d’un gouvernement alternatif et la dissolution de l’Union nationale.
Dans un tel contexte, seules des élections nationales incontestables seraient susceptibles de donner une légitimité au gouvernement de ce pays. Il ne saurait y avoir de démocratie réelle sans non seulement une opposition autorisée et respectée, mais également un système électoral qui donne à chaque homme et à chaque femme une voix de valeur équivalente. Le mode de scrutin actuel et le découpage des circonscriptions ne permettent pas le respect de ces principes démocratiques.
Pour ce qui concerne la République centrafricaine, là aussi, on peut légitimement s’interroger sur la situation intérieure, après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle et du premier tour des élections législatives qui ont eu lieu le 23 janvier dernier. En effet, les principales forces d’opposition, regroupées au sein du Collectif des forces du changement, ou CFC, n’ont eu d’autre choix que d’appeler au boycott du second tour des élections législatives qui se déroulera le 20 mars prochain.
On peut d’ailleurs s’étonner du soutien manifeste des autorités françaises à ces résultats : le Quai d’Orsay s’est en effet contenté de prendre note de la réélection du président sortant dès le premier tour, en dépit des nombreuses irrégularités dénoncées tant par les observateurs indépendants, notamment européens, que par les principales forces d’opposition : bureaux de vote fictifs, listes électorales truquées, électeurs porteurs de plusieurs cartes.
Monsieur le ministre, les principes démocratiques ne sauraient être à géométrie variable. Il ne saurait y avoir deux poids deux mesures, en Afrique comme ailleurs. Partout, la France doit défendre le droit, la démocratie et la justice. C’est ce que j’ai cru entendre avant-hier soir à la télévision.
Or le népotisme du régime Bozizé est particulièrement caricatural. Outre le président élu au premier tour, son épouse, deux de ses fils, son neveu, son cousin et de nombreux autres proches ont été élus députés dès le premier tour.
M. Roland Courteau. Ça fait beaucoup !
M. Didier Boulaud. J’espère que les télex de l’ambassadeur de France à Bangui informant le Gouvernement de ces faits sont arrivés jusqu’au Quai d’Orsay, sinon il risque d’y avoir de la mutation dans l’air…
Notre inquiétude peut être élargie et viser le fonctionnement démocratique à la fois au Cameroun et au Togo, même si les dernières consultations électorales qui ont eu lieu dans ces pays sont un peu plus anciennes.
Monsieur le ministre, quand bien même je disais tout à l’heure que les accords de partenariat de défense dont il nous est demandé aujourd’hui d’autoriser l’approbation pouvaient paraître anodins et même si les principes proclamés qui les guident sont satisfaisants – adapter les accords de défense existants aux réalités du temps présent en tenant le plus grand compte de la volonté des pays africains, afin d’établir un nouveau partenariat en matière de sécurité ; agir en toute transparence, en rendant ces accords publics et en impliquant réellement notre Parlement comme c’est désormais le cas, en espérant qu’il en aille de même pour les parlements des pays partenaires ; aider l’Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité collective ; faire de l’Union européenne un partenaire majeur de l’Afrique en matière de paix et de sécurité –, il convient toutefois de s’assurer que ces principes s’appliquent bien à ces accords. Et j’insiste en particulier sur le premier d’entre eux : la prise en considération de la volonté des pays africains. Il ne s’agit pas que notre volonté de partenariat soit confisquée par des autorités mal élues et/ou illégitimes.
Ainsi, pour aider l’Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité collective, nous aimerions connaître le détail du diagnostic de sécurité, l’état des menaces, pays par pays, et les solutions proposées par la France et par l’Union européenne. Or nous ne voyons aucun plan d’ensemble en la matière. On navigue un peu à la godille. On en revient à mon avocat d’affaires évoqué précédemment.
Pour finir, « faire de l’Union européenne un partenaire majeur de l’Afrique en matière de paix et de sécurité » est certes un objectif louable, mais nous souhaiterions disposer, avant d’aller plus loin, d’un bilan précis du dispositif RECAMP – Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix –, de l’action de l’Union européenne en Afrique en matière de sécurité. Notre interrogation semble en effet légitime quand on observe l’essor d’AQMI sur le continent.
D’une manière générale, nous considérons que nous manquons, malgré tout, d’informations importantes pour adopter ces accords instituant de nouveaux partenariats : nous ne connaissons pas, en particulier, l’état des négociations sur des accords de partenariat avec les organisations régionales, aucun point sur l’analyse du dispositif français en termes de coûts complets – surcoût des forces, permanentes et tournantes, coût des rotations, entretien des infrastructures, transport, loyer des bases, impositions locales, etc. – n’a été réalisé,…
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Didier Boulaud. … et nous ne connaissons pas non plus l’état des engagements capacitaires résultant des accords de défense conclus avec les États du Golfe.
Avant de conclure, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur quelques points particuliers auxquels M. le rapporteur a fait allusion et qui concernent également l’Afrique, même s’ils ne visent pas directement les quatre accords dont nous débattons cet après-midi.
En effet, il nous semble que la politique que la France doit mener en Afrique se doit d’être une politique globale, notamment au regard de l’histoire qui unit notre pays à ce grand continent si proche, si essentiel pour notre avenir.
Peut-on aujourd’hui aborder ces accords de la même façon que par le passé, après avoir constaté depuis quelques années la montée du terrorisme lié à la mouvance AQMI ?
Mes interrogations sont simples.
Premièrement, quelle place est consacrée au renseignement dans ces partenariats ? Je n’ai pas trouvé grand-chose, et pourtant il y a là matière et urgence à renforcer nos coopérations.
Deuxièmement, qu’en sera-t-il, dans l’avenir, de notre déploiement en Afrique, en raison de la forte diminution de la présence militaire française permanente qui contribuera à changer la nature de nos relations avec les États africains concernés ?
Eu égard à l’état du budget de la défense après les passages Alliot-Marie, Fillon et Sarkozy, il paraît inévitable de s’attendre à de nouvelles réductions. Cela nous conduit à nous interroger réellement sur la réalité de l’investissement en Afrique promis par le Gouvernement. La future révision obligée du Livre blanc se fera-t-elle « sur le dos » de notre présence en Afrique ?
Troisièmement, est-il, par exemple, envisageable de reconsidérer l’effort porté vers Abu Dhabi, point également évoqué par M. le rapporteur, alors que nous manquons cruellement de moyens en Afrique subsaharienne, particulièrement au Sahel, où nous sommes affrontés directement à AQMI ? Faut-il rappeler que la décision d’implanter la base française d’Abu Dhabi s’est faite sans concertation, que le Parlement a été écarté du débat et que l’on s’interroge encore aujourd’hui sur l’empressement du chef de l’État à mettre la France en position aussi avancée face à l’Iran ? Que cherche-t-on réellement ? À être plus royalistes que les Américains sur ce sujet ? Mesure-t-on les risques qu’une telle attitude ferait prendre à notre pays en cas de crise majeure dans cette région ?
M. Roland Courteau. Bonne question !
M. Didier Boulaud. Quatrièmement, qu’en sera-t-il également de notre présence en Côte d’Ivoire, alors que la situation est en train de se dégrader dangereusement de jour en jour ?
Cinquièmement, qu’en sera-t-il au Tchad, alors que le Président Déby manifeste des signes d’impatience quant au maintien de la mission Épervier, en place depuis 1986 ?
Ce sont autant d’interrogations que l’on ne saurait passer sous silence si l’on veut retrouver de la cohérence à notre présence en Afrique.
Par ailleurs, nous ne saurions ignorer qu’existent d’autres accords, dont certains très anciens, de coopération certes, et non pas de défense, qui lient la France à d’autres pays africains : le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée équatoriale, le Mali, le Niger et, justement, le Tchad. Ne serait-il pas temps et opportun de les remettre aussi à plat, notamment ceux qui ont été passés avec les trois derniers pays cités, au vu de la situation dans le Sahel ?
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, la présentation de ces quatre accords est une occasion unique de poser le problème du lien qui unit la France à l’Afrique.
Ce lien a besoin d’être rénové, dépouillé des oripeaux fanés de la Françafrique, d’autant plus que la société africaine elle-même est en train de changer. Avant 2002, avait été esquissée, dans le contexte difficile de la cohabitation, une autre vision de la relation avec l’Afrique. Or la politique de M. Sarkozy, hésitant en permanence entre normalisation et interventionnisme, s’est ancrée de nouveau dans des logiques traditionnelles ; elle est marquée par un soutien appuyé à des régimes douteux du pré carré ; elle renoue avec les accents paternalistes, et j’en veux pour preuve l’inacceptable discours de Dakar, sur « l’Homme africain jamais entré dans l’Histoire ».
Je crains, hélas ! que ce ne soit la France qui, elle, sorte de l’histoire de l’Afrique.
C’est la raison pour laquelle les membres du groupe socialiste se prononceront contre les quatre accords qui nous sont proposés. Pour autant, ceux-ci seront adoptés, et il restera malgré tout à les évaluer en permanence à la lumière de la politique africaine du Président Sarkozy qui est loin de nous satisfaire, je viens de le dire.
Une très grande prudence s’impose donc. Nous jugerons aux actes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Billout applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Guerry.
M. Michel Guerry. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet après-midi, nous examinons quatre accords instituant un partenariat de défense avec quatre pays d’un continent, l’Afrique, dont il convient d’admettre qu’il n’est plus seulement en devenir.
Mon intervention, courte, sera surtout pour moi l’occasion de vous faire part de quelques réflexions sur les liens en matière de défense de la France avec ces pays.
Lors de la Coupe du monde de football, une chanson populaire annonçait : « it’s time for Africa ». Il semble, à cette heure, que nous n’en ayons pas complètement pris la mesure. Pour autant, – et j’ai déjà eu l’occasion d’intervenir sur ce sujet dans cet hémicycle – le réveil des pays de ce continent ne remonte pas aux seuls événements qui se sont déroulés ces deux derniers mois au Maghreb.
Ces accords de partenariat de défense sont nécessaires pour les quatre pays visés. C’est pourquoi les membres du groupe UMP les voteront. Mais d’abord et avant tout, ces accords incarnent une double volonté : participer à la stabilité des zones concernées et créer les conditions de sécurité et de paix durable garantes d’un véritable développement à long terme.
Je ne reviendrai pas sur les particularités de ces accords, que mon collègue Philippe Paul a remarquablement présentées.
M. André Trillard. C’est vrai !
M. Michel Guerry. Permettez-moi toutefois d’évoquer, en tant que sénateur des Français établis hors de France, outre la présence économique de la France, celle de nos ressortissants dans ces quatre pays. Plus de 10 500 Français vivent au Gabon, 5 600 au Cameroun, 2 800 au Togo et 1 200 en République centrafricaine. Plus de 20 000 de nos concitoyens sont donc établis dans ces pays.
Il s’agit d’accords bilatéraux de partenariat de défense. Quelle meilleure garantie pouvons-nous donner à nos ressortissants que ces accords pour assurer leur sécurité sur place ?
Permettez-moi également d’évoquer la menace terroriste qui est aux portes de ces pays, et qui prend notamment la forme de mouvements apparentés à Al-Qaïda. Pour ne citer que ce pays, le Tchad ne touche-t-il pas la République centrafricaine ? Ces accords sont donc vitaux, car ils concernent des pays parfois directement limitrophes de ceux qui sont frappés par les actes terroristes, nouveau fléau dans cette zone.
Or nous n’avons pas la capacité d’exercer un réel contrôle sur le terrorisme international. De plus, l’un des atouts les plus efficaces dont disposerait tout groupe terroriste consisterait à convaincre sa prochaine cible qu’elle n’est plus en danger. Mais ces pays sont plus que potentiellement en danger. Nous devons les aider à hausser leur vigilance et leur capacité de réaction face à ces groupuscules, encore peu nombreux, mal organisés, qui agissent dans la zone subsaharienne et qui sont très mobiles.
Voilà bientôt deux ans avait lieu au Gabon un séminaire sur « le développement des plans de sûreté interne et la protection des infrastructures critiques et des sites sensibles ». Il regroupait des experts civils et militaires de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, la CEEAC, et du Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme, le CAERT. La menace terroriste est désormais permanente pour ces États et nous devons nous-mêmes en tirer toutes les conséquences.
Ces accords bilatéraux ont donc pour objet d’indiquer aux autorités des pays concernés que nous nous soucions bien de leur sécurité et du terrorisme auquel ils sont confrontés et que nous les soutenons. Nous devons envoyer le message le plus clair possible sur ce sujet, tant à ces pays et à la communauté internationale qu’aux groupes terroristes en cause.
Pour conclure, je souhaite attirer votre attention sur un point qui m’est cher et qui relève d’une volonté délibérément optimiste de voir cette zone évoluer.
À l’heure où le continent entier connaît une forte croissance – 5 % à 6 % chaque année –, il n’est pas acceptable que nous assistions depuis la vieille Europe à ces crises politiques sur fond de violences, mères de toutes les misères. Aussi, l’essor de l’Afrique ne saurait se bâtir à la lecture des seuls critères que sont les indices de développement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Étienne Antoinette. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le vote de ces quatre projets de loi pose, à l’heure actuelle, un grave problème d’opportunité.
Je pense que le moment est mal choisi pour envoyer en direction de l’Afrique un signal diplomatique de soutien militaire, car l’engagement de la procédure interne de ratification de ces traités de défense n’est pas autre chose.
La qualité de ces conventions n’est pas réellement en cause, même s’il faut regretter que la dynamique de transparence engagée ne tienne pas toutes ses promesses.
En effet, il faut saluer le progrès réel que constitue l’association du Parlement à l’entrée en vigueur de ces accords de partenariat de défense.
La révision des accords de défense conclus à la suite des indépendances apparaît depuis longtemps nécessaire : les besoins de nos partenaires africains et ceux de notre défense nationale, ainsi que les menaces auxquelles nous devons faire face ont considérablement évolué depuis cinquante ans.
Toutefois, on ne peut que regretter que seules quatre des huit conventions de défense soient ce soir discutées, que notre présence militaire au Tchad ne soit pas abordée à l’occasion de ces nouveaux traités et que les accords de coopération avec le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et la Guinée équatoriale n’entrent pas dans le champ d’une discussion générale.
S’il faut adapter aux contraintes contemporaines la présence française en Afrique, cela ne peut se faire sans une vision stratégique à l’échelle du continent, et non en tronquant la discussion.
Fondus à partir du même moule, ces traités engagent véritablement la présence de la France en Afrique et donnent à voir le rôle qu’elle entend y tenir.
Dans le Livre blanc Défense et Sécurité nationale, qui doit être révisé en 2012, certaines pistes sont bien proposées, mais elles ne donnent pas entière satisfaction dans l’éclairage que ce document apporte aux conventions qui nous sont présentées.
La première piste est la volonté française de transformer l’action bilatérale en un engagement multilatéral. Cela paraît de nature à renforcer la légitimité des interventions militaires, en plus d’en partager le coût financier.
Il est certain que tout recours à la force ne peut se faire que dans le cadre d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
L’inscription de ces traités de partenariat de défense dans la relation stratégique Afrique–Union européenne traduit également une conception rénovée de la place de la France dans les questions militaires en Afrique.
De même, le soutien que la France puis l’Europe apportent à l’appropriation par les organisations régionales africaines de la gestion des opérations de défense, de sécurité et de maintien de la paix est encore un signe fort du renoncement à l’action unilatérale de la France.
Mais, alors que vous nous proposez de restreindre encore davantage les forces françaises stationnées en permanence sur le sol africain, vous ne devez pas renoncer à notre responsabilité à l’égard de ces pays amis.
La jeune Union africaine a montré les limites de sa capacité d’intervention : la préparation des troupes, les capacités de transport, de commandement et de planification font défaut, alors que les réticences politiques sont un obstacle à toute gestion efficace par les États africains des crises africaines.
L’action de l’Union européenne connaît également ses difficultés propres : si les Vingt-Sept sont la première source d’aide au développement de l’Afrique et le premier partenaire économique, les opérations extérieures de l’Union sont le fruit non pas d’une stratégie préétablie, mais de l’impulsion donnée par un État membre.
La volonté de la France sera-t-elle toujours aussi présente ?
Quelle stratégie à l’échelle du continent se dessine pour la France ? Un désengagement plus ou moins subi par la contrainte budgétaire ou une réelle implication dans le programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix ?
Une nouvelle fois, le détail de chaque accord ne permet pas de lire une stratégie d’ensemble.
Ainsi, dans chacun de ces traités, la formulation du premier alinéa de l’article 4 déterminant le domaine de coopération visée en matière de défense et de sécurité laisse perplexe.
Si, avec le Gabon, la coopération vise au renforcement des capacités humaines, techniques et logistiques, aucune indication de la sorte n’est précisée pour la coopération avec le Cameroun.
Concernant le Togo et la République centrafricaine, la liste de ces domaines de coopération semble beaucoup plus ouverte, au point qu’il est possible de penser que l’énumération qui suit n’est pas limitative.
Que doit-on comprendre ? Il y aurait davantage de militaires gabonais admis dans nos écoles de formation militaire française que de militaires camerounais ? La liste ouverte dans les conventions conclues avec le Togo et la République centrafricaine laisse-t-elle place à une aide des forces françaises en cas d’agression extérieure ou de troubles intérieurs dans ces deux États ?
Si cette dernière utilisation de nos capacités militaires semble écartée – la révision des anciens accords d’assistance étant en partie fondée pour revenir sur cette possibilité –, il ne faudrait pas que l’interprétation de ces nouveaux traités au regard des objectifs très généraux du partenariat rende possible l’ingérence militaire de la France.
Malgré la position réitérée depuis trente ans et consistant en l’appréciation par les autorités nationales de l’opportunité de mettre en œuvre la clause d’assistance, il reste qu’une telle ingérence était possible et l’on sait qu’il n’est nul besoin d’invoquer de telles clauses pour intervenir dans des affaires intérieures, comme ce fut le cas quelques jours avant le discours présidentiel du Cap de février 2008, qui lançait le processus de négociation de ces nouvelles conventions avec le soutien déterminant du régime d’Idriss Déby au Tchad.
Il reste donc de nombreux points à éclaircir. Or l’actualité africaine nous oblige à prendre le temps de cette réflexion et d’explication nécessaires à la politique de la France en Afrique.
Le monde du sud de la méditerranée au Golfe persique est en ébullition, les peuples secouent le joug des tyrannies.
Or la Tunisie, la Libye et l’Égypte sont – ai-je besoin de vous le rappeler ? – des pays africains. Au sud du Sahara, les peuples sont également portés par le mouvement d’espérance et de libération né sur les rives de la méditerranée.
Leur succès est moins visible, l’attention médiatique peu soutenue.
Pourtant, au Gabon par exemple, les mouvements d’opposition au régime du Président Ali Bongo existent, les manifestations des 5 et 8 février ont été réprimées, le chef de l’opposition André Mba Obame, candidat malheureux à l’élection très controversée de 2009, et ses conseillers se sont réfugiés dans l’enceinte du PNUD – Programme des Nations unies pour le développement – par peur de se faire arrêter par les forces du Président Bongo.
En République centrafricaine, les pratiques du Président Bozizé sont flagrantes, tout comme les graves manquements aux principes démocratique des votations de janvier et février derniers.
L’emprise des régimes du Cameroun, de la République centrafricaine, du Gabon et du Togo est toujours aussi forte, mais il n’est pas possible de garder les yeux fermés sur les manquements graves et répétés qu’ils portent aux principes démocratiques et à la garantie des droits et des libertés dont la France se prétend la garante.
Une immense chance est à saisir : les révolutions africaines ne se font pas en brûlant un drapeau américain ou français. Les peuples se soulèvent contre leurs oppresseurs et non contre une puissance étrangère.
L’outil du diplomate est le choix du mot juste, la compréhension de l’autre, afin de faire converger les points de vue.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, n’envoyons pas un message de soutien militaire aux dirigeants des pays qui bafouent les principes démocratiques. Associons plutôt nos peuples à la quête de liberté qui gagne l’Afrique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Billout applaudit également.)
M. Didier Boulaud. Très bien !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre. Madame la présidente, permettez-moi quelques mots de réaction, par correction et par respect envers les différents sénateurs, dont les interventions ont été de qualité.
Je voudrais tout d’abord remercier M. le rapporteur pour la qualité de son rapport et la précision avec laquelle il a rappelé l’évolution que traduit la négociation de ces quatre nouveaux accords de partenariat de défense. Comme il l’a souligné, ces accords traduisent une vraie inflexion de notre relation avec l’Afrique en général et les pays africains concernés.
Une précision m’a été demandée à propos du Tchad. Ce pays n’est pas concerné par la révision, puisqu’il n’était pas lié jusqu’à présent à la France par un accord de défense. Toutefois, il a demandé à négocier un accord de partenariat de défense et une première session de discussions doit se tenir après les prochaines échéances électorales tchadiennes. Nous attendons donc les premières demandes du Tchad en la matière. Si vous le souhaitez, nous pourrons bien évidemment rendre compte de l’évolution de ces négociations.
Monsieur Billout, comme beaucoup des intervenants, vous avez eu l’honnêteté intellectuelle de souligner les avancées que constituent ces accords de partenariat et de défense, le souci de transparence que cela représente et l’apport supplémentaire dans le cadre de nos discussions. Je vous remercie ainsi que vos collègues qui l’ont fait de façon quasi systématique.
Toutefois, permettrez-moi de relever un vrai point de désaccord entre nous. Je ne perçois pas le fait d’améliorer la coordination avec l’Union européenne comme étant une marque du retrait de la France.
M. Michel Billout. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Laurent Wauquiez, ministre. Alors nous ne nous sommes pas bien compris !
Au contraire, je crois que la France peut conserver une politique ferme et maintenir une présence forte dans un certain nombre de régions du monde, tout en s’adossant sur des moyens supplémentaires de rayonnement que peut nous apporter le fait d’être le chef de file de la diplomatie européenne. De plus en plus, nous devons apprendre à concilier ces deux dimensions.
Il m’avait semblé noter une opposition de votre part, mais je vous remercie d’avoir clarifié votre point de vue. (M. Michel Billout s’exclame.)
Monsieur Boulaud, je ne reviendrai pas sur tous les points de votre intervention. Je m’en tiendrai à ceux qui portaient sur les accords de partenariat de défense.
Ces accords vont être rendus publics et permettront donc aux opinions publiques d’en être informées.
Par ailleurs, puisque vous avez demandé une précision sur ce sujet, le partenariat implique nécessairement un dialogue avec nos partenaires sur les menaces potentielles, et par conséquent un échange d’informations.
Enfin, s’agissant de la Côte d’Ivoire, il n’y aura pas de renégociation de l’accord tant qu’il n’y aura pas de gouvernement légitime dans ce pays. Vous me permettrez d’ajouter qu’en matière de leçons à donner tout le monde peut balayer devant sa porte, car Laurent Gbagbo a tout même fait l’objet de soutiens relativement marqués à gauche !
M. Didier Boulaud. Pas de ma part !
M. André Trillard. De la part de vos amis !
M. Didier Boulaud. Je ne l’ai jamais rencontré !
M. Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur Guerry, je vous remercie de votre intervention. La vision dont vous avez fait état en conclusion sur l’énorme potentiel de l’Afrique était très intéressante.
Le continent africain va marquer le XXIe siècle, mais cette idée ne peut pas s’incarner dans une vision étroite du développement. Vous avez donc parfaitement résumé ce que doit être notre vision des atouts de l’Afrique au cours du XXIe siècle.
Enfin, monsieur Antoinette, je vous remercie d’avoir souligné la qualité des conventions, le travail de transparence. Merci également d’avoir relevé le fait que les clauses de sécurité ont été enlevées. Je vous rejoins tout à fait sur ce point, cela marque notre volonté de ne pas entrer dans des cycles d’ingérence qui n’ont plus cours dans l’actualité de ce que doivent être nos relations avec l’Afrique.
accord avec la république centrafricaine
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense (ensemble une annexe), signé à Bangui le 8 avril 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je vous rappelle que ce vote sur l’article unique à valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
traité avec la république gabonaise
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise.
Article unique
Est autorisée la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise (ensemble une annexe), signé à Libreville le 24 février 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je vous rappelle que ce vote sur l’article unique à valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec la république du cameroun
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense (ensemble une annexe), signé à Yaoundé le 21 mai 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je vous rappelle que ce vote sur l’article unique à valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec la république togolaise
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense, signé à Lomé le 13 mars 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je vous rappelle que ce vote sur l’article unique à valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 2 mars 2011, à quatorze heures trente et le soir :
1. Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des députés (n° 209, 2010-2011).
Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 311, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 312, 2010-2011).
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France (n° 210, 2010 2011).
Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 311, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 313, 2010-2011).
3. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (n° 207, 2010-2011).
Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 311, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 314, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART