Sommaire
Présidence de Mme Monique Papon
Secrétaires :
MM. Marc Massion, Jean-Paul Virapoullé.
2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
3. Développement économique de l’Outre-mer. – Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)
Discussion générale : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; MM. Alain Saubert, rapporteur de la section des économies régionales et de l’aménagement du territoire du Conseil économique, social et environnemental ; Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances ; Marc Massion, rapporteur de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le président.
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Gaston Flosse, Jacques Gillot, Christian Gaudin, Mme Gélita Hoarau, M. Charles Guené.
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
MM. Daniel Marsin, Claude Lise, Adrien Giraud, Bernard Vera, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Serge Larcher, Michel Magras, Georges Patient, Denis Detcheverry, Jean-Etienne Antoinette, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Richard Tuheiava, Louis-Constant Fleming, Robert Laufoaulu, Jean-Paul Virapoullé.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
Motion no 420 de Mme Odette Terrade. – Mme Odette Terrade, MM. Éric Doligé, rapporteur ; le secrétaire d'État, Thierry Foucaud, Mme Lucette Michaux-Chevry. – Rejet.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 423 de M. Jean-Claude Frécon. – MM. Jean-Claude Frécon, Eric Doligé, rapporteur ; le secrétaire d'État, Mme Nicole Bricq. – Rejet.
Amendement n° 157 de Mme Nicole Bricq. – Mme Nicole Bricq, MM. Eric Doligé, rapporteur ; le secrétaire d'État, le président de la commission des finances, Jean-Etienne Antoinette, Thierry Foucaud. – Rejet.
Mme Odette Terrade.
Amendement n° 375 rectifié bis de M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis, et sous-amendement n° 425 rectifié de M. Robert Laufoaulu ; amendements nos 390 du Gouvernement, 158 de M. Claude Lise et 302 de M. Robert Laufoaulu. – MM. Daniel Marsin, rapporteur pour avis ; Robert Laufoaulu, le secrétaire d'État, Claude Lise, Eric Doligé, rapporteur ; Serge Larcher, Jean-Paul Virapoullé, le président de la commission des finances, Jacques Gillot, Mme Odette Terrade. – Retrait des amendements nos 390 et 302 ; adoption du sous-amendement no 425 rectifié et de l'amendement no 375 rectifié bis modifié, l’amendement no 158 devenant sans objet.
Amendements nos 301 rectifié de M. Robert Laufoaulu, 314 rectifié de M. Adrien Giraud, 97 de M. Michel Magras et 2 de M. Louis-Constant Fleming. – MM. Adrien Giraud, le secrétaire d'État, Michel Magras. – Retrait des quatre amendements.
Amendement n° 348 rectifié de M. Claude Lise. – MM. Claude Lise, Eric Doligé, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er A
Amendement n° 30 de M. Bernard Vera. – Mme Gélita Hoarau, MM. Marc Massion, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 31 de M. Bernard Vera. – MM. Thierry Foucaud, Marc Massion, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 32 de M. Bernard Vera. – MM. Thierry Foucaud, Marc Massion, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 159 de M. Jacques Gillot. – MM. Jacques Gillot, Marc Massion, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 298 rectifié de Mme Anne-Marie Payet. – Mme Anne-Marie Payet, MM. Marc Massion, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 346 de M. Claude Lise. – MM. Claude Lise, Marc Massion, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 347 de M. Claude Lise. – MM. Claude Lise, Marc Massion, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 424 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, Marc Massion, rapporteur ; le président de la commission des finances, Jacques Gillot, Mme Lucette Michaux-Chevry. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
M. Jean-Etienne Antoinette, Mme Odette Terrade, M. Georges Patient.
Amendement n° 34 de Mme Marie-France Beaufils. – MM. Thierry Foucaud, Eric Doligé, rapporteur ; le secrétaire d'État, Mme Odette Terrade. – Rejet.
Amendement n° 340 de M. Serge Larcher. – MM. Serge Larcher, Eric Doligé, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements nos 161 de M. Jacques Gillot, 251, 26 de Mme Lucette Michaux-Chevry, 162 de M. Georges Patient, 236 de Mme Gélita Hoarau et 376 de M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. – M. Jacques Gillot, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. Georges Patient, Mme Gélita Hoarau, MM. Daniel Marsin, rapporteur pour avis ; Eric Doligé, rapporteur ; le secrétaire d'État. – Retrait des amendements nos 251, 26 et 376 ; rejet des amendements nos 161, 162 et 236.
Renvoi de la suite de la discussion.
4. Dépôt de propositions de loi
5. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
Présidence de Mme Monique Papon
vice-présidente
Secrétaires :
M. Marc Massion,
M. Jean-Paul Virapoullé.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
Mme la présidente. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 32 de la loi n° 2006–64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, le rapport sur l’application de cette loi au 1er janvier 2009.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.
3
Développement économique de l'outre-mer
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, déclaré d’urgence (projet n° 496, 2007-2008, texte de la commission n° 233, rapports nos 232, 240, 243 et 244).
Avant d’ouvrir la discussion, je dois vous rappeler que le Conseil économique, social et environnemental a demandé que, conformément aux dispositions de l’article 69 de la Constitution, M. Alain Saubert, rapporteur de la section des économies régionales et de l’aménagement du territoire du Conseil économique, social et environnemental, puisse exposer, devant le Sénat, l’avis du Conseil.
Conformément à l’article 69 de la Constitution et à l’article 42 de notre règlement, huissiers, veuillez faire entrer M. Alain Saubert.
(M. le rapporteur de la section des économies régionales et de l’aménagement du territoire du Conseil économique, social et environnemental est introduit dans l’hémicycle selon le cérémonial d’usage.)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame la présidente, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’outre-mer est une part essentielle de notre identité. Ces départements et ces collectivités portent les valeurs de la République dans tous les océans, sur tous les continents, des valeurs de liberté, de dignité, d’égalité.
Oui, l’outre-mer est un atout pour la France, pour l’Europe et pour le monde.
À notre pays, il apporte sa diversité, son dynamisme, ses talents, son ouverture sur un univers désormais mondialisé.
Pour chacun de ses habitants, il porte des ambitions pour l’avenir, des ambitions légitimes qui doivent se traduire en réalités concrètes.
Donner un nouvel élan à l’outre-mer, valoriser les atouts spécifiques de chaque territoire, leur permettre de mieux affronter les grands défis de notre époque : c’était hier un des engagements de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ; c’est aujourd’hui l’ambition et l’enjeu du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que Yves Jégo et moi-même avons l’honneur de vous soumettre.
Ce projet de loi traite des questions de fond liées à l’avenir de l’outre-mer. Mais, à l’évidence, notre débat ne saurait faire abstraction de l’actualité.
C’est une actualité difficile, vous le savez.
La Guadeloupe, la Martinique ainsi que la Réunion traversent une période de crise, révélatrice de déséquilibres anciens et jamais vraiment résolus, accentuée par l’impact de la crise économique et financière mondiale.
Ma première préoccupation tout au long de cette crise a été d’encourager le dialogue, mais aussi de faire respecter les libertés individuelles et la paix publique, de protéger les personnes et les biens, de garantir la liberté d’aller et venir, de permettre aux élèves d’accéder aux écoles.
Ne l’oublions jamais, le droit à la sécurité et la protection des libertés publiques s’imposent sur chaque parcelle du territoire ; c’est ma responsabilité, et je l’assumerai.
Permettez-moi de rendre un hommage particulier à l’attitude remarquable des préfets des départements concernés, une attitude de fermeté dès lors que la paix publique ou la protection des personnes étaient menacées, une attitude d’écoute et de dialogue avec l’ensemble des acteurs.
Je veux aussi saluer – avec vous, j’en suis persuadée – le comportement exemplaire des policiers et des gendarmes en Guadeloupe et en Martinique, qui ont su, dans des circonstances souvent très difficiles, faire preuve d’une autorité sereine pour protéger les personnes.
Au-delà des événements immédiats, la préoccupation du Gouvernement est de répondre au mieux aux effets amplificateurs de la crise économique et financière mondiale sur les économies ultramarines, qui sont inscrites dans des zones géographiques déjà fragilisées.
À mes yeux, toute crise est révélatrice des difficultés de fond et doit nous conduire à un certain nombre de réorientations.
La Guyane a connu, à la fin de l’année 2008, une crise sociale liée à l’augmentation des prix des carburants. Avec Yves Jégo et Christine Lagarde, j’ai lancé une mission d’inspection afin de mettre à plat le système de formation des prix des carburants dans les départements d’outre-mer. Elle rendra ses conclusions dans les prochains jours. Provoquée par un événement immédiat – la crise actuelle –, elle nous permettra de nous inscrire dans une démarche de fond et dans l’avenir, et d’établir des systèmes visant à éviter dorénavant des dérives.
Au début du mois de février, j’ai également lancé une mission sur le suivi des prix en Guadeloupe. Un rapport vient d’être remis à Yves Jégo et à moi-même, dont certaines préconisations sont d’ores et déjà intégrées dans le document que vient de signer le préfet de Guadeloupe.
Plus encore, le plan de relance, décidé par le Président de la République et mis en œuvre par le Gouvernement, contribuera à dynamiser les économies ultramarines. À ce titre, 130 millions d’euros sont engagés pour les départements et les collectivités d’outre-mer.
Le 19 février dernier, le Président de la République a annoncé un nouvel effort financier pour l’outre-mer, inclus dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Certains prétendent que le Gouvernement se désengage de l’outre-mer. La vérité, c’est que jamais l’État n’a autant agi aux côtés de nos compatriotes ultramarins, pour permettre à l’outre-mer de dépasser ses difficultés structurelles, afin de bénéficier des opportunités de la mondialisation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une crise, c’est un défi, un risque, mais ce peut être aussi une opportunité, une véritable chance.
C’est un défi, qui nous oblige à répondre à des questions négligées pendant des années, voire des décennies.
C’est un risque : celui que la compétitivité des départements d’outre-mer soit handicapée par un contexte international de plus en plus exigeant.
Mais c’est aussi une opportunité, une formidable occasion d’agir ensemble pour l’outre-mer, et pour la France tout entière, si nous en avons la volonté.
Cette volonté, c’est celle du Président de la République, qu’il a exprimée devant tous les élus d’outre-mer réunis voilà quelques semaines, c’est celle du gouvernement de François Fillon.
Il s’agit d’une volonté de changer de méthode.
Soyons lucides et objectifs : des efforts ont été accomplis depuis des années, et pourtant les résultats obtenus ne peuvent nous satisfaire.
Les contraintes spécifiques des économies ultramarines sont réelles : l’insularité, l’éloignement de la métropole, l’étroitesse du marché.
Trop longtemps, les réponses apportées se sont limitées à essayer de compenser ou de rattraper ces handicaps. Une telle démarche est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante à l’heure de la mondialisation exacerbant les concurrences.
Ces politiques ont donné des résultats incontestables en matière de réduction de l’habitat insalubre, de l’émergence de secteurs économiques favorisant les créations d’emplois, de l’accès croissant des habitants des départements d’outre-mer à une formation adaptée.
Pourtant, le taux de chômage demeure plus élevé qu’ailleurs. Le logement social est notoirement insuffisant, quantitativement et qualitativement. Les prix à la consommation sont toujours trop élevés.
Il faut donc prévoir une nouvelle approche, édifiée en commun et axée prioritairement sur la concertation.
Le projet de loi a été élaboré en étroite concertation avec les élus et les acteurs économiques de l’outre-mer. Ce sont eux, et non le Gouvernement, qui ont déterminé les secteurs stratégiques prioritaires.
De même, des améliorations ont été apportées au projet de loi déposé devant le Conseil des ministres en juillet 2008, grâce aux élus et aux acteurs professionnels. Elles ont permis d’adapter le texte à la crise mondiale et locale qui s’est développée depuis lors.
Il s’agit, par exemple, des nouvelles mesures relatives aux exonérations fiscales et au logement, qui ont conduit à augmenter les crédits dédiés à ces questions. Ainsi, 150 millions d’euros supplémentaires par rapport à la version initiale du texte seront investis dans les économies ultramarines.
La commission des finances a participé activement à ce travail, et je tiens à en remercier notamment son président, M. Jean Arthuis.
Par ailleurs, de nombreux amendements ont été déposés par les rapporteurs et l’ensemble des élus ultramarins. Le Gouvernement y sera particulièrement attentif et se montrera ouvert à vos propositions.
Une nouvelle approche doit être aussi fondée sur une stratégie ambitieuse. Nous ne pouvons agir outre-mer sans avoir une réelle ambition pour les territoires et leurs habitants, comme nous l’avons pour l’ensemble de notre pays.
Notre objectif est de proposer un nouveau projet économique et social pour l’outre-mer. Mais, pour construire l’avenir, il nous faut partir d’un diagnostic commun et partagé.
Dynamisme démographique, richesses culturelles, ouverture sur des régions mondiales dynamiques : nous connaissons les atouts de l’outre-mer. Ils sont la clé de son avenir économique.
Nous voulons nous appuyer sur ces atouts, sur la compétitivité des entreprises d’outre-mer, sur le talent des hommes et des femmes de l’outre-mer pour mettre en œuvre un modèle de développement économique spécifique, fondé sur le potentiel de chaque territoire, afin de permettre à chacun d’entre eux de mettre en avant ses propres richesses.
M. Jean-Louis Carrère. C’est exact !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, et dont nous allons débattre au cours des prochains jours, constitue une première étape. Les États généraux, annoncés par le Président de la République, poursuivront la réflexion sur la fixation des prix, la transparence des circuits économiques et l’ensemble des questions concernant l’outre-mer.
Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, qui nous donne des moyens concrets au service de nos ambitions, repose sur trois priorités.
La première d’entre elles concerne la recherche de l’efficacité par la correction des dispositifs existants.
Ainsi, les exonérations de charges seront réformées et recentrées sur les bas salaires, disposition qui résulte d’une demande générale.
Au-delà de la réponse apportée à l’attente de nos concitoyens qui espèrent une augmentation de leur pouvoir d’achat, les exonérations de charges doivent aussi favoriser l’emploi. En ouvrant ces exonérations aux petites et moyennes entreprises, et à elles seules, pour les inciter à recruter sur le marché local les cadres intermédiaires dont elles ont besoin, nous stimulons leur dynamisme. D’ailleurs, les jeunes des départements et collectivités d’outre-mer, qui suivent des études, ont également besoin d’avoir la perspective de trouver un poste sur place. Cela représente un effort de 75 millions d’euros.
Certains dispositifs de défiscalisation sont devenus obsolètes, inefficaces, voire contre-productifs, comme nous avons eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, notamment lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009. Ils seront donc réorientés vers de nouveaux investissements, qui se révèlent aujourd’hui plus productifs, notamment dans le domaine de la recherche et du développement.
La deuxième priorité concerne le soutien à l’investissement.
Tout d’abord, les zones franches globales d’activités permettront de soutenir la compétitivité des entreprises par le biais de dispositifs fiscaux adaptés.
Le coût du dispositif est élevé, puisqu’il s’élève à 224 millions d’euros. Il bénéficiera aux secteurs stratégiques, dont la liste a été décidée par les élus et les acteurs économiques locaux. Parmi ces secteurs, je citerai la recherche et le développement, les nouvelles technologies, le tourisme, les énergies renouvelables et l’agro-nutrition.
Le Gouvernement proposera une harmonisation de ces secteurs dans l’ensemble des départements et collectivités d’outre-mer tout en prenant en compte leurs spécificités.
Certains s’interrogent sur les éventuels effets négatifs de la suppression de la taxe professionnelle pour toutes les entreprises décidée par le Président de la République. Nous veillerons à ce que cette mesure ne soit pas pénalisante pour les entreprises relevant des zones franches globales d’activités, en proposant une adaptation du dispositif, pour maintenir leur avantage comparatif.
Ensuite, un fonds exceptionnel d’investissement est prévu pour permettre à l’État de soutenir les opérations d’équipements publics collectifs, qui participent au développement économique et social. Vous le savez, nous avions proposé la création de ce fonds dès la première version du projet de loi, et nous en avions débattu dans cette enceinte. Aujourd’hui, ce fonds, considérablement augmenté, est doté de 179 millions d’euros, contre 50 millions prévus initialement.
Enfin, pour soutenir le petit commerce, sur lequel nombre d’entre vous ont attiré l’attention du Gouvernement, un fonds spécifique, dédié à l’outre-mer, sera créé et doté de 8 millions d’euros. D’autres mesures de soutien aux investissements dans ce secteur économique pourront venir compléter cette mesure.
La troisième priorité a trait à la relance du logement social.
Nous partageons tous le constat que la situation du logement demeure préoccupante outre-mer. Disons-le clairement, certaines situations sont indignes des exigences et des valeurs qui sont les nôtres en ce début du XXIe siècle.
Les mécanismes d’aides au logement mis en place précédemment ont clairement montré leurs limites. Le texte prévoit donc de réorienter la défiscalisation vers le logement social et le logement intermédiaire.
M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis de la commission des lois. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C’est une mesure simple, de bon sens et de justice sociale.
Deux avancées viendront la compléter.
Il s’agit, d’abord, de l’ouverture de la défiscalisation pour la réhabilitation immobilière des logements d’au moins vingt ans d’âge. Cette mesure représente 2 millions d’euros.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nous savons combien cette mesure est nécessaire quand on regarde l’état du patrimoine, dégradé en raison notamment du climat, mais aussi parfois des malfaçons liées à des constructions relativement anciennes, et quand on sait que les travaux de réhabilitation représentent la moitié du chiffre d’affaires du secteur du bâtiment et des travaux publics.
Il s’agit, ensuite, du report d’un an de la fin des exonérations actuelles concernant le logement intermédiaire. Comme certains d’entre vous l’avaient demandé, la transition sera ainsi facilitée pour qu’il n’y ait pas de rupture trop brutale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en vous présentant, avec Yves Jégo, ce projet de loi, je veux vous redire très sincèrement ma conviction : aujourd'hui, plus que jamais, l’outre-mer a des atouts, des forces et des talents.
Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer vise, tout naturellement et légitimement, à donner aux départements et collectivités d’outre-mer les moyens d’assumer leurs ambitions pour le XXIe siècle.
Il marque une première étape dans la nouvelle approche de l’outre-mer, que le Président de la République et le Gouvernement entendent développer.
Face aux enjeux qui nous sont imposés, notre réponse ne peut pas être seulement économique.
Des États généraux se tiendront dans chaque collectivité d’outre-mer. Le Président de la République les ouvrira lui-même en Guadeloupe.
Les acteurs économiques, sociaux et culturels de l’outre-mer auront ainsi l’occasion de participer à un vaste débat, que nous voulons sans tabou, sur l’ensemble des enjeux de l’outre-mer.
Ces États généraux représentent une opportunité unique pour aborder en profondeur toutes les questions fondamentales qui agitent l’outre-mer, qu’il s’agisse aussi bien du dialogue social, de la coopération régionale, de la gouvernance, de la culture, de la mémoire et de l’identité, de l’égalité des chances, de la formation, que de l’accès à l’emploi.
Le préfet Richard Samuel, d’origine antillaise, assurera la coordination de la plus grande consultation jamais menée outre-mer, qui aboutira, sous la présidence du chef de l’État, à la réunion du conseil interministériel de l’outre-mer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une nouvelle page s’écrit dans l’histoire des relations entre l’outre-mer et la métropole, une page empreinte d’espoir et de responsabilité, de solidarité et d’ambition partagée.
Quelles que soient parfois nos divergences, je suis persuadée que nous l’écrirons ensemble, dans la fidélité aux valeurs de la République et dans la confiance dans les hommes et les femmes d’outre-mer. C’est un devoir de la République, et telle est notre responsabilité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental.
M. Alain Saubert, rapporteur de la section des économies régionales et de l’aménagement du territoire du Conseil économique, social et environnemental. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je me permets de rappeler in limine que M. le Premier ministre a saisi le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, le 11 février 2008, pour émettre un avis sur le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer. Ainsi s’intitulait alors ce projet de loi, sur lequel l’urgence nous fut alors recommandée.
Nous avons rendu notre avis, en séance plénière, le 23 mars 2008, en présence de Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et de M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, le vote intervenant le 24 mars. Or nous sommes aujourd’hui le 10 mars 2009, soit presque un an plus tard.
Le présent projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer – exit l’excellence ! – s’inscrit dans une suite de lois de programme, ce qui peut apparaître comme une forme d’hésitation, même si l’objectif est louable, puisqu’il vise à améliorer la situation existante. Toutefois, cette façon de procéder n’est pas forcément gage de bonne lisibilité.
Le Conseil économique, social et environnemental avait approuvé la philosophie générale de l’avant-projet qui lui était soumis, pour trois raisons.
D’abord, ce texte rompait avec l’assistanat et un système économique fondé sur l’importation au détriment de la production locale pour s’orienter vers la promotion d’un développement endogène.
Ensuite, il prenait en compte la persistance des difficultés dans l’ensemble de ces territoires, tout en tendant à valoriser les atouts de chaque collectivité d’outre-mer.
Enfin, et surtout, il reposait sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises, mais se plaçait aussi au cœur des réalités quotidiennes en faisant une place importante au logement social notamment et à la continuité territoriale.
Le Conseil économique, social et environnemental s’était félicité des avancées qu’apportait cet avant-projet par le soutien du secteur de la recherche, désormais inclus dans le champ de la défiscalisation et secteur prioritaire des zones franches globales d’activités, par les dispositions prises pour réduire la fracture numérique – défiscalisation des câbles sous-marins, des technologies de l’information et de la communication –, par les améliorations des dispositifs de continuité territoriale et, enfin, par la suppression de certaines dérives constatées dans l’utilisation du dispositif législatif en vigueur.
Toutes ces dispositions sont maintenues dans le projet de loi qui a été déposé au Parlement en juillet 2008.
Le Conseil économique, social et environnemental avait formulé d’autres propositions de modifications, dont certaines sont reprises dans ce projet de loi.
Je commencerai par les mesures de soutien aux entreprises.
Elles concernent, tout d’abord, les zones franches.
Sans être hostile à la mise en place des zones franches globales d’activités, le Conseil économique, social et environnemental avait proposé d’améliorer le dispositif envisagé et de soutenir davantage les entreprises éligibles au taux bonifié en relevant les plafonds qui leur sont applicables, au lieu de prévoir un plafonnement identique de l’abattement, quel que soit le taux simple ou bonifié.
Il avait aussi suggéré d’intégrer des secteurs stratégiques, comme les techniques de l’information et de la communication aux Antilles et l’agro-nutrition à la Réunion, dans les secteurs à taux bonifié.
Le Conseil économique, social et environnemental avait encore proposé de mieux prendre en compte les spécificités territoriales, comme la structuration de la Guadeloupe en archipel, génératrice de surcoûts dus à la double insularité et, enfin, d’intégrer le commerce de proximité sous conditions.
Les deux premières propositions sont prises en compte dans l’article 1er du projet de loi.
L’agro-nutrition à la Réunion et le secteur des technologies de l’information et de la communication dans l’ensemble des départements d’outre-mer ont été désignés comme secteurs prioritaires.
En outre, les plafonds d’abattement concernant le dispositif d’exonération d’impôts sur les sociétés et les bénéfices industriels et commerciaux ont été relevés pour les secteurs prioritaires.
En revanche, la nécessité de soutenir le petit commerce n’a pas été retenue, même si des aides sont envisagées, comme vient de le rappeler Mme le ministre.
J’en viens à la défiscalisation.
Le Conseil économique, social et environnemental avait considéré que le dispositif de défiscalisation mis en place depuis vingt ans avait contribué à atténuer certains handicaps structurels des collectivités d’outre-mer, à renforcer le secteur marchand par rapport au secteur public, à diversifier les activités et, surtout, à favoriser l’émergence d’une économie plus moderne.
Le Conseil économique, social et environnemental avait également estimé que, si des dérives et des effets d’aubaine ont pu se produire, l’avant-projet en tirait pour partie les conséquences.
Le projet de loi reprend l’ensemble des mesures visant à éliminer les effets pervers de l’ancien système.
En revanche, il maintient le plafonnement de la défiscalisation des énergies renouvelables figurant dans l’avant-projet, alors que le Conseil économique, social et environnemental invitait à traiter ce secteur de la même manière que les autres secteurs défiscalisés, surtout au moment où les pouvoirs publics affichent l’objectif de développer les énergies nouvelles.
J’en arrive aux autres mesures économiques.
Le Conseil économique, social et environnemental s’était félicité que le tourisme, déjà bénéficiaire de la défiscalisation et des exonérations de charges, soit aussi l’un des secteurs d’activités prioritaires choisis au titre des zones franches.
Il avait néanmoins souligné la nécessité de prendre en compte des facteurs plus qualitatifs tenant moins aux opérateurs qu’aux produits, et qui appelaient des mesures autres que financières et fiscales, comme l’incitation à une formation professionnelle plus intense et mieux adaptée. Aucune disposition nouvelle n’est prise à cet égard dans le projet de loi.
Le Conseil économique, social et environnemental a approuvé la mise en place d’une aide spécifique en matière de rénovation hôtelière, tout en se demandant s’il était nécessaire de ne retenir que les hôtels de soixante chambres, dans la mesure où le nombre de chambres n’est pas significatif de la petite hôtellerie outre-mer. L’article 13 du projet de loi a étendu le bénéfice du dispositif de subvention envisagé aux hôtels de cent chambres.
J’aborderai à présent les exonérations de charges sociales.
L’avant-projet modifiait le dispositif d’exonérations de charges en effectuant un recentrage sur les bas et moyens salaires.
Considérant, d’une part, que la baisse du coût du travail sera toujours insuffisante pour permettre aux entreprises d’outre-mer de faire face à la concurrence des pays voisins, mais, d’autre part, que les exonérations de charges associées à d’autres mesures sont un élément indispensable de la compétitivité desdites entreprises, le Conseil économique, social et environnemental approuvait le maintien des exonérations pour les bas salaires, admettait l’exclusion des hauts salaires au-delà de 3,8 SMIC, mais posait la question pour les salaires intermédiaires, en rappelant les besoins en personnels d’encadrement dans ces régions.
Le Conseil économique, social et environnemental soulignait aussi que la dégressivité risquait d’entraver l’ascension sociale des salariés et que l’instauration d’un plafond unique à 1,4 SMIC allait, de façon paradoxale, pénaliser les secteurs a priori les plus fragiles.
Il proposait donc un redéploiement au sein du dispositif, en restreignant son champ pour le réserver aux professions non réglementées et, en contrepartie, en relevant les seuils pour faciliter l’emploi des cadres.
La loi de finances pour 2009, à l’article 159, a intégré, par anticipation, les articles 11 et 12 du projet de loi relatifs aux exonérations de charges, en adoptant une mesure d’exonération plus incitative pour les entreprises des zones franches bénéficiant du taux bonifié, en portant pour ces dernières le plafond de 1,4 SMIC à 1,6 SMIC et en rendant l’exonération nulle à 4,5 SMIC au lieu de 3,8 SMIC, mais en maintenant l’uniformisation du taux à 1,4 SMIC et la dégressivité.
Une autre proposition du Conseil économique, social et environnemental n’a pas été reprise, celle qui visait à faire de la formation professionnelle une condition de l’éligibilité de tout plan d’exonération de charges présenté par les employeurs.
J’en viens à la relance de la politique du logement.
Le Conseil économique, social et environnemental avait estimé que les dispositions en faveur du logement social et la rénovation du dispositif de défiscalisation au profit du secteur social étaient des points importants de l’avant-projet. C’est pourquoi il se montrait très favorable à ces mesures dans leur principe, considérant qu’elles témoignaient de la volonté de mieux satisfaire les besoins en logements, essentiels pour la grande majorité des habitants d’outre-mer.
En revanche, le Conseil économique, social et environnemental n’était pas favorable à la disparition totale de la défiscalisation en faveur des secteurs libre et intermédiaire. Il soulignait les conséquences que pourrait avoir une telle disparition pour les ménages, souvent issus des classes moyennes, désireux d’acquérir leur résidence principale, ainsi que pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, où une telle mesure risquait d’entraîner une chute d’activité.
Il avait donc proposé de maintenir la défiscalisation en secteur libre lorsqu’elle concernait l’habitation principale en pleine propriété, en l’assortissant de conditions – plafonnement des ressources de l’investisseur, de la superficie du logement, de la surface au regard de la taille du ménage – ou en la réservant aux primo-accédants.
Le Conseil économique, social et environnemental avait encore proposé d’étaler un peu plus dans le temps, et en fonction des territoires, la disparition du locatif libre afin de permettre une transition plus facile avec le secteur social.
Il avait enfin proposé de maintenir la défiscalisation sur le logement intermédiaire, avec un encadrement strict des plafonnements.
À l’article 20 du projet de loi, il a été tenu compte de certaines de ces préconisations.
Ainsi, il prévoit le maintien de la défiscalisation relative au secteur libre pour la résidence principale sous conditions – primo-accession et base éligible limitée en surface –, un étalement dans le temps de la suppression de la défiscalisation du secteur libre destiné à la location pour éviter un impact trop brutal dans le secteur du BTP et le maintien de la défiscalisation dans le secteur intermédiaire jusqu’en 2012.
Le Conseil économique, social et environnemental avait aussi demandé, sans que le projet de loi en tienne compte, un étalement dans le temps de la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable sur les matériaux afin de ne pas pénaliser l’artisanat, ainsi qu’une action sur le coût du foncier et la mise en place, dans les collectivités qui n’en disposeraient pas, d’un établissement public foncier.
D’une façon générale, le Conseil économique, social et environnemental avait souhaité être systématiquement saisi de toutes les évaluations concernant l’outre-mer, comme il l’a été pour la loi d’orientation et de programme pour l’outre-mer, la LOPOM, et pouvoir disposer, au même titre que la Commission nationale d’évaluation, dont il approuve la mise en place, des données et des informations lui permettant de se prononcer.
Le Conseil économique, social et environnemental avait souhaité que, en matière de défiscalisation, les montages fiscaux soient rendus plus simples – déconcentration accrue des procédures, souplesse pour les petits projets – et que, en contrepartie, toute opération de défiscalisation hors champ de l’agrément fasse l’objet d’une déclaration.
Enfin, le Conseil économique, social et environnemental avait souhaité, tant pour la défiscalisation que pour les exonérations de charges, que des moyens de contrôle appropriés soient donnés aux administrations concernées.
Pour conclure, le Conseil économique, social et environnemental estime que ce projet de loi devrait entraîner la mise en œuvre d’une politique mieux adaptée au développement économique des régions ultramarines par une plus grande implication des acteurs locaux.
Toutes les recommandations que nous avons formulées dans notre projet d’avis, parfois critiques, n’avaient pour objet que de mettre en garde les pouvoirs publics sur des conséquences qui nous apparaissaient comme pouvant se révéler négatives.
L’outre-mer doit être positionné au sein d’un dispositif économique et social qui doit tenir compte des difficultés spécifiques parfaitement identifiées, dans la perspective d’un développement endogène.
L’avenir de l’outre-mer sera ce que les acteurs locaux voudront bien qu’il soit, dans une perspective à la fois métropolitaine et européenne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur.
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le président du Sénat qui nous faites l’honneur d’assister à ce débat qui vous passionne, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, le Sénat a été saisi du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer le 28 juillet dernier
Ce texte a été renvoyé au fond à la commission des finances. La commission des lois, la commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales, saisies pour avis, ont également apporté leur expertise.
Le contexte dans lequel nous étudions ce projet de loi est, à plusieurs titres, particulier.
En effet, depuis l’élaboration du texte, la situation économique et sociale de l’outre-mer français a beaucoup évolué. Outre la crise financière globale, déjà évoquée, qui les touche au même titre que la métropole, les départements d’outre-mer sont au cœur d’une crise sociale particulièrement violente, depuis maintenant plus d’un mois.
L’onde de choc, partie de la Guadeloupe, a atteint, depuis, les autres départements d’outre-mer. Aujourd’hui, à la Réunion, un appel à la grève générale est lancé. Les pressions de tous ordres sont de plus en plus nombreuses. Les événements de l’actualité dépassent largement les règles normales de la démocratie.
Il résulte de cette situation très spécifique deux difficultés. Il s’agit, d’une part, d’un certain « décalage » des dispositifs proposés par le projet de loi initial, qui n’ont pas été prévus pour répondre à la situation de crise actuelle, dont les origines sont très anciennes ; il s’agit, d’autre part, d’un examen par la commission des finances de dispositions que le Gouvernement a annoncé vouloir amender de façon significative et qui ne seront sans doute pas adoptées telles quelles par notre assemblée.
Madame le ministre, vous nous avez dit, voilà quelques instants, que le Gouvernement serait attentif et ouvert à nos amendements. Permettez-moi de préciser que, le texte présenté étant celui de la commission, nous serons nous-mêmes très attentifs aux amendements que proposera le Gouvernement ; peut-être y apporterons-nous des réponses positives… (Sourires.)
Toutefois, je souhaite insister sur le fait que les mesures du projet de loi que nous allons examiner restent pertinentes. Certes, nous en sommes conscients, elles ne se suffiront pas, à elles seules, à répondre à la crise que connaît l’outre-mer aujourd’hui ; telle n’est d’ailleurs pas leur vocation.
Elles constituent, en réalité, le premier volet d’un plan plus vaste, qui va se déployer au cours des prochains mois.
Le Président de la République a ainsi annoncé la tenue d’États généraux pour l’outre-mer, qui, en donnant le temps de la réflexion, permettront d’apporter à cette crise les éléments de réponse qu’elle mérite.
Dans cette attente, les dispositions du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, tel qu’il a été adopté par la commission des finances, rendront plus efficaces les mécanismes de soutien à l’activité économique.
La principale mesure du texte est la mise en place, dans les départements d’outre-mer, de zones franches d’activités offrant des avantages fiscaux aux entreprises. Cette mesure fait suite à un engagement pris par le candidat Nicolas Sarkozy.
Ces zones franches d’activités concerneront la très grande majorité des PME des départements d’outre-mer. Le régime applicable à ces zones se caractérise par des exonérations sous la forme d’abattements de 50 % des bases d’impôt sur les bénéfices, de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties, dans la limite d’un plafond de 150 000 euros. Certaines zones géographiques et certains secteurs bénéficieront d’un abattement préférentiel égal à 80 % des bases d’imposition.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit l’ajustement d’un certain nombre de dispositifs déjà mis en place, dont l’efficacité s’est révélée incertaine.
Ainsi, le taux de la réduction d’impôt consentie au titre des navires de plaisance dans les DOM passe de 70 % à 50 %. Il est également prévu que les collectivités d’outre-mer qui disposent d’une autonomie fiscale devront avoir signé avec l’État une convention fiscale pour pouvoir bénéficier de la défiscalisation.
La réforme de la TVA dite « non perçue récupérable », ou TVA NPR, est un autre exemple de ces ajustements. La TVA NPR est un dispositif très spécifique, qui permet aux entreprises d’outre-mer de récupérer la TVA, y compris sur des importations de biens qui en sont exonérés. Elles sont donc remboursées d’une TVA qu’elles n’ont pas payée. Ce dispositif est réformé et encadré par le présent projet de loi.
Enfin, un titre entier du projet de loi porte sur le logement, notamment social.
L’outre-mer français connaît une situation particulièrement précaire en matière d’habitat pour les plus démunis. Moins de 8 000 nouveaux logements ont été construits dans les DOM en 2007, pour un nombre de demandes non satisfaites supérieur à 64 000 ; on parle même de 100 000 demandes en attente.
Le projet de loi prévoit, pour remédier à ce déficit dramatique, de recentrer sur le logement social le dispositif de défiscalisation du logement en vigueur aujourd’hui. Nous serons certainement amenés à examiner un grand nombre d’amendements visant à trouver des solutions pour le domaine du logement intermédiaire. Le régime actuellement applicable entraîne d’importants effets pervers : il favorise essentiellement le logement à loyer libre, pour lequel la demande est faible ; il entraîne un renchérissement important du coût du foncier et empêche les entreprises de construction de se consacrer à ce qui devrait être la priorité en outre-mer, à savoir le logement social.
Le texte vise donc à supprimer la quasi-totalité de l’ancien dispositif de défiscalisation et à en instaurer un nouveau, centré sur cette catégorie d’habitat.
Outre ces éléments, le Gouvernement a déposé plusieurs amendements portant mesures d’adaptation et de complément au projet de loi tel qu’il ressort des débats de la commission des finances.
Ces amendements visent essentiellement à renforcer le dispositif des zones franches d’activités et à assouplir la dégressivité des exonérations de charges sociales adoptée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009. Ils prennent ainsi en compte la situation actuelle de l’outre-mer. C’est la raison pour laquelle la commission des finances, qui aura l’occasion de préciser sa position au cours des débats, s’est déclarée favorable à la majorité de ces amendements, mais non à leur totalité ! (Sourires.)
Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour formuler quelques observations personnelles, dont j’ai déjà fait part à M. le secrétaire d’État lors de son audition par la commission des finances, mais que j’ai plaisir à rappeler dans cette enceinte.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, nous avions demandé que l’application de la révision de la règle des charges sociales soit liée à la mise en œuvre de la loi pour le développement économique de l’outre-mer, ou LODEOM. C’était impossible, nous a-t-il été répondu, et vous vous souvenez certainement, mes chers collègues, du débat que nous avons eu à ce sujet.
Ensuite, à l’occasion de l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, en tant que rapporteur pour avis, j’avais souhaité l’application du RSA en outre-mer dès 2009, et non en 2011. Cela paraissait alors impensable !
Je constate que, sur ces deux points, la commission aurait eu raison avant l’heure !
Autre remarque, je viens de découvrir que les ignames, autrefois produites en Guadeloupe, proviennent en grande partie aujourd’hui des sables du Val de Loire. On ne me fera pas croire que c’est bon pour les prix ou notre bilan carbone !
Nous nous sommes interrogés sur l’octroi de mer et le contrôle des prix des principaux produits de première nécessité.
Nous aurons certainement des débats approfondis sur ces points, ce qui répondra ainsi à votre volonté, madame le ministre, d’aller au fond des choses, comme jamais nous ne l’avons fait, sur différents sujets concernant l’outre-mer.
Je laisse maintenant à Marc Massion le soin de vous présenter notre analyse de l’équilibre global du projet de loi, notamment ses aspects budgétaires, ainsi que les modifications que nous y avons apportées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Massion, rapporteur.
M. Marc Massion, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, je vous présenterai l’analyse que la commission des finances a faite des dispositions de ce projet de loi, ainsi que les ajustements qu’elle a souhaité y apporter.
Je précise toutefois, à titre personnel, comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission voilà quelques semaines, que j’aurais préféré un autre calendrier pour l’examen de ce texte.
En effet, je m’interroge quant à la durée de vie de ce dernier. Alors que nous serons bientôt à la mi-mars, il n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Dans le même temps, le Président de la République a lancé les États généraux pour l’outre-mer – avec un calendrier relativement précis –, au cours desquels tous les sujets devront être mis sur la table, qu’il s’agisse de questions économiques, sociales, ou même institutionnelles, comme vous l’avez rappelé, madame le ministre, lors de la séance des questions au Gouvernement la semaine dernière à l’Assemblée nationale, où vous avez employé les termes forts de « gouvernance institutionnelle ».
Les États généraux devront rendre leur copie à la fin du mois de mai, pour que le conseil interministériel de l’outre-mer puisse présenter, selon les termes du Président de la République, un « vaste plan de dynamisation » pour les départements d’outre-mer.
Au cours d’une récente réunion à Matignon, j’ai également entendu parler d’un nouveau texte, qui serait déposé à l’automne.
Par conséquent, je me demande si tous ces textes ne risquent pas de s’entrechoquer. Pourtant, lors d’une réunion à Matignon, notre collègue Daniel Marsin a exprimé le souhait que l’on ne change pas chaque année les règles du jeu outre-mer. En l’occurrence, je crains l’accumulation des textes et les contradictions qui en résulteront peut-être.
J’en viens à la fonction qui est la mienne aujourd’hui, celle de co-rapporteur de la commission des finances sur ce texte.
Au total, d’après les chiffres fournis par le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer, l’équilibre budgétaire du projet de loi faisait apparaître, dans sa rédaction initiale, une dépense totale nette supplémentaire relativement modeste de 22 millions d’euros en faveur de l’outre-mer.
Plusieurs remarques peuvent être faites sur cet équilibre. Il résultait essentiellement de la compensation entre deux grandes masses budgétaires : d’une part, le coût des zones franches d’activités, estimé à 224 millions d’euros par an et, d’autre part, les gains résultant à la fois de la réforme de la TVA non perçue récupérable, estimés à 124 millions d’euros par an, et de celle des exonérations de charges sociales, évalués à 138 millions d’euros par an.
La mise en œuvre de la dégressivité des exonérations de charges, votée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, était initialement inscrite dans le présent projet de loi.
Deux nouvelles aides, aux montants plus réduits, s’ajoutent à cet équilibre financier.
Il s’agit, d’abord, de l’aide aux intrants et aux extrants, qui vise à compenser pour partie aux entreprises le coût d’acheminement des produits. Elle devrait être de 27 millions d’euros par an.
Il s’agit, ensuite, du fonds exceptionnel d’investissement, qui tend à aider les collectivités d’outre-mer à financer des grands projets structurants. Il devrait être doté de 40 millions d’euros par an en autorisations d’engagement.
Il apparaît, globalement, que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, opère non pas une suppression nette de niches fiscales, mais un déplacement budgétaire entre des niches fiscales.
Cette analyse implique toutefois que les nouvelles dépenses fiscales mises en place par le projet de loi aient un coût relativement stable. Or l’expérience des dispositifs de défiscalisation adoptés dans le cadre de la loi de programme pour l’outre mer du 21 juillet 2003 a montré que l’évaluation a priori du coût pour les finances publiques des niches fiscales était difficile. Ainsi, il faudra surveiller l’évolution de l’impact des zones franches d’activités, qui pourrait excéder les 224 millions d’euros prévus.
Par ailleurs, au regard du montant global de la dépense fiscale en direction de l’outre-mer, évalué à 3,3 milliards d’euros en 2009, nous constatons que « seuls » 250 millions d’euros environ sont concernés par les dispositions du présent projet de loi.
Toutefois, de manière générale, et outre la situation actuelle particulièrement difficile, les orientations du texte qui nous est soumis vont dans le sens préconisé par la commission des finances.
En effet, elles visent à réformer les dispositifs actuellement existants pour restreindre ceux dont l’efficacité est douteuse, mais aussi à réorienter les financements ainsi dégagés vers des mesures plus favorables à l’activité économique endogène des collectivités territoriales d’outre-mer.
Ainsi, la réforme du dispositif de la TVA dite « non perçue récupérable » répond, en partie, à des critiques formulées à plusieurs reprises par la commission des finances. De même, la réorientation de la défiscalisation en matière de logement va dans le sens préconisé depuis plusieurs années par les rapports d’information de la commission.
Les réformes engagées suivent également les conclusions de plusieurs audits de modernisation mis en place dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Cette mise en œuvre concrète des réflexions de la RGPP doit être saluée.
Toutefois, j’attire de nouveau votre attention, mes chers collègues, dans le droit-fil des propos tenus par M. Éric Doligé, sur le fait que l’équilibre initial du projet de loi risque d’être largement modifié par les amendements qui ont été déposés par le Gouvernement. Ainsi, d’après les informations fournies à la commission des finances, le cumul de l’ensemble des amendements déposés à ce jour par le Gouvernement accroîtrait de 114 millions d’euros l’effort financier du présent projet de loi. Je rappelle, à ce sujet, que de nombreuses mesures annoncées ces dernières semaines en faveur de l’outre-mer n’ont pas vocation à être incluses dans le présent projet de loi.
Pour sa part, la commission des finances a apporté des modifications, qui respectent l’objectif initial du projet de loi visant à recentrer les dispositifs d’aide sur les publics prioritaires, et qui, en même temps, tiennent compte des besoins qui se sont exprimés depuis le dépôt du texte l’été dernier.
Ses amendements s’inscrivent dans quatre directions principales.
Tout d’abord, sur l’initiative du président Jean Arthuis, nous proposons la création d’un titre additionnel consacré au pouvoir d’achat, dont l’article unique vise à encadrer par décret le prix de cent produits de première nécessité dans les DOM.
Ensuite, nous suggérons d’apporter des modifications visant à mieux encadrer le dispositif de la défiscalisation, notamment à prévoir que le nouveau dispositif créé par le projet de loi sera intégré au plafonnement des niches fiscales adopté dans la loi de finances pour 2009.
Par ailleurs, nous souhaitons introduire des ajustements des plafonds et des seuils d’éligibilité prévus par les différents dispositifs du projet de loi, pour les adapter à la situation réelle des collectivités territoriales d’outre-mer.
Enfin, nous proposons des modifications qui résultent directement du délai écoulé depuis le dépôt du projet de loi et qui consistent notamment à reporter l’entrée en vigueur des dispositifs par rapport à ce qui était initialement prévu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, afin de permettre aux groupes de se réunir, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, déclaré d’urgence (texte de la commission).
Organisation des débats
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, pour la bonne organisation de nos débats, la commission des finances souhaiterait que nous procédions à l’examen séparé de quatre amendements de suppression, de façon à éviter des discussions communes qui pourraient être interminables et incompréhensibles.
Il s’agit, en premier lieu, de l’amendement n° 34, tendant à supprimer l’article 1er, présenté par Mme Marie-France Beaufils et les membres du groupe CRC-SPG ; en deuxième lieu, de l’amendement n° 48, visant à supprimer l’article 5, présenté par les mêmes auteurs ; en troisième lieu, de l’amendement n° 55, tendant à supprimer l’article 11, également présenté par les mêmes auteurs ; enfin, en quatrième lieu, de l’amendement n° 127, visant à supprimer l’article 20, présenté par M. Serge Larcher et les membres du groupe socialiste.
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, votre demande s’inscrit dans l’esprit même de la réforme du règlement, qui vise à rendre nos débats plus intelligibles.
Néanmoins, nous demeurons sous l’emprise de l’ancienne procédure et je dois consulter le Sénat.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Discussion générale (suite)
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que nous examinons aujourd’hui comporte de nombreuses dispositions ressortant du champ de compétence de la commission des affaires économiques, qui s’est donc saisie de vingt-deux des trente-trois articles.
Avant de vous présenter la position de la commission des affaires économiques sur ce projet de loi, il me semble utile de revenir sur la méthode qui a été suivie afin d’aboutir à ce texte.
Je rappellerai donc que ce projet de loi, déposé en juillet 2008 sur le bureau de notre Haute Assemblée, est issu directement d’une promesse faite par le Président de la République pendant la campagne électorale présidentielle et qui était de créer des zones franches d’activités dans les départements d’outre-mer.
À la suite de cette élection, le Gouvernement a ouvert une période de consultation avec les collectivités territoriales et les représentants du monde économique ultramarin pour mettre en œuvre cette promesse. On peut ainsi saluer le fait que ce projet de loi ait été élaboré après un dialogue, parfois tendu, mené avec les élus locaux et les acteurs économiques.
Un avant-projet de texte a été présenté en février 2008. Puis, à la suite des différentes remarques des acteurs économiques et politiques locaux et de l’avis du Conseil économique et social de mars 2008, le texte a été remanié : des dispositions importantes ont ainsi été modifiées. À titre d’exemple, la défiscalisation de la résidence principale, initialement supprimée, a été finalement maintenue.
Cette longue phase de conception et de consultation a finalement abouti au texte déposé par le Gouvernement.
Je dois toutefois souligner, monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que, depuis juillet 2008, le contexte a beaucoup changé outre-mer. Comment ne pas évoquer en effet la grave crise sociale qui touche les départements antillais depuis la fin du mois de janvier ?
Nos départements ultramarins, plus vulnérables encore que les départements métropolitains, ont été touchés de plein fouet par la crise économique. Cette crise a, en quelque sorte, actualisé un malaise plus général, expression d’un mal-être identitaire ou encore des multiples dysfonctionnements qui gangrènent nos sociétés, y compris en matière de gouvernance.
Ainsi, en écho à la mobilisation en Guyane en décembre 2008 sur la question du prix des carburants, la Guadeloupe, puis la Martinique se sont mobilisées, notamment autour de la question du pouvoir d’achat, de la formation des prix et des bas salaires. La Guadeloupe a ainsi connu une grève générale à partir du 20 janvier 2009 et la Martinique à compter du 5 février. Si les négociations ont abouti le 5 mars en Guadeloupe, où la situation est pour le moins inachevée, elles restent pour l’instant bloquées en Martinique et le mouvement semble vouloir s’étendre à la Réunion.
Il faut souligner que, même si les débats ont longtemps achoppé sur la question de la revalorisation salariale, ils ont porté sur des questions aussi diverses que l’emploi, les transports ou encore la fiscalité et les services publics, locaux ou nationaux.
Au-delà de la question salariale, cette crise montre bien le malaise de nos sociétés domiennes, qui constitue une exigence pour les politiques publiques de l’État outre-mer.
En réponse à cette situation, le Gouvernement, mais aussi les sénateurs, présentent sur ce projet de loi des amendements, nombreux et importants, qui devraient représenter un coût supplémentaire pour les finances publiques de l’ordre de 150 millions d’euros. Pour ma part, au nom de la commission des affaires économiques, je vous proposerai des amendements visant à enrichir le texte et à l’adapter à la situation actuelle.
Le projet de loi comprend deux axes : d’une part, la mise en place des zones franches d’activité et, d’autre part, les modifications d’un certain nombre de dispositifs, dont la plus importante concerne les orientations en matière de production de logements.
S’agissant des zones franches d’activité, le projet de loi créé donc au profit d’un large ensemble d’entreprises des départements d’outre-mer des dispositifs d’exonérations concernant l’imposition sur les bénéfices, la taxe professionnelle et la taxe foncière sur les propriétés bâties. Prévues pour durer dix ans, elles comprennent deux niveaux : en premier lieu, un taux à 50 % pour l’ensemble des entreprises éligibles ; en second lieu, un taux à 80 % pour des territoires prioritaires comme la Guyane ou les îles du sud de la Guadeloupe et pour des secteurs prioritaires, tels que la recherche-développement, les technologies de l’information et de la communication, ainsi que trois secteurs déterminés par les collectivités territoriales en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion.
Par ailleurs, le projet de loi modifie plusieurs dispositifs pour tenir compte des différentes évaluations réalisées, notamment par la commission d’évaluation instaurée par la loi Girardin. Ainsi est revu le régime de la défiscalisation des investissements productifs qui existe outre-mer.
La principale modification porte sur le régime de défiscalisation existant en matière de logement. En effet, la défiscalisation a eu des effets pervers, avec des conséquences néfastes sur le prix du foncier ou sur l’évolution prolifique du logement libre au détriment du logement social.
En réponse, le présent projet de loi supprime progressivement la défiscalisation en matière de logement libre et intermédiaire locatif pour la réorienter vers le logement social.
Outre ces deux grands axes, notre commission s’est également saisie des dispositions du texte relatives à la zone des cinquante pas géométriques, à la rénovation hôtelière ou encore au fonds de continuité territoriale.
Avant d’évoquer plus précisément les axes autour desquels s’est orientée ma réflexion, je dois rappeler que l’examen du projet de loi s’effectue selon la nouvelle procédure d’examen issue de la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Ainsi, la commission des affaires économiques a présenté des amendements sur le texte modifié par la commission des finances saisie au fond, qui a procédé à une quarantaine de rectifications, dont trois apparaissent comme principales.
Elle a tout d’abord modifié substantiellement le niveau de l’aide à la rénovation hôtelière créée par le texte.
Elle a ensuite repoussé d’un an la date de la disparition de la défiscalisation en matière de logement intermédiaire.
Enfin, et surtout, en réponse aux préoccupations exprimées par les Antillais en matière de pouvoir d’achat et de transparence dans la formation des prix, elle a introduit, sur l’initiative de son président, M. Jean Arthuis, un nouvel article en vertu duquel les prix de cent produits de première nécessité sont fixés par décret en Conseil d’État dans les départements d’outre-mer. Si la commission des affaires économiques salue cette initiative, elle considère que le dispositif prévu peut être amélioré et assoupli, et elle vous proposera un amendement en ce sens.
Quatre idées ont guidé la réflexion de la commission des affaires économiques.
Premièrement, rendre le dispositif des zones franches d’activités aussi opérationnel et efficace que possible.
Deuxièmement, prendre en considération la situation de grande difficulté de certains territoires, particulièrement les îles du sud de la Guadeloupe.
Troisièmement, faire en sorte que la réforme de la défiscalisation en matière de logement ne porte pas atteinte au dynamisme du secteur du BTP et à la satisfaction des besoins des populations ultramarines.
Enfin, quatrièmement, assurer une réelle continuité territoriale entre les départements d’outre-mer et la métropole.
Pour ce qui est du premier axe, le dispositif des zones franches d’activités devrait soutenir le développement endogène des départements d’outre-mer.
Cependant, ce dispositif reste complexe du fait des différences existant en matière de secteurs prioritaires entre la Guadeloupe, la Réunion et la Martinique. C’est pourquoi la commission des affaires économiques propose de le simplifier en harmonisant les secteurs prioritaires entre ces trois départements.
Par ailleurs, ce dispositif ne comprend aucune mesure spécifique à l’agriculture outre-mer, secteur pourtant important, quoique fragile. C’est pourquoi nous proposerons d’inclure dans le dispositif un abattement de 100 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des agriculteurs.
Pour ce qui est du deuxième axe, le projet de loi reconnaît pour la première fois – et je m’en réjouis – la situation particulièrement difficile des îles du sud de la Guadeloupe, à savoir les îles des Saintes, de Marie-Galante et de la Désirade, qui ont perdu près de la moitié de leur population en vingt ans. Le texte octroie ainsi à ces îles le régime bonifié d’exonération, comme pour la Guyane.
Cependant, afin que la reconnaissance de leur situation particulière soit complète, il paraît indispensable d’élargir le champ de l’éligibilité au dispositif de la zone franche d’activités dans ces îles à la quasi-totalité des secteurs économiques, alors que, pour les autres territoires des départements d’outre-mer, ne sont éligibles que les entreprises pouvant bénéficier de la défiscalisation.
S’agissant du troisième axe, la réforme de la défiscalisation en matière de logement est une nécessité, comme l’ont souligné les différents rapports de notre ancien collègue Henri Torre. Cependant, la transition du régime actuel vers le dispositif en faveur du logement social ne doit pas se faire au détriment du secteur du BTP, qui a un rôle moteur dans l’économie des départements d’outre-mer, ni au détriment de la satisfaction des besoins des populations ultramarines, qui sont considérables en la matière.
Si la suppression de la défiscalisation dans le logement libre locatif ne pose pas, à nos yeux, de problème majeur, il n’en va pas de même pour le logement locatif intermédiaire. En effet, il ne paraît pas judicieux de supprimer la défiscalisation dans ce secteur, qui remplit un rôle social essentiel.
La commission des affaires économiques souhaite qu’un vrai débat ait lieu sur cette question et c’est pourquoi je vous proposerai, en son nom, de maintenir le dispositif de défiscalisation en matière de logement intermédiaire.
Enfin, la continuité territoriale est un attribut de la citoyenneté ; elle est essentielle pour le développement des départements d’outre-mer. Le projet de loi prévoit la mise en place d’un fonds de continuité territoriale, dispositif très intéressant, mais à caractère essentiellement social. Cependant, le texte n’évoque pas la question du prix des billets en général, qui pèse sur le coût de la vie et limite la mobilité des résidents ultramarins entre leur territoire et l’Hexagone.
C’est pourquoi il nous paraît utile que soit étudiée par le Gouvernement la mise en place d’un tarif résident dans les départements d’outre-mer, à l’instar de ce qui existe en Corse.
Mes chers collègues, voilà donc, brièvement résumées, les principales orientations que la commission des affaires économiques a approuvées le 4 mars dernier. Sous réserve des onze amendements qu’elle a adoptés, celle-ci a donné un avis favorable aux articles du projet de loi qu’elle a examinés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les événements et les incidents, parfois dramatiques, qui se sont déroulés ces derniers mois en Guyane, puis en Guadeloupe ainsi qu’en Martinique, et maintenant à la Réunion, nous montrent que l’outre-mer vit une crise profonde.
Cette crise est naturellement économique ; nos territoires souffrent de handicaps structurels majeurs : l’éloignement, l’insularité, les conditions naturelles, qu’elles soient climatiques ou sismiques.
La conjoncture financière exceptionnellement défavorable qui secoue le monde depuis l’automne affaiblit encore plus nos économies déjà fragilisées.
Finalement, le développement endogène de l’outre-mer n’a jamais vraiment réussi à se concrétiser et nos territoires sont trop peu ouverts sur l’extérieur.
Mais la crise est beaucoup plus large : quand le chômage des jeunes atteint 50 %, quand les jeunes diplômés ne réussissent pas à trouver un emploi correspondant à leur niveau de qualification, on crée peu à peu un sentiment d’abandon et de désespérance.
C’est pourquoi je tiens à saluer l’annonce par le Président de la République de la réunion d’états généraux de l’outre-mer, qui pourront établir, département par département, un constat global qui soit partagé par tous les acteurs locaux.
J’approuve également la constitution par le Sénat d’une mission commune d’information, qui apportera sa contribution à ce travail d’évaluation et de propositions.
J’en viens maintenant, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, au projet de loi que nous commençons d’examiner aujourd’hui, et qui constitue un premier élément de la révision des politiques publiques menées outre-mer.
Il contient de nombreuses dispositions fiscales et économiques, dont nous aurons l’occasion de débattre durant la discussion des articles. Je concentrerai mon propos sur les sujets qui concernent particulièrement la commission des affaires sociales.
Il s’agit tout d’abord des exonérations de charges sociales patronales.
Cette réforme a été adoptée par anticipation dans la loi de finances pour 2009. Néanmoins, je crois que nous devons l’adapter au nouveau contexte économique international.
Premièrement, il conviendrait d’en élargir le bénéfice à des niveaux de rémunération supérieurs à ce qui est actuellement prévu, et ce pour limiter les effets de seuil et favoriser le recrutement de personnel d’encadrement intermédiaire. C’était d’ailleurs une promesse de Nicolas Sarkozy.
Deuxièmement, il conviendrait aussi d’en élargir le bénéfice à tous les secteurs prioritaires qui sont essentiels pour le développement de nos territoires : la recherche et le développement, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’environnement, les énergies renouvelables, le tourisme et l’agro-nutrition.
Troisièmement, il conviendrait enfin d’en élargir le bénéfice à toutes les zones rurales défavorisées des départements d’outre-mer. Le Gouvernement a déposé des amendements allant dans ce sens. Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je ne vous poserai en conséquence qu’une question, qui concerne la date d’entrée en vigueur de la réforme : quelles seront les charges sociales effectivement réclamées aux entreprises à partir du 1er avril prochain ?
Je souhaite maintenant évoquer la réforme des mécanismes de défiscalisation dans le secteur du logement.
En préalable, il est nécessaire de dire que la défiscalisation telle que nous la connaissons depuis plusieurs années a engendré des abus en pesant sur le marché de la construction. Ces mécanismes se sont en fait retournés contre le développement durable de notre économie. Par exemple, la production trop faible de logements sociaux ces deux dernières années est certainement liée à un effet d’éviction.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales s’est déclarée favorable à l’orientation générale de l’article 20 du projet de loi, notamment parce qu’il concentre les dépenses fiscales sur le logement social. L’axe majeur de la réforme vise en effet à supprimer la défiscalisation à usage locatif dans le secteur libre et à créer parallèlement un dispositif spécifique en faveur du logement social.
Cependant, la concentration des dépenses fiscales de l’État sur le logement social ne pourra être effective, et donc positive, que si les acteurs se saisissent rapidement et fortement des outils qui sont ainsi mis à leur disposition. En conséquence, l’État devra soutenir les organismes de logement social, qui n’ont pas l’habitude de travailler avec de telles procédures.
Or la période de latence entre l’extinction des mécanismes actuels et la montée en puissance des nouveaux pourrait se révéler longue ; dans ce cas, il y a un risque majeur de destructions d’emplois dans le secteur du BTP, alors même que celui-ci est extrêmement important dans nos départements.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous alerter sur cette question pour que vous puissiez nous assurer, au-delà des déclarations traditionnelles, que l’ensemble des services de l’État, tant au niveau central qu’au niveau déconcentré, seront totalement mobilisés sur ces questions et adopteront une position souple dans la gestion des dossiers de financement, notamment lorsqu’ils associeront crédits budgétaires et défiscalisation.
Finalement, la commission des affaires sociales a tenu à rappeler que les crédits budgétaires de l’État – la ligne budgétaire unique – doivent rester le principal outil de financement du logement social outre-mer.
À ce sujet, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, dans quelles conditions l’État entend-il régler sa dette à l’égard des organismes HLM ?
J’aurai l’occasion, durant la discussion des articles, de revenir sur la question du niveau du forfait de charges de l’allocation logement, qui est aussi un engagement du Président de la République.
Enfin, j’évoquerai un dernier aspect de la réforme de la politique du logement : l’extension de la compétence de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Face aux défis immenses de l’habitat insalubre et précaire, principalement à Mayotte, je suis tout à fait favorable à cette extension. Pour autant, quels seront les nouveaux moyens mis à la disposition de l’ANAH pour remplir ce nouveau rôle dans des territoires éloignés, isolés, et dont le parc de logements est si dégradé ?
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite enfin vous poser deux questions qui vont au-delà du projet de loi et qui concernent des annonces qu’a récemment faites M. le secrétaire d’État.
Premièrement, pouvez-nous donner des précisions sur l’extension du revenu de solidarité active outre-mer et, notamment, sur la création, annoncée par le Gouvernement, d’un « revenu supplémentaire temporaire d’activité » ? Quelle est l’articulation entre ces deux mesures ? Quels départements en seront bénéficiaires ? À quelle échéance ces deux mesures se mettront-elles effectivement en place ?
Deuxièmement, pouvez-vous nous indiquer le calendrier et les modalités du doublement du nombre de volontaires du service militaire adapté ?
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise actuelle réclame à l’évidence des réponses de court terme en faveur du pouvoir d’achat, mais il ne faudrait pas que, une fois les grèves passées, on oublie de réfléchir à l’ensemble des questions qui ont été soulevées en Guadeloupe et ailleurs et d’évaluer sereinement les politiques publiques menées outre-mer.
Nous devons travailler ensemble sur les mécanismes de formation des prix et sur l’organisation globale du système économique, dossiers que j’évoque depuis longtemps dans cet hémicycle, mais aussi sur les questions de formation initiale ou continue, sur la continuité territoriale.
Même si cet aspect est parfois galvaudé, n’oublions pas, mes chers collègues, que l’outre-mer apporte à la France une présence, une richesse, une diversité, une capacité d’influence qu’elle n’aurait pas autrement. À l’heure de la mondialisation, les questions doivent être appréhendées globalement et la France doit s’appuyer sur ses territoires d’outre-mer, qui peuvent et doivent devenir des atouts dans la nouvelle économie. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, entre 1986 et 2008, une succession de lois relatives à l’outre-mer ont été votées, qu’il s’agisse de la loi de programme du 31 décembre 1986 relative au développement des départements d’outre-mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, de la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l’emploi, l’insertion et les activités économiques dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, de la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, ou de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer.
En fin de compte, ces différents textes ont porté leurs fruits.
Jusqu’à ce jour, nous avons eu recours à deux mécanismes pour favoriser le développement de l’outre-mer : en premier lieu, nous avons voulu agir sur le coût du travail en diminuant graduellement le montant des cotisations sociales ; en second lieu, nous avons cherché à réduire le coût des investissements productifs afin de moderniser l’outil de production.
Mes chers collègues, en dépit des handicaps dont souffrent nos territoires et qui ont été soulignés avec brio, à cette tribune, par mes collègues rapporteurs, force est de constater que les résultats que nous avons obtenus sont à la hauteur de nos espérances. En effet, les secteurs concernés par la baisse du coût du travail et par l’amélioration de l’investissement ont connu, au cours de cette période, une hausse de 19,5 % des créations d’emplois quand, dans le même temps, ce taux était, pour les mêmes secteurs, de 4 % seulement en métropole.
Ces mesures ont permis de financer un tiers de la formation brute de capital fixe pour les biens et services marchands réalisée dans les départements d’outre-mer durant cette période.
Ainsi, dans l’ensemble de ces secteurs, qu’il s’agisse de l’agroalimentaire, de l’agriculture, du logement, du bâtiment, des nouvelles technologies, pour ces dernières malgré des monopoles qui ont accru le coût de l’utilisation du câble, l’outre-mer a su créer de nombreux emplois.
Toutefois, les emplois ainsi créés ne sont pas suffisants pour absorber la croissance démographique et ne sont pas en adéquation avec le niveau de formation des jeunes. Je rappelle que 30 % d’entre eux sont en situation d’échec scolaire en classe de troisième et sont contraints de quitter l’école, chiffre comparable peu ou prou à ce qu’il est en métropole.
Lorsque vous combinez croissance démographique, jeunesse de la population et taux d’échec scolaire, vous avez armé la première grenade explosive de la société des départements d’outre-mer. Elle éclate régulièrement, tous les quinze ou vingt ans, sous la pression de l’incompréhension et du mécontentement des jeunes.
Certains estiment que la solution est institutionnelle. Comme vous le savez, ce n’est pas mon point de vue.
L’outre-mer a bénéficié, mes chers collègues, d’une amélioration institutionnelle forte en 2003. En effet, les départements des Antilles et de la Guyane peuvent aujourd’hui demander l’adaptation ou la mise en œuvre de mesures législatives nouvelles. Il est vrai que ce n’est pas le cas de la Réunion. J’ai moi-même eu l’honneur de défendre et de faire adopter ici un amendement permettant de ne pas lui appliquer cette réforme. Telle était effectivement la volonté de la population. Je vous remercie de l’avoir respectée.
Cela dit, force est de constater, à l’heure du bilan, qu’un seul département, celui de la Martinique, a formulé une telle demande d’habilitation, à propos de la loi d’orientation des transports intérieurs. Aucun autre département n’a demandé à prendre des responsabilités dans ce domaine de l’adaptation législative, pourtant possible outre-mer. S’il faut, comme certains le prétendent, revoir la gouvernance, ouvrons le débat. Ne nous faisons cependant pas d’illusion. La vraie réforme est celle qui concerne les hommes et leur capacité à participer au développement de leur région.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis. Constatons enfin que la croissance de l’économie d’outre-mer a pratiquement été supérieure à celle de la métropole pendant la période d’application de ces lois. Elle s’élevait effectivement à un niveau compris entre 3,2 % à 3,7 % par an, et de 2,8 % en Guyane, soit un taux de 50 à 60 % supérieur à la croissance métropolitaine.
Cette croissance s’est faite par des gains de productivité, gages d’avenir pour notre développement. Si le nombre d’emplois n’a pas progressé comme nous l’espérions, c’est tout simplement parce que les gains de productivité ont limité la croissance de l’emploi dans certains secteurs.
La loi aujourd’hui soumise à notre examen change le cap. Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, la baisse du coût du travail et la diminution du coût de l’investissement ont été nos deux outils privilégiés pour rattraper le retard de l’outre-mer. Nous l’avons fait, à bien des égards, de façon acceptable.
Aujourd’hui, le Gouvernement nous propose, sous la houlette du Président de la République, de passer d’une logique de rattrapage à une logique de valorisation de l’outre-mer.
Alors que la crise a fait rage en Guadeloupe et en Martinique et que la Réunion connaît quelques difficultés, bien moindres tout de même que celles rencontrées par les autres départements d’outre-mer, je voudrais citer à ceux qui doutent du rôle de l’outre-mer en France et en Europe la communication de la Commission européenne du 17 octobre 2008, intitulée Les régions ultrapériphériques : un atout pour l’Europe, la Commission étant une instance plus objective que moi (Sourires.) : « À l’ère de la mondialisation et de la recherche de renforcement de la compétitivité européenne, il est nécessaire de soutenir le développement de secteurs porteurs dans lesquels les RUP possèdent des potentiels de spécialisation et des avantages comparatifs forts. Ces derniers constituent de plus des terrains propices au développement d’initiatives de pointe et de projets pilotes qui sont d’un intérêt majeur pour l’Europe. Ce nouveau paradigme, axé sur la valorisation des atouts des RUP en tant que levier de développement économique, doit conduire à un renouvellement de la stratégie qui s’appuiera notamment sur des secteurs à forte valeur ajoutée, tels que l’agro-alimentaire, la biodiversité, les énergies renouvelables, l’astrophysique, l’aérospatial, l’océanographie, la vulcanologie ou encore la sismologie, mais aussi sur le rôle important des RUP en tant qu’avant-postes de l’Union européenne dans le monde. »
Tel est l’enjeu du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.
À la lumière de cette communication de la Commission européenne, vous comprenez bien que la partie que nous sommes en train de jouer ne vise pas seulement à résoudre de graves crises sporadiques, elle est une partie gagnant-gagnant. Vous devez placer votre confiance dans la jeunesse, dans l’équipement et dans le développement de l’outre-mer, car ce n’est pas seulement l’outre-mer, c’est la France, notre pays, et l’Europe, notre communauté de destin, que vous allez ainsi développer.
Tel est le sens de ce projet de loi. Il s’agit non pas de donner plus d’argent pour faire taire l’outre-mer – il ne faudrait pas voter une loi dont ce serait l’objectif – mais de s’inscrire dans un processus amorcé voilà longtemps et toujours en cours, qui tend à faire des terres d’outre-mer des terres de plus grande prospérité et de plus grande équité.
La commission des lois, qui a examiné l’ensemble de ce texte et, plus particulièrement, certains articles, a émis un avis favorable précisément parce que ce texte marque un véritable tournant, que les États généraux, qui permettront d’apporter des solutions à quelques problèmes de fond évoqués par les uns et les autres, accompagneront bientôt.
Parmi les articles examinés par la commission des lois, figure bien sûr l’article 16, qui crée un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer. D’un montant initial de 40 millions d’euros, ce fonds a reçu une dotation supplémentaire de 75 millions d’euros.
La commission regrette toutefois, monsieur le secrétaire d’État, de ne pas avoir pu déposer un amendement consacrant 10 % de ce fonds aux technologies de l’information et de la communication. Il ne s’agissait pourtant pas d’une lubie de notre part. Les moyens de communication modernes constituent un enjeu majeur pour le développement de territoires éloignés, qui doivent être reliés aux pôles de développement.
Nous aimerions, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous donniez votre point de vue sur cette question. Le Gouvernement manifestera-t-il un intérêt particulier pour l’investissement dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication ? Il est vrai que la zone franche d’activités intègre cette question.
S’agissant de l’article 19, la commission des lois a voulu, par souci d’économie, créer un GIP Réunion-Mayotte, Mayotte se prononçant bientôt, je l’espère, en faveur de la départementalisation, et un GIP Antilles-Guyane. Or l’amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Les élus des départements d’outre-mer sont pourtant très économes des deniers de l’État : réunir tout le GIP Antilles-Guyane-Réunion-Mayotte conduit tout simplement à dilapider les fonds publics. Je ne comprends pas que l’article 40 empêche une approche plus réaliste de la géographie de l’outre-mer. J’espère que le Gouvernement pourra reprendre cet amendement de bon sens, d’autant que la Réunion est dotée d’un établissement public foncier opérationnel et que nous pourrions en constituer bientôt un avec Mayotte. Le GIP disposerait alors d’un levier d’action.
La commission a adopté à l’unanimité huit amendements.
L’un tend à améliorer l’efficacité des mesures concernant l’indivision en encadrant davantage les conditions de mise sur le marché locatif de logements indivis.
Un autre concerne les mesures de lutte contre le véritable fléau qu’est l’orpaillage clandestin en Guyane.
Cet après-midi, la commission a examiné l’amendement concernant l’état civil à Mayotte, qui pose un véritable problème. En effet, beaucoup de gens ne se sont pas encore fait inscrire auprès de la commission de révision de l’état civil à Mayotte. Nous devrons examiner un amendement du Gouvernement, qui suscitera un débat important.
Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption de ce texte, qui occupera nos travaux des prochains jours. Je souhaite que le Gouvernement écoute nos propositions, notamment dans le domaine du logement, levier économique fondamental, qui est à l’outre-mer ce qu’est l’industrie automobile à la métropole. Nous proposerons ainsi de réformer l’ancienne loi Girardin dans le sens d’une défiscalisation du logement social patrimonial.
Sous réserve de ces observations, je souhaite que nos fructueux débats permettent l’élaboration d’une loi au service de l’outre-mer et, au-delà de l’outre-mer, au service de notre pays et de l’Europe. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe aujourd’hui est essentiel et en même temps particulier. Il présente en effet deux aspects que l’on pourrait a priori considérer comme antagonistes, avec, d’une part, un texte élaboré par le Gouvernement il y a déjà quelque temps et, d’autre part, une situation de crise, dramatique, sur une partie du territoire de la République, même si la situation semble à cette heure en voie de résolution.
Ces deux aspects se rejoignent-ils et ce projet de loi est-il, de fait, adapté à une situation survenue bien après sa conception ? Ce texte permettra-t-il d’éviter à l’avenir de nouvelles crises ? Les mesures financières qu’il comporte correspondent-elles bien à la situation actuelle ? C’est ce qu’il nous appartient d’étudier en toute objectivité, même si l’on peut regretter que ce projet de loi ne comporte justement que des aspects financiers de circonstance et non ces éléments sociaux, économiques et culturels qui font les grandes lois, celles, précisément, qui engagent l’avenir et soldent définitivement les vieux démons du passé.
Je le dis avec d’autant plus de conviction, que, comme mon collègue et ami le rapporteur Daniel Marsin, j’ai le privilège d’appartenir au groupe dans lequel siégea, pendant de longues années, Gaston Monnerville, dont l’action audacieuse et courageuse permit en son temps la transformation en départements de nos anciennes colonies des Antilles et de la Guyane.
La crise financière et sociale qui vient de frapper les départements de la Guadeloupe et de la Martinique devrait être l’occasion d’une discussion beaucoup plus vaste que celle qui nous est offerte et constituer ainsi le point de départ d’une nouvelle donne, qui ouvrirait la voie à la mise en œuvre une véritable politique d’aménagement économique de ces départements et collectivités d’outre-mer auxquels la France est particulièrement attachée.
Il faudrait, pour cela, tirer les leçons de cette crise et ne pas improviser, comme c’est trop souvent le cas, en oubliant l’adage, pourtant si juste, selon lequel « gouverner c’est prévoir ».
Il faudrait également prendre garde à ce que le remède ne soit pas pire que le mal, comme l’ont fait remarquer avec pertinence, d’une part, la députée Christiane Taubira, qui, dans un grand quotidien, a dernièrement noté que « les lois de défiscalisation ont nui aux Antilles », et, d’autre part, l’ancienne ministre Brigitte Girardin, qui constata, dans cette même publication, que l’on a « envoyé les plus mauvais signaux au plus mauvais moment », avant de souligner que « faire des économies sur l’outre-mer pouvait coûter très cher ».
Certes, à cette situation d’urgence, il faut une réponse d’urgence, mais il faut éviter, dans la mesure du possible, de traiter superficiellement les problèmes de fond, au risque de passer à côté des véritables solutions. Gardons-nous donc de légiférer dans la précipitation, comme cela se fait trop souvent.
Est-il raisonnable de voter cette loi avant que ne soit connue la synthèse qui sera élaborée par le Conseil interministériel sur le fondement des conclusions des États généraux de l’outre-mer, qui devraient être organisés prochainement ?
Considérons l’esprit de ce projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, que le Sénat étudie en première lecture.
Ce texte comprend un certain nombre de mesures destinées à juguler la hausse des prix, en particulier pour les produits de première nécessité.
Il instaure à cet effet des zones franches d’activités et aménage la défiscalisation des investissements productifs, ce qui permettra, entre autres choses, de baisser le coût du travail. Il institue par ailleurs quatre nouvelles aides économiques et réaffirme la nécessité de relancer la politique du logement social.
On ne peut globalement qu’approuver ces mesures, tout en espérant qu’elles seront suffisantes pour relancer l’économie ultramarine. Cela n’a pas paru totalement certain à nos collègues de la commission des finances, qui les ont complétées en adoptant plusieurs amendements.
Ces mesures, pourtant, ne sont pas nouvelles et c’est bien là une des principales difficultés.
D’une part, les lois de défiscalisation concernant l’outre-mer, nombreuses de 1952 à 1986, n’ont aucunement résolu les problèmes économiques de ce que l’on appelait alors les DOM-TOM.
D’autre part, le budget pour 2009 étant ce qu’il est, la marge de manœuvre paraît d’emblée bien étroite.
De surcroît, il est clair que les mesures envisagées, en dépit des premières dispositions prises pour le logement social, sont largement en deçà des besoins.
Cela me conduit, avec d’autres, à penser que les solutions ne résident pas intégralement dans les mesures contenues dans ce texte. La pratique, par les banques locales, de taux supérieurs à ceux qui sont en vigueur en métropole empêche de financer correctement les entreprises. Ce fait n’est que trop connu !
Le monopole exercé par quelques-uns en matière de commerce ne permet pas l’établissement d’une saine et véritable concurrence. C’est plus que regrettable pour les consommateurs des départements et des collectivités d’outre-mer, qui mesurent effectivement la baisse de leur pouvoir d’achat.
Quant à l’absence d’un véritable modèle de développement économique endogène qui favorisait une plus grande autonomie économique des collectivités d’outre-mer, pour reprendre une formule du chef de l’État, elle n’est que trop évidente à l’heure où les observateurs soulignent que nous sommes « à la fin d’un cycle historique outre-mer ».
Je suis convaincue pour ma part que seule la création de richesses locales peut, à long terme, apporter une solution à la situation de la France d’outre-mer. Pour y parvenir, il faut engager un véritable processus de dialogue harmonieux et équilibré, dans la confiance retrouvée et la responsabilisation mutuelle.
Les départements et collectivités d’outre-mer ont connu trop de déceptions pour risquer un nouvel échec. C’est pourquoi il nous faut être prudent avant d’envisager des mesures qui engagent leur avenir et celui de la nation. De telles mesures, pour réussir, doivent préalablement sortir des éternelles logiques postcoloniales, dénoncées à juste titre de tous côtés. Cela nous impose à tous d’être créatifs et volontaires, et je sais, madame le ministre, que créativité et volonté sont deux vertus que vous partagez.
Je veux vous assurer qu’auprès de vous nous défendrons avec pugnacité et conviction tout ce qui, dans ce texte, vise à concourir au respect de la dignité de départements amis. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande d’adopter le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, préparé depuis près d’un an, sur lequel les collectivités concernées n’ont pas pu donner leur avis en connaissance de cause.
Certes, un texte nous a été transmis pour avis voilà huit mois. Mais ce texte était tellement mauvais qu’il a été trituré dans tous les sens pendant des mois.
La commission des finances du Sénat l’a encore modifié le 19 février et le Premier ministre a clairement fait savoir; le 26 février, qu’il pouvait encore évoluer.
Il est tout à fait nécessaire que le Gouvernement soit ouvert à toute proposition de modification, compte tenu des défauts du texte initial. Mais pourquoi ne pas aller jusqu’au terme de la concertation ? Quelle serait la valeur de l’avis donné par les collectivités d’outre-mer sur un texte qui est significativement différent de celui que l’on nous propose aujourd’hui ?
L’assemblée de la Polynésie française s’est réunie mardi et elle a émis le vœu que la procédure législative soit interrompue afin que le texte lui soit soumis pour avis dans sa version actuelle. N’est-ce pas le simple bon sens ? En quoi serait-il urgent d’adopter ce texte, mal conçu, mal rédigé, plus ou moins réparé par petits morceaux, sans vision d’ensemble, sans autre cohérence que la réduction des avantages fiscaux pour les investisseurs ?
Avant d’aborder des aspects plus techniques, je résumerai en trois points les sentiments que m’inspire la lecture de ce projet de loi.
Tout d’abord, ce texte est conçu pour les départements d’outre-mer et nos collectivités ne sont que des parents pauvres et, pardonnez ma franchise, madame le ministre, des parents dont on aimerait se débarrasser le plus vite possible.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On ne peut pas dire cela !
M. Gaston Flosse. Ensuite, les dispositions du projet de loi qui pourraient paraître positives sont réduites à néant par la loi de finances qui a été adoptée en décembre 2008. Je prendrai un seul exemple.
La loi d’orientation pour le développement de l’outre-mer, la LODEOM, affiche la possibilité de financer la pose de câbles sous-marins par la défiscalisation. Bravo et merci ! Nous applaudissons tous ! Malheureusement, la loi de finances limite les avantages de la défiscalisation à un seuil si bas qu’il est absolument impossible de financer des investissements d’un tel coût. Autrement dit, madame le ministre, il est tout simplement inenvisageable pour nous de financer par la défiscalisation la pose de câbles sous-marins, la construction d’hôtels, l’achat d’avions ou n’importe quel projet économique significatif. Ces dispositions, et bien d’autres, hélas ! relèvent de la pure hypocrisie.
Enfin, ma troisième observation, que mes collègues veuillent bien m’en excuser, est spécifique à la Polynésie.
Les métropolitains l’ont peut-être oublié, mais les Polynésiens, non ! Ils savent quelle contribution ils ont apportée à la défense de la nation.
Par décision de Jacques Chirac, les essais nucléaires ont pris fin en 1996. C’est moi qui ai eu l’honneur de signer à Fidji, au nom de la France, l’engagement de l’État de renoncer définitivement aux expérimentations nucléaires.
Mais, entre 1966 et 1996, c’est-à-dire pendant trente années, la France a procédé à quarante-six tirs aériens, sans aucune mesure sérieuse de protection des personnels travaillant à Mururoa ni des populations des îles avoisinantes, et à cent quarante-sept tirs souterrains.
Personne aujourd’hui ne peut nier que plusieurs dizaines de Polynésiens sont morts des suites des retombées radioactives engendrées par les essais nucléaires français à Mururoa et à Fangataufa. Les Polynésiens ont payé, et continuent de payer, un lourd tribut à la défense de la France.
Les plus hautes autorités de la République reconnaissaient alors le rôle de la Polynésie et le prix qu’elle avait payé.
En 1996, j’ai signé avec le Premier ministre, M. Alain Juppé, la convention créant pour dix ans un fonds de 150 millions d’euros par an destiné à permettre à la Polynésie de restructurer son économie déstabilisée par la fin des activités du Centre d’expérimentation du Pacifique.
En 2001, le Président de la République française, Jacques Chirac, a décidé de pérenniser ce fonds et de le transformer en dotation globale de développement économique, DGDE. Il voulait ainsi reconnaître que la France avait envers les Polynésiens une dette qui ne s’éteindrait jamais. Il faisait évidemment référence à notre contribution à la défense nationale.
J’ai signé en 2002, avec le Premier ministre de l’époque, M. Jean-Pierre Raffarin, la nouvelle convention créant cette dotation globale pérenne.
En juillet 2003, lors de sa visite en Polynésie française, le Président de la République a solennellement réaffirmé que la France avait à notre égard une dette imprescriptible.
Cet engagement solennel a été respecté jusqu’en 2007. Malheureusement, ce n’est plus le cas. La compensation de la dette imprescriptible de la France est devenue, depuis deux ans, la réponse universelle de l’État à toutes ses obligations contractuelles avec la Polynésie.
Chaque fois que nous demandons à l’État de verser les contributions prévues par des conventions spécifiques concernant la solidarité, la santé ou l’éducation, le secrétaire d’État à l’outre-mer nous répond invariablement : « Nous n’avons pas les moyens, vous n’avez qu’à puiser sur votre DGDE. »
Pardonnez-moi ce résumé brutal, mais c’est la stricte vérité. L’engagement solennel du Chef de l’État de reconnaître la dette de la France à l’égard des Polynésiens par le versement d’une dotation supplémentaire de 150 millions d’euros est devenu depuis deux ans un subterfuge pour limiter à cette somme la totalité des aides de l’État à notre collectivité.
La parole de la France n’est pas respectée. L’engagement solennel d’un Président de la République et de deux Premiers ministres n’est pas respecté.
Le projet que l’on nous demande d’adopter n’est pas une réponse acceptable à la situation de crise actuelle. La solution raisonnable, à nos yeux, serait de respecter la loi de programme pour l’outre-mer de 2003, dite loi Girardin, en lui apportant simplement les correctifs justifiés par la crise économique.
J’ai déposé plusieurs amendements. Certains portent sur des points techniques, tels que la distinction entre les taxes remboursables et non remboursables ou l’extension aux établissements publics des aides de l’État au travers du fonds exceptionnel d’investissement outre-mer.
J’ai également déposé des amendements visant à réintégrer dans les secteurs éligibles des investissements nécessaires pour la Polynésie, par exemple, la construction et la rénovation des navires de croisière, les équipements de santé et les énergies renouvelables.
Les amendements les plus importants sont ceux qui visent à reporter jusqu’en 2013 l’application des mesures les plus pernicieuses, c’est-à-dire la limite à 40 000 euros et l’exclusion du logement intermédiaire du bénéfice de la défiscalisation.
Je souhaite évidemment la suppression pure et simple de ces mesures, mais pour éviter le pire, nous devrions au moins en suspendre l’application jusqu’au redémarrage de l’économie mondiale, après la fin de la crise actuelle.
La commission des finances n’a pas retenu ces amendements au motif qu’ils créaient des nouvelles dépenses sans proposer de nouvelles recettes. Je le déplore.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est une règle constitutionnelle !
M. Gaston Flosse. C’est à croire que certains n’ont encore tiré aucune leçon des événements de la Guadeloupe, puis de la Martinique et maintenant de la Réunion.
Reporter ces mesures restrictives au moins jusqu’en 2013 est une mesure de bon sens dans cette période de crise et d’agitation. Le refus de ce moratoire pour des motifs de principe budgétaire relève de la provocation.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer intervient dans un contexte où nos territoires se trouvent, aujourd’hui plus encore qu’hier, à la croisée des chemins.
Le raz de marée social qui a submergé la Guadeloupe, puis l’ensemble des DOM, marque incontestablement les limites d’un système caractérisé par les inégalités sociales et par les pesanteurs d’une économie engluée dans le consumérisme et l’assistanat, un système où excès et injustices se combinent à la violence multiforme : violence des prix et des rapports sociaux, violence du colonialisme économique, comme dirait notre collègue Jean-Paul Virapoullé, violence faite aux jeunes, trop souvent exclus de tout avenir viable et contraints de dériver vers l’oisiveté, les addictions et les conduites déviantes, et, pour finir, violence contre l’identité et la culture, en dépit de quelques concessions faites par la République comme l’enseignement de la langue et de la culture créoles.
À la violence initiale de l’histoire s’est ajoutée la violence imposée par l’éloignement géographique, sous la forme d’une économie marquée par la logique quasi exclusive de l’import-substitution.
Nous le savons tous, lorsque l’Histoire engendre des dénis de dignité, on assiste toujours au retour du refoulé sous forme d’explosions, d’exigences et de révolutions.
Ce n’est donc qu’en faisant preuve d’imagination et d’audace que nous sortirons l’outre-mer, et singulièrement la Guadeloupe, de l’impasse actuelle.
Tout cela, mes chers collègues, pour vous dire que ce mouvement social n’est ni une saute d’humeur, ni un coup de colère passager, ni la traduction d’un racisme inversé.
C’est, au contraire, le symptôme d’un mal-être profond, d’un malaise réel, d’un dysfonctionnement structurel, auxquels nous nous devons de répondre en respectant la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.
Le peuple guadeloupéen aspire à exister, à être reconnu, à habiter son destin au sein de la République ; c’est un peuple en demande d’avenir, tout simplement !
Pourtant, chaque fois que cette aspiration a été exprimée, elle s’est heurtée, soit à la surdité jacobine, soit à l’incompréhension de la République. Et il est dommage que, sur ces dossiers comme sur bien d’autres, la rue doive se faire entendre quand la République ne tient pas suffisamment compte des signaux d’appel répétés des parlementaires ultramarins.
Aujourd’hui, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une refondation s’impose. Cette refondation est en marche, dans les consciences, et elle demande à être prise en compte par les pouvoirs publics.
La réponse doit se mesurer à l’aune de la justice, de l’équité et de l’audace. Elle doit bousculer les idées reçues, les archaïsmes, les blocages et les inerties pour faire émerger une Guadeloupe plus caribéenne et plus guadeloupéenne.
Contrairement à la vision étroite qui nous assigne à résidence dans l’assistanat ou qui brandit le spectre de l’indépendance, il est nécessaire de repenser les rapports entre l’État et l’outre-mer.
Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer devrait constituer un premier jalon de cette démarche.
Vous le savez, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’étais de ceux qui avaient initialement sollicité le report de l’examen de ce texte pour rendre le projet de loi plus conforme aux enjeux de l’outre-mer.
C’est précisément l’ambition et l’audace que vous avez affichées, monsieur le secrétaire d’État, dans vos engagements au cœur de la crise en Guadeloupe, qui m’ont conduit, avec d’autres, à demander finalement l’examen de ce projet de loi en procédure d’urgence.
Soyons audacieux et faisons preuve d’ambition pour l’outre-mer !
Soyons audacieux en garantissant l’attractivité et l’efficacité des dispositifs d’exonération de charges sociales, notamment en supprimant le mécanisme de dégressivité !
Soyons audacieux et étendons les zones franches globales aux petits commerces et aux entreprises de restauration de moins de onze salariés !
Soyons audacieux et renforçons la stabilité des économies ultramarines en supprimant le caractère temporaire et dégressif, après cinq ans, des exonérations prévues dans les zones franches globales !
Soyons audacieux et favorisons la mise en place de mesures exceptionnelles d’accompagnement de nos entreprises pour relancer notre économie après la crise, particulièrement dans les îles du Sud : Marie-Galante, la Désirade et les Saintes !
Soyons audacieux et conditionnons la réduction des cotisations de sécurité sociale des entreprises de plus de vingt salariés à la mise en œuvre préalable d’un accord salarial d’entreprise !
Soyons audacieux en développant fortement des secteurs porteurs comme l’agro-nutrition, les énergies renouvelables et la biodiversité !
L’ambition, mes chers collègues, c’est proposer qu’une taxe sur le produit des jeux de hasard contribue à améliorer les finances des collectivités locales.
C’est faire en sorte que cette taxe leur permette notamment d’abonder, aux côtés de l’État, un plan d’urgence pour l’emploi et la formation de ces 56 % de jeunes de quinze à vingt-quatre ans frappés par l’échec scolaire, la désocialisation et le chômage. Monsieur le secrétaire d’État, ce sont eux qui ont érigé des barrages !
C’est aussi étendre aux DOM le contrat d’autonomie mis en place ici en faveur des jeunes défavorisés des banlieues !
C’est tenter d’améliorer et de rendre beaucoup plus attractif le dispositif de soutien à l’emploi des jeunes diplômés plutôt que de le supprimer !
L’ambition, mes chers collègues, c’est garantir la pérennisation du financement du logement social par la ligne budgétaire unique, ou LBU, sur la base de paramètres équilibrés et orienter la défiscalisation en priorité vers le logement intermédiaire, sans pour autant pénaliser le logement libre.
C’est permettre l’alignement du « forfait charges outre-mer » sur celui de la France hexagonale. Monsieur le président de la commission des finances, ce forfait fait partie de l’accord signé par le préfet de la Guadeloupe. Il serait dommage que nous apprenions que l’État n’a pas tenu parole en Guadeloupe.
L’ambition et l’audace, c’est casser les monopoles et taxer les superprofits des compagnies pétrolières !
L’ambition et l’audace, monsieur le secrétaire d’État, c’est garantir la compensation des finances des collectivités locales et nous indiquer le calendrier du projet de loi de finances rectificative, qui permettra, en Guadeloupe, la mise en œuvre dès le mois d’avril du revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA.
C’est surtout permettre demain aux Guadeloupéens de jeter collectivement, sans carcan ni limite, les bases d’un nouveau contrat social.
L’ambition et l’audace au service de l’outre-mer, c’est bien l’objet des amendements que je défendrai devant vous avec le groupe socialiste en espérant votre soutien, mes chers collègues, car il y va de l’avenir de nos territoires.
Mes chers collègues, la Guadeloupe aspire tout simplement à maîtriser son avenir dans le monde.
Le chemin que nous voulons prendre, c’est celui de la responsabilité, pour que l’espérance triomphe des pulsions de la peur et de l’affrontement. Ce chemin doit être non pas solitaire, mais solidaire, car c’est ensemble que nous serons capables de démarrer l’histoire de l’outre-mer.
Vous le voyez mes chers collègues, ce qui nous rassemble au-delà de nos différences, c’est bien notre foi dans une France davantage ouverte à la diversité de ses composantes.
Nous avons commencé en Guadeloupe, à vous de continuer avec nous pour que la République soit à la hauteur de nos espérances.
Contrairement aux apparences, ces espérances ne sont pas l’affaire exclusive de l’outre-mer. Elles s’élargissent à la nation entière, car la question posée est bien celle de la condition humaine ou, si vous préférez, de l’humaine condition de l’ensemble du peuple français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste. - Mme Lucette Michaux-Chevry applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 1er de la loi de programme du 31 décembre 1986 relative au développement des départements d’outre-mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte dispose notamment : « L’effort de la nation en faveur des départements d’outre-mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte tend au développement économique, à l’emploi des jeunes, à la mobilité des populations entre ces collectivités et la métropole […].
« Les départements d’outre-mer et les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte se voient ainsi confirmés dans leur rôle de pôle de rayonnement de la France en Amérique et dans l’océan Indien. »
Force est de constater, vingt-trois ans plus tard, que nous sommes malheureusement encore loin de cet objectif !
Or l’outre-mer est une chance pour la France et pour l’Europe.
Grâce à l’outre-mer, la France est la troisième puissance maritime mondiale, avec plus de 10 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive. Présente dans tous les océans de la planète, elle est également représentée sur tous les continents.
L’outre-mer fait bénéficier la France d’une exceptionnelle richesse en matière de biodiversité. À l’heure du Grenelle de l’environnement, cet atout, qui est également une responsabilité, ne doit pas être négligé. De l’île de la Réunion au pôle Sud, la France assure dans l’océan Indien sa souveraineté sur tout ce gradient de latitude. Aucun autre pays au monde ne dispose de cette richesse écologique dans l’hémisphère sud, des îles Éparses aux Terres australes, aux îles subantarctiques jusqu’au continent antarctique.
Vous savez l’intérêt que je porte à la recherche et à ces sujets en particulier. Ils sont fondamentaux et reconnus comme tels par la communauté scientifique internationale.
Grâce à l’outre-mer, aussi, l’Europe dispose d’une base de lancement de satellites : le centre spatial de Kourou, en Guyane. J’arrêterai là cette énumération, qui est loin d’être achevée.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de permettre le développement économique de l’outre-mer. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette volonté du Gouvernement.
Cependant, ce texte, adopté en conseil des ministres en juillet dernier, a été élaboré dans un contexte totalement différent de celui qui prévaut aujourd'hui. La crise économique mondiale a bouleversé le fragile équilibre socio-économique de l’outre-mer français, révélant des problèmes structurels plus profonds, parmi lesquels se démarquent tout particulièrement l’important taux de chômage, la cherté de la vie et les problématiques liées au manque de logements sociaux.
Depuis l’adoption de ce projet de loi, tous les DOM ont été confrontés à des mouvements sociaux lourds, de très grande ampleur et s’inscrivant dans la durée, d’abord en Guyane, puis en Guadeloupe et en Martinique, et maintenant à la Réunion. Le malaise social de nos concitoyens ultramarins est donc général et demande rapidement des réponses de fond. Le Gouvernement s’est engagé sur un certain nombre de mesures.
Ce projet de loi, qui peut paraître annexe par rapport à la multiplication des plans et des accords récents, doit conserver sa légitimité en répondant mieux aux attentes de nos concitoyens ultramarins.
C’est en ce sens que la commission des finances a adopté l’amendement de son président, Jean Arthuis, qui prévoit qu’un décret en Conseil d’État réglemente, dans les départements d’outre-mer, le prix de vente de cent produits de première nécessité.
En effet, tous les départements d’outre-mer, et, plus généralement, les collectivités d’outre-mer sont confrontés à des surcoûts liés à l’éloignement et à l’étroitesse des marchés, mais aussi à la fiscalité locale, notamment l’octroi de mer, ainsi qu’au caractère faiblement concurrentiel des réseaux de grande distribution, qui, de fait, sont en situation de quasi-monopole sur les marchés tant de détail que de demi-gros.
À cette situation particulière, il est nécessaire de répondre par des mesures particulières. Il n’est pas acceptable qu’une partie importante des populations ultramarines peine à accéder aux produits de première nécessité. Des mesures ont déjà été prises par le passé, comme la création, dans les DOM, d’observatoires des prix pouvant formuler des recommandations, mais sans impact réel.
La proposition de la commission des finances, qui peut sembler à première vue quelque peu surannée, me semble cependant adaptée à la situation que connaissent les DOM. Il n’est pas normal que les produits de première nécessité, et notamment d’hygiène, y soient jusqu’à deux fois plus chers qu’en métropole !
C’est pourquoi le groupe centriste est favorable à la position adoptée par la commission des finances.
Nous avons également déposé un amendement visant à ce que les DOM soient clairement mentionnés dans le champ d’intervention de la nouvelle Autorité de la concurrence.
Parce que ce projet de loi vise à favoriser le développement économique de l’outre-mer, il est essentiellement tourné vers les entreprises ultramarines. Ce projet de loi pose au fond la question de savoir quel type de développement nous souhaitons pour nos départements d’outre-mer.
Il est en effet indispensable de mettre en place les conditions d’un développement économique harmonieux, permettant de fournir des emplois aux populations ultramarines et d’accompagner les entreprises locales, y compris les plus petites d’entre elles.
Pour cela, il faut remettre les entreprises et les entrepreneurs au cœur de l’activité économique. Nombre de dispositions de ce projet de loi vont en ce sens. Ainsi, la principale mesure vise à mettre en place des zones franches d’activités, où les entreprises pourront bénéficier d’abattements à hauteur de 50 % sur les bases de l’impôt sur les bénéfices, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Par ailleurs, un certain nombre de secteurs prioritaires ont été identifiés, qui seront éligibles au régime d’abattement à 80 %. Ce sera notamment le cas des exploitations et des entreprises exerçant leur activité dans la recherche-développement, les nouvelles technologies, le tourisme, les énergies renouvelables ou l’agro-nutrition.
Nous avons déposé un amendement visant à rendre éligibles tous ces secteurs d’activité dans l’ensemble des DOM.
En effet, à l’heure actuelle, les économies des DOM doivent entrer résolument dans une nouvelle phase de leur développement.
Contrairement à la métropole, les DOM sont en concurrence directe avec les pays moyennement avancés, dont les prix de production sont extraordinairement inférieurs aux leurs. Le rapport est ainsi de un à dix entre la Réunion et l’île Maurice, et même de un à cinquante avec Madagascar !
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. Christian Gaudin. De plus, l’absence de normes dans ces pays fausse totalement la concurrence. À cela s’ajoute la distance par rapport à la métropole et aux marchés importants. C’est pourquoi les mesures instaurant des abattements fiscaux sont à ce point primordiales.
En outre, ce projet de loi modifie profondément le régime actuellement applicable à la défiscalisation en matière de logement. Jusqu’à maintenant, celle-ci, du fait qu’elle favorise le logement libre, a en effet fortement porté préjudice au logement social, pour deux raisons principales.
D’une part, les entreprises de construction choisissent prioritairement les opérations réalisées au titre de la défiscalisation, qui sont plus rémunératrices. D’autre part, le prix du foncier augmente en raison des opérations mises en œuvre grâce à la défiscalisation, ce qui rend les terrains indisponibles pour la construction de logements sociaux.
Il en résulte qu’un très grand nombre de dossiers de demandes de logement social sont en attente : plus de 30 000 pour la seule île de la Réunion et 2 500 à Mayotte.
Je souhaiterais insister sur la nécessité de mettre en place une véritable politique de formation des populations ultramarines qui réponde aux besoins des entreprises locales.
Il est important d’avoir intégré dans les conditions requises pour bénéficier de l’abattement celles qui sont relatives aux dépenses de formation professionnelle. On sait à quel point la qualification obtenue par cette voie constitue un véritable levier pour le développement, la compétitivité et l’innovation dans l’entreprise.
Enfin, pour conclure, j’approuve la création d’une commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, composée majoritairement de parlementaires. Il est nécessaire d’analyser aussi bien le coût des mesures spécifiques consacrées à l’outre-mer, que la manière dont ces mesures sont ajustées. Il faut aussi évaluer leur impact sur les mécanismes de formation des prix, sur l’organisation des circuits de distribution et sur les niveaux de rémunération des fonctionnaires de l’État exerçant leur fonction outre-mer.
Prenons date avec ce texte de loi, comme le souhaite le Président de la République, pour valoriser les atouts de l’outre-mer, d’abord au profit des populations ultramarines, mais aussi pour le rayonnement de l’outre-mer, c'est-à-dire de la France, dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours des vingt dernières années, chaque nouvelle législature a vu l’adoption rapide d’un texte de loi sur l’outre-mer.
Bien que sa préparation ait débuté en 2006, avec la publication de plusieurs rapports d’audit ou des discussions menées par les préfectures, c’est seulement maintenant que ce projet de loi arrive en discussion, et encore est-ce sous la pression des événements que l’on connaît.
Avant l’examen du texte, plusieurs annonces ont toutefois été faites. Nous avons donc du mal à nous y retrouver, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État !
À la fin du mois de janvier, à la Réunion, vous laissiez entendre qu’une centaine de projets seraient retenus au titre du plan de relance, pour un montant de 250 millions d’euros de dépenses. Actuellement, une douzaine de projets seulement seront financés, pour 25 millions d’euros. En novembre dernier, vous faisiez la promotion d’une stratégie de croissance pour l’outre-mer – la STRACOM – déclinée en vingt actions et une centaine de mesures. À la mi-février, le Président de la République changeait de cap et proposait des « États généraux de l’outre-mer ».
Pour en revenir au présent projet de loi, et au regard des événements actuels, le texte apparaît limité. Il lui manque notamment une dimension essentielle, la dimension sociale ou, pour le dire plus d’une façon plus générale, tout ce qui touche à l’humain.
De plus, les engagements pris à l’égard de l’outre-mer par Nicolas Sarkozy en tant que candidat à la présidentielle ne se sont pas non plus concrétisés ici. Le 16 juillet 2006, il préconisait des moyens pour développer le dialogue social et il invitait à faire plus d’efforts pour l’éducation, pour l’amélioration de l’offre de soins ou encore pour le développement de la coopération régionale. Or ces thèmes ne sont pas évoqués dans le texte.
Dans l’avis qu’il a rendu, le conseil régional de la Réunion invitait le Gouvernement à lier les avantages obtenus par les entreprises en matière d’exonérations fiscales ou de charges patronales à des augmentations de salaires ou à une baisse des prix. Il proposait également d’introduire dans le texte un chapitre consacré au développement humain. Cet avis n’a pas été suivi.
Depuis le second semestre 2006, comme je l’ai évoqué, les préfets ont mené officieusement des consultations sur le projet de loi. Ensuite est intervenue la consultation officielle, mais les organisations syndicales de salariés n’ont pratiquement pas été entendues.
Dans ces conditions, on peut comprendre l’ampleur des mouvements sociaux que connaissent nos départements d’outre-mer.
La crise qui frappe ces derniers ne résulte pas seulement du dérèglement financier qui secoue actuellement la planète entière. Elle découle aussi de plusieurs décisions prises depuis quelques années au niveau national.
En présentant, à la veille de la manifestation du 5 mars dernier, un catalogue de soixante-deux points concernant l’emploi, les salaires, les prix, le pouvoir d’achat ou encore le logement, le Collectif des organisations syndicales, politiques et associatives de la Réunion, le COSPAR, a rappelé que « la notion d’urgence sociale est arrivée à son paroxysme ».
Ces revendications ne trouveront guère de réponses satisfaisantes dans ce projet de loi. Il faut espérer que les États généraux de l’outre-mer, qui seront organisés au mois de mai, puissent répondre à toutes les attentes.
Il conviendra cependant de prendre en compte tous les défis qui nous seront posés d’ici à 2019, date à laquelle le présent projet de loi arrive à échéance, et d’appréhender au mieux les atouts et les perspectives que nous pouvons offrir.
En ce qui concerne les défis, la signature dans notre zone de la version définitive des accords de partenariat économique, les APE, entre l’Union européenne et les pays ACP – Afrique, Caraïbes, Pacifique – est prévue pour le début de l’année 2010. Ces accords modifieront profondément les termes de l’insertion de la Réunion dans son environnement géographique et économique.
En outre, l’Afrique du Sud a décidé de s’investir de nouveau dans ces accords de partenariat économique. Nous ne pouvons donc pas négliger le rôle que cette puissance régionale est appelée à jouer dans notre environnement.
Nous avons subi, en 2008, les effets de la crise frappant les matières premières, notamment les intrants et les carburants, qui se sont traduits par une augmentation des coûts de ces produits. Nous nous interrogeons à cet égard sur ce qui pourrait se passer dans les mois et les années à venir.
Nous n’avons guère non plus de visibilité en ce qui concerne l’évolution de la crise alimentaire mondiale, dont les effets les plus graves ont été ressentis l’année dernière.
En 2014, le règlement sucrier européen arrivera à échéance. Au moment où s’engagent parallèlement la réforme du budget de l’Union européenne et celle de la politique agricole commune, on peut se demander quel sera le niveau de compensation pour le prix du sucre des départements d’outre-mer. Comment bâtir une stratégie de développement de l’agro-nutrition alors que nous n’avons aucune visibilité et aucune garantie, à moyen et à long terme, sur la filière sucre, qui constitue le pivot de l’agriculture réunionnaise ?
L’année 2014 verra aussi l’expiration du régime actuel de l’octroi de mer, ce système fiscal spécifique propre aux DOM. Peut-on espérer que Bruxelles acceptera la reconduction d’un tel dispositif dérogatoire, et, si oui, à quelles conditions ?
Cette réforme s’ajoutera à l’exonération des taxes foncières proposées dans ce projet de loi ainsi qu’à la suppression de la taxe professionnelle, envisagée au niveau national avec des modalités de compensation qui sont encore imprécises.
Cette situation ne manquera pas de fragiliser les budgets des collectivités locales, lesquelles doivent aussi répondre aux nouvelles contraintes que leur fixe la loi de finances pour 2009.
L’année 2014 correspond également à la fin des documents contractuels de programmation financière pluriannuelle que sont le contrat de projets avec l’État et les programmes opérationnels avec l’Europe. L’hypothèse d’une évolution à la baisse du montant des aides de l’Union européenne doit être prise en compte. D’une manière plus générale, c’est le concept de régions ultrapériphériques qui sera discuté, avec sans doute une remise à plat de la conception des relations qu’entretiennent ces régions avec l’Union européenne.
Tous ces éléments pèseront sur l’économie et sur l’environnement des entreprises. S’ils ne sont pas maîtrisés, ils risquent de neutraliser tous les effets positifs de la zone franche globale d’activités.
D’autres facteurs globaux continueront à produire silencieusement, mais irréversiblement, leurs effets. La Réunion poursuivra sa progression démographique. Des projections réalisées récemment pour l’année 2030 par l’INSEE confirment la perspective du million d’habitants pour l’île, avec l’accroissement des besoins que cela entraînera dans tous les domaines, notamment en termes de création d’emplois, de logements et d’équipements.
Notre département, situé sur le chemin des cyclones, ne sera pas à l’abri des conséquences de l’accélération du changement climatique. Il faut donc anticiper, notamment au titre de la politique de prévention des risques et de l’aménagement du territoire.
Enfin, les négociations pour la mise en œuvre des règles de l’OMC ne sont pas achevées. Toutefois, les flux des échanges des hommes, des marchandises, des capitaux et des informations sont déjà en train de changer. La Réunion, qui se trouve à quelques heures de vol de 65 % de la population du monde, peut vite se retrouver isolée si nous ne faisons rien.
La conjonction de tous ces facteurs, si nous ne prenons pas en compte chacun d’entre eux, aura pour conséquence de réduire encore la portée – sinon l’efficacité – de la loi.
Cependant, nous avons dans les DOM des atouts à faire valoir.
Nos populations sont relativement jeunes et bien formées. Ces deux leviers peuvent être utilisés à la fois pour développer nos départements et favoriser leur intégration dans leur zone géographique.
Nous disposons de capacités de recherche non négligeables, que nous avons sollicitées pour atteindre l’objectif, fixé par le conseil régional de la Réunion, de l’autonomie énergétique de l’île en 2025.
La combinaison de ces moyens et de cette volonté politique fait de la Réunion une pionnière dans le domaine des énergies renouvelables. Ses acquis peuvent profiter à d’autres.
Notre longue expérience d’île sucrière nous a permis d’introduire de nombreuses innovations, tant agricoles qu’industrielles, que nous exportons partout dans le monde.
Nous possédons une biodiversité unique. La sauvegarde et la mise en valeur de ce patrimoine peuvent se réaliser, chez nous, par le parc national de la Réunion, qui couvre 42 % du territoire, et dans la réserve naturelle marine. Il en est de même pour la collecte, le tri systématique et la valorisation des déchets.
C’est là, je l’ai déjà dit, que nous pouvons trouver des milliers d’emplois à offrir, en mettant en place un véritable service d’intérêt public de l’environnement.
Nos sociétés, qui sont à peine sorties de la période coloniale, connaissent une mutation, avec d’importantes conséquences sociales. Ainsi, de plus en plus de personnes de générations plus anciennes ont besoin du soutien de la société. À la Réunion, les offres d’accueil et d’encadrement pour les personnes âgées, mais aussi pour les personnes handicapées et pour la petite enfance sont dramatiquement insuffisantes.
Il est indispensable, si l’on veut assurer la cohésion sociale, de donner à cette population fragile les moyens nécessaires pour vivre décemment. Dans ce secteur aussi les besoins en emplois se chiffrent par milliers. Seule la création d’un grand service public dédié à cette fonction permettrait de satisfaire les demandes et de ne laisser personne sur le bord du chemin.
La Réunion a déjà élaboré son plan régional de développement durable, qui sera créateur de richesses et d’emplois. Ce plan est fondé sur les énergies renouvelables, les grands travaux, le développement des technologies de l’information et de l’image, l’utilisation de nouveaux modes de déplacement, comme le tram-train, la consolidation de l’identité réunionnaise – avec le projet de Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise – et la coopération régionale.
Bref, la Réunion est prête à participer aux États généraux de l’outre-mer, annoncés par le Président de la République et dont le but est le développement des DOM.
De plus, le siècle qui vient de débuter sera celui de l’espace et de la mer, comme le répète l’un de nos anciens collègues, M. Paul Vergès. Or, l’outre-mer offre à la France et à l’Europe des entrées formidables dans ces deux domaines.
La base de Kourou, en Guyane, donne une ouverture incomparable sur l’espace. Nos zones économiques exclusives font de la France et de l’Europe de véritables puissances maritimes, avec des accès à d’importantes richesses halieutiques et sous-marines.
Notre positionnement géographique place la France et l’Europe aux portes de plusieurs continents. Nous pouvons ainsi jouer le rôle de frontières actives.
Quand nous additionnons tout cela, nous ne nous sentons pas dans une position d’assistés : nous savons que nous apportons de vraies richesses, même si elles sont difficilement quantifiables.
Aussi, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsque l’on énumère à l’opinion publique les actions que l’État met en œuvre chez nous, lorsque l’on insiste sur les sommes que représentent ces actions, mais que, dans le même temps, on oublie de signaler que ces efforts résultent de la nécessité de l’équité et de la justice sociales, de même que l’on omet de rappeler tout ce que nous apportons, on contribue à accréditer l’idée que l’outre-mer coûte cher au contribuable de métropole.
Votre texte, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour avoir une certaine efficacité, doit être amendé. C’est à cette tâche que je vais m’atteler tout au long du débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’inscription à l’ordre du jour du Sénat du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer coïncide avec la grave crise sociale et sociétale que traversent actuellement les départements d’outre-mer, en particulier des Antilles, dont l’origine est économique mais aussi, plus profondément, ethnique et historique.
Ce projet de loi avait été présenté au conseil des ministres et déposé sur le bureau du Sénat dès le 28 juillet 2008, preuve s’il en est – je tiens à le souligner – que le Gouvernement n’avait pas attendu la crise actuelle pour s’intéresser aux problèmes économiques de nos départements ultramarins.
Le texte dont nous discutons aujourd’hui comporte un certain nombre de mesures favorisant notamment le développement économique endogène et permettant de rompre avec l’assistanat dans des territoires sévèrement touchés par le chômage.
La mesure centrale du texte est la création de « zones franches globales d’activités » dans les quatre départements d’outre-mer.
Un autre volet du texte porte sur l’actualisation de la loi de programme pour l’outre-mer, dite « loi Girardin », du 21 juillet 2003, avec une réorientation de ses mesures de défiscalisation en faveur du logement vers le logement social, en permettant aux sociétés d’HLM de bénéficier du dispositif de défiscalisation.
Ces dispositions ne sont bien évidemment pas suffisantes pour répondre à la crise qui touche nos départements ultramarins. C’est la raison pour laquelle un grand nombre d’amendements a été déposé par mes collègues, afin de tenir compte de l’évolution de la situation actuelle.
La commission des finances a notamment adopté un amendement proposant que cent produits de première nécessité soient soumis dans les DOM à des prix réglementés, fixés par décret en conseil d’État. Il s’agirait d’aligner au mieux leurs prix sur ceux de la métropole.
Cette disposition, introduite par le président de la commission des finances, est séduisante. L’article L. 410-2 du code de commerce prévoit déjà que les prix peuvent être réglementés par décret en Conseil d’État dans les situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement.
Si je crois nécessaire de rappeler ces dispositions, je m’interroge néanmoins, au nom du groupe UMP, sur l’opportunité d’être aussi directif. Il paraît plus judicieux de privilégier la négociation, de telles fixations de prix devant être décidées après concertation avec la grande distribution.
La négociation a d’ailleurs fait ses preuves, notamment en Martinique. Sous l’égide du préfet, un accord entre les grévistes et le syndicat de la grande distribution a été conclu le 17 février dernier, entérinant la baisse de 20 % des prix de cent familles de produits de première nécessité.
Cet accord a été finalisé le vendredi 6 mars : le « Collectif du 5 février » et les représentants patronaux sont tombés d’accord sur le nombre de quatre cents articles des cent familles de produits déjà actées, qui se verront appliquer cette baisse de 20 %.
Le groupe UMP soutiendra donc l’amendement du Gouvernement rendant cette réglementation des prix par décret non plus obligatoire mais facultative, sachant que la rédaction pourrait sans doute encore être améliorée.
Il me semble en outre nécessaire que le Gouvernement se saisisse du problème des marges et des circuits de distribution en outre-mer. La comparaison des prix entre la métropole et l’outre-mer n’aura de sens que lorsque la lumière aura été faite sur les circuits de distribution et les modalités de mise en place des prix.
Le rapport de l’Autorité de la concurrence, qui sera rendu en juin sur cette question, ainsi que les États généraux de l’outre-mer devront apporter des réponses.
Nul ne peut contester le fait que la crise économique et sociale trouve aussi son origine dans un mal-être plus profond, lié au sentiment de beaucoup d’ultramarins de souche d’être défavorisés par rapport aux habitants des départements d'outre-mer originaires de métropole. Mais il n’est pas pour autant acceptable d’intimider ou de montrer du doigt une communauté et de vouloir l’exclure, au motif qu’elle n’exécute pas certains ordres.
La société béké détient, certes, une grande partie des entreprises en outre-mer, mais il s’agit souvent d’entreprises familiales qui sont autant d’acteurs du développement économique de l’outre-mer et dont nous devons tenir compte dans le redéploiement attendu.
En dépit de certains efforts et de changements absolument nécessaires – j’en conviens tout à fait –, nulle communauté ne saurait être stigmatisée au nom de notre pacte républicain.
La caricature est aisée, la réalité est plus complexe. Beaucoup de ces entreprises détenues par des békés attachent une importance particulière à la formation de leur personnel, afin d’améliorer localement les compétences des salariés. Certaines d’entre elles s’impliquent également dans le développement culturel, la préservation du patrimoine de l’outre-mer, mais également dans le respect de l’environnement, au travers notamment de fondations d’entreprise.
La Fondation Clément, par exemple, mène des actions de mécénat en faveur des arts et du patrimoine culturel à la Martinique. Elle soutient la création contemporaine par l’organisation d’expositions et l’aide à l’édition d’ouvrages consacrés aux artistes martiniquais et guadeloupéens.
Le groupe UMP tient à saluer les mesures annoncées par le Président de la République, dont certaines vont être incluses dans le présent projet de loi. Nous nous félicitons ainsi des 580 millions d’euros d’aide budgétaire supplémentaire en direction de l’outre-mer.
Dans le cadre plus spécifique du texte qui nous intéresse, le Premier ministre a prévu l’ouverture d’une enveloppe budgétaire supplémentaire de 150 millions d’euros. Nous veillerons à ce que ces sommes soient utilisées à bon escient.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP aborde la discussion du projet de loi dans un esprit positif et constructif.
La crise actuelle doit faire prévaloir l’intérêt général, au-delà de nos divergences politiques et sans démagogie. Comme le disait voilà quelques heures le philosophe antillais Jacky Dahomay, le temps est désormais venu de nous hisser du passionnel au rationnel. Chacun a compris ici que nos travaux, en dépit de leur importance, constituent un rapport d’étape. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
(Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me suis exprimé tout à l’heure au nom de la commission des affaires économiques, mais je tenais également à vous faire part de quelques réflexions personnelles.
Le texte qui nous est soumis arrive à un moment crucial pour l’outre-mer, frappé par une profonde crise, ces dernières semaines, notamment en Martinique et en Guadeloupe, paralysées respectivement pendant trente jours et quarante-cinq jours.
Fort heureusement, le mouvement a été suspendu la semaine dernière en Guadeloupe avec la signature d’un accord, certes imparfait et encore très fragile, mais qui a tout de même permis à la vie de reprendre son cours, comme l’espérait d’ailleurs la population.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je tiens sincèrement à saluer l’action de l’État dans la résolution de la crise outre-mer – il a tenté de répondre aux attentes de nos compatriotes avec les moyens qui étaient à sa disposition -, ainsi que l’effort supplémentaire qui a été consenti au regard des dispositifs précédents, notamment par rapport à la première mouture du texte déposé au Sénat en juillet dernier.
La crise outre-mer n’est pas seulement économique, politique, sociale, ou liée à des revendications salariales, comme on a voulu le faire croire, elle traduit un malaise identitaire plus profond dans les sociétés ultramarines, singulièrement aux Antilles. Nos concitoyens ont, au fond, le sentiment d’être dans une sorte de France à deux vitesses.
Plusieurs raisons expliquent ce mal-être.
Je voudrais tout d’abord parler du sort réservé aux jeunes. En Guadeloupe, près de 55 % des jeunes de moins de vingt-six ans – ils n’ont donc pas accès au RMI – sont touchés par le chômage ; la situation est à peu près similaire dans les autres départements d’outre-mer. Voilà qui explique leur forte implication – c’est un phénomène nouveau – dans le récent mouvement.
Le décalage entre la métropole et les Antilles est saisissant ; la pauvreté s’accentue et nous devons en tenir compte. Bien sûr, l’application prochaine du revenu de solidarité active devrait apporter une légère amélioration, mais le RSA reste un revenu d’assistance.
C’est la raison pour laquelle je suis profondément convaincu que stimuler le développement économique et la croissance porteuse d’emplois est un impératif pour les politiques publiques en outre-mer, afin que les populations de nos régions puissent avoir accès à la dignité par le travail.
Il faut aussi encourager le dialogue social en outre-mer, qui est hélas ! très insuffisant encore aujourd'hui, comme nous nous en sommes malheureusement tous rendu compte.
Ce projet de loi devrait y contribuer, par des incitations à l’investissement, au logement et à l’emploi, en attendant que des axes stratégiques soient définis dans le cadre des États généraux, qui déboucheront, je l’espère, sur une grande loi pour l’outre-mer, mettant cette fois en place une véritable politique de développement économique durable.
À ce stade, je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur Marie-Galante, la Désirade, les Saintes, improprement appelées les îles du Sud.
Elles connaissent les handicaps des DOM, cependant accentués en quelque sorte par leur double, voire leur triple insularité. Leurs problèmes de développement économique, de prix et de pouvoir d’achat sont en effet décuplés, provoquant un important dépeuplement. Il faut savoir que ces îles ont perdu la moitié de leur population en moins de vingt ans !
C’est pourquoi les politiques publiques doivent se montrer plus volontaristes encore dans ces îles dont l’attractivité doit être renforcée. J’aurais souhaité un geste supplémentaire de votre part, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, et je l’espère encore.
J’avais pensé à l’impôt sur le revenu ou à la TVA, comme en Guyane. J’ai également proposé que toutes les activités économiques, à l’exception de celles des banques, des assurances et consorts, soient concernées par le bonus que constituent les exonérations de charges sociales et les abattements d’impôt. C’est dans cet esprit que j’ai déposé mes amendements. Nous en discuterons tout à l’heure, mais je compte vraiment sur vous.
Ensuite, je me réjouis de l’effort financier consenti pour le logement social. Cependant, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, contrairement à la suppression de la défiscalisation du logement libre, qui ne semble pas poser de problème majeur, nous en convenons tous, la suppression de la défiscalisation du logement intermédiaire me semble constituer un recul, je vous le dis tout net.
Cette mesure risque d’entraîner une rupture dans le parcours résidentiel de ceux qui ne peuvent accéder à la propriété et dont le revenu excède tout juste les plafonds fixés pour bénéficier du logement social. Où vont-ils se loger ? Cela pourrait produire un blocage du parc de logements sociaux. C’est pourquoi j’insiste pour qu’un geste soit fait en faveur du logement intermédiaire.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le malaise actuel révèle également un réel problème de pouvoir d’achat amoindri pour nos compatriotes, avec des prix doublés ou triplés en outre-mer.
Il est regrettable que les organismes publics chargés d’effectuer des contrôles dans ce domaine ne se soient pas intéressés aux prix pratiqués en outre-mer. J’espère que les premières décisions du Gouvernement, qui a notamment saisi l’Autorité de la concurrence, permettront de faire toute la transparence sur la formation des prix de l’ensemble de la chaîne, du producteur au distributeur en passant par les transporteurs. Il est en effet anormal et injuste que nos compatriotes doivent payer le prix fort !
Je salue bien entendu l’initiative de la commission des finances visant à donner au Gouvernement la possibilité de réglementer les prix là où la raison économique ne l’a pas emporté. Cette proposition rassure la population, qui espère améliorer son pouvoir d’achat et qui attend des résultats !
Je me pose cependant une question : pourquoi la commission n’a-t-elle retenu que cent produits de première nécessité ? En Martinique, on en est à quatre cents ! Je souhaite que le champ reste ouvert, afin que le Gouvernement ait la possibilité d’agir en fonction des nécessités. Ou alors que l’on parle de « familles de produits ». En tous les cas, on ne saurait se cantonner à cent produits.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. « Familles de produits », c’est mieux !
M. Daniel Marsin. Sur ce sujet, notre débat devrait permettre de nous donner les moyens d’agir en tant que de besoin.
Enfin, beaucoup reste à faire en matière de continuité territoriale, sujet d’insatisfaction outre-mer, tant pour les personnes que pour les marchandises. Certes, je dois le reconnaître, l’aide aux intrants et aux extrants est un « plus », mais elle ne touche pas l’ensemble des coûts du transport des marchandises, qui interviennent dans la formation des prix des biens de consommation et sont donc responsables de la vie chère ! Il faut réaliser une étude approfondie de cette question pour aborder enfin efficacement tous les pans de la continuité territoriale.
En conclusion, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, les membres du groupe RDSE et moi-même serons, vous vous en doutez, particulièrement attentifs à nos débats, qui s’annoncent très intenses, et au sort de nos différents amendements.
À l’issue des États généraux lancés par le Président de la République, nos concitoyens espèrent que de nouvelles mesures légales seront prises pour répondre efficacement aux problèmes qui gangrènent la société et détériorent le climat social dans nos territoires d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Martinique et la Guadeloupe connaissent, depuis plusieurs semaines, un mouvement social d’une ampleur sans précédent au cours duquel nous avons malheureusement assisté, à différentes reprises, à de véritables scènes d’émeutes.
Les deux îles sont en proie, en fait, à une véritable révolte populaire.
Révolte contre un mal-développement chronique, commun d’ailleurs aux quatre départements d’outre-mer, et dont les symptômes sociaux sont devenus proprement insupportables : des taux de chômage, notamment des jeunes et des femmes, sans équivalents dans l’Union européenne, des pourcentages de RMIstes en moyenne cinq fois supérieurs à ceux de métropole et une proportion de ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté deux fois plus importante ; en regard, un coût de la vie particulièrement élevé et une dégradation croissante du pouvoir d’achat !
Révolte contre les racines d’un mal-développement à rechercher dans un passé colonial qui continue de structurer les relations économiques entre la France et ses départements d’outre mer.
Révolte contre un type de société qui porte encore largement l’empreinte de ce passé et reste marqué par la persistance de beaucoup trop d’injustices, d’inégalités et de discriminations, affichées ou insidieuses.
Révolte contre le sort fait à toute une jeunesse qui sombre dans la désespérance.
L’opinion française a, bien sûr, découvert des réalités dont elle ignorait l’existence, mais il est tout de même étonnant qu’une telle surprise se soit manifestée au niveau de l’État et de la classe politique, devant l’ampleur et le caractère des événements, car cette situation était prévisible, et les cris d’alarme lancés par des élus de nos départements n’ont pas manqué.
En ce qui me concerne, je n’ai cessé, ici même, de faire état des risques résultant de l’aggravation constante de situations dont le caractère insupportable n’était pas suffisamment pris en compte.
C’est ainsi qu’en décembre dernier, lors de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », je tenais à souligner la multiplication de « signes inquiétants » et à alerter sur le fait qu’il existait « de sérieuses raisons d’inquiétude pour les mois à venir ».
Pour remonter plus loin dans le temps, en décembre 2000, évoquant les événements qui se déroulaient alors en Guyane, je disais déjà, à cette tribune, qu’il existait, dans nos départements d’outre-mer, « un terreau favorable à la survenue de tels événements, […] formé par l’intrication de trois facteurs fondamentaux : l’inadaptation des institutions, le mal-développement des territoires et le mal-être des hommes ». Et j’ajoutais : « La tentation a toujours été grande, ici, pour les responsables politiques de se voiler la face, de se satisfaire d’explications superficielles et faussement rassurantes. »
Nous touchons là à un problème fondamental : la véritable surdité constamment opposée aux élus d’outre-mer, en grande partie liée à une image singulièrement déformée de ces territoires et des peuples qu’ils représentent, une image passéiste, en décalage avec les discours convenus sur l’importance accordée à l’outre-mer et le rayonnement qu’il permet à la France d’exercer sur les trois océans.
En réalité, la pensée dominante présente toujours ces territoires comme de grands consommateurs de fonds publics que l’on ne parvient pas à sortir de ce que l’on appelle « l’assistanat » – sans toujours savoir de quoi l’on parle, d’ailleurs -, mais en occultant ce qu’ils apportent et ce qu’ils rapportent à la France et, plus encore, ce qu’ils pourraient apporter et rapporter si l’on s’attachait à promouvoir réellement leurs indiscutables atouts.
Sinon, comment expliquer, chaque fois qu’il est question d’un grand plan de développement pour l’outre-mer, la tendance souvent observée à limiter les moyens financiers, ou à les considérer comme exorbitants, au détriment des objectifs affichés ?
L’actuel projet de loi illustre malheureusement cette tendance. Dès sa conception, il y a plus d’un an et demi, c’est le point de vue du ministère des finances qui l’a emporté avec un objectif évident d’économies budgétaires. Cela explique d’ailleurs que l’on ait fait voter en décembre dernier, en dépit de l’opposition d’une majorité d’élus d’outre-mer, dans le cadre de la loi de finances, des dispositions relevant normalement de l’actuel projet de loi.
Il s’agit des dispositifs de défiscalisation et d’exonération de charges sociales patronales. Ceux-ci méritaient certainement d’être améliorés, avec deux objectifs : réduire les risques d’abus et d’effets pervers – oui ! – mais, surtout, accroître l’efficacité de ces instruments au service du développement et de l’emploi, ce qui devrait, notamment, amener à poser le problème – on ne le pose jamais – des contreparties à exiger pour les aides accordées.
Choisir de modifier ces dispositifs dans le cadre de l’examen d’une loi de finances ne pouvait, en fait, que tendre à privilégier la recherche d’économies budgétaires. L’adoption d’un système de dégressivité linéaire pour les exonérations de charges a ainsi permis 138 millions d’euros d’économies ; mais c’est au prix de conséquences négatives sur l’encadrement intermédiaire qu’il est, par ailleurs, indispensable de promouvoir. La suppression brutale de certains dispositifs de défiscalisation, quant à elle, fait peu de cas des conséquences prévisibles sur le secteur du bâtiment et des travaux publics et des besoins importants en matière de logement intermédiaire.
J’ai le sentiment, monsieur le secrétaire d’État, que vous auriez préféré vous inscrire dans une autre logique, surtout depuis que vous avez pu voir de plus près certains aspects de nos réalités ultramarines.
Mais c’est la première logique qui continue de s’imposer, contrairement d’ailleurs à ce que nous avait laissé entendre le Président de la République, lors de l’audience du 19 février. Elle sous-tend, en tout cas, les positions de la commission des finances, et je ne peux que déplorer les décisions que celle-ci a prises, notamment sur deux points.
Il s'agit, premièrement, du rejet des amendements tendant à atténuer les effets négatifs du système d’exonération de charges sociales patronales, pour les raisons que j’ai déjà données. À cet égard, je me félicite de l’existence d’un amendement du Gouvernement, qui, bien qu’insuffisant, va dans le bon sens. Il s'agit, deuxièmement, de l’inclusion du nouveau dispositif de défiscalisation du logement social dans le plafonnement des niches fiscales : elle rendra moins attractif un dispositif qui l’est déjà peu.
J’approuve, en revanche, la proposition tendant à permettre aux collectivités territoriales de donner un avis sur les propositions de défiscalisation préalablement à leur réalisation. Je veux tout de même rappeler que j’avais déposé un amendement en ce sens, en 2003, lequel avait reçu un avis défavorable de la commission des finances, au motif que « nous nous heurterions au secret fiscal dont relèvent les dossiers d’agrément ». Faut-il en déduire que certains amendements aujourd’hui rejetés deviendront des propositions de la commission dans quelques années ? (Sourires.)
Pour l’heure, en tout cas, les rejets sont nombreux – pas seulement au titre de l’article 40 – et force est de constater que la commission des finances ne laisse que peu de possibilités d’améliorer le projet de loi par des amendements parlementaires. C’est dire que l’amélioration du texte dépendra essentiellement de vous, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, et j’espère que vous aurez à cœur de reprendre certains amendements rejetés par la commission des finances.
Je veux tout particulièrement attirer votre attention sur l’amendement qui tend à la création d’une allocation d’autonomie et de parcours vers l’emploi, destinée aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans en situation de chômage, dès lors qu’ils s’inscrivent dans un organisme de formation ; ce dispositif est également destiné aux étudiants, en complément de leur bourse. Il s’agit là d’une revendication particulièrement mise en avant dans le cadre des récents mouvements sociaux.
Je ne peux évidemment pas, dans le temps qui me reste, évoquer les différents points sur lesquels le projet de loi mérite d’être amendé et complété, s’agissant notamment du forfait charges de l’allocation logement, de l’étalement des dettes fiscales et sociales pour aider, dans le contexte actuel, les petites entreprises en difficulté, de la gestion de la zone des cinquante pas géométriques, ou encore de la reconnaissance du fait syndical local outre-mer.
Je tiens cependant, avant de terminer, à déplorer l’absence d’un chapitre réservé au renforcement des ressources des collectivités territoriales d’outre-mer. Ces collectivités interviennent beaucoup plus encore que leurs homologues de métropole, tant dans le financement de l’investissement public que dans la réponse à une demande sociale particulièrement importante. Ces collectivités pâtissent, dans des proportions autrement plus pénalisantes qu’en métropole, de l’insuffisante compensation des ressources transférées par l’État.
En conclusion, l’actuel projet de loi comporte, certes, quelques avancées, mais qui n’en font toujours pas le grand projet « pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer » que l’on avait annoncé il y a près de deux ans ! Mais, ce qui est plus grave, il apparaît comme déconnecté des événements que nous sommes en train de vivre dans les départements d’outre-mer.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez encore éviter de susciter une grande déception, dans un contexte où il importe, au contraire, de redonner confiance et de raviver l’espoir. Il suffit pour cela que vous sortiez le débat qui va s’ouvrir du cadre convenu auquel nous ne sommes que trop habitués.
Il faut que vous acceptiez d’améliorer réellement le texte de ce projet de loi. Et, pour les questions qui ne pourraient vraiment pas être abordées – je pense aux revendications en cours de négociation sur les minima sociaux ou les retraites –, il faut que vous précisiez dans quel cadre législatif ou réglementaire ils pourraient être traités et à quelle échéance.
Mes chers collègues, saisissons l’occasion qui nous est donnée de montrer que notre assemblée a désormais la volonté d’aborder autrement les problèmes de l’outre-mer. Ce faisant, elle ne fera jamais que démontrer que les élus du peuple ont les moyens de faire entendre la voix du peuple ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Giraud.
M. Adrien Giraud. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte soumis aujourd’hui à l’examen et au vote de notre Haute Assemblée présente à mes yeux un mérite évident : il approfondit, en effet, plusieurs dispositions importantes de la loi du 21 juillet 2003 qui visait au développement d’une économie productive en outre-mer, tout en insistant sur les objectifs et les moyens d’une véritable politique du logement.
Je n’ai cependant aucun motif de vous cacher ma déception devant une lacune de ce texte qui, en l’état actuel de sa rédaction, écarte Mayotte de l’application de plusieurs mesures pourtant essentielles aux progrès de notre collectivité.
Ces deux observations me fourniront la trame de mon intervention.
Tout d’abord, il est bien vrai que votre projet de loi, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, répond à plusieurs attentes fortes des Mahorais. Parmi celles-ci, il en est une sur laquelle je souhaite appeler votre attention, je veux parler de la réduction de la fracture numérique.
L’article 5 du projet de loi prévoit, en effet, une aide au financement des projets de pose de câbles sous-marins de communication desservant pour la première fois les collectivités d’outre-mer, sous la forme d’une réduction d’impôts de 50 % portant sur la moitié du coût de revient hors taxes de l’investissement.
Cette mesure revêt pour nous une importance capitale. On n’insistera jamais assez, en effet, sur l’enjeu que représente, dans nos territoires éloignés et insulaires, un accès rapide et sécurisé au numérique. Pour nos entreprises, il s’agit bien entendu de pouvoir travailler plus efficacement grâce à tous les outils de la modernité. En cela, ce projet de loi répond parfaitement à nos attentes.
Mais, au-delà, internet est aussi un formidable portail ouvert sur l’extérieur, abolissant distances et frontières. Cet outil offre, aux citoyens ultramarins, la possibilité de suivre pleinement, et en temps réel, les activités de la métropole, mais aussi l’occasion de promouvoir leurs projets et de diffuser leur culture à destination de l’ensemble des Français.
C’est dire combien la réduction de la fracture numérique m’apparaît comme une priorité pour la connaissance, encore souvent insuffisante, de l’outre-mer et de ses nombreuses potentialités pour les années à venir.
Il serait néanmoins naïf de penser que nous atteindrons un tel objectif par une simple mesure d’aide à l’installation de câbles sous-marins. Certes, les entreprises devraient immédiatement profiter de cette mesure, mais ce ne sera pas le cas de l’immense majorité des citoyens, qui ne possèdent pas d’ordinateur.
Nous espérons ainsi que le Plan France numérique 2012, porté par le secrétaire d’État chargé du développement de l’économie numérique, apportera un soin tout particulier à l’outre-mer, où les besoins sont encore plus grands et plus pressants que dans le reste de la République.
Il n’est pas douteux que le développement équilibré de l’outre-mer ne peut trouver que des avantages à la mise en œuvre, à bon escient, de ces technologies modernes.
Un autre motif de satisfaction réside, pour moi, dans l’effort budgétaire en faveur du logement social, ainsi que de l’extension, à Mayotte, des compétences de l’Agence nationale de l’habitat.
Il faut effectivement rappeler le travail considérable qui a été réalisé, depuis longtemps, par la Société immobilière de Mayotte, la SIM, dans les domaines de la construction de logements et de l’aménagement modernisé de nos villages. Ce travail a obtenu d’éclatantes distinctions nationales et européennes au titre des progrès accomplis et des résultats obtenus pour le nombre et la qualité des logements sociaux à Mayotte.
Malheureusement, notre territoire ne semble pas bénéficier, sur les autres aspects du projet de loi, de la même attention. Je veux parler des dispositions, pourtant centrales dans ce projet, qui concernent les zones franches globales d’activités.
J’ai eu l’occasion, lors de la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009, de souligner l’importance fondamentale qu’avait à mes yeux le développement d’une véritable économie productive à Mayotte. Le dispositif des zones franches globales d’activités répond exactement à cet objectif, puisqu’il vise à « favoriser le développement endogène des secteurs clés de l’économie pour créer des emplois nouveaux ».
Certes, j’ai bien conscience que la fiscalité relève des compétences de la collectivité départementale de Mayotte et qu’il était donc impossible d’étendre ce dispositif, sans adaptation, à notre territoire. Toutefois, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas oublié votre promesse de l’intégrer à une loi relative à Mayotte qui ferait suite à la départementalisation.
Il n’empêche que ce projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer me laisse un sentiment un peu amer, car il a été rédigé avant tout pour les actuels départements d’outre-mer, laissant les autres collectivités sur le bord du chemin.
Cette impression est confirmée par le fait que certaines dispositions de ce projet de loi excluent Mayotte de leur application. Je pense, en premier lieu, au dispositif d’aide à la rénovation hôtelière institué, à l’article 13, pour les petits hôtels de moins de cent chambres situés dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le tourisme est un secteur d’activité essentiel à Mayotte, dont le lagon est réputé être l’un des plus grands du monde. Dès lors, pourquoi priver notre collectivité de cette aide à la rénovation hôtelière, qui lui serait, à tous égards, profitable ?
La restriction du champ d’application géographique serait, nous dit-on, justifiée par le fait que les autres collectivités ultramarines sont compétentes en matière de tourisme... Mayotte ne répondrait pas à ce critère, alors que l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon a été inclus dans l’application du même article pour la faiblesse et l’ancienneté de son parc hôtelier. De surcroît, dans son rapport, la commission des finances souligne, à juste titre, que « ces arguments pourraient être mobilisés pour d’autres collectivités, comme Mayotte ou Saint Martin ».
Tout cela est d’autant plus dommageable que le développement du tourisme devrait stimuler l’ensemble de l’économie mahoraise.
Il est donc urgent de mettre en chantier la construction d’une piste longue sur l’aéroport de Dzaoudzi Pamandzi, permettant la liaison directe entre Mayotte et la métropole. La signature de la convention aéroportuaire annexée au contrat de projets 2008-2014 pour Mayotte nous laisse espérer le démarrage prochain des travaux. Il sera indispensable d’élargir les conditions et les moyens de la desserte aérienne de Mayotte, afin de rendre attractifs les tarifs proposés aux Mahorais comme aux touristes.
Dans le même sens, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un parc naturel marin sur l’ensemble de notre lagon nous permettrait à la fois de protéger ce patrimoine naturel exceptionnel et de mieux le faire connaître et apprécier par les grands circuits touristiques. Où en est la réflexion sur ce dossier ?
Enfin et surtout, il est clair aujourd’hui que le développement économique et social d’une collectivité est largement tributaire du niveau de formation de sa population. Or la population mahoraise, qui est jeune, connaît de graves lacunes en matière d’éducation. L’INSEE, suite au recensement de la population du mois de juillet 2007, a souligné que « le retard scolaire est une caractéristique marquante de la population mahoraise ».
Dans un tel contexte, le dispositif du service militaire adapté, le SMA, qui offre à des jeunes déscolarisés la possibilité de suivre une formation professionnelle et d’obtenir, au terme de leur volontariat, un diplôme, est tout à fait essentiel.
Je souhaiterais, en conséquence, que ce dispositif soit encore développé et que l’on parvienne à un doublement des effectifs dans les trois années à venir. Nous aurons le temps, d’ici à la prochaine discussion budgétaire, de mieux définir les modalités d’une telle évolution, si hautement souhaitable.
Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme d’une trop longue attente, les Mahorais seront consultés, le 29 mars prochain, sur l’évolution de leur statut vers celui de département français d’outre-mer. Je tiens à redire toute ma gratitude à M. le Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a tenu à respecter ses engagements vis-à-vis de Mayotte.
J’espère qu’après notre réponse « franche et massive », un projet de loi spécifique pour Mayotte nous sera soumis très rapidement, afin d’accompagner notre collectivité sur la voie de la départementalisation. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement a déclaré l’urgence, le 16 février 2009, sur un texte déposé le 28 juillet 2008... Or, si urgence il y avait, c’était bien du côté de l’outre-mer !
Les luttes engagées par nos concitoyens en Guadeloupe, en Martinique et, aujourd’hui, à la Réunion sont exemplaires : il faut changer de modèle de développement économique et social en outre-mer. À cet égard, ce projet de loi est encore une occasion manquée !
L’accord signé après six semaines de grève générale en Guadeloupe montre, par l’exhaustivité des sujets engagés, qu’il s’agit bien d’une urgence vitale et sociale. En contrepoint, le texte proposé à notre assemblée est en décalage complet avec les attentes et les espoirs immenses soulevés par les mouvements sociaux des dernières semaines.
Malgré l’ajout, tardif, de mesures en faveur du pouvoir d’achat, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer porte bien mal son titre. À l’instar des lois Pons, Girardin, Perben et Baroin, il fait encore la part belle aux exonérations de charges et autres exemptions fiscales, qui ont eu pour seul point commun, depuis des décennies, d’accroître les inégalités de revenus et de ressources entre ces territoires et la métropole.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut cesser d’argumenter, comme vous le faisiez encore devant la commission des finances la semaine dernière, sur les efforts financiers de l’État, car le développement économique des départements d’outre-mer ne doit plus être celui de mesures de pure opportunité fiscales ou financières réservées à quelques groupes, voire à quelques individus.
Il est temps de passer d’une économie de rente à l’action pour un développement économique endogène, respectant les ressources et les potentialités ainsi que la situation géographique propres à chaque département et collectivité ultra-marine.
L’énumération des mesures fiscales comprises dans ce projet de loi est impressionnante, d’autant qu’aucune approche critique ni évaluation rigoureuse n’a été menée sur leurs supposés bienfaits depuis vingt ans. Or ceux-ci paraissent bien minces aux yeux de l’immense majorité de nos compatriotes d’outre-mer, dont le souci premier est la vie chère.
Le remède à la vie chère ne réside en aucun cas dans les zones franches, dans les véhicules de défiscalisation ou dans les dispositions transitoires en matière de revenus de transfert. Il faut donner véritablement du pouvoir d’achat par des hausses de salaire, une réduction de la TVA et la mise en place d’une politique du crédit et du microcrédit qui soit immédiatement favorable à ceux, toujours plus nombreux, en particulier parmi la jeunesse et les travailleurs, qui doivent faire face aux difficultés du quotidien.
Les conditions du développement des économies locales, dans leur diversité, ne sont pas réunies : les territoires d’outre-mer veulent s’affranchir de leur dépendance vis-à-vis de la métropole et de l’Europe, si lointaine, pour promouvoir des liens propres avec les pays voisins, des accords régionaux de partenariat.
Le modèle de domination coloniale a montré ses limites en termes socio-économiques. Des sources de richesse locales doivent être promues en rendant le foncier à sa vocation agricole et nourricière première, plutôt que de le dédier à la spéculation immobilière ; en développant les énergies renouvelables comme sources d’indépendance énergétique des territoires ; en mettant l’accent sur la formation primaire et professionnelle des Domiens ; en développant la commande publique et en assurant aux collectivités locales des moyens pérennes pour conduire leur avenir et renforcer la cohésion sociale.
Rien de tout cela n’est rendu possible par les mesures contenues dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui !
Les États généraux de l’outre-mer annoncés pour le printemps et la mission commune d’information parlementaire confiée à certains de nos collègues apporteront-ils des réponses aux graves questions posées par nos concitoyens ?
Quoi qu’il en soit, et en l’état du texte qui nous est proposé, le groupe CRC-SPG ne votera pas le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi pour le développement économique et la promotion de l’excellence en outre-mer tend à un double objectif.
Premièrement, il vise à créer une zone franche par de larges exonérations de charges qui, d’une part, permettront aux entreprises d’améliorer leur rentabilité et, d’autre part, leur offriront une possibilité d’exportation dans la zone.
Deuxièmement, il tend à améliorer, à la suite des diverses évaluations qui ont été faites, le mécanisme de défiscalisation, celui-ci n’ayant pas toujours démontré une efficacité totale.
La création de zones franches d’activités, j’en suis convaincue, ne permettra pas aux entreprises des Antilles d’occuper une place importante au sein de la Caraïbe, même si nous sommes exportateurs dans le domaine des technologies de pointe.
Nous sommes, en effet, confrontés à un dilemme.
D’un côté, le niveau de vie aux Antilles - nous souhaitons l’améliorer - est inférieur à celui de la métropole et, de l’autre, le niveau de vie des Antilles est bien supérieur à celui de la Caraïbe.
Cela explique pourquoi les Français de la métropole préfèrent aller en vacances dans les îles de la Dominique et de Sainte-Lucie plutôt que dans d’autres îles des Antilles.
Cela démontre aussi pourquoi la vente de produits français de qualité est beaucoup plus développée dans la Caraïbe que dans les Antilles.
Que doit-on faire ?
La France doit avoir le courage, d’une part, de pallier ces disparités à l’occasion des négociations qui ont lieu dans le cadre du Fonds européen de développement, le FED, et, d’autre part - je vous l’ai dit ce matin, je le répète pour la énième fois -, dans le cadre de sa politique de coopération, d’imposer sa présence dans les instances caribéennes, au sein du CARICOM et du CARIFORUM, plutôt que de continuer à donner à l’Europe un blanc-seing pour négocier en son nom.
Ce projet de loi, toutefois, porte une autre approche de la défiscalisation, qu’il me plaît de souligner, parce que c’est une réponse plus efficace au problème du logement social.
En ce sens, je considère que ce texte aborde aussi la question de la répartition des richesses en outre-mer, que la crise actuelle a mise en évidence.
Le Gouvernement, en effet, ne pouvait plus continuer à donner le sentiment à nos compatriotes que le développement ne profitait qu’à une seule catégorie sociale.
Mme Nicole Bricq. C’était pourtant la réalité !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je salue donc le courage politique que vous avez eu d’aborder ces questions, dans des conditions parfois très difficiles, monsieur le secrétaire d'État, et j’en témoigne, et de moraliser la défiscalisation.
Il est pour le moins surprenant que certains élus, sur le terrain, continuent de soutenir une défiscalisation qu’ils n’ont pas votée et qui est confisquée au service de quelques-uns. (M. le secrétaire d'État opine.)
M. Jean Arthuis. Très bien !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Il est pour le moins surprenant qu’ils n’aient pas compris le message du Gouvernement, en restant enfermés dans le carcan de leur politique politicienne, au moment où, justement, la crise commande à la France de mettre en place une politique plus juste et plus équitable, qui permette à chacun de trouver sa place dans la République.
Il n’est plus possible dans la société française, sur un territoire comme celui de la Guadeloupe, de pérenniser un système où la moitié de la population vit des minima sociaux, avec un taux de chômage de 25 % qui frappe les plus jeunes.
Je suis, et je l’ai toujours été, contre le revenu minimum d’insertion, le RMI, comme je suis contre le revenu de solidarité active, le RSA. Je vous demande d’appliquer le RSA à la condition expresse que les gens travaillent. La seule façon de sauver l’outre-mer, c’est de remettre l’outre-mer au travail et d’arrêter l’assistanat ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Nous avons le devoir d’aller plus loin, et nous en avons le courage. La dignité, c’est le travail, a dit le Président de la République, et il a été applaudi par la jeunesse.
La question de la répartition des richesses est posée ; c’est par le travail que nous obtiendrons plus de cohésion sociale. Refuser de l’admettre, c’est créer les conditions de la situation que nous venons de vivre.
Sur la question de la zone franche, vous avez eu le courage de reconnaître que la Guadeloupe est un archipel et, dans ce cadre, une attention particulière a été portée aux îles du Sud. Il faudra simplement s’assurer que ces zones franches d’activités vont vraiment permettre, pour les îles du Sud, notamment les petites îles de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut, un décollage des petites économies. J’aurai d'ailleurs l’occasion de souligner les points sur lesquels il faut faire porter l’effort.
Mais je ne peux pas m’empêcher, monsieur le secrétaire d'État - je m’adresse à vous particulièrement puisque nous en avons parlé plusieurs fois -, de vous faire part de mon inquiétude concernant la Côte-sous-le-vent.
Le poumon de la Côte-sous-le-vent, c’est la ville de Basse-Terre, capitale administrative de la Guadeloupe. Et pourtant, toutes les administrations de Basse-Terre vont s’installer à Pointe-à-Pitre. Quant aux propositions que j’ai faites sur le découpage en matière de justice, je n’ai pas eu de réponse.
Cela fait quinze ans - cela me donne un certain âge, mais j’en suis fière -, quinze ans que je dis que le port de Basse-Terre doit siéger au conseil d'administration du port autonome. J’en ai parlé à Dominique Bussereau, à ses collaborateurs et aux vôtres. J’ai toujours le sourire, mais dois-je vous la jouer à la Domota pour que vous m’entendiez ? (Sourires.)
Vous venez d’allouer 300 millions d'euros aux Abymes et à Pointe-à-Pitre, pour résorber l’habitat insalubre, mais rien pour l’une des villes les plus belles de la Guadeloupe, Basse-Terre, dont je suis le maire depuis mars 2008.
C’est pourtant dans cette ville que se trouve un symbole emblématique de la lutte contre l’esclavage, qui n’est pas désuète, et de la résistance par la dignité ; je peux parler du Fort Delgrès, qui rappelle l’histoire du colonel Louis Delgrès. Cela devrait être un moyen de transmettre à la jeunesse l’idée que le courage consiste, non à pleurnicher sur l’esclavage, mais, comme le font certains, à résister, et que la résistance est une vertu.
Il y aura bientôt dix ans, c’était le 1er décembre 1999, avec mon collègue socialiste de la Guyane, mon collègue indépendantiste de la Martinique, nous avons eu le courage de dire qu’il y avait des dysfonctionnements, des inadaptations. Nous avons alors proposé au Gouvernement un programme de développement cohérent, fondé sur ce seul principe : la dignité par le travail.
Mais tout a été organisé en métropole pour démolir ce projet. Je savais que j’allais perdre le conseil régional, mais entre gagner une assemblée ou gagner la dignité de la Guadeloupe, j’ai préféré la dignité de la Guadeloupe.
Pourquoi ce projet a-t-il échoué ? J’ai le courage de le dire, ici, avec force : ce projet ne sortait pas de la métropole, il venait des Antilles…
Alors, j’ose espérer que les États généraux de l’outre-mer seront pour moi l’occasion non d’attendre mais de proposer, car – c’est ma devise - l’outre-mer doit être une force de proposition. Si nous voulons que la France nous entende, nous ne devons pas rester passifs à attendre qu’on nous donne.
La France, en effet, a contribué à l’émergence en outre-mer d’une élite fondée sur le savoir-faire français. Mais le France donne le sentiment qu’elle continue à cautionner une politique de lobby au mépris de l’intelligence locale, comme si elle ne nous faisait pas confiance.
C’est le général de Gaulle qui s’est exclamé, à la préfecture de Basse-Terre : « Comme elle est blanche, la Guadeloupe ! ». Quant à François Mitterrand, il a dit, à la mairie de Basse-Terre : « Il y a trop de petits Napoléon chez les fonctionnaires. » N’oubliez jamais cette phrase ! Ce sont ces petits Napoléon qui, dans les différents services de l’État, provoquent les dysfonctionnements qui font la révolte d’aujourd'hui.
Pour pérenniser les avantages obtenus en faveur de la population, il faut changer les structures politiques. Il ne s’agit aucunement d’une politique de rupture avec la métropole, mais on ne peut pas non plus continuer à colmater des brèches. Nous devons maintenant trouver des solutions pérennes.
Je l’ai dit tout à l’heure à mes collègues, l’outre-mer subit trop les discours ravalant les Antilles à de véritables économies de comptoir, tournées vers la seule consommation de rentes administratives, profitant de systèmes sans y contribuer pour quoi que ce soit, où les entreprises ne survivraient que grâce à des subventions de toutes sortes.
Il faut dépolluer la métropole de ces clichés et de ces fausses informations.
La politique, pour moi, est un acte de courage. Le bonheur, pour moi, ne se trouve que dans le travail, et non dans l’assistanat ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
Le Gouvernement est confronté, d’une part, aux aspirations profondes d’une population qui s’inquiète de la préservation de son histoire - de notre histoire -, qui s’inquiète de son mode de vie, de sa qualité de vie. Personne n’a le monopole du bonheur.
Il est, d’autre part, confronté aux questions sociales et sociétales que pose l’outre-mer. Nous avons, vous avez aujourd'hui le devoir historique d’y répondre franchement, afin d’éviter que de petites fissures n’engendrent demain des fractures, alors que l’Histoire, les valeurs humaines et républicaines de la métropole et de l’outre-mer sont indissociables. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en ce 10 mars 2009, nous examinons dans un contexte très particulier le projet de loi d’orientation pour le développement économique de l’outre-mer.
Je souhaite tout d’abord faire plusieurs remarques sur les circonstances qui conduisent à l’examen de ce texte aujourd’hui par le Parlement.
Il a, en fait, été rédigé en grande partie il y a presque deux ans maintenant, soit avant la crise financière et économique mondiale que nous traversons.
Cette crise sévère a sans doute amplifié les tensions déjà existantes outre-mer et contribué ainsi à déclencher le conflit social sans précédent que nous connaissons.
Dès le début, le texte qui nous est soumis n’a recueilli l’assentiment ni des socioprofessionnels, ni des élus locaux, ni de la plupart des parlementaires de l’outre-mer, toutes tendances politiques confondues.
Ses principales mesures remettent, en effet, en cause la plupart des instruments de soutien à l’économie des départements d’outre-mer, qui, pour imparfaits qu’ils étaient, avaient tout de même le mérite de commencer à produire de premiers effets en termes de développement économique et de création d’emplois.
Nous examinons donc en urgence un texte remanié en catastrophe, mais qui, en réalité, ne répond toujours pas aux enjeux de développement ni de la Guadeloupe, ni de la Martinique, ni de la Guyane, ni de la Réunion, et surtout pas aux attentes de ceux qui sont encore dans la rue !
Que de malentendus, monsieur le secrétaire d'État ! Que de temps perdu ! Que de gâchis ! Un homme, Jacques Binot, a été assassiné, des magasins ont été saccagés !
Cette fois-ci, le pourrissement de la situation n’aura pas eu raison des revendications légitimes des Martiniquais et des Guadeloupéens.
Elles trouvent leur source dans les préoccupations concernant la cherté de la vie, qui porte en elle misère et drames pour les plus vulnérables. Mais, à l’occasion de ces manifestations, l’économie n’a pas été le seul sujet amené sur la place publique ; c’est tout le schéma socio-historique particulier à nos îles qui a été décortiqué et porté à la connaissance de tous.
Si la dégradation du pouvoir d’achat, plus prégnante encore en outre-mer qu’en métropole, a été un élément déclencheur pour pousser les gens dans la rue, il faut discerner la véritable nature de cette crise au plan local pour y répondre.
Il s’agit, bien sûr, d’une crise économique et sociale, mais plus largement, il s’agit véritablement d’une crise de société.
Ce que disent les dizaines de milliers de Guadeloupéens et de Martiniquais qui occupent la rue semaine après semaine depuis plus d’un mois, ce n’est pas seulement que les prix sont scandaleux et les salaires insuffisants. Ce qu’ils disent, c’est que le régime de l’exclusif postcolonial doit cesser et faire place au véritable développement économique, en lien avec la réalité de l’environnement de ces territoires.
Ce qu’ils disent aussi, c’est que l’État ne peut pas être éternellement complice de la perpétuation d’un système illégal, fondé sur des ententes oligopolistiques, mais qu’il doit au contraire assumer son rôle de contrôle et de régulation.
Ce qu’ils disent encore, c’est qu’en tant que citoyens de la République ils ne réclament ni l’aumône ni l’assistanat, mais tout simplement les conditions réelles de l’égalité.
Ce qu’ils disent enfin, c’est qu’ils n’ont nul besoin d’interlocuteurs condescendants, drapés dans les habits trop usés de l’amour paternaliste, mais qu’ils attendent de partenaires véritablement intéressés à enfin comprendre et relever les défis considérables auxquels sont confrontés nos territoires.
Le Président de la République a semblé mesurer la gravité de cette crise en annonçant la tenue, très rapide, d’États généraux dans chacun des départements d’outre-mer - c’est une bonne initiative – et la possibilité de mesures d’urgence en attendant. Dès lors, pourquoi s’obstiner à examiner un texte qui n’est pas adapté ?
Il eût été préférable de tirer les enseignements de ces États généraux avant de légiférer, comme l’a souligné ce matin Marc Massion, corapporteur. C’est une question de méthode, à moins qu’on ne veuille une fois de plus se contenter d’effets d’annonce !
Venons-en, maintenant, au contenu de ce texte.
Celui-ci prévoit un développement économique endogène, mais c’était déjà le cas de la loi de 2003, avec un soutien à l’investissement, à l’emploi et à la production locale ! Programmée pour quinze ans, son interruption brutale a eu pour effet de briser la confiance des socioprofessionnels.
Avec le plafonnement, dans la loi de finances pour 2009, des défiscalisations mises en place afin de favoriser les investissements outre-mer, cette belle volonté avait déjà reçu un coup d’arrêt massif. Nous avions alors dénoncé, sans être entendus, comme d’habitude, les effets pervers qui risquaient d’en découler.
Ce même budget réduisait aussi de 150 millions d’euros les exonérations de charges sociales pour les entreprises. Là encore, nous dénoncions l’incongruité de la mesure, sans être entendus, comme d’habitude ! Or, lors de la réunion du 19 février dernier à l’Élysée, le Président de la République annonçait, magnanime, une enveloppe supplémentaire de… 150 millions d’euros pour financer des améliorations dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.
Mais de quelles améliorations s’agit-il en réalité ? Dans quels secteurs cette enveloppe sera-t-elle redéployée ?
Il est prévu d’augmenter le nombre des secteurs prioritaires dans le cadre des zones franches d’activités. Il s’agit, en fait, d’ajouter un secteur. Cette harmonisation n’est que la réponse aux revendications unanimement exprimées depuis longtemps.
Le régime applicable aux zones franches d’activités pose un certain nombre de questions. Par exemple, la durée d’exonération est au total de dix années, mais le taux ne s’applique que pendant les sept premières années, puis devient dégressif les trois années suivantes. Les mesures prévues dans la loi de 2003 devaient être d’une durée de quinze ans. Celles dont nous discutons actuellement s’achèveront, elles aussi, en 2017, à la différence près qu’elles sont moins favorables pour les professionnels. Le compte n’y est donc pas !
Est aussi programmé un aménagement de la dégressivité des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, votée dans le cadre de la loi de finances de 2009, mesure à laquelle nous nous sommes opposés dans le principe, car ce système est défavorable à la hausse des salaires moyens et handicape particulièrement l’embauche des cadres intermédiaires.
En réalité, monsieur le secrétaire d’État, vous aménagez cette disposition, par voie d’amendement, et pour partie seulement, sans revenir sur la suppression de la dégressivité des charges patronales. L’exonération des charges était pourtant l’un des éléments majeurs des négociations sur les augmentations de salaires en Martinique ! L’enjeu était d’assurer une meilleure redistribution des revenus, et non un quelconque assistanat !
Il s’agissait également de permettre une relance des économies des outre-mers par la consommation. C’est exactement ce qu’a exprimé la rue : les salariés grévistes ont exigé du « yo », les profiteurs, un meilleur partage de la richesse.
Pour ce qui concerne les mesures pour le logement, vous aviez, semble-t-il, oublié, monsieur le secrétaire d’État, que la défiscalisation dans le secteur du bâtiment a fait ses preuves en matière d’aide à l’investissement. Vous réintroduisez donc partiellement, par voie d’amendement, une fois de plus, la défiscalisation sur le logement intermédiaire, initialement supprimée avec celle qui concernait le logement libre, pour la redéployer exclusivement sur le logement social.
Nous sommes sceptiques sur le bien-fondé d’une mesure qui n’est souhaitée ni par les élus locaux ni par les acteurs du logement social, car le dispositif de défiscalisation ne semble pas assez attractif financièrement pour fonctionner, d’où une crainte de baisse d’activité dans le secteur, particulièrement porteur, du bâtiment. Il ne sera pas suffisant pour répondre aux besoins locaux, d’autant que le nombre de logements construits est en baisse constante depuis trois ans.
Nous souhaitons donc que soit maintenue la défiscalisation au profit du secteur intermédiaire et du secteur libre.
Nous craignons également que, malgré vos dénégations, la ligne budgétaire unique, qui finance le logement social outre-mer et qui est déjà insuffisante, ne baisse encore.
Pour ce qui relève des aides fiscales à la réhabilitation des logements, il s’agit de rétablir, par voie d’amendement, une mesure existant dans le système actuel, que ce projet de loi a supprimée.
D’autres amendements du Gouvernement réintroduisent quelques mesures demandées. Mais que proposez-vous pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans, pour les bénéficiaires des minima sociaux ou encore pour les vieux travailleurs, ceux qui ont débuté sans connaître la sécurité sociale ? Ce sont les grands oubliés de votre politique de rattrapage des inégalités qui frappent les outre-mers.
Comment avez-vous pu laisser sur le bord de la route ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés ? Et comment pensez-vous redonner de l’espoir aux jeunes adultes en difficulté dans leur parcours d’insertion professionnelle ? Cette population est passée par pertes et profits dans vos mesures d’amélioration de la LODEOM, alors même que, chacun le sait, 50 % des chômeurs de nos régions sont des jeunes, et souvent qualifiés.
Pour toute réponse, l’article 27 de ce projet de loi supprime le dispositif de soutien aux jeunes diplômés, sans rien prévoir en remplacement ! Pourquoi ne pas étendre aux DOM le contrat d’autonomie mis en place en métropole en faveur des jeunes défavorisés des banlieues ?
Monsieur le secrétaire d’État, les événements que la Guadeloupe et la Martinique ont connus vous ont obligé à revenir, en apparence et en partie, sur vos positions. Présenté comme un outil de développement, ce texte manque cependant d’ambition et de souffle ; il est en réalité un texte de restrictions et d’économies budgétaires, et l’injection tardive de 150 millions d’euros ne changera pas son économie générale.
Il n’est pas certain que nous pourrons le réécrire par voie d’amendements pour prendre en considération non seulement les conséquences de la crise sociétale et économique en outre-mer, mais également les enjeux d’un véritable développement de nos territoires.
Pendant que nous sommes ici à débattre en urgence d’un texte inadapté, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la rue continue à gronder en Martinique ! Les écoles, les mairies, les entreprises de production, les commerces sont à l’arrêt depuis plus d’un mois ! Des États généraux sont prévus dans quelques semaines, mais peut-on les tenir sur un tas de cendres ? Quelle application pourrez-vous faire de cette loi une fois que les conclusions de ces États généraux seront venues en rappeler, une fois encore, les très grandes insuffisances ?
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, écoutez les parlementaires de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Réunion ! Je vous le demande solennellement, écoutez bien les outre-mers, sauf à avoir fait un autre choix, dont les conséquences seraient dramatiques, mais que vous devriez alors assumer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment où débute l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, je ne pourrais entamer cette intervention sans exprimer toute ma solidarité à mes collègues de Guadeloupe, qui ont vécu, ces derniers temps, des moments intenses et difficiles.
Vous le savez, la collectivité de Saint-Barthélemy est restée liée à la Guadeloupe dans le cœur, et ses habitants ont suivi avec un intérêt fraternel les événements qui s’y sont déroulés.
Monsieur le secrétaire d’État, je dois vous dire que je n’ai pas douté de votre totale implication dans la gestion de ce conflit, et je demeure convaincu que vous avez employé un langage clair et dit de nombreuses vérités.
Je crois également que les tensions qui se sont exprimées outre-mer ont non seulement traduit des inquiétudes communes, mais aussi révélé les particularités de chacune des collectivités. C’est pourquoi l’approche différenciée qui a été retenue avec la LODEOM me semble la plus pertinente.
Si vous me permettez une parenthèse institutionnelle, je dirai que les choix aussi bien économiques qu’institutionnels de Saint-Barthélemy incarnent et démontrent que chaque territoire d’outre-mer peut s’emparer de son développement, construire sa responsabilité en tenant compte de ses réalités locales, tout en restant dans le cadre républicain.
M. Éric Doligé, rapporteur. Bravo !
M. Michel Magras. Après un peu plus d’un an, le cadre de l’article 74 a permis l’épanouissement de Saint-Barthélemy, qui a lié un choix de statut à un modèle de développement économique.
N’ignorant pas le débat institutionnel qui ne manquera pas de s’ouvrir dans les DOM avec les États généraux, et sans faire de prosélytisme, sachez, mes chers collègues, que la collectivité de Saint-Barthélemy est disposée à vous ouvrir ses portes et à vous faire part de son expérience.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, les choix de Saint-Barthélemy expliquent qu’elle soit relativement peu concernée par les mesures inscrites dans le texte que vous nous soumettez.
Je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles le maintien du dispositif d’exonération de cotisations patronales était vital pour les entreprises. Mais, dès lors qu’il s’agit de tenir compte du tissu économique et d’alléger les coûts d’exploitation des entreprises, je veux attirer votre attention sur les caractéristiques de l’économie de Saint-Barthélemy.
Tout d’abord, chacun doit garder à l’esprit qu’il convient de distinguer le niveau de vie de la clientèle touristique de celui des résidents de l’île, faute de quoi on ne peut que céder aux clichés qui donnent malheureusement une image déformée de Saint-Barthélemy.
Structurellement, l’économie de l’île est dominée par trois secteurs : le tourisme, le commerce et le BTP. En dehors d’une petite industrie artisanale de produits cosmétiques, elle ne dispose d’aucune activité productive, alors que le coût de la vie est plus élevé qu’ailleurs outre-mer en raison de la double insularité de Saint-Barthélemy.
Une large part des entreprises se trouvent donc exclues du dispositif d’exonération de cotisations patronales, entraînant une forme de distorsion de concurrence locale.
Je souhaite donc que le Gouvernement tienne compte de cette structure particulière en étendant à Saint-Barthélemy le bénéfice de l’exonération des cotisations patronales au secteur du petit commerce, acteur majeur, avec le tourisme, de l’équilibre économique local, et secteur tout aussi exposé que ce dernier.
En effet, en ces temps de crise économique, le commerce pâtit, comme le secteur touristique, de la diminution de la fréquentation dont il dépend au même titre que les hôteliers, qui, eux, contrairement aux commerçants, bénéficient des mesures d’exonération plus avantageuses que celles de la loi Fillon sur les salaires.
En ce qui concerne la défiscalisation des investissements, la collectivité de Saint-Barthélemy s’est déterminée au regard de plusieurs aspects. Idéalement, elle aurait préféré que le territoire ne soit pas éligible. En effet, du fait du statut fiscal, ce ne sont pas les investissements des entreprises implantées localement qui bénéficieront désormais de ce dispositif. La défiscalisation en tant qu’outil destiné à attirer les investisseurs extérieurs à l’île par le jeu d’une fiscalité avantageuse n’est pas adaptée au projet économique de Saint-Barthélemy. Ce projet vise, au contraire, à ne pas rompre l’équilibre économique en suscitant des investissements d’opportunité attirés par la perspective de l’effet d’aubaine, car toute la stratégie de Saint-Barthélemy repose sur la cohérence et la maîtrise de son développement économique.
Je dois toutefois préciser qu’il serait erroné, et hypocrite, d’ailleurs, de penser que Saint-Barthélemy souhaite développer une économie autarcique refusant tout apport de l’extérieur. Nous sommes seulement persuadés que le fait d’attirer des investissements par le biais de la fiscalité comporterait un risque de déstabilisation économique trop important, d’autant plus que l’île est devenue fiscalement attractive, depuis qu’elle jouit de son nouveau statut. La collectivité entend plutôt privilégier les investissements qui sont décidés d’abord pour la rentabilité intrinsèque de l’opération – je pense en particulier au secteur hôtelier ou à la navigation de plaisance –, à la condition qu’ils s’inscrivent en cohérence avec la politique définie globalement, comme la préservation de certaines zones. C’est un choix avec lequel on peut être ou pas d’accord, mais nous l’assumons.
La collectivité a aussi considéré que le fait d’attirer des investissements dans des secteurs d’intérêt général, tels que les énergies renouvelables, la production d’eau ou le traitement des eaux usées, l’élimination des déchets ou les nouvelles technologies, pouvait revêtir un intérêt non négligeable.
Elle s’est ensuite positionnée en tenant compte de son environnement régional immédiat, principalement la collectivité voisine de Saint-Martin, et de la fiscalité applicable aux investissements.
Ainsi, il est apparu qu’en souhaitant l’exclusion de Saint-Barthélemy du champ de la défiscalisation dans certains secteurs les entreprises se trouveraient exposées à la concurrence de celles qui auraient bénéficié de la défiscalisation de leurs investissements dans l’île voisine, tout en pouvant exercer leurs activités à Saint-Barthélemy.
Je remercie la commission des finances d’avoir introduit dans le texte qu’elle nous présente la possibilité pour les collectivités d’outre-mer d’être informées des projets de réalisation d’investissements sur leur territoire, avec la possibilité d’émettre un avis.
Je proposerai néanmoins que cette faculté soit renforcée et que l’avis rendu par la collectivité de Saint-Barthélemy soit plus qu’un avis simple. N’y voyez pas, mes chers collègues, l’expression d’un manque de confiance à l’égard des services chargés d’examiner les demandes d’agrément, mais plutôt un signe adressé aux investisseurs potentiels, pour leur indiquer que leurs investissements doivent être réalisés en concertation avec la collectivité et en cohérence avec la stratégie économique locale.
J’ai également noté avec satisfaction la généralisation de la procédure d’agrément, qui, comme le soulignait M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, devrait contribuer à favoriser un « bon usage de la défiscalisation ». Je partage en tout point cette position.
La défiscalisation du logement social est un autre aspect de ce texte par lequel Saint-Barthélemy se singularise. C’est encore une position que je dois assumer. Je vous proposerai donc, mes chers collègues, un amendement visant à exclure Saint-Barthélemy de ce dispositif.
Pourquoi ? Il faut savoir que, à Saint-Barthélemy, le logement locatif libre peut être considéré comme un secteur économique à part entière. De plus, il joue un rôle de régulateur en constituant une source de revenus complémentaires pour de nombreux résidents. En outre, son existence explique en partie un taux de chômage très bas, en dépit de l’étroitesse du marché du travail, ainsi qu’un très faible nombre de bénéficiaires de minimas sociaux.
L’autre aspect de cette réalité est le niveau très élevé des loyers, qui sont en moyenne de 10 % à 20 % plus chers que ceux de l’Île-de-France.
Ensuite, au regard du niveau des prix du foncier, la construction de logements sociaux à Saint-Barthélemy au prix du mètre carré plafonné pour la défiscalisation est irréalisable. C’est une première raison pour laquelle il n’y a pas lieu de maintenir Saint-Barthélemy dans le champ d’application de ce dispositif.
La deuxième raison est que, dans le contexte actuel, un tel dispositif comporte un risque, même très faible, de susciter de la spéculation foncière.
La troisième raison est que nous ne souhaitons pas susciter une demande qui ne s’est jamais exprimée jusqu’ici.
La collectivité, consciente de la nécessité d’une régulation du marché du logement, notamment au bénéfice des jeunes, étudie la mise en place d’un dispositif qui permettrait de faciliter l’accès au foncier et, parallèlement, un moyen de faire diminuer, voire de plafonner les loyers.
À cet égard, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur l’adaptation des critères d’attribution de l’allocation logement à la réalité de Saint-Barthélemy. Comme je viens de l’indiquer, les loyers sont très élevés, et certaines personnes, en raison de leur revenu, se trouvent exclues du bénéfice de cette allocation alors que leur revenu disponible, compte tenu de la charge que représente le loyer, devrait leur permettre d’en bénéficier. C’est un point que je vous serais reconnaissant de bien vouloir examiner.
Enfin, pour toutes les collectivités d’outre-mer, la mise en place d’un dispositif de continuité territoriale se justifie.
Je comprends et partage l’intention du Gouvernement de fixer des critères d’attribution fondés essentiellement sur la condition de ressources et la formation. Toutefois, si ces deux critères permettront de répondre aux besoins des habitants de Saint-Barthélemy, ils mériteraient, et la collectivité le souhaite, d’être adaptés afin de correspondre au public le plus large possible.
Le projet de loi ne vise que les étudiants de l’enseignement supérieur, alors qu’à Saint-Barthélemy, où il n’existe pas de lycée, les élèves quittent l’île dès le début du cycle secondaire. De même, la prise en charge de certaines pathologies ne peut se faire sur place et passe par des déplacements. En outre, les compétitions sportives, pour des besoins que tout le monde peut comprendre, supposent de se déplacer. Cette aide serait donc utile pour faciliter les déplacements destinés à satisfaire des besoins qui ne peuvent pas l’être sur l’île.
Aussi, je souhaite que l’extension du bénéfice de l’aide à la continuité territoriale aux élèves du secondaire de Wallis-et-Futuna et de Saint-Pierre-et-Miquelon s’applique aussi à ceux de Saint-Barthélemy.
Voilà les quelques aspects de la LODEOM qui concernent plus particulièrement Saint-Barthélemy. Naturellement, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez compter sur mon soutien, et j’espère que les demandes d’adaptation de la future LODEOM à Saint-Barthélemy recevront le vôtre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est loin de satisfaire le représentant de la Guyane que je suis. Il ne prend en effet pas en compte les caractéristiques propres de la Guyane et ne répond donc pas aux aspirations des Guyanais, qui, eux, sont prêts à jouer le jeu de ce développement endogène, objectif retenu par le texte, semble-t-il.
Depuis longtemps déjà, les Guyanais aspirent à l’autonomie économique – ils savent qu’ils ont les moyens d’y parvenir –, à laquelle le chef de l’État a fait référence à maintes reprises lors de la réunion qu’il a tenue le 19 février 2009 à l’Élysée avec les élus ultramarins, sans que je retrouve d’ailleurs dans le texte ces bonnes intentions.
En dehors de deux mesures spécifiques, l’une portant sur des taux d’exonération fiscale et l’autre sur la répression de l’orpaillage clandestin, la Guyane est purement et simplement assimilée aux petites économies insulaires des autres départements d’outre-mer que sont la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion. La conséquence en est que les dispositions prises en leur faveur lui sont calquées, alors que le contexte global de la Guyane ne présente que peu de similitudes avec celui des îles.
Je ne cesserai de le répéter, le territoire de la Guyane est continental et non insulaire. D’une superficie terrestre de près de 90 000 kilomètres carrés, ce qui en fait de loin le plus grand département de France, la Guyane est implantée dans le continent sud-américain avec des voisins tels que le Brésil et le Surinam. Elle dispose en outre d’une zone économique exclusive de 130 140 kilomètres carrés, qui peut être exploitée à son profit.
L’occupation humaine de son espace territorial, le taux exceptionnel de croissance de sa population et sa diversité en termes historiques, ethniques, culturels et linguistiques sont encore des éléments qui la distinguent radicalement des autres départements et régions d’outre-mer, ou DROM, et dont il faut absolument tenir compte dans toute réflexion.
Alors, arrêtez de coller à la Guyane des étiquettes qui ne sont pas les siennes ! Ne la mettez plus dans le même panier que les autres DROM, comme si cette dénomination politico-administrative résumait à elle seule les problématiques de son territoire ! Arrêtez de proposer pour elle les mêmes solutions qu’ailleurs, solutions qui se sont révélées jusqu’à maintenant négatives, car inadaptées, comme le montrent les différents indicateurs économiques qui sont tous au rouge !
La Guyane est en effet à la traîne des trois autres départements d’outre-mer. D’un côté, son produit intérieur brut par habitant est de loin le plus faible. Il est même en régression, se situant à 49 % du produit intérieur brut français, alors que celui des autres départements d’outre-mer va de 60 % à 75 %. De l’autre côté, c’est le département où le seuil de pauvreté est le plus élevé : un quart des Guyanais vit sous le seuil de pauvreté relative. Selon l’indice de développement humain, la Guyane se situe à la quarante-troisième place mondiale, loin derrière les trois autres départements d’outre-mer.
Ce sont donc les caractéristiques propres de la Guyane qu’il faut prendre en considération et dont il faut se servir sans tabou pour élaborer une conception spécifique de développement. Je pense en particulier au taux exponentiel de croissance de sa population : de l’ordre de 3,9 %, ce taux est le plus élevé de France et figure parmi les sept plus élevés du monde. D’ici à 2020, la population va doubler, atteignant quasiment celle de la Martinique, soit plus de 400 000 habitants.
Tel est le sens de la démarche que les élus guyanais ont déjà engagée. Cette dernière repose bien sûr sur les capacités guyanaises en ressources, en hommes, en qualifications ainsi que sur la prise de mesures destinées à assouplir les rigidités gênant ou empêchant la prise en main et l’utilisation des ressources guyanaises par la population locale.
La première de ces mesures consiste à renforcer les pouvoirs locaux de décision économique, et donc à rendre les richesses plus accessibles à la population guyanaise. Il nous faudra aussi équilibrer de façon équitable la répartition des ressources entre les collectivités.
Ce sont ces conditions réunies qui permettront aux pouvoirs locaux d’intervenir, par exemple, sur la gestion des ressources foncières et sur les modes d’exploitation des ressources de la mer et du sous-sol.
Un développement endogène est certes un développement fondé sur des ressources locales, mais c’est aussi et surtout un développement qui trouve dans les synergies locales ses propres dynamiques. Il ne suffit donc pas de se fixer cet objectif si, parallèlement à sa mise en pratique, on n’ajuste pas en conséquence les pouvoirs de décision politique et administrative.
Compte tenu des engagements pris par le chef de l’État, nous espérons que nous serons mieux entendus et pris en considération à l’occasion des États généraux que nous ne le sommes dans ce projet de loi.
Un autre point qui me laisse perplexe tient aux ambiguïtés entourant le financement du projet de développement économique de l’outre-mer.
On nous assomme de chiffres divers : 100 millions d’euros lors du lancement du projet (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.), puis 150 millions d’euros supplémentaires, 250 millions d’euros, voire 580 millions d’euros (M. le secrétaire d’État fait à nouveau un signe de dénégation.). Ces chiffres, qui sont simultanément et systématiquement repris par les médias, contribuent à laisser croire que l’outre-mer coûte très cher à la France. Ce cliché s’immisce dans l’esprit des Français, qui ont déjà une vision déformée de l’outre-mer.
En fait, pour l’heure, je ne dispose que d’un seul document me permettant d’apprécier l’impact budgétaire de l’ensemble des mesures prévues par le projet de loi : il s’agit du tableau fourni par le secrétariat d’État à l’outre-mer lui-même. Qu’y constate-t-on ? Le montant des dépenses s’élève à 295,2 millions d’euros pour des économies de l’ordre de 272,9 millions d’euros, soit 22,3 millions d’euros. Voilà le coût connu du projet ! Si l’on exclut les mesures réglementaires annoncées, mais non prises dans le projet de loi, on arrive à peine à une injection supplémentaire de 1,8 million d’euros dans les économies ultramarines.
Plus grave, le Gouvernement ne chercherait-il pas à faire des économies ? Parmi les amendements qu’il propose, deux vont se traduire par la disparition de la défiscalisation de plein droit, celle justement qui bénéficie aux petites et moyennes entreprises et aux très petites entreprises, lesquelles représentent plus de 80 % des entreprises et des emplois. D’après les estimations, ces petits dossiers d’investissement représentent 600 millions d’euros par an. C’est une véritable aubaine en termes d’économies pour le Gouvernement ! En effet, avec ces nouvelles dispositions – l’abaissement du seuil de l’agrément ou l’agrément au premier euro pour les secteurs dits sensibles –, qui s’ajoutent à une année économique écourtée en raison des conflits sociaux, on peut affirmer sans aucun risque de se tromper qu’on sera loin de l’utilisation des 800 millions d’euros prévus dans le budget pour l’outre-mer.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il est encore temps de redresser la barre en acceptant les amendements que nous défendrons de nouveau en séance. Nous avons voulu jouer le jeu, comme vous nous l’aviez demandé, en vous les adressant directement. Il ne semble pas pour l’heure qu’ils aient été retenus. Pourtant, ils présentent l’avantage de répondre aux réalités de nos territoires, que nous sommes mieux à même d’appréhender.
Acceptez donc ces amendements, et vous enverrez ainsi un signe fort à la Guyane, qui, je le rappelle, a été la première à lancer le mouvement contre la vie chère, préoccupation qui demeure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, programme ambitieux ayant rencontré des difficultés à voir le jour dans sa forme finale, notamment du fait du contexte mondial et des récents événements dans les DOM.
Ce projet de loi a été initié en 2007, sous le nom de LOPOM, loi de programme pour l’outre-mer, rebaptisée DEPEOM, loi pour le développement et la promotion de l’excellence outre-mer, pour s’appeler finalement LODEOM, loi pour le développement économique de l’outre-mer. J’avoue que j’avais une nette préférence pour la deuxième appellation, mais cela ne m’empêchera pas de voter ce texte.
M. Denis Detcheverry. La dénomination « loi pour le développement et la promotion de l’excellence outre-mer » traduisait en effet mieux ma vision et mon ambition personnelle pour l'outre-mer. J’en suis convaincu, l'outre-mer peut être une valeur ajoutée pour la France. Ainsi, comme certains de mes collègues l'ont déjà mentionné, c'est grâce à cet ensemble de territoires ultramarins aux quatre coins de la planète que la France est la deuxième superficie maritime du monde, avec 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive.
La richesse de la biodiversité française doit beaucoup à l'outre-mer. On y trouve, par exemple, des richesses minières, tel du nickel en Nouvelle Calédonie, ou du pétrole à Saint-Pierre-et-Miquelon, cette collectivité ayant d’ailleurs, par le passé, fait vivre une partie de la métropole grâce aux stocks importants de morue que l’on y trouvait.
Par ailleurs, tous ces territoires sont des avant-postes de la France à travers le monde, avec ce que cela implique de diversité culturelle, dans le sens large du terme. Nous sommes au contact de populations aussi diverses que variées dont nous connaissons les pratiques et la mentalité. Nous sommes des représentants tant de la France dans ces régions que de ces régions en France.
Cette diversité est aussi synonyme de spécificités. Chaque département, collectivité ou territoire est unique : il convient d'apporter des réponses spécifiques à des besoins et à des problématiques spécifiques. C'est pourquoi l'on parle le plus souvent « des outre-mers ». Je peux le comprendre, mais je préfère pour ma part parler de l'outre-mer, d’un outre-mer.
Ensemble, nous représentons 2,5 millions de Français à part entière et une partie non négligeable de la richesse française. Au-delà de nos différences, nous avons beaucoup de points communs et de choses à partager.
Nous devrions constituer un réel réseau outre-mer, semblable à celui que j'ai découvert lors de ma mission de coopération régionale avec les provinces atlantiques du Canada en 2007 : le RDEE, le Réseau de développement économique et d'employabilité du Canada. Il s'agit des communautés francophones et acadiennes, minoritaires mais présentes à travers cette immensité canadienne située, de par sa superficie, au deuxième rang mondial, derrière la Russie
Ce que j'ai découvert là-bas fut édifiant. En un peu plus de dix ans, ces minorités ont réussi à transformer leur image de « quêteux » – autrement dit la politique de la main tendue, ce dont on accuse l’outre-mer bien souvent – en un atout indéniable, devenant une force de proposition et un partenaire de développement économique privilégié du gouvernement canadien.
L'outre-mer peut et doit faire la même chose aujourd'hui. Je suis convaincu de notre potentiel individuel, mais ce dernier ne pourra être révélé que par un effort collectif, autrement dit par un effort communautaire. C'est précisément ce qu'ont fait les membres francophones et acadiens du RDEE : ils ont su animer et impliquer chaque communauté afin qu'elle détermine ses besoins et ses envies de développement économique. Cette approche s'appelle le développement économique communautaire, ou DEC.
Cela commence par l'établissement de profils socio-économiques pour chaque communauté, profils dans lesquels on retrouve diverses données statistiques pertinentes, d'ordre démographique, économique et social. À ces données quantitatives s'ajoutent des portraits des régions contenant des éléments qualitatifs touchant plusieurs thèmes d'intérêt, par exemple le recrutement de la main-d'œuvre, la formation, les services d'appui aux entreprises et les priorités régionales de développement économique. Ces profils ont pour objectif de permettre une meilleure compréhension des communautés. Ils servent ensuite à établir le diagnostic des communautés et à « prioriser » des stratégies et des actions en termes de développement.
Cette approche est pour moi la meilleure garantie de réussite à long terme dans le monde actuel. Autant les décideurs pouvaient autrefois imposer certaines décisions sans trop d'explications ni de justifications, autant cela devient quasi impossible dans le monde actuel, où nous sommes de plus en plus informés, formés et cultivés. Avec Internet, tout le monde peut avoir accès à l'information en temps réel. Nos concitoyens analysent et remettent en question, ils ont une opinion, un point de vue, et aimeraient être entendus, surtout quand ils sont les mieux placés pour connaître les réalités de terrain. Nous devons donc les consulter, établir avec eux des diagnostics, fixer des objectifs, rendre des comptes et valider au fur et à mesure de l'évolution des projets.
Cela est d'autant plus vrai en outre-mer du fait de la distance et des différences géographiques et culturelles. La crise récente dans les Antilles nous l'a rappelé à notre bon souvenir.
Le système actuel, en place, voire imposé, depuis soixante ans, ne fonctionne plus : il est inadapté aux réalités locales et perpétue des restes de colonialisme.
« Qu'est-ce que ce blanc d'un territoire blanc peut bien connaître du colonialisme ? », devez-vous vous dire ! (Mme le ministre sourit.) Beaucoup plus que vous ne le croyez ! En effet, même si la population de Saint-Pierre-et-Miquelon est majoritairement d'origine européenne, elle a longtemps souffert, elle aussi, de l'attitude colonialiste, et il y en a encore des restes aujourd'hui !
Ainsi, les décisions sont prises à Paris avec peu ou pas de consultation des représentants locaux. Nous avons encore eu cette impression en fin d'année avec la réforme de l'indemnité de retraite : elle nous a été imposée sans que nous soyons vraiment consultés, alors que nous étions nous-mêmes demandeurs d'une certaine évolution. En outre, sur place, parmi les métropolitains ouverts et curieux de la vie – cela existe !–, quelques personnes viennent s'enrichir au mépris de notre culture et de nos habitudes. Ils occupent souvent des postes importants et prennent des décisions dans leur intérêt ou à court terme, et ce au détriment du développement économique.
Depuis des décennies, bien des systèmes ont été mis en place afin de pallier l'absence d'un réel développement économique et de faire face au coût de la vie. C'est ainsi qu'un dispositif totalement artificiel a été établi, qui a aujourd'hui démontré qu'il avait atteint ses limites.
Certes, les ultramarins ont leur part de responsabilité dans cette situation ; les élus et les syndicats locaux ont tantôt laissé faire, tantôt choisi le mauvais cheval de bataille.
Mais il nous faut tourner la page des injustices du passé. Par exemple, à Saint-Pierre-et-Miquelon, il ne serait pas constructif de continuer à en vouloir à l'État français de nous avoir sacrifiés face aux Canadiens en 1992, dans l'espoir, un peu vain, de vendre quelques TGV ou Airbus. Nous adoptons souvent des attitudes de victimes qui nous rendent de moins en moins crédibles.
Certes, donc, nous avons notre part de responsabilité dans les événements du passé, et le travail reste encore à faire aujourd'hui. Mais j'avoue supporter difficilement qu’on montre du doigt l'outre-mer en l’accusant de ne pas se développer et de coûter cher, alors qu’on refuse depuis trop longtemps de lui donner les moyens adaptés – les moyens non pas financiers, mais techniques et humains, qui lui manquent le plus souvent – pour se prendre en main et construire un avenir prospère et durable.
Il est trop facile et foncièrement injuste de nous accuser alors qu'on nous a imposé ce système artificiel.
Quand j'observe qu’un des principaux journaux nationaux annonce qu'une majorité de Français métropolitains, lesquels connaissent pourtant peu ou mal les Français d'outre-mer, serait favorable à l'indépendance de la Guadeloupe, je suis perplexe, ou plutôt en colère ! Que cherche-t-on à prouver et à faire ? Serait-on en train de diviser pour mieux régner ?
Nous ne devons naturellement pas céder devant une telle attitude. Face à cela, je n'ai qu'une réponse : l'union. L'union entre les ultramarins ne pourra que renforcer l'union entre les Français de métropole et les Français d'outre-mer. À nous d'expliquer qui nous sommes, ce dont nous avons besoin mais aussi ce que nous pouvons apporter. Ne ratons pas cette opportunité que nous offrent les États généraux pour revoir en profondeur la place de l'outre-mer français dans le monde ! Permettons à nos compatriotes hexagonaux de mieux nous connaître, que ce soit par la télévision, les programmes scolaires ou la continuité territoriale ! Bref, encourageons la connaissance et l'échange.
En effet, ce n'est que dans l'échange, ouvert et sans jugement hâtif, que nous arriverons tous à sortir de cette crise qui nous concerne tous. Écoutons bien ce qui a été dit dans les départements d’outre-mer pour éviter une aggravation dans toute la France, comme ce fut le cas par le passé.
Concernant plus spécialement Saint-Pierre-et-Miquelon – j’en ai peu parlé jusqu’ici –, une opportunité unique, une échéance très importante pour l'avenir de cette collectivité d'outre-mer de l'Atlantique Nord arrive à grand pas : le gouvernement français a jusqu'au 13 mai pour revendiquer auprès de l'ONU les droits de l'archipel, donc de la France, pour une extension de son plateau continental.
Ce droit est reconnu à un niveau international. L'ensemble des élus et de la population est mobilisé pour qu'une lettre d'intention soit déposée. Une simple lettre nous mènera non pas vers un nouveau conflit avec notre voisin canadien – nous ne le voulons pas –, mais plutôt vers un espace de dialogue et de coopération dans notre environnement géographique régional.
Il s'agit là d'un espoir pour une identité maritime retrouvée à laquelle nous aspirons tous légitimement. Nous avons toujours existé par et pour la mer ; j'ose espérer que l'on ne nous refusera pas ce droit d'exister dans notre région.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j'espère pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement dans ces moments décisifs pour l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, fallait-il attendre la plus longue grève en France depuis mai 1968, avec ses tragiques dégâts collatéraux, pour que le Gouvernement concède de revenir sur les restrictions envisagées dans les dispositifs d’exonération et de défiscalisation existants ?
Aujourd’hui, ce même gouvernement ouvre si largement son portefeuille pour l’outre-mer que j’en arrive à me demander ce que cache cette capacité subitement recouvrée.
Souvenez-vous de l’examen ici même, en décembre 2008, des crédits de la mission « Outre-mer » dans le projet de loi de finances pour 2009 : la crise économique mondiale est installée, la récession largement annoncée, la Guyane tout entière est en grève, et, malgré les alertes de certains parlementaires, on vote le plafonnement des réductions d’impôt pour l’investissement productif en outre-mer, la réduction des exonérations de charges sociales et la dégressivité des exonérations de charges patronales !
Trois grèves générales, un mort et des millions d’euros de dégâts plus tard, le Gouvernement, sans changer de cap, débloque 450 millions d’euros supplémentaires pour l’outre-mer, dont 150 millions d’euros pour la présente loi.
Aux parlementaires qui souhaitent un report de l’examen d’un texte devenu caduc, il est demandé d’agir en pompiers face à la crise, ou plus exactement face aux conflits sociaux qui agitent nos territoires. Or, nous le savons tous ici, ce texte ne pose pas les conditions d’un véritable développement économique endogène. Il ne propose aucune remise en cause des orientations du texte d’origine. Il n’intègre aucune des conditions de base de tout développement économique tenant compte des hommes et de la réalité de nos sociétés. En outre, l’examen dans l’urgence ne permet ni aux commissions ni aux autres parlementaires de transformer une liste de mesures de soutien aux entreprises en une véritable loi pour le développement des territoires et des populations, malgré la tentative louable de nos collègues du groupe CRC proposant l’ajout d’un titre sur le développement humain.
En juillet 2008, dans l’exposé des motifs du projet de loi, on prétendait promouvoir l’excellence économique pérenne de l’outre-mer en réformant les dispositifs et en diminuant les enveloppes ! En mars 2009, on veut simplement répondre à la conjoncture...mais avec des mesures décidées pour dix ans, tout de même !
Face à des territoires qui s’étranglent, on renvoie les questions de fond à plus tard, grâce à une formidable opération de communication qui cherche à nous faire croire que dans trois mois, d’ici à juin, on aura tout compris et tout réglé.
Honnêtement, en dehors d’une véritable et nécessaire réflexion en vue de réformer le système économique ultramarin français, était-il besoin d’États généraux pour savoir qu’on ne développe pas des territoires sans élever les niveaux de formation, sans lutter contre l’illettrisme, sans éradiquer l’habitat insalubre, sans développer une véritable politique de santé publique, enfin, sans mettre en place un système vertueux reliant la formation, les filières d’activités économiques et les débouchés ?
Avant les événements récents, ignorait-on la problématique des monopoles, des surcoûts et des surtaxes ? Ignorait-on les situations d’enclavement, les contraintes pesant sur le commerce extérieur, ou encore sur l’intégration des régions d’outre-mer françaises dans leurs aires géographiques respectives ?
Aujourd’hui, j’ai tout d’abord envie de soulever de nouveau la question que je posais ici même en décembre 2008 par la voix de mon collègue Georges Patient : quand donc le Gouvernement accordera-t-il à nos populations, à nos territoires et à nos élus, en dehors des avis de tempête, un peu de respect, ainsi qu’un peu d’écoute, d’écoute réelle ?
« À quand demain ? », disait le poète et député guyanais Léon-Gontran Damas ? À quand une politique de l’État en outre-mer s’appuyant sur le simple bon sens, et concevant donc des politiques et des projets pertinents à partir des réalités des territoires et non de cadres juridiques métropolitains qu’il faut ensuite adapter ou auxquels il faut forcément déroger ?
La première rupture ou le premier changement de paradigme dans l’appréhension du développement des terres ultramarines devrait être celui-là.
Or, le projet de loi dont nous allons débattre est encore un texte conçu en termes d’adaptation, de dérogation, de perfusion, tant la logique de dépendance outre-mer-métropole est forte, tant l’idée est ancrée que la norme est forcément métropolitaine et que toute mesure particulière serait une preuve manifeste de bienveillance, alors qu’on la voudrait fondatrice et structurante, surtout quand il s’agit de compenser des handicaps !
Enfin, aujourd’hui, la situation est exceptionnelle. Nous sommes pris en étau entre les cris de nos populations et des choix inopérants. Nous avons donc finalement le devoir d’aller dans le sens du projet de loi, et même d’aller encore plus loin dans sa logique actuelle, tout en sachant que les problèmes de fond n’y sont pas traités.
Mais même dans cette logique de compensation, qui semble généreuse, le compte n’y est pas.
Reprenons donc les trois axes que vous avez développés ce matin, madame le ministre.
La politique d’exonération et de défiscalisation en faveur de l’activité et de l’emploi, même réformée pour limiter les effets pervers du passé, est déployée sans véritable exigence de contrepartie en matière de formation, d’augmentation des salaires, de baisse du coût de la vie, hormis sur cent produits – mais les prix des autres produits pourront bien exploser pour compenser cette baisse. Finalement, cette politique moralise une niche fiscale pour en créer d’autres.
Par ailleurs, le petit commerce n’a pas été retenu, de même que le soutien aux emplois intermédiaires ou de cadres au profit de nos jeunes diplômés.
Le soutien à l’investissement, notamment par le fonds exceptionnel d’investissement outre-mer, n’affiche pas clairement ses domaines d’intervention, ses priorités, ni même ses modalités de mobilisation. C’est la seule mesure de soutien aux collectivités locales, par ailleurs fortement mises à contribution dans la mise en oeuvre des mesures proposées. Or les collectivités locales jouent un rôle fondamental dans la commande publique et dans la cohésion sociale.
Quant à la relance du logement social, qui devrait relever essentiellement d’une politique publique volontariste par l’augmentation de la ligne budgétaire unique, la LBU, vous voulez l’aborder par un dispositif moins attractif pour les investisseurs que le précédent système, aux indéniables effets pervers, qui concernait le logement libre. C’est, me semble-t-il, chercher à attirer les mouches avec du vinaigre, surtout en temps de crise.
Nous serons donc vigilants sur chacun des articles afin de permettre à l’outre-mer de traverser la crise sans trop d’encombre, tout en préparant les États généraux qui sauront, je l’espère, intégrer la dimension humaine manquant à ce texte.
« L’heure a sonné de nous-mêmes », disait Aimé Césaire.
Mais de grâce, puisque vous nous offrez des espaces d’expression, écoutez-nous ! Pour une fois, écoutez-nous, prenez en compte nos amendements, qui n’ont qu’une finalité : rendre le dispositif plus opérant. La situation en outre-mer au cours des dix prochaines années en dépend ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été rappelé, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer a été déposé sur le bureau de la Haute Assemblée le 28 juillet 2008, voilà donc déjà sept mois. Entre-temps, de nouvelles réalités sont apparues : la crise financière mondiale venue des États-Unis s’est répandue en Europe, plongeant celle-ci dans la récession ; la crise sociale récente aux Antilles s’étend à d’autres collectivités, notamment à la Réunion ; la déclaration du Gouvernement sur la consultation des électeurs de Mayotte sur le changement de statut de cette collectivité retient toute l’attention des Mahorais pour les semaines à venir.
Ce contexte a fort justement conduit le Gouvernement à consentir une rallonge de 580 millions d’euros pour la LODEOM et justifie le dépôt d’un certain nombre d’amendements.
Nous saluons en particulier l’introduction d’un titre Ier A intitulé « Soutien au pouvoir d’achat » et d’un article 1er A relatif à la réglementation du prix de vente de cent produits de première nécessité, prix qui sera déterminé par un décret en Conseil d’État. En effet, les mécanismes de formation des prix en outre-mer sont souvent mal connus, la fixation de ces derniers mal maîtrisée et le contrôle mal assuré.
L’éloignement, la taille limitée de nos marchés et les risques naturels n’expliquent pas à eux seuls le fait que les prix dans nos collectivités soient supérieurs de 5 % à 25 % à ceux de la métropole. Il y a aussi les situations de monopole exercées par les grandes sociétés de distribution et les ententes illicites entre elles pour limiter ou éviter toute concurrence.
En attendant l’examen des amendements, les dispositions de cet article sont d'ores et déjà de nature à orienter les travaux de l’Observatoire des prix et des revenus de Mayotte, et à rendre encore plus pressante la nécessité pour l’État de renforcer les moyens attribués à l’antenne de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes dans cette collectivité.
Mes chers collègues, les dispositions proprement économiques de ce projet de loi, ainsi que les mesures de défiscalisation et d’exonération des charges sociales qui les accompagnent, concernent essentiellement les départements d’outre-mer et relativement peu les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution ou les collectivités à statut particulier, hormis peut-être le maintien à titre transitoire jusqu’en 2013 de l’ancien dispositif Girardin pour certains types de logement.
Pour autant, Mayotte n’est pas absente de ce projet de loi, et je souhaite à cet égard formuler deux observations.
La première a trait aux dispositions suivantes.
L’article 5 traite de l’éligibilité des câbles sous-marins au dispositif de défiscalisation des investissements, notamment pour la pose de câbles sous-marins de communication desservant pour la première fois l’une des collectivités d’outre-mer. Tel est le cas, en l’espèce, à Mayotte. Nous avons déposé un amendement visant à garantir l’absence de surcoûts liés à ces investissements et à réduire la fracture numérique dans notre collectivité.
L’article 16, qui crée un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer, prévoit pour 2009 une enveloppe globale de 42 millions d’euros pour Mayotte, au titre du contrat de projet 2008-2014.
L’article 21 étend à Mayotte la compétence de l’Agence nationale de l’habitat en vue d’aider à la rénovation du parc privé de logements à compter du 1er janvier 2010.
L’article 26 maintient l’éligibilité de Mayotte au nouveau Fonds de continuité territoriale, globalisant les deux dispositifs existants actuellement, à savoir la dotation de continuité territoriale et le passeport-mobilité, pour le volet étudiant. Il est d’ailleurs urgent de créer à Mayotte une université mieux à même de garantir la réussite de nos étudiants.
Le 4° de l’article 31 prévoit la ratification de l’ordonnance n° 2007-1801 du 21 décembre 2007 relative à l’adaptation de mesures législatives prise en application de la loi du 21 février 2007, dite DSIOM, qui a étendu le droit commun à Mayotte à compter du 1er janvier 2008, à l’exception de six matières.
Enfin, dans la perspective de la départementalisation de Mayotte, le 4° de l’article 32 vise : premièrement, à actualiser et adapter l’organisation juridictionnelle et le statut civil personnel de droit local ; deuxièmement, à étendre et à adapter les dispositions législatives relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique et à la constitution de droits réels sur le domaine public ; troisièmement, à étendre et à adapter la législation en matière de protection sociale à Mayotte.
Au total, à ces dispositions s’ajoutent les opérations retenues dans le cadre du contrat de projet 2008-2014, doté de 551 millions d’euros, et du plan de relance de l’économie, pour 46,184 millions d’euros. Cela traduit un effort déjà significatif de l’État en faveur de Mayotte.
Ma seconde observation concerne la question foncière et les prestations sociales visées au 4° de l’article 32 précité.
Mayotte est comprise entre, d’une part, les zones à risques naturels de glissements de terrain et de chutes de blocs, intéressant 60 % du territoire, pour une large part non constructibles en l’état selon l’Atlas du bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, et, d’autre part, la zone dite « des cinquante pas géométriques » appartenant au domaine public maritime de l’État, en partie occupée ou en voie de l’être sans garantie juridique ; entre les deux zones, plusieurs milliers d’hectares de terrain relèvent de l’indivision, incitant aux constructions illégales sous la pression de la pénurie.
Pour ces raisons, il est proposé de prévoir les dispositions suivantes dans les ordonnances relatives à cet article : la mise en place d’un plan de prévention des risques naturels en lieu et place de l’Atlas du BRGM, qui ne constitue qu’un document d’information et qui est, outre ses imprécisions, dépourvu de toute valeur juridique ou réglementaire et, de ce fait, non opposable aux tiers ; l’extension à Mayotte de la compétence du groupement d’intérêt public – je rejoins sur ce point la proposition de notre collègue Jean-Paul Virapoullé – chargé de reconstituer les titres de propriété en situation d’indivision, créé à l’article 19 de ce projet de loi ; enfin, des dispositions incitant à l’installation de notaires à Mayotte.
En outre, afin de faciliter la constitution de droits réels sur le domaine public maritime de l’État dans les espaces urbanisés ou d’urbanisation future, il est demandé d’accélérer la parution du décret permettant le déclassement rapide de ces espaces, en application de l’article L.5331-6-6 du code général de la propriété des personnes publiques.
Enfin, le 4° de l’article 32 prévoit l’extension à Mayotte de la législation en matière de protection sociale, soustrayant ainsi ce domaine de la spécialité législative. Dans l’immédiat, le Gouvernement, dans sa déclaration du 12 février 2009, a indiqué que les prestations sociales existantes seront revalorisées en 2010. Il s’agit notamment de l’allocation de rentrée scolaire, de l’allocation familiale, de l’allocation spéciale pour les personnes âgées et de l’allocation pour adultes handicapés.
Dans ce but, je suggère que cette revalorisation fasse l’objet d’un plan sur trois ans, avec des taux de départ variables selon les prestations mais compatibles avec l’objectif d’un alignement à l’horizon du plan, sachant par ailleurs que les autres prestations, dont le revenu de solidarité active, ou RSA, n’entreront en vigueur qu’en 2012, avec un taux de départ de 25 % du montant national, pour un objectif d’alignement correspondant à une génération.
Pour conclure, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je propose de retenir le principe selon lequel les dispositions de ce projet de loi qui ne s’appliquent pas à Mayotte soient étendues de plein droit dans le cadre de la départementalisation, avec les adaptations nécessaires, et que soit créé en même temps le fonds de développement économique, social et culturel prévu par le Pacte. Pour ma part, je reste confiant pour la consultation du 29 mars prochain : ce sera un succès.
Sous le bénéfice de ces observations, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je soutiendrai avec enthousiasme ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –MM. les rapporteurs applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’orée de l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, qui aura connu plusieurs péripéties et de multiples rebondissements depuis son élaboration originelle par le Gouvernement, l’occasion serait belle – et rêvée ! – de me lancer dans une envolée politique et institutionnelle destinée à confronter les objectifs et la viabilité de ce texte à la réalité du terrain eu égard à la géostratégie politique de la France dans ses trois régions ultramarines d’implantation que sont l’océan Indien, la Caraïbe et l’océan Pacifique. À terme, c’est bien de cette question qu’il s’agit !
Toutefois, tel n’est malheureusement pas l’objet du débat qui nous réunira, formellement du moins, pour les trois prochains jours.
Aussi, dans le cadre de la discussion générale préalable à l’examen des articles du projet de loi, tenterai-je de tenir des propos aussi brefs que précis sur la manière dont la Polynésie française perçoit les tenants et les aboutissants de ce projet de loi.
Si je devais formuler une remarque générale qui soit la plus objective possible et la plus factuelle, je dirais que le dispositif législatif proposé « pour le développement économique de l’outre-mer » apparaît intrinsèquement déséquilibré et marqué d’un anachronisme sous-jacent. Nous sommes donc quelque peu perplexes quant à la pertinence de l’intitulé du projet de loi – je m’en expliquerai ultérieurement – et aux véritables enjeux qu’il vise.
Pourquoi le texte est-il anachronique ?
Le 5 juin 2008, le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer est venu en discussion, dans sa rédaction originelle, devant l’assemblée de la Polynésie française, qui n’a pas adopté le projet d’avis présenté par la commission des finances locales.
Le 3 mars 2009, voilà à peine quelques jours, l’assemblée de la Polynésie française s’est réunie pour adopter, à la majorité absolue, une résolution destinée à faire valoir le fait qu’elle puisse être saisie en urgence par les autorités de la République pour émettre son avis et faire des propositions de modification avant que ce projet de loi ne vienne en discussion devant le Sénat.
Pourtant, dans une rédaction modifiée, le présent projet de loi avait été déposé sur le bureau du Sénat le 28 juillet 2008, c’est-à-dire avant la crise financière et économique mondiale, qui a atteint son paroxysme en France à la fin de l’année dernière, et avant la crise économique et sociale qui frappe durement les Antilles depuis le début du mois de février.
Dans le courant du mois dernier, nous sommes plusieurs sénateurs à avoir cosigné une motion plaidant en faveur d’une suspension de l’examen de ce projet de loi. Cette motion n’a pas été prise en compte, au motif que l’urgence avait été déclarée.
Le 19 février 2009, la commission des finances du Sénat a adopté, après modification, le texte que nous examinons aujourd’hui.
Dans le cadre d’une réunion de consultation et de coordination de l’ensemble des parlementaires ultramarins qui s’est tenue, le 26 février dernier, à Matignon, sous la présidence du Premier ministre, M. François Fillon, les élus polynésiens ont appris l’organisation prochaine d’États généraux de l’outre-mer, postérieurement à l’adoption du présent projet de loi, et ce vraisemblablement en vue du prochain sommet France-Océanie, programmé au mois de juin 2009 à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.
Au cours de récents débats parlementaires, a même été évoquée la possibilité d’examiner, à la fin de l’été prochain, un projet de loi en faveur de l’outre-mer qui viendrait en quelque sorte compléter celui dont nous débattons aujourd’hui.
Vous en conviendrez avec moi, mes chers collègues, la situation est quelque peu anormale dans la mesure où l’on nous demande d’examiner assez rapidement un projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer qui porte déjà en lui, à bien des égards, les germes évidents d’une caducité annoncée.
Ce dispositif législatif est également intrinsèquement déséquilibré parce qu’il ne concerne que très peu les collectivités françaises d’outre-mer.
En effet, à l’exception des dispositions relatives à la création d’un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer, au dispositif relatif à la continuité territoriale et au passeport-mobilité, et de certains dispositifs de défiscalisation ou secteurs d’investissements défiscalisables, le projet de loi ne concerne que les départements d’outre-mer. Cela ne pose pas un problème en soi ; je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée pour adresser mes vœux de solidarité et de soutien à tous mes collègues ultramarins, davantage mobilisés par ce projet de loi.
Cependant, l’outre-mer français est et doit rester uni.
Il est, pour reprendre les termes que Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a employés ce matin, une « force », un « atout », c'est-à-dire une valeur ajoutée indéniable pour la France. Il l’a été depuis plus d’un demi-siècle déjà. Mais le sera-t-il autant pour le demi-siècle à venir ?
La donne a changé, nous le savons tous. Aujourd'hui, parler du développement économique de l’outre-mer, c’est, pour l’État, engager un processus d’identification concertée des secteurs de développement économique endogènes les plus pertinents par collectivité locale, par département, par région ; c’est aussi renforcer globalement le financement de l’État envers l’outre-mer tout en rationalisant concomitamment, si j’ai bien compris, l’affectation de ces fonds publics et en limitant l’impact des différents dispositifs financiers antérieurs sur le budget de la nation – je pense, par exemple, aux dispositifs d’aide fiscale à l’investissement en faveur de l’outre-mer –, le tout sous couvert d’une nouvelle politique de rigueur budgétaire sur le plan national, inspirée par l’ampleur de la crise financière, devenue économique, qui frappe le monde, notamment la France.
Mais si, au niveau national, la donne a changé à cause de l’évolution de la société, des besoins, ou encore des ressources, l’immobilisme n’a pas régné au niveau local. La prise de conscience de la position géostratégique, plus ou moins privilégiée, de certaines collectivités locales françaises a également changé la donne à l’égard des pays environnants.
Cette prise de conscience offre de nouvelles opportunités de développement économique de nature exogène qui ne sauraient bien entendu masquer ou supplanter les secteurs de développement économique endogènes propres à chaque collectivité locale française d’outre-mer.
Autrement dit, la politique gouvernementale nationale en faveur du développement économique de l’outre-mer ne doit pas conduire l’État – bien évidemment, me direz-vous ! – à « faire le vide » autour de chacune de ses collectivités locales d’outre-mer.
Un développement économique endogène, c’est très bien ! Un développement économique exogène et endogène, c’est encore mieux !
Cette question fera partie, soyez-en sûrs, mes chers collègues, du large et intéressant débat qui aura lieu lors des prochains États généraux de l’outre-mer, au mois de mai prochain.
Dans la vision actuelle du Gouvernement, le « développement économique de l’outre-mer » passe aussi par le financement prioritaire de certains domaines qui peuvent, dans certaines collectivités locales dotées d’une autonomie politique et financière au sein de la République française, entrer en concurrence avec les compétences propres de ces mêmes collectivités.
Le logement, qu’il soit social, intermédiaire ou libre, pour ne citer que cet exemple, est une compétence propre du gouvernement de la Polynésie, tout comme le secteur des télécommunications. Or, ce projet de loi contient de nombreuses dispositions relatives à la défiscalisation de ces secteurs : il s’agit, dans certains cas – je pense notamment au logement intermédiaire –, de la suppression pure et simple du bénéfice du dispositif d’aide fiscale ou, dans d’autres cas – je songe notamment aux câbles sous-marins –, de la réduction de l’assiette ou du périmètre défiscalisable.
J’ai donc déposé plusieurs amendements visant à anticiper avec un maximum de rigueur et de fidélité les exigences et les besoins que pourraient connaître les acteurs économiques et l’exécutif polynésiens, ou à extrapoler.
À l’heure où la Polynésie française vient de trouver un équilibre politique salutaire autour de la nécessité d’engager un plan de relance, avec une nouvelle majorité politique soudée – cela n’avait jamais été le cas depuis la mise en place de son statut d’autonomie en 1995 –, à l’heure où un dialogue nouveau, courtois et responsable vient de s’instaurer avec l’État, à la suite de la visite du président polynésien, invité par le Premier ministre – il a ainsi pu rencontrer M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer ainsi que plusieurs autres membres du Gouvernement –, à l’heure où nos mains trop longtemps distantes et hésitantes semblent vouloir s’unir de nouveau dans une franche et fraternelle poignée, il est vraiment regrettable que ce projet de loi à l’intitulé pourtant très ambitieux et encourageant ne reste qu’une étape trop incomplète.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, si vous voulez instaurer un véritable développement économique des collectivités françaises de l’outre-mer, permettez à ces dernières, par exemple, de passer librement des accords bilatéraux avec les pays environnants, car cela ne coûtera pas cher à l’État. Permettez-leur aussi de négocier directement leurs dossiers auprès du Fonds européen de développement, car le coût sera nettement moindre que la mise en place du fonds exceptionnel d’investissement outre-mer. Mais nous ne sommes évidemment pas dans le cadre des États généraux de l’outre-mer !
Quoi qu’il en soit, mes remarques ne présagent en rien de la qualité de nos débats à venir, que j’espère malgré tout productifs.
Tel est en substance, madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le message que je souhaitais vous adresser en préambule de l’examen du projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Mme Anne-Marie Escoffier et M. Gaston Flosse applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Constant Fleming.
M. Louis-Constant Fleming. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la situation de Saint-Martin, collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, doit s’apprécier distinctement selon que les dispositions du projet de la LODEOM ont trait au régime fiscal, au régime social ou à certains éléments spécifiques en matière de soutien au développement économique.
Les dispositions fiscales concernent, d’une part, l’atténuation des charges fiscales dans le cadre des zones franches d’activités des départements d’outre-mer et, d’autre part, des modifications du dispositif fiscal national en matière d’aide à l’investissement dans l’ensemble des départements d’outre-mer et des collectivités d’outre-mer.
Disposant désormais de la compétence fiscale et du produit des impôts transférés, Saint-Martin n’est pas fondée à bénéficier du régime des zones franches d’activités défini pour les DOM, et n’a aucune demande à formuler à cet égard.
Toutefois, je ferai observer que, en vertu de la « règle des cinq ans » à laquelle est subordonnée la reconnaissance d’une domiciliation fiscale à Saint-Martin, les entreprises nouvellement implantées à Saint-Martin ne bénéficieront ni du régime fiscal saint-martinois ni du dispositif des zones franches d’activités. Dès lors, il conviendra de reconsidérer cette règle dans le cadre approprié.
En ce qui concerne l’aide fiscale nationale aux investissements outre-mer, Saint-Martin demande bien évidemment le bénéfice des dispositions prévues par la future LODEOM, en vue de favoriser les investissements dans l’ensemble des départements et des collectivités d’outre-mer, dans des conditions exclusives de toute discrimination.
S’agissant du régime social, dans un contexte général outre-mer où ne peuvent être exclues certaines transformations statutaires, il est particulièrement important de marquer que de telles transformations ne sauraient conduire à une régression de la protection sociale nationale lorsque la volonté des populations concernées, comme celle du législateur organique, a conduit à y préserver, en la matière, un régime d’identité. Tel est le cas pour la collectivité de Saint-Martin, qui, selon la loi organique, dispose de l’identité législative.
De ces dispositions procède la demande de Saint-Martin tendant au bénéfice du régime bonifié d’exonération de charges sociales patronales prévu dans la future LODEOM pour un certain nombre de secteurs de développement prioritaires. Essentiel au développement saint-martinois, le tourisme est au nombre de ces secteurs et mérite assurément, dans le cas de Saint-Martin, le soutien de nature à assurer sa compétitivité dans un environnement régional proche très concurrentiel.
L’objectif d’une indispensable diversification économique de l’île justifie que les entreprises appartenant aux autres secteurs qui, dans les départements d’outre-mer, profitent du régime bonifié d’allégement des charges sociales – recherche et développement, technologies de l’information et de la communication, environnement et énergies renouvelables – en bénéficient à Saint-Martin dans les mêmes conditions, sans que le respect du principe d’identité exerce ici d’effets budgétaires considérables pour l’État, compte tenu des dimensions modestes de l’économie saint-martinoise.
Des mêmes principes découle la demande de Saint-Martin d’une complète application dans la collectivité, « par analogie avec les règles applicables en Guadeloupe », de toutes les mesures sociales qui seraient adoptées en faveur des départements d’outre-mer tant dans la future LODEOM que par un autre biais, en vue, notamment, de lutter contre la vie chère ou de renforcer le pouvoir d’achat ; je pense notamment au revenu de solidarité active, le RSA, ou au revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, etc.
Enfin, concernant les mesures spécifiques de soutien économique, le projet de LODEOM amendé par le Gouvernement prévoit une aide pour la rénovation des hôtels situés dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Saint-Martin a vocation à devenir la principale base touristique française dans la Caraïbe. Son parc hôtelier, aux capacités fortement réduites au cours des années récentes, a, pour certaines des unités subsistantes, un évident besoin de rénovation. Nous apprécierions que, reconnaissant ces éléments, le Gouvernement intègre Saint-Martin à son projet global d’appui au développement de l’outre-mer et prenne l’initiative d’étendre à la collectivité le bénéfice de l’aide à la rénovation hôtelière.
En conclusion, les amendements que j’ai déposés et que je vous demande de soutenir ont pour objet d’inclure la collectivité de Saint-Martin dans le champ d’application de la future LODEOM. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà un demi-siècle, dans un contexte pourtant général de décolonisation et d’aspiration des peuples à l’indépendance, 97 % des Wallisiens et des Futuniens ont choisi par référendum de manifester leur amour et leur attachement à la France en devenant territoire d’outre-mer et donc pleinement Français.
Depuis lors, ils n’ont cessé de démontrer leur patriotisme, notamment en servant nombreux sous nos drapeaux, et ce sentiment d’appartenance n’a pas faibli, au contraire. Nos compatriotes wallisiens et futuniens sont fiers de la France et fiers d’être citoyens français.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons été sensibles à l’invitation que vous avez lancée à nos rois de venir fêter à Paris, le 27 décembre, le cinquantième anniversaire du référendum de 1959. Le statut du territoire voté en 1961 n’a pas subi beaucoup de changements majeurs, mais l’esprit des États généraux demandés par le Président de la République souffle déjà depuis quelques mois dans nos îles.
Lors de votre visite, monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué la nécessité de moderniser ce statut. En janvier dernier, lors de sa première réunion de l’année, le conseil territorial a abordé avec beaucoup de sérénité cette question, qui a été également évoquée, avant qu’elle ne soit débattue par les élus, par le préfet et le président de l’assemblée territoriale au cours de la session budgétaire 2009.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je pense que nos populations sont maintenant disposées à mener une véritable réflexion sur leur avenir économique, social et institutionnel. À nous, responsables politiques et coutumiers, de trouver la méthode de travail qui favorisera l’expression responsable, sereine et ouverte de tous. Nous comptons sur la mission outre-mer.
Bien que le texte qui nous occupe aujourd’hui concerne malheureusement peu Wallis-et-Futuna dans les faits, j’ai souhaité néanmoins évoquer quelques points qui me semblent importants.
Tout d’abord, dès son intitulé, ce projet de loi met l’accent sur le développement économique. C’est un grand mérite, car le souhait des ultramarins n’est pas d’être assistés ; il est d’être accompagnés dans un développement endogène répondant à un impérieux besoin d’intégration dans nos environnements géographiques régionaux respectifs. En cela, nous répondons à une logique évidente de proximité ainsi qu’à la demande de l’État et de l’Union européenne.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte ici pour exprimer, tant à Mme le ministre qu’à M. le secrétaire d’État, ma reconnaissance pour leur implication forte dans la défense des pays et territoires d’outre-mer, les PTOM, surtout au cours de la présidence française de l’Union européenne. J’espère que, dès 2013, tous ces efforts déployés se concrétiseront par un nouveau statut plus conforme à la citoyenneté européenne de ces pays et territoires d’outre-mer, ce qui leur permettra d’être aussi les avant-postes de l’Europe dans leurs zones géographiques respectives.
L’intégration régionale est notre avenir tout autant que la force du lien avec la mère patrie. Cela n’est pas sans susciter dans nos collectivités une certaine schizophrénie que nous devrons apprendre à surmonter. C’est le prix de la pérennité de notre développement. Les États généraux devront sérieusement examiner ce problème.
Pour favoriser le développement économique de l’outre-mer, il faut prendre en compte autant les faiblesses structurelles qui sont communes à toutes nos collectivités que les caractéristiques propres à chacune.
Parmi les points communs, on peut, bien sûr, citer la question des prix. Je me réjouis, monsieur le secrétaire d’État, que, lors de votre audition devant la commission des finances, le président de cette dernière ait évoqué l’éventualité d’un recours au contrôle des prix. Je reviendrai sur cette question lors de la discussion de l’article 1er A, sur lequel j’ai déposé des amendements et un sous-amendement.
Il est un autre point que l’on retrouve dans chacune de nos collectivités, à savoir l’insularité et la nécessité d’aider à notre désenclavement, ce qui est bien entendu la condition indispensable du développement. À Wallis-et-Futuna, ce handicap est encore plus prononcé. En effet, non seulement ce territoire est le plus éloigné de la métropole – 21 000 kilomètres après escale obligatoire en Nouvelle-Calédonie –, mais, de plus, sa population subit le diktat d’Air Calédonie International. Cette compagnie aérienne, de par sa situation de monopole, prend en effet en otages les habitants de Wallis-et-Futuna, en leur imposant des tarifs et des horaires qui entravent la liberté de circulation.
Dans cette situation de crise mondiale, de capitalisme devenu fou, nous redécouvrons les vertus de l’intervention de l’État. Pourquoi ce qui est vrai pour les banques ne le serait-il pas pour les abus des monopoles, que ceux-ci soient le fait de compagnies aériennes ou de commerçants pratiquant des prix de vente abusifs ?
L’enclavement de Wallis-et-Futuna est aggravé par l’insuffisance sur place des structures de santé et d’éducation qui rend obligatoire l’émigration.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’amendement du Gouvernement sur le passeport-mobilité risque de jeter la confusion dans la prise en charge des lycéens obligés de quitter le territoire lorsque la filière qu’ils ont choisie n’est pas proposée sur place. Actuellement, cette prise en charge est intégralement assumée par le ministère de l’éducation nationale. Je voudrais que l’assurance me soit apportée, par la rédaction de l’article 26, que la totalité de la prise en charge par l’État sera maintenue d’une manière ou d’une autre.
Le désenclavement est la condition première du développement de nos territoires les plus handicapés. Le Gouvernement l’a bien compris, puisqu’il a institué, à l’article 10, une aide au fret pour les départements d’outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, et a déposé un amendement en vue d’étendre cette mesure à Mayotte, en oubliant Wallis-et-Futuna malgré ma demande.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’espère que nous pourrons trouver un accord sur ce point et remédier ainsi à cette injustice. Ce serait très peu coûteux, mais très utile pour nous.
Hormis ces points communs – insularité, cherté des prix, désenclavement –, chacune de nos collectivités dispose de spécificités propres qui doivent être prises en compte.
Ainsi, pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, il est évident que certaines dispositions du statut de 1961 dont je parlais précédemment freinent considérablement toute possibilité de développement.
Notre système foncier est tel que nous ne pourrons profiter du dispositif qui va être mis en place par le projet de loi dans le domaine du logement par exemple, bien que cet aspect constitue une partie importante de ce texte. Nous serons écartés, sinon en théorie du moins en pratique, de bon nombre des dispositions qui vont être établies, tandis que l’acquisition de navires, par exemple, ne nous sera pas facilitée, alors que la pêche est bien évidemment pour nous une piste évidente de développement. J’ai déposé un amendement dans ce sens, et j’espère qu’il trouvera un écho favorable.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la tâche qui nous attend est immense, mais elle est exaltante, car nous préparons l’avenir de nos populations. Cette tâche passe par le texte qui nous est soumis aujourd’hui, mais celui-ci, soyons-en certains, ne constitue qu’une étape dans le nécessaire changement d’approche des questions ultramarines.
Les États généraux de l’outre-mer vont s’ouvrir et nous permettre de compléter notre travail en faveur d’une évolution profonde et durable de l’outre-mer.
De vastes chantiers de réflexion nous attendent, au premier rang desquels, à mon sens, l’intégration régionale que j’ai déjà évoquée au début de mon intervention, mais aussi l’éducation, enjeu d’autant plus crucial pour un avenir meilleur que l’échec scolaire est élevé dans nos collectivités. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me suis exprimé tout à l’heure au nom de la commission des lois ; je voudrais maintenant, sur ce projet de loi très important, intervenir en mon nom personnel.
J’ai écouté avec une grande attention les propos qui ont été tenus par mes collègues et qui sont tous marqués par l’inquiétude, parfois par une volonté de culpabilisation du Président de la République ou du Gouvernement.
Mais – et ce sera ma première remarque –, si l’on compare la situation des outre-mers avec celle des régions qui nous entourent, nous ne pouvons pas être considérés comme les damnés de la terre. Au contraire, sur les plans de la santé, de l’éducation, du logement, et malgré les problèmes, les outre-mers français sont aujourd’hui dans une situation nettement plus favorable que celle des pays qui les environnent. Il faut avoir d’autant plus le courage de le dire que cela ne résulte pas d’un miracle. C’est le fruit de la solidarité nationale à l’œuvre, de la contribution du pays à l’outre-mer et de l’outre-mer au pays, ainsi que de la contribution de l’Europe à l’outre-mer. Par conséquent, il faut avoir aujourd’hui un sentiment de reconnaissance à l’égard de la nation pour le chemin parcouru.
Alors qu’on nous culpabilise pour la crise, j’ajouterai que tout président de la République élu ou tout gouvernement en place aurait aujourd’hui à faire face à la crise.
M. Patrice Gélard. Exactement !
M. Jean-Paul Virapoullé. Ce n’est pas « Sarko » – permettez-moi l’expression – qui a inventé la crise ! La crise résulte de l’irresponsabilité de la spéculation financière, l’économie virtuelle ayant remplacé l’économie réelle. Quel que soit le gouvernement, quel que soit le président de la République que nous aurions pu élire en 2007, nous serions aujourd’hui confrontés à cette crise : la métropole connaîtrait également, chaque mois, son cortège de nouveaux chômeurs ; l’Amérique devrait faire face, chaque mois, à un million de nouveaux chômeurs ; la Chine, à deux millions, voire plus ; et la famine sévirait en Afrique.
Il faut tout de même prendre conscience du contexte actuel ! Cette situation va perdurer un certain temps, car je ne crois nullement – je n’y ai d’ailleurs jamais cru – aux prédictions de M. Jean-Claude Trichet, qui s’est toujours trompé. Ce n’est pas à mon âge – l’âge de raison ! – que je vais commencer à le croire, et à penser que la crise va s’atténuer en 2010 ! (Sourires.)
C’est donc dans ce contexte que se situe ce débat. Il faut aujourd’hui avoir le courage de dire que cette loi ne constitue pas une sanction contre l’outre-mer. En écoutant certaines interventions, je me suis demandé si j’avais lu le projet de loi à l’envers ou si je ne comprenais plus le français ! Ce texte représente tout de même un effort considérable en ce temps de crise, et je remercie d’avance mes collègues qui voteront les aides accordées à l’outre-mer.
Grâce à l’adoption de ce projet de loi, nous allons rectifier les erreurs du passé, comme dans vingt ans ou dans trente ans d’autres lois viendront rectifier nos propres erreurs et améliorer la situation qui en résulte. Il n’y a ni loi parfaite, ni situation idéale, ni collectivité où tout le monde est heureux. Il y a des sociétés où l’égalité est plus ou moins grande et où les disparités sont plus ou moins intolérables.
Ce soir, à la Réunion, une bande de casseurs est en train de piller des magasins, alors que la manifestation prévue aujourd’hui a échoué, ne rassemblant que 3 000 participants à Saint-Denis et 2 000 à Saint-Pierre. Lorsqu’on joue aux apprentis sorciers, qu’on se substitue aux élus et qu’on veut organiser des manifestations qui ne sont pas encadrées,…
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Cela dérape !
M. Jean-Paul Virapoullé. … les casseurs envahissent les rues ! Demain, des pères et des mères de famille honnêtes perdront leur travail parce que leur magasin, qui est leur outil de travail, a été pillé.
Nous devons tirer les leçons de la crise antillaise, pour apporter des solutions d’avenir. Aux Antilles, plus encore qu’à la Réunion, je crois comprendre que l’histoire du peuplement, qui n’est pas encore assimilé et accepté, a laissé des séquelles.
En métropole, l’esclavage, dont l’histoire a été rappelée, est aujourd’hui considéré comme un crime contre l’humanité. Mais existe-t-il aux Antilles un mémorial qui reconnaisse, sur place, ce crime ? Existe-t-il la volonté non pas d’effacer l’histoire – on n’efface pas –, mais de se débarrasser du sentiment d’en avoir été la victime ?
Une telle situation pose un problème que, personnellement, j’avais mal compris. À travers les événements récents, j’ai pris conscience de sa dimension, mais je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt. En écoutant les manifestants antillais s’exprimer à la télévision, j’ai réalisé que leur premier grief était lié à l’histoire du peuplement, à leur identité.
Leur second grief est commun aux autres départements d’outre-mer. Alors que la solidarité nationale dont je parlais tout à l’heure augmentait, comme en témoigne le flux des crédits vers l’outre-mer qui ont apporté un mieux-être à une population dans le besoin, se multipliaient parallèlement les situations de monopole.
On observe en effet une situation de monopole dans la grande distribution : à la Réunion, trois centrales d’achats possèdent 80 % des parts de marché. Dans ce contexte, comment voulez-vous que la concurrence joue sans être entravée par des ententes illicites ? Depuis la semaine dernière, un magasin Leclerc a ouvert ses portes. J’espère qu’il résistera à la tentation de l’entente illicite et qu’il se comportera en rival et non pas, comme les autres, en requin.
Ces événements nous enseignent également une troisième leçon. Les jeunes qui pillent ce soir les magasins à la Réunion, ceux que j’ai vus à la télévision aux avant-postes de la révolte aux Antilles, ne tombent pas du ciel : ce sont les enfants qui sortent du système scolaire, après plus de soixante ans de départementalisation. Or, 30 % des jeunes sont en situation d’échec scolaire total. Après la classe de troisième, et alors qu’ils savent à peine lire et écrire, on leur dit : vie active ! Ils se tournent alors vers le maire de leur commune, pour lui demander un contrat aidé. Mais le maire et le président du conseil général ou du conseil régional ne peuvent pas employer toute la jeunesse en situation d’inactivité ! Ces jeunes deviennent alors les bras armés des explosions sociales qui se produisent. Il faudra traiter le problème de l’échec scolaire outre-mer autrement qu’en métropole, parce qu’il y a là une importance déterminante pour l’avenir institutionnel des départements d’outre-mer, leur cohésion et leur paix sociales.
Je m’adresse à tous les élus qui siègent dans cette assemblée, et plus particulièrement à Mme Lucette Michaux-Chevry et à M. Claude Lise, qui pourront également apporter leur témoignage, puisqu’ils étaient députés à l’époque des faits que je souhaite relater.
Au moment de l’adoption du traité de Maastricht, nous avions pris l’initiative de réunir les députés et sénateurs des DOM-TOM au sein d’un intergroupe. Avec M. Louis le Pensec, qui était alors ministre des départements et territoires d’outre-mer, nous avions demandé un rendez-vous au Président de la République François Mitterrand. Nous redoutions que les spécificités de l’outre-mer ne soient pas prises en compte dans le traité, auquel cas l’application de l’ensemble des directives communautaires nous aurait vite asphyxiés !
Parce que nous étions unis, toutes opinions politiques confondues, et que nous sommes allés voir le Président de la République pour demander qu’une déclaration solennelle des douze États membres soit annexée au traité, nous avons obtenu gain de cause. Plus tard, cette annexe est devenue l’article 299-2 du traité d’Amsterdam.
Mes chers collègues, je veux vous lancer un appel ce soir : ne faisons pas de l’outre-mer un enjeu partisan entre la droite et la gauche ! L’intérêt de la France, à travers la planète, mérite mieux qu’un affrontement sur les travées de cette assemblée, affrontement qui serait mal ressenti par la population de nos départements et qui aggraverait les tensions sur place. Unissons-nous pour la cause de la France sur l’ensemble de la planète. C’est une cause juste, une cause d’avenir, que je vous demande de soutenir tous ensemble, quelle que soit votre appartenance politique au sein de cette assemblée.
Le temps qui m’est imparti s’étant déjà largement écoulé, j’évoquerai rapidement quelques pistes de solution, qui se trouvent bien évidemment dans le projet de loi.
Des efforts substantiels ont été réalisés pour ce qui concerne les zones franches d’activités et l’abaissement des charges sociales. En matière de concurrence, certains amendements ont pour objet d’empêcher, dans le domaine du câble, les situations de monopole que l’on observe dans la grande distribution. Par ailleurs, j’espère que les amendements visant à la mise en œuvre de la loi dite « loi Scellier » dans les DOM seront adoptés, parce que le logement est la branche essentielle de notre activité.
Il faut décoloniser l’outre-mer et décloisonner son économie, pour que chacun reçoive selon sa chance, et non selon son hérédité. Les ateliers des États généraux doivent être mis en place dans un esprit de concertation, de transparence, de vérité et d’efficacité, pour faire sauter sans aucun tabou tous les verrous qui, depuis tant de temps, bloquent le développement de l’outre-mer. Je pense aux verrous de la distance et du coût du fret, aux verrous des monopoles, de la continuité territoriale et numérique, et au fait que le système éducatif ne répond pas, outre-mer, aux impératifs que nous lui assignons, malgré la décentralisation, qui a doté la région de toutes les responsabilités en ce domaine.
Voilà donc notre état d’esprit. Tous ensemble, nous avons ouvert un chemin essentiel pour l’outre-mer. Cette loi, qui sera complétée par les États généraux, va permettre d’écrire une nouvelle page de notre développement, sous l’angle non pas d’une économie colonisée et cloisonnée, mais d’une économie pour laquelle nous évoquerons, chacun à notre place, tous les sujets qui fâchent, en ayant le courage d’y apporter des solutions.
M’adressant à la population d’outre-mer, je voudrais lui dire, en paraphrasant John Fitzgerald Kennedy : ne vous demandez pas ce que la France peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour la France et pour l’outre-mer, que nous aimons tous. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il m’appartient d’apporter, au nom du Gouvernement, les réponses aux nombreuses interventions.
Je souhaite tout d’abord remercier les différents rapporteurs de ce texte, qui ont su, dans le contexte nouveau lié à l’application de la réforme constitutionnelle, travailler en temps réel, en parfaite cohérence et coopération avec le Gouvernement.
J’ai entendu un certain nombre de positions divergentes sur l’urgence ou la non-urgence de ce texte, sur la nécessité d’engager sa discussion maintenant ou de reporter cette dernière après les États généraux de l’outre-mer. Il est vrai que, entre le moment où cette loi a été conçue, le moment où elle a fait l’objet d’une concertation – je crois pouvoir dire qu’elle fut sans doute la plus vaste et la plus longue de toutes celles qui ont eu lieu outre-mer – et le moment où nous l’examinons, un certain nombre d’événements sont venus changer la donne.
D’abord, une crise mondiale est intervenue. Qui pouvait, le 28 juillet dernier, au moment où le conseil des ministres se réunissait, imaginer qu’une crise aussi forte et aussi brutale viendrait déstabiliser l’économie de la planète ?
Ensuite, qui pouvait imaginer l’ampleur et la brutalité de la crise sociale que traversent nos départements d’outre-mer, même si certains d’entre vous ont rappelé qu’ils avaient donné l’alerte à de nombreuses reprises à cette tribune, y compris sous d’autres gouvernements ? Certes, chacun savait que l’organisation de l’économie et la situation sociale en outre-mer réunissaient tous les ferments nécessaires à une telle détonation et une telle crise.
Quel est notre devoir face à cette crise ? Nous devons agir ! Nos compatriotes et nos élus d’outre-mer attendent de nous que nous soyons dans l’action et le mouvement, et non uniquement dans le commentaire et l’analyse du passé. Cette loi constitue une première réponse du Gouvernement aux difficultés que traversent nos départements d’outre-mer. M. Éric Doligé l’a parfaitement expliqué ce matin, il s’agit d’un socle sur lequel il faut évidemment bâtir un changement complet de modèle.
Cette première étape est une amorce importante du nouveau cap que vous appeliez de vos vœux, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nous voulons par ce texte favoriser la production locale au détriment de l’importation. C’est tout l’objet des zones franches d’activités, qui permettront à l’État d’aider les secteurs porteurs d’activité, d’emploi et de production locale, pour sortir d’une économie soumise aux diktats d’une importation massive. C’est notre premier objectif.
Vous l’avouerez, ni le Président de la République qui en avait fait l’un des éléments de sa campagne électorale ni le Gouvernement, qui travaille sur ce texte depuis plus d’un an, n’ont attendu la crise pour jeter les bases de ce nouveau modèle.
Il faudra évidemment, à l’occasion des États généraux, dépasser ce projet de loi, tant dans les contrôles effectués par l’État – un domaine dans lequel ce dernier est très attendu – que dans l’évolution du modèle économique, qu’il convient d’adapter à des territoires fort différents les uns des autres.
La création des zones franches d’activités constitue une première mesure dont l’objectif est, dans l’urgence, de faire face au chômage qui, en moyenne, touche 22 % de la population active outre-mer. Cela suffit à justifier que l’urgence ait été déclarée sur ce texte et que nous puissions travailler à conforter l’économie et à créer des secteurs de production locale à forte compétitivité, qui auront un effet d’entraînement.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous communiquer un chiffre qui n’a pas été mentionné par les orateurs : ce sont 27 000 entreprises qui attendent la mise en place des zones franches d’activités !
Je reprendrai les chiffres communiqués par Jean-Paul Virapoullé, sans doute avec moins de talent mais avec la même force de conviction, j’espère.
Le but de ce projet de loi n’est pas de réaliser des économies. Les différents orateurs ont manié beaucoup de chiffres tout au long de la journée. Pour ma part, je me contenterai d’en comparer deux : la loi Girardin accordait 1,350 milliard d’euros de baisses de charges et d’impôts aux entreprises ultramarines ; le présent projet de loi en octroie plus de 1,5 milliard d’euros. Ce chiffre résume à lui seul le projet de loi et prouve que nous réalisons un effort financier massif, qui est justifié : il ne répond ni à une quête ni à une demande d’assistance, mais vise à conforter les entreprises et à réduire le chômage. On ne peut se satisfaire de voir nos quatre départements d’outre-mer occuper, en termes de chômage, les quatre dernières places des classements établis par l’Union européenne. Il y a urgence à agir !
La seconde urgence, dans la période que nous traversons, concerne le logement. Personne ne conteste les effets bénéfiques de la loi Girardin sur le logement libre et sur l’activité dans le secteur du BTP. Mais personne ne doit contester non plus le fait que, dans un monde qui change rapidement, une loi bâtie pour quinze ans doit être adaptée en permanence aux évolutions de l’économie pour rester crédible. Malheureusement, les circonstances actuelles nous montrent que l’économie mondiale subit de profonds bouleversements. Les outils employés hier ne sont plus adaptés à la situation actuelle. Il fallait donc les repenser, en mettant l’accent sur le logement social et en déployant une mixité de produits financiers.
La ligne budgétaire unique restera le principal outil de financement du logement social. Elle sera garantie pour les trois prochaines années et portée de 190 millions d’euros à 250 millions d’euros, soit une augmentation considérable. Par ailleurs, l’État n’a plus aucune dette à l’égard des organismes sociaux ultramarins, quels qu’ils soient. Le Gouvernement souhaite toutefois compléter la ligne budgétaire unique par la défiscalisation non patrimoniale, un outil qui a fait ses preuves outre-mer dans le domaine économique, de nombreux hôtels et entreprises se finançant de cette manière. On peut citer également une forme de défiscalisation patrimoniale, qui figure dans certains de vos amendements, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que la mixité entre le logement intermédiaire – le Gouvernement y est tout autant attaché que vous, cher Daniel Marsin – et le logement social, sans oublier la réhabilitation qui, devant la forte demande émanant du terrain, a été réintroduite dans ce texte. On ne peut nous reprocher à la fois de ne pas consulter et de changer d’avis à la suite de la concertation !
Fruit d’une longue écoute et d’une concertation, le présent projet de loi nous semble offrir des outils susceptibles de favoriser les deux priorités que sont l’emploi et la production locale – ou « développement économique endogène », termes que je n’aime pas beaucoup – ainsi que, parallèlement, le logement social afin de répondre à la crise qui frappe non seulement le bâtiment et les travaux publics, mais aussi les dizaines de milliers de familles mal logées.
La loi en elle-même ne réglera pas tout. Nous devons dialoguer de manière approfondie avec les collectivités sur les problèmes du foncier et de la formation professionnelle. En effet, si l’on veut que les outils créés soient efficaces, il faut pouvoir acquérir des terrains dans de bonnes conditions financières. De même, lorsque l’on sait que plus de 50 % des jeunes ultramarins sont à la recherche d’un emploi et que certains organismes n’arrivent pas à se financer, nous devons être plus efficaces en matière de formation. Les 15 millions d’euros mobilisés dès cette année par le projet de loi constituent un premier pas, auxquels s’ajouteront les efforts des régions.
D’aucuns estiment que ce texte ne répond en rien aux revendications des collectifs de la Réunion et de la Martinique ou à celles du LKP en Guadeloupe. C’est faux ! Non seulement nous jetons les bases d’un nouveau modèle, que les États généraux permettront sans doute d’approfondir, mais nous mettons aussi en place, via des amendements gouvernementaux, le bonus sans charges, qui devrait permettre aux entreprises d’apporter de vraies réponses salariales, ainsi que d’autres dispositifs susceptibles de répondre aux attentes sociales. Je reconnais, monsieur le président de la commission des finances, que ces amendements ont parfois été déposés tardivement, et je vous prie de bien vouloir nous en excuser.
J’ai examiné dans le détail les revendications de la Guadeloupe, celles de la Martinique, ainsi que les soixante-deux demandes du Collectif des organisations syndicales politiques et associatives de la Réunion, le COSPAR. Ce projet de loi y répond en partie. Toutefois, certaines mesures ne relèvent pas du domaine de la loi, comme l’alignement du forfait de charges sur celui de la métropole, une revendication très ancienne, qui doit être prise par arrêté.
Le service militaire adapté offre aux jeunes à la fois une formation et une rémunération, ce qui répond en partie à votre souhait, cher Claude Lise. Nous allons porter dans les trois prochaines années de 3 000 à 6 000 le nombre de jeunes formés par ce biais. Si cette mesure, saluée sur toutes les travées de cette assemblée, n’est pas directement contenue dans le projet de loi, elle s’inscrit pleinement dans la réponse cohérente que nous entendons apporter aux difficultés de l’outre-mer.
S’il s’avère, lors des États généraux, qu’il faut aller plus loin, nous ne nous priverons pas de le faire, ainsi que l’ont rappelé le Président de la République et le Premier ministre. Ce projet de loi ne constitue en effet qu’un socle, une réponse conjoncturelle à la crise. Si les États généraux produisent les fruits que nous espérons, des lois structurelles, dessinant des évolutions plus profondes, seront ensuite nécessaires. Mais il aurait été dramatique de retarder l’examen de la LODEOM, à l’heure où les critiques se multiplient sur l’encombrement du Parlement. La discussion générale a déjà permis une expression large et de qualité des membres de cette assemblée, et l’ensemble du débat parlementaire permettra peut-être de jeter les bases des travaux des États généraux. Le Président de la République a souhaité une concertation la plus large possible, sans tabou : toutes les questions seront posées, y compris, comme l’a dit Jean-Paul Virapoullé, les questions qui fâchent. J’espère que ces dernières ne seront pas trop nombreuses et que chacun pourra aborder les thèmes qui lui sont chers.
Il s’agira de bâtir un nouveau modèle, adapté aux caractéristiques de chacun des territoires d’outre-mer et, surtout, d’apporter des réponses durables à nos compatriotes ultramarins qui attendent autre chose qu’un énième plan superficiel. Ces réponses devront s’appuyer sur des valeurs durables ainsi que sur le rappel des règles de la République, le cadre républicain ayant toujours été, dans l’histoire de l’outre-mer, le plus protecteur. Je souhaite que nous recherchions un consensus, face à une opinion publique métropolitaine qui s’interroge sur l’avenir de l’outre-mer et, parfois, sur son utilité. C’est d’ailleurs un drôle de débat… S’inquiète-t-on de l’utilité de la Mayenne ou de la Seine-et-Marne ? L’outre-mer fait partie intégrante de la France ; c’est un chapitre du roman national ! Mais dès lors que certains portent ce débat, notre devoir est de montrer que non seulement l’outre-mer a des perspectives de développement endogène formidables, mais qu’il constitue aussi un atout non négligeable pour l’avenir de notre pays et de l’Europe. Si j’en crois les propos tenus par les différents orateurs qui se sont exprimés aujourd’hui, cette analyse me semble assez largement partagée sur les travées de cette assemblée.
Je vais maintenant, le plus rapidement possible, essayer d’apporter à chacun une réponse sur les points principaux qu’il a soulevés.
Le RSA sera appliqué outre-mer en 2011, comme la loi le prévoit. Si nous conservons ce calendrier, nous anticipons en créant le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, qui, en effet, madame Michaux-Chevry, est tout sauf une prime aux gens qui ne travaillent pas. C’est 100 euros par mois pour tous ceux qui travaillent dès lors que leur revenu est inférieur à 1,4 SMIC ! Cette mesure, qui conjugue soutien à la rémunération des plus modestes et incitation au travail, sera mise en place dès avril 2009 dans les quatre départements d’outre-mer et concernera 185 000 salariés. Nous sommes en train d’étudier le véhicule administratif le plus efficace pour la mettre en œuvre. Le RSTA sera versé pendant les trois prochaines années, à charge pour nous de le transformer de nouveau en RSA une fois que l’économie aura repris le dessus. Il s’agit d’un dispositif important et adapté aux spécificités de l’outre-mer.
Le fonds exceptionnel d’investissement outre-mer sera doté non pas de 50 millions d’euros, comme je l’ai entendu, mais de 115 millions d’euros, affectés à des opérations réparties dans l’ensemble des collectivités d’outre-mer – cent chantiers sont déjà financés –, auxquels s’ajoutent 50 millions d’euros complémentaires, qui nous permettront de soutenir la reprise de l’activité économique, notamment dans le domaine du BTP.
Les mesures en faveur du logement intermédiaire, je l’ai dit, revêtent pour nous une importance particulière. Nous souhaitons simplement, parallèlement à la construction de ce type de logements, promouvoir la réalisation de logements sociaux. À cette fin, dans une logique de programmes, nous voulons que la construction de logements sociaux soit obligatoirement supérieure de 30 % à celle de logements intermédiaires.
J’en viens maintenant à la question des billets d’avion. Notre politique de continuité territoriale ne consiste pas seulement en une globalisation des crédits y afférents. Conformément aux recommandations qu’avait faites, voilà deux ans, la Cour des comptes dans un rapport, aux termes duquel celle-ci avait mis en cause l’utilisation, dans certaines circonstances, de ces fonds, nous voulons que les résidents les plus modestes puissent bénéficier de billets à tarif réduit. Surtout, nous voulons changer la donne du système économique. C’est pourquoi j’ai proposé aux régions un partenariat local.
J’ai été choqué de constater qu’une grande compagnie aérienne de dimension internationale, dont les lignes à destination de l’outre-mer représentent 1 % de son trafic, réalise grâce à celles-ci 14 % de ses résultats. Cette situation doit nous interpeller. Incitons, grâce à ces crédits en faveur de la continuité territoriale, des compagnies nouvelles à desservir l’outre-mer ; essayons d’y attirer des compagnies de type low cost, à l’image de ce qu’a fait le Gouvernement avec la Corse, qui, pour la première fois cette année, sera desservie par une compagnie de ce type.
C’est la raison pour laquelle nous devons globaliser les crédits en faveur de la continuité territoriale et les gérer avec les collectivités locales, de manière qu’ils bénéficient non seulement aux liaisons entre la métropole et les collectivités d’outre-mer, mais encore aux liaisons entre celle-ci et les territoires voisins. À cet égard, monsieur Laufoaulu, vous avez eu raison de dénoncer les tarifs inacceptables qui sont appliqués aux liaisons aériennes entre les îles Wallis et Futuna et la Nouvelle-Calédonie. C’est pourquoi le Gouvernement entend engager, à travers ce texte, une politique globale en la matière.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre vous m’ont interrogé sur le calendrier de mise en œuvre de cette réforme, notamment sur la date d’entrée en vigueur des mesures d’allègement des charges. Lors du débat budgétaire, le Gouvernement avait très clairement énoncé que les dispositions que nous examinons actuellement seraient applicables environ un mois après la promulgation de la LODEOM, soit, je l’espère, dès le 1er juillet. Dans cette attente, c’est l’ancien dispositif qui s’applique, ce sont donc les mesures votées dans le cadre de la loi de finances qui demeurent en vigueur.
Les allègements de charges sont établis sur une base trimestrielle, tandis que les mesures concernant la taxe professionnelle ou les impôts, en partie rétroactives, s’appliqueront à l’année en cours, ce qui permettra ainsi aux entreprises d’en bénéficier pour toute cette période.
Les mesures de contrôle des prix ont une importance particulière. Il y a une exigence de transparence ; il est demandé à l’État d’être davantage présent, d’exercer des actions de contrôle, de mettre fin à certains systèmes.
J’ai réuni hier, pour la première fois, le comité de suivi du prix du carburant, qui a commencé à expertiser les mesures qui ont été prises en la matière. Nous irons plus loin.
Le 14 février, j’ai saisi l’Autorité de la concurrence, autorité indépendante, et l’ai chargée de réaliser une étude complète portant à la fois sur les prix du carburant, mais, plus généralement, sur les systèmes de formation des prix et des marges, ainsi que sur l’organisation de la distribution. Elle devra nous rendre un avis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que vous en avez émis le vœu, nous débattrons tout à l’heure de la question des prix encadrés. Toutefois, je tiens à dire que l’encadrement des prix ne doit pas conduire à subventionner les grandes surfaces. Ce n’est sans doute pas le but visé par les uns et les autres. Nos compatriotes attendent avant tout que nous surveillions les marges, que nous comprenions les circuits de distribution, que nous dénoncions les excès et, comme la législation le permet, que nous les sanctionnions si nécessaire, que nous fassions toute la transparence. Transparence et concurrence sont les deux leviers grâce auxquels nous pourrons progresser. Évidemment, nous demanderons aussi aux distributeurs de faire des efforts. Dans cette perspective, nous devrions pouvoir apporter des réponses très concrètes.
Aux termes des différents protocoles qui ont été signés dans les différents départements, les distributeurs se sont engagés à faire des efforts. C’est cette logique que nous devons encourager, non pour nous en contenter, mais pour faire évoluer le système et prévenir les dérives que nous avons relevées dans le passé.
S’agissant de la Polynésie française, je n’entrerai pas dans le détail du débat qui m’oppose à M. Flosse ; je dirai seulement que ma vision est différente de la sienne. La dotation globale de développement économique est maintenue. D’ailleurs, l’engagement financier en faveur de la Polynésie française de l’État ne se limite pas à cette seule dotation ; si tel était le cas, le contrat signé entre le président Tong Sang et le Président de la République n’aurait pas de sens et les crédits que nous allons délivrer au titre du contrat de développement de cette année n’existeraient pas. Nous avons le devoir d’étendre et de moderniser nos relations financières, non pour réaliser des économies ou « larguer » la Polynésie française, mais simplement pour lui permettre de s’engager dans une logique de développement économique endogène.
Je dois dire à M. Flosse que j’ai été très satisfait des discussions que j’ai eues avec le président Oscar Temaru. Lui et moi, me semble-t-il, nous accordons sur cette perspective d’un nouveau partenariat, d’une nouvelle ère, qui, je l’espère, sera fructueuse pour les uns et pour les autres.
Monsieur Gillot, ferons-nous preuve d’assez d’audace ? Je l’espère. Grâce à ce texte, des moyens financiers seront mis en œuvre. J’espère que les états généraux seront l’occasion, certes, d’analyser le passé, mais surtout de formuler des propositions pour l’avenir. Trop souvent, en effet, nous avons tendance à nous contenter de dénoncer les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, sans nous atteler à l’élaboration de nouveaux modèles, de nouvelles architectures, entreprise plus difficile, j’en conviens. Tous ensemble, nous parviendrons à cet objectif, auquel le Gouvernement est ouvert.
Monsieur Gillot, vous avez manifesté votre attachement à l’idée de contrat d’autonomie. Cette disposition s’applique outre-mer dans le cadre de la politique de la ville. Je suis prêt, en collaboration avec Fadela Amara, à en dresser un bilan d’application et à envisager son éventuelle extension géographique, à l’instar de ce que nous avons fait s’agissant du SMA, qui permet aux jeunes de bénéficier d’une formation rémunérée.
Je rappelle aussi que, à la différence du RMI, dont ne bénéficient pas les jeunes de moins de 25 ans, le RSTA pourra être perçu, sans condition d’âge, par quiconque travaillant dans une entreprise et percevant une rémunération mensuelle inférieure à 1,4 SMIC. Beaucoup de jeunes titulaires de contrats à temps partiel toucheront ainsi leur quote-part de RSTA, alors qu’ils auraient été exclus d’autres dispositifs, tel le RSA.
S’agissant de l’inscription de nos territoires dans leur environnement régional, je rassure Lucette Michaux-Chevry : l’État n’a pas délégué à l’Europe sa mission de contrôle des négociations des accords de partenariat économique, que nous pourrions d’ailleurs renforcer. L’Europe n’agit que sous l’autorité des États. Ce thème sera d’ailleurs traité durant les états généraux. La coopération régionale, l’inscription des territoires dans leur environnement régional, le développement des exportations à partir des territoires régionaux doivent être une priorité.
Monsieur Tuheiava, l’État, s’il le faut, prendra toute sa part pour aider les collectivités à prendre des initiatives dans ce domaine. Les francophones sont nombreux dans les bassins de vie du Pacifique, de l’océan Indien, de la Caraïbe qui doivent être le nouvel horizon de l’outre-mer. Celui-ci doit s’inscrire dans le cadre d’une coopération régionale et favoriser les grands projets, comme l’énergie renouvelable, projet phare de la Réunion.
Cette mobilisation serait impossible à la Réunion en l’absence des mesures de défiscalisation. Certains, sur les travées de l’opposition, ont demandé avec force qu’il soit mis un terme à ces mesures, n’y voyant que des « cadeaux » en faveur des patrons tout en nous demandant de faire plus. Ils me pardonneront ce raccourci. À cela je répondrai qu’il nous faut en effet faire davantage, tout d’abord en surmontant nos propres contradictions. L’outil de la défiscalisation doit être maîtrisé ; des seuils d’agrément doivent être fixés et des contrôles doivent être exercés. Néanmoins, il s’agit d’un outil utile, surtout s’il permet la réalisation de grands projets de développement, comme c’est le cas à la Réunion, dont l’exemple, je l’espère, sera imité par d’autres collectivités.
Nous discuterons des 75 millions d’euros supplémentaires qui seront affectés au rétablissement d’une forme de dégressivité des charges et de son extension éventuelle au petit commerce. J’ai bien entendu les demandes qui ont été formulées en ce sens, j’ai pris connaissance des amendements visant à ce que le petit commerce bénéficie des dispositions de la LODEOM. Mais, d’une part, les masses financières en cause seraient trop importantes ; d’autre part, je crains que, le cas échéant, nous en revenions aux erreurs du passé consistant à donner un peu à tout le monde sans se concentrer sur les secteurs porteurs. Aussi, nous vous proposerons, mesdames, messieurs les sénateurs, que seules les entreprises de moins de 11 salariés bénéficient des allègements de charges. Surtout, nous proposons comme mesure phare la création, outre-mer, d’un fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC–outre-mer, qui sera doté dans un premier temps de 8 millions d’euros. Très souvent, ce n’est pas tant le commerçant lui-même qu’il faut aider, mais la commune, pour lui permettre de réaliser un parking, d’aménager les espaces extérieurs, autant d’éléments nécessaires à l’attractivité de ses commerces.
Nous reviendrons bien évidemment sur tous ces aspects au cours de la discussion des articles.
Cher Adrien Giraud, je vous confirme que la piste longue de l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi sera prochainement réalisée et que la création d’un parc naturel est aujourd’hui à l’étude. En outre, les effectifs du SMA seront doublés.
Par ailleurs, je suis prêt à proposer au Sénat d’appliquer les mesures de baisse de charges à Mayotte. Mais une entreprise installée à Mayotte paie aujourd’hui des charges dont le montant est sans commune mesure avec celles que paie une entreprise installée, par exemple, à la Réunion. Dans ce dernier cas, les charges horaires redevables pour un salarié rémunéré 2 000 euros net pas mois seront de 20 euros ; elles sont de 14 euros à Mayotte. Aussi, monsieur le sénateur, je ne suis pas certain que vous souhaitiez l’application de la LODEOM à Mayotte et le passage de 14 euros à 20 euros des charges horaires.
Attendons le résultat qui sortira des urnes le 29 mars prochain. Une fois que les grands équilibres de l’économie mahoraise seront rétablis, nous pourrons évidemment prendre des mesures qui, si elles devaient être aujourd’hui celles que vous préconisez, auraient un effet exactement inverse de celui que vous souhaitez.
Monsieur Fleming, monsieur Magras, nous avons le souci de répondre aux attentes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Au cours de la discussion, nous aurons l’occasion d’évoquer l’application dans ces deux îles d’un certain nombre de mesures en faveur de l’hôtellerie et de la continuité territoriale.
Les particularités de la Guyane n’ont pas échappé au Gouvernement et, a fortiori, au Président de la République, très attentif aux spécificités de ce territoire et soucieux de son avenir.
Vous semblez affirmer que la défiscalisation à 80 % pour toutes les entreprises serait un handicap. Je suis sûr que, si je les interrogeais, de nombreux représentants des autres territoires considéreraient au contraire que c’est un avantage.
Nous avons bien conscience des spécificités de la Guyane ; je dois d’ailleurs recevoir prochainement le rapport du professeur Dehecq et nous avons mis en place des groupes de travail sur les finances des collectivités locales. C’est pourquoi nous plaçons la Guyane dans les secteurs les plus aidés dans le cadre de ce projet de loi. Compte tenu des difficultés propres à ce territoire, les aides apportées aux entreprises de Guyane seront, proportionnellement, les plus importantes.
Je n’ai pas oublié, monsieur le sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, ce que vous nous avez dit à propos du plateau continental. Comme vous le savez, le Gouvernement de Nicolas Sarkozy et de François Fillon est très attentif à vos demandes. Nous sommes effectivement prêts à jouer la carte d’un partenariat renforcé avec les Canadiens et à donner à Saint-Pierre-et-Miquelon la zone économique exclusive qui doit lui permettre de préparer son avenir. À Saint-Pierre-et-Miquelon de décider de sa stratégie de développement et de sa façon d’envisager l’avenir pour favoriser la mobilisation d’efforts conjoints et le combat commun.
M. Antoinette déplorait un manque d’écoute. Pour ma part, j’ai tout de même le sentiment d’avoir passé des centaines d’heures et tenu des dizaines de réunions pour faire de ce projet autre chose que ce qu’il était à l’origine. On peut, certes, s’en gausser, mais l’écoute consiste bien à aller sur le terrain, à s’adapter aux circonstances et à avoir le courage de transformer les choses. De grâce, lorsque nous avons ce courage et que nous ne sommes pas arc-boutés sur un dogme, reconnaissez-le et admettez que le Gouvernement essaie d’adapter ses outils à vos demandes, à vos attentes et aux évolutions de la situation !
C’est l’une des volontés du Président de la République : faire en sorte que l’outre-mer se construise avec les ultramarins ; l’avenir de leurs territoires doit dépendre en premier lieu d’eux-mêmes. Nous devons aussi veiller à ce que la question institutionnelle, évoquée à propos de la Guyane mais que le président Lise aurait également pu aborder à propos de la Martinique, ne soit pas taboue. En fonction des possibilités prévues par la Constitution, le Gouvernement est prêt à apporter des réponses institutionnelles, comme cela a été fait pour Mayotte, aux collectivités qui le souhaiteront, si elles estiment cela de nature à améliorer leur gestion et que cela s’intègre à un projet ambitieux et dynamique de nouvelle donne. Nous sommes tout à fait ouverts, y compris avant l’échéance des élections régionales de 2010. Le Président l’a dit ; je vous le confirme. Il ne s’agit cependant pas d’imposer un modèle : il revient à chaque collectivité de déterminer la façon dont elle souhaite voir les choses évoluer.
Il ne faudra pas oublier, dans les états généraux, l’Europe, qui nous contraint parfois mais qui soutient également les territoires. L’évolution du statut de pays et territoire d’outre-mer, PTOM, était tout à fait importante pour Wallis-et-Futuna et d’autres collectivités. Cela me semble avoir été l’une de nos priorités au cours de la présidence française de l’Union européenne.
J’espère n’avoir oublié aucune question dans cette très longue réponse. Je souhaite que le débat qui va s’ouvrir soit fructueux et qu’il permette à chacun de s’exprimer pour que nous puissions apporter ainsi à nos compatriotes d’outre-mer la réponse qu’ils attendent dans la conjoncture actuelle et mettre en chantier les prémisses, les bases, les fondations de ce nouveau modèle que nous espérons tous pour l’outre-mer. Ainsi pourrons-nous démontrer à nos compatriotes métropolitains que l’outre-mer se situe dans une logique dynamique et a décidé, après la tornade, après la tempête, de se reconstruire sur de nouvelles bases, dans un esprit de dialogue et, je l’espère également, dans un esprit de consensus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Terrade et Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°420.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer (n° 233, 2008-2009).
La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la motion.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire est que la nouvelle manière d’appréhender le travail législatif ne nous met nullement à l’abri de considérations plus profondes sur son sens et sur son essence.
En effet, voici que nous entamons aujourd’hui l’examen d’un projet de loi dit « de développement économique de l’outre-mer », dont l’intitulé n’est pas sans nous interroger. Les développements social, durable ou humain sont sans doute englobés dans cette notion de développement économique, à moins qu’ils ne soient même absents du texte.
Le projet de loi que nous examinons ce soir, cela a été rappelé à maintes reprises, a été déposé sur le bureau du Sénat le 28 juillet 2008. La procédure d’urgence a été invoquée le 16 février dernier, c’est-à-dire pratiquement sept mois après le dépôt du texte !
Urgence pour urgence, ce qui a provoqué cette soudaine décision du Gouvernement tient à une raison très simple : depuis plusieurs semaines, la Guadeloupe était entrée en lutte, dans un mouvement social et politique d’une ampleur sans précédent et la Martinique avait commencé de la suivre depuis une dizaine de jours.
Au moment où nous parlons, c’est la Réunion qui est concernée, à son tour, par un mouvement social d’importance. Les mêmes effets ayant souvent les mêmes causes, rien ne justifiait qu’il en aille autrement.
À vrai dire, le mouvement social que connaît l’outre-mer par sa diversité, sa profondeur, son ampleur sans précédent et sa détermination, a agi comme un formidable révélateur, révélateur des disparités, des injustices, du scandale de la répartition des richesses dans ces territoires ultramarins où la crise est d’autant plus dure que l’économie locale est depuis longtemps confisquée par quelques-uns.
N’ayons pas peur de le dire, l’image qui est véhiculée en France métropolitaine sur les départements et collectivités d’outre-mer était, jusqu’à il y a peu, une image tronquée, faussée. Cette image, c’est celle de l’assistanat social généralisé, doublé du paradis touristique pour vacanciers métropolitains en mal de dépaysement.
D’aucuns continuent d’ailleurs, sans la moindre vergogne, d’asséner quelques arguments complémentaires pour valider ces représentations inexactes de la situation. On peut lire dans Le Figaro ou La Tribune, dont le sérieux est pourtant reconnu sur la place de Paris, que l’outre-mer est coûteux parce qu’il faut verser des aides sociales quasiment à fonds perdus et consentir des dépenses publiques dans tous les domaines pour continuer de maintenir la situation de ces territoires.
La réalité est toutefois bien différente. J’en soulignerai quelques points.
Dans les quatre départements d’outre-mer travaillent 570 000 salariés, et l’on y compte plus de 320 000 emplois dans le secteur privé. Les quatre départements d’outre-mer comptent aussi 132 000 entreprises, dont 90 000 n’ont aucun salarié et plus de 33 000 comptent moins de 10 salariés.
L’outre-mer dégage certes un produit intérieur brut plus faible que celui des autres régions de France, mais cela ne doit pas faire oublier que l’on distribue, dans les quatre départements ultramarins, plus de 11 milliards d’euros de salaires et traitements ou encore plus de 2,3 milliards d’euros de prestations au titre de l’assurance vieillesse.
Cela ne retire rien au fait que les salaires du secteur privé y sont scandaleusement bas et que la vie y est scandaleusement chère !
Non, l’outre-mer n’est pas peuplée que de ménages vivant du RMI ou de travailleurs chroniquement privés d’emploi !
L’outre-mer, c’est aussi une population sensiblement plus jeune que celle de la métropole, même si la transition démographique tend à se généraliser et à en modifier la structure. La jeunesse, qui attend de vivre comme celle du reste du nôtre pays, dont le niveau de qualification initiale s’élève, dont la formation s’améliore, reste confrontée aux limites d’une économie toujours sous tutelle.
Le projet de loi qui nous est soumis répond-il à l’urgence des situations que je viens de décrire ? Permettez-nous d’en douter.
Une fois encore, une fois de plus, une fois de trop, peut être, on nous propose d’utiliser les mêmes outils : réduction des impositions diverses dues par les entreprises, allégements de cotisations sociales, aides sectorielles destinées à répondre aux attentes et aux difficultés de quelques segments d’activité jusqu’ici pourtant déjà largement bénéficiaires des subsides anciens.
Bien que les salaires et pensions constituent 87 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu, ce sont les revenus d’activité non salariée qui font l’objet de la sollicitude gouvernementale !
Et l’on peut bien consacrer une enveloppe de 688 millions d’euros à l’amélioration des conditions de vie outre-mer, il n’en demeure pas moins que les grandes masses sont ailleurs.
Ainsi, l’État dépense 1 050 millions d’euros pour financer la défiscalisation des investissements institués sous l’empire des lois Pons et Girardin. Il dépense aussi près de 1 200 millions d’euros pour alléger les cotisations sociales des entreprises, qui sont ainsi les principaux bénéficiaires des engagements publics !
L’image, complaisamment véhiculée, de l’assistanat nous donne envie de poser une nouvelle question : où sont les assistés ? Sont-ils dans le quartier du Chaudron à Saint-Denis de la Réunion, dans celui de Trénelle-Citron à Fort-de-France, ou dans le quartier nord de Kourou ? Nous n’en sommes pas tout à fait convaincus, bien que nombre des familles vivant dans ces quartiers connaissent les plus grandes difficultés sociales, les plus grandes difficultés d’insertion professionnelle.
Il y a en revanche des assistés bien mieux installés dans la vie, comme par exemple ces 800 familles de la Réunion disposant d’un revenu moyen de 150 000 euros annuels et non soumises à l’impôt sur le revenu ! Et nous en trouvons 200 autres en Martinique, 200 en Guadeloupe et 70 en Guyane ! J’ajoute que, dans les départements d’outre-mer, on compte près de 3 000 contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune !
À Fort-de-France, sans doute à peu de distance des quartiers sensibles de Dillon, de Volga ou des Terres Sainville, vivent 123 redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune, dont le patrimoine total s’élève à 275 millions d’euros !
Nul doute qu’une bonne part de la population la plus fortunée et la moins accablée par la situation générale de l’outre-mer a largement trouvé son compte dans les politiques publiques qui ont été engagées depuis une vingtaine d’années.
Nul doute non plus que la défiscalisation a connu un certain succès parmi les catégories les plus aisées de la population ultramarine et qu’elle a constitué une forme de sport national pour des redevables dont le lien avec l’outre-mer est particulièrement ténu.
Dans bien des quartiers bourgeois et huppés de Paris et de sa banlieue, les investissements outre-mer n’ont jamais constitué une œuvre de salut public ni l’expression d’une soudaine miséricorde pour des populations accablées par la crise et par le chômage ! Ces investissements ont été conçus comme un moyen de payer moins d’impôt sur le revenu, comme une niche fiscale supplémentaire, d’autant plus généreuse que la procédure d’agrément des investissements éligibles était pour le moins assez peu contraignante.
Dans cette affaire, le problème tient au fait que l’argent public, cette matière de plus en plus rare et de plus en plus précieuse, n’a pas été utilisé avec toute la rigueur qui aurait convenu et que les dérives et les effets pervers se sont multipliés. Il serait trop long de citer ici l’ensemble de ces effets pervers, une fois passée l’illusion plus ou moins tenace de la relance de l’activité.
Ainsi, le nombre d’emplois créés liés aux politiques publiques mises en œuvre outre-mer s’est révélé clairement insuffisant pour faire face à la fois à la résorption du chômage existant et à la demande d’emploi des nouveaux arrivants sur le marché du travail.
Les taux de chômage de la population ultramarine demeurent importants malgré la régulation qui procède bien souvent de l’émigration des jeunes sans emploi vers la métropole, phénomène qui ne s’est de toute façon pas interrompu.
La crise économique qui se développe n’épargne pas l’outre-mer.
Pour ne donner qu’un exemple, je prendrai celui de la Réunion où le taux de chômage a connu, au cours de l’année 2008, une progression non négligeable – 8 % de chômeurs de plus sur les trois premiers trimestres et 9 % en glissement annuel – tandis que le nombre des offres d’emploi a diminué, à l’inverse, de 8 % sur la même période.
De même, et le temps passant, on a inscrit notre outre-mer dans une dépendance économique étroite vis-à-vis de la métropole, dépendance dont on a pu mesurer le caractère stupéfiant durant le mouvement social des dernières semaines.
Nombre de produits de première nécessité sont importés de métropole, tandis que certains produits alimentaires, qui pourraient fort bien être produits sur place, sont abandonnés ou délaissés.
Les relations économiques entretenues avec l’environnement immédiat de chacun des départements et territoires d’outre-mer sont faibles ou insuffisantes, ce qui rend encore plus insupportables les effets cumulés des coûts de transport, des prélèvements fiscaux et de la recherche de la marge opérationnelle des distributeurs.
L’abus de position dominante dont jouissent, dans chaque département ou territoire, certaines familles de la grande distribution, est une évidence. Il faut bien souvent y ajouter des conditions léonines imposées aux producteurs locaux désireux d’écouler leur production sous ces enseignes, comme en témoigne l’allongement continu des délais fournisseurs et des marges commerciales sans équivalent.
Pendant que M. Willy Angèle implore pitié pour les pauvres chefs d’entreprise de Guadeloupe qu’il représente pour le MEDEF, les statistiques officielles nous indiquent que le taux de marge des entreprises locales est supérieur à celui des entreprises métropolitaines.
Les bas salaires ont du bon, notamment quand ils deviennent une véritable industrie et une trappe à défiscalisation et à allégements de cotisations sociales !
Ce projet de loi rompt-il profondément avec la logique qui a depuis si longtemps – et sans doute depuis trop longtemps – animé les politiques publiques outre-mer ?
À l’évidence, ce n’est pas le cas. Dans nombre de dispositions, pourtant attendues – passeport mobilité ou fonds d’investissement exceptionnel –, les sommes engagées sont d’un montant fort éloigné des besoins réels, et aucune réponse n’est réellement apportée à l’une des difficultés essentielles des entreprises ultramarines : le manque d’accès au crédit bancaire, qui prive la plus grande part des entrepreneurs de toute capacité de financement pérenne de leur activité.
Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, avez indiqué que votre texte présentait un caractère purement conjoncturel et qu’il serait peut-être suivi d’un autre, porteur de mesures plus fortes.
L’une des pistes évoquées, dans le droit-fil des recommandations de la Commission Balladur, est de procéder à la fusion des départements et des régions d’outre-mer en une collectivité unique.
Mais, à la vérité, ce « court-termisme », que vous auriez très bien pu gérer au travers de mesures réglementaires circonstanciées et adaptées, n’est pas ou n’est plus de mise.
C’est à une vaste remise à plat, une réelle remise en question des relations entretenues entre la métropole – de plus en plus suivie par l’Europe, dont l’ombre insistante se fait plus présente chaque jour – et l’outre-mer que nous devons nous atteler.
Ce texte n’est donc pas urgent, puisque le mal est plus profond, qu’il impose de prendre le temps d’une réflexion renouvelée, et que les conditions déplorables d’examen du présent projet de loi ne permettent pas de mener le débat comme il conviendrait.
Au nom de la solidarité et de l’attention que nous devons à nos compatriotes ultramarins, à leurs attentes, à leurs aspirations, à leurs capacités créatrices jusqu’ici trop souvent bafouées, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à voter en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur.
M. Éric Doligé, rapporteur. Madame Terrade, j’ai écouté avec beaucoup d’attention vos propos. Évidemment, rien n’est parfait et, si j’ai bien compris, vous nous avez dit qu’il était urgent d’attendre. Nous ne partageons pas du tout cet avis.
Nous pensons au contraire que nous sommes là pour essayer, au travers du texte, d’améliorer la situation et de mettre fin à toutes les anomalies que vous avez pu relever et qui existent certainement. D’ailleurs, le texte que nous examinons est relativement éloigné de la version qui résultera de nos débats, puisqu’un nombre important d’amendements seront défendus. Donc, nous devons travailler, et rapidement, sur ce texte.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous permettons d’émettre un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, il existe une double contradiction dans vos propos.
Vous dites en premier lieu qu’il faut prendre le temps de la réflexion. Mais, depuis de nombreuses années, tout le monde, y compris les pouvoirs publics, a pu réfléchir à la situation de l’outre-mer. Vous avez dit vous-même que la crise sociale n’était pas une découverte pour vous. Vous avez donc pu anticiper sur la réflexion et avoir le temps d’apporter toutes les modifications que vous souhaitiez à ce texte.
Vous dites en second lieu qu’il faut retirer ce texte parce que vous n’êtes pas d’accord avec les outils qui sont mis en place, notamment la défiscalisation. En réalité, vous êtes très isolée sur ce sujet, car nombre de vos collègues, notamment du groupe CRC-SPG, ont demandé tout à l’heure, lors de la discussion générale, d’aller plus loin dans le sens de la défiscalisation.
Il y a donc lieu de s’opposer à cette motion. Nous pourrons ainsi entamer la discussion des amendements et écouter ceux que vous défendrez pour améliorer ce texte.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. J’ai pris bonne note des arguments qui ont été avancés pour justifier le rejet de notre motion tendant à opposer la question préalable au texte du projet de loi.
Permettez-moi simplement de procéder, pour motiver notre appel renouvelé en faveur de son adoption, à quelques observations complémentaires.
Il faudrait, maintenant que la fièvre sociale vient de retomber en Guadeloupe, faire en sorte que les conclusions de ce mouvement social, que les amendements du Gouvernement tentent de traduire comme ils le peuvent, soient tirées et retracées dans la loi.
Il faudrait donc, en quelque sorte, discuter de ce texte, réécrit de manière substantielle à la lumière des événements récents, parce que la situation, sur le court terme, l’exige.
Mais, monsieur le secrétaire d’État, si la conférence des présidents nous a confirmé la tenue de séances pour l’examen du présent texte, elle a aussi validé l’examen, à la fin du mois, du second collectif budgétaire de l’année 2009. Or, en réalité, une bonne part des mesures que prévoient les amendements du Gouvernement pourraient fort bien figurer – ce serait d’ailleurs plutôt leur place – dans ce collectif budgétaire. La même remarque vaut pour des dispositions contenues dans ce projet de loi, comme le passeport mobilité qui est une véritable nécessité pour les jeunes d’outre-mer qui doivent prolonger leurs études ou renforcer leur formation professionnelle.
La loi de finances initiale de 2009 a inscrit, dans les crédits de la mission « Outre-mer », une autorisation d’engagement de 53 millions d’euros, assortie de crédits de paiement d’un montant équivalent pour ce qui est de la politique de continuité territoriale.
Je formulerai deux observations sur ce point.
D’une part, il n’y a pas plus de ressources ni de budget pour financer ces crédits que l’année précédente, il y en a même moins.
D’autre part, on découvre avec intérêt que la dotation concernée manquait d’une base légale, que l’article 26 tend à instituer.
Ne pouvait-on pas résoudre le problème dès le vote de la loi de finances, compte tenu du fait que la mesure a une incidence budgétaire concrète ? Il y a quelques instants, vous parliez d’anticipation. Notre groupe a toujours anticipé, mais il a toujours été confronté à votre refus obstiné d’avancer dans le bon sens.
La même remarque vaut pour le fonds d’investissement exceptionnel, pour le financement duquel ont été prévus 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et 16 millions d’euros en crédits de paiement, dans la loi de finances initiale.
Ce dispositif présente deux caractéristiques très discutables : des dépenses de caractère fortement évaluatif et un chapitre réservoir mis à disposition de la régulation budgétaire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est passionnant !
M. Thierry Foucaud. Permettez-moi de m’exprimer, monsieur le président de la commission !
Pour faire bonne mesure, le montant sommaire de la dotation l’apparentait, de fait, à une ressource minime destinée au saupoudrage de dotations en fonction de demandes ayant sans doute plus à voir avec l’opportunité politique. On pourrait mener des enquêtes sur les dotations attribuées ici ou là par la majorité, mais de telles enquêtes ne sont jamais diligentées, car personne ne se passionne pour ce genre de choses, en tout cas pas du côté de la majorité.
Quant aux mesures destinées à aider les entreprises locales en majorant notamment les niveaux d’exonération fiscale, elles appellent plusieurs remarques.
On choisit en effet la dépense fiscale en lieu et place de la dépense publique directe. Or nous avons dit que ce choix n’était pas le bon, en tout cas sur la durée, pour résoudre les problèmes économiques et sociaux de l’outre-mer.
Le pire, c’est que ces nouveaux millions dépensés en direction des entreprises – en tout cas sur le papier, puisque, pour payer moins d’impôt sur les sociétés ou les bénéfices, il faudrait, monsieur le secrétaire d’État, qu’il y ait des bénéfices ! –, ce sont les millions qui manquent encore aujourd’hui, malgré les effets locaux du prétendu plan de relance de janvier dernier, pour que le contenu des contrats de plan État-régions soit simplement respecté !
L’État ne tient pas parole sur les investissements cofinancés par les collectivités locales, et il accorde, de surcroît, priorité à de nouveaux allégements fiscaux et sociaux, pour des montants et des matières de toute façon déjà largement allégés par les dispositions antérieures.
Pour donner un exemple simple, comment ne pas mentionner le fait que l’aide fiscale aux ménages investissant dans l’immobilier excède le montant de la dotation de la « ligne budgétaire unique » en faveur du logement ?
Ce texte « court-termiste » n’apporte donc aucune réponse, et nombre de ses dispositions peuvent, soit être abandonnées, soit trouver place dans le collectif budgétaire de la fin du mois.
Pour ces motifs, je ne peux qu’inviter le Sénat à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Monsieur Foucaud, vous avez parlé deux fois plus longtemps que la durée qui vous sera accordée avec le nouveau règlement, c’est-à-dire six minutes au lieu de trois ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je suis surprise d’entendre nos collègues solliciter le report du texte en invoquant les disparités résultant de la défiscalisation prévue dans les lois Pons et Girardin. Je m’étonne d’ailleurs que la loi Paul n’ait rien changé à ces dispositifs fiscaux, bien au contraire !
Je rappelle en outre que le rapport du conseil régional de Guadeloupe sur le monopole et les détournements de fonds de la SARA, remis en 2000 à M. Paul, n’a été suivi d’aucun effet.
Aujourd’hui, vous sollicitez le renvoi du texte afin de permettre la réflexion. Or, lorsque vous avez été au pouvoir, vous avez eu le temps de réfléchir et vous avez maintenu les dispositifs de défiscalisation, que vous dénoncez maintenant, pour des raisons politiciennes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 420, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Frécon, S. Larcher, Lise, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°423.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5 du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (n° 233, 2008-2009).
La parole est à M. Jean-Claude Frécon, auteur de la motion.
M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les auteurs de la motion de renvoi à la commission que je présente au nom du groupe socialiste, apparentés et rattachés, considèrent que les sénateurs sont invités aujourd’hui à travailler sur un texte qui, rédigé en grande partie il y a plus d’un an, ne tient compte ni de la crise économique, qui est d’une ampleur considérable, ni des conséquences de cette crise sur les collectivités territoriales, pour lesquelles le projet de loi est censé avoir été élaboré.
Cela est d’autant plus vrai que, comme tout le monde le sait, ces collectivités connaissent, depuis plusieurs semaines, de nombreux événements qui font écho aux craintes et aux inquiétudes légitimes de nos compatriotes ultramarins et à leurs revendications, notamment en matière d’emploi, de pouvoir d’achat ou encore de logement.
Par ailleurs, alors que, à la suite de la dernière révision constitutionnelle, qui était censée renforcer les pouvoirs d’élaboration, de débat et de contrôle législatifs, le Sénat vient de débattre des évolutions du travail législatif devant découler de cette réforme, il n’est pas indifférent que notre assemblée ait l’occasion de se montrer à la hauteur des exigences de la situation.
Le Gouvernement ne cesse de multiplier, dans tous les domaines, les textes de projets de lois. Ce faisant, il provoque une inflation de textes, souvent suscités d’ailleurs par l’actualité immédiate, trop souvent mal conçus, quelquefois vite faits, mal faits, qui doivent être discutés dans la précipitation et qui, finalement, peuvent difficilement être appliqués. En effet, un texte chasse l’autre, avant que la publication des décrets du premier ait eu lieu !
Dans le cas présent, nous sommes confrontés à la variante complexe d’une situation originale. Nous devons examiner aujourd’hui un texte écrit il y a trop longtemps. De plus, on nous demande de discuter ce texte de toute urgence, au prétexte qu’il y a urgence à apporter des réponses immédiates aux problèmes de l’heure. Dans ce cas, pourquoi n’est-il même pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d’État ?
En outre, ce texte n’apporte pas les solutions aux problèmes les plus urgents, puisque celles-ci sont avancées principalement à travers des accords locaux. Par ailleurs – c’est le Président de la République qui l’a dit – des « états généraux de l’outre-mer » doivent apporter des réponses durables, à long terme aux préoccupations de nos compatriotes ultramarins.
Notre collègue Mme Lucette Michaux-Chevry a confirmé cet après-midi tout l’espoir qu’elle met dans ces « états généraux », lors desquels, nous a-t-elle dit, elle pourra exprimer ses propositions.
Fort bien ! Mais cela veut donc dire que de nouvelles propositions s’ajouteront à un texte déjà voté !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Et alors ?
M. Jean-Claude Frécon. Ce projet de loi ne répond donc pas aux attentes de ceux qu’il est censé concerner. Ainsi, il crée des zones franches d’activités, mais, indépendamment des quelques ajustements envisagés par le Gouvernement, il ne faut pas oublier que les personnes ayant initié ce texte étaient à l’origine essentiellement mues par le souci de faire des économies !
Il en va ainsi du système de dégressivité, qui permet de faire quelques économies. Les exonérations de charges sociales ont pour objectif de faire baisser le coût du travail, afin de favoriser la création d’emplois, mais cette dégressivité, instaurée par le projet de loi, est défavorable à la hausse des salaires, puisque plus le salaire est élevé, plus les exonérations de charges dont bénéficie l’employeur sont réduites !
En outre, cette mesure nuit particulièrement à l’embauche de cadres, dont les entreprises – notamment les grandes, mais c’est aussi vrai des PME – ont pourtant bien besoin pour se développer ! Et dire que cette mesure, initialement prévue dans le présent projet de loi, a été inscrite par le Gouvernement, en raison du retard pris par ce texte, dans le projet de loi de finances pour 2009, en décembre dernier !
Que dire également de la réforme du régime de défiscalisation en matière de logement ? Si la création d’un dispositif de défiscalisation en faveur du logement social est légitime au regard des besoins qui existent dans ce domaine, celui qui nous est soumis est-il suffisamment attractif financièrement pour fonctionner ? N’est-il pas légitime de craindre une baisse d’activité dans le secteur du bâtiment ? Les moyens budgétaires de l’État en faveur du logement social, regroupés sur la ligne budgétaire unique, ne doivent-ils pas être augmentés, comme le demandent nos collègues ultramarins ?
Que dire encore du fait que ce projet de loi ne prévoie aucune aide aux collectivités territoriales, alors que le rôle de ces dernières en matière d’investissement public est déjà bien supérieur à celui des collectivités de métropole ? En métropole, en effet, 73 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités, alors qu’en outre-mer cette proportion s’élève à près de 85 %.
Au contraire, le projet de loi traduit un désengagement progressif de l’État, qui est d’ailleurs beaucoup plus net qu’en métropole depuis 2002, puisqu’il s’accompagne d’une baisse régulière des budgets du ministère chargé de l’outre-mer, malgré des annonces contraires et des tours de passe-passe – c’est bien le terme qui convient – visant à afficher des augmentations. Ainsi, en ce qui concerne le budget pour 2009, on annonce une hausse de 16 %, mais en réalité ce budget n’augmente, à périmètre constant, que de 0,3 %, …
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tant mieux ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Frécon. … après déduction des 144 millions d’euros qui correspondent à une dette de l’État à l’égard de la Caisse générale de sécurité sociale.
La situation des finances des collectivités territoriales d’outre-mer est de plus en plus dégradée. L’État compense encore plus mal que dans l’hexagone les transferts de compétences et de charges !
M. Jean-Paul Virapoullé. C’est vrai !
M. Jean-Claude Frécon. De fait, l’idée qui sous-tend ce projet de loi est la remise en cause de nombreux instruments de soutien à l’économie des départements d’outre-mer, ce qui suscite évidemment dans ces départements une large réprobation.
Présenté comme un outil de développement, ce projet de loi est d’abord un texte de restriction et d’économies budgétaires, alors qu’il existe un consensus national pour considérer que l’économie des collectivités d’outre-mer françaises doit être soutenue, car elle souffre encore de retards importants qui justifient qu’elle soit stimulée.
Or, dans le détail, mes chers collègues, le projet de loi remet en cause des dispositifs de soutien à l’économie des départements d’outre-mer qui ont pourtant fait la preuve de leur efficacité et qui portaient, en principe, sur quinze ans. On voudrait maintenant substituer à ces dispositifs des mesures à caractère expérimental et dont je qualifierai les effets d’hypothétiques.
Nous refusons cette démarche. Avec nos collègues ultramarins, nous pensons que le Gouvernement ne doit pas casser l’élan dont ces régions ont fait montre aussi bien par leur propre dynamisme que par l’effet qu’ont produit des mesures adaptées, mises en œuvre depuis vingt-cinq ans et qui restent nécessaires, puisque ces économies ont commencé à rattraper leur retard, même si c’est difficile.
Depuis de nombreuses semaines – voire plusieurs mois –, les manifestations se propagent, de la Guyane à la Réunion en passant, bien sûr, par la Guadeloupe et la Martinique. La crise actuelle, financière, mais aussi économique, sociale, sociétale et même identitaire, a révélé une situation de crise latente dans ces régions.
Les principales revendications portent sur le coût de la vie, le pouvoir d’achat, la hausse des salaires, les problèmes de logement, la formation professionnelle, l’emploi et les droits syndicaux, comme l’ont déclaré cet après-midi la plupart de nos collègues ultramarins, notamment Claude Lise, Serge Larcher, Georges Patient, Daniel Marsin et Jacques Gillot.
Face à cette situation, le Président de la République a annoncé, le 13 février, la mise en place d’un conseil interministériel de l’outre-mer. Je le cite : « Ce conseil se réunira, dans les prochains mois, pour faire des propositions sur la rénovation de la politique menée par l’État en outre-mer ». Il s’agissait là d’une promesse de campagne du candidat Sarkozy. N’aurait-il pas été préférable de réunir ce conseil avant de demander au Parlement d’examiner le texte du projet de loi, et de tout mettre à plat ? Pour notre part, nous le pensons.
Mais, comme cette annonce n’avait que très peu d’effets apaisants, le même Président de la République a annoncé depuis, en plus, l’organisation d’« états généraux de l’outre-mer » !
Le présent projet de loi, sans cesse repoussé, semble aujourd’hui obsolète et insuffisant, ne serait-ce que, par exemple, en ce qui concerne l’aide aux collectivités territoriales.
Ce texte, élaboré à la fin de l’année 2007 et au début de l’année 2008, présenté devant le Conseil économique et social en février 2008, a fait l’objet d’un rapport dudit Conseil en mars 2008, c'est-à-dire très rapidement. Or, bien qu’il ait ensuite été déposé au Sénat au mois de juillet 2008, ce n’est qu’en mars 2009 que nous l’examinons !
Pourquoi tant de reports ? Pourquoi un tel retard ? Pourquoi ce texte a-t-il été déclaré d’urgence sept mois après son dépôt sur le bureau du Sénat ?
Ces circonstances expliquent les incohérences et les incertitudes qui hypothèquent ce projet de loi. L’adoption anticipée, dans le cadre de la loi de finances pour 2009, de certaines mesures qu’il préconisait, ainsi que les intentions vagues du Président de la République constituent, à n’en pas douter, une succession d’événements qui ne peuvent que nuire à son examen serein, cohérent et global.
D’ailleurs, les dernières mesures présentées par voie d’amendement par le Gouvernement, peut-être élaborées dans la précipitation, et en tout cas déposées à la va-vite – pas plus tard que ce matin même ! – sont-elles susceptibles de corriger l’impression d’improvisation que donne ce Gouvernement ? Je ne le crois pas !
En ce qui concerne la question du financement des diverses mesures d’urgence, elle n’est même pas prise en compte par le prochain collectif budgétaire – le quatrième en six mois –, que nous allons examiner dans trois semaines. C’est du moins ce que nous a déclaré le ministre du budget et des comptes publics la semaine dernière.
Étant donné qu’il existe un large consensus des principaux intéressés – notre collègue de Polynésie nous l’a encore rappelé tout à l’heure – pour souhaiter une réécriture de ce texte qui tienne compte de la crise ainsi que des développements récents de la situation en outre-mer, le groupe socialiste pense que l’examen de ce texte doit être reporté, ne serait-ce qu’après la réunion du conseil interministériel, qui doit elle-même faire suite aux états généraux.
Il convient en effet que le projet de loi prenne vraiment en considération les conséquences de la crise économique mondiale sur l’outre-mer, sans oublier les conséquences de la crise sociale actuelle et les revendications des partenaires sociaux.
Il faut également que de véritables négociations soient engagées avec les professionnels et les partenaires sociaux. Ainsi, selon les propos du Président de la République lui-même, on pourra répondre à « l’angoisse », « l’inquiétude », et « une certaine forme de désespérance de nos compatriotes des territoires d’outre-mer ».
De cette manière, le projet de loi pourra prendre vraiment en considération les conséquences de la crise économique et sociale en outre-mer. Les sénateurs, et particulièrement nos collègues ultramarins, quelles que soient les travées de cet hémicycle sur lesquelles ils siègent, pourront se consacrer à un examen attentif et constructif du texte, en dehors du contexte actuel marqué par les manifestations sociales. La commission des finances du Sénat pourra quant à elle se prononcer sereinement sur un texte profondément remanié, dégagé de l’improvisation et de l’incohérence.
Voilà pourquoi le groupe socialiste, conformément à son esprit de responsabilité et de vigilance, demande le renvoi de ce texte à la commission. Il s’agit de permettre à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation de se prononcer, avec la sérénité nécessaire, sur un texte qui devrait être modifié en fonction des problèmes de fond récurrents qui se posent.
Comme l’a dit tout à l’heure notre collègue Jean-Paul Virapoullé, pensons à l’avenir de nos outre-mers dans la transparence, dans la sérénité et en prenant le temps nécessaire à la réflexion !
Monsieur le secrétaire d’État, comme vous l’avez déclaré il y a à peine plus d’une heure à cette tribune, l’environnement économique et social a beaucoup changé depuis le dépôt de ce texte le 28 juillet dernier. Alors, prenons un peu de temps : il faut agir, certes, mais agir bien, c'est-à-dire après une sage réflexion. N’est-ce pas là le rôle du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur.
M. Éric Doligé, rapporteur. Nous préférerions tous, évidemment, que ni la crise mondiale ni les événements intervenus dans les départements d'outre-mer ne se soient produits. Nous n’aurions pas eu besoin de débattre aujourd'hui de ce projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.
M. Jean-Claude Frécon. Ah bon ?
M. Éric Doligé, rapporteur. La réalité est malheureusement tout autre. Et ce texte est l’un des éléments qui devrait permettre progressivement le retour au calme outre-mer. D'ailleurs, lorsque la plupart d’entre nous étaient réunis à Matignon autour d’une table, je n’ai entendu personne, parmi la trentaine que nous étions, dire que le texte devait être purement et simplement retiré. J’avais plutôt le sentiment que vous en approuviez globalement les dispositions, auxquelles vous souhaitiez apporter quelques améliorations.
Je rappelle également que ce n’est pas le texte du Gouvernement que vous voulez renvoyer en commission, mais celui de la commission des finances !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Éric Doligé, rapporteur. Le vote de la commission, qui avait eu lieu il y a une dizaine de jours, a été confirmé aujourd'hui même, pour des questions de procédure. Vous comprendrez que la commission ne souhaite pas réexaminer un texte qu’elle a adopté voilà à peine quelques heures.
Vous nous dites que tout le monde attend le renvoi en commission, mais je ne pense pas que les sénateurs ultramarins soient prêts à reporter de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, l’examen de ce texte.
Nous souhaitons apporter des réponses. Quelque 360 amendements vont être examinés. D'ailleurs, la plupart de ceux qui demandent l’adoption de cette motion sont également signataires de nombreux amendements ; ils ont certainement beaucoup à dire pour essayer d’apporter des réponses à nos amis ultramarins.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que le Sénat ne suive pas cette proposition de renvoi à la commission. Nous souhaitons poursuivre la discussion du projet de loi que nous avons adopté en commission.
M. Bernard Frimat. C’est laborieux !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Il y a un peu de posture dans votre position, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste. Vous nous dites qu’il est urgent d’attendre ; nous vous répondons qu’il est urgent d’agir au vu de la situation : 22 % de chômeurs, une crise économique et sociale sans précédent, des entreprises qui attendent les décisions du Sénat et de l’Assemblée nationale, ne serait-ce que pour accorder les hausses de salaires. Allez expliquer aux salariés qui attendent ce « bonus » que nous ne voterons pas ce texte parce qu’il est urgent d’attendre !
Je ne voudrais pas être cruel, mais je relève de nombreuses contradictions dans votre argumentation. D’abord, la plupart des signataires de cette motion de renvoi à la commission sont ceux qui nous ont expliqué à la tribune tout à l’heure combien l’urgence était grande. Mais je comprends qu’il puisse y avoir des différences entre la position du parti et la position personnelle, entre le travail collectif du groupe et la responsabilité d’un élu confronté à la réalité…
M. Bernard Frimat. Pas de provocation !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Ensuite, vous nous dites que la ligne budgétaire unique, la LBU, diminue. Elle passe de 190 millions d’euros l’année dernière à 254 millions d’euros cette année : belle diminution, effectivement !
Vous nous expliquez que le budget de l’outre-mer est en diminution en vous cantonnant aux seuls crédits de la mission « Outre-mer ». Or, si vous prenez tous les budgets consacrés à l’outre-mer par l’ensemble des ministères, vous constaterez qu’ils sont passés de 15 milliards d’euros l’année dernière à 16,7 milliards d’euros cette année, soit 1,7 milliard d’euros supplémentaires. Encore une belle diminution !
Vous nous dites que la LODEOM que nous vous présentons représente une économie budgétaire et vous vous faites les zélateurs de la loi Girardin que vous avez tellement combattue en 2003, en nous expliquant d'ailleurs – autre contradiction – que cette loi est formidable mais qu’elle a abouti à une crise terrible. Peut-être n’est-elle pas, dès lors, tout à fait exempte de défauts…
Cette loi que vous combattiez hier et que vous défendez aujourd’hui accordait 1,3 milliard d’euros d’aide aux entreprises ; la loi que nous vous proposons en comporte 1,5 milliard d’euros. Il n’y a donc pas de diminution de budget, il y a une autre logique.
Depuis le 28 juillet 2008, date à laquelle la LODEOM a été adoptée en conseil des ministres, pourquoi n’avez-vous pas écrit de projet alternatif, élaboré des contre-propositions, présenté des actions, une vision pour répondre à la crise sociale et restructurer l’économie ? Après tout, même s’il est effectivement assez étrange de renvoyer en commission un texte qui vient de la commission, si vous aviez travaillé à un contre-projet, nous pourrions en discuter ; ce serait même le rôle du Parlement de le faire.
Or je constate, comme l’a souligné Mme Lucette Michaux-Chevry, que les outils que vous critiquez – avec beaucoup de talent, je le reconnais – sont ceux que vous avez vous-mêmes mis en œuvre par le passé, parce qu’il n’existe pas beaucoup de choix possibles pour soutenir l’économie.
Le Gouvernement est évidemment contre cette motion de renvoi à la commission du texte issu des travaux de la commission, parce qu’il considère que celle-ci ne pourra pas faire mieux que ce qu’elle a fait jusqu’à présent.
En revanche, je le dis avec beaucoup de respect, en particulier aux parlementaires socialistes de l’outre-mer, nous accueillerons avec bienveillance les amendements que vous avez déposés, parce qu’il est urgent de trouver des solutions, urgent non pas d’attendre mais d’agir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Le rapporteur nous dit, et l’argument a été repris par le secrétaire d’État, que, puisque nous examinons le texte de la commission, il n’y a pas lieu de demander le renvoi en commission.
D’abord, il s’agit du projet de loi du Gouvernement amendé par la commission, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Ensuite, l’argument est quelque peu spécieux, parce que cela signifie que la procédure de renvoi en commission est obsolète dans la nouvelle procédure et qu’il faut la supprimer.
M. Michel Sergent. Eh voilà !
Mme Nicole Bricq. Or, à ma connaissance, il n’en a pas été question dans les discussions relatives à la réforme du règlement, en application de la révision constitutionnelle.
Par ailleurs, le Gouvernement nous répond qu’il est urgent de légiférer pour répondre à la crise sociale et économique qui s’est manifestée outre-mer. Je tiens à vous faire remarquer, monsieur le secrétaire d’État, que les centaines de millions d’euros que vous annoncez ne sont inscrits ni dans le texte ni dans les amendements que vous nous présentez.
Mme Nicole Bricq. Ce texte n’est donc pas la réponse urgente qui est demandée par nos concitoyens ultramarins. Du reste, le collectif budgétaire que nous allons examiner dans une vingtaine de jours ne comporte pas non plus ces mesures.
M. Michel Sergent. Eh oui, aucune !
Mme Nicole Bricq. Il est même question, nous a-t-on dit, qu’elles fassent l’objet d’un collectif cet été.
Par conséquent, l’argument que vous nous opposez n’est pas justifié.
Mme Odette Terrade. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Puisqu’il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire, comme vous l’ont demandé Marc Massion et Jean-Claude Frécon, quand le Gouvernement inscrira ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Frimat. Il peut le dire ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. C’était la réponse qui nous manquait.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 423, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier A
SOUTIEN AU POUVOIR D'ACHAT
M. le président. L'amendement n° 157, présenté par Mme Bricq, MM. S. Larcher, Lise, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :
Organisation de la concurrence
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise à modifier l’intitulé du titre Ier A nouveau, adopté par la commission des finances sur l’initiative de son président. N’y voyez aucune mauvaise manière à votre endroit, monsieur Arthuis ; nous sommes d’accord sur l’objectif, mais nous préférerions la rédaction suivante : « Organisation de la concurrence ».
Il nous semble que l’intitulé ne correspond que partiellement au contenu de l’article, puisqu’il s’agit de réglementer par décret le prix de cent produits. Ce ne serait qu’une échappatoire par rapport aux problèmes de fond.
En effet, s’agissant du pouvoir d’achat, sujet ô combien important, encore faudrait-il vérifier que l’offre de produits et de services rencontre une réponse du côté de la demande, notamment par le biais de rémunérations salariales ou de minima sociaux corrects. Tel n’est pas l’objet de l’article.
De plus, nous ne voudrions pas qu’un tel intitulé soit trompeur et alimente de nouvelles frustrations de nos concitoyens ultramarins.
Plus fondamentalement, comme l’écrit notre collègue Daniel Marsin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, « les interrogations sur les mécanismes de formation des prix sont en effet au cœur du mouvement social qui touche les départements des Antilles depuis plusieurs semaines ».
Nos collègues Éric Doligé et Marc Massion, rapporteurs de la commission des finances, ont motivé leur avis favorable sur cet article 1er A notamment par la nécessité de clarifier le fonctionnement des réseaux de distribution et les modalités de formation des prix.
Le diagnostic est donc largement partagé : les conditions concurrentielles qui permettent un niveau de prix correct sont défaillantes du fait des oligopoles et des monopoles présents dans les îles.
Du reste, l’article 410–2 du code de commerce, qui autorise qu’un décret en Conseil d’État réglemente les prix après consultation de l’Autorité de la concurrence en cas de défaillance de concurrence, est suffisamment explicite.
Quand le président de la commission des finances a annoncé le dépôt de son amendement lors de l’audition de M. le secrétaire d’État, il a fait expressément référence à l’organisation de la concurrence.
Alors, disons-le clairement dans le texte, ne nous contentons pas d’un palliatif illusoire qui ne s’attaque pas à la racine du mal, et fixons des règles de concurrence qui assurent la transparence des mécanismes de formation des prix et le contrôle de leur mise en œuvre par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, laquelle, à l’occasion, devrait être renforcée !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. C’est sans doute l’amendement qui a suscité le plus de débats au sein de la commission. Celle-ci a soutenu la proposition d’intitulé du président de la commission, à savoir : « Soutien au pouvoir d’achat ».
L’organisation de la concurrence fait partie du soutien au pouvoir d’achat, comme toutes les mesures que nous avons souhaité prendre. L’intitulé retenu dans le texte de la commission va tout à fait dans le sens de nos réflexions, c’est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement est, comme la commission, défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’ai en effet proposé à la commission des finances, qui l’a approuvée, la rédaction d’un article additionnel tendant à soutenir le pouvoir d’achat.
À titre personnel, je dois vous le dire, j’ai dû faire un effort : je suis en effet attaché au marché et aux libertés, mais je ne suis pas un fondamentaliste du marché. Or je fais le constat, comme la plupart d’entre vous, mes chers collègues, que la formation des prix outre-mer n’est à l’évidence pas conforme à ce qui devrait résulter du jeu d’une concurrence loyale : on y observe vraisemblablement des situations d’oligopole, sinon de monopole, qui tendent à accroître sans doute excessivement les marges.
Au surplus, l’octroi de mer pèse directement sur les prix. Bien sûr, les fonctionnaires municipaux perçoivent un sursalaire assuré par l’octroi de mer, dont le produit est attribué aux différentes collectivités territoriales, mais ceux des ultra-marins qui ne sont pas fonctionnaires souffrent d’un déséquilibre entre le revenu dont ils disposent et les prix qu’ils doivent payer lorsqu’ils font leurs courses au supermarché.
Il ne faut pas oublier non plus les conditions d’acheminement et de transport, puisque la plupart des biens de consommation sont importés de métropole. Il y a donc urgence, monsieur le secrétaire d’État, à analyser de manière très précise les conditions de formation des prix des biens et services offerts à nos compatriotes ultramarins. Je souhaite personnellement que l’Autorité de la concurrence et les services qu’elle peut mobiliser, c’est-à-dire l’ensemble des collaborateurs de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, puissent faire la lumière sur cette question.
Je reconnais que cet article a un caractère quelque peu provocateur. Mais c’est bien son objet, car nous n’oublions pas les manifestations, violentes parfois, qui se sont déroulées à la Guadeloupe et dans d’autres départements d’outre-mer : elles mettaient en évidence les difficultés liées au pouvoir d’achat. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’intituler ce titre Ier A « Soutien au pouvoir d’achat ».
Au reste, on ne peut pas dire que les dispositions qu’il introduit, c’est-à-dire le retour de la fixation des prix par l’État, soient l’illustration d’une bonne organisation de la concurrence ! Cet article porte, en effet, beaucoup plus sur l’intervention de l’État en vue de réduire le niveau des prix payés par les consommateurs ; c’est en cela qu’il contribue au soutien du pouvoir d’achat. L’intitulé proposé par la commission des finances me semble donc le plus approprié, comme vient de l’expliquer le rapporteur Éric Doligé – mais Marc Massion aurait sûrement dit la même chose.
Je ne voterai pas, vous l’aurez compris, l’amendement n° 157, présenté par Mme Bricq.
M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, pour explication de vote.
M. Jean-Etienne Antoinette. Au début de la discussion générale, nous avons dit que nous allions utiliser cet espace démocratique pour tout nous dire : je ne laisserai donc pas certaines idées tendancieuses s’exprimer dans cet hémicycle sans y apporter quelques réponses !
Quand M. le président de la commission des finances fait le lien entre l’octroi de mer perçu par les collectivités locales et la sur-rémunération des fonctionnaires territoriaux, je tiens à lui rappeler, dans un premier temps, que les fonctionnaires d’État touchent également les 40 % de la prime de vie chère.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !
M. Jean-Etienne Antoinette. Dans un deuxième temps, je relèverai que, lorsque M. le secrétaire d’État dit que les transferts de l’État en faveur de l’ensemble des collectivités locales d’outre-mer s’élèvent à 15 milliards d’euros, ce chiffre inclut les traitements versés aux fonctionnaires d’État et leur majoration de 40 %.
Cette confusion me gêne car, lorsque l’on procède à des analyses comparatives de l’aide de l’État en faveur des collectivités territoriales, il est d’usage de ne pas prendre en compte les salaires versés aux personnels des différents services déconcentrés de l’État. Je tenais à le préciser à ce stade de la discussion ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. La baisse des prix, ou leur maîtrise, peut-elle constituer à elle seule une politique de soutien au pouvoir d’achat ? La réponse ne peut, à mon avis, qu’être négative…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais non !
M. Thierry Foucaud. … puisque le pouvoir d’achat dépend aussi de la capacité de consommation de l’acheteur.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais elle augmente si les prix baissent !
M. Thierry Foucaud. Non, car elle dépend aussi du niveau de revenu et donc des salaires !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous admettez quand même que le pouvoir d’achat augmente si les prix baissent !
Mme Nicole Bricq. Pas forcément !
M. Thierry Foucaud. Cette augmentation n’a rien d’automatique. Sinon, monsieur le président, il faut accepter notre proposition de réduction des taux de TVA pour augmenter le pouvoir d’achat !
Mme Odette Terrade. Mais oui !
M. Thierry Foucaud. Soyons conséquents dans la défense de nos convictions !
La baisse des prix ne contribue pas à soutenir le pouvoir d’achat puisque ce dernier dépend aussi de la capacité de consommation des acheteurs, c’est-à-dire du niveau des revenus salariaux, de la revalorisation des retraites ou des prestations sociales. Il me paraît donc fondé de ne pas retenir, pour l’intitulé de ce titre, le libellé avantageux adopté par la commission des finances, mais bien plutôt celui que proposent nos collègues du groupe socialiste.
Je souhaitais également rappeler, comme me le disait à l’instant ma collègue Gélita Hoarau, qu’il n’est pas opportun d’invoquer à tort et à raison l’existence de l’octroi de mer pour expliquer les difficultés rencontrées outre-mer, même s’il s’agit d’un élément de la réalité. C’est le peuple entier qui souffre et qui a besoin d’un pouvoir d’achat supplémentaire !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 157.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er A
En application du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce, un décret en Conseil d’État réglemente, après consultation de l’Autorité de la concurrence et en conformité avec le deuxième alinéa du paragraphe 2 de l’article 299 du traité instituant la Communauté européenne, le prix de vente dans les départements d’outre-mer de cent produits de première nécessité.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l’article.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 1er A, ajouté par la commission des finances, présente la particularité de s’inspirer d’une proposition de loi déposée il y a peu par notre collègue Virapoullé, rapporteur pour avis de la commission des lois.
À dire vrai, le texte de cette proposition de loi appelait en lui-même quelques observations : tel est l’objet de cette intervention.
À la lecture de l’exposé des motifs de la proposition de loi, nous remarquons en effet un certain nombre d’éléments intéressants.
Notre collègue explique que : « Le tissu économique des départements d’outre-mer est aujourd’hui essentiellement composé d’entreprises qui exportent peu et comptent sur le pouvoir d’achat local afin de réaliser leur chiffre d’affaires.
« La grande distribution est particulièrement présente, celle-ci étant possédée par quelques grands groupes.
« Une part importante des petits producteurs locaux, notamment dans l’industrie agro-alimentaire, est obligée de subir les contraintes dictées par les centrales d’achat de cette grande distribution.
« À côté de cette grande distribution, dont le poids et l’influence peuvent être considérés comme exerçant une distorsion majeure sur l’économie, certains secteurs continuent de subir la présence d’une ou plusieurs grosses entreprises dominantes qui pratiquent des prix non conformes à l’optimum du marché. Citons à ce titre les transports aériens, la distribution de carburants, l’importation de matériaux de construction ou encore les télécommunications. »
Nous pourrions partager cette analyse, et, de fait, dire le contraire mériterait le reproche de méconnaître profondément les réalités et, notamment, les conséquences d’une libre concurrence qui, en modèle économique libéral, ne dure pas plus longtemps que ne durent les roses...
Nous ne pouvons manquer de citer les considérations de notre collègue, qui précise par ailleurs : « Il est paradoxal que le phénomène de mondialisation, dont la principale caractéristique est la quasi-abolition du coût de la distance, ne puisse s’appliquer dans les départements d’outre-mer.
« En effet, la plupart des théories économiques nous expliquent que dans n’importe quel bien de consommation sont incorporés des composants fabriqués là où les conditions de production sont les plus favorables, et que, de ce fait, le prix de ces produits est tendanciellement à la baisse.
« Il apparaît alors très étrange que ce paradigme économique ne puisse pas s’appliquer dans les départements d’outre-mer, alors qu’il s’applique parfaitement pour des pays pourtant voisins... »
Eh bien, mes chers collègues, malgré le credo libéral qui anime le contenu de cet exposé des motifs, nous pouvons en tirer bien des considérations.
En premier lieu, la mondialisation, quoi qu’on en dise, ne fait pas baisser les prix du seul fait de l’ouverture des marchés à tous les vents et d’un univers devenu, d’un seul coup, plus concurrentiel, au bénéfice des consommateurs.
Dans ce cas précis, il s’agit du même type de représentation mythique que celui que nous dénoncions lors de la discussion de l’amendement n° 157 de nos collègues du groupe socialiste, portant sur l’intitulé de ce titre additionnel.
En second lieu, c’est bel et bien la question du processus de formation des prix qui nous interpelle dans cette affaire. En effet, au-delà du coût des matières premières, de la part des dépenses de recherche et développement nécessaires pour les transformer, du coût connexe des transports éventuels, se posent les questions de la part de la rémunération du travail humain, de celle des frais financiers liés à l’exploitation, comme de celle de la marge opérationnelle des entreprises et des exigences de rentabilité de l’investissement.
S’arrêter, par exemple, à la question du coût de l’octroi de mer serait faire fausse route. Ne serait-ce que pour une raison simple : le montant de l’octroi de mer perçu par les collectivités locales d’outre-mer et, en l’occurrence par les régions, représente, à peu de choses près, celui de la réduction de la TVA liée aux taux particuliers applicables outre-mer : d’un côté, le produit fiscal de l’octroi de mer s’élève à 1 050 millions d’euros ; de l’autre, l’atténuation des recettes représente 1 180 millions d’euros.
La formation des prix, mes chers collègues, passe aussi et notamment par l’analyse de la répartition entre salaires et profits dans le prix finalement imposé à la clientèle.
Nous avons dit que le taux de marge des sociétés implantées outre-mer ne souffrait pas d’être comparé à celui des entreprises implantées en métropole. Or ce qui rend bien souvent les entreprises ultramarines si rentables, c’est précisément l’allégement conséquent de la part des salaires dans les prix : entre exonérations de cotisations sociales et allégements fiscaux divers, la rentabilité des entreprises n’est pas en cause. Dès lors, la logique qui conduit certaines entreprises disposant de positions dominantes à fixer comme elles l’entendent les prix imposés à leur clientèle devient encore plus insupportable.
C’est ce qu’il convenait de rappeler avant d’aborder la discussion de cet article 1er A.
M. le président. L'amendement n° 375 rectifié, présenté par M. Marsin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer le mot :
réglemente
par les mots :
peut réglementer
et remplacer les mots :
de cent produits de première nécessité
par les mots :
de produits de première nécessité qu'il détermine
La parole est à M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis.
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à assouplir le mécanisme de réglementation des prix introduit par la commission des finances, assez largement évoqué dans les diverses interventions qui ont précédé.
Le mouvement social qui a paralysé pendant plusieurs semaines les départements français des Antilles et qui s’est étendu aujourd’hui à la Réunion, s’est construit notamment autour de la question du pouvoir d’achat et de la transparence de la formation des prix.
En effet, toutes les enquêtes montrent que les prix sont bien plus élevés aux Antilles qu’en métropole, notamment pour les produits de première nécessité. Cela s’explique par des éléments objectifs bien sûr – l’éloignement, l’étroitesse des marchés, etc. – mais également par certains facteurs aggravants, notamment le caractère faiblement concurrentiel des réseaux de grande distribution. Il me semble que nous en sommes quasiment tous d’accord.
En réponse, la commission des finances a introduit, sur l’initiative de son président, cet article 1er A, qui indique que le Gouvernement réglemente, par décret en Conseil d’État, les prix des produits de première nécessité.
La commission des affaires économiques a d’abord salué cette initiative, qui s’inscrit dans un objectif de clarification du fonctionnement des réseaux de distribution et des mécanismes de formation des prix. Cependant, elle considère que ce dispositif pourrait être amélioré et assoupli.
Cet amendement vise donc un double objectif.
D’une part, il tend à assouplir le dispositif afin que la réglementation des prix par décret en Conseil d’État ne soit qu’une possibilité et non une obligation. En effet, à la suite des négociations engagées aux Antilles, tant en Guadeloupe qu’en Martinique, la grande distribution s’est engagée, par la signature de plusieurs chartes, à baisser les prix des produits de première nécessité afin de les rapprocher des prix de la métropole. En faisant de la réglementation des prix une simple possibilité, cet amendement permet ainsi à l’État de n’intervenir qu’en dernier recours, si les enquêtes qui devront être menées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes concluaient au non-respect de ses engagements par la grande distribution.
D’autre part, cet amendement laisse au décret en Conseil d’État le soin de déterminer la liste des produits de première nécessité concernés par la réglementation des prix. Ainsi, le nombre de produits ou de familles de produits visés par cette réglementation résultera du décret. Il ne paraît en effet pas utile de figer dans la loi le nombre de cent produits, qui ne correspond à aucune réalité tangible. Je note d’ailleurs que les négociations en Martinique ont déjà porté sur quatre cents produits.
Cet amendement me semble donc constituer un bon moyen d’améliorer l’excellente disposition introduite par notre commission des finances.
M. le président. Le sous-amendement n° 425 rectifié, présenté par M. Laufoaulu, est ainsi libellé :
I. - Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 375 par les mots :
pour chaque collectivité territoriale d'outre-mer en fonction de ses particularités
II. - En conséquence, compléter l'amendement n° 375 par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans cet article, remplacer les mots :
les départements d'outre-mer
par les mots :
toutes les collectivités territoriales d'outre-mer pour lesquelles l'État a compétence en matière de réglementation des prix
La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. L’article 1er A, s’il est adopté, ne concernera malheureusement pas les îles Wallis et Futuna, où la compétence de la fixation des prix relève de l’autorité locale.
Je veux surtout rappeler, à travers ce sous-amendement, que chaque collectivité territoriale d’outre-mer dispose de particularités propres : environnement régional, climat, données sociales, économiques et culturelles. Par conséquent, les produits de première nécessité ne sauraient être les mêmes dans toutes les collectivités ultramarines et doivent être déterminés au cas par cas, non pour les seuls départements d’outre-mer, mais pour toutes les collectivités territoriales d’outre-mer pour lesquelles l’État a compétence en matière de réglementation des prix.
Je veux aussi souligner combien le contrôle des prix est difficile. Il pose déjà des problèmes dans les départements d’outre-mer, qui disposent de moyens et d’une aide directe de l’État pour exercer ce contrôle : imaginez alors, mes chers collègues, quel peut être l’embarras d’une collectivité telle que celle des îles Wallis et Futuna !
Je souhaite donc attirer l’attention de l’État sur ce sujet et lui demander d’apporter aux petites collectivités un soutien dans la résolution de ces difficultés.
L’observatoire des prix et des revenus qui a été mis en place, le mois dernier, à Wallis et Futuna n’apporte pas de réponse satisfaisante. J’estime nécessaire que l’assemblée territoriale mette immédiatement en œuvre un contrôle des prix et que l’État apporte son aide pour que ce contrôle soit effectué de manière adéquate.
J’ai évoqué, dans le cadre de la discussion générale, le problème de la desserte aérienne. Sur ce point également, je sollicite le soutien du Gouvernement pour que nous puissions améliorer la situation et faire en sorte que soient revus des tarifs que nous qualifions tous de scandaleux. La société Air Calédonie International doit réviser ses prix ! Si elle ne le fait pas, monsieur le secrétaire d’État, aidez-nous à introduire la concurrence pour le bien et la dignité de nos populations !
M. le président. L'amendement n° 390, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer le mot :
réglemente
par les mots :
peut réglementer
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Comme Daniel Marsin l’a dit voilà quelques instants, il est souhaitable que la réglementation du prix de vente soit une possibilité, et non une obligation.
En nous enfermant immédiatement dans une obligation, nous courrions le risque de voir différents acteurs, notamment la grande distribution, demander à l’État de financer leurs marges, ce qui serait exactement l’inverse de l’objectif que nous visons. Il faut donc que la réglementation reste une faculté. Elle est essentielle, mais elle ne doit être activée qu’en cas d’échec de la mise en œuvre d’autres dispositifs, notamment des protocoles qui ont été signés dans le cadre des conflits.
Ainsi, nous nous situons dans un schéma de progression éventuelle de la menace, si j’ose m’exprimer ainsi, ce qui nous permet de ne pas nous enfermer dans une logique de subvention à la grande distribution avec l’argent du contribuable.
M. le président. L'amendement n° 158, présenté par MM. Lise, Patient, S. Larcher, Gillot, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans cet article, après le mot :
cent
insérer les mots :
familles de
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Nous l’avons vu, la question du coût de la vie se situe, comme celle de la baisse du pouvoir d’achat, au cœur des revendications exprimées lors des mouvements sociaux sans précédent que les départements de la Guadeloupe et de la Martinique ont connus et que, maintenant, l’île de la Réunion commence à connaître. Cette question était également à l’origine des importantes manifestations qui ont eu lieu en Guyane à la fin de l’année dernière, singulièrement pour dénoncer la hausse exorbitante du prix de l’essence.
Le phénomène de cherté de la vie est, de fait, devenu proprement insupportable dans les départements d’outre-mer, notamment pour les bas salaires et, plus encore, pour celles et ceux qui émargent aux minima sociaux, proportionnellement plus nombreux qu’en métropole.
Il s’explique, en grande partie, par la forte dépendance de ces économies vis-à-vis de l’extérieur : elles ont hérité de leur passé colonial un mécanisme particulier de formation des prix dans les circuits d’importation. Il s’explique aussi par l’existence d’un certain nombre d’abus de position dominante, dont il me semble que vous avez pu vous faire une idée, monsieur le secrétaire d’État, lors de vos récents voyages en Guadeloupe et en Martinique.
J’ai entendu parler de l’octroi de mer… Je voudrais tout de même relativiser son importance et préciser à ceux de nos collègues qui l’ignoreraient que l’octroi de mer alimente non pas « les collectivités territoriales », comme je l’ai entendu, mais les budgets des régions d’outre-mer et des communes. Si nous décidons de supprimer cette taxe, il faudra bien trouver une nouvelle recette pour ces communes, qui, je tiens à le rappeler, sont toutes en difficulté.
Au-delà de la hausse des bas salaires, l’une des principales revendications des collectifs de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion en matière de lutte contre la vie chère porte sur une baisse d’environ 20 % des prix d’un ensemble d’articles de première nécessité et de grande consommation.
L’article 1er A, introduit par la commission des finances et visant à réglementer les prix de vente des produits concernés, va donc, selon moi, dans le bon sens. Toutefois, le présent amendement tend à apporter une précision et enlever toute ambiguïté quant au terme « produits ».
Il s’agit de garantir au consommateur la possibilité d’exercer son choix sur une gamme suffisante d’articles, et non pas simplement sur un nombre déterminé d’articles ou de références. Nous cherchons ainsi à éviter une concentration d’un maximum d’articles dans un minimum de familles de produits.
Cet amendement, je dois le souligner, fait référence aux termes des accords récemment signés tant en Guadeloupe qu’en Martinique.
M. le président. L'amendement n° 302, présenté par M. Laufoaulu, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ces cent produits sont déterminés pour chaque collectivité territoriale d'outre-mer en fonction de ses particularités.
La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Cet amendement a été défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. L’amendement n° 375 rectifié apporte à notre texte des améliorations très intéressantes. Si nous retenions la solution proposée par la commission des affaires économiques, qui offre une souplesse nettement plus grande, les produits susceptibles d’être visés par une éventuelle réglementation des prix seraient beaucoup plus nombreux.
Autre élément de souplesse : la commission des affaires économiques propose, de même que le Gouvernement, de transformer en une faculté ce que notre texte présente comme une obligation.
La commission des finances est donc très favorable à cet amendement n° 375 rectifié.
Sur le sous-amendement n° 425 rectifié, qui vise à étendre le champ d’application de la fixation des prix à l’ensemble des collectivités territoriales d’outre-mer, nous n’avons pas véritablement eu le temps de nous prononcer. Par conséquent, nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement.
Je me permets de demander à M. le secrétaire d'État de bien vouloir se rallier à l’amendement n° 375 rectifié, qui nous paraît meilleur que l’amendement n° 390, dont la portée est plus restreinte puisqu’il ne touche pas à la limite de cent produits de première nécessité.
En défendant l’amendement n° 158, M. Lise a souhaité évoquer une nouvelle fois l’octroi de mer. J’estime que nous aurons besoin, en dehors de la séance, d’une vraie leçon sur cette taxe, afin d’en bien comprendre le fonctionnement. Je crois d’ailleurs qu’une mission va se mettre en place sur ce sujet, à propos duquel subsistent certaines ambiguïtés dont les conséquences peuvent être très problématiques.
Quoi qu'il en soit, M. Lise propose de remplacer « cent produits » par « familles de produits ». Là encore, nous préférons la solution proposée par la commission des affaires économiques, qui est beaucoup plus souple.
Vous le voyez, monsieur Lise, nous sommes beaucoup plus libéraux, allais-je dire, mais ce n’est peut-être pas le mot à employer…
M. Éric Doligé, rapporteur. Voilà ! Nous sommes beaucoup plus ouverts et nous offrons une fourchette aux dents plus écartées !
Par conséquent, nous demandons le retrait de l’amendement n° 158 au profit de l’amendement n° 375 rectifié.
Il en va même s’agissant de l’amendement n° 302.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 375 rectifié, au profit duquel il retire son amendement n° 390, ainsi qu’au sous-amendement n° 425 rectifié. La précision proposée par M. Laufoaulu nous semble en effet parfaitement correspondre à ce qu’il est souhaitable de faire.
Nous souhaitons que M. Claude Lise veuille bien retirer également l’amendement n° 158 au profit de l’amendement n° 375 rectifié.
Enfin, nous demandons le retrait de l’amendement n° 302, qui sera globalement satisfait par l’adoption de l’amendement n° 375 rectifié, dès lors que celui-ci aura été modifié par le sous-amendement n° 425 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 390 est retiré.
Monsieur Lise, l'amendement n° 158 est-il maintenu ?
M. Claude Lise. Il m’est difficile de retirer cet amendement, monsieur le président, car je fais partie des négociateurs de la Martinique. Je crois que chacun me comprendra…
M. le président. Monsieur Laufoaulu, l'amendement n° 302 est-il maintenu ?
M. Robert Laufoaulu. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 302 est retiré.
La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
M. Serge Larcher. Je voudrais que nous puissions préciser ce qu’il faut entendre par « produits ».
Par exemple, si l’huile est considérée comme un « produit », nous pouvons suivre les propositions qui nous sont faites. On trouve effectivement, sous ce vocable, toute une déclinaison d’huiles : l’huile de colza, l’huile de tournesol, l’huile de palme, etc.
M. Jean-Paul Virapoullé. C’est une famille de produits ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Serge Larcher. Si nous en restons aux « cent produits de première nécessité », ne vous y trompez pas, mes chers collègues, le prix bas ne concernera que le produit le plus courant, le produit de bas de gamme !
Lors de la négociation qui vient de s’achever, nous avons été confrontés à ce problème. C’est pourquoi nous proposons d’évoquer des « familles de produits ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Virapoullé. Il ne faudrait pas que, en votant un texte, que j’approuve au demeurant, nous créions une source de conflits entre la population et nous-mêmes.
M. le secrétaire d’État, M. le rapporteur de la commission des finances et M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sont d’accord sur la nécessité d’opter pour la formulation la plus souple. Or, selon moi, c’est celle qui figure dans l’amendement présenté par notre collègue Claude Lise : « familles de produits de première nécessité ».
Le fait d’élargir le champ ne pose pas de problème.
Ce matin encore, un négociateur m’entretenait au téléphone du cas de l’eau minérale. À la Réunion, on trouve l’eau Cristalline, l’eau Bagatelle, l’eau de Vichy, l’eau de Badoit, l’eau d’Évian. Comme l’a dit tout à l’heure l’un de mes collègues, si l’on ne contrôle le prix que d’une seule marque, on s’expose à des ruptures de stock. Dans le magasin où vous faites vos courses, l’eau que vous avez l’habitude d’acheter ne sera plus disponible et vous devrez acheter une eau d’une autre marque, qui sera plus chère. En visant la famille, vous visez le papa, la maman, le tonton, la tata, le cousin et la cousine (Sourires), c'est-à-dire que vous déclinez toutes les eaux concernées.
Notre collègue Claude Lise, qui, lui aussi, vient de participer à des négociations, vous dira que la situation est la même à la Martinique. D’ici à l’adoption du texte, vous aurez le temps de vérifier que Claude Lise et moi-même disons bien la vérité. Dans les chartes qui ont été signées en Martinique, en Guadeloupe et dans celle qui va être signée à la Réunion demain ou après-demain, il est fait référence à des familles de produits, jamais à des produits.
Si vous voulez vraiment ne pas créer de conflits nouveaux entre ceux qui négocient ou qui ont déjà signé des accords - et le Sénat est là pour désamorcer la bombe et non pour la réamorcer -, je vous en conjure, retenez la solution qui consiste à viser les « familles de produits de première nécessité ». C’est une question de bon sens et de sagesse, cette sagesse à laquelle se doit notre Haute Assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour ma part, je me rallie à l'amendement n° 375 rectifié de M. Marsin, présenté au nom de la commission des affaires économiques, et au sous-amendement n° 425 rectifié de M. Laufoaulu. Le Gouvernement souhaite pouvoir disposer, en effet, de l’instrument que nous mettons entre ses mains et qui constituera, en quelque sorte, une arme de dissuasion.
Des négociations sont en cours entre la grande distribution, le Gouvernement et les autorités locales, afin que les prix restent compatibles avec des marges raisonnables.
Donc, cet amendement, qui n’a pas de caractère impératif, répond bien à l’objectif qui est celui de la commission des finances.
Sur la discussion qui vient de s’ouvrir - « familles de produits » ou « produits » -, je pense qu’il ne faudrait pas compliquer la tâche des négociateurs. Il est sans doute plus facile de s’exprimer au sein de notre hémicycle qu’autour des tables de négociations. Toutefois, il faut aussi prendre le temps d’expliciter ce que nous voulons.
Il me semble que, si nous proposons au Gouvernement de statuer sur des produits, ce n’est en aucune façon limitatif et cela peut recouvrir l’ensemble des produits d’une famille. Le Gouvernement avisera.
Je ne pense pas, monsieur Virapoullé, monsieur Lise, qu’il y ait là matière à confrontation. L’élément qui donne le plus de souplesse et qui ne ferme aucune porte, c’est, me semble-t-il, la rédaction proposée par M. Marsin.
Au surplus, votre amendement, monsieur Lise, est impératif. Il nous semble plus judicieux de laisser au Gouvernement la faculté d’utiliser cette procédure comme une arme dissuasive permettant de faire pression sur les distributeurs et ainsi de répondre à l’objectif visé.
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, pour explication de vote.
M. Claude Lise. Nous sommes en deçà de ce qu’ont accepté les représentants de la grande distribution.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Mais non, puisque le chiffre « cent » a disparu. Si ce chiffre demeure, la notion de famille est tout à fait légitime. Dans le cas contraire, la liberté est totale !
M. Claude Lise. Je vous mets en garde contre le signal qui sera donné. J’ai passé des heures à discuter de cette question. Les représentants de la grande distribution ont fini par accepter la notion de « familles de produits » et, ensuite, ils se sont mis d’accord avec les collectifs concernés – je présenterai d’ailleurs un autre amendement sur ce point - sur un nombre de produits qui a été fixé à 400. Ce sont 400 produits répartis dans des familles de produits.
M. Jean-Paul Virapoullé. Voilà !
M. Claude Lise. J’insiste : compte tenu des tensions extrêmes qui règnent sur place, je crains que nous ne donnions un mauvais signal en ne retenant pas cette notion de « famille de produits ». Demain, vous entendrez dire que le Sénat est revenu sur des conclusions qui étaient acquises et que le préfet avait, en quelque sorte, avalisées au nom de l’État. Je redoute énormément les conséquences des décisions que nous allons prendre !
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.
M. Jacques Gillot. Nous avons négocié un accord avec M. Jégo et la grande distribution. Cet accord a été rejeté. Maintenant, nous avons trouvé une entente avec la grande distribution pour utiliser la formule des « familles de produits », après avoir constaté que la seule notion de « produits » était effectivement limitative et que nous ne pouvions pas aller très loin.
Il serait dommage que le Sénat aille aujourd'hui à l’encontre de négociations qui ont été menées sur le terrain, alors que nous sommes justement réunis pour entériner ces négociations. M. le secrétaire d'État a dit lui-même qu’il fallait tenir compte de ce qui s’était passé sur le terrain. Aujourd'hui, en Guadeloupe, l’accord signé entre les socioprofessionnels et la grande distribution porte sur des « familles de produits ».
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis.
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. Je voudrais apporter une précision, car, en écoutant Claude Lise, j’ai eu l’impression qu’il y avait une incompréhension.
Si l’on parle simplement de « produits », c’est justement pour ne pas se donner de limite : il peut y avoir 100, 200 ou 1 000 produits, autant que nécessaire à l’intérieur d’autant de familles de produits qu’on le souhaite.
M. Claude Lise. Et les négociations ?
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. Oui mais, ici, nous ne sommes pas dans des négociations ; nous donnons au Gouvernement la possibilité, au cas où, justement, les négociations n’aboutiraient pas, de réglementer le prix d’un nombre indéterminé de produits.
Si, en Guadeloupe, aujourd'hui, un accord intervient, nous n’avons rien à dire. Je le répète, nous ne sommes pas ici en train de légiférer en fonction des accords signés, nous donnons au Gouvernement la possibilité, au cas où il n’y aurait pas d’accord, de réglementer le prix d’un nombre indéfini de produits…
M. Jacques Gillot. De familles de produits !
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. … puisque notre amendement supprime déjà la référence au chiffre cent.
Il y a donc une grande incompréhension, et je crois que certains veulent s’enfermer dans une formulation trop restrictive. D’ailleurs, en Guadeloupe, ce n’est pas sur des familles de produits qu’il y a eu accord, c’est sur des produits, alors qu’en Martinique, c’est sur des familles de produits.
Cependant, comme je souhaite que l’on progresse dans la discussion, je suis prêt – même si, selon moi, ce point n’est pas absolument fondamental – à rectifier une nouvelle fois mon amendement de manière à parler de « produits ou de familles de produits ».
M. Jean-Paul Virapoullé. Très bien !
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. Voilà qui réglerait le problème et nous permettrait d’avancer.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Je crois qu’il faut prendre en considération la proposition que vient de faire M. Marsin. Alors que nous venons à peine d’engager la discussion, que nous n’en sommes qu’à l’article 1er A, n’allons pas contre ce que réclame le terrain. Si, à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Réunion, ce sont des familles de produits qui sont prises en compte dans les accords, ne soyons pas, au Sénat, restrictifs par rapport à ce qui est réclamé localement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, confirmez-vous la rectification que vous souhaitez apporter à votre amendement ?
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 375 rectifié bis, ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer le mot :
réglemente
par les mots :
peut réglementer
et remplacer les mots :
de cent produits de première nécessité
par les mots :
de produits ou de familles de produits de première nécessité qu'il détermine
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Pour revenir sur le débat qui a eu lieu tout à l’heure, vous me permettrez, alors que de nombreuses voix se sont élevées pour m’expliquer qu’il n’y avait dans ce projet de loi aucune réponse au conflit actuel, de me réjouir que vous y trouviez finalement certaines réponses. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet. Très juste !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 425 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Je mets aux voix l'amendement n° 375 rectifié bis, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a également été adopté à l'unanimité des présents
L'amendement n° 158 n'a plus d'objet.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 301 rectifié, présenté par M. Laufoaulu, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer les mots :
dans les départements d'outre-mer
par les mots :
dans toutes les collectivités territoriales d'outre-mer pour lesquelles l'État a compétence en matière de réglementation des prix
La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Cet amendement étant satisfait, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 301 rectifié est retiré.
L'amendement n° 314 rectifié, présenté par M. A. Giraud et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Dans cet article, après les mots :
départements d'outre-mer
insérer les mots :
et à Mayotte
La parole est à M. Adrien Giraud.
M. Adrien Giraud. Si l’on me confirme que le dispositif est applicable à Mayotte, je retirerai cet amendement.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. L’adoption du sous-amendement n° 425 rectifié vous a donné satisfaction, monsieur Giraud.
M. Adrien Giraud. Dans ce cas, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 314 rectifié est retiré.
L'amendement n° 97, présenté par M. Magras, est ainsi libellé :
Dans cet article, après le mot :
outre-mer
insérer les mots :
et à Saint-Barthélemy
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Cet amendement étant également satisfait par le sous-amendement n° 425 rectifié, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 97 est retiré.
L'amendement n° 2, présenté par M. Fleming, est ainsi libellé :
Dans cet article, après les mots :
départements d'outre-mer
insérer les mots :
et à Saint-Martin
La parole est à M. Louis-Constant Fleming.
M. Louis-Constant Fleming. Pour la même raison que mes collègues, je retire également mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.
L'amendement n° 348 rectifié, présenté par MM. Lise, S. Larcher, Gillot, Patient, Antoinette et Tuheiava, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ce décret déterminera au sein de chaque famille de produits, les articles locaux et importés faisant l'objet d'un prix de vente réglementé.
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Bien sûr, monsieur Lise, il faut d’abord nous dire ce qui a été négocié, puisque j’ai cru comprendre qu’il fallait s’aligner sur les résultats des négociations… Mais si vous me permettez quand même d’exprimer notre position, je dirai que, compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 375 rectifié bis, votre amendement est satisfait ; la commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Articles additionnels après l’article 1er A
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article premier A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le 3 du I de l'article 197 du code général des impôts, les taux : « 30 % » et « 40 % » sont remplacées respectivement par les taux : « 40 % » et « 50 % ».
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Il s’agit d’un amendement de justice sociale.
Depuis fort longtemps, les rémunérations perçues par les salariés font l’objet de dispositions spécifiques relatives au calcul de l’impôt sur le revenu, notamment pour tenir compte de la vie chère outre-mer. Ces dispositions visent en particulier à appliquer une réduction, plafonnée à 5 100 euros dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion et à 6 700 euros dans celui de la Guyane, au montant de la cotisation résultant de l’application du barème.
Il serait sans doute quelque peu hasardeux de conclure que l’existence de ce dispositif de calcul spécifique suffit, en lui-même, à expliquer que 75 % des contribuables ultramarins sont dispensés de l’impôt sur le revenu. En effet, l’examen des faits nous oblige à faire très vite litière de cet argument.
Dans l’évaluation des voies et moyens, cette réduction d’impôt spécifique, dont le coût est évalué à 280 millions d’euros pour 2009, concerne directement 305 000 contribuables. Son application exonère 40 000 d’entre eux de l’impôt sur le revenu.
La dépense fiscale afférente se situe donc aux alentours de 1 000 euros par an et par contribuable, 918 euros exactement. Elle est sans commune mesure avec celle qui découle d’autres dispositifs d’incitation et d’allégement, et dont le coût est sensiblement plus élevé. Rappelons, par exemple, que la défiscalisation peut donner lieu à une réduction d’impôt de 70 000 euros par contribuable.
On notera d’ailleurs que la mesure spécifique concernant le calcul de la cotisation représente, in fine, moins de 20 % des charges ouvrant droit à réduction d’impôt outre-mer.
Il importe de souligner que notre proposition ne vise pas à modifier le plafond de la réduction d’impôt, mais uniquement son taux pour les salariés concernés. En effet, nous souhaitons que cette réduction soit recentrée sur les salaires moyens, qui sont aujourd’hui encore imposables au titre de l’impôt sur le revenu.
Dans le premier cas, le plafond de l’imposition soumise à réduction se trouverait ramené de 17 000 à 12 750 euros et, dans le second cas, de 16 750 à 13 400 euros. Jusqu’à ces limites, le niveau de réduction de l’imposition connaîtrait un relatif accroissement. Ainsi, un contribuable célibataire disposant d’un revenu annuel imposable de 15 000 euros, produisant une imposition avant réduction de 786 euros, verrait sa contribution réduite de 314 euros, au lieu de 236 euros actuellement. Pour un contribuable disposant d’un revenu imposable de 25 000 euros, l’imposition serait réduite de 874 euros, au lieu de 656 euros aujourd’hui.
Notre amendement tend donc à recentrer la réduction d’impôt spécifique vers les ménages salariés qui, le plus souvent, ne font pas jouer les autres dispositifs fiscaux d’optimisation existants.
Son coût pour les finances publiques ne serait pas nécessairement élevé, puisqu’il ne s’agit que d’un recentrage, mais il permettrait de donner aux ménages salariés un peu plus de pouvoir d’achat et de favoriser une épargne plus conforme aux exigences du développement local.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur. La commission estime que le dispositif en place est déjà particulièrement favorable. Elle est, par conséquent, défavorable à cet amendement,
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande également le rejet de cet amendement.
En moyenne, 75 % des ultramarins ne payent pas l’impôt sur le revenu. Cet amendement a pour objet d’augmenter l’avantage des 25 % de foyers qui payent l’impôt sur le revenu, en l’occurrence « les plus riches ». On pourrait avoir de longues discussions sur cette expression, mais il s’agit tout de même bien des salariés qui ont les revenus les plus élevés.
Madame Hoarau, il nous semble assez paradoxal que les 25 % des foyers qui, seuls, payent des impôts se voient attribuer un complément de baisse de leur imposition. Je crains que l’effet de justice sociale que vous recherchez ne puisse pas découler du dispositif que vous proposez.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article premier A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 296 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« art. 296 - Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion :
« a. Le taux réduit est fixé à 0 ;
« b. Le taux normal est fixé à 6,80 %. »
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Depuis fort longtemps, l’outre-mer fait l’objet d’un traitement fiscal particulier.
Ne conviendrait-il pas mieux de réfléchir à une refonte globale du système fiscal applicable outre-mer, comme cela a pu se faire en Nouvelle-Calédonie ? On est en outre fondé à se demander si l’arme fiscale est la plus adaptée pour répondre aux impératifs du développement économique et social des territoires.
Si l’on regarde de près la fiscalité applicable outre-mer, force est de constater que, dans l’ensemble des départements concernés, il vaut sans doute mieux être commerçant et investisseur immobilier que salarié et locataire : en effet, la charge fiscale des premiers peut être nettement réduite par rapport à celle des seconds.
Si l’on se place du point de vue des consommateurs salariés ou privés d’emploi, quelles sont les mesures du projet de loi qui peuvent répondre à leurs attentes ?
La défiscalisation due à la création des zones franches d’activité globale ? Elle n’a pas d’effet direct sur leur pouvoir d’achat puisque ce sont les entreprises qui sont directement visées par ce dispositif et que, je le rappelle, le niveau des créations d’emplois résultant des dispositifs de défiscalisation précédents n’a jamais été à la hauteur des intentions affichées au départ.
Les exonérations de cotisations sociales ? Elles profitent aux mêmes bénéficiaires et appellent les mêmes observations que les mesures de défiscalisation.
De fait, les consommateurs salariés n’ont, pour l’heure, dans le cadre du projet de loi, que le dispositif, ajouté par la commission des finances, puis amendé par le Sénat, relatif à l’éventuelle réglementation des prix des familles de produits de première nécessité. Nous avons déjà souligné que cette mesure était à la fois un acquis des luttes sociales et une mise en cause de choix libéraux anciens.
En dehors de cette mesure, ce texte n’apporte aucune réponse concrète aux attentes légitimes des consommateurs salariés.
Nous proposons donc que la taxe sur la valeur ajoutée soit portée au taux zéro sur les produits de première nécessité soumis au taux réduit et réduite d’un cinquième pour les autres produits, soumis au taux normal. La TVA est un impôt qui rapporte aux finances publiques 573 millions d’euros outre-mer, une fois déduits les 1 180 millions d’euros de dépense fiscale imputables aux taux particuliers.
La démarche que nous préconisons simplifierait sans doute la vie administrative de la très grande majorité des entreprises assujetties, qui, à plus de 75 % dans les trois départements d’outre-mer concernés, demeurent visées par le système du forfait.
Elle allégerait la contribution des autres entreprises dans des proportions sans doute variables, mais susceptibles, dans tous les cas de figure, d’offrir la possibilité d’une réduction des prix, qui profiterait, en dernière instance, à l’activité et à l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. En effet, le dispositif en vigueur est déjà particulièrement favorable aux DOM et cette mesure serait par ailleurs très coûteuse pour les finances publiques.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà qui est bien dit !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article premier A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le I de l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion, la contribution fait l'objet d'une ristourne plafonnée à 200 euros par mois. »
II. - Le II du même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion, la contribution fait l'objet d'une ristourne plafonnée à 200 euros par mois. »
III. - Le III du même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion, la contribution fait l'objet d'une ristourne plafonnée à 200 euros par mois. »
IV. - Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à III ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement procède de la même philosophie que celui que je viens de présenter.
Nous proposons d’appliquer une ristourne mensuelle maximale de 200 euros au montant de la contribution sociale généralisée due par chaque salarié d’une entreprise d’outre-mer et par chaque travailleur indépendant établi à son compte. Ainsi, concrètement, tout salaire inférieur à 2 000 euros par mois bénéficierait d’une ristourne intégrale de la CSG.
Cette réduction, qui exempterait probablement 60 % des salariés de l’outre-mer de la CSG et de la CRDS, serait de moins en moins importante au fur et à mesure de la progression dans l’échelle des rémunérations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, car la limitation du champ d’application de la CSG ne semble pas opportune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 159, présenté par MM. Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En application de l'article 73 de la Constitution, les amendes prévues aux articles L. 123-4 et L. 123-5 du code de commerce sont doublées dans les départements et collectivités d'outre-mer.
La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Dans le cadre du soutien au pouvoir d’achat, l'amendement vise à accroître sensiblement les amendes encourues par les entreprises qui contreviennent aux règles relatives aux renseignements commerciaux, faussant ainsi la concurrence, et pratiquant des marges prohibitives au détriment des consommateurs ultramarins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui ne répond pas, semble-t-il, aux problèmes réels de la concurrence outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement est d’accord quant à l’objectif visé par cet amendement, et il espère d’ailleurs que les mesures qu’il va prendre pour renforcer le contrôle des prix vont aller dans ce sens.
En revanche, il est défavorable à l’amendement tel qu’il est rédigé, en raison du risque d’inconstitutionnalité. Il n’y a en effet, pour l’instant, aucune base juridique qui permettrait d’appliquer ce texte seulement à l’outre-mer et pas à la métropole.
Il va falloir attendre les résultats du travail qui sera effectué par les services réorganisés, notamment la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en Guadeloupe. Sur cette base, nous pourrons démontrer qu’il y a une spécificité ultramarine, car, même si je ne doute pas qu’elle existe, il faut en apporter la preuve pour pouvoir appliquer une mesure telle que celle qui est prévue par cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 298 rectifié, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le d du 1 de l'article 97 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est complété par les mots : « qui tiennent compte des territoires et en particulier des collectivités territoriales d'outre-mer ».
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. La pratique de prix abusifs dans les DOM a été l’un des points névralgiques de la crise qui a secoué la Guadeloupe et la Martinique, et qui s’étend maintenant à la Réunion.
L’article 97 de la loi de modernisation de l’économie prévoit que le Gouvernement prendra par ordonnance les mesures nécessaires à la modernisation de la régulation de la concurrence. Cet article prévoit également que l’Autorité de la concurrence devra disposer de moyens d’investigation renforcés.
Nous proposons que, dans le cadre de ces moyens d’investigation renforcés, le Gouvernement tienne compte des territoires et, en particulier, des collectivités territoriales d’outre-mer. En effet, l’Autorité de la concurrence aura aussi à connaître des litiges existant dans les DOM. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, vous avez requis l’avis, qui devrait être rendu avant l’été 2009, de l’Autorité de la concurrence sur les conditions de la concurrence outre-mer, notamment en ce qui concerne les carburants et les produits de grande consommation.
J’ai déjà présenté cet amendement dans le cadre de la discussion de la loi de modernisation de l’économie. Je sais bien que l’Autorité de la concurrence est une autorité nationale siégeant à Paris, mais, après les abus constatés, je pense que les DOM devraient être clairement mentionnés dans son champ d’intervention. Si une telle autorité avait déjà existé sur place, nous n’aurions peut-être pas eu à déplorer les dérives actuelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur. La commission est tout à fait favorable à la prise en compte des spécificités de l’outre-mer, mais elle s’interroge sur la portée effective de cet amendement. Elle sollicite donc l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Madame Payet, le Gouvernement est, lui aussi, très favorable à l’objet de votre amendement puisque, le 14 février dernier, il a saisi l’Autorité de la concurrence, qui est pleinement compétente en la matière. La direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère des finances mettra au service de cette autorité les moyens dont elle aura besoin. De ce fait, votre but est atteint.
C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, certes intéressant du point de vue politique, mais dépourvu de portée juridique.
M. le président. Madame Payet, l’amendement n° 298 rectifié est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 298 rectifié est retiré.
L'amendement n° 346, présenté par MM. Lise, S. Larcher, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'observatoire des prix est une structure partenariale, coprésidée par le représentant de l'État, le président du conseil régional et le président du conseil général.
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. La très grande implication, notamment financière, des collectivités territoriales, départementales et régionales, dans les négociations qui viennent de se dérouler aux Antilles, à la suite de la grave crise sociale dont nous avons déjà amplement parlé, rend légitime leur revendication d'une coprésidence des observatoires des prix outre-mer.
Ces collectivités apportent en effet leur contribution financière à la baisse de certains prix, notamment ceux de l’eau, de l’essence et de l’électricité. Elles sont par ailleurs cosignataires, avec la grande distribution et l’État, des accords intervenus pour la baisse des prix des produits de première nécessité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur. Les observatoires des prix sont déjà des structures associant l’État et les collectivités territoriales. Transformer leur présidence par un représentant de l’État en une coprésidence n’apparaît pas de nature à les rendre plus efficaces.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement a un avis un peu différent de celui de la commission dans la mesure où il est favorable à l’orientation proposée par l’amendement. Cependant, les observatoires des prix étant créés par voie réglementaire, je pense qu’une intervention législative n’est pas utile.
Je suggère ce sujet soit examiné lors des états généraux, dans le cadre des ateliers sur la gouvernance économique. Ainsi pourrait s’ouvrir la perspective d’une évolution réglementaire en la matière.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande, monsieur Lise, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Lise, l’amendement n° 346 est-il maintenu ?
M. Claude Lise. Non, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 346 est retiré.
L'amendement n° 347, présenté par MM. Lise, S. Larcher, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les comparaisons de prix, notamment avec les prix pratiqués en métropole, établies par les observatoires des prix mis en place outre-mer, font l'objet d'une publication régulière et pluriannuelle.
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Les mouvements sociaux récents ont mis en évidence une demande très forte des populations pour une comparaison des prix des produits mis en vente dans l'Hexagone et dans les départements d'outre-mer, s'agissant notamment des produits de première nécessité et de consommation courante.
Il apparaît souhaitable que les éléments recueillis par les observatoires des prix, créés par le décret du 2 mai 2007, fassent l’objet d’une publication pluriannuelle régulière, ce qui n’est pas le cas actuellement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur. Il serait en effet souhaitable que les observatoires des prix rendent régulièrement publiques ces comparaisons afin de permettre une évaluation effective du surcoût de la vie outre-mer.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également favorable à l’esprit de cet amendement, mais il se pose une question : faut-il introduire une telle disposition dans la loi ? En effet, comme je viens de le dire à l’instant au sujet de l’amendement n° 346, le fonctionnement et l’organisation des observatoires des prix sont de nature réglementaire.
Toutefois, la commission ayant émis un avis favorable, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er A.
L'amendement n° 424, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans les départements d'outre-mer, un accord régional interprofessionnel conclu selon les modalités prévues à l'article L. 2232-2 du code du travail et applicable dès 2009, peut permettre de verser un bonus exceptionnel d'un montant maximum de 1 500 euros par salarié et par an.
L'accord régional interprofessionnel peut prévoir de moduler le montant de ce bonus exceptionnel selon les salariés ; cette modulation ne peut s'effectuer qu'en fonction de la taille de l'entreprise, du salaire, de la qualification, du niveau de classification, de l'ancienneté ou de la durée de présence dans l'entreprise du salarié. Ce bonus ne peut se substituer à des augmentations de rémunération et à des primes conventionnelles prévues par la convention ou l'accord de branche, un accord salarial, antérieurs, ou par le contrat de travail. Il ne peut non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 741.10 du code rural versés par l'employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu de règles légales ou de clauses conventionnelles ou contractuelles.
L'accord régional interprofessionnel peut renvoyer à un accord de branche ou d'entreprise la fixation du montant du bonus exceptionnel, les critères de versement et de modulation, dans le respect des dispositions de l'alinéa précédent.
Le versement des sommes ainsi déterminées doit intervenir, au plus tard le 31 décembre de l'année civile au titre de laquelle les sommes sont dues, en application de l'accord régional interprofessionnel ou de l'accord de branche ou d'entreprise auquel il renvoie.
II. - Sous réserve du respect des conditions prévues au présent article, ce bonus exceptionnel est exclu de l'assiette de toutes cotisations ou contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi, à l'exception des contributions définies aux articles L. 136-2 et L. 137-15 du code de la sécurité sociale et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale dès 2009 et pour une durée maximale de trois ans.
L'employeur notifie au plus tard le 31 décembre de l'année suivant le versement à l'organisme de recouvrement dont il relève le montant des sommes versées aux salariés en précisant le montant par salarié.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. En réponse à la crise et à la suite des accords qui ont été signés en Guadeloupe et en Martinique – j’espère qu’ils le seront bientôt à la Réunion et en Guyane –, le Président de la République a souhaité que les entreprises ultramarines puissent accorder des augmentations de salaires sans avoir à acquitter les charges patronales et les cotisations salariales, hormis la CSG et la CRDS.
La formule retenue est celle du bonus exceptionnel, qui avait déjà été appliqué dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Le Gouvernement souhaite que le Sénat apporte son soutien à cette mesure de hausse des revenus, qui permettrait d’offrir une base solide aux accords salariaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur. La commission n’a pris connaissance de cet amendement que ce matin, mais elle a bien conscience de son poids.
Nous avons donc émis un avis plutôt favorable, tout en nous interrogeant sur le coût de l’opération. Le Gouvernement peut-il nous en donner une estimation ?
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, êtes-vous en mesure d’apporter une réponse ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Il s’agit de charges non payées. Cette mesure ne coûte donc rien au budget de l’État.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certes, il s’agit d’exonérations qui s’appliqueront dans le cadre d’un bonus qui n’existait pas jusqu’à présent. Il n’y aura donc pas de pertes de ressources.
Cela étant, des opérations d’optimisation sont possibles. Certaines augmentations de salaires pourraient en effet se transformer demain en bonus, ce qui aura naturellement un coût. Monsieur le secrétaire d’État, devons-nous comprendre que vous ne disposez pas d’estimation sur le coût possible de cette mesure ?
Quoi qu’il en soit, je veux vous rendre attentif au fait qu’il peut y avoir demain des effets d’aubaine qui seront forcément coûteux pour les finances publiques.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.
M. Jacques Gillot. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que ce bonus ne se confond pas avec le RSTA ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Non, il n’y a aucune confusion possible : le RSTA, revenu supplémentaire temporaire d’activité, d’un montant de 100 euros, est la mise en œuvre du RSA dans les quatre DOM pour tous les salariés gagnant moins de 1,4 SMIC, tandis que le bonus est une possibilité laissée aux entreprises d’accorder des hausses de salaires d’un montant maximum de 1 500 euros par an et par salarié.
Je souhaite également répondre au président Arthuis. Il est effectivement difficile de chiffrer les effets d’aubaine pour une entreprise qui aurait déjà décidé d’accorder des hausses de salaires et qui, si j’ose dire, monterait ensuite dans le train du bonus. Pour autant, on voit bien que cette mesure entre parfaitement dans le cadre des accords salariaux signés en Guadeloupe et en Martinique.
Pour tenter de donner un chiffre, je dirai qu’une augmentation de salaire de 50 euros coûtera 55 euros à l’entreprise, au lieu de 80 euros.
M. Jacques Gillot. Et le bonus est-il cumulable avec le RSTA ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le RSTA sera versé automatiquement au bénéficiaire. Les hausses de salaires, quant à elles, sont décidées par l’entreprise à la suite d’accords salariaux. Il s’agit donc de deux mesures qui peuvent être complémentaires.
Si une entreprise décide d’accorder une augmentation de salaires dans la limite de 1 500 euros à un salarié qui touche par ailleurs le RSTA, celui-ci aura deux sources de revenus complémentaires.
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je comprends le principe de votre proposition, monsieur le secrétaire d’État, mais ne craignez-vous pas qu’elle s’impose aux employeurs ? On le voit bien avec les négociations actuelles : l’augmentation de 200 euros a été appliquée à presque tout le monde.
Si votre mesure aboutissait à une décision prise dans le cadre d’une négociation calme et sereine entre patrons et salariés, elle me paraîtrait positive. Mais, dans le climat actuel, elle risque d’être perçue par les entreprises comme une nouvelle contrainte pour elles.
Après la dérive qui a mené à près de deux mois d’arrêt de travail en Guadeloupe, il est délicat de créer une telle faille. Tous les patrons n’ont pas forcément des bretelles assez solides pour faire face à de telles épreuves de force !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er A.
TITRE IER
MESURES DE SOUTIEN À L'ÉCONOMIE ET AUX ENTREPRISES
CHAPITRE IER
Régime applicable aux zones franches d'activités
Article 1er
I. - Après l'article 44 terdecies du code général des impôts, il est inséré un article 44 quaterdecies ainsi rédigé :
« Art. 44 quaterdecies. - I. - Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique ou à La Réunion peuvent faire l'objet d'un abattement dans les conditions prévues aux II ou III lorsque ces entreprises respectent les conditions suivantes :
« 1° Elles emploient moins de deux cent cinquante salariés et ont réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros ;
« 2° L'activité principale de l'exploitation relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B ou correspond à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises ;
« 3° Elles sont soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition.
« Les conditions prévues aux 1° et 2° s'apprécient à la clôture de chaque exercice au titre duquel l'abattement prévu au premier alinéa est pratiqué. La condition prévue au 3° doit être satisfaite pour chaque exercice au titre duquel cet abattement est pratiqué.
« II. - Les bénéfices mentionnés au I, réalisés et déclarés selon les modalités prévues aux articles 53 A, 72 et 74 A, et 96 par les entreprises répondant aux conditions prévues au I, à l'exception des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actifs, font l'objet, dans la limite de 150 000 €, d'un abattement au titre de chaque exercice ouvert à compter du 1er janvier 2008.
« Le taux de l'abattement est fixé à 50 % au titre des exercices ouverts entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2014, et respectivement à 40 %, 35 % et 30 % pour les exercices ouverts en 2015, 2016 et 2017.
« III. - La limite et le taux de l'abattement mentionné au II sont majorés dans les cas suivants :
« 1° Pour les bénéfices provenant d'exploitations situées en Guyane, dans les îles des Saintes, à Marie-Galante, et à la Désirade ;
« 2° Pour les bénéfices provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion et qui exercent leur activité principale dans l'un des secteurs suivants :
« a) Recherche et développement ou technologies de l'information et de la communication ;
« b) Tourisme, environnement ou énergies renouvelables pour les exploitations situées en Martinique et en Guadeloupe ;
« c) Tourisme, agro-nutrition ou énergies renouvelables pour les exploitations situées à La Réunion ;
« 3° Pour les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion lorsque ces entreprises :
« a) Signent avec un organisme public de recherche ou une université une convention, agréée par l'autorité administrative, portant sur un programme de recherche dans le cadre d'un projet de développement sur l'un de ces territoires si les dépenses de recherche, définies aux a à g du II de l'article 244 quater B, engagées dans le cadre de cette convention représentent au moins 5 % des charges totales engagées par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel l'abattement est pratiqué ;
« b) Ou réalisent des opérations sous le bénéfice du régime de transformation sous douane défini aux articles 130 à 136 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire si le chiffre d'affaires provenant de ces opérations représente au moins un tiers du chiffre d'affaires de l'exploitation au titre de l'exercice au cours duquel l'abattement est pratiqué.
« La limite de l'abattement est fixée à 300 000 €. Le taux de l'abattement est fixé à 80 % pour les exercices ouverts entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2014, et respectivement à 70 %, 60 % et 50 % pour les exercices ouverts en 2015, 2016 et 2017.
« IV. - Le bénéfice des abattements mentionnés aux II et III est subordonné à la réalisation de dépenses de formation professionnelle en faveur du personnel de l'exploitation au titre de l'exercice qui suit celui au cours duquel les bénéfices ont fait l'objet d'un abattement. Ces dépenses doivent être exposées en faveur des salariés ou des dirigeants en activité dans l'exploitation à la date de clôture de l'exercice de leur engagement. Pour les entreprises soumises aux obligations prévues aux articles 235 ter D et 235 ter KA, les dépenses retenues sont celles exposées en sus de ces obligations.
« Les entreprises peuvent s'acquitter de l'obligation mentionnée au premier alinéa en réalisant les dépenses mentionnées à l'article L. 6331-19 du code du travail.
« Les dépenses de formation professionnelle définies au présent IV doivent représenter au moins 5 % de la quote-part des bénéfices exonérée en application des abattements mentionnés aux II et III. À défaut, cette quote-part exonérée est réintégrée au résultat imposable de l'exercice au cours duquel les dépenses auraient dû être exposées. Ces dépenses ne sont pas prises en compte pour l'application des articles 244 quater M et 244 quater P.
« Le présent IV n'est pas applicable lorsque la quote-part des bénéfices exonérée est inférieure à 500 €.
« V. - Lorsqu'elle répond aux conditions requises pour bénéficier du régime prévu aux articles 44 sexies, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 nonies ou 73 B et du régime prévu au présent article, l'entreprise peut opter pour ce dernier régime dans les six mois qui suivent la publication de la loi n° du pour le développement économique de l'outre-mer, si elle exerce déjà son activité ou, dans le cas contraire, dans les six mois suivant celui du début d'activité. L'option est irrévocable et emporte renonciation définitive aux autres régimes. Lorsque l'entreprise n'exerce pas cette option dans ce délai, elle bénéficie de plein droit, au terme de la période d'application de l'un de ces autres régimes dont elle bénéficiait, du régime prévu au présent article pour la période restant à courir jusqu'à son terme et selon les modalités qui la régissent.
« VI. - Les obligations déclaratives des entreprises sont fixées par décret. »
II. - Supprimé ...................................................................
III. - À la première phrase du dernier alinéa du II des articles 154 bis et 163 quatervicies, de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 200 sexies et du I de l'article 220 quinquies du même code, après la référence : « 44 undecies », est insérée la référence : «, 44 quaterdecies ».
IV. - À la première phrase du second alinéa du a du I de l'article 154 bis-0 A du même code, les mots : « l'abattement prévu à l'article 73 B » sont remplacés par les mots : « les abattements prévus aux articles 44 quaterdecies et 73 B ».
V. - Le même code est ainsi modifié :
1° A la première phrase du I de l'article 244 quater B, les mots : « et 44 duodecies » sont remplacés par les mots : «, 44 duodecies et 44 quaterdecies » ;
2° Au dernier alinéa du 1 de l'article 170, au premier alinéa du V de l'article 220 decies, au premier alinéa du I des articles 244 quater K, 244 quater N et 244 quater O et au b du IV de l'article 1417, les mots : « et 44 undecies » sont remplacés par les mots : «, 44 undecies et 44 quaterdecies ».
VI. - À la première phrase du premier alinéa du I de l'article 244 quater G, et au premier alinéa du I de l'article 244 quater H du même code, les mots : « et 44 decies » sont remplacés par les références : «, 44 decies et 44 quaterdecies ».
VII. - L'article 244 quater M du même code est ainsi modifié :
1° Au I, les mots : « et 44 decies » sont remplacés par les mots : «, 44 decies et 44 quaterdecies. » ;
2° Le II est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les heures de formation correspondant aux dépenses mentionnées au IV de l'article 44 quaterdecies ne sont pas prises en compte. »
VIII. - L'article 244 quater P du même code est ainsi modifié :
1° Au I, les mots : « et 44 undecies » sont remplacés par les mots : «, 44 undecies et 44 quaterdecies » ;
2° Le premier alinéa du III est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dépenses mentionnées au IV de l'article 44 quaterdecies ne sont pas prises en compte. »
IX. - Au premier alinéa du 1 du I de l'article 244 quater Q du même code, les mots : « ou 44 decies » sont remplacés par les mots : «, 44 decies ou 44 quaterdecies ».
X. - À l'article 302 nonies du même code, après la référence : « 44 decies, », est insérée la référence : « 44 quaterdecies, ».
XI. - À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 131-6 et à la troisième phrase du troisième alinéa du I de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale, après la référence : « 44 undecies, », est insérée la référence : « 44 quaterdecies, ».
XII. - Le présent article s'applique aux exercices clos à compter du 1er janvier 2009. Il cesse de s'appliquer aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018.
M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, sur l'article.
M. Jean-Etienne Antoinette. Depuis la loi Pons de juillet 1986, la stratégie de soutien de l’État au développement économique de l’outre-mer consiste à compenser les handicaps structurels des territoires en termes de coût du travail et de coût de l’investissement. Il s’agit de les rendre un tant soit peu attractifs pour les entreprises et les investisseurs par des dispositifs dérogatoires aux règles appliquées dans l’Hexagone.
Aujourd’hui, on nous dit que le rattrapage est quasiment réussi et qu’il faut donc passer au développement endogène. Alors, avant d’évoquer plus précisément les zones franches d’activités, je souhaite faire un point sur les mots, afin que l’on ne confonde pas compensation et rattrapage.
Une véritable politique de rattrapage économique aboutirait à ce qu’un jour les territoires concernés n’aient plus autant besoin de dispositifs dérogatoires, tandis que, lorsqu’on réduit ou supprime des outils d’une politique de simple compensation, on renvoie ces territoires à leur fragilité et on réactive des handicaps qu’on aurait tendance à oublier quand on agite – parce que c’est si facile ! – les clichés sur l’assistanat.
Aujourd’hui, au-delà des mesures d’exonération et de défiscalisation, qui restent indispensables selon les orientations politiques et économiques retenues, car on ne sait pas compenser autrement les problèmes tenant à l’éloignement, à l’isolement, à l’insularité, à l’étroitesse du marché, au coût de la main-d’œuvre et donc à la compétitivité des pays voisins indépendants, il faut repenser le développement économique de l’outre-mer en dépassant ce schéma contraignant d’une relation bilatérale exclusive avec la métropole. Ce schéma bilatéral est anachronique et constitue à lui seul un handicap supplémentaire pour atteindre ce que le Gouvernement appelle de ses vœux, à savoir le développement endogène des territoires ultramarins.
S’agissant des zones franches d’activités, il y a une autre notion qui mériterait d’être précisée, afin que l’on sache bien de quoi on parle, c’est celle de « développement endogène », même si M. le secrétaire d’État préfère parler de « production locale ».
Si l’objectif des zones franches d’activités est bien le développement de la production locale, la stratégie devrait consister à soutenir et à conforter en premier lieu les dynamiques existantes, qui constituent le socle des économies locales. Je pense au commerce de proximité, aux services, à l’artisanat dans sa totalité, à la restauration, qui est au cœur de la consommation et à l’articulation de plusieurs secteurs, ou aux activités des structures d’insertion par l’économique, comme les services à la personne.
De plus, on oublie qu’en outre-mer, en particulier en Guyane, il y a une économie informelle de subsistance qui est importante, vitale même, et que l’on ne sait ni réduire ni intégrer dans l’économie de marché.
Toutes ces activités ne demandent qu’à se développer et sont potentiellement créatrices d’emplois pour les populations locales.
Or, au titre des zones franches d’activités, qui étaient annoncées comme globales durant la campagne présidentielle, on s’oriente en fait aujourd’hui vers des secteurs dits « porteurs » et à forte valeur ajoutée : recherche et développement, haute technologie, énergies renouvelables... Soit ! Mais où sont les dispositifs de formation qui permettront aux populations locales de travailler et de diriger des entreprises créant des activités dans ces domaines ?
Le développement de ces secteurs d’excellence sera-t-il endogène parce que ceux-ci seront implantés sur certains territoires, ou bien parce qu’ils feront effectivement travailler les populations locales ?
Vous le voyez, la doctrine, la finalité et les conséquences des zones franches d’activités mériteraient encore analyses et précisions, en tout cas au regard de l’objectif affiché par le texte, afin que les effets pervers ne soient pas plus importants que les avantages pour les territoires.
Par exemple, à qui profiteront réellement les réductions d’impôts sur les bénéfices lorsque, en contrepartie, seulement 5 % des quotes-parts exonérées doivent être consacrés à la formation des personnels, et sachant qu’il y a intérêt à ce que toutes les entreprises locales fassent également des bénéfices ?
Cela étant, malgré quelques incertitudes et malgré les incidences aléatoires du coût des mesures – 1,5 milliard d’euros –, le principe de base consistant à réduire au maximum les freins à la capacité d’entreprendre, d’investir et de créer des emplois dans des territoires extrêmement contraints est indispensable. Et, puisque c’est la logique adoptée, il faut l’appliquer largement, lorsque cela se justifie.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. L’article 1er constitue l’une des mesures essentielles du projet de loi. Il s’agit en effet de procéder à une défiscalisation des bénéfices des entreprises, dans des limites variables, soit 150 000 euros pour les entreprises dites ordinaires et 300 000 euros pour les entreprises de secteurs prioritaires.
La mesure proposée dans cet article s’inspire assez fortement de dispositifs d’ores et déjà existants, et de même nature, visant à alléger l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Ce dispositif appelle plusieurs observations.
L’article 1er est la mesure phare du programme Sarkozy pour l’outre-mer. Il en est attendu une amélioration de la compétitivité-prix des entreprises sur leurs marchés, par substitution à une partie des importations, et une augmentation de leur capacité d’exporter.
« La défiscalisation agit sur les coûts d’investissement, là où les zones franches agiront sur les coûts de fonctionnement. », explique le pouvoir. Encore faut-il que les marchés des DOM ne soient pas ouverts sans limite aux importations de France, d’Europe et de la Caraïbe, et que les accords de partenariat économique, les APE, permettent réellement d’exporter dans les pays voisins.
La baisse du coût du travail a des limites, vu le différentiel de coût du travail avec ces pays. Les entreprises ont besoin de débouchés. Par les exonérations d’impôts, la zone franche globale vise à augmenter l’excédent brut d’exploitation – autrement dit les profits – des entreprises, en espérant que ces dernières vont baisser leur prix et/ou investir en accroissant la valeur ajoutée et créer des emplois. Cela en vertu du fameux théorème néolibéral de Schmidt : « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. »
Or, l’expérience le prouve, sans l’imposition de contreparties en termes de création d’activités ou d’emplois à l’octroi d’avantages fiscaux et sociaux, la baisse du coût du capital et du travail ne conduit pas obligatoirement à des investissements ni à des embauches. C’est ce qui a, hélas, été observé, notamment en Corse. Les entreprises recherchent le retour sur investissement maximum et le plus rapide, ce qui explique, par exemple, la spéculation foncière.
Quant au patronat des DOM, il observe que ces zones franches ne sont « ni franches ni globales » puisque les abattements d’impôts sont partiels et plafonnés. Au départ, le MEDEF local et la CGPME n’étaient pas favorables à une zone franche globale, mais plutôt à une zone franche d’activités limitée au tourisme et réservée aux entreprises locales, avec maintien de la loi Girardin de 2003, étendue aux PME.
La zone franche instaurée en Corse sur le même modèle n’a pas apporté les résultats escomptés, à en croire les élus corses et la chambre de commerce : en dépit d’une certaine progression de l’emploi salarié, due sans doute à la diminution de l’emploi clandestin, on constate peu d’entreprises nouvelles, peu d’investissements nouveaux et un faible dynamisme de l’économie corse.
La zone franche globale d’activités est prévue en principe pour dix ans, avec dégressivité des taux d’exonération à partir de sept ans. La loi de programme pour l’outre-mer, dite loi Girardin, devait, elle, s’appliquer quinze ans.
Ne sont éligibles à la zone franche globale d’activités que les entreprises relevant des secteurs éligibles à la défiscalisation. Donc, toutes les petites entreprises commerciales de moins de dix salariés qui étaient éligibles aux exonérations de cotisations sociales ne sont pas incluses. Ces entreprises seront soumises à un fort accroissement de leurs charges sociales en raison de la modification de la réglementation sur les exonérations de cotisations.
Manifestement, l’ensemble du dispositif de l’article 1er nécessite d’être profondément modifié, au-delà des interrogations qu’il suscite quant au sens d’une politique publique qui se contente de mettre en œuvre des allégements fiscaux.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l'article.
M. Georges Patient. La Guyane, en raison de sa situation économique et sociale dégradée, appelle des mesures particulières afin de corriger ses nombreux handicaps. En effet, les inégalités y sont plus marquées que dans les autres DOM et, surtout, elles persistent.
Je l’ai déjà dit, le produit intérieur brut par habitant en Guyane régresse, se situant maintenant à moins de 50 % du PIB par habitant de la France. Il ne progresse volume que de 0,2 % par an, contre 2,1 % en Guadeloupe, 2,4 % en Martinique et 1,6 % en métropole. Dans l’ensemble des régions françaises, la Guyane occupe quasiment la dernière position. Le revenu des ménages s’éloigne de plus en plus du revenu moyen français, dont il ne représente que 47 %.
La croissance en Guyane est la plus faible des quatre DOM.
Le nombre d’allocataires du RMI est en forte progression. Il a augmenté de plus de 60 % en Guyane depuis 1998, contre 40 % en Guadeloupe et à la Réunion, et moins de 30 % à la Martinique. Sans les prestations sociales, le taux de pauvreté, qui s’élève déjà à 25 %, serait de 37 %.
Le taux de croissance de la population est par ailleurs le plus élevé de France, s’établissant à 3,9 % par an. Cela implique un doublement de la population en 2030 ; la Guyane comptera alors 424 000 habitants. Il faudra donc, en outre, créer chaque année plus de 5 000 emplois.
Compte tenu de cette évolution, il faut mettre en œuvre des mesures spécifiques à la Guyane. Ainsi, il conviendrait, pour la Guyane, d’ajouter un certain nombre de secteurs éligibles aux zones franches d’activités.
Je pense tout d’abord au secteur des services à l’entreprise et à la personne qui revêt une importance stratégique pour la structuration de l’économie guyanaise. Il n’est pas pensable que l’effet de levier de la zone franche globale soit privé d’environ 40 % de la production guyanaise. Son inclusion est indispensable aussi parce que l’économie est encore nettement tertiaire et parce que les acteurs économiques privés de ces secteurs sont susceptibles d’accompagner le développement de projets industriels.
Il faudrait également intégrer les commerces de moins de dix salariés. Cela favoriserait le développement du secteur commercial dans les zones rurales de l’ensemble du territoire. Ces zones sont très déficitaires en matière d’équipement commercial. Sur le littoral, le commerce de moins de dix salariés demande, lui aussi, à être structuré et professionnalisé.
En Guyane, le tourisme ne peut s’apparenter aux activités développées dans les autres DOM. La forêt et les fleuves restent les meilleurs atouts du département pour permettre au touriste de découvrir ses richesses culturelle, faunistique, floristique ou gastronomique. C’est pourquoi il convient de soutenir le secteur touristique sans exclusive. L’intégration dans le dispositif des activités de navigation de croisière et de transport touristique maritime et fluvial relève de cette logique.
La santé constitue un autre secteur à ajouter aux secteurs éligibles. En effet, elle figure au nombre des carences les plus criantes de la Guyane, que ce soit en termes d’infrastructures, d’équipement ou de présence médicale. La Guyane souffre, d’une manière générale, d’une couverture médicale insuffisante.
Parallèlement aux programmes publics d’investissements et à la déclinaison des orientations sanitaires nationales, il est impératif d’inscrire les professionnels soignants au nombre des bénéficiaires de la zone franche globale. Des études l’ont en effet démontré, l’accès à des équipements performants et à des plateaux techniques adaptés, conjugué à une pression fiscale et sociale minorée, constitue un facteur différenciant pour maintenir et attirer les professionnels en Guyane.
Le rééquilibrage territorial de la Guyane appelle enfin l’intégration, pour les zones rurales, d’un certain nombre de secteurs exclus susceptibles de constituer le lien économique et social de proximité qui leur fait encore défaut : les activités de restauration au sens large, la réparation automobile, effectuée en majorité par le secteur artisanal, les entreprises de moins de dix salariés et les activités postales relevant du secteur privé.
M. le président. Je rappelle que, pour la clarté de nos débats, il a été décidé, sur proposition de la commission des finances, de procéder à l’examen séparé de l’amendement n° 34, qui tend à la suppression de l’article 1er.
L'amendement n° 34, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement illustre notre position de principe sur le choix de la défiscalisation pour soutenir l’activité outre-mer. Au demeurant, cette position est une constante de notre groupe puisque nous estimons que l’argent public n’a pas à être utilisé ainsi.
La défiscalisation est en effet un dispositif dont l’efficacité est pour le moins sujette à caution. L’incidence de la défiscalisation en termes d’emploi et de développement de l’activité n’est pas prouvée, comme a pu le montrer l’expérience corse, qui est pour le moins discutable. En témoigne également l’évaluation que l’on peut faire des autres dispositifs existants, notamment en outre-mer, mais aussi dans le cadre des zones de revitalisation rurale et des zones franches urbaines. Les rapports établis sur la mise en œuvre du dispositif Pons-Girardin le vont dans le même sens.
S’agissant de la situation des départements d’outre-mer, observons que l’augmentation du nombre des établissements existants et la progression apparente du nombre des emplois offerts masque mal plusieurs tendances fortes sur lesquelles nous souhaitons revenir.
D’une part, certains emplois créés dans le cadre des dispositifs de défiscalisation ne sont parfois rien d’autre que des emplois jusqu’ici non déclarés que l’on a en quelque sorte exposés au grand jour.
D’autre part, le développement du nombre des entreprises ou des établissements ne doit pas faire oublier que certains secteurs d’activité ont connu une progression singulière, bien supérieure à la moyenne de chacun des départements d’outre-mer.
Le secteur des services aux entreprises a ainsi connu un sensible accroissement. On a vu se développer des entreprises de gardiennage, de sécurité, de nettoyage, de travail intérimaire, les emplois concernés participant de la prolétarisation renforcée des salariés du secteur dit tertiaire que l’on observe par ailleurs en métropole.
En Guadeloupe, en 2007, on comptait près de 9 600 emplois privés dans le secteur des services aux entreprises, contre un peu plus de 4 000 en 1995 ! De fait, le quart des emplois salariés privés créés en douze ans en Guadeloupe ressortissent à ce secteur d’activité.
La défiscalisation ne semble donc pas avoir permis de résoudre les difficultés économiques des départements d’outre-mer. La mise en question que constitue l’article 1er ne va pas jusqu’au bout de ce qu’il conviendrait de faire.
Une fois critiquée la défiscalisation telle qu’elle a été conçue depuis trop longtemps, il faut mettre en évidence la nécessité d’une autre politique publique, visant les véritables obstacles dont souffrent les entreprises domiennes, et singulièrement l’accès au crédit bancaire. Il semble également nécessaire que les entreprises domiennes soient aidées pour investir, et ce par le biais de financements aussi peu coûteux que possible.
Ce sont ces choix que nous vous invitons à faire, au lieu de mettre en place une nouvelle formule de défiscalisation dont les effets pervers risquent d’être aussi évidents que ceux qui ont d’ores et déjà été repérés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. La commission des finances approuve le dispositif des ZFA, qui devrait favoriser le développement économique endogène des départements d’outre-mer. Elle est donc défavorable à cet amendement.
Par ailleurs, monsieur Foucaud, je constate que la plupart des amendements visant à étendre le champ d’application de l’article 1er ont été déposés par des membres de votre groupe. Cela montre que cet article n’est peut-être pas si mauvais pour améliorer la situation des départements d’outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Notre groupe est divers et, s’il convenait de trouver une bonne raison de ne pas retenir le dispositif de l’article 1er, elle procéderait de la lecture même de cet article et des amendements qui visent à étendre le nombre des entreprises susceptibles de bénéficier de l’allégement d’imposition.
Ainsi, on demande aux entreprises ultramarines éligibles d’œuvrer dans un certain nombre de secteurs d’activités et on ne prend en compte leur situation que lorsqu’il s’agit d’entreprises soumises à l’imposition au titre du régime réel ou réel simplifié, ce qui limite à moins de 30 000 le nombre d’entreprises concernées par l’article 1er – sur les 132 000 répertoriées outre-mer – et situe l’effort que l’État va accomplir en leur direction à 90 millions d’euros, soit en moyenne 3 300 euros par entreprise, c'est-à-dire deux ou trois fois le SMIC mensuel. Cela signifie que, dans une situation moyenne, les perspectives de créations d’emplois liées à ces mesures sont pour le moins limitées.
En revanche, s’agissant de l’objectif d’accroissement de la rentabilité des entreprises tel qu’il figure dans l’exposé des motifs du projet de loi, on peut être sûr qu’il n’en sera pas de même !
Comment pourrions-nous ne pas nous interroger sur une procédure qui va donner envie aux entreprises de l’outre-mer de pratiquer, plus encore qu’aujourd’hui, l’innovation juridique consistant à jouer des effets de seuil posés par la loi pour bénéficier du dispositif ?
Il y a belle lurette que les groupes et familles dominant les activités de distribution outre-mer ont adapté leurs structures juridiques aux différents dispositifs et aux différents seuils dès lors qu’ils permettent de tirer parti de telle ou telle mesure législative.
Il convient de rappeler aussi quelles incidences peut avoir l’amélioration de la rentabilité des entreprises de par l’allégement de la fiscalité pesant sur les résultats ou sur l’activité.
S’il ne s’agissait que d’accroître les investissements ou de créer des emplois, ce serait sans doute une bonne affaire. Seulement voilà, ce n’est pas toujours le cas : bien souvent, c’est la rémunération du capital qui est la priorité !
Quand les actionnaires utilisent la défiscalisation pour améliorer leurs revenus, ils imposent à l’État une nouvelle charge : celle du crédit d’impôt relatif aux revenus de capitaux mobiliers !
En lieu et place de la double imposition, nous avons donc la défiscalisation à double effet !
En tout état de cause, il ne nous semble pas que ce soit à l’État, par abandon de recettes fiscales, de prendre en charge la rentabilité des entreprises.
D’autres solutions, passant notamment par un relâchement des contraintes d’attribution de crédits bancaires, méritent d’être explorées, plutôt que de mettre à contribution un budget général mal en point et de solliciter des collectivités locales déjà sur le fil du rasoir.
M. le président. L'amendement n° 340, présenté par MM. S. Larcher, Lise, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, après les mots :
La Réunion
insérer les mots :
ainsi que des entreprises soumises aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant pour l'État de l'extension du dispositif des zones franches d'activités outre-mer aux entreprises soumises au régime des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Dans l’exposé des motifs du projet de loi; il est précisé que la zone franche tend à « permettre une large exonération fiscale des entreprises visant à accroître leur rentabilité ». Or l’article 1er ne vise qu’un dispositif d’exonération d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu.
L’impôt sur les sociétés frappe l’ensemble des bénéfices ou revenus réalisés par les sociétés, notamment les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées et les SARL.
Les bénéfices industriels et commerciaux sont les bénéfices provenant d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale lorsque cette activité est exercée par une personne physique ou par une société relevant de l’impôt sur le revenu.
Ainsi, à la lecture du projet de loi, on observe que certaines entreprises et certaines activités ont été oubliées du dispositif d’exonération d’impôt, notamment celles qui sont soumises aux bénéfices non commerciaux, les professions libérales, celles qui sont soumises aux bénéfices agricoles, les exploitations agricoles.
Pour le bon développement économique de l’outre-mer, la loi doit s’appliquer à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, et notre amendement va dans ce sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les entreprises soumises aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles sont éligibles aux zones franches d’activités. Il nous semble que cela est déjà prévu dans le texte, mais nous souhaiterions entendre l’avis du Gouvernement avant de nous prononcer.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable parce que, contrairement à ce qui a été indiqué, les bénéfices agricoles sont éligibles.
S’agissant des bénéfices non commerciaux, le Gouvernement, soucieux de favoriser le développement des entreprises, vous propose de rendre éligibles à l’abattement les activités d’accompagnement des entreprises telles que les activités de comptabilité, de conseil aux entreprises, d’ingénierie ou d’études techniques à destination des entreprises. En revanche, il n’est pas envisagé de rendre éligible l’ensemble des activités non commerciales lorsqu’elles ne s’inscrivent pas dans cette logique de soutien aux entreprises.
M. le président. Quel est, maintenant, l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. La commission suit l’avis du Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 161, présenté par MM. Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans le troisième alinéa (2°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, après les mots :
199 undecies B
insérer les mots :
ou à l'un des secteurs éligibles à l'exonération du paiement des cotisations à leur charge au titre de la législation de sécurité sociale prévue à l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale.
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
1. La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales de l'extension des secteurs bénéficiaires du régime de zones franches en Guyane est compensée à due concurrence par la majoration des dotations de l'État.
2. La perte de recettes résultant pour l'État du 1. ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Il s’agit de reprendre une proposition déjà faite à plusieurs reprises, qui consiste à retenir comme champ du bénéfice des zones franches d’activités, non pas seulement celui des entreprises éligibles à la défiscalisation, mais aussi celui des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale. Cette mesure permettrait notamment d’inclure dans le champ des ZFA le petit commerce de moins de onze salariés, singulièrement dans les îles du sud.
M. le président. L'amendement n° 337, présenté par M. Guené, est ainsi libellé :
I. - Dans le troisième alinéa (2°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, après le mot :
conseil
insérer les mots :
ou assistance juridique
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant pour l'État de l'extension aux activités d'assistance juridique aux entreprises du bénéfice de l'abattement prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 251, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
I. - Dans le 2° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, après le mot :
entreprises,
insérer les mots :
ou professions libérales à caractère juridique
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant pour l'État de l'extension aux professions libérales à caractère juridique du dispositif des zones franches d'activités outre-mer sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Cet amendement vise à reconnaître que certaines professions libérales – je pense notamment aux avocats – jouent un rôle de conseil aux entreprises. Je ne vois pas pourquoi elles seraient exclues du bénéfice de la loi, d’autant que, dans les départements d’outre-mer, leurs interventions sont extrêmement limitées.
M. le président. L'amendement n° 162, présenté par MM. Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise, Gillot, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter le 2° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 44 quaterdecies du code général des impôts par les mots et six alinéas ainsi rédigés :
ou correspond dans le département de la Guyane aux activités suivantes :
« - les services à l'entreprise et à la personne, à l'exclusion des professions libérales, des activités immobilières, de banque, de financement, d'assurance ;
« - les commerces, pour les entreprises employant moins de 10 salariés ;
« - les entreprises de navigation de croisière et du transport touristique maritime et fluvial ;
« - les entreprises du secteur soignant de la santé, secteur marchand (ambulances terrestres et aériennes, cliniques) et professions libérales ;
« - dans les zones rurales : outre les entreprises mentionnées ci-dessus, les entreprises de restauration (dont les entreprises non classées), de réparation automobile (pour les entreprises de moins de 10 salariés) et des activités postales relevant du secteur privé ;
« - les groupements répondant à la définition communautaire des petites et moyennes entreprises et concourant au développement économique des filières éligibles au régime applicable aux zones franches d'activités.
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
1. La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales de l'extension des secteurs bénéficiaires du régime de zones franches en Guyane est compensée à due concurrence par la majoration des dotations de l'État.
2. La perte de recettes résultant pour l'État du 1. ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Cet amendement vise à ajouter aux secteurs d'activité économique éligibles au régime applicable aux zones franches d'activités outre-mer des secteurs qui, en Guyane, méritent d’être particulièrement pris en considération.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
I. - Compléter le troisième alinéa (2°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 44 quaterdecies du code général des impôts par les mots :
, tourisme et services au tourisme
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant pour l'État de l'extension aux activités de tourisme et de services au tourisme du bénéfice de l'abattement prévu dans les zones franches d'activité sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Si nous voulons développer l’artisanat dans nos départements, plutôt que d’inviter les touristes à acheter des produits provenant de Taïwan ou même des autres pays de la Caraïbe, il faut les inciter à acheter dans les magasins qui commercialisent des produits locaux.
M. le président. L'amendement n° 236, présenté par Mme Hoarau, est ainsi libellé :
I. - Compléter le 2° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 44 quaterdecies du code général des impôts par les mots :
petit commerce et services de proximité ainsi que services à la personne
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant pour l’État de l'extension aux activités de petit commerce, services de proximité et services à la personne de l'abattement prévu aux II et III de cet article sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Dans des territoires toujours frappés par un taux de chômage élevé, il est indispensable que le tissu économique soit le plus dynamique possible.
À la Réunion, le secteur du petit commerce représente chaque année près de 2 000 créations d’entreprises. Dans le même temps, ce sont près de 1 600 radiations qui sont enregistrées, entraînant inévitablement des suppressions d’emplois. Cette réalité nous a conduits à proposer dès le début des débats l’intégration du petit commerce comme secteur éligible à la zone franche d’activités.
La nécessité de cette intégration est aujourd’hui renforcée par la situation conjoncturelle dans laquelle se trouve le département de la Réunion. À la crise de l’investissement s’ajoute désormais une crise de la consommation. Le dernier bulletin publié par IPSOS au cours du quatrième trimestre 2008 indique que 20 % à 25 % des Réunionnais envisagent de réduire leurs dépenses. Dans ce contexte, les opérateurs issus du petit commerce seront bien évidemment les premiers fragilisés.
Par ailleurs, à la Réunion, les services à la personne connaissent une véritable dynamique. En 2008, l’île comptabilisait déjà trente-neuf structures agréées, dont les trois quarts étaient des entreprises privées, soit un développement faramineux en seulement deux ans. Leur intégration à la zone franche globale d’activités est souhaitée.
M. le président. L'amendement n° 376, présenté par M. Marsin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Compléter le 2° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 44 quaterdecies du code général des impôts par la phrase :
Dans les îles des Saintes, à Marie-Galante et à la Désirade, l'activité principale de l'exploitation relève de tous les secteurs d'activité, à l'exclusion des entreprises publiques et établissements publics mentionnés à l'article L. 2233-1 du code du travail et des secteurs d'activité suivants : banque, finance, assurance et activités immobilières ;
II. Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - La perte de recettes pour l'État résultant de l'extension du champ des entreprises des îles du Sud de la Guadeloupe éligibles à la zone franche d'activité est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
... - 1. Les pertes de recettes résultant pour les collectivités territoriales de l'extension du champ des entreprises des îles du sud de la Guadeloupe éligibles aux exonérations en matière de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties sont compensées à due concurrence par un relèvement de la dotation globale de fonctionnement.
2. La perte de recettes résultant pour l'État du 1 ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis.
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à élargir le champ des secteurs éligibles aux zones franches d’activités dans les îles du sud de la Guadeloupe – les Saintes, Marie-Galante, la Désirade –, qui connaissent une situation particulièrement difficile, notamment du fait de leur situation de double, voire de triple insularité.
Quelques chiffres sont, à cet égard, révélateurs.
En trente ans, la population de ces îles a fondu de moitié. Les différentes activités économiques qui y existaient ont disparu. On ne compte plus que trois distilleries de rhum, contre seize il y a trente ans, et une seule sucrerie, au lieu de quinze. Le revenu mensuel est évalué à 230 euros.
La situation spécifique de ces îles du sud est aujourd’hui reconnue pour la première fois par un texte de loi et on ne peut que s’en réjouir. En effet, le présent projet de loi prévoit que ces îles bénéficieront, comme la Guyane, du taux bonifié d’exonération de 80 % dans le cadre des zones franches d’activités.
Cependant, le champ de l’éligibilité au dispositif des zones franches est limité au champ d’éligibilité à la défiscalisation. C’est ainsi qu’en est exclu le secteur du commerce de proximité, actuellement le principal secteur d’activité dans les îles du sud.
On peut d’ailleurs noter que, dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil économique et social avait appelé de ses vœux l’intégration du commerce de proximité, sous certaines conditions, dans le champ d’éligibilité des zones franches d’activités.
Afin de rendre le dispositif des zones franches réellement efficace dans les îles du sud et, par conséquent, de sauver ce qui reste d’activités dans ces îles qui connaissent une situation particulièrement difficile, cet amendement vise à élargir le champ de l’éligibilité à tous les secteurs d’activité, à l’exclusion des activités de banque, de finance et d’assurance et des activités immobilières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. L’amendement n° 161 vise à étendre le dispositif des zones franches d’activités à l’ensemble des entreprises de moins de onze salariés.
Cette extension n’apparaît pas pertinente, l’objectif des ZFA étant de favoriser un développement endogène de l’outre-mer et non d’aider l’ensemble des PME d’outre-mer. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 251 vise à inclure les professions libérales à caractère juridique dans le dispositif des zones franches d’activités. La commission estime que ces activités sont déjà couvertes par le dispositif prévu. Si le Gouvernement confirme cette position, je vous demanderai, madame Michaux-Chevry, de bien vouloir retirer votre amendement.
L’amendement n° 162 prévoit d’inclure, pour ce qui concerne la Guyane, un ensemble très large d’activités dans le dispositif des ZFA prévu à l’article 1er. Comme je l’ai déjà souligné, ce dispositif a vocation à soutenir le développement économique endogène de l’outre-mer, et non à s’appliquer à l’ensemble des activités économiques.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 26 tend à inclure le tourisme et les services au tourisme dans la liste des secteurs éligibles aux zones franches d’activités. La loi prévoit déjà que le dispositif des ZFA s’appliquera aux activités touristiques et aux activités de loisirs. Toutefois, nous souhaitons que le Gouvernement nous éclaire sur ce point.
L’amendement n° 236 vise à inclure dans le dispositif des ZFA le petit commerce, les services de proximité et les services à la personne. La commission a émis un avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
Enfin, pour ce qui concerne l’amendement n° 376, il ne semble pas que la situation des collectivités visées justifie un dispositif dérogatoire, sachant qu’elles bénéficient déjà du dispositif préférentiel d’abattement dans le cadre des ZFA. Toutefois, nous aimerions également connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Concernant l’amendement n° 161, je ne puis que vous répéter, monsieur Gillot, que les entreprises de moins de onze salariés et les entreprises commerciales bénéficient déjà d’une suppression des charges sociales allant jusqu’à 1,4 SMIC, ce qui représente une aide importante.
Par ailleurs, le Gouvernement propose de réintroduire, par voie d’amendement, dans le texte adopté par la commission, la dégressivité, qui représente 75 millions d’euros au bénéfice de ces entreprises.
S’ajoute à ces deux mesures l’enveloppe du FISAC, le Fonds d’intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, consacré à l’outre-mer, pour un montant de 8 millions d’euros. En effet, souvent, les entreprises commerciales n’attendent pas tant une aide pour elles-mêmes que l’amélioration de leur environnement : par exemple, l’aménagement d’une rue ou d’un parking.
En outre, le Gouvernement examine actuellement la possibilité de consentir aux entreprises commerciales des prêts à taux zéro d’un montant allant de 20 000 euros à 40 000 euros, pour leur permettre de refaire leur vitrine ou de changer un équipement, par exemple.
Toutes ces mesures devraient apporter un « plus » aux entreprises commerciales et satisfaire leurs demandes. Dans ces conditions, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 161, l’objectif de ses auteurs lui paraissant atteint.
Concernant l’amendement n° 251, je rappelle que le texte garantit le bénéfice de l’exonération à toutes les personnes exerçant une activité de conseil en gestion auprès des entreprises. Le conseil que l’avocat prodigue aux entreprises entre donc parfaitement dans le champ des exonérations prévues.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande, madame Michaux-Chevry, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 251 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. L’amendement n° 162 vise à inclure, en Guyane, certains secteurs d’activité économique dans le dispositif des ZFA. La réponse que j’ai faite tout à l'heure à M. Gillot vaut aussi pour M. Patient. Toutefois, le secteur de la santé n’est pas éligible aux ZFA.
Les difficultés rencontrées outre-mer, notamment en Guyane, dans le domaine de la santé méritent sans doute d’être prises en compte dans le texte qui, présenté par Mme Bachelot-Narquin, est spécifiquement consacré à ce sujet et qui sera prochainement discuté au Sénat. Vous pourriez, monsieur Patient, saisir cette occasion pour plaider la cause que vous avez défendue en présentant votre amendement. Pour l’heure, je ne suis pas certain que les zones franches d’activités soient les plus à même de soutenir le secteur de la santé.
Concernant le petit commerce, je le confirme, sont éligibles aux ZFA les services fournis aux entreprises, tels la gestion comptable, le conditionnement, le nettoyage ou encore la maintenance. Il n’y a aucune ambiguïté sur ce point dans le texte qui vous est présenté. Il en est de même des services à la personne, du transport fluvial ou des groupements économiques d’entreprise.
Par ailleurs, vous le savez, un effort important est consenti pour l’ensemble du secteur touristique. Le Gouvernement est d’accord pour inclure les activités de loisirs, ce qui doit vous donner satisfaction, madame Michaux-Chevry.
En conséquence, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer l’amendement n° 26.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je le retire, monsieur le président.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. J’ai déjà répondu tout à l'heure sur le problème soulevé par l’amendement n° 236 en évoquant les allégements de charges prévus, la dégressivité, l’aide du FISAC outre-mer et les prêts à taux zéro.
Enfin, concernant l’amendement n° 376, j’indique à M. Marsin que le Gouvernement porte une attention toute particulière aux îles du sud. Je rejoins son combat et je lui propose que nous réfléchissions ensemble, lors d’un déplacement que j’effectuerai très prochainement, à un plan spécifique en faveur du commerce des îles du sud, qui viendrait compléter l’action du FISAC. Vu le faible nombre de commerçants, les mesures de soutien doivent être vraiment ciblées.
Sous le bénéfice de ces observations, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 376 est-il maintenu ?
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 376 est retiré.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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Dépôt de propositions de loi
M. le président. J’ai reçu de Mme Nicole Bricq, MM. François Marc, Jean-Pierre Bel, Bernard Angels, Alain Fauconnier, François Patriat, Daniel Raoul, Mme Michèle André, MM. Bertrand Auban, Jean-Pierre Demerliat, Jean-Claude Frécon, Claude Haut, Edmond Hervé, Yves Krattinger, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, François Rebsamen, Michel Sergent, Jean-Marc Todeschini, Yannick Bodin, Michel Boutant, Yannick Botrel, Mmes Claire-Lise Campion, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Jean-Luc Fichet, Bernard Frimat, Mme Samia Ghali, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Mme Bariza Khiari, M. Serge Lagauche, Mme Raymonde Le Texier, M. Bernard Piras, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, MM. Jean-Pierre Sueur, Michel Teston, Richard Yung, Jean Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, une proposition de loi visant à encadrer le crédit à la consommation et à instaurer un crédit social en faveur des ménages modestes.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 255, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Bruno Gilles une proposition de loi relative à l’attribution des logements sociaux, tendant à modifier l’article L. 441 du code de la construction et de l’habitation.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 256, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Adrien Gouteyron une proposition de loi pour le renouveau de la culture française à l’étranger et la francophonie.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 257, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
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Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Action commune du Conseil portant nomination du représentant spécial de l’Union européenne en Bosnie et Herzégovine -5118/09-.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4329 et distribué.
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Dépôt d'un rapport
M. le président. J’ai reçu un rapport déposé par M. Jean-Claude Etienne, Premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’évaluation de l’application de l’article 19 de la loi de programme pour la recherche (compte rendu de l’audition publique du 16 décembre 2008), établi par M. Claude Birraux, député, M. Jean-Claude Etienne, sénateur, et Mme Geneviève Fioraso, députée, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 254 et distribué.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 11 mars 2009, à quinze heures et le soir :
1. Désignation des 36 membres de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes.
2. Projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (Urgence déclarée) (n° 496, 2007 2008).
Rapport de MM. Marc Massion et Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (n° 232, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 233, 2008-2009).
Avis de M. Jean-Paul Virapoullé, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 240, 2008-2009).
Avis de M. Daniel Marsin, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 243, 2008-2009).
Avis de Mme Anne-Marie Payet, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 244, 2008 2009).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 11 mars 2009, à zéro heure trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD