3. Principes d'imposition des revenus transfrontaliers
Il
existe traditionnellement deux grands principes d'imposition internationale du
bénéfice : le principe de la source (ou de territorialité)
et le principe de la résidence (ou bénéfice mondial). Le
premier suppose qu'un pays impose tous les revenus engendrés sur son
territoire, qu'ils aient été réalisés par des
résidents ou des non-résidents. Pour le second, le pays doit
imposer tous les revenus perçus par les résidents nationaux,
qu'ils aient été réalisés sur le territoire
national ou à l'étranger. L'application stricte de l'un ou
l'autre de ces principes évite les problèmes de double
imposition, mais engendre deux types d'inefficacités économiques
lorsque les systèmes nationaux diffèrent : l'absence de
neutralité à l'exportation de capitaux (NEC) et de
neutralité à l'importation de capitaux (NIC). Le respect de la
NEC signifie qu'une entreprise, dont le siège social est dans son pays
d'origine, ne voit pas son choix d'implanter une filiale dans un autre pays
influencé par l'impôt. Autrement dit, l'investisseur doit faire
face au même taux effectif d'imposition quelle que soit la localisation
de l'investissement. La NIC requiert que les producteurs qui vendent sur le
même marché supportent le même taux d'imposition. Pour
réaliser la NEC, il faut imposer les entreprises selon le principe de
résidence. Dans ces conditions, une société
française doit être soumise au régime fiscal
français, quel que soit le pays où elle investit. Toutefois, les
entreprises installées en France et contrôlées par une
société située à l'étranger ne sont pas
imposées de la même façon que les entreprises
françaises et la NIC n'est donc plus respectée. En revanche, la
NIC est respectée si le principe de la source est appliqué. Les
entreprises qui investissent en France supportent alors le même taux
d'imposition quel que soit leur pays d'origine. Dans ce cas, c'est la NEC qui
est en défaut.
Les systèmes en vigueur dans les Etats de l'Union européenne sont
un mélange du principe de la source et du principe de résidence.
En effet, à l'exception de la France qui applique le principe de la
source, la plupart des pays appliquent le principe de résidence, mais se
réservent aussi le droit d'imposer les entreprises non
résidentes. Plus précisément, pour une
société transnationale le prélèvement peut
opérer à quatre niveaux. Les bénéfices sont tout
d'abord imposés au titre de l'impôt sur les sociétés
au niveau de la filiale dans le pays où ils sont réalisés.
Ils font ensuite l'objet d'un prélèvement à la source
(éventuellement récupérable) dans le pays d'origine quand
ils sont distribués à la société-mère.
Enfin, ces bénéfices peuvent être imposés à
l'impôt sur les sociétés dans le pays de résidence
de la société-mère et in fine à l'impôt sur
le revenu au niveau de l'actionnaire final. D'une façon
générale, les bénéfices sont toujours
imposés à l'IS dans le pays dans lequel ils sont
réalisés, que les sociétés soient résidentes
ou non . En revanche l'application d'une retenue à la source sur le
rapatriement des revenus n'est pas systématique. Elle dépend de
la nature du revenu rapatrié (dividendes, versements
d'intérêts, royalties) et du statut juridique de l'entreprise.
Sous certaines conditions, la directive mère-filiale du 23 Juillet 1990,
entrée en vigueur le 1er janvier 1992, prévoit la suppression de
toute retenue à la source sur les dividendes qu'une filiale distribue
à sa société-mère dans un autre Etat membre .
Toutefois, si ces conditions ne sont pas respectées, les pays appliquent
une retenue à la source sur les dividendes dont le taux est
généralement fixé par une convention bilatérale ou
à défaut par l'application du droit interne. La directive
mère-filiale ne s'applique pas, en revanche, aux transferts
d'intérêts et aux royalties entre les sociétés d'un
même groupe. Les pays de l'Union européenne imposent les
intérêts reçus des filiales et accordent un crédit
d'impôt lorsque ces intérêts ont déjà subi un
prélèvement à la source. Dans la plupart des cas, ces
prélèvements sont nuls. Toutefois, la Belgique, l'Italie et le
Portugal prélèvent quasiment systématiquement une retenue
à la source sur les versements d'intérêts. Il existe une
retenue à la source en France pour des destinations telles que le
Luxembourg, la Belgique ou encore le Portugal. Enfin, certains pays comme le
Portugal n'ont pas conclu de conventions fiscales bilatérales avec tous
les Etats membres . Dans ce cas, le droit interne s'applique et toute retenue
à la source est alors définitive.
La directive mère-filiale a en outre comme objectif d'éviter la
double imposition des bénéfices réalisés par une
filiale qui est résidente d'un autre Etat. Deux méthodes sont
utilisées par le pays de résidence pour alléger la double
imposition des bénéfices de source étrangère :
l'exemption et l'imputation (voir encadré 1) Cette dernière, si
elle prend en pratique des formes très diverses, correspond dans son
principe à un crédit d'impôt accordé au titre des
bénéfices imposés dans le pays source. La plupart des pays
utilisent le système de l'exonération , le crédit
d'impôt étant utilisé par l'Irlande et le Royaume-Uni. Le
régime fiscal des dividendes reçus d'une filiale dont
l'activité est située dans le même pays que la
société-mère peut différer du régime
appliqué aux filiales étrangères. Ainsi, l'Allemagne,
l'Espagne, la Finlande et l'Italie appliquent un système d'imputation
à leur filiale résidente. La Belgique et le Portugal appliquent
l'exonération à 95%. Les autres pays pratiquent
l'exonération.
Les systèmes du crédit d'impôt et de l'exonération
Le
système du crédit d'impôt consiste, pour un Etat qui taxe
les entreprises selon le principe de résidence (bénéfice
mondial), à accorder à une société résidente
un crédit d'impôt correspondant aux impôts payés sur
ses bénéfices réalisés à l'étranger.
Exemple : Soit une société américaine dont le
bénéfice réalisé à l'étranger est
égal à 100 $. Le taux d'impôt sur le bénéfice
des sociétés est supposé égal à 35 % aux
Etats-Unis et à 15 % dans le pays étranger. Dans ces conditions,
cette société paiera 15 $ d'impôts au pays étranger
et 20 $ (35 $ - 15 $) au Trésor américain. En effet,
l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable aux
Etats-Unis (35 $ = 100*35 %) est réduit à 20 % grâce au
crédit d'impôt de 15 $.
Il peut cependant arriver que le profit de la filiale ne soit imposé
dans le pays de résidence de la société-mère que
lorsqu'il est rapatrié par la société-mère.
Exemple : Soit une société américaine dont une des
filiales située à l'étranger réalise un
bénéfice égal à 500 $. Si le taux d'impôt sur
le bénéfice des sociétés est de 10 %, cette filiale
paie 50 $ d'impôt. Supposons que cette filiale verse pour 100 $ de
dividendes à sa société-mère, elle peut par
conséquent utiliser le reste (soit 350 $) pour développer ses
activités. Dans ce cas, la société-mère va payer
des impôts au Trésor américain sur les 100 $ de dividendes
(et bénéficier par conséquent d'un crédit
d'impôt correspondant à l'impôt payé par la filiale
au pays étranger sur les 100 $). La société-mère ne
paiera aucun impôt sur les 350 $ restant tant qu'ils n'auront pas
été rapatriés aux Etats-Unis.
Enfin, dans la plupart des pays, le crédit d'impôt ne peut pas
être utilisé par la société-mère pour
réduire la charge fiscale dont elle est redevable sur les profits
réalisés dans le pays de résidence. Autrement dit, le
crédit d'impôt correspondant aux impôts payés
à l'étranger par une filiale ne peut excéder le montant
d'impôt correspondant à ce que prélève le pays
résidence.
Exemple : Une société-mère résidant aux Etats-Unis
dont le bénéfice réalisé à l'étranger
est égal à 200 $ pourra prétendre à un
crédit d'impôt au plus égal à 70 $ (35 %*200 $).
Crédit d'impôt ou exemption ?
Le système de l'exemption suppose que l'entreprise supporte le taux
d'imposition du pays de la source. Ce système est plus avantageux que le
système du crédit d'impôt si le taux d'imposition dans le
pays de résidence est plus élevé. Si le taux est
inférieur les deux systèmes sont équivalents.