2. La poste du roi Louis XI
Louis XI institue dans le royaume, et tout d'abord sur les
routes militaires de Bourgogne, de Picardie et de Guyenne, un service de relais
assurant la fourniture de chevaux, seul moyen de transport rapide à
l'époque. C'est le premier réseau de poste français. Il
est, à en croire les mémorialistes, inspiré par
l'idée que l'existence d'un système centralisé de poste
royale ne peut que renforcer le pouvoir monarchique.
Les chevaucheurs de l'écurie royale utilisent ces relais dits de la
poste aux chevaux pour échanger leur monture fourbue contre un cheval
frais
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)
et assurer ainsi le
transport à vive allure de la correspondance officielle du souverain. Il
s'agit, pour reprendre les termes de l'époque, de "
faire savoir
diligemment nouvelles au roi
".
Les maîtres de poste qui dirigent les relais bénéficient,
outre un traitement fixe, de diverses exemptions fiscales. Au fil du temps, le
pouvoir royal leur accorde d'autres exemptions pour compenser les charges de
service qu'il leur impose, si bien que le système de
rémunération des services des maîtres de Poste finit par
être assez compliqué.
A côté de la poste royale, la poste de l'université
subsiste également, disposant de routes postales propres. Le double
monopole ainsi organisé ne s'applique pas seulement au trafic du
courrier. Les messageries royales et universitaires jouissent également
de privilèges sur :
- le transport des paquets d'un poids inférieur à 50 livres ;
- l'acheminement des papiers relatifs aux procès civils et
criminels ;
- la création de bureaux destinés à recevoir les
marchandises transportées ;
- le transport rapide des personnes ;
Dans l'ensemble, cette organisation postale ne connaît que peu de
réformes avant le début du XVIIe siècle.
3. La Poste, " poule aux oeufs d'or " des finances publiques : l'amorce d'une constante séculaire
C'est sous Henri IV qu'on confère au contrôleur
général des postes le droit d'autoriser la création de
nouveaux relais, ce qui lui permet d'accroître progressivement le rayon
d'action des relais royaux, au détriment des messagers de
l'université, en ouvrant de nouvelles routes postales entre les villes
du royaume.
Le processus d'extension du réseau royal qui contribuera puissamment
à la lente érosion des privilèges des messagers des
universités et des communes est lancé. Son développement
progressif permet à ses exploitants de dégager des
bénéfices considérables qui, sous l'Ancien régime,
sont largement et systématiquement utilisés par les rois de
France pour alimenter les finances de l'Etat.
La création d'une succession d'offices achetés par leurs
titulaires et dont le produit de la vente est affecté au Trésor
royal date d'Henri III. Par la suite, les revenus de ces opérations ne
feront que croître. En 1672, la ferme générale des Postes
est vendue pour quatre ans au prix de deux millions de livres.
Ultérieurement, un nouveau bail de six ans est passé pour
plus de sept millions de livres, preuve que l'activité de la ferme
des Postes reste plus que rentable : fort lucrative.
Le système de bail est maintenu jusqu'à la Révolution. Il
recouvre, d'une part, la concession de relais de poste (poste aux chevaux) ;
d'autre part, la concession du transport du courrier (poste aux lettres) ;
enfin, celle du transport des plis volumineux et des colis (messagerie).
Tantôt est souscrit un seul bail englobant la concession du réseau
(les relais de poste) et les deux services ; tantôt les concessions sont
partagées entre plusieurs attributaires. Cependant, quelle que soit la
formule juridique retenue, pendant toute cette période, les fermiers
généraux des postes constituent d'énormes fortunes. Ils
sont même amenés à verser les échéances de la
ferme, par anticipation, afin de faire face aux besoins du Trésor.
A la fin de l'Ancien régime, le service de la poste a permis à la
compagnie qui se porte caution du titulaire du bail de la poste aux lettres de
réaliser des profits immenses. Ceux-ci sont si considérables que
sous la Révolution, pour se concilier l'opinion populaire, le fermier de
la poste renonce aux trois-quarts de ses revenus annuels en faveur de l'Etat.
Au XIXe siècle, devenue administration d'Etat, la poste demeure
fidèle à cette tradition rémunératrice. De ce point
de vue, aucune discontinuité n'est à relever entre l'Ancien
régime et la République. Le budget de l'Etat va notamment tirer
un grand profit de la vente du timbre, si l'on excepte une brève
période consécutive à son instauration
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*
)
. L'individualisation des comptes de
l'administration postale, en 1923, confirmera de manière ostensible
cette " vertu originelle ".
En bref, quelles qu'aient été ses conditions d'exploitation,
la poste a toujours été une activité largement
bénéficiaire jusqu'à une époque récente
(1992) et a contribué tout au long de notre histoire à
l'équilibre des finances publiques.
Peut-être peut-on voir dans cette constante lucrative l'effet du double
monopole dont la poste régalienne a longtemps
bénéficié !
En effet, son monopole juridique -dont la rigueur est d'ailleurs, nous l'avons
vu, toute relative avant la fin du XVIIe siècle- s'est jusqu'au milieu
du siècle dernier toujours appuyé sur l'exploitation d'une
technique à caractère monopolistique : le transport physique de
messages écrits par un réseau de relais humains assurant une
fiabilité satisfaisante d'acheminement à bon port.
Pendant la plus grande partie de l'histoire des civilisations, le souvenir s'en
efface peu à peu aujourd'hui, cette technique a été le
seul moyen de communication à distance que connaissait
l'humanité. Depuis, il est vrai, les choses ont bien changé. Le
télégraphe, le téléphone, la radio, la
télévision, le fax, et maintenant Internet, ont réduit
à néant cette
exclusivité originelle.
Cependant, il convient de ne pas l'oublier car
elle est sans doute un
facteur de compréhension du véritable ébranlement culturel
que l'avènement de la société de l'information constitue
pour les postes du monde entier
.