AVIS DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT
sur le projet de décret d'avance notifié le 6 mai 2021,
portant ouverture et annulation de 7,2 milliards d'euros
en autorisations d'engagement et en crédits de paiement
La commission des finances,
Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ;
Vu le projet de décret d'avance notifié le 6 mai 2021, portant ouverture et annulation de 7,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics au questionnaire du rapporteur général ;
Sur la régularité du projet de décret d'avance :
1. Constate que les ouvertures de crédits ont pour objet de permettre la poursuite du versement d'aides aux entreprises dans le cadre du programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire », à hauteur de 6,7 milliards d'euros, et d'aides aux actifs et employeurs dans le cadre du programme 356 « Prise en charge du chômage partiel et financement des aides d'urgence aux employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire », pour 500 millions d'euros, deux dispositifs mis en place à partir de mars 2020 en réponse aux conséquences économiques de la crise sanitaire ;
2. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret sont gagées par des annulations de même montant portant sur le programme consacré au renforcement des participations financières de l'État, lui aussi mis en place dans le cadre des mesures d'urgence ;
3. Note que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret, ainsi que les annulations de crédit, sont égales à 0,995 % des crédits de paiement ouverts par la loi de finances de l'année ; qu'elles n'excèdent donc pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ;
4. Estime que l'urgence à ouvrir les crédits est avérée, aussi bien pour le financement de l'activité partielle et des autres dispositifs relevant du programme 356 que pour le fonds de solidarité pour les entreprises, en raison de la prolongation de la crise sanitaire et des conséquences pour l'activité économique des restrictions qui ont été mises en place depuis le mois de janvier ;
5. Constate que les conditions de régularité du recours au décret d'avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 précitée sont donc réunies ;
Sur les ouvertures prévues par le projet de décret d'avance :
6. Relève que l'ampleur exceptionnelle des ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret d'avance est inédite et atteint, à 35 millions d'euros près, la limite du montant autorisé par la loi organique relative aux lois de finances ;
7. Note que le Gouvernement se prive ainsi de toute possibilité, en cas de nouveaux besoins urgents en cours d'année, d'y répondre en prenant un nouveau décret d'avance, sauf cas de nécessité impérieuse d'intérêt national prévue par le dernier alinéa de l'article 13 de la loi organique ;
8. Constate que le faible niveau des crédits actuellement disponibles sur le programme 356, qui rend nécessaire l'ouverture de crédits supplémentaires, ne résulte pas directement des besoins nouveaux liés à la crise sanitaire et à l'application de mesures restrictives de circulation et d'activité, mais de l'annulation de crédits réalisée par le Gouvernement sur le même programme par un arrêté pris le 18 mars dernier ;
9. Estime que l'arrêté précité du 18 mars témoigne d'une surprenante imprévision du Gouvernement en matière budgétaire ;
10. S'interroge aussi sur la conformité de cet arrêté au regard du principe de spécialité budgétaire, en ce qu'il a reporté des crédits non consommés en 2020 depuis les programmes budgétaires relatifs, d'une part, au financement de l'activité partielle et, d'autre part, aux compensations des exonérations de cotisations, vers le programme budgétaire relatif au fonds de solidarité, alors que ces programmes ne poursuivent pas le même objectif, sauf à considérer que tous relèvent de mesures de soutien aux entreprises ;
11. Considère que le recours au décret d'avance pour ouvrir des crédits pour un montant aussi important devrait demeurer, comme le prévoit la loi organique relative aux lois de finances, une exception ;
12. Constate en outre que le présent projet de décret d'avance, bien que ses crédits ouverts atteignent quasiment les plafonds prévus par la loi organique relative aux lois de finances, ne suffira pas à satisfaire les besoins de crédits jusqu'à la fin de l'exercice, s'agissant notamment de la prolongation annoncée de certains dispositifs du plan d'urgence pour le reste de l'année 2021 et du soutien aux agriculteurs et viticulteurs touchés par un épisode de gel tardif ;
13. Regrette en conséquence que le Gouvernement n'ait pas présenté un projet de loi de finances rectificative plutôt qu'un projet de décret d'avance ;
Sur les annulations prévues par le projet de décret d'avance :
14. Constate que les crédits annulés ne portent pas sur des crédits ouverts en loi de finances initiale, mais sur des crédits non consommés de l'année 2020 relatifs au dispositif destiné à financer le renforcement des participations financières de l'État et qui avaient fait l'objet d'un report ;
15. Souligne que ce report de crédits, qui représentait 60 % des crédits initialement ouverts sur le programme budgétaire en 2020, a été réalisé par un arrêté pris avant même la promulgation de la loi de finances initiale pour 2021, qui en constituait pourtant le fondement juridique ;
16. Relève que les crédits concernés n'ont pas vocation à être utilisés prochainement et que les crédits disponibles sur ce dispositif seraient encore de 3,9 milliards d'euros, une fois prise en compte l'annulation prévue par le présent projet de décret ;
17. Déplore que finalement cette annulation, qui aurait dû être réalisée dès la quatrième loi de finances rectificative pour 2020, ne survienne à présent que pour compenser de nouvelles ouvertures de crédits ;
18. Émet, sous les réserves formulées précédemment, un avis favorable au présent projet de décret d'avance.