B. ... UN COÛT POTENTIEL SIGNIFICATIF POUR LES ÉTATS MEMBRES
Pour autant, un retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne pourrait avoir un coût budgétaire significatif pour les autres États membres . Il convient de relever que celui-ci ne devrait pas conduire à une répartition « mécanique » de la moindre contribution britannique au budget européen entre les différents États membres ; en effet, un « Brexit » éventuel aboutirait probablement à une nouvelle distribution de la charge représentée par le « rabais britannique », qui est actuellement partagée selon des modalités spécifiques. Aussi, dans ce cas, un pays comme la France constaterait-il une hausse de sa contribution au budget de l'Union du fait du report de la contribution britannique, mais verrait la charge supportée au titre du « rabais britannique » reculer .
Le calcul du « rabais britannique » Depuis 1984, le Royaume-Uni bénéficie d'un mécanisme de « correction », dont est susceptible de bénéficier tout État membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité. Le calcul du « rabais britannique » repose sur la différence constatée entre la part du Royaume-Uni dans les dépenses réparties, soit les dépenses engagées par l'Union sur le sol britannique, et sa part dans le total des paiements au titre des ressources TVA et RNB. Cette différence, exprimée en pourcentage, est multipliée par le total des dépenses réparties. Le déséquilibre ainsi obtenu est remboursé à hauteur des deux tiers au Royaume-Uni. La charge représentée par le « rabais britannique » est répartie entre les autres États membres au prorata de leur part dans le RNB total de l'Union. Pays fortement contributeurs nets, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède bénéficient toutefois, depuis 2002, d'un « rabais sur le rabais », et leur contribution réelle est réduite à 25 % du montant qu'ils devraient théoriquement acquitter. La charge de cette réduction est ensuite répartie entre les autres États membres au prorata de leur part dans le RNB de l'Union. Source : commission des finances du Sénat |
Par suite, selon les scénarii envisagés, certains États pourraient même ressortir « gagnants » d'un point de vue budgétaire d'une sortie du Royaume-Uni . Dans le scénario le plus défavorable, soit si le Royaume-Uni cessait toute contribution au budget de l'Union - ce qui serait envisageable à défaut d'une adhésion à l'Espace économique européen (EEE) et de la conclusion d'un accord bilatéral -, la contribution de l'Allemagne serait accrue de 2,8 milliards d'euros (+ 10,8 %), celle de la France de 1,2 milliard d'euros (+ 5,6 %) et celle de l'Italie d'environ 860 millions d'euros (+ 5,3 %) - si, à des fins illustratives, sont repris les montants moyens constatés entre 2010 et 2014 (cf. tableau ci-après).
Dans l'hypothèse où le Royaume-Uni concluait un accord bilatéral avec l'Union européenne et, à l'instar de la Suisse, contribuait au budget européen, le surcroît de contribution s'élèverait à 1,9 milliard d'euros pour l'Allemagne (+ 7,3 %), à un peu plus de 500 millions d'euros pour les Pays-Bas (+ 7,8 %), 490 millions d'euros pour la France (+ 2,3 %) et 350 millions d'euros pour l'Italie (+ 2,2 %) .
Tableau n°
16
:
Évolution des contributions au budget de l'Union européenne
des États membres en cas de
« Brexit »
(en millions d'euros)
Cadre OMC |
Accord bilatéral (Suisse) |
EEE (Norvège) |
|
Allemagne |
2 849,4 |
1 914,8 |
959,4 |
Variation |
+ 10,8 % |
+ 7,3 % |
+ 3,6 % |
France |
1 182,5 |
489,1 |
- 219,7 |
Variation |
+ 5,6 % |
+ 2,3 % |
- 1,0 % |
Italie |
860,4 |
352,2 |
- 167,3 |
Variation |
+ 5,3 % |
+ 2,2 % |
- 1,0 % |
Espagne |
585,4 |
240,8 |
- 111,4 |
Variation |
+ 5,4 % |
+ 2,2 % |
- 1,0 % |
Pays-Bas |
745,8 |
504,6 |
258,0 |
Variation |
+ 11,5 % |
+ 7,8 % |
+ 4,0 % |
Belgique |
336,1 |
172,5 |
5,2 |
Variation |
+ 6,6 % |
+ 3,4 % |
+ 0,1 % |
Suède |
418,9 |
281,1 |
140,2 |
Variation |
+ 11,1 % |
+ 7,5 % |
+ 3,7 % |
Pologne |
238,2 |
104,7 |
- 31,8 |
Variation |
+ 6,2 % |
+ 2,7 % |
- 0,8 % |
Autriche |
301,4 |
202,3 |
101,1 |
Variation |
+ 10,5 % |
+ 7,1 % |
+ 3,5 % |
Note de lecture : les États membres sont classés dans le présent tableau en fonction du niveau actuel de leur contribution au budget de l'Union européenne.
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)
Enfin, dans l'éventualité où le
Royaume-Uni rejoignait l'Espace économique européen (EEE) et
concourait au budget de l'Union dans les mêmes conditions que la
Norvège - soit de manière significative -,
la
contribution de l'Allemagne augmenterait de 960 millions d'euros
(+ 3,6 %) et celle des Pays-Bas de 260 millions d'euros
(+ 4,0 %)
. À l'inverse,
la contribution de la
France serait réduite d'environ 220 millions d'euros
(- 1,0 %), et celle de l'Italie de 170 millions d'euros
(- 1,0 %)
.
Très clairement, en cas de « Brexit », les perdants en termes de contribution au budget de l'Union européenne seraient les actuels bénéficiaires du « rabais sur le rabais britannique » , soit l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède.
Si les négociations budgétaires à l'issue d'une sortie du Royaume-Uni aboutissaient à un maintien des effets du « rabais sur le rabais », les gagnants connaîtraient une hausse substantiellement plus élevée de leur contribution , celles de la France et de l'Italie pouvant, dans le cas le plus défavorable, croître de respectivement 1,5 milliard d'euros (+ 7,4 %) et de 1,1 milliard d'euros (+ 7,0 %) environ, soit dans des proportions similaires à la contribution allemande, qui progresserait de 2,1 milliards d'euros (+ 7,9 %).
Par suite, les incidences sur le solde public de la France découlant d'une évolution de sa contribution au budget de l'Union à l'issue d'un éventuel « Brexit » pourraient être comprises entre - 0,05 et + 0,01 point de PIB . Celles-ci pourraient même atteindre - 0,07 point de PIB en l'absence d'une remise en cause du « rabais sur le rabais britannique ».
À cela viendraient s'ajouter les effets, sur les ressources fiscales, d'une décélération de la croissance , qu'une récente étude d'Euler Hermes 84 ( * ) a évaluée, pour la France, entre 0,2 et 0,4 point par an. Dans ces conditions, la perte de recettes pourrait être comprise entre 10 milliards (0,4 point de PIB) et 20 milliards d'euros (0,8 point de PIB) en 2020 , en comparaison à leur niveau prévisionnel en cas de maintien dans l'Union européenne du Royaume-Uni. Par suite, même si la France ressortait gagnante de la nouvelle répartition des contributions au budget de l'Union européenne, une dégradation de son déficit public serait à craindre en cas de « Brexit » , du fait des conséquences économiques de celui-ci.
* 84 Euler Hermes, « Brexit : Que doit craindre l'Europe ? », Economic Insight , 26 mai 2016.